NOTE DE SYNTHÈSE
En
France, la conduite d'un véhicule automobile sous l'emprise de
stupéfiants ne fait l'objet d'aucune interdiction explicite.
L'article 9 de la loi du 18 juin 1999 sur la sécurité
routière, dite loi Gayssot, soumet à un dépistage
systématique des stupéfiants tout conducteur automobile
impliqué dans un accident mortel. Le refus de se soumettre aux analyses
et autres examens est puni de deux ans d'emprisonnement et de
30 000 F d'amende. En revanche, aucune sanction n'est prévue
en cas de test positif.
Pour l'application de cet article, le décret du 27 août 2001,
entré en vigueur le 1
er
octobre 2001, met en place des
tests de dépistage suivis, le cas échéant, d'un examen
clinique, d'un prélèvement biologique urinaire ou sanguin, ainsi
que d'une recherche et d'un dosage de stupéfiants. Les
stupéfiants recherchés sont les opiacés, le cannabis, les
amphétamines et la cocaïne. Ce décret prévoit
également que les données recueillies à cette occasion
seront transmises à l'Observatoire français des drogues et des
toxicomanies durant les deux prochaines années. Le ministère de
la Santé a, en effet, chargé cet organisme de réaliser une
étude épidémiologique sur la conduite sous l'influence de
stupéfiants, qui devrait servir de base à l'élaboration de
nouvelles règles.
Malgré l'absence d'infraction spécifique, l'article L 3421-1
du nouveau code de la santé publique, qui prévoit que
«
l'usage illicite de l'une des substances ou plantes
classées comme stupéfiants est puni d'une peine d'emprisonnement
et de 25 000 F d'amende
»,
peut servir de
fondement aux poursuites dirigées contre un conducteur automobile sous
l'emprise de stupéfiants.
En revanche, l'article 223-1 du code pénal, relatif à mise en
danger de la vie d'autrui, qui incrimine
« le fait d'exposer
autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature
à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par
la violation manifestement délibérée d'une obligation
particulière de sécurité ou de prudence »
s'applique difficilement au cas des personnes qui conduisent sous l'emprise
de stupéfiants.
La présente étude examine les mesures prises par certains de nos
voisins pour empêcher la conduite sous l'emprise de stupéfiants.
Seules, les dispositions relatives à l'utilisation non professionnelle
des véhicules de tourisme ont été retenues.
Pour chacun des pays retenus,
l'Allemagne, la Belgique, le Danemark,
l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Suisse
, on a
analysé, d'une part, le dispositif répressif et, d'autre part,
les contrôles qui peuvent être pratiqués sur les
automobilistes.
L'examen des dispositions étrangères fait apparaître
que :
- la conduite sous l'emprise de stupéfiants constitue une
infraction spécifique dans tous les pays sous revue sauf en Suisse ;
- les différentes législations étudiées ainsi
que le projet de loi suisse prévoient des dispositifs de contrôle.
1) La conduite sous l'emprise de produits stupéfiants constitue une
infraction spécifique dans tous les pays sauf en Suisse
a) L'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Grande-Bretagne,
l'Italie et les Pays-Bas ont érigé la conduite sous l'emprise de
stupéfiants en infraction spécifique
Dans tous ces pays, la conduite sous l'emprise de stupéfiants constitue
une
infraction spécifique, distincte de la conduite en état
d'imprégnation alcoolique.
Alors qu'au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Italie et aux
Pays-Bas, tous les stupéfiants sont concernés par cette
interdiction,
les lois allemande et
belge énumèrent les
substances interdites
(cannabis, cocaïne, morphine,
héroïne, amphétamines, ainsi que les dérivés
amphétaminiques contenus dans l'ecstasy).
La loi belge est la seule à fixer des seuils
à partir
desquels la présence des substances interdites est
considérée comme significative. Dans tous les autres pays, ce
point est laissé à l'appréciation du juge ou de
l'administration, selon que la sanction est pénale ou administrative.
La conduite sous l'emprise de stupéfiants est sanctionnée de
façon similaire à
la conduite en état
d'imprégnation alcoolique
: les contrevenants sont passibles
d'une amende, voire d'une peine de prison ou des deux peines cumulées
dans les cas les plus graves. Seul, le code de la route italien prévoit
le cumul des deux peines en toute circonstance. En outre, d'autres sanctions
sont généralement appliquées : interdiction de
conduire pendant quelques mois (Allemagne, Espagne, Italie) ou retrait du
permis de conduire (Belgique, Danemark, Grande-Bretagne et Pays-Bas). Dans le
dernier cas, l'intéressé, pour pouvoir conduire à nouveau,
doit démontrer son aptitude à la conduite, voire solliciter un
nouveau permis.
Par ailleurs, la loi anglaise fait de l'homicide par imprudence commis par un
conducteur sous l'emprise de stupéfiants une infraction
spécifique.
b) La Suisse n'a pas défini de dispositif spécifique pour
sanctionner la conduite sous l'emprise de stupéfiants
Si la loi sur la circulation routière édicte seulement une
interdiction générale de conduire pour toutes les personnes qui
ne sont pas en mesure de le faire, quelle que
soit la
cause de
leur état, l'ordonnance prise pour son application interdit la conduite
à toutes les personnes qui se trouvent sous l'emprise de
stupéfiants. Toutefois, comme il n'existe aucune sanction
particulière de cette disposition, les juges appliquent les peines
(prison ou amende) prévues pour qui viole les règles de
circulation ou crée un danger pour autrui.
Le projet de révision de la loi fédérale sur la
circulation routière, actuellement en discussion au Parlement,
prévoit que l'interdiction de la
conduite sous l'emprise de
stupéfiants figure dans la loi
. Cette infraction serait passible
d'une peine de prison ou d'une amende. En outre, elle entraînerait un
retrait automatique du permis de conduire d'au moins trois mois.
2) Les différentes législations étudiées ainsi
que le projet de loi suisse prévoient des dispositifs de
contrôle
Pour vérifier l'existence de l'infraction que constitue la conduite sous
l'emprise de stupéfiants, il existe des dispositifs de contrôle.
Ils reposent non seulement sur des analyses biologiques, mais aussi sur des
procédures de suivi des conducteurs.
a) Les analyses biologiques
Toutes les législations prévoient des analyses biologiques, mais
elles ne s'effectuent pas partout dans les mêmes circonstances.
Ces contrôles peuvent être
inopinés
en Allemagne, en
Belgique et en Espagne. En revanche, au Danemark, en Grande-Bretagne et aux
Pays-Bas, il faut que la police ait des
soupçons
sur la
consommation de stupéfiants. En Italie, ils peuvent être
pratiqués, soit lorsque le conducteur présente des signes qui
laissent supposer qu'il est sous l'emprise de stupéfiants, soit
après un accident.
En Suisse, où les dispositions relatives aux tests biologiques figurent
actuellement seulement dans les codes de procédure cantonaux, le projet
de loi prévoit d'instituer un dispositif applicable dans tout le pays,
mais qui ne concernerait que les automobilistes soupçonnés de
conduire sous l'emprise de stupéfiants.
b) Le suivi des conducteurs
Dans tous les pays où le permis de conduire n'est délivré
que pour quelques années et où il doit être
périodiquement renouvelé (Espagne, Italie et Pays-Bas), la
toxicomanie constitue l'un des motifs qui empêchent le
renouvellement
du permis de
conduire
.
En Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas, la police peut, lorsqu'elle a des
doutes sur l'aptitude d'un conducteur, déclencher une procédure
de contrôle qui peut entraîner un
retrait
, provisoire ou
définitif, du permis de conduire.
En Grande-Bretagne, c'est le conducteur lui-même qui doit signaler toute
modification de son état de santé et donc, le cas
échéant, sa dépendance à l'égard des
stupéfiants. L'agence qui gère les permis de conduire peut alors
prendre une décision de retrait d'au moins six mois. À l'issue de
la période de retrait, l'intéressé doit prouver qu'il
remplit les conditions, notamment médicales, requises pour l'obtention
du permis. Le non-respect de l'obligation de déclaration constitue une
infraction.
En Suisse, d'après la loi fédérale sur les
stupéfiants, les services administratifs doivent dénoncer
auprès des autorités cantonales responsables de la
délivrance des permis de conduire les toxicomanes qui constituent un
danger potentiel pour la circulation routière. En pratique, cette
disposition n'est guère appliquée.
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Comparée aux dispositions en vigueur dans les pays qui nous entourent, l'absence, en France, d'une répression spécifique liée à la conduite sous l'emprise de stupéfiants et des contrôles correspondants constitue une exception.