GRANDE-BRETAGNE
La
Grande-Bretagne
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connaît une
longue tradition de négociation collective
. Les relations du
travail reposent sur le volontarisme : elles sont aménagées
par les parties elles-mêmes, employeurs et syndicats de salariés,
dans le cadre de la négociation collective, elle-même peu
réglementée.
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1) La place respective de la loi et de la négociation collective
Traditionnellement, la loi occupe une place limitée
dans
le droit du travail
, les relations collectives résultant
essentiellement du rapport de force entre employeurs et syndicats, et les
relations individuelles étant régies par les accords collectifs
et par le contrat de travail, élément essentiel. C'est le contrat
de travail qui détermine par exemple la durée de la
période d'essai et celle du préavis de licenciement. Dans ce
contexte, le législateur intervient surtout pour réglementer les
conditions de travail de ceux dont il estime qu'ils méritent une
protection particulière, parce qu'ils ne peuvent se protéger
eux-mêmes par la négociation collective (les enfants, les femmes),
tandis que les accords collectifs déterminent les conditions
générales de travail : la durée du travail, les
congés payés, les congés de maladie, la formation
professionnelle, les salaires...
Depuis le début des années 80, le rôle de la loi s'est
développé
: afin de restaurer le jeu de la libre
concurrence sur le marché du travail, plusieurs textes visant à
réduire le rôle des syndicats ont été
adoptés. Ainsi, entre 1980 et 1993, la loi a défini l'objet des
grèves, limité les possibilités de recours à des
piquets de grève, imposé l'organisation d'un vote à
bulletins secrets avant le déclenchement de toute grève,
instauré la responsabilité civile des syndicats, et très
sévèrement limité le système du
closed shop
.
L'affaiblissement des syndicats a naturellement entraîné le
recul de la négociation collective.
De plus, pour rendre au
marché du travail sa flexibilité, une loi de 1992 a
supprimé les conseils salariaux tripartites qui fixaient les conditions
minimales de revenu et jouaient un rôle important dans les secteurs
faiblement syndicalisés.
Par ailleurs,
plusieurs lois ou règlements ont dû être
adoptés pour transposer des directives communautaires
. Ainsi, une
loi de 1992, un règlement de 1998 et la loi de 1999 sur l'emploi ont
respectivement transposé les directives sur le licenciement collectif,
sur l'aménagement du temps de travail et sur le congé parental.
Rompant avec la tradition de libéralisme et de négociation,
collective ou individuelle, une loi de 1998 a institué un salaire
horaire minimum.
Aux termes de la loi de 1992 sur les syndicats et les relations sociales, la
négociation collective peut porter sur les sujets suivants :
- les modalités d'emploi et les conditions de travail, et, le cas
échéant, les critères physiques de recrutement ;
- le recrutement, la suspension ou la fin du contrat de travail, ainsi
que les obligations professionnelles ;
- la répartition du travail entre salariés ou groupes de
salariés ;
- les questions disciplinaires ;
- l'appartenance syndicale ;
- les moyens mis à la disposition des syndicats ;
- les procédures de négociation ou de consultation sur les
sujets précédents.
Dans la réalité, les enquêtes administratives montrent que
la
grande majorité des salariés n'est plus couverte par
des accords collectifs
. D'après les données de 1999, seuls
38,5 % voient leur salaire influencé par un accord collectif.
L'entrée en vigueur, le 6 juin 2000, de la loi de 1999 sur
l'emploi
, qui amende la loi de 1992,
devrait entraîner une reprise
de la négociation collective car, dans les entreprises de plus de
vingt salariés, l'employeur est obligé de négocier
avec le syndicat
qui, à l'issue d'une procédure de
reconnaissance, a obtenu une
attestation de
représentativité
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. Dans cette hypothèse, la
négociation collective est cependant limitée à trois
points :
les rémunérations, les horaires et les
congés.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Les
accords collectifs peuvent être négociés au niveau de la
branche ou de l'entreprise. Dans le premier cas, leur application requiert
généralement la conclusion d'accords d'entreprise.
Au cours des vingt dernières années, la négociation de
branche a progressivement
disparu
, sauf dans quelques secteurs comme
ceux de la construction ou de l'imprimerie. Les négociations collectives
se déroulent essentiellement au niveau de l'entreprise ou de
l'établissement. Les dispositions adoptées en 1999 pour rendre la
négociation collective obligatoire évoquent même
" l'unité de négociation ", qui n'est constituée
que d'un groupe de salariés.
b) Les signataires des accords collectifs
S'il
s'agit d'un accord de branche, les signataires sont une ou plusieurs
organisations patronales et un ou plusieurs syndicats de salariés de la
branche industrielle concernée, reconnus par les organisations
patronales en question.
Le
Trade Union Congress
(TUC), qui est la seule
confédération syndicale, ne négocie pas d'accords
collectifs, ni avec les associations patronales, ni avec son homologue
patronal, la Confédération des industries britanniques (CBI).
Les signataires des accords d'entreprise sont les employeurs et les
syndicats de salariés reconnus par l'employeur, soit volontairement,
soit à la suite d'une procédure de reconnaissance
devant le
Comité central d'arbitrage. Ils sont représentés par les
délégués d'atelier, qui sont élus par les membres
syndiqués, ou par des responsables syndicaux locaux, qui ne sont pas
nécessairement membres du personnel.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Traditionnellement, les accords collectifs, bien que
dépourvus de tout statut juridique et de tout effet contraignant, ont un
effet normatif, car ils sont intégrés aux contrats de
travail.
Cette intégration peut n'être qu'implicite, par
exemple parce que l'une des dispositions de l'accord concerné correspond
à un usage dans l'entreprise. L'intégration implicite n'est pas
systématique. Elle n'a pas lieu si elle semble ne pas correspondre
à la volonté des parties. De plus, la partie des accords
collectifs qui n'est pas destinée à être
intégrée aux contrats de travail constitue seulement un
engagement sur l'honneur.
La loi de 1992 sur les syndicats et les relations sociales réaffirme
ce principe
. Elle établit en effet une présomption
irréfragable selon laquelle les accords collectifs ne sont pas
censés produire les effets d'un contrat entre les parties, sauf si
celles-ci en disposent autrement.
D'après la jurisprudence, la dénonciation unilatérale par
l'employeur d'un accord collectif n'empêche pas ce dernier de continuer
à faire partie intégrante des contrats de travail, car ceux-ci ne
peuvent être modifiés qu'avec le consentement des salariés.
Il n'existe
aucune procédure légale d'extension
, car les
dispositions de la loi de 1975 qui permettaient d'étendre un accord
collectif à des entreprises dépourvues de représentation
syndicale ont été abrogées par la loi de 1980 sur
l'emploi. De plus, les employeurs ne sont pas liés par un accord
signé par une fédération, même s'ils en sont membres.
En principe, les accords collectifs sont conclus pour une durée
indéterminée. Toutefois, les salaires sont
généralement négociés chaque année.
Par ailleurs,
le règlement relatif à la méthode de
négociation collective pris en 2000
pour permettre l'application de
la partie de la loi de 1999 concernant la reconnaissance des syndicats permet
au Comité central d'arbitrage (CAC)
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d'imposer aux partenaires sociaux une
méthode de négociation lorsqu'ils ne sont pas parvenus à
un accord. Or, cette méthode prévoit que les
rémunérations, les horaires et les congés font l'objet
d'une négociation annuelle.
Les problèmes d'interprétation de l'accord collectif sont
réglés par les parties elles-mêmes dans l'accord
préalable sur la procédure à suivre lors de la
négociation de l'accord collectif. En l'absence d'un tel accord, la
méthode de négociation collective imposée par le CAC
prévoit que chaque partie peut demander, par écrit, la
réunion de l'organe paritaire de négociation. Si ce dernier ne
parvient pas à régler le problème, les parties peuvent
s'entendre pour demander la conciliation du Service d'arbitrage, de
conciliation et de consultation, organisme public indépendant.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
La
plupart des accords collectifs contiennent des clauses de paix sociale. Tout
comme les accords eux-mêmes, ces clauses n'ont pas de force obligatoire.
La loi de 1992 relative aux syndicats et aux relations sociales
prévoit que, si un accord collectif contient une clause supprimant ou
restreignant le droit de grève ou toute autre forme d'action sociale,
les salariés ne sont pas obligés de la respecter, sauf si
certaines conditions sont remplies.
Pour qu'une clause de paix sociale soit contraignante, elle doit figurer dans
un accord écrit :
- qui contient une disposition prévoyant expressément que
cette clause sera ou pourra être intégrée aux contrats de
travail ;
- qui fait l'objet d'une certaine publicité sur le lieu et pendant
les heures de travail, permettant ainsi aux salariés d'en avoir
connaissance ;
- qui est signé par un ou plusieurs syndicats indépendants
et reconnus par l'employeur.
Il faut, en outre, que les contrats de travail incorporent expressément
ou implicitement cette clause.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas
de difficulté, aucune procédure particulière ne s'impose
aux parties.
C'est seulement lorsque l'employeur est obligé de négocier avec
un syndicat qui a obtenu une attestation de représentativité et
qu'il n'a pas réussi à s'entendre sur une méthode de
négociation, qu'il peut se voir imposer les dispositions prévues
par le règlement de l'année 2000 relatif à la
méthode de négociation collective.