ESPAGNE
L'article 37 de la Constitution
énonce :
" La loi garantira le droit à la négociation collective
en matière de travail entre les représentants des salariés
et des chefs d'entreprise, ainsi que le caractère contraignant des
accords. "
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1) La place respective de la loi et de la négociation collective
Aux
termes de la loi portant statut des salariés, les accords collectifs
peuvent déterminer
" les conditions de travail et de
productivité ".
Les partenaires sociaux peuvent
également
" régler la paix sociale grâce aux
obligations dont ils conviennent "
.
Les accords collectifs peuvent donc non seulement compléter ou
améliorer les dispositions légales ou réglementaires, mais
ils peuvent aussi définir les procédures de résolution des
conflits collectifs.
L'article 85 de la loi, consacré au contenu des accords collectifs,
précise :
" Dans le respect des lois, les accords
collectifs pourront régler des questions dans les domaines de
l'économie, du travail, des syndicats et, de façon
générale, toutes les autres questions relatives aux conditions
d'emploi, ainsi qu'aux relations entre, d'une part, les salariés et les
organisations qui les représentent et, d'autre part, l'employeur et les
associations patronales ".
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1994, qui a
réformé la loi de 1980 portant statut des salariés en
confiant aux partenaires sociaux
le
soin de négocier sur
une trentaine de sujets,
les accords collectifs traitent essentiellement les
questions suivantes :
- le régime des contrats à durée
déterminée ;
- la durée de la période d'essai ;
- la mobilité géographique ;
- les classifications professionnelles ;
- l'avancement ;
- la définition des modifications substantielles du contrat de
travail ;
- la structure des salaires ;
- la durée du travail et sa répartition annuelle ;
- le régime des heures supplémentaires.
En avril 1997, les confédérations syndicales
(UGT et CCOO)
et patronales
(CEOE, la confédération espagnole des
associations patronales, qui regroupe des employeurs du secteur public et du
secteur privé, et CEPYME, la confédération des petites et
moyennes entreprises, elle-même fédérée à la
CEOE)
ont signé trois accords
interconfédéraux
qui constituent une réelle
réforme du droit du travail. Ces trois accords, qui portent
respectivement sur la stabilité de l'emploi, sur la
réorganisation des niveaux et des procédures de la
négociation collective, et sur les conditions de travail dans les
secteurs dépourvus de règles spécifiques, manifestent la
volonté des partenaires sociaux d'organiser eux-mêmes les
relations sociales.
Cette situation contraste avec celle qui prévalait avant
l'avènement de la démocratie, lorsque les relations sociales
étaient principalement régies par des dispositions
réglementaires sectorielles. Bien qu'environ 80 % des
salariés soient couverts par des accords collectifs,
la
négociation collective joue un rôle encore restreint par rapport
à la loi ou au règlement.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
La loi
portant statut des salariés distingue :
-
les accords de niveau supérieur
, qui peuvent concerner
plusieurs entreprises, une branche professionnelle, une province ou le pays
tout entier ;
-
les accords d'entreprise ou d'un niveau inférieur,
ces
derniers ne s'appliquant qu'à certains groupes de salariés ou
à certains établissements à l'intérieur de
l'entreprise.
Au cours de l'année 1998, d'après le ministère du Travail,
un peu plus de 5 000 accords concernant 8,75 millions de
salariés ont été signés ou renouvelés ;
72 % étaient des accords d'entreprise et couvraient un peu plus
d'un million de salariés. Les accords nationaux de branche constituent
moins de 2 % de tous les accords conclus. Les partenaires sociaux
regrettent cette fragmentation de la négociation collective. Dans
l'accord interconfédéral sur la négociation collective
qu'ils ont signé en 1997, ils se sont engagés à
rationaliser la structure des accords collectifs et à développer
la négociation sectorielle, en particulier dans les branches où
les petites entreprises sont majoritaires. Cependant, les organisations
syndicales et patronales locales, plus ou moins soutenues par les partis
politiques régionalistes, résistent à cette centralisation
de la négociation. Celle-ci semble tout de même commencer à
se dessiner.
Outre les accords collectifs
stricto sensu
, conclus dans le respect des
règles énoncées par la loi portant statut des
salariés et dotés d'une valeur normative, il existe d'autres
accords qui, juridiquement, n'ont qu'une valeur contractuelle, mais auxquels
la jurisprudence est souvent conduite à reconnaître la même
valeur qu'aux accords collectifs.
C'est par exemple le cas des accords
d'entreprise signés par les syndicats qui ne sont pas
représentatifs.
Par ailleurs, les confédérations syndicales et patronales ont
renoué avec la pratique des
accords
interconfédéraux
au milieu des années 90.
b) Les signataires des accords collectifs
•
Les accords d'entreprise ou de niveau inférieur
Selon l'effectif de l'entreprise, l'employeur les signe avec le
comité d'entreprise ou avec les délégués du
personnel
(6(
*
))
.
Il peut aussi les signer avec
les sections syndicales
(7(
*
))
constituées par les syndicats les
plus représentatifs ou par les syndicats qui disposent de
représentants au comité d'entreprise
(ou de
délégués du personnel), à condition que les
salariés concernés par l'accord les aient expressément
mandatées pour négocier, à l'issue d'un vote à la
majorité absolue. Si l'accord s'applique à tous les
salariés, les sections syndicales ne peuvent participer à la
négociation que si elles sont majoritaires au sein du comité
d'entreprise.
En pratique, le rôle des syndicats est essentiel pour la conclusion de
ces accords, soit directement, soit en raison de leur implantation au sein des
comités d'entreprise.
•
Les accords de niveau supérieur à celui de
l'entreprise
Ils sont signés entre, d'une part, les associations patronales qui
représentent au moins 10 % des employeurs et des salariés
concernés et, d'autre part, selon leur champ d'application :
- les organisations syndicales les plus représentatives au niveau
national
(6)
;
- les organisations syndicales les plus représentatives au niveau
d'une communauté autonome ;
- les organisations syndicales représentatives dans le champ
d'application, géographique ou sectoriel, de l'accord.
•
Les accords de niveau national
Ils sont conclus entre les associations patronales qui représentent au
moins 15 % des employeurs et des salariés concernés, et les
organisations syndicales les plus représentatives au niveau national ou
au niveau d'une communauté autonome.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Conformément à la reconnaissance
constitutionnelle de
la négociation collective et du caractère obligatoire des accords
conclus, la loi portant statut des salariés précise que les
accords collectifs en vigueur lient
tous les salariés et tous les
employeurs inclus dans leur champ d'application, sans qu'une procédure
d'extension soit nécessaire.
La même loi précise que les conflits entre normes juridiques de
niveaux différents sont résolus par le principe de l'application
des dispositions les plus favorables au salarié.
Les accords collectifs conclus à un niveau supérieur à
celui de l'entreprise peuvent contenir une
clause de non-application des
mesures salariales
, au cas où celles-ci risqueraient de menacer la
stabilité de certaines entreprises.
En principe, un accord collectif ne peut pas être modifié par un
autre, dont le champ d'application est différent, à moins qu'une
telle modification ne soit explicitement prévue par les partenaires.
Cependant, les syndicats et les associations patronales habilités
peuvent modifier, dans un domaine plus large que celui d'une entreprise, un
accord de rang supérieur. Cette disposition, qui permet de prendre en
compte les disparités de niveau de vie entre les différentes
régions, ne peut cependant pas s'appliquer dans les matières
suivantes : période d'essai, modalités d'embauche, groupes
professionnels, régime disciplinaire, normes minimales d'hygiène
et de sécurité, et mobilité géographique.
Une fois signés, les accords collectifs sont, en fonction de leur champ
d'application, enregistrés par l'administration du ministère du
Travail ou par celle de la communauté autonome.
À la demande des organisations syndicales, des associations patronales
ou des représentants du personnel, le ministre du Travail et les organes
correspondants dans les communautés autonomes peuvent
étendre
le champ d'application d'un accord collectif
à des entreprises ou
à des secteurs similaires. Une telle demande doit être
motivée par la difficulté à négocier ou par les
circonstances économiques et sociales. Ainsi, la nécessité
de préserver l'égalité des salaires peut justifier une
extension.
Une telle mesure d'extension suppose l'
accord d'une commission paritaire
regroupant des représentants des associations patronales et des
organisations syndicales les plus représentatives du futur champ
d'application de l'accord collectif. La décision doit
énumérer les entreprises concernées. En pratique, de
telles mesures sont rares.
Les parties déterminent librement
la durée
de
validité des accords qu'elles concluent. En l'absence de
dénonciation ou de clause explicite, ces accords sont automatiquement
reconduits pour des périodes d'un an. En outre, les dispositions
normatives des accords, c'est-à-dire celles qui s'appliquent directement
aux salariés, restent en vigueur jusqu'à la conclusion de
nouveaux accords. En règle générale, les partenaires
préfèrent conclure des accords pluriannuels dont la durée
de validité n'excède pas trois ans.
Aux termes de la loi, les conflits relatifs à l'interprétation
des accords collectifs sont tranchés par le juge, mais les parties
peuvent convenir d'établir des procédures de résolution
extrajudiciaire.
Dans
l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits
collectifs
, qu'ils ont signé le 25 janvier 1996 et
renouvelé le 31 janvier 2001, les partenaires sociaux ont
décidé que les conflits relatifs à l'interprétation
et à l'application d'un accord collectif seraient obligatoirement soumis
à la commission paritaire qui administre l'accord contesté. Cette
commission peut être investie d'autres pouvoirs :
interprétation, médiation ou arbitrage en cas de différend
sur l'accord. Si ce n'est pas le cas, l'accord sur la résolution
extrajudiciaire des conflits collectifs dispose que ces différends sont
résolus par la voie de la médiation si une des parties en fait la
demande, et par arbitrage si les deux parties le sollicitent. Dans les deux
cas, le désaccord est soumis au Service interconfédéral de
médiation et d'arbitrage (SIMA), création de l'accord de 1996 et
qui a succédé au Service de médiation, d'arbitrage et de
conciliation, organisme tripartite créé en 1979, placé
sous l'autorité du ministère du Travail, et qui n'avait
joué qu'un rôle limité. Le SIMA est un organe paritaire,
composé de représentants des deux confédérations
patronales et des deux confédérations syndicales signataires de
l'accord.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
La loi
portant statut des salariés prévoit explicitement que les accords
collectifs puissent contenir des clauses relatives à la paix sociale.
En outre, l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits
collectifs prévoit que, lorsqu'une procédure de médiation
ou d'arbitrage est entamée, aucune grève ne doit être
décidée tant que les possibilités offertes par la
procédure ne sont pas épuisées.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas de difficultés, l'accord sur la résolution extrajudiciaire des conflits collectifs s'applique.