DANEMARK
Le
" modèle danois "
tel qu'il fonctionne depuis 1899,
c'est-à-dire depuis
l'accord historique passé entre la
Confédération des syndicats ouvriers et le patronat, laisse aux
partenaires sociaux le soin d'organiser le marché du travail par voie
conventionnelle
. S'ils peuvent résoudre seuls leurs
problèmes, l'État n'intervient pas.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
a)
L'importance de la négociation collective
Les lois sociales sont beaucoup moins nombreuses que dans les autres pays
européens
, car les partenaires négocient des accords
collectifs dans tous les domaines et en assurent l'application eux-mêmes
hors de toute intervention de l'État.
Cette situation remonte
à
l'accord historique du 5 septembre 1899
conclu entre les
syndicats ouvriers et les employeurs à la suite d'un conflit majeur.
Cet accord reconnaissait, sans les définir, les prérogatives
patronales, affirmait le droit des partenaires sociaux à s'organiser et
à mener des conflits sociaux, et énonçait le devoir de
paix sociale.
L'accord de base qui lie DA, la Confédération des employeurs, et
LO, la principale confédération des salariés
n'a
été renégocié que deux fois : en 1960 et en
1973. Dans sa version actuelle, c'est-à-dire tel qu'il résulte de
modifications adoptées en 1993, cet accord
affirme à l'article
premier qu'il est souhaitable que toutes les questions relatives aux conditions
de travail et aux rémunérations soient
déterminées par des accords collectifs.
Cet accord comporte toujours la reconnaissance des prérogatives
patronales. Celles-ci ont été définies assez largement par
la jurisprudence : les pouvoirs de l'employeur en matière de
licenciement, de recrutement, de promotion, de fixation des salaires, de
détermination des horaires et de contrôle du travail
dépendent de l'accord collectif auquel il est lié. L'employeur a
également le droit d'interpréter les accords collectifs. Les
conflits relatifs à leur interprétation sont certes
résolus par arbitrage, mais l'interprétation de l'employeur
prévaut tant que la procédure d'arbitrage n'est pas
achevée.
L'accord de base entre DA et LO détermine aussi les règles
générales applicables en cas de licenciement abusif, ainsi que
celles qui protègent les délégués du personnel.
Les dispositions relatives à la participation des salariés
à la gestion des entreprises, par l'intermédiaire de la
" commission de coopération ", laquelle constitue surtout un
organe d'information et de consultation, ont également été
fixées par un accord conclu entre les deux grandes
confédérations DA et LO. Signé en 1947, cet accord a
été renouvelé depuis.
Les autres confédérations ont conclu des accords similaires
à celui qui lie DA et LO
et qui constitue en quelque sorte un
modèle. Par conséquent, dans la suite du texte, il sera
essentiellement question des relations entre DA et LO.
b) Le petit nombre de lois sociales
La législation sur les accords collectifs est presque inexistante.
Aucune loi générale ne couvre les contrats de travail de
l'ensemble des salariés. Ainsi, il n'existe pas de loi sur le salaire
minimum ou sur la durée du travail.
Indépendamment de celles qui régissent la sécurité
sociale ainsi que les questions d'hygiène et de sécurité
sur les lieux de travail,
les principales lois sociales sont les
suivantes
, plusieurs d'entre elles ayant dû être
adoptées pour assurer la transposition de directives :
- loi sur le tribunal du travail ;
- loi sur la médiation dans les conflits sociaux ;
- loi garantissant le versement des salaires en cas de faillite de
l'entreprise, adoptée pour transposer la directive 80/87 ;
- loi sur le statut des salariés en cas de cession de l'entreprise,
adoptée pour transposer la directive 77/187 ;
- loi sur le préavis relatif aux licenciements collectifs,
adoptée pour transposer la directive 75/129 modifiée par la
directive 92/156 ;
- loi sur les congés payés ;
- loi sur les indemnités journalières d'assurance maladie et
maternité ;
- loi sur la protection contre le licenciement motivé par des
questions syndicales ;
- loi sur les comités d'entreprise européens ;
- loi sur l'utilisation par l'employeur des données relatives
à la santé ;
- loi sur le statut des salariés, qui garantit notamment le
versement du salaire pendant les périodes de maladie et de vacances,
ainsi qu'un préavis de licenciement variable en fonction de
l'ancienneté et une indemnité de licenciement ;
- loi sur l'obligation des employeurs d'informer le salarié des
conditions régissant le contrat de travail ;
- loi prohibant la discrimination sexuelle ;
- loi sur l'égalité de rémunération entre les
sexes ;
- loi interdisant la discrimination sur le marché du travail ;
- loi sur les cotisations à la caisse de retraite.
* *
*
Si le droit d'origine conventionnelle représente une part importante des normes sociales, il convient donc de nuancer cette affirmation et de souligner également le rôle que l'État joue en tant qu'employeur dans la négociation collective. En effet, plus de 30 % de la population active est employé dans le secteur public. En outre, les accords conclus dans le secteur public servent souvent de référence pour le secteur privé.
2) Les caractéristiques principales de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Traditionnellement, les accords collectifs sont conclus au
niveau
national pour une branche donnée.
La négociation au niveau de l'entreprise a lieu :
- lorsque l'employeur n'est pas affilié à une organisation
patronale et qu'il signe avec son personnel une convention dite
d'adhésion, qui fait référence à la convention de
branche ;
- pour adapter les dispositions conclues au niveau de la branche.
Depuis une vingtaine d'années, on constate que les négociations
sont de plus en plus menées au niveau local. Ainsi, les salaires sont de
plus en plus souvent négociés au niveau de l'entreprise.
Les accords collectifs ne sont pas nécessairement écrits, de
sorte qu'il est parfois difficile de les distinguer des coutumes.
b) Les signataires des accords collectifs
Selon le
niveau de l'accord, les parties sont :
- une organisation patronale de branche et le syndicat correspondant ;
- la délégation syndicale de l'entreprise et l'employeur.
Les principales confédérations, DA et LO, quant à elles,
signent de temps à autre des accords généraux comme ceux
qui ont déjà été évoqués. Plus
fréquemment, elles concluent des accords cadres dans lesquels
s'insèrent les accords de niveau inférieur. Elles jouent ainsi un
rôle important de coordination dans le processus de la négociation
collective.
Compte tenu de la
reconnaissance mutuelle que s'accordent les organisations
patronales et syndicales, la question de la représentativité ne
se pose pas
.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Bien que
considérés comme des contrats entre, du côté des
salariés, un groupe de personnes (le plus souvent un syndicat) et du
côté du patronat, une organisation d'employeurs ou un employeur
isolé, les accords collectifs ne s'appliquent pas aux seuls signataires.
En effet, les syndicats ne souhaitant pas que les salariés non
syndiqués acceptent de travailler à des conditions
différentes de celles prévues par les accords,
l'employeur
observe les dispositions des accords collectifs non seulement vis-à-vis
des salariés syndiqués, mais aussi vis-à-vis des
autres.
Par ailleurs, les employeurs qui n'appartiennent pas à une association
patronale ont la possibilité de conclure des
conventions
d'adhésion
, selon lesquelles ils s'engagent à respecter les
accords valables dans leur branche. De ce fait, malgré l'absence de
procédure d'extension, les accords collectifs s'imposent au-delà
du cercle des employeurs signataires.
Les accords sur l'adhésion obligatoire à un syndicat ne sont
pas interdits au Danemark.
Un tel accord oblige l'employeur à
n'embaucher que des salariés membres d'un syndicat
déterminé ou qui s'engagent à y adhérer
immédiatement après l'embauche. Toutefois, les statuts de DA
interdisent aux entreprises membres de conclure de tels accords. En outre, dans
le secteur public, ils ne sont pas permis.
On estime que,
dans le secteur privé, environ 60 % des
salariés sont couverts par des accords collectifs
. Comme le taux de
couverture est de 100 % dans le secteur public et compte tenu de la part
des salariés employés dans le secteur public, on peut
évaluer à environ 25 % le pourcentage total des
salariés non couverts.
La durée habituelle des accords collectifs est de
deux ans
.
Pendant la période où il sont en vigueur, les questions relatives
à leur interprétation sont normalement résolues par une
commission d'arbitrage composée de deux représentants de chacune
des deux parties, ainsi que d'un arbitre indépendant.
En revanche, en cas d'infraction à un accord collectif, une
négociation directe entre les deux parties a lieu. Si elle ne conduit
pas à un arrangement, les deux confédérations LO et DA
tentent à leur tour de retrouver une solution amiable. En cas
d'échec, l'affaire est portée devant le tribunal du travail,
où elle est tranchée par une formation présidée par
un magistrat professionnel et composée de trois représentants des
employeurs et de trois représentants des salariés. Une amende
peut être imposée à la partie qui a enfreint l'accord. Le
tribunal du travail est également compétent pour les accords
collectifs du secteur public.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
Aussi
longtemps qu'un accord collectif est en vigueur, la grève et le lock-out
sont interdits dans la mesure où ils se rapportent à des
matières couvertes par l'accord, à moins que ce dernier ne les
autorise explicitement. Ceci n'exclut pas les grèves de
solidarité par exemple. En cas d'infraction, le tribunal du travail peut
imposer des amendes.
Dès que l'accord est échu, le recours à la grève et
au lock-out est possible. Il est d'ailleurs fréquent, ce qui a
justifié la mise en place par voie législative d'un
système de conciliation au niveau national.
e) Le renouvellement des accords collectifs
L'accord
principal entre LO et DA oblige les partenaires sociaux à
négocier un nouvel accord collectif avant l'échéance de
l'accord en vigueur. Si les négociations n'aboutissent pas à
temps, l'accord échu continue à s'appliquer.
La conciliation est alors obligatoire.
Régie par
la loi depuis
1934, elle est actuellement organisée par la loi du
6 mars 1997 sur la conciliation en matière de conflits du
travail
.
Il existe un
service national de conciliation
qui suit en permanence
l'état d'avancement des négociations, qui dispose des copies des
accords collectifs et à qui les préavis de grève sont
adressés. Ce service comprend trois conciliateurs et 21
médiateurs. Tous sont nommés par le ministère du Travail
sur proposition du tribunal du travail. Il doit s'agir de personnalités
indépendantes.
Bien que les procédures de conciliation diffèrent selon les
circonstances (échec avéré des négociations, menace
d'une grève aux conséquences sociales importantes,
difficulté à mener les négociations...), elles
présentent quelques points communs.
Si les partenaires ne parviennent pas à un accord dans les délais
prévus, ils doivent continuer à négocier,
éventuellement avec l'aide de l'un des médiateurs. Ils se voient
imposer un délai pour aboutir.
En cas d'échec de ces négociations, les partenaires peuvent
déposer un préavis de grève ou de
lock-out. Un
conflit peut alors s'engager, à moins que le conciliateur en charge du
dossier ne décide d'en retarder le début de 14 jours. En
l'absence de résultats à l'issue de ces 14 jours, le
conciliateur constate l'échec des négociations, et un conflit
peut commencer dans les cinq jours qui suivent cette constatation.
Si, malgré tout, aucun accord n'est trouvé, le gouvernement peut
intervenir en déposant un projet de loi sur les matières
normalement régies par les partenaires : le gouvernement peut
proposer au Parlement de prolonger l'accord précédent ou
d'entériner les suggestions du conciliateur. Cette procédure a
par exemple été utilisée au printemps de l'année
1998 pour mettre fin à un conflit social majeur consécutif
à la négociation de l'accord cadre national sur les salaires.