BELGIQUE
Bien
que jamais ratifié par les organisations syndicales et patronales, le
" pacte de solidarité sociale " de 1944 préparé
par certains de leurs dirigeants a permis l'élaboration d'un
système de négociation collective, de concertation et de
consultation des partenaires sociaux.
Il reposait sur la reconnaissance
mutuelle des partenaires sociaux, les syndicats de salariés admettant la
légitimité de l'économie de marché et de
l'autonomie de gestion des employeurs, tandis que les organisations patronales
reconnaissaient le droit exclusif de représentation et de
négociation des syndicats.
|
1) La place respective de la loi et de la négociation collective
La loi
du 5 décembre 1968 définit les accords collectifs comme
"
déterminant les relations individuelles et collectives entre
employeurs et travailleurs au sein d'entreprises ou d'une branche
donnée, et réglant les droits et obligations des parties
contractantes
".
Les accords collectifs n'ont pas pour seul objet de compléter et
d'améliorer les dispositions législatives. En effet,
des pans
entiers de la législation sociale résultent d'accords
collectifs
, en particulier d'
accords collectifs interprofessionnels
négociés au sein du Conseil national du travail,
établissement public
institué en 1952 au
niveau national
et interprofessionnel
, et composé de façon
paritaire
de représentants des employeurs et des salariés. La loi du
5 décembre 1968 lui a confié le soin de conclure des accords
collectifs à portée interprofessionnelle qui régissent
tous les secteurs d'activité dans l'ensemble du pays.
La négociation au sein du Conseil national du travail a notamment
défini les normes applicables aux domaines suivants :
- le statut des délégations syndicales dans les
entreprises ;
- les facilités accordées aux représentants du
personnel dans les organes de concertation ;
- les licenciements collectifs ;
- le salaire garanti en cas d'incapacité de travail ;
- la réduction de la durée hebdomadaire du travail ;
- le revenu minimum mensuel moyen ;
- la préretraite ;
- l'égalité de rémunération entre hommes et
femmes ;
- la rémunération des salariés
handicapés ;
- le travail à temps partiel ;
- le travail intérimaire ;
- les heures supplémentaires ;
- le travail de nuit ;
- le chômage temporaire ;
- le congé parental ;
- les conséquences sociales de l'introduction des nouvelles
technologies.
2) Les principales caractéristiques de la négociation collective
a) Les différentes catégories d'accords
Il
existe trois catégories d'accords collectifs, qui correspondent à
trois niveaux de négociation. Chacun d'eux est spécialisé,
car les différents accords sont
hiérarchisés
. On
distingue :
- les accords interprofessionnels signés au niveau national ;
- les accords nationaux de branche ;
- les accords d'entreprise.
Les
accords interprofessionnels signés au niveau national
La négociation peut avoir lieu au sein du Conseil national du travail.
Elle peut également se dérouler à l'extérieur du
Conseil national du travail, notamment pour appliquer les décisions
d'une autre instance (des dispositions législatives ou des mesures
prises par un organe tripartite par exemple).
Selon que la négociation a lieu au sein ou à l'extérieur
du Conseil national du travail, elle se traduit par la conclusion d'une
convention collective interprofessionnelle ou d'un accord interprofessionnel
national
.
Depuis la création du Conseil national du travail, environ
80 conventions collectives interprofessionnelles ont été
conclues. Comme cela a déjà été indiqué,
certaines d'entre elles règlent des questions particulièrement
importantes.
Leur application requiert souvent la conclusion d'accords à un niveau
inférieur. Ainsi, l'accord collectif interprofessionnel relatif au
statut de la délégation syndicale dans l'entreprise
précise que des accords de branche définissent l'effectif minimum
justifiant la création d'une telle délégation, l'effectif
de cette dernière, les crédits d'heures attribués à
ses membres, leur mode de désignation...
Quant aux accords interprofessionnels nationaux, ils ont essentiellement pour
objet de définir l'évolution maximale du coût salarial pour
les deux années suivantes, par comparaison avec les trois principaux
partenaires commerciaux de la Belgique : l'Allemagne, la France et les
Pays-Bas.
Les accords nationaux de branche
Ils sont
nécessairement négociés au sein d'un organe
paritaire
, en principe au sein de la
commission paritaire sectorielle
compétente.
Les commissions paritaires sont des organes de concertation prévus par
la loi du 5 décembre 1968. Chaque commission paritaire est
créée par arrêté, à la demande des
organisations représentatives de la branche ou à l'initiative du
gouvernement. Il existe une centaine de commissions paritaires. La plupart ont
une compétence sectorielle et nationale, sans nécessairement
traiter les problèmes de l'ensemble du personnel, car la majorité
d'entre elles ne sont pas intercatégorielles, mais s'occupent seulement
du personnel ouvrier ou seulement du personnel employé. Le rattachement
d'une entreprise à une commission paritaire dépend de
l'activité principale de l'entreprise.
Des
sous-commissions paritaires
peuvent être créées
à la demande des commissions. Leur compétence, toujours
inférieure à celle de leur commission paritaire de rattachement,
peut être géographique ou sectorielle. Il existe aussi des
sous-commissions compétentes pour une seule grande entreprise, mais
elles sont rares. On compte une soixantaine de sous-commissions paritaires.
En l'absence de commission paritaire, les accords nationaux de branche peuvent
être conclus au sein du Conseil national du travail.
Les accords nationaux de branche, conclus entre les représentants des
organisations d'employeurs et de salariés compétents, sont
dénommés
conventions collectives sectorielles.
Les accords d'entreprise
La négociation se déroule en dehors de tout organe paritaire
,
entre l'employeur et la délégation syndicale. Composée de
salariés syndiqués, elle est élue par l'ensemble du
personnel.
b) Les signataires des accords collectifs
Quel
que soit le niveau des accords collectifs, la loi de 1968 exige qu'ils soient
signés par des organisations représentatives, tant du
côté des salariés
(5(
*
))
que des employeurs.
Les organisations d'employeurs sont considérées comme
représentatives si elles satisfont aux mêmes critères que
les confédérations syndicales, ce qui permet à la
Fédération des entreprises belges (FEB) d'être reconnue
comme représentative. En outre,
une organisation d'employeurs peut
être déclarée représentative dans une branche
donnée
par arrêté du ministre de l'Emploi, sur avis du
Conseil national du travail. Cette disposition concerne les organisations qui
ne sont pas affiliées à la FEB et qui souhaitent siéger
dans une commission paritaire. Par ailleurs, la loi du 6 mars 1964 portant
organisation des classes moyennes prévoit que les organisations
patronales du commerce et de l'artisanat puissent être reconnues comme
représentatives. Une loi et un arrêté de 1979 ont
défini très précisément les critères de
représentativité de ces organisations.
c) La force obligatoire des accords collectifs
Les
accords interprofessionnels nationaux
n'ont aucune valeur juridique
directe. Pour produire des effets, ils ont besoin d'être ratifiés,
par une loi, un arrêté ou une convention collective.
En vertu de la loi du 5 décembre 1968,
les accords collectifs
conclus au sein d'un organe paritaire
, c'est-à-dire les conventions
collectives interprofessionnelles et les conventions collectives nationales
sectorielles, lient les employeurs qui les ont conclues ou qui y ont
adhéré, ainsi que ceux qui sont membres des organisations qui les
ont conclues ou qui y ont adhéré. Ils couvrent tous les
salariés des employeurs qui sont liés. En principe, une
convention collective interprofessionnelle s'applique à toutes les
branches et dans tout le pays.
En outre, à moins que les contrats de travail des salariés ne
comportent des clauses contraires à ces accords, ils lient
également les employeurs qui, bien que n'appartenant pas à une
organisation signataire, relèvent de l'organe paritaire au sein duquel
l'accord a été conclu.
Pour éviter que les employeurs ne se soustraient aux obligations
créées par les accords collectifs conclus au sein d'un organe
paritaire, la loi du 5 décembre 1968 prévoit que, à
la demande de la commission ou de la sous-commission paritaire, ou d'une
organisation qui y est représentée,
un
arrêté royal puisse rendre ces accords obligatoires pour tous
les employeurs relevant de l'organe paritaire au sein duquel ils ont
été conclus
. Cette procédure d'extension est
fréquemment utilisée.
Négociés en dehors de tout organe paritaire, les accords
collectifs d'entreprise sont conclus par l'employeur et la
délégation syndicale. Ils s'appliquent à tous les
salariés de l'entreprise, même s'ils ne sont pas syndiqués
ou s'ils sont membres d'une organisation qui a refusé de signer
l'accord.
Les accords collectifs, quelle que soit leur nature, peuvent avoir une
durée
indéterminée ou déterminée,
avec ou sans clause de reconduction. Tous sont enregistrés au
ministère de l'Emploi.
La plupart des accords collectifs de branche prévoient que les
contestations relatives à leur application sont soumises au bureau de
conciliation de la commission paritaire compétente. D'autres renvoient
ces problèmes aux conseils d'administration des " fonds de
sécurité d'existence ".
Ces fonds, dont le statut est défini par une loi de 1958, sont
établis par des accords collectifs de branche. Conçus comme des
systèmes complémentaires de sécurité sociale au
niveau sectoriel, ils accordent des prestations aux salariés qui en
relèvent (allocations complémentaires en cas de maladie, primes
de départ en retraite...). Les employeurs sont tenus de contribuer
à leur financement.
d) Le respect de la paix sociale dans les entreprises couvertes par des accords collectifs
À
défaut de clause de paix sociale, tout accord collectif comporte des
dispositions subordonnant le déclenchement d'un conflit à
l'échec d'une procédure de conciliation préalable.
Pour pallier la relative inefficacité de ces clauses, certaines
commissions paritaires ont créé des associations paritaires
auxquelles les entreprises versent des cotisations. Celles-ci sont
reversées à un fonds intersyndical qui les redistribue aux
salariés sous forme de " primes syndicales ", ou qui finance
la formation des représentants du personnel. Lorsqu'une clause de paix
sociale n'est pas respectée ou qu'un conflit du travail survient sans
que les que les procédures de conciliation préalable aient
été suivies, les contributions financières des employeurs
sont réduites, voire suspendues.
e) Le renouvellement des accords collectifs
En cas de difficulté, aucune disposition légale n'oblige les parties à recours à la médiation, à la conciliation ou à l'arbitrage. Ces procédures, l'arbitrage en particulier, sont cependant souvent prévues par les accords eux-mêmes.