ETATS-UNIS
La
constitution américaine ne garantit pas le droit général
au respect de la vie privée. Le quatrième amendement ne
protège les droits des citoyens "
dans leurs personnes, leurs
maisons, leurs papiers et leurs effets
" que contre les intrusions du
gouvernement.
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I. LA PROTECTION JURISPRUDENTIELLE DU DROIT A LA VIE PRIVEE
A. LE DROIT DES TORTS
La
Common Law
ignore le principe général de la faute.
Cependant,
la théorie des
torts
permet de reconnaître le
caractère fautif de certains actes limitativement
énumérés
. Les
torts
peuvent être
définis comme des actes dommageables qui ouvrent droit à une
action en dommages-intérêts. Ils ont été reconnus
par les tribunaux ou par le législateur, la situation variant d'un Etat
à l'autre.
Les
torts
sont recensés et définis dans le
restatement
of torts,
qui comporte notamment les quatre
torts
susceptibles de
porter atteinte à la vie privée :
- la publication de faits appartenant à la vie privée ;
- l'intrusion dans l'intimité ;
- la présentation d'une personne sous un jour défavorable ou
trompeur ;
- l'appropriation du nom ou de la ressemblance d'une personne.
Certains Etats reconnaissent chacun de ces quatre
torts,
d'autres n'en
reconnaissent qu'une partie.
1) La publication de faits privés
C'est
l'élément principal de la notion de
privacy
. Il peut
être défini comme la publication d'informations personnelles dont
la révélation paraît choquante pour une personne
raisonnable lorsque
l'information ne concerne pas légitimement le
public
.
Les informations portant sur la sexualité, les revenus, les
antécédents criminels, les traitements médicaux sont
celles qui sont le plus fréquemment considérées comme des
divulgations de la vie privée.
2) L'intrusion dans l'intimité
La
personne qui, physiquement ou d'une autre façon (caméras,
téléobjectifs, etc.), s'immisce dans la solitude, la
retraite, ou les affaires privées d'une autre engage sa
responsabilité.
En principe, les journalistes ne peuvent accéder aux lieux où se
sont déroulés des événements susceptibles
d'être rapportés qu'avec le consentement du propriétaire.
La notion de
consentement
est interprétée de façon
extensive par les tribunaux. En effet, l'absence de consentement de la victime
peut être écartée dans deux cas :
- si la présence " paisible " des journalistes sur des lieux
n'est pas expressément exclue lorsque ces lieux sont le
théâtre d'événements publics ou susceptibles
d'être rapportés au public ;
- s'il est démontré qu'il existe une pratique permettant à
la presse de se trouver sur les lieux d'un événement. Par
exemple, il est possible de démontrer que les pompiers invitent
généralement les représentants de la presse à
visiter les lieux d'un drame.
La notion de
propriété
est interprétée
restrictivement. Le demandeur doit prouver qu'il est propriétaire ou
occupant légitime de l'endroit qui a fait l'objet d'une intrusion.
Ainsi, en 1975, le fait de fouiller dans les poubelles d'une
personnalité aux fins d'y découvrir des documents, n'a pas
été jugé constitutif d'une faute. En effet, comme les
poubelles avaient été laissées au bord de la voie
publique, les " biens " qui s'y trouvaient ont été
considérés comme ayant été abandonnés par
leur propriétaire.
Lorsque l'intimité d'une personne est violée par la presse, les
tribunaux délimitent le degré de protection auquel elle a droit
en examinant les circonstances dans lesquelles elle était placée
et ses espérances légitimes compte tenu de sa situation.
Ainsi, une personne publique ne peut s'opposer à la prise d'une
photographie lorsqu'elle se trouve dans un lieu public. De même, une
personne qui se comporte de manière voyante, sans chercher à
protéger son intimité, a peu de chance de se voir
reconnaître un droit de s'opposer aux intrusions.
C'est ainsi qu'en avril 1997, la cour du district de Californie a pu rejeter la
demande du musicien Tommy Lee et de l'actrice Pamela Anderson qui se
plaignaient de l'intrusion dans leur vie privée que représentait
pour eux la publication d'un article et de photographies concernant leur vie
sexuelle. Elle a souligné que ces deux personnalités ayant dans
le passé largement ouvert leurs vies privées aux journalistes ne
pouvaient se plaindre ensuite d'intrusions des journalistes.
3) La présentation d'une personne sous un jour défavorable ou trompeur (false light)
Ce
tort
est constitué par la publication d'informations fausses ou
d'informations plaçant la personne sous un jour trompeur à
condition que :
- ceci constitue une atteinte à sa vie privée ;
- le journaliste se soit rendu coupable de négligence en ne
vérifiant pas la véracité des informations.
Il n'est pas nécessaire que ces informations soient
considérées comme dommageables pour ouvrir droit à
réparation. Il peut s'agir :
- d'un
embellissement
si la personne est présentée dans
une situation plus favorable que celle dans laquelle elle se trouve
effectivement, ou si l'histoire a été enjolivée pour la
rendre plus captivante ;
- de la
transformation des faits en fiction
lorsque les situations ont
été réellement vécues mais que l'historien
prête aux personnages des comportements ou des sentiments qu'ils n'ont
pas eus ;
- d'une
distorsion de la réalité
quand l'information est
diffusée hors de son contexte. Ainsi, l'utilisation de l'image d'un
enfant victime d'un accident pour illustrer un reportage sur les mauvais
traitements infligés aux enfants constitue une distorsion de la
réalité.
La publication de certaines informations fausses est couverte par une
interprétation du premier amendement qui cherche à
protéger les journalistes d'une menace permanente de poursuites
judiciaires. C'est le cas, par exemple, d'erreurs sans grande
conséquence. C'est aussi le cas d'erreurs plus graves mettant en cause
des personnalités publiques. Ces dernières doivent prouver que le
journaliste savait que l'information était fausse, ou tout au moins
qu'il a fait preuve d'une négligence coupable, alors qu'une personne
privée doit simplement prouver la négligence du journaliste.
Le
false light
est proche de la notion de diffamation pour laquelle le
plaignant doit prouver en plus que l'information porte atteinte à sa
réputation. Les deux actions sont souvent possibles
simultanément, voire quelquefois assimilées.
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Pour ces trois torts , le plaignant doit prouver qu'une personne raisonnable trouverait ces intrusions dans la vie privée extrêmement blessantes. Les tribunaux interprètent le plus souvent cette notion dans un sens défavorable pour la victime.
4) L'appropriation du nom ou de la ressemblance d'une personne à des fins commerciales
Une
personne qui cherche à
s'approprier la valeur commerciale ou la
renommée attachée à une personne
se rend coupable de
ce
tort
.
Il a été appliqué lorsque le nom ou l'image d'une personne
avait été utilisé sans son consentement, pour des fins
publicitaires ou en relation avec un produit commercial.
Ce droit se rattache plutôt à la notion de propriété
intellectuelle d'un individu. Son impact est limité à
l'égard de la presse puisque les tribunaux ont jugé que les
nouvelles et reportages ne constituaient pas des messages commerciaux et ne
pouvaient de ce fait équivaloir à de l'appropriation.
B. LES LIMITES
Le droit au respect de la vie privée se heurte à trois limites importantes dues au grand attachement des tribunaux à la liberté de la presse garantie par le premier amendement à la constitution , et donc mieux protégé constitutionnellement que le droit au respect de la vie privée.
1) L'information se trouvant dans des dossiers publics
Si l'information provient d'un document public (acte de naissance, rapport de police...), les journalistes ne peuvent être poursuivis pour l'avoir rapportée. Il importe peu que les personnes visées aient été embarrassées par la publication de telles informations. Par exemple, en 1989, la Cour suprême a jugé qu'un journal ne pouvait être poursuivi pour avoir révélé le nom de la victime d'un viol obtenu dans un rapport de police, même si, en l'espèce, ce nom apparaissait par erreur dans le document.
2) L'intérêt public
L'intérêt public justifie la diffusion d'informations, même de nature privée. Les tribunaux recherchent donc l'existence d'un lien logique entre le fait privé rapporté et l'intérêt public. L'intérêt public est présumé lorsque l'information divulguée a été obtenue dans des lieux publics. La publication, dans un guide consacré aux plages nudistes, d'une photographie d'un couple nu sur une plage a par exemple été jugée licite car ce livre était d'un intérêt public et que l'image du couple présentait un lien avec le sujet.
3) Le newsworthiness
C'est un
moyen traditionnel de défense à une poursuite pour
révélation de faits de la vie privée. Le
Restatement of
torts
définit la notion en formulant un critère mettant
l'accent sur ce qu'une " personne raisonnable " peut
considérer comme étant une information que le public peut
légitimement souhaiter connaître.
Différents éléments sont mis en balance pour juger si une
information peut être considérée comme susceptible
d'être diffusée :
- les coutumes et conventions de la communauté ;
- l'ampleur de l'intrusion dans la vie privée ;
- la valeur sociale de l'information ;
- le fait que la personne victime des divulgations a accédé
à la notoriété publique de son propre chef ou en raison de
circonstances lui échappant ;
- la divulgation antérieure des faits.
Par exemple, en 1980, un article publié dans le magazine
Sports
Illustrated
et consacré à un champion de surf
s'étendait sur divers aspects de sa vie privée, mentionnant
notamment qu'il n'avait jamais appris à lire ou qu'il trompait les
autorités pour toucher des indemnités de chômage. Le
tribunal estima que les faits rapportés étaient peut-être
embarrassants pour le demandeur, mais ne constituaient pas du sensationnalisme
gratuit ; ils n'étaient qu'une tentative légitime du
journaliste pour expliquer le style et les talents du sportif.
C. LES SANCTIONS
1) L'action en dommages-intérêts
L'atteinte à la vie privée est sanctionnée par
l'attribution à la victime de dommages-intérêts
compensatoires qui constituent la réparation proprement dite (notamment
du préjudice moral).
Le droit de réclamer des dommages-intérêts pour non-respect
de la vie privée est un droit personnel (sauf pour le
tort
d'appropriation). Il ne peut donc être exercé que par la personne
victime des intrusions des journalistes, et non par sa famille, même
proche.
C'est ainsi que la veuve d'un homme filmé lors d'une tentative
infructueuse de réanimation par une équipe de secours n'a pas eu
le droit d'intenter un procès pour atteinte à la vie
privée, après la diffusion du reportage. Seul son époux,
s'il avait survécu, aurait pu intenter une telle action.
De manière générale, les journalistes sont rarement
condamnés. Toutefois, le montant des dommages-intérêts
versés est souvent considérable (plusieurs centaines de milliers
de dollars) lorsque le défendeur est une maison d'édition ou une
chaîne de télévision importante.
2) Les autres actions
a) La
censure préalable
Un individu peut demander à la cour de prendre une mesure de censure
préalable pour empêcher la diffusion d'une publication portant
atteinte à sa vie privée.
Les tribunaux sont en général réticents à
ordonner une telle mesure
, considérée comme devant être
le dernier recours envisageable si d'autres moyens moins contraignants pour
parvenir au même but n'ont pu être utilisés.
Ainsi, en 1994, la cour du district de New York a débouté
Paula Jones, qui avait accusé le président Clinton de
harcèlement sexuel, de sa demande tendant à empêcher un
magazine de publier des photos érotiques la représentant. En
effet, le juge a déclaré que le journal avait déjà
été envoyé aux abonnés et aux kiosques à
journaux. Il a estimé, de plus, que ces photos étaient
d'intérêt public et avaient une relation avec l'éditorial
mettant en cause sa crédibilité.
La saisie avant publication n'est donc autorisée que dans des
circonstances exceptionnelles en raison de la limite que pose la garantie
constitutionnelle de la liberté de la presse. C'est pour cette raison
que les injonctions tendant à faire interdire la diffusion
d'informations ne sont émises qu'après un débat de fond et
non pas suivant une procédure d'urgence à titre conservatoire.
b) L'absence de droit de réponse
Une loi de 1974 imposant l'obligation de publier la réponse d'une
personne attaquée a été déclarée
inconstitutionnelle. Plus généralement, le premier amendement
s'oppose à la publication forcée de rectifications ou de
réponses.
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Certains experts auraient souhaité qu'une loi créée une zone " physique " d'intimité autour des personnalités publiques, en interdisant aux journalistes de s'approcher à moins de 7 ou 10 pieds d'une personne sans sa permission (par analogie avec la zone interdite aux manifestants " pro-vie " autour des cliniques qui pratiquent des avortements).
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Il
n'existe aucune infraction pénale générale contre la vie
privée. Cependant, dans les cas d'atteintes les plus graves à la
vie privée, le juge peut condamner le défendeur à verser
à la victime des dommages-intérêts d'ordre pénal
destinés à punir le responsable.
D'autre part, certains droits se rattachant à la protection de la vie
privée sont garantis par des lois pénales, comme, par exemple, le
secret des courriers envoyés par la poste américaine ou la
confidentialité des conversations téléphoniques et des
messages télégraphiques.