Étude de législation comparée n° 296 - octobre 2021
Étude au Format PDF (525 Koctets)
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LA RÉSIDENCE ALTERNÉE
DES ENFANTS DE PARENTS SÉPARÉS
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1. Belgique : une priorité en faveur de
l'hébergement égalitaire en cas de désaccord des parents
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2. Australie : l'examen prioritaire de la
résidence partagée égalitaire en cas de recours au
juge
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3. États-Unis : une situation
disparate, avec certains États privilégiant la résidence
alternée
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4. Espagne : des expériences
passées de priorité à la « garde
partagée » dans deux communautés autonomes
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5. Italie : un principe de « garde
partagée » qui n'implique pas la résidence
alternée
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1. Belgique : une priorité en faveur de
l'hébergement égalitaire en cas de désaccord des parents
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LE SPORT EN ENTREPRISE
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1. En Allemagne et en Autriche, un modèle
axé sur la promotion de la santé au travail
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2. Au Royaume-Uni, des initiatives fortement
encouragées par les autorités
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3. En Slovénie, une volonté au plus
haut niveau d'encourager le sport pour tous
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4. En Suède, quelques entreprises ont choisi
de rendre le sport obligatoire
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1. En Allemagne et en Autriche, un modèle
axé sur la promotion de la santé au travail
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LE STATUT DES TRAVAILLEURS DES PLATEFORMES
NUMÉRIQUES (ACTUALISATION)
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1. Allemagne : une évolution
jurisprudentielle, dans l'attente de la définition d'un cadre
législatif
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2. Royaume-Uni : la décision de la
Cour suprême de février 2021
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3. Espagne : l'introduction dans la loi d'une
présomption de travail salarié pour les livreurs des
plateformes
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4. Suisse : l'attente d'une décision
au niveau fédéral
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5. États-Unis : un paysage toujours
morcelé mais des initiatives au niveau fédéral pour
clarifier le statut des travailleurs des plateformes
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6. Les modèles danois et
suédois : la conclusion d'accords collectifs entre plateformes et
partenaires sociaux
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1. Allemagne : une évolution
jurisprudentielle, dans l'attente de la définition d'un cadre
législatif
Octobre 2021
- LÉGISLATION COMPARÉE -
Recueil des notes de synthèse
- La résidence alternée des enfants de parents séparés
- Le sport en entreprise
- Le statut des travailleurs des plateformes numériques (actualisation)
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D'AVRIL À SEPTEMBRE 2021
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AVERTISSEMENT
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
Entre avril et septembre 2021, la Division de la Législation comparée du Sénat a réalisé trois études portant sur des sujets de droit civil et de droit du travail.
À la demande de Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice, la Division de la Législation comparée s'est intéressée à la résidence alternée égalitaire des enfants de parents séparés. Partant du modèle belge, qui a instauré un examen prioritaire de l'hébergement égalitaire par le juge en cas de désaccord entre les parents, la note analyse les législations en vigueur en Australie, aux États-Unis, en Espagne, aux Pays-Bas et en Italie.
À la demande de M. Michel Savin, sénateur, la Division de la Législation comparée a travaillé sur le thème du sport en entreprise en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Slovénie et en Suède.
À la demande de M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, la Division de la Législation comparée a procédé à l'actualisation de l'étude publiée en 2019 sur le statut des travailleurs des plateformes numériques en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Suisse et aux États-Unis. L'échantillon initial a été complété par les modèles danois et suédois où des accords collectifs ont récemment été conclus entre des partenaires sociaux et certaines plateformes numériques.
LA RÉSIDENCE ALTERNÉE
DES ENFANTS DE PARENTS
SÉPARÉS
À la demande de Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice, la Division de la Législation comparée a réalisé une étude sur la résidence alternée égalitaire des enfants de parents séparés. Partant du modèle belge, qui a instauré un examen prioritaire de l'hébergement égalitaire par le juge en cas de désaccord entre les parents, la présente note analyse les législations en vigueur en Australie, aux États-Unis, en Espagne, aux Pays-Bas et en Italie.
L'étude se réfère autant que possible à la terminologie du droit civil français qui distingue l'autorité parentale, exercée en commun par les père et mère même en cas de séparation (articles 372 et 373-2 du Code civil), de la résidence de l'enfant, qui peut être organisée en alternance au domicile de chacun des parents (article 372-2-9 du Code civil). Cependant, les législations étrangères utilisent fréquemment le terme de « garde » qui recouvre des réalités juridiques différentes. Le droit anglo-saxon distingue « legal custody » et « physical custody », qui correspondent respectivement aux notions d'autorité parentale et de résidence françaises. Aux États-Unis, le terme « physical custody » tend à être remplacé par l'expression « parenting time ». En Espagne, le terme « guardia y custodia compartida », distinct de l'autorité parentale, inclut les notions de soin, d'hébergement et de droit de visite. À l'inverse, en Italie, l' « affidamento condiviso » signifie que l'enfant est confié aux deux parents mais n'implique pas nécessairement le partage de la résidence.
Ces difficultés terminologiques peuvent rendre les comparaisons malaisées voire induire une certaine confusion, comme dans le cas italien. Il ressort néanmoins de cette étude que la Belgique et l'Australie font figure de précurseurs dans l'instauration d'une priorité en faveur de la résidence alternée égalitaire. Certains États fédérés des États-Unis ont plus récemment opté pour une présomption légale ou une préférence en faveur de la résidence partagée, alors qu'à l'inverse les deux communautés autonomes espagnoles qui appliquaient ce type de préférence l'ont abandonnée.
1. Belgique : une priorité en faveur de l'hébergement égalitaire en cas de désaccord des parents
La Belgique a introduit dans la loi, dès 2006 , le principe de l'examen prioritaire par le juge de l'hébergement égalitaire, en l'absence d'accord entre les parents sur les modalités de garde. Le juge conserve néanmoins une marge d'appréciation importante et cette disposition demeure controversée chez certains pédopsychiatres.
a) Le dispositif législatif
À la suite des élections législatives fédérales de 2003, le gouvernement belge avait mis en place une plateforme populaire - appelée les États généraux des familles - afin de définir les objectifs prioritaires pour soutenir les familles 1 ( * ) . Fruit de ce travail citoyen, la loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant 2 ( * ) a fait de la résidence alternée la modalité d'hébergement privilégiée de l'enfant, en cas de rupture de vie commune des parents. Constatant les limites de l'approche « au cas par cas » et des décisions souvent prises dans l'urgence par le juge, l'objectif des États généraux des familles était d'instaurer « une norme générale et à tout le moins un modèle qui s'imposerait au juge à défaut d'autres éléments » 3 ( * ) .
Aux termes de l'article 374 §1 du code civil 4 ( * ) , lorsque les père et mère ne vivent pas ensemble, l'exercice de l'autorité parentale reste conjoint et la présomption selon laquelle le père ou la mère est réputé agir avec l'accord de l'autre s'applique 5 ( * ) . Lors de la séparation des parents, le législateur belge a souhaité privilégier les accords parentaux pour déterminer le lieu d'hébergement des enfants, sauf si ces accords sont manifestement contraires à l'intérêt de l'enfant (article 374 §2, alinéa 1, du code civil).
En cas d'autorité parentale conjointe mais de désaccord sur le lieu de résidence, une présomption en faveur de l'hébergement égalitaire s'applique depuis 2006. L'article 374 §2, alinéas 2 et 3, du code civil prévoit en effet qu'« à défaut d'accord, en cas d'autorité parentale conjointe, le tribunal examine prioritairement, à la demande d'un des parents au moins, la possibilité de fixer l'hébergement de l'enfant de manière égalitaire entre ses parents. Toutefois, si le tribunal estime que l'hébergement égalitaire n'est pas la formule la plus appropriée, il peut décider de fixer un hébergement non-égalitaire. » . Le tribunal doit motiver spécialement sa décision lors de l'examen de la demande d'un régime d'hébergement égalitaire, « en tenant compte des circonstances concrètes de la cause et de l'intérêt de l'enfant et des parents » (article 374 §2 alinéa 5). La loi du 20 mai 2021 6 ( * ) est venue préciser que, lorsque les parents ont plusieurs enfants, le tribunal doit tendre vers l'adoption d'un même régime pour tous les frères et soeurs (article 374 §2 alinéa 4).
L'exposé des motifs de la loi de 2006 évoque certaines contre-indications, qui peuvent être prises en considération par le juge, afin de déroger à la résidence alternée égalitaire :
- « L'éloignement géographique significatif des parents ;
- l'indisponibilité de l'un d'eux mais il devra s'agir d'un déséquilibre sérieux, car ce critère ne peut être d'emblée préjudiciable au parent qui a une activité professionnelle : dans beaucoup de familles, même unies, les deux parents travaillent et doivent prendre les mesures qui s'imposent pour assurer l'accueil de l'enfant ;
- son éventuelle indignité (mais dans ce cas l'autorité ne sera sans doute pas conjointe) ;
- son désintérêt manifeste pour l'enfant pendant la vie commune ou après la séparation: ici encore, la carence devra être sérieuse pour que le juge exclue l'hébergement égalitaire ;
- le jeune âge de l'enfant: la question est controversée, mais de nombreux praticiens semblent préconiser une certaine prudence pour les enfants en bas âge, et en tout cas les nourrissons ;
- le contenu de l'audition de l'enfant ;
- la faveur donnée au maintien de la fratrie . » 7 ( * )
Si l'un des parents refuse d'exécuter la décision relative à l'hébergement de l'enfant, l'autre parent a la possibilité de saisir le juge, qui peut ordonner une mesure de contrainte (article 387 ter du code civil).
b) L'application par le juge
L'application de la loi du 18 juillet 2006 par le juge a permis d'en préciser les modalités.
- Sur la charge de la preuve : la décision Madame G.C. c/ Monsieur B.D. du 18 juin 2007 de la dix-neuvième chambre de la cour d'appel de Mons a rappelé, en s'inspirant de l'exposé des motifs de la loi du 18 juillet 2006, que la charge de la preuve incombe au parent qui s'oppose à la résidence alternée égalitaire 8 ( * ) . Toutefois, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 20 janvier 2020, c'est au juge qu'il revient d'apprécier si, sur la base de ces faits, l'hébergement égalitaire constitue ou non la formule la plus appropriée 9 ( * ) ;
- Sur la prise en compte de la mésentente parentale : dans la décision Madame G.C. c/ Monsieur B.D. précitée, la cour d'appel a également souligné que faire de l'entente entre les parents une condition essentielle et préalable de l'hébergement égalitaire serait inapproprié, « cela pourrait encourager le parent opposé à la demande à se figer dans une attitude par principe hostile et négative ; Au contraire, dès lors qu'il est établi que l'hébergement égalitaire rencontre l'intérêt de l'enfant, il appartient aux parents responsables de mettre tout en oeuvre pour renouer entre eux le dialogue nécessaire à l'épanouissement de leur fils ». C'est donc l'intérêt de l'enfant qui doit prévaloir dans la détermination de la résidence 10 ( * ) .
Par ailleurs, dans un arrêt du 4 juin 2013, la cour d'appel de Liège a précisé que des différences de conceptions dans l'éducation des parents (la mère trouvait le père trop laxiste et impulsif) ne s'opposaient pas au maintien d'un hébergement strictement égalitaire 11 ( * ) .
- Sur la prise en compte de l'âge de l'enfant : le juge encourage l'adaptation des modalités de la résidence alternée en fonction de l'âge. En effet, le tribunal de la famille de Namur, dans un arrêt du 5 décembre 2014 a considéré que « le jeune âge d'un des enfants, 2 ans, constitue un obstacle à la mise en oeuvre d'un hébergement égalitaire d'une semaine sur deux. L'enfant, à ce stade, a essentiellement besoin d'une référence maternelle, étant encore incapable de penser l'absence de celle-ci », préférant ainsi mettre en place une répartition égalitaire par demi-semaine 12 ( * ) .
c) Données statistiques
Les recherches de la Division de la Législation comparée n'ont pas identifié de statistiques officielles sur l'évolution de la proportion des enfants vivant en résidence alternée égalitaire en Belgique. Deux études peuvent néanmoins être mentionnées. Ainsi, selon la Ligue bruxelloise francophone, entre 2004 et 2010, dans les décisions des tribunaux de Charleroi et Bruxelles, une réduction de 10,6 % du nombre d'hébergements exclusifs accordés par le juge a été observée 13 ( * ) . Une étude publiée en 2019 par l'Université Catholique de Louvain rapporte que dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, parmi les enfants dont les parents étaient séparés, 3 enfants sur 10 vivaient en résidence alternée égalitaire, 4 enfants sur 10 vivaient en hébergement exclusif chez la mère, 2 enfants sur 10 à titre principal chez la mère et 1 enfant sur 10 était hébergé exclusivement chez le père 14 ( * ) .
Le guide sur la résidence
alternée
publié par la Fédération
Wallonie-Bruxelles
Un guide intitulé Garde alternée, les besoins de l'enfant 15 ( * ) , publié en 2014 par le programme de prévention de la maltraitance du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles « Yapaka » et rédigé par deux pédopsychiatres, souligne certaines difficultés suscitées par la résidence alternée.
L'ouvrage revient notamment sur l'importance de la prise en compte de l'âge de l'enfant dans la détermination du mode de garde. Ainsi, par exemple, pour l'enfant de moins d'un an « qui n'a pas encore acquis la notion de présence/absence, qui pense que sa mère disparaît chaque fois qu'il la quitte et qui est l'enjeu d'un conflit brutal entre les parents, la garde alternée nous semble tout à fait contre-indiquée . De la même manière, le partage au rythme d'« une fin de semaine sur deux » ou les « saucissonnages » d'alternance sont également déconseillés. ».
Il est également mis en avant l'importance que revêt le fait que les parents souhaitent la garde égalitaire. « Pour pouvoir bien s'appliquer et ne pas faire l'objet de pression ou de chantage, une résidence alternée doit être voulue par les deux parents. Ce type de garde, s'il est imposé par la justice en l'absence de l'accord des deux parents, est voué à l'échec en ce qui concerne le développement affectif de l'enfant. »
Les deux auteurs de Garde alternée, les besoins de l'enfant mentionnent, pour appuyer leur réflexion, les résultats d'une étude australienne de 2010 sur les conséquences de la garde alternée sur les enfants 16 ( * ) . « Les enfants élevés en résidence alternée présentent plus de symptômes externalisés (agressivité, impulsivité, agitation, désobéissance), internalisés (inhibition, angoisse, dépression, échec scolaire) que la moyenne générale et plus de problèmes de relation avec leurs pairs. Il existe une relation directe entre des horaires rigides et les troubles internalisés tels que dépression et anxiété. Les auteurs indiquent ne pas pouvoir prouver que la résidence alternée rigide crée ces symptômes émotionnels, mais qu'elle peut maintenir des tendances à la dépression et à l'angoisse chez l'enfant . [...] Avec quatre ans de recul, les enfants vivant en résidence alternée continue, rigide ou non, sont les moins satisfaits par rapport à ceux qui vivent d'autres modes d'hébergement et sont ceux qui demandent le plus à modifier leur mode de vie. Les enfants en résidence alternée rigide sont de plus en plus insatisfaits au fil du temps . »
Ces différents éléments leur permettent de conclure qu'« il [leur] semble important d'insister sur la nécessité d'articuler la clinique et le législatif. Le législatif ne peut raisonner en termes de « cas par cas », de « sur mesure ». Or, la clinique montre que certains enfants supportent un rythme de vie qui peut en désorganiser d'autres. Les études sérieuses dont nous disposons indiquent un niveau de risque largement suffisant pour justifier qu'un principe de précaution soit appliqué dans la loi ».
2. Australie : l'examen prioritaire de la résidence partagée égalitaire en cas de recours au juge
De façon similaire à la Belgique, l'Australie applique depuis 2006 une priorité à la résidence partagée égalitaire, en l'absence d'accord amiable des parents. La Commission de réforme du droit australien a toutefois recommandé, en 2019, d'abroger cette disposition.
a) Le dispositif législatif
En droit australien, le Family law Act prévoit, depuis 2006, une présomption réfragable selon laquelle le partage de l'autorité parentale est dans l'intérêt de l'enfant 17 ( * ) . Cette présomption peut être renversée par des éléments de preuve démontrant qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant que l'autorité parentale soit partagée par les parents 18 ( * ) .
Concernant l'hébergement de l'enfant, il est de la responsabilité des parents de conclure un accord qui soit dans le meilleur intérêt de l'enfant. Cet accord amiable peut être informel ou faire l'objet d'un « plan parental » ( parenting plan ) 19 ( * ) . En l'absence d'accord amiable, l'un des parents, l'enfant voire les grands-parents peuvent faire appel au juge et demander une ordonnance parentale ( parenting order ) 20 ( * ) , dont les effets sont juridiquement contraignants (contrairement au plan parental). Dans cette hypothèse, la loi australienne prévoit depuis 2006 une analyse en plusieurs temps par le juge : celui-ci doit d'abord examiner l'option de la résidence alternée égalitaire, puis la résidence alternée non égalitaire. L'intention du législateur était alors de promouvoir la participation de chaque parent dans la vie de l'enfant et de fournir un point de départ privilégié en faveur de la résidence partagée égalitaire après la séparation 21 ( * ) .
Ainsi, conformément à l'article 65DAA du Family law act , si la présomption d'autorité parentale partagée n'est pas renversée, le juge doit :
- déterminer s'il est dans l'intérêt de l'enfant qu'il dispose d'autant de temps ( equal time ) avec chacun de ses parents ;
- et déterminer s'il est raisonnablement possible que l'enfant dispose d'autant de temps avec chacun de ses parents ;
- et le cas échéant, prendre une décision en faveur de la résidence alternée égalitaire.
Si l'autorité parentale est partagée mais que le tribunal n'ordonne pas la résidence alternée égalitaire, le juge doit :
- déterminer s'il est dans l'intérêt de l'enfant qu'il dispose d'un temps substantiel et significatif ( substantial and significant time ) avec chacun de ses parents ;
- et déterminer s'il est raisonnablement possible que l'enfant dispose de temps substantiel et significatif avec chacun de ses parents ;
- et le cas échéant, ordonner une modalité de résidence permettant que l'enfant dispose d'un temps substantiel et significatif avec chacun de ses parents.
L'article 65DAA précité précise qu'il est considéré que l'enfant dispose de temps « substantiel et significatif » avec l'un de ses parents seulement si le temps qu'il passe avec le parent inclut à la fois des jours de weekends et de vacances et des jours de semaine. Le temps que l'enfant passe avec le parent doit permettre à ce dernier d'être impliqué dans la routine quotidienne de l'enfant et les évènements qui ont une signification particulière pour l'enfant ou pour le parent. Le juge peut prendre en considération d'autres éléments afin de déterminer si l'enfant dispose de temps substantiel et significatif avec ses deux parents.
La loi précise également que, pour déterminer le mode de résidence privilégié, le juge doit prendre en considération les facteurs suivants : (i) la distance entre les habitations des deux parents ; (ii) la capacité actuelle et future des parents à respecter un arrangement permettant à l'enfant de passer un temps égal, ou un temps substantiel et significatif, avec chacun des parents ; (iii) la capacité actuelle et future des parents à communiquer entre eux et à résoudre les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en oeuvre d'un tel arrangement ; (iv) l'effet qu'un tel arrangement aurait sur l'enfant et (v) toute autre question que le tribunal juge pertinente 22 ( * ) .
En définitive, s'il n'existe pas de droit pour chaque parent à passer un temps égal ou substantiel avec son enfant 23 ( * ) et que la résidence alternée égalitaire n'est pas explicitement préférée par le législateur, elle est la première des modalités de résidence que le juge doit examiner en cas de désaccord parental. L'article 60CA du Family law Act souligne cependant que l'intérêt de l'enfant demeure la considération primordiale dans la définition des modalités de garde.
b) L'application par le juge
Dans une contribution transmise à la Commission de réforme du droit australien 24 ( * ) , la Cour fédérale aux affaires familiales ( Family Court ) indique que « lorsqu'elle examine les propositions concurrentes des parents ou d'autres personnes exerçant la responsabilité parentale, elle considère la résidence partagée égalitaire ou la modalité d'un temps substantiel et significatif avec chaque parent si l'une des parties en fait la demande (ou de sa propre initiative sous condition d'équité procédurale). Dans le cas contraire, il n'est pas utile d'examiner la résidence partagée égalitaire ou substantielle et significative » 25 ( * ) .
Selon une étude de l'Institut australien des études familiales ( Australian Institute of Family Studies - AIFS ) sur les décisions des tribunaux, les ordonnances en faveur de la responsabilité parentale partagée sont très courantes et ont augmenté depuis 2006. S'agissant des modalités de résidence et du temps passé avec chaque parent, la plupart (69,4 %) des enfants de l'échantillon étudié se voyaient appliquer une ordonnance judiciaire définissant une garde majoritaire avec leur mère et 22,2 % une ordonnance en faveur de la résidence partagée (définie comme un partage d'au moins 35 % à 47 % avec un parent et 53 % à 65 % avec l'autre parent) 26 ( * ) .
c) Données statistiques
Aucune statistique officielle sur le nombre d'enfants en résidence partagée, égalitaire ou substantielle et significative, n'est publiée à intervalle régulier par les autorités australiennes. Seules des enquêtes ou des études universitaires portant sur des échantillons permettent d'apprécier la situation.
Outre la faible proportion d'ordonnances judiciaires en faveur de la résidence partagée (égalitaire ou non) relevée ci-avant, les modèles les plus courants d'accord parental (amiable) parmi les familles séparées impliquent que les enfants restent la majorité de leur temps avec leur mère mais voient leur père de façon régulière (y compris en passant la nuit chez eux) 27 ( * ) .
Des évaluations de la réforme de 2006 - réalisées en 2011 puis en 2015 sur des échantillons de taille différente - montrent une hausse tendancielle de l'hébergement partagé (pas nécessairement égalitaire) mais, selon ces dernières, il s'agirait de la poursuite d'une tendance préexistante plutôt qu'un effet direct de l'amendement législatif adopté en 2006 28 ( * ) .
La recommandation de la Commission de réforme du droit australien
En 2019, la Commission de réforme du droit australien (Australian Law Reform Commission) - autorité indépendante chargée d'évaluer la loi et sa mise en oeuvre et de transmettre des recommandations au gouvernement - a publié un rapport sur le droit de la famille 29 ( * ) . Elle y recommande notamment d'abroger l'article 65DAA du Family Law Act établissant un examen prioritaire de la résidence partagée égalitaire par le juge.
Premièrement, elle relève que les études menées ne montrent pas de lien entre le temps passé avec chaque parent et le bien-être de l'enfant. Selon la Société australienne de psychologie, les facteurs logistiques et de ressources, de bonne entente des parents et la mesure dans laquelle l'accord répond aux besoins de l'enfant sont déterminants pour que l'hébergement partagé soit bénéfique aux enfants. Elle recommande ainsi de privilégier les accords parentaux qui maintiennent autant de normalité que possible dans la vie de l'enfant.
Deuxièmement, la Commission de réforme du droit souligne que la disposition actuelle est souvent perçue comme une présomption en faveur de l'hébergement partagé égalitaire (alors que la présomption concerne uniquement la responsabilité parentale partagée). Cette confusion peut être source de conflit ou, à l'inverse, conduire des victimes de violence familiales à accepter des modalités de garde inappropriées et dangereuses. Elle conclut qu'« il est difficile de justifier le maintien d'une disposition qui conduit à des malentendus sur les modalités de garde, augmente la complexité des jugements et probablement les frais de justice. Cette disposition conduit également à se concentrer sur la quantité de temps passé avec l'enfant plutôt que sur la mesure dans laquelle ce contact améliore le bien-être de l'enfant . »
Pour l'ensemble de ces raisons, la Commission de réforme du droit recommande d'abroger l'article 65DAA concernant la résidence partagée égalitaire et de clarifier que seul l'intérêt de l'enfant doit être considéré, sur la base de décisions au cas par cas prenant en compte chaque situation individuelle.
3. États-Unis : une situation disparate, avec certains États privilégiant la résidence alternée
Selon la Cour suprême des États-Unis, le fait pour un parent d'entretenir une relation avec ses enfants est un droit fondamental 30 ( * ) . Cependant, le pouvoir de légiférer en droit de la famille n'ayant pas été attribué à la fédération par la Constitution, il est principalement exercé par les États fédérés 31 ( * ) . Dans tous les États, l'intérêt de l'enfant est le critère primordial pour déterminer les modalités de garde ( custody ou parenting time ) en cas de séparation des parents 32 ( * ) . Quelques États ont adopté des dispositifs tendant à privilégier la résidence alternée égalitaire 33 ( * ) , soit en créant une présomption légale en faveur de celle-ci, comme dans le Kentucky, soit en l'érigeant comme une modalité de garde privilégiée, comme dans le Nevada.
a) Le Kentucky : une présomption légale en faveur de la résidence alternée égalitaire
En 2018, l'État du Kentucky est devenu le premier État à établir une présomption réfragable selon laquelle l'autorité parentale partagée et la résidence alternée égalitaire ( equally shared parenting time ) sont dans l'intérêt de l'enfant 34 ( * ) . S'il n'est pas possible que la résidence alternée soit égalitaire, le tribunal établit un calendrier qui maximise le temps passé avec chacun des parents tout en assurant le bien-être de l'enfant.
Pour déterminer s'il est nécessaire de renverser la présomption, le juge doit prendre en considération différents facteurs dont :
- les souhaits du ou des parents de l'enfant, et de tout titulaire de la garde de fait ( de facto custodian ) 35 ( * ) , concernant sa garde ;
- les souhaits de l'enfant quant à sa garde, en tenant compte de l'influence qu'un parent ou qu'un titulaire de la garde de fait peut avoir sur l'enfant ;
- l'interaction et l'interrelation de l'enfant avec son ou ses parents, ses frères et soeurs et toute autre personne susceptible d'influer de manière significative sur l'intérêt de l'enfant ;
- la motivation des adultes participant à la procédure de garde ;
- l'adaptation de l'enfant et sa proximité avec son lieu de vie, son école et sa communauté ;
- la santé mentale et physique de toutes les personnes concernées ;
- le fait que des actes de violence ou des abus domestiques aient été commis par l'une des parties contre un enfant ou contre une autre partie. Le tribunal détermine la mesure dans laquelle la violence domestique et les mauvais traitements ont affecté l'enfant et sa relation avec chaque partie, en prenant en considération les efforts réalisés par la partie qui s'est livrée à des actes de violence ou d'abus dans le suivi d'un traitement ou programme de lutte contre la violence domestique ;
- la mesure dans laquelle l'enfant a été pris en charge, nourri et soutenu par tout titulaire de la garde de fait ;
- l'intention du ou des parents de placer l'enfant chez un titulaire de la garde de fait ;
- les circonstances dans lesquelles l'enfant a été placé ou autorisé à rester sous la garde d'un titulaire de la garde de fait, y compris si le parent qui demande maintenant la garde a été précédemment empêché de le faire en raison de violences domestiques et si l'enfant a été placé chez un titulaire de la garde de fait afin de permettre au parent qui demande maintenant la garde de chercher un emploi, de travailler ou de suivre des études ;
- la probabilité qu'une partie permette à l'enfant d'avoir des contacts fréquents, significatifs et continus avec l'autre parent. Le tribunal ne tient pas compte de cette probabilité s'il est établi que l'autre parent s'est livré à des actes de violence et d'abus domestiques, contre son conjoint ou un enfant et que la poursuite de la relation mettra en danger la santé ou la sécurité de la partie ou de l'enfant.
La loi prévoit explicitement que la présomption selon laquelle la résidence partagée égalitaire est dans l'intérêt de l'enfant ne s'applique pas si une ordonnance pour violences domestiques a été prise à l'encontre de l'une des parties 36 ( * ) .
Ces dispositions relatives à la présomption réfragable d'autorité parentale partagée et de résidence alternée égalitaire ( equally shared parenting time ) sont entrées en vigueur le 14 juillet 2018 37 ( * ) .
b) Le Nevada : une préférence pour la résidence alternée
Plusieurs États fédérés ont introduit dans leur droit un principe selon lequel le juge doit « considérer » l'option de la résidence alternée - égalitaire ou non - voire en faire l'option privilégiée. C'est notamment le cas de l'État du Nevada.
En effet, le paragraphe 125C.0025 des lois du Nevada dispose que lorsque le tribunal détermine la modalité d'hébergement de l'enfant, la résidence alternée ( joint physical custody ) peut être considérée comme préférable pour l'intérêt de l'enfant si :
- les parents ont choisi d'un commun accord la résidence alternée comme mode d'hébergement de l'enfant ; ou
- si un parent a démontré, ou tenté de démontrer mais a vu ses efforts contrariés par l'autre parent, son intention de développer une relation substantielle ( meaningful ) avec l'enfant.
Pour l'aider à déterminer si le choix de la résidence alternée est approprié, le tribunal peut ordonner qu'une enquête soit menée.
Le paragraphe 125C.0003 précise que la garde exclusive ( primary physical custody ) peut être décidée par le juge lorsqu'il apparaît que la résidence alternée n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. La résidence alternée est ainsi présumée ne pas être dans l'intérêt de l'enfant lorsque :
- le tribunal détermine que l'un des parents est incapable de s'occuper adéquatement d'un enfant mineur pendant au moins 146 jours de l'année ;
- dans certains cas de figure, lorsque l'enfant est né hors-mariage ;
- lorsqu'un parent a commis un ou plusieurs actes de violences domestiques à l'encontre de l'enfant, d'un parent de l'enfant ou de toute autre personne résidant avec l'enfant (cette présomption est réfragable).
La loi elle-même ne définit pas de quotité minimale de temps passé avec chaque parent en cas de résidence alternée ( joint physical custody ). Depuis l'arrêt Rivero de 2009 de la Cour suprême du Nevada, il est toutefois considéré que la résidence alternée concerne les configurations dans lesquelles chacun des parents accueille l'enfant au moins 40 % du temps 38 ( * ) .
4. Espagne : des expériences passées de priorité à la « garde partagée » dans deux communautés autonomes
En Espagne, l'État détient la compétence exclusive en matière de droit civil, à l'exception des cas où les communautés autonomes disposaient historiquement d'un droit civil régional (article 149.1.8 a de la Constitution de 1978) 39 ( * ) . Ainsi, la Constitution espagnole autorise les communautés autonomes concernées à conserver, modifier et développer leur droit civil régional antérieur à la Constitution de 1978. En matière de résidence des enfants à l'issue d'une séparation, il en est résulté la coexistence d'un cadre juridique national et de régimes juridiques privilégiant la « garde partagée » ( guarda y custodia compartida ) 40 ( * ) , non strictement égalitaire, en Aragon (de 2011 à 2019) et dans la communauté valencienne (de 2011 à 2016).
a) Le cadre normatif étatique
La procédure de divorce ne fut réintroduite dans le code civil espagnol qu'en 1981. Avant la promulgation de la Constitution de 1978, la dissolution des mariages était décidée à l'aune d'un critère de culpabilité ou d'innocence 41 ( * ) . L'institution d'une autorité parentale ou d'une garde partagée des enfants n'était donc nullement envisagée. La loi du 13 mai 1981 42 ( * ) a, tout d'abord, établi le principe de l'autorité parentale ( patria potestad ) conjointe des deux parents, ou d'un seul parent avec le consentement expresse ou tacite de l'autre (article 156 du code civil) et reconnu le droit des deux parents à entretenir une relation avec leur enfant (articles 94 et 160 du code civil).
Puis, la loi du 7 juillet 1981 modifiant le régime matrimonial du code civil 43 ( * ) a permis de renforcer la prise en compte de l'intérêt du mineur en matière de garde, à travers la suppression du critère de culpabilité ou d'innocence évoqué plus haut. Cependant, jusqu'en 1990, en cas de désaccord entre les parents séparés, la garde des enfants de moins de sept ans était exclusivement accordée à la mère, sauf pour des raisons spécifiques appréciées par le juge ; la garde partagée n'était possible que d'un commun accord entre les parents (article 159 du code civil). Ce n'est qu'avec la loi du 8 juillet 2005 modifiant le code civil et la loi de procédure civile en matière de séparation et de divorce 44 ( * ) que la notion de « garde partagée » ( guarda y custodia compartida ) - qui est distincte de l'autorité parentale ( patria potestad ) et peut être définie comme l'organisation du soin, de la garde et des visites aux enfants adoptée dans l'intérêt des mineurs en cas de rupture de vie commune des parents 45 ( * ) - fut pleinement intégrée dans l'ordre juridique espagnol.
Désormais, l'article 92.2 du code civil espagnol 46 ( * ) dispose que le juge détermine la garde ( custodia ), le soin et l'éducation des enfants en prenant en considération l'intérêt supérieur de l'enfant 47 ( * ) . La garde partagée ( custodia compartida ) est accordée lorsque les parents en font la demande dans le projet d'accord ou lorsque tous deux parviennent à cet accord au cours de la procédure (article 92.5 du code civil). Dans tous les cas, avant de décider du régime de garde, le juge doit obtenir l'avis du ministère public 48 ( * ) , entendre les mineurs en âge de raison lorsqu'il l'estime nécessaire ou à la demande du procureur, des parties ou du mineur lui-même, et évaluer les allégations des parties, les preuves recueillies et la relation que les parents entretiennent entre eux et avec leurs enfants (article 92.6 du code civil). La garde partagée ne peut être accordée lorsque l'un des parents est impliqué dans une procédure pénale pour atteinte à la vie, à l'intégrité physique et morale, à la liberté, ou à la liberté sexuelle et à l'indemnisation de l'autre conjoint ou des enfants qui vivent avec les deux, ou lorsque le juge constate l'existence d'indices fondés de violence domestique ou conjugale (article 92.7 du code civil). Aux termes de la loi, la garde partagée n'apparaît pas comme une modalité de garde privilégiée par rapport aux autres et n'est pas nécessairement égalitaire.
La jurisprudence du Tribunal suprême interprète toutefois l'article 92 du code civil comme établissant la garde partagée non pas comme une modalité de garde exceptionnelle mais comme la modalité « la plus normale » car elle permet d'assurer l'effectivité du droit des enfants à avoir des relations avec leurs deux parents 49 ( * ) . Le Tribunal a également précisé que les conflits parentaux ne font pas obstacle au choix de la garde partagée car cela nuirait à l'intérêt de l'enfant d'avoir des relations avec ses parents 50 ( * ) . Une récente affaire portée devant le tribunal de première instance de Leganés semble même indiquer que la garde partagée pourrait être choisie par le juge alors qu'elle n'était pas souhaitée par le père qui invoquait l'impossibilité d'accueillir sa fille du fait de son travail. En l'espèce, le tribunal a estimé que le père de l'enfant ne pouvait pas refuser la garde partagée si les conditions qui justifient son établissement étaient réunies 51 ( * ) .
A contrario , dans les cas où le rapport psychosocial révèle que les enfants devraient partager une chambre avec leur père, qui réside chez ses parents, et que celui-ci ne pourra pas leur consacrer autant de temps que leur mère, le Tribunal suprême a refusé d'accorder la garde partagée 52 ( * ) .
b) Des dérogations dans certaines communautés autonomes
Les communautés autonomes ayant des droits civils régionaux antérieurs à la Constitution de 1978 peuvent conserver une compétence en matière de droit civil. S'agissant du droit de la famille, les communautés autonomes d'Aragon et de Valence ont ainsi tenté de privilégier explicitement la garde partagée, avant de revenir par la suite sur leur choix, de façon volontaire ou contrainte.
• La communauté autonome d'Aragon
Selon l'article 35.1.4 du statut d'autonomie d'Aragon de 1982, la communauté autonome est compétente pour conserver, modifier et développer le droit civil aragonais, sans préjudice de la compétence exclusive de l'État 53 ( * ) .
Dans un décret-législatif du 29 mars 2011 54 ( * ) , le gouvernement aragonais a ainsi introduit une préférence en faveur de la garde partagée ( custodia compartida ), comprise comme un régime de garde n'impliquant pas nécessairement l'hébergement strictement égalitaire mais une durée de séjour ( convivencia ) suffisante chez chaque parent pour leur permettre d'exercer leurs droits et devoirs de façon égale. L'article 80.2 dudit décret prévoit que le juge doit privilégier ( adoptara de forma preferente ) la garde partagée dans l'intérêt des enfants mineurs, à moins que la garde monoparentale ne convienne davantage, en tenant compte du projet présenté par chaque parent et des éléments suivants : l'âge de l'enfant, leurs origines sociales et familiales, l'avis des enfants s'ils ont une capacité de jugement suffisante (avec une attention particulière à l'avis des enfants de 14 ans et plus), la capacité et la volonté des parents d'assurer une stabilité aux enfants et « toute autre circonstance présentant un intérêt particulier pour le régime de résidence partagée ». Selon l'exposé des motifs, l'introduction de cette disposition répondait à une demande sociale importante, la garde partagée permettant d'assurer l'effectivité du droit de l'enfant à entretenir une relation continue avec ses parents ainsi que le « droit-devoir » des parents d'héberger leurs enfants et de les éduquer.
Le dispositif a cependant été modifié en 2019. Par la loi du 21 mars 2019 55 ( * ) , le législateur aragonais a décidé que la détermination du mode de garde et d'hébergement de l'enfant ne devait être que le fruit de l'analyse des circonstances d'espèce et de la recherche de l'intérêt de l'enfant. Le principe de préférence du juge en faveur de la garde partagée a ainsi été supprimé. Ce changement fait suite, d'une part, aux conclusions de la rencontre entre les juges et les avocats du droit de la famille organisée en 2015, qui avaient estimé qu'aucun mode de garde et d'hébergement ne devait être privilégié car celui-ci devait être établi en fonction de chaque cas concret 56 ( * ) et, d'autre part, à l'évolution du droit civil étatique, qui a établi en 2015 des critères pour déterminer l'intérêt de l'enfant 57 ( * ) .
• La communauté autonome de Valence
La communauté autonome de Valence s'était estimée compétente pour légiférer en matière de relations familiales lorsque les parents ne vivent pas ensemble.
Le législateur valencien avait ainsi adopté en 2011 une loi qui faisait de la résidence partagée ( convivencia compartida ) la « règle générale », et ce, y compris dans les cas de conflits parentaux ainsi que lorsque l'un des parents s'y oppose (article 5.2) 58 ( * ) . Les dispositions ont ensuite été précisées par le juge qui a estimé que le recours à la garde individuelle ne pouvait se justifier qu'en cas de circonstances exceptionnelles (Tribunal supérieur de justice de la communauté autonome de Valence, 6 septembre 2013) 59 ( * ) .
Cette loi a cependant été abrogée par le Tribunal suprême en 2016 60 ( * ) . En effet, ce dernier a estimé que la communauté autonome n'avait pas compétence en la matière. La communauté autonome de Valence est donc désormais régie par le droit commun en matière de droit de la famille.
c) Données statistiques
Si le code civil espagnol ne favorise aucun mode de résidence de l'enfant après la rupture de la vie commune des parents, le juge privilégie en pratique la garde partagée (impliquant la résidence partagée, égalitaire ou non) qu'il estime être le mode le plus « normal » d'hébergement de l'enfant et le plus conforme à l'intérêt de ce dernier. Ceci explique l'augmentation de la proportion de garde partagée que constate l'Institut national des statistiques : le nombre d'enfants en garde partagée ( custodia compartida ) à la suite de la rupture de la vie commune de leurs parents est passé de 24,7 % en 2015 61 ( * ) à 37,5 % en 2019 62 ( * ) . Aucune statistique publique n'a été trouvée sur le caractère égalitaire ou non de la résidence partagée.
5. Italie : un principe de « garde partagée » qui n'implique pas la résidence alternée
Depuis 2006, la loi italienne fait de la garde partagée ( affidamento condiviso ) la solution de droit commun en cas de séparation des parents. Cependant, celle-ci n'implique pas de priorité ou de préférence en faveur de la résidence alternée, qui demeure très minoritaire.
a) Le dispositif législatif
Depuis la réforme législative du 28 février 2006 63 ( * ) , le droit italien distingue l' affidamento condiviso , privilégié en cas de rupture de la vie commune des parents, de l' affidamento esclusivo , lorsque l'enfant est confié de manière exclusive à un seul des parents. L' affidamento condiviso remplace l' affidamento congiunto, utilisée par la précédente loi sur le divorce ; ce terme peut être traduit en français par « garde partagée » même s'il n'implique pas nécessairement que l'hébergement de l'enfant soit partagé et recouvre essentiellement une dimension abstraite 64 ( * ) .
La notion d' affidamento condiviso , assez large, est distincte mais proche de celle d'autorité parentale ( responsabilita genitoriale définie à l'article 316 c. civ. 65 ( * ) ). Elle peut s'appréhender à la lumière de l'alinéa premier de l'article 337 ter du code civil italien : « l'enfant mineur a le droit de maintenir un rapport équilibré et continu avec chacun des parents, de recevoir les soins, l'éducation, l'instruction et l'assistance morale de chacun d'eux et de conserver des relations significatives avec les ascendants et les membres de la famille de chaque branche parentale » 66 ( * ) .
L' affidamento condiviso vise ainsi à garantir l'effectivité du droit à maintenir une relation équilibrée et continue avec les deux parents y compris dans les cas de rupture de la vie commune. À cette fin, « [...] le juge adopte les mesures relatives aux enfants en se référant exclusivement à l'intérêt moral et matériel de ces derniers. Il évalue en priorité la possibilité de confier les enfants mineurs aux deux parents ("affidamento condiviso") ou bien il établit auprès duquel ces derniers doivent être confiés, il détermine la durée et les modalités de leur présence chez chacun des parents, en fixant également le montant et la manière dont chacun des parents doit contribuer à l'entretien, aux soins, à l'instruction et à l'éducation des enfants. Il prend acte, s'ils ne sont pas contraires à l'intérêt des enfants, des accords pris par les parents [...]» (art. 337 ter al. 2 c. civ. italien).
L'autorité parentale ( responsabilita genitoriale ,) est exercée conjointement par les deux parents qui doivent prendre d'un commun accord « les décisions de majeur intérêt pour les enfants relatives à l'instruction, à l'éducation, à la santé et au choix de la résidence habituelle du mineur », à défaut d'accord, il appartient au juge d'intervenir (art. 337 ter al. 3 c. civ. italien). Selon l'article 316 du code civil, les titulaires de la responsabilité parentale sont tenus d'établir d'un commun accord la résidence habituelle du mineur.
Depuis 2006, la loi italienne fait donc de la garde partagée la solution de droit commun en cas de séparation des parents. Mais, en l'absence d'accord entre les parties, il revient au juge de décider des modalités d'hébergement du mineur et il n'existe pas de priorité ou de préférence en faveur de l'hébergement partagé, égalitaire ou non.
Le concept d' affidamento alternato (« garde alternée ») a quant à lui été abrogée par le législateur lors de la réforme 2006, qui a considéré que le bien-être du mineur nécessitait d'imposer un hébergement stable 67 ( * ) .
b) L'application par le juge
Le juge devant intervenir en cas de désaccord parental, notamment sur les choix de résidence habituelle de l'enfant, il a progressivement précisé les modalités d'application de l'affidamento condiviso .
Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 10 février 2017, a défini la résidence habituelle du mineur comme « le lieu où le mineur trouve et reconnaît, notamment grâce à un séjour fondamentalement stable, le centre de ses liens affectifs (pas seulement parentaux), issus du déroulement de la vie relationnelle. En d'autres termes, la résidence habituelle correspond au lieu qui dénote une certaine intégration du mineur dans un environnement social et familial ». 68 ( * )
La Cour de cassation a également rappelé dans une décision du 10 décembre 2018 69 ( * ) que si le principe d' affidamento condiviso implique un droit pour chacun des parents d'être présent de manière significative dans la vie de l'enfant, il n'autorise pas pour autant l'application d'un principe mathématique définissant une stricte égalité de temps de présence de l'enfant au sein de chaque foyer. Le juge a réitéré cette position dans une décision du 16 juin 2021, dans laquelle il rappelle que la régulation des relations avec le parent qui ne cohabite pas avec l'enfant doit être le résultat d'une évaluation pondérée par le juge et ne peut « se faire sur la base d'une répartition symétrique et égale du temps passé avec les deux parents » 70 ( * ) .
Sous le régime de l' affidamento condiviso , la résidence alternée (égalitaire ou non) est juridiquement possible mais elle est peu utilisée et soumise à certaines conditions par le juge 71 ( * ) . La Cour de cassation estimait, dans une décision du 15 février 2017, que « la garde alternée est restée une solution éducative d'application limitée, ayant été dit à plusieurs reprises qu'elle donne de bons résultats lorsqu'il existe un accord entre les parents et tous les sujets impliqués, y compris l'enfant, qui partagent la solution [...] Il ne fait donc aucun doute que le fait de changer continuellement de domicile peut avoir un effet déstabilisateur pour de nombreux mineurs » 72 ( * ) .
Les juges encouragent, a contrario , la fixation d'une résidence principale stable pour l'enfant, surtout lorsqu'il est en bas âge. La Cour de cassation avait par exemple estimé en 2007 que les changements périodiques dans la vie des mineurs leur faisaient perdre leurs repères et leur demandaient de s'adapter à des situations très différentes (Cass. 9 octobre 2007, n°21099) 73 ( * ) . Or, estimant que le juge doit prendre en compte les intérêts moraux et matériels des enfants ainsi que la capacité des parents à les élever à la suite de la rupture de la vie commune parentale afin de déterminer le mode d'hébergement de l'enfant, la Cour a parfois pu estimer qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de refuser la garde alternée demandée (Cass. civ., 23 septembre 2015, n°18817) 74 ( * ) . Dans une décision de 2015, elle a aussi évoqué la nécessité pour le mineur d'avoir une habitation stable ainsi que le droit d'avoir une relation significative et constante chez le parent chez qui il vit 75 ( * ) . Ainsi, dans la majorité des cas, l'hébergement principal est prévu chez un parent (généralement la mère), en régulant le contact avec l'autre parent par un droit de visite (week-ends en alternance, visites dans la semaine...) même en cas d' affidamento condiviso 76 ( * ) .
Faisant le constat d'un décalage entre l'esprit initial de la loi de 2006 - censée promouvoir la « bi-parentalité » ( bigenitorialità ) - et la pratique, le Tribunal de première instance de Brindisi a publié en 2017 des lignes directrices sur l'application de la loi de 2006 77 ( * ) . Il y est notamment recommandé que la fixation de la résidence ait une valeur purement administrative, sans traduire une différence entre les deux parents, et que les enfants soient domiciliés auprès des deux parents. Les modalités de fréquentation doivent permettre à chaque parent de s'impliquer dans la vie quotidienne des enfants, sans nécessairement passer un temps strictement égal avec chacun d'eux. Ces lignes directrices, complétées en juin 2021 78 ( * ) , ont fait l'objet de vives polémiques et critiques, notamment de la part d'associations d'avocats en droit de la famille 79 ( * ) .
c) Données statistiques
Selon l'Institut italien de statistiques, entre 2016 et 2018, la part d'enfants en affidamento condiviso (garde partagée) à l'issue d'une séparation était chaque année d'environ 92 % 80 ( * ) . La garde exclusive est donc devenue une situation minoritaire. Il n'existe aucune statistique officielle sur le temps passé avec chaque parent ou les modalités d'hébergement en cas d'affidamento condiviso .
LE SPORT EN ENTREPRISE
À la demande de M. Michel Savin, sénateur, la Division de la Législation comparée a travaillé sur le thème du sport en entreprise en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Slovénie et en Suède.
Il en ressort que dans l'ensemble des pays étudiés, l'intérêt que représente une pratique sportive sur le plan de la santé et de la prévention des risques musculo-squelettiques fait consensus. Pour autant, l'intervention des autorités publiques semble souvent se limiter à des dispositions légales en termes de santé et sécurité au travail. Parfois, la pratique du sport en lien avec l'entreprise est encouragée, notamment par certaines aides fiscales. Mais aucun des pays étudiés n'a créé l'obligation d'une pratique sportive en entreprise. La possibilité d'une activité sportive en entreprise, sur le temps de travail ou en dehors de celui-ci, reste donc au bon vouloir des employeurs, et certains n'hésitent pas à créer des modèles innovants en la matière, à l'instar de certaines entreprises suédoises ayant rendu le sport obligatoire pour tous leurs salariés.
1. En Allemagne et en Autriche, un modèle axé sur la promotion de la santé au travail
Les recherches menées par la Division de la Législation comparée du Sénat en Allemagne et en Autriche ont montré un modèle axé sur la promotion de la santé au travail, dont le sport est l'une des modalités. Le terme « sport d'entreprise » (Betriebssport) se définit quant à lui comme les activités sportives organisées par les salariés de l'entreprise dans des associations sportives de l'entreprise créées à cette fin ou dans d'autres communautés de groupes sportifs d'entreprises 81 ( * ) .
En Autriche , une étude sur le suivi des activités physiques 82 ( * ) , menée en 2017 pour le compte du ministère fédéral de la défense nationale et des sports, a montré que 8 % à 10 % des personnes interrogées ont indiqué que sur leur lieu de travail étaient proposées des offres de sport ou de fitness, des réductions pour des associations sportives ou des salles de gymnastique, ou encore des équipements sur place. Cette étude montre également que la mise en oeuvre de mesures d'incitation à l'activité physique sur le lieu de travail entraîne une augmentation du temps consacré à l'exercice d'environ 20 à 40 minutes par semaine. Dans le cadre de la promotion de la santé en entreprise (betriebliche Gesundheitsförderung - BGF) , sont notamment considérés comme des éléments incitatifs les appareils de remise en forme ou les cours de fitness, la présence d'offres sportives et de stationnement pour les vélos ou encore des réductions pour se rendre dans une salle de sport 83 ( * ) .
Le site internet du ministère fédéral de l'art, de la culture, du service public et du sport, quant à lui, indique que « compte tenu de l'évolution démographique de la fonction publique fédérale, la gestion de la santé est systématiquement traitée et la sensibilisation à l'activité physique est renforcée de façon proactive » 84 ( * ) .
En matière de Betriebssport , l'association nationale autrichienne de sport en entreprise (Österreichische Betriebssport Verband) est une « organisation qui soutient et développe des projets et des campagnes sur le thème de l'activité physique dans le monde du travail pour promouvoir la communauté, l'exercice, la santé, la compétition, la cohésion d'équipe et la mise en place d'un environnement de travail agréable » 85 ( * ) . Avec ses déclinaisons locales, elle travaille pour la promotion du sport en entreprise à travers trois modalités : (i) un centre de compétences pour le sport en entreprise, qui vise à accompagner et à répondre aux questions de ceux qui souhaiteraient créer un club de sport d'entreprise, (ii) une consultation initiale de conseil visant à assurer la compréhension des informations importantes en matière d'exercice sur le lieu de travail, les possibilités et les outils à disposition et (iii) les évènements de sport d'entreprise. Il s'agit pour les acteurs publics « d'un partenaire précieux pour rapprocher l'activité physique axée sur la promotion de la santé dans les entreprises du secteur privé » 86 ( * ) .
En Allemagne , la loi renforçant la promotion de la santé et la prévention 87 ( * ) du 17 juillet 2015 amplifie le principe de coopération entre les organismes de sécurité sociale, les Länder et les municipalités. Figurent parmi les objectifs de cette loi le fait d'accorder une plus grande attention au stress individuel et aux facteurs de risque de développement de maladies ou encore prévenir les risques et promouvoir la santé dans tous les milieux de vie, y compris les entreprises 88 ( * ) .
L'Initiative santé et travail (Initiative Gesundheit und Arbeit) 89 ( * ) , qui regroupe quatre associations dans le but de promouvoir la santé au travail, s'est emparée du sujet du sport en entreprise à travers plusieurs publications. Dans l'une d'entre elles, intitulée « plus d'activité physique au travail » 90 ( * ) , elle relate l'expérience menée en coopération avec une entreprise de transports publics pour promouvoir l'activité physique parmi les employés de tous les secteurs de l'entreprise. Ces derniers étaient eux-mêmes moteurs du projet, en s'interrogeant et en mettant en place à leur niveau de petits changements, permettant ainsi un niveau élevé d'adhésion à l'initiative. Dans un autre document, plus ancien, l'initiative santé et travail présentait les avantages, pour une entreprise, à encourager le sport en son sein : (i) amélioration de la santé et du bien-être des employés, (ii) influence positive sur les troubles musculo-squelettiques, cardiovasculaires et psychologiques, (iii) conservation à long terme de la productivité du personnel, (iv) meilleur environnement de travail et meilleure adhésion des employés à l'entreprise et (v) positionnement extérieur plus attractif en tant qu'employeur 91 ( * ) .
Le réseau européen pour la promotion de la santé sur le lieu de travail a publié des bonnes pratiques en matière de promotion du bien-être en entreprise 92 ( * ) et présente plusieurs entreprises ayant mis en place des mesures incitatives, notamment en termes d'activité physique. En Allemagne, l'entreprise BASF, par exemple, publie chaque année un programme sportif et propose une offre variée en la matière, adaptée à divers groupes cibles et à des horaires flexibles : cela va du fitness aux sports d'équipe, en passant par des cours ciblés sur le dos et la relaxation. Outre une offre, hors des heures de travail, dans un gymnase appartenant à l'entreprise, elle a également noué des partenariats avec des salles de sport pour que ses salariés puissent y accéder à tarif réduit 93 ( * ) . L'entreprise Bertelsmann, quant à elle, propose un programme « sport et santé », qui comporte une grande variété d'activités, depuis 1989.
En matière fiscale, la loi relative à l'impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz-EStG) précise dans son §3, point 34, que sont non imposables les avantages offerts par l'employeur, dans une limite de 600 euros par an, s'ils visent à prévenir et réduire les risques de maladie ou promouvoir la santé dans l'entreprise et qui sont conformes aux dispositions des articles 20 et 20b du cinquième livre du code social 94 ( * ) . Les avantages en nature, quant à eux, sont fiscalement exonérés s'ils n'excèdent pas 44 euros par mois (§8 EStG).
S'agissant des employeurs, la chambre de commerce de la ville-État de Hambourg 95 ( * ) rappelle que les caisses d'assurance-maladie peuvent soutenir financièrement les mesures des entreprises en matière de gestion de la santé au travail, y compris les mesures visant à améliorer l'activité physique.
2. Au Royaume-Uni, des initiatives fortement encouragées par les autorités
Au Royaume-Uni, si les initiatives relèvent des employeurs, elles sont néanmoins fortement encouragées par les autorités publiques.
Partant du constat que l'inactivité était nocive pour la santé et le bien-être, que les travailleurs pouvaient passer jusqu'aux trois quarts de leur journée assis, ce qui pouvait conduire à des problèmes de santé pouvant être évités y compris les deux principaux conduisant à des arrêts de travail 96 ( * ) - à savoir les maux de dos, d'une part, et le stress, l'anxiété ou la dépression, d'autre part - les autorités britanniques ont publié en 2018 un guide visant à aider les employeurs à mettre en place à leur échelle des mesures pour que les employés soient physiquement actifs sur le lieu de travail.
Trois pistes sont proposées par les autorités 97 ( * ) :
- des aides de l'employeur pour la mise en place de programmes soutenus par le gouvernement. Le programme Cycle to work 98 ( * ) , mis en place en 1999, est un système de promotion des trajets en vélo vers le lieu de travail. Auparavant, une entreprise qui proposait ce programme pouvait bénéficier d'une exonération annuelle permettant de prêter au salarié un vélo et un équipement de sécurité en tant que bénéfice non imposable. Dans sa version actuelle, il propose plusieurs options :
(i) les salariés peuvent louer des vélos ou équipements de sécurité pour les cyclistes auprès de leur employeur, en contrepartie d'une déduction sur leurs revenus (le sacrifice salarial, salary sacrifice ) 99 ( * ) ;
(ii) l'employeur peut accorder un prêt à son employé pour qu'il achète un vélo et/ou un équipement de sécurité, qui peut être soumis à l'autorisation de la FCA ( financial conduct authority , autorité de régulation du secteur financier) s'il excède 1 000 livres, soit 1 159 euros et ;
(iii) l'employeur peut mettre à disposition une flotte de vélos pour les déplacements inter-sites ou domicile-travail ;
- la fourniture par l'entreprise de locaux ou cours : dans le cas des grandes entreprises, il peut être possible que l'employeur choisisse de mettre à disposition de ses salariés une salle de sport ou un espace de loisirs sur le lieu de travail, ces espaces internes pouvant être gérés par l'entreprise elle-même ou par un tiers et être d'accès gratuit ou payant. Les espaces en interne peuvent être offerts aux employés sans être soumis aux taxes habituellement applicables, dans un emplacement pratique pour pouvoir s'intégrer à la journée de travail. Tant que les installations remplissent certaines conditions, elles ne seront pas considérées comme un avantage en nature imposable et aucun impôt ni cotisation d'assurance sociale ne sera prélevé. Il ne sera pas non plus nécessaire de déclarer l'installation à l'administration fiscale 100 ( * ) ;
- la négociation d'une remise dans une salle de sport : l'employeur est invité à se rapprocher des salles de sport et espaces de loisirs des environs du lieu de travail afin de négocier pour ses employés une remise sur l'adhésion pouvant atteindre 20 ou 30 %. En cas de participation de l'employeur, selon sa forme, elle peut être imposable pour l'employé soit au titre des revenus (dans le cas où l'employeur octroie mensuellement une somme supplémentaire pour le paiement d'un abonnement à la salle de sport, par exemple), soit au titre des avantages en nature (dans le cas où l'employeur verse directement sa participation à la salle de sport, par exemple). Il existe également certains mécanismes permettant aux employés de rembourser à leur employeur l'avantage en nature perçu (making good) , réduisant ainsi pour eux la taxation de cet avantage et évitant à l'employeur d'avoir à faire une déclaration à l'administration fiscale.
Par ailleurs, les autorités britanniques ont publié en 2015 un rapport intitulé « l'avenir du sport : une nouvelle stratégie pour une nation active » 101 ( * ) , dans lequel il est fait mention du rôle que peuvent jouer les employeurs. Pour les auteurs, un facteur clé pour déterminer qu'une personne pratique ou non une activité physique est la mesure dans laquelle elle est capable de l'intégrer à sa routine quotidienne. Lorsqu'une personne n'est pas en mesure de dégager du temps pour cela dans sa vie personnelle, alors « il est important d'encourager les employeurs à fournir les occasions d'être physiquement actif lors ou autour de la journée de travail » , ce qui peut être réalisé en offrant en interne des installations telles qu'une salle de sport, des douches ou des parkings pour les vélos ou en donnant aux employés la possibilité d'utiliser leur pause déjeuner pour pratiquer une activité physique, voire de les encourager à se réunir pour participer ensemble à des évènements sportifs.
Le rapport rappelle également que les employeurs peuvent encourager l'utilisation de moyens de transports plus actifs et que, quel que soit le type d'activité, le rôle des employeurs est essentiel pour encourager les employés à être plus actifs. Les auteurs soulignent que les bienfaits de l'activité physique non seulement pour les employés, mais également pour les employeurs puisque ces derniers profiteront d'un meilleur engagement de leur personnel et d'un meilleur esprit d'équipe.
Des initiatives ont été créées pour aider à mettre en place ce type d'activités, à l'instar du « workplace challenge » , conçu pour encourager l'activité physique et le sport au sein d'une organisation. À titre d'exemple, la London School of Economics a organisé en 2017 un évènement « get active » pour son personnel et, en 2018, a également participé au « workplace challenge » en indiquant sur sa page internet que « quel que soit votre niveau d'activité actuel, le Workplace Challenge offre une opportunité amusante de faire équipe avec des collègues pour améliorer votre condition physique et atteindre vos objectifs de santé personnels, tout en vous engageant dans une saine compétition avec vos collègues » 102 ( * ) .
En octobre 2018, l'organisateur du « workplace challenge » , CSP networks, y a mis un terme pour se concentrer sur un nouveau modèle d'activité physique sur le lieu de travail, basé sur une plateforme avec des outils pour aider les employeurs à lutter contre l'inactivité 103 ( * ) : le programme « workplace movement » en est la traduction 104 ( * ) . Il s'agit d'un programme payant à destination des employeurs : trois formats leur sont proposés (500 livres -579 euros-, 750 livres -869 euros- et 1 000 livres -1 159 euros- par an) pour les aider à mettre en place une offre sportive dans leur entreprise 105 ( * ) .
3. En Slovénie, une volonté au plus haut niveau d'encourager le sport pour tous
Les recherches menées sur la pratique du sport en entreprise en Slovénie ne sont pas exhaustives, puisqu'elles ont été menées en fonction des ressources disponibles en anglais, le slovène ne faisant pas partie des langues de travail de la Division.
Les documents consultés montrent une volonté portée au plus haut niveau d'assurer la santé au travail et d'encourager la pratique du sport pour tous.
Le programme national de sport de la République de Slovénie 2014-2023 en est l'illustration 106 ( * ) . Ce document indique qu'en 2008, 64 % des adultes pratiquaient une activité physique, et que 39 % de la population pratiquait cette activité sportive de façon régulière. L'objectif du programme national est de porter à 70 % la part des adultes actifs et d'augmenter de 5 points la part des adultes pratiquant régulièrement une activité sportive. Si le document insiste sur l'importance de pratiquer une activité physique sur son temps de loisirs pour des raisons de santé et parce que le sport représente « un épanouissement actif, utile et agréable des loisirs quotidiens, hebdomadaires et annuels des personnes » , il indique également qu'il peut prendre diverses formes et, notamment, qu' « il y a un besoin croissant d'activités sportives au sein des organisations de travail, sous la forme de pauses actives pendant le temps de travail, et de loisirs pour les employés en dehors des heures de travail, en fonction des caractéristiques du lieu de travail et des travailleurs » .
Par ailleurs, la loi sur la santé et la sécurité au travail du 24 mai 2011 (zakon o varnosti in zdravju pri delu (ZVZD-1)) 107 ( * ) dispose que l'employeur doit assurer la santé et la sécurité de ses salariés au travail et, à cette fin, prendre toutes les mesures nécessaires, y compris la prévention, l'élimination et la gestion des risques occupationnels, ou encore l'information et la formation des travailleurs (article 5).
L'employeur est tenu de planifier et de mettre en place la promotion de la santé au travail et de l'accompagner des ressources nécessaires ainsi que d'une méthode permettant de surveiller sa mise en place (article 32).
4. En Suède, quelques entreprises ont choisi de rendre le sport obligatoire
Les recherches n'ont pas permis de mettre en évidence de disposition législative ou réglementaire encadrant spécifiquement la pratique du sport en entreprise, mais plutôt des initiatives ponctuelles en la matière.
En effet, l'objectif de la loi sur l'environnement de travail 108 ( * ) est de « prévenir les maladies et les accidents au travail ainsi que d'assurer un bon environnement de travail par ailleurs » . Le chapitre 2, § 1, de la même loi indique en outre qu' « il sera également recherché que les conditions de travail offrent des opportunités de développement personnel et professionnel ainsi que d'autonomie et de responsabilité professionnelle » . Les employeurs et employés sont invités à collaborer pour établir un bon environnement de travail.
Une étude menée en 2011 conjointement par l'université de Stockholm et l'institut Karolinska 109 ( * ) auprès de plusieurs cabinets de soins dentaires a conclu que pratiquer un sport sur les heures de travail augmentait la productivité 110 ( * ) . Dans cette étude, un groupe devait consacrer 2,5 heures par semaine, en deux fois, à une activité physique. Un autre groupe bénéficiait également de 2,5 heures par semaine de réduction du temps de travail, mais sans que celle-ci ne doive être obligatoirement investie dans une activité physique. Un dernier groupe, enfin, devait continuer à exercer classiquement son activité professionnelle, à raison de 40 heures par semaine. Les résultats ont montré que les trois groupes avaient maintenu, voire augmenté leur productivité par rapport à la même période l'année précédente, et que le groupe qui avait pratiqué une activité sportive, avait déclaré avoir le sentiment d'être plus performant au travail, d'avoir une capacité de travail accrue et d'être moins malade.
Quelques entreprises suédoises se sont distinguées en encourageant, voire en imposant, une activité sportive dans le cadre ou à l'extérieur du travail. On peut citer à titre d'exemple :
- la marque de vêtements Björn Borg, qui a instauré un temps obligatoire de sport le vendredi pendant une heure, au motif que « la santé physique affecte également la santé mentale et nos performances. Si vous travaillez chez Björn Borg, vous êtes censé vouloir développer votre performance » 111 ( * ) .
Les recherches semblent montrer qu'une clause relative à l'activité physique obligatoire est inscrite dans les contrats liant les salariés à l'entreprise. La volonté de bien-être et de bonne santé physique des salariés va même jusqu'à l'organisation de tests de condition physique. Selon le PDG de la marque, « ces tests sont uniquement destinés aux individus eux-mêmes (...) Le but des tests est que nos employés puissent voir par eux-mêmes comment ils se rapportent à leurs objectifs individuels » ;
- la compagnie des eaux Kalmar Vatten, qui impose également deux fois par semaine une activité physique sur le temps de travail 112 ( * ) pour réduire les blessures liées au stress et augmenter l'efficacité du personnel. Sur sa page internet, l'entreprise indique souhaiter que « le personnel parte à la retraite en bonne santé » . Précédemment, une subvention était proposée aux employés pour qu'ils puissent pratiquer une activité physique hors les murs, mais l'entreprise s'est rendue compte que les résultats n'étaient pas probants puisque « ceux qui en avaient le plus besoin ne l'utilisaient pas » ;
- le cabinet de recrutement Level 113 ( * ) , qui fait venir un intervenant une fois par semaine, les salariés ayant toute latitude pour participer ou non à cette séance d'exercice sur le lieu de travail ;
- le cabinet de ressources humaines Kompetenslaget offre un complément de salaire, pouvant atteindre jusqu'à 6 000 couronnes suédoises par an (588 euros) aux employés acceptant de pratiquer une activité physique sur leur temps libre, une séance rapportant 50 couronnes suédoises (4,90 euros). Ainsi que le rapportait le journal Dagens Industri, « non seulement la course à pied et l'exercice physique comptent, mais aussi des activités telles que l'équitation ou le déneigement - tant que vous transpirez » . Pour les responsables de l'entreprise, « l'objectif principal est que les gens bougent. Nous restons à peu près immobiles dans nos emplois. La contrepartie est que vous rejoigniez notre groupe Facebook et montriez clairement que vous le faites réellement » 114 ( * ) ;
- la société communale de logements de Västerås, qui, pour lutter contre le stress au travail, a lancé une expérimentation permettant in fine aux employés pratiquant une activité physique sur leur temps libre de récupérer 20 % de ce temps en congés supplémentaires, pour un maximum pouvant atteindre près d'une semaine 115 ( * ) .
En matière fiscale, la direction générale des finances publiques suédoises consacre un document explicatif à l'imposition ou non-imposition pour l'employé des dépenses effectuées pour son bien-être par l'employeur 116 ( * ) . Il s'avère en effet que le principe en matière d'imposition du revenu en Suède est que les prestations en argent ou en avantages reçues par un employé de la part de son employeur sont imposables, sauf quelques exceptions dont peuvent faire partie les dépenses consacrées au bien-être du salarié. Les activités sportives font donc partie des activités non imposables dans la mesure où les avantages octroyés sont « de moindre valeur et de type simple » (mindre värde och enklare slag) , qu'ils sont proposés à tout le personnel et qu'ils ne peuvent être échangés contre une compensation financière. Si la dépense est effectuée par l'employeur et que l'employé n'a ni le choix du lieu, ni le choix de l'activité, il s'agit d'un avantage en nature non imposable. Si l'employeur choisit la forme d'une allocation qui peut être utilisée par l'employé pour pratiquer une activité « simple et de moindre valeur » de son choix, il s'agit d'une « prestation au titre de la prévention de la santé » et elle est non imposable dans une limite de 5 000 couronnes suédoises (491 euros) par an.
L'employeur, quant à lui, n'est donc pas tenu d'effectuer une retenue fiscale sur salaire à ce titre (la Suède fonctionne sur le modèle du prélèvement à la source). Il ne paie pas non plus de charges patronales sur cet avantage 117 ( * ) .
Sport au travail et santé - synthèse suédoise d'études mondiales
Un document publié par l'autorité suédoise en charge de l'environnement de travail (arbetsmiljöverket) en 2015, intitulé « activité physique et exercice - prévention possible des troubles musculo-squelettiques liés au travail » 118 ( * ) , recense plusieurs études mondiales sur le sport au travail 119 ( * ) . Il définit le sport en entreprise sur les heures de travail comme un « entraînement qui vise à construire une force, une forme physique ou une mobilité et qui est effectué pendant les heures de travail, mais qui n'est pas inclus dans l'exercice des fonctions » . Parmi les conclusions des études présentées liant pratique du sport sur les heures de travail et troubles musculo-squelettiques et maladies professionnelles, cette publication mentionne :
- un article synthétisant 26 études qui « a trouvé des preuves solides d'un bon effet des programmes d'entraînement effectués pendant les heures de travail contre les maux de cou et de dos pour plusieurs groupes professionnels différents » ;
- un article présentant 24 études, lesquelles « n'ont trouvé aucun effet clair de l'entraînement au travail sur le syndrome du canal carpien » ;
- un article qui s'intéresse à l'activité physique combinée à des aménagements ou mesures sur le lieu de travail, et qui en déduit que si l'exercice en lui-même avait des effets positifs, c'est la combinaison avec les mesures qui a eu le plus grand effet en termes de réduction des troubles musculo-squelettiques liés au travail ;
- enfin, un article évaluant l'effet des étirements en tire une conclusion mitigée sur les effets sur les troubles musculo-squelettiques liés au travail.
LE STATUT DES TRAVAILLEURS DES PLATEFORMES NUMÉRIQUES (ACTUALISATION)
À la demande du président du groupe Les Républicains du Sénat, M. Bruno Retailleau, la Division de la Législation comparée a procédé à l'actualisation de l'étude publiée en 2019 120 ( * ) sur le statut des travailleurs des plateformes numériques en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Suisse et aux États-Unis. Dans l'ensemble de ces pays, la jurisprudence récente tend à reconnaître de façon croissante le statut de travailleur salarié aux personnes exerçant certains types d'activité (livraison, transport de personnes notamment) par l'intermédiaire de plateformes numériques gérées par des algorithmes. Seule l'Espagne a fait évoluer son cadre législatif afin de transposer une décision du Tribunal suprême.
En complément de l'échantillon initial, la présente note présente les modèles danois et suédois où des accords collectifs ont récemment été conclus entre des partenaires sociaux et certaines plateformes numériques 121 ( * ) .
1. Allemagne : une évolution jurisprudentielle, dans l'attente de la définition d'un cadre législatif
Depuis la publication de l'étude initiale en 2019, aucun texte législatif clarifiant le statut des travailleurs des plateformes numériques et améliorant leur protection n'a été adopté en Allemagne. La réflexion engagée par le gouvernement fédéral sur sa stratégie de numérisation en profondeur de l'économie ( Digitalisierung ) a cependant abouti à la présentation, en novembre 2020, d'un ensemble de grands principes pour l'élaboration d'un futur cadre normatif concernant les travailleurs des plateformes ( Eckpunkte : Faire Arbeit in der Plattformökonomie ) 122 ( * ) . Les propositions présentées par le ministère fédéral du travail et des affaires sociales (BMAS) sont les suivantes :
- intégrer les travailleurs indépendants des plateformes ( Solo-Selbständige ) dans l'assurance retraite légale et permettre aux plateformes de participer au paiement des cotisations ;
- améliorer la couverture des accidents du travail et étudier la possibilité de faire payer des cotisations couvrant le risque d'accident du travail par les opérateurs de plateforme ;
- ouvrir la possibilité aux travailleurs indépendants des plateformes de s'organiser collectivement et de négocier ensemble les conditions de leur travail avec les plateformes ;
- modifier la charge de la preuve dans les procédures visant à la reconnaissance du statut de salarié et ainsi lever les freins pour les travailleurs des plateformes à faire valoir leurs droits devant le juge. « Si le salarié de la plateforme présente des indices plaidant en faveur d'une relation de travail vis-à-vis de l'opérateur de la plateforme, il reviendrait à l'opérateur de la plateforme de prouver le contraire. De cette façon, l'inégalité d'information qui existe généralement entre les travailleurs et les opérateurs de plateforme serait compensée » 123 ( * ) ;
- permettre aux travailleurs des plateformes d'emporter les avis ou notations les concernant lorsqu'ils vont travailler pour une autre plateforme afin de limiter la dépendance vis-à-vis d'une seule plateforme ;
- mettre un terme à certaines pratiques contractuelles des plateformes, par exemple en les obligeant à stipuler des délais de préavis de licenciement liés à la durée de l'activité exercée ;
- lutter contre les conditions générales ( Allgemeine Geschäftsbedingungen ) abusives ou inopérantes des plateformes. Les relations contractuelles avec les plateformes sont généralement définies de façon unilatérale à travers des conditions générales. Les travailleurs sont souvent contraints d'accepter ces conditions générales car ils n'ont pas d'alternative à la plateforme ou trop peu de pouvoir de négociation pour faire accepter des clauses contractuelles divergentes. Or les travailleurs des plateformes ne doivent pas être induits en erreur sur leurs droits et obligations par des conditions générales inopérantes ( unwirksam ) ;
- établir des obligations de transparence et de déclaration pour tous les opérateurs de plateformes afin d'améliorer les données disponibles sur l'économie des plateformes.
Ces propositions diffèrent de la refonte et de la modernisation du statut de travailleur à domicile ( Heimarbeiter ), évoquées fin 2016 par le groupe de travail sur l'adaptation du droit à l'industrie 4.0 du ministère fédéral de l'économie 124 ( * ) . Elles devront faire l'objet d'une concertation avec les plateformes numériques, les syndicats, les scientifiques ainsi qu'avec la Commission européenne, qui a lancé au premier semestre 2021 une consultation des partenaires sociaux européens sur la protection des personnes travaillant via des plateformes 125 ( * ) . Compte tenu du calendrier électoral, la définition d'un cadre législatif pour les travailleurs des plateformes numériques ne pourra intervenir qu'après le renouvellement du Bundestag , prévu le 26 septembre 2021.
Sur le plan jurisprudentiel, le Tribunal fédéral du travail a rendu, le 1 er décembre 2020, une décision 126 ( * ) notable concernant les crowdworkers , allant à l'encontre de la décision rendue en première instance par le tribunal du travail de Munich. Dans cette décision, le Tribunal fédéral requalifie de relation de travail salarié l'exécution de petites missions ( Microjobs ) par une personne recrutée via une plateforme en ligne et l'opérateur de cette plateforme. Selon le Tribunal, « d'après l'article 611a du Code civil allemand (BGB), le statut de salarié est défini comme une relation dans laquelle le salarié accomplit un travail au service d'un autre, dans une relation de dépendance personnelle et est lié par des instructions. Si la mise en oeuvre effective d'une relation contractuelle montre qu'il s'agit d'une relation de travail, la désignation dans le contrat n'est pas pertinente. L'évaluation globale de toutes les circonstances requises par la loi peut montrer que les crowdworkers doivent être considérés comme des salariés. Il s'agit d'une relation de travail si le client contrôle la coopération via la plateforme en ligne qu'il exploite de telle manière que le contractant n'est pas en mesure de concevoir librement ses activités en termes de lieu, de temps et de contenu » 127 ( * ) .
En l'espèce, le plaignant effectuait des missions de contrôle des modalités de présentation de produits de certaines marques dans des commerces de détail et des stations-services (près de 3 000 contrôles effectués au cours d'une période de onze mois). Il obtenait des points d'expérience à chaque mission réalisée et, à partir d'un certain nombre de points, pouvait accéder à des missions mieux rémunérées. Ainsi, selon le Tribunal, il était de facto salarié. « D'une manière typique aux salariés, le plaignant a effectué un travail soumis à des instructions, déterminé de façon externe, et était personnellement dépendant. Il n'était pas contractuellement tenu d'accepter les offres du défendeur. La structure organisationnelle de la plateforme en ligne exploitée par le défendeur était cependant orientée de telle façon que les utilisateurs enregistrés et titulaires d'un compte acceptent en permanence des lots de petites missions simples. Seul un niveau de notation suffisant, qui ne peut être atteint qu'en augmentant le nombre de missions réalisées, permet aux travailleurs en ligne de recevoir plusieurs missions en même temps et ainsi d'atteindre un salaire horaire plus élevé. Ce système a incité le plaignant à exercer en permanence des activités de contrôle dans le quartier de sa résidence habituelle » 128 ( * ) .
Cette décision, qui concerne un cas individuel et un type d'incitation spécifique, ne règle pas définitivement la question du statut des travailleurs passant par des plateformes. Mais elle ouvre la voie à d'autres requalifications en tant que salarié, dès lors que les critères du contrat de travail - à savoir un travail effectué au service d'un autre, dans une relation de dépendance personnelle, déterminé de façon externe et soumis à des instructions - seraient remplis dans les faits.
2. Royaume-Uni : la décision de la Cour suprême de février 2021
Depuis la publication de l'étude initiale en 2019, une décision majeure a été rendue par la Cour suprême en février 2021 dans l'affaire Uber contre Aslam 129 ( * ) .
Pour rappel, deux chauffeurs, MM. Aslam et Farrar avaient demandé au juge du travail leur requalification en tant que worker et le bénéfice du salaire minimum, au titre du National Minimum Wage Act 1998, et des congés payés au titre des Working Time Regulations 1998 .
En première instance comme lors des deux appels 130 ( * ) , le tribunal s'était prononcé en faveur des deux chauffeurs et les requalifia en workers en considérant qu'ils exerçaient personnellement leur activité pour le compte d'Uber dont l'activité principale est le transport de passagers.
Portée devant la Cour suprême par Uber, l'affaire a été jugée en février 2021. À l'unanimité, les juges ont rejeté l'appel. Les motifs invoqués étaient les suivants 131 ( * ) :
- pour Uber, les chauffeurs étaient des entrepreneurs indépendants et le seul contrat existant était celui qui liait le chauffeur et le passager, l'application n'étant pas l'employeur.
La Cour suprême, à l'inverse, considère qu'il est erroné de partir du principe que des accords écrits sont un préalable au statut de worker . Elle souligne cinq points préalablement mis en avant par le tribunal du travail lors des précédentes audiences, à savoir :
(i) Uber fixe le prix de la course via l'application et, de fait, la rémunération des chauffeurs, ceux-ci ne pouvant facturer plus que ce qui a été fixé par l'application ;
(ii) les conditions contractuelles à partir desquelles les chauffeurs fournissent leurs services sont imposées par Uber sans que les chauffeurs aient leur mot à dire ;
(iii) le chauffeur n'a qu'une latitude limitée pour refuser des courses, son taux d'acceptation est surveillé et, en cas de refus de courses considérés comme trop fréquents, il peut être pénalisé en étant automatiquement déconnecté de l'application pendant plusieurs minutes ;
(iv) Uber a mis en place un système de notation des chauffeurs par les clients pouvant aboutir, si la note moyenne requise n'est pas atteinte ou maintenue, à des avertissements, voire à la résiliation de sa relation avec Uber et ;
(v) Uber limite la communication entre le chauffeur et son passager au minimum nécessaire pour assurer la course et prend des mesures actives pour empêcher les chauffeurs d'établir une relation avec un passager qui va au-delà de la course.
Déduisant de ces cinq facteurs que la relation était étroitement définie et contrôlée par Uber et que les chauffeurs étaient placés dans une situation de subordination et de dépendance, la Cour suprême a confirmé que la requalification en workers étaient justifiée ;
- pour Uber, la période de travail des chauffeurs était limitée à la prestation de course.
La Cour suprême, à l'instar des juridictions inférieures ayant jugé l'affaire, a considéré au contraire que la période de travail des chauffeurs incluait également les périodes pendant lesquelles le chauffeur était connecté à l'application, sur le territoire où il détenait une licence de chauffeur, prêt à et désireux d'accepter une course.
S'agissant des accords collectifs éventuels entre une plateforme et un partenaire social, le syndicat GMB et la société de livraison Hermes ont signé en février 2019 la première convention collective au Royaume-Uni pour les livreurs indépendants de plateformes 132 ( * ) 133 ( * ) . Ces derniers peuvent désormais choisir d'être « indépendants plus », statut leur procurant des avantages tels que des congés payés jusqu'à 28 jours ou encore un taux de rémunération négocié individuellement permettant aux livreurs de gagner au moins 8,55 livres sterling (9,93 euros) par heure, tout en gardant leur statut d'indépendant. Cette possibilité faisait suite à la requalification de 200 livreurs par le tribunal du travail en tant que workers 134 ( * ) .
3. Espagne : l'introduction dans la loi d'une présomption de travail salarié pour les livreurs des plateformes
Le cadre juridique espagnol a évolué sous l'effet de la décision du Tribunal suprême du 25 septembre 2020 135 ( * ) impliquant la plateforme de livraison de repas Glovo, dont le législateur a tenu compte dans le décret-loi royal 9/2021, du 11 mai 2021 136 ( * ) .
À la suite de la décision rendue en septembre 2018 par le tribunal social n° 39 de Madrid et confirmée en appel par la chambre sociale du tribunal supérieur de justice de Madrid, le Tribunal suprême, saisi en cassation pour unification de la doctrine jurisprudentielle 137 ( * ) , a conclu à l'existence d'une relation de travail entre la plateforme Glovo et l'un de ses livreurs. Selon son analyse, l'ensemble des critères définissant l'existence d'un contrat de travail salarié, énumérés à l'article 1.1 du Statut des travailleurs salariés sont remplis, y compris le fait de travailler pour le compte d'autrui ( ajenidad ) et le critère de dépendance ou subordination. Le Tribunal suprême débute son analyse par la considération générale suivante : « depuis la création du droit du travail, on assiste à une évolution du critère de dépendance-subordination. L'arrêt de la Cour suprême du 11 mai 1979 avait déjà nuancé cette exigence en expliquant que " la dépendance n'implique pas une subordination absolue, mais seulement l'insertion dans le cadre décisionnel, organisationnel et disciplinaire de l'entreprise ". Dans la société post-industrielle, le critère de dépendance s'est assoupli. Les innovations technologiques ont conduit à la mise en place de systèmes de contrôle numérisés pour la fourniture de services. L'existence d'une nouvelle réalité productive nous oblige à adapter les critères de dépendance et de travail pour le compte d'autrui à la réalité sociale de l'époque dans laquelle les normes doivent être appliquées (conformément à l'article 3.1 du Code civil) ».
Puis, le juge suprême relève les faits suivants plaidant en faveur d'une relation de subordination :
i) l'utilisation d'un programme informatique qui attribue les services en fonction de l'évaluation de chaque livreur, ce qui détermine de manière décisive la liberté théorique de choisir les horaires et de refuser les commandes ;
ii) la géolocalisation par GPS du livreur pendant son activité, ce qui permet à Glovo d'effectuer un contrôle en temps réel de la fourniture du service, sans que le livreur puisse effectuer sa tâche sans lien avec ladite plateforme ;
iii) les instructions données par Glovo au livreur sur la façon dont il doit fournir le service ;
iv) le fait que Glovo ait fourni une carte de crédit au collaborateur pour qu'il puisse acheter des produits pour les bénéficiaires de la commande ;
v) le paiement d'une compensation financière pour le temps d'attente du livreur ;
vi) l'introduction dans le contrat, (formellement conclu sous le statut de travailleur économiquement dépendant - TRADE), de treize causes justifiées de résiliation dont beaucoup sont une retranscription littérale des causes de licenciement disciplinaire prévues à l'article 54 du Statut des travailleurs salariés, et ;
vii) le fait que Glovo est le seul à disposer des informations nécessaires à la gestion du système commercial (commandes passées par les clients) sans que le livreur n'y participe.
Le critère d'exercice d'un travail pour le compte d'autrui ( ajenidad ) est également considéré comme rempli par le Tribunal suprême dans la mesure où :
i) Glovo est celui qui prend toutes les décisions commerciales et qui verse leur rémunération aux livreurs ;
ii) l'absence de risque-bénéfice qui caractérise normalement l'activité d'entrepreneur ;
iii) l'appropriation directe par la plateforme du service fourni qui rejaillit à son profit ;
iv) le caractère essentiel de la technologie utilisée par la plateforme pour fournir le service et mettre en relation les entreprises de restauration et les utilisateurs finaux, et ;
v) le fait que le livreur opère sous la marque de la plateforme.
Le décret-loi royal du 11 mai 2021 a pour objectif de transposer la jurisprudence du Tribunal suprême dans la loi. Ce texte modifie ainsi deux articles du Statut des travailleurs salariés 138 ( * ) :
- premièrement, il crée un droit d'information du comité d'entreprise à « être informé par l'entreprise des paramètres, règles et instructions sur lesquels reposent les algorithmes ou les systèmes d'intelligence artificielle qui affectent la prise de décision pouvant affecter les conditions de travail, l'accès et le maintien de l'emploi, y compris le profilage » (article 64.4) ;
- deuxièmement, il introduit un nouvel article 23 établissant une présomption d'emploi salarié ( presunción de laboralidad ) pour les travailleurs exerçant des activités de livraison ou de distribution via une plateforme numérique : « Pour l'application du principe prévu à l'article 8.1 [du statut des travailleurs] 139 ( * ) , l'activité des personnes qui fournissent des services rémunérés consistant en la livraison ou la distribution de tout produit de consommation ou marchandise, pour le compte d'entreprises gérées ou contrôlées directement, indirectement ou implicitement, via des algorithmes ou via une plateforme numérique, est présumée être incluse dans le champ d'application de la présente loi. ». L'exposé des motifs précise que l'efficacité de cette nouvelle disposition, fondée sur l'appréciation du lien réel entre le travailleur et la plateforme, dépendra dans une large mesure des informations disponibles sur l'activité des plateformes, qui doivent permettre de déterminer si les conditions de prestation de service rentrent effectivement dans le champ de cette disposition.
4. Suisse : l'attente d'une décision au niveau fédéral
Depuis la publication de l'étude initiale en 2019, plusieurs décisions de juridictions cantonales sont venues requalifier des relations entre travailleurs et plateformes numériques, sans qu'une décision fédérale n'ait encore été rendue.
Le 29 mai 2020, la chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, saisie d'un litige opposant UberEats à l'office cantonal de l'emploi, a confirmé qu'UberEats était soumis à la Loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services (LSE) et a reconnu que l'entreprise était employeur et bailleur de services 140 ( * ) . UberEats a déposé un recours devant le tribunal fédéral le 6 juillet 2020, qui n'a pas encore fait l'objet d'une décision.
Dans une réponse à une interpellation sur le thème « Livraison de repas à domicile : une "uberisation" sur le dos des travailleurs/euses et des entreprises respectueuses de leurs employé.e.s ? » 141 ( * ) , le Conseil d'État du canton de Vaud 142 ( * ) a rappelé en février 2021 que « le statut des travailleurs actifs dans l'économie de plateforme est un enjeu important du développement économique qui ne peut se concevoir sans le respect des règles régissant tant les assurances sociales que les normes visant à protéger les travailleurs. Dans ce contexte, le statut des chauffeurs actifs grâce à des plateformes de type Uber, mais aussi plus récemment des livreurs connectés à une plateforme du type UberEats, telle que mentionnée dans l'interpellation, n'est pas encore définitivement établi » 143 ( * ) .
5. États-Unis : un paysage toujours morcelé mais des initiatives au niveau fédéral pour clarifier le statut des travailleurs des plateformes
Depuis la publication de l'étude initiale en 2019, de nouvelles décisions judiciaires sont intervenues en matière de qualification de la relation de travail entre les travailleurs et les plateformes numériques. On citera à titre d'exemple :
- la décision de la cour d'appel de l'État de New-York, en date du 26 mars 2020 144 ( * ) , qui a confirmé que les coursiers travaillant pour la plateforme numérique Postmates étaient des employés et non des indépendants. Pour conclure, la Cour s'est appuyée sur les éléments suivants :
(i) le modèle de l'entreprise, en particulier le mode de connexion entre le client et le coursier, via l'application ;
(ii) le contrôle que l'entreprise opère puisqu'elle suit le courrier en temps réel lors des livraisons, et ;
(iii) la dépendance du coursier dans l'exécution de son travail puisque l'entreprise en régit les aspects significatifs.
- et la décision de la cour supérieure de San Francisco, en date du 1 er août 2020, qui ordonne à Uber et Lyft de reclasser leurs chauffeurs en tant qu'employés, conformément à la loi californienne dite « loi AB-5 » 145 ( * ) . Cette décision a fait l'objet d'un recours en appel, jugé le 22 octobre 2020. Les juges ont confirmé la requalification.
Par ailleurs, le 3 novembre 2020, parallèlement à l'élection présidentielle américaine, diverses votations étaient soumises aux électeurs dans plusieurs États. En Californie, la « proposition 22 », à l'initiative notamment des entreprises Uber et Lyft, visait à exempter les entreprises de transport et de livraison basées sur une application de l'obligation d'octroyer le statut d'employés à certains chauffeurs 146 ( * ) , permettant ainsi aux applications de considérer leurs chauffeurs comme des entrepreneurs indépendants, tout en leur accordant certains avantages tels que des gains minimaux (la mesure prévoit que les entreprises paieront les chauffeurs 120 % du salaire minimum local pour chaque heure à conduire hors temps d'attente), une allocation d'assurance-maladie ouverte aux chauffeurs travaillant normalement plus de 15 heures par semaine pour l'entreprise, un paiement par l'entreprise des frais médicaux en cas d'accident du travail ainsi qu'une prise en charge de la perte de revenus, une politique de repos ou encore des mesures anti-discrimination. Cette proposition limite également la capacité des acteurs locaux (villes et comtés) à prendre des mesures plus contraignantes s'agissant de ces entreprises.
Cette proposition a été adoptée à 58 % des voix mais a fait l'objet d'un recours par un groupe de chauffeurs devant la Cour suprême de Californie. Ils alléguaient que la proposition adoptée par les électeurs (et devenant ainsi une loi) « limitait le pouvoir des élus de gouverner, en violation de la Constitution californienne, en supprimant leur capacité à accorder aux travailleurs le droit de s'organiser et de donner accès au programme d'indemnisation des travailleurs de l'État » 147 ( * ) . La Cour a refusé d'entendre la contestation constitutionnelle « sans préjudice » 148 ( * ) . Les plaignants pourraient introduire une procédure devant une juridiction inférieure s'ils le souhaitaient.
Enfin, la nouvelle administration américaine, par la voix de son Secrétaire au Travail, a fait part fin avril 2021 de son soutien à la classification des travailleurs des applications comme employés 149 ( * ) . Il a également annoncé que le ministère du travail rencontrerait au cours des prochains mois les entreprises du numérique « pour s'assurer que les travailleurs ont accès à des salaires cohérents, à des congés de maladie, à des soins de santé et à "toutes les choses auxquelles un employé moyen en Amérique peut accéder" » .
D'ores et déjà, le projet de loi sur la protection du droit syndical ( Protecting the right to organize act , dit PRO act) 150 ( * ) , qui vise à amender la loi fédérale sur les relations de travail et qui a été adopté par la Chambre des Représentants et transmis au Sénat en mars 2021, propose entre autres d'instituer le test ABC 151 ( * ) comme le modèle légal de détermination du statut d'un travailleur. Comme le soulignent plusieurs observateurs, ce texte, s'il était adopté, pourrait avoir des répercussions sur le modèle de recrutement des applications numériques puisque celles-ci, en général, ne remplissent pas les conditions par lesquelles un travailleur est qualifié d'indépendant au regard du test ABC.
6. Les modèles danois et suédois : la conclusion d'accords collectifs entre plateformes et partenaires sociaux
Les modèles danois et suédois se caractérisent par une grande latitude laissée aux partenaires sociaux et aux accords collectifs en matière de droit du travail.
Au Danemark, un article universitaire de 2018 indiquait que « jusqu'à présent, aucune jurisprudence n'a émergé dans le droit du travail danois évaluant spécifiquement le statut d'emploi des prestataires de services sur les plateformes numériques. Cependant, il est très probable que, en fonction de la configuration spécifique de la plateforme, du degré d'influence sur la fixation des prix, du niveau d'instructions sur la façon d'effectuer le travail ou de se comporter lors de la prestation, du pouvoir de gestion du fournisseur de la plateforme ou de son algorithme, du niveau d'éléments de l'algorithme influençant le fondement économique des gains, la relation pourrait être plus caractéristique d'un emploi que d'un travailleur indépendant » 152 ( * ) . Cette même année, les premiers accords collectifs concernant les travailleurs du numérique ont été signés.
En Suède, un article universitaire de 2020 153 ( * ) précise que le classement d'un travailleur du numérique en tant qu'indépendant ou salarié dépend du modèle commercial de la plateforme et de la façon dont la partie exécutante est définie. L'article précise aussi que même si le travailleur est reconnu comme indépendant, il sera probablement considéré comme « prestataire dépendant » , dont le statut légal est, selon l'auteur, « peu clair » .
Dans les deux pays, au cours des trois dernières années, des entreprises du numérique ont cherché à conclure des accords avec des partenaires sociaux pour encadrer les conditions de travail.
a) Danemark
Au Danemark, la plateforme Hilfr, spécialisée dans les services de nettoyage, et 3F, syndicat danois comptant le plus grand nombre d'adhérents, ont signé en avril 2018, selon leurs dires, « le premier accord de plateformes au monde » 154 ( * ) 155 ( * ) . Deux catégories de travailleurs coexistent : les travailleurs indépendants ( Hilfrs ) et ceux couverts par l'accord ( Super Hilfrs ), employés par l'entreprise. Le client choisit d'avoir recours à l'une ou l'autre des catégories, le coût horaire étant alors facturé 170 couronnes danoises (22,86 euros) pour un indépendant et 230 couronnes danoises (30,93 euros) pour un employé sous contrat. Pour avoir accès au statut de salarié, les personnes doivent avoir travaillé plus de 100 heures pour la plateforme, elles peuvent alors prétendre à un salaire horaire d'au moins 141,21 couronnes danoises (18,99 euros), des congés payés, des indemnités en cas de maladie et des droits pour leur retraite. Pour les entreprises signataires, l'idée était de construire « un pont entre le modèle danois et les nouvelles plateformes numériques » . Cet accord initial est un projet pilote accompagné d'une clause de revoyure au bout de douze mois.
Selon une analyse publiée sur le site de l'université de Copenhague, « Hilfr et 3F ont été les premiers à conclure une convention collective afin de réglementer les salaires et les conditions de travail ainsi que de fidéliser les travailleurs de la plateforme (...) Hilfr et 3F voulaient tous les deux créer des conditions ordonnées dans l'économie des plateformes avec leur accord. Et ils ont réussi à négocier un accord d'entreprise avec des niveaux de salaire comparables par rapport à d'autres segments du marché du travail et avec une sélection des avantages sociaux qui caractérisent les accords sectoriels traditionnels sur le marché du travail danois, tels que les retraites et les indemnités maladie. Dans le même temps, l'accord contient de nouvelles formes de flexibilité plus nombreuses que d'habitude dans les conventions collectives, telles que le libre choix du statut de salarié sur la plateforme et la libre formation des salaires » 156 ( * ) .
Toujours selon l'analyse publiée sur le site de l'université de Copenhague, ce premier accord a ouvert la voie à d'autres négociations entre plateformes et syndicats. À titre d'exemple, Voocali, plateforme d'interprétariat, a signé un accord avec le syndicat HK, dont l'objectif est « d'assurer des conditions de rémunération et de travail appropriées pour les interprètes et en même temps d'assurer la possibilité de développement continu de la plateforme » 157 ( * ) .
Quant au syndicat 3F, via sa branche transport, des négociations ont abouti en début d'année 2021 à un accord avec la chambre de commerce danoise, Dansk Erhverv 158 ( * ) . Désormais, les livreurs des plateformes ayant signé l'accord pourront prétendre à un salaire minimal, des droits à la retraite, un congé maternité ou encore des indemnités en cas de maladie. La plateforme de livraison Just Eat a été la première à signer l'accord mais le directeur-adjoint de Dansk Erhverv, souligne qu' « il s'agit d'un accord national pouvant être utilisé par d'autres entreprises » faisant appel à des livreurs de repas. Parmi les dispositions de l'accord, le salaire horaire est défini à 124,20 couronnes danoises (16,7 euros) au 1 er mars 2021, et à 127,35 couronnes danoises (17,12 euros) au 1 er mars 2022. La durée hebdomadaire de travail doit être comprise entre 8 heures et 37 heures, cette durée pouvant toutefois être ajustée pour monter à 44 heures sur certaines périodes, dans la mesure où la moyenne reste établie à 37 heures. Des majorations tarifaires sont également prévues pour les heures de travail supplémentaires.
b) Suède
En Suède, la première convention collective dans laquelle une plateforme numérique est partie prenante a été signée par Foodora et le syndicat suédois des travailleurs du domaine des transports (Svenska Transportarbetareförbundet) ; elle est entrée en vigueur le 1 er avril 2021 159 ( * ) . Sont notamment prévus dans la convention :
- des salaires plus élevés et une indemnisation pour les livreurs les soirs et les fins de semaine ;
- une augmentation salariale annuelle ;
- une indemnisation pour l'entretien des vélos et les vêtements de travail ;
- ou encore un régime de retraite et d'assurance conforme aux autres conventions collectives du secteur des transports.
Le salaire minimal garanti s'élève :
- les jours de semaine, à 70 couronnes suédoises (6,90 euros) par heure, auxquelles s'ajoutent 20 couronnes (1,97 euro) par livraison, le total ne pouvant être inférieur à 100 couronnes (9,86 euros) par heure;
- les soirs de semaine après 19 heures, à 75 couronnes suédoises (7,39 euros) par heure, auxquelles s'ajoutent 20 couronnes par livraison, le total ne pouvant être inférieur à 110 couronnes (10,84 euros) par heure ;
- les week-ends et jours fériés, à 90 couronnes suédoises (8,87 euros) par heure, auxquelles s'ajoutent 20 couronnes par livraison, le total ne pouvant être inférieur à 125 couronnes (12,32 euros) par heure.
Une compensation de 10 couronnes (0,99 euro) est prévue pour une distance de plus de quatre kilomètres et de 1,5 couronne (0,15 euro) par heure travaillée pour l'entretien du vélo. Enfin, les heures supplémentaires sont réglées à tout livreur travaillant plus de 38,25 heures par semaine 160 ( * ) .
Ces salaires garantis ont été perçus par certains livreurs comme un recul en termes de rémunération, puisque, à titre d'illustration, il leur faut désormais assurer trois livraisons par heure le week-end pour toucher 150 couronnes (14,78 euros), alors qu'il suffisait de deux livraisons selon l'ancien modèle pour toucher la même somme 161 ( * ) . Quant aux livreurs chevronnés qui arrivaient à effectuer quatre livraisons par heure, ils voient leur rémunération horaire passer, pour le même nombre de livraisons, de 300 couronnes (29,57 euros) à 170 couronnes 162 ( * ) (16,76 euros).
* 1 Les États généraux des familles...en quelques mots, compte-rendu des travaux, éd. Luc Pire, 2004.
* 2 Loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant
* 3 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1804032150&la=F
* 4 Ibid.
* 5 Depuis 1995, l'autorité parentale conjointe est la règle et l'autorité parentale exclusive est devenue une exception.
* 6 Loi du 20 mai 2021 modifiant l'ancien Code civil en ce qui concerne les liens personnels entre frères et soeurs.
* 7 https://www.lachambre.be/FLWB/pdf/51/1673/51K1673001.pdf
* 8 https://juportal.be/content/ECLI:BE:CAMON:2007:ARR.20070618.8/FR?HiLi=eNpLtDKwqq4FAAZPAf4=
* 9 https://juportal.be/content/ECLI:BE:CASS:2020:ARR.20200120.3F.2/FR?HiLi=eNpLtDK1qs60MrAutjI0slLKOLwyKbUoPTU3Na9EyTrTyhAkbmildHhlemJOZkliZlEqSNgIqtzj8Eon1yB3V19XvxCQuDFCHMUYE7gx7o4+niGOnkGuSta1AAfFKKE=
* 10 Ibid.
* 11 Bénédicte Jacobs « Hébergement égalitaire, mise en pratique en Belgique depuis plus de dix ans... » AJ fam. 2018. 283, Dalloz.
* 12 T. fam. Namur, div. Namur (1re ch. E), 5 déc. 2014, RTD fam. 2/2016, p. 419 s.
* 13 « En 2004, les juges y accordaient l'hébergement exclusif à un des deux parents dans 60,8 % des cas. Ce chiffre est tombé à 50,2 % en 2010 et a certainement encore chuté depuis. »
https://www.liberation.fr/france/2017/11/22/en-belgique-deja-onze-ans-de-partage_1611919/
* 14 https://uclouvain.be/fr/decouvrir/actualites/familles-separees-garde-alternee-presence-du-pere-et-role-des-reseaux-sociaux.html ; l'enquête a été réalisée auprès d'un échantillon de 1 600 jeunes entre 12 ans et 18 ans dont 500 vivaient dans une famille séparée ou divorcée.
* 15 https://www.yapaka.be/sites/yapaka.be/files/publication/ta-72-gardealternee-frisch-desmarez-web.pdf
* 16 L'échantillon était de 260 enfants, âgés de 6 à 9 ans, vivant en résidence alternée 65%/35% qui ont été suivis pendant quatre ans.
* 17 Article 61 DA (1) Family law Act , https://www.legislation.gov.au/Details/C2019C00182
* 18 La présomption est notamment renversée dans le cas où l'un des parents de l'enfant a été reconnu coupable maltraitance sur mineur ou de violences familiales (art. 61 DA (4) Family law Act).
* 19 Attorney's general Department, Parenting orders : what you need to know, 2016, https://www.ag.gov.au/families-and-marriage/publications/parenting-orders-what-you-need-know
* 20 Ceci concerne moins de 5 % des cas de séparation (voir Attorney's general Department, Parenting orders : what you need to know, 2016).
* 21 House of Representatives Standing Committee on Family and Community Affairs
* 22 Art. 65DAA Family law Act
* 23 Un guide du Bureau du procureur général australien souligne que le Family Law Act fournit seulement des orientations au juge : « ceci est parfois mal compris et les parents mal informés. Par exemple, il est parfois dit aux parents qu'ils disposent d'un droit à passer un temps égal avec leur enfant ou qu'ils ont un droit à passer un temps minimal avec eux s'ils paient une pension alimentaire. Ceci est fallacieux et ne s'applique pas lorsque les parents sont à la recherche d'un accord amiable ».
* 24 Voir encadré infra.
* 25 https://www.alrc.gov.au/wp-content/uploads/2019/08/alrc_report_135.pdf, p. 181
* 26 https://www.alrc.gov.au/wp-content/uploads/2019/08/alrc_report_135.pdf, p. 178
* 27 Ibid.
* 28 Ibid.
* 29 Australian Law Reform Commission, Family Law for the future - An inquiry into the family law system, mars 2019, https://www.alrc.gov.au/wp-content/uploads/2019/08/alrc_report_135.pdf
* 30 Meyer v. Nebraska, 262 U.S. 390 (1923), Santosky v. Kramer, 455 U.S. 745 (1982)
* 31 Selon le principe du dixième amendement de la Constitution américaine de 1787 : « Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni refusés par elle aux États, sont conservés par les États respectivement ou par le peuple ». Une tendance à la fédéralisation du droit de la famille est cependant observée à travers des interventions du Congrès en cas d'inaction des États, de décisions de la Cour suprême ou des traités internationaux auxquels les États-Unis ont adhéré. Pour plus de précisions, voir :
https://www.americanbar.org/groups/crsj/publications/human_rights_magazine_home/human_rights_vol36_2009/summer2009/the_federalization_of_family_law/
* 32 J. Herbie DiFonzo (FN1), From the Rule of One to Shared Parenting: Custody Presumptions in Law and Policy, 52 Fam. Ct. Rev. 213 (2014)
* 33 Des tentatives sont également recensées dans de nombreux États mais elles ont, la plupart du temps, été rejetées au cours du processus législatif ou fait l'objet d'un veto (180 projets de loi sur le shared parenting entre 2014 et 2019 dont 13 lois promulguées dans neuf États). Pour plus de détails voir :
https://static1.squarespace.com/static/5e28a95cdc8bed16729b93de/t/5ea995b637516809d1d16152/1588172215751/2019_NPO_Shared_Parenting_Report_Card_v11_10172019.pdf
* 34 Kentucky Revised Statutes Paragraphe 403.270
https://apps.legislature.ky.gov/law/statutes/statute.aspx?id=51299
* 35 Le titulaire de la garde de fait étant défini au paragraphe 403.270 des statuts révisés du Kentucky comme la personne dont il a été démontré qu'elle a été la principale responsable de l'enfant, qui a résidé avec lui pendant une période de six mois ou plus si l'enfant est âgé de moins de trois ans et pendant un an ou plus si l'enfant est âgé de trois ans ou plus.
* 36 Kentucky Revised Statutes Paragraphe 403.315,
https://apps.legislature.ky.gov/law/statutes/statute.aspx?id=48324
* 37 https://apps.legislature.ky.gov/law/statutes/statute.aspx?id=48324
* 38 https://www.willicklawgroup.com/wp-content/uploads/2012/04/000091281.pdf
* 39 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-1978-31229
* 40 L'expression « résidence alternée » n'est pas utilisée en droit espagnol, ce dernier retenant le terme de « garde partagée » (guarda y custodia compartida) incluant les notions de soin, hébergement et droit de visite aux enfants.
* 41 https://www.iberley.es/temas/custodia-compartida-evolucion-legislativa-64545
* 42 Ley 11/1981, de 13 de mayo, de modificación del Código Civil en materia de filiación, patria potestad y régimen económico del matrimonio
* 43 Ley 30/1981, de 7 de julio, por la que se modifica la regulación del matrimonio en el Código Civil y se determina el procedimiento a seguir en las causas de nulidad, separación y divorcio
* 44 Ley 15/2005, de 8 de julio, por la que se modifican el Código Civil y la Ley de Enjuiciamiento Civil en materia de separación y divorcio
* 45 https://dpej.rae.es/lema/custodia-compartida
* 46 Real Decreto de 24 de julio de 1889 por el que se publica el Código Civil
* 47 La mention de l'« intérêt supérieur de l'enfant » apparaît explicitement dans la nouvelle rédaction de l'article, entrée en vigueur le 25 juin 2021.
* 48 En accord avec la décision du Tribunal suprême du 17 octobre 2012, l'avis du ministère public ne doit plus nécessairement être « favorable » (suppression du terme « favorable » par la loi organique du 21 juin 2021).
* 49 Tribunal suprême, STS 496/2011 , 7 juillet 2011
* 50 Tribunal suprême, STS 22/2018 , 17 janvier 2018
* 51 https://www.elenacrespolorenzo.com/es/custodia-compartida-si-el-padre-no-quiere/
* 52 Tribunal suprême, STS 194/2018 , 6 avril 2018
* 53 https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=BOE-A-1982-20819
* 54 Decreto Legislativo 1/2011, de 22 de marzo, del Gobierno de Aragón, por el que se aprueba, con el título de «Código del Derecho Foral de Aragón», el Texto Refundido de las Leyes civiles aragonesas.
* 55 https://www.aragon.es/documents/20127/16716525/Ley+6_19%2C+de+21+de+marzo.pdf/58af5dc4-4fb4-7938-f0e0-b4ebce11c287?t=1571132886203
* 56 https://loslibrosazules.es/conclusiones-del-encuentro-entre-jueces-y-abogados-de-familia-2/
* 57 https://www.boe.es/diario_boe/txt.php?id=BOE-A-2015-8222
* 58 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2011-7329
* 59 https://carolinatorremocha.com/blog/custodia-compartida-comunidad-valenciana/
* 60 https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=BOE-A-2016-12362
* 61 https://www.ine.es/prensa/ensd_2016.pdf
* 62 https://www.ine.es/prensa/ensd_2019.pdf
* 63 Legge n. 54, 8 febbraio 2006 , Disposizioni in materia di separazione dei genitori e affidamento condiviso dei figli.
* 64 Un article de doctrine italien traduit ainsi l'affidamento condiviso par legal care ou shared legal custody en anglais, par opposition à physical care ou shared physical custody qui désignent la modalité d'hébergement. Voir : Cinzia Valente, « La c.d. shared residence del minore nei casi di affidamento condiviso: prospettive nazionali », Rivista Familia, novembre 2020, https://www.rivistafamilia.it/2020/11/04/la-c-d-shared-residence-del-minore-nei-casi-affidamento-condiviso-prospettive-nazionali/
* 65 Selon l'article 316 du code civil italien, « Les deux parents ont la responsabilité parentale qui est exercée d'un commun accord compte tenu des capacités, des inclinations naturelles et des aspirations de l'enfant. Les parents, d'un commun accord, établissent la résidence habituelle de l'enfant ».
* 66 À la suite du décret législatif du 28 décembre 2018, les dispositions anciennement contenues aux articles 155 et suivants du code civil italien ont été abrogées et figurent maintenant aux articles 337 et suivants.
* 67 Cinzia Valente, « La c.d. shared residence del minore nei casi di affidamento condiviso: prospettive nazionali », op.cit.
* 68 Corte di Cassazione, 10 febbraio 2017, n. 3555. https://www.diritto.it/affidamento-condiviso-e-regime-di-frequentazione-con-i-genitori/
* 69 Corte di Cassazione, 10 dicembre 2018, n. 31902, https://www.rivistafamilia.it/wp-content/uploads/2018/12/Cass.-civ.-ord.-n.-31902_2018.pdf
* 70 Corte di Cassazione, 16 giugno 2021, n. 17222,
https://www.altalex.com/documents/news/2021/07/12/affidamento-condiviso-non-presuppone-la-frequentazione-paritaria
* 71 Cinzia Valente, op.cit., p. 4.
* 72 Corte di cassazione, 15 febbraio 2017, n. 4060
* 73 https://www.miolegale.it/sentenze/cassazione-civile-lavoro-21099-2007/
* 74 https://www.miolegale.it/sentenze/cassazione-civile-vi-18817-2015/
* 75 http://www.studiolegalemartignetti.it/2015/12/cassazione-17-dicembre-2015-n-25418-va-escluso-laffidamento-alternato-per-la-tutela-dellinteresse-esclusivo-del-figlio-minore-alla-stabilita-dellhabitat-domestico-e-ad-av/
* 76 Cinzia Valente, op.cit., p. 3
* 77 https://www.tribunale.brindisi.giustizia.it/FileTribunali/17/Sito/News/Tribunale%20di%20Brindisi_Linee%20Guida%20Famiglia.pdf
* 78 Ibid.
* 79 Voir notamment : https://aiaf-avvocati.it/comunicato-stampa-materia-familiare-le-cosiddette-linee-guida-del-tribunale-di-brindisi-sono-in-evidente-contrasto-con-il-dettato-normativo/
* 80 http://dati.istat.it/Index.aspx?QueryId=31392#
* 81 https://www.bmkoes.gv.at/sport/sport-und-gesellschaft/sport-und-arbeit/betriebssport.html
* 82 https://www.bmkoes.gv.at/dam/jcr:ff29381b-f862-4304-b29e-8bab0350a9cf/Studienbericht%20Bewegungsmonitoring%202017.pdf
* 83 https://www.bmkoes.gv.at/sport/sport-und-gesellschaft/sport-und-arbeit.html
* 84 https://www.bmkoes.gv.at/sport/sport-und-gesellschaft/sport-und-arbeit/sport-und-government.html
* 85 https://firmensport.at/services/
* 86 https://www.bmkoes.gv.at/sport/sport-und-gesellschaft/sport-und-arbeit/betriebssport.html
* 87 https://www.bgbl.de/xaver/bgbl/start.xav?startbk=Bundesanzeiger_BGBl&jumpTo=bgbl115s1368.pdf#__bgbl__%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27bgbl115s1368.pdf%27%5D__1624545342418
* 88 https://www.bundesgesundheitsministerium.de/service/begriffe-von-a-z/p/praeventionsgesetz.html
* 89 https://www.iga-info.de/
* 90 https://www.iga-info.de/fileadmin/redakteur/Veroeffentlichungen/iga_aktuell/Dokumente/iga-aktuell_01_2018_web.pdf
* 91 https://www.bgm-bkk.de/uploads/media/Sportbroschuere21-03-12_Web.pdf
* 92 Outre l'activité physique, la publication présente les autres mesures mises en place telles que le fait de proposer une nourriture saine ou de lutter contre le stress.
* 93 https://www.enwhp.org/resources/toolip/doc/2019/11/21/germany.pdf
* 94 https://www.gesetze-im-internet.de/sgb_5/BJNR024820988.html
* 95 https://www.hk24.de/blueprint/servlet/resource/blob/2691372/6f39470e33968cd4cb728d4e584777da/publikation-wie-sie-ihre-mitarbeiter-in-bewegung-bringen--data.pdf
* 96 Selon les estimations britanniques, au cours de l'année 2016-2017, 1,3 million de travailleurs ont souffert de problèmes de santé liés au travail, représentant au total 25,7 millions de jours de travail non effectués. Le coût estimé par les autorités est de 522 livres sterling par employé (605 euros), et jusqu'à 32 millions de livres par an (37,1 millions d'euros) pour l'économie britannique.
* 97 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/704909/180504_FITNESS_AT_WORK_GUIDANCE_FINAL_VERSION.pdf
* 98 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/845725/cycle-to-work-guidance.pdf
* 99 Un accord de sacrifice salarial consiste à réduire le droit d'un employé à une rémunération monétaire en échange d'un avantage non monétaire. Cet avantage n'est ni imposable ni soumis à l'assurance sociale, que ce soit pour l'employé ou pour l'employeur.
Pour plus d'informations, voir https://www.gov.uk/guidance/salary-sacrifice-and-the-effects-on-paye
* 100 Par exemple, installer une table de tennis de table dans les locaux, pour tous les salariés, ne sera pas considéré comme un avantage imposable. À l'inverse, offrir des cours de yoga à tous les employés sur le lieu de travail est un avantage en nature imposable et doit être déclaré à l'administration fiscale.
* 101 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/486622/Sporting_Future_ACCESSIBLE.pdf
* 102 https://info.lse.ac.uk/staff/wellbeing/Get-Active/The-Workplace-Challenge
* 103 https://www.activepartnerships.org/news/let%E2%80%99s-make-active-working-norm
* 104 https://www.workplacemovement.co.uk/
* 105 https://www.workplacemovement.co.uk/uploads/download-brochure.pdf
* 106 https://www.researchgate.net/publication/281033380_National_programme_of_sport_in_Republic_of_Slovenia_2014-2023
* 107 ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/89470/102799/F2013305698/Slovenia Health and Safety at Work.pdf
* 108 https://www.riksdagen.se/sv/dokument-lagar/dokument/svensk-forfattningssamling/arbetsmiljolag-19771160_sfs-1977-1160
* 109 Faculté de médecine très réputée.
* 110 https://nyheter.ki.se/traning-pa-arbetstid-okar-produktiviteten
* 111 En 2017, cette démarche de sport obligatoire a été récompensée par le prix de « chef de l'année pour la promotion de la santé » pour le PDG du groupe.
* 112 https://kalmarvatten.se/om-kalmar-vatten-ab/hallbarhetsarbete.html
* 113 https://levelrecruitment.se/blogg/obligatorisk-traning-pa-jobbet-ratt-eller-fel/
* 114 https://www.di.se/nyheter/chefen-lockar-med-bonus-vill-att-du-svettas-for-lonen/
* 115 https://www.svt.se/nyheter/lokalt/vastmanland/den-som-motionerar-far-extra-semester
* 116 https://www4.skatteverket.se/rattsligvagledning/edition/2021.10/324011.html
* 117 https://www.skatteverket.se/foretag/arbetsgivare/lonochersattning/formaner/personalvardsformanmotionochfriskvard.4.3016b5d91791bf546791431.html?q=gymkort
* 118 https://www.av.se/globalassets/filer/publikationer/kunskapssammanstallningar/fysisk-aktivitet-och-traning-rap-201511-kunskapssammanstallning.pdf
* 119 La publication se présente comme une « compilation des connaissances » en la matière et se base sur 61 études menées dans de nombreux pays par des équipes diverses. Le tableau complet présentant les études, les auteurs, les années ou encore la population-cible est publié à compter de la page 64 de la publication.
* 120 Division de la Législation comparée du Sénat, Recueil n° 288 des notes de synthèse de mars à juin 2019. https://www.senat.fr/lc/lc288/lc288.html
* 121 L'étude présentée ici a été rédigée en juillet 2021, des modifications ou décisions ont pu intervenir depuis.
* 122 https://www.bmas.de/DE/Service/Presse/Pressemitteilungen/2020/eckpunkte-plattformoekonomie.html
* 123 https://www.bmas.de/SharedDocs/Downloads/DE/Pressemitteilungen/2020/eckpunkte-faire-plattformarbeit-kurzfassung.pdf?__blob=publicationFile&v=1
* 124 Se référer à l'étude initiale pour plus de détails.
* 125 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_21_2944
* 126 Bundesarbeitsgericht, 9 AZR 102/20, https://juris.bundesarbeitsgericht.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bag&Art=pm&pm_nummer=0043/20
* 127 Ibid.
* 128 Ibid.
* 129 Cette affaire est présentée dans l'étude de 2019, s'y référer pour plus d'informations.
* 130 Cour d'appel du travail et Cour d'appel
* 131 https://www.supremecourt.uk/cases/docs/uksc-2019-0029-judgment.pdf
* 132 https://www.gmb.org.uk/news/hermes-gmb-groundbreaking-gig-economy-deal
* 133 https://www.gmb.org.uk/sites/default/files/Hermes%20Partnership%20%26%20Procedure%20Agreement%201%20with%20GMB.pdf
* 134 https://www.theguardian.com/business/2019/feb/04/hermes-to-offer-gig-economy-drivers-better-rights-under-union-deal
* 135 Tribunal Supremo STS 805/2020
* 136 Real Decreto-ley 9/2021, de 11 de may por el que se modifica el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores, aprobado por el Real Decreto Legislativo 2/2015, de 23 de octubre, para garantizar los derechos laborales de las personas dedicadas al reparto en el ámbito de plataformas digitales.
* 137 Plusieurs décisions récentes de juridictions allaient en effet à l'encontre des décisions contestées, en reconnaissant l'existence d'une relation de travail salariée (décisions de la chambre sociale du tribunal supérieur de justice de Catalogne du 21 février, 7 et 12 mai et 16 juin 2020, décision du tribunal social de Saragosse du 27 avril 2020, décisions de la chambre sociale du tribunal supérieur de justice de Castille et León du 17 février 2020 et décisions de la chambre sociale du tribunal supérieur de justice de Madrid du 17 janvier et 3 février 2020).
Voir : https://www.boe.es/biblioteca_juridica/anuarios_derecho/articulo.php?id=ANU-L-2020-00000001084
* 138 Ces dispositions entrent en vigueur le 12 août 2021.
* 139 Selon cet article : « Le contrat de travail peut être conclu par écrit ou oralement. Il est présumé exister entre quiconque fournit un service pour le compte d'autrui et dans le cadre de cette organisation et celui qui reçoit ce service en échange d'une rémunération ».
* 140 https://justice.ge.ch/apps/decis/fr/ata/show/2405153
* 141 https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/seances-du-grand-conseil/point-seance/id/09636f99-2dd4-4436-9775-4a21aa26f99d/meeting/1003922/
* 142 Il s'agit du gouvernement du canton. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/conseil-detat/
* 143 https://sieldocs.vd.ch/ecm/app18/service/siel/getContent?ID=2037831
* 144 https://www.nycourts.gov/ctapps/Decisions/2020/Mar20/13opn20-Decision.pdf
* 145 Aux termes de cette loi, les entreprises doivent prouver que les travailleurs sont libres de tout contrôle opéré par l'entreprise et qu'ils effectuent leur travail en dehors du cours normal des activités de l'entreprise pour pouvoir les considérer comme indépendants plutôt qu'employés.
* 146 https://voterguide.sos.ca.gov/propositions/22/
* 147 https://www.latimes.com/business/technology/story/2021-02-03/california-supreme-court-throws-out-prop-22-challenge
* 148 En droit américain, la notion de « sans préjudice » appliquée à un rejet ou un refus signifie que le plaignant est néanmoins libre d'intenter une autre action fondée sur les mêmes motifs
* 149 https://www.reuters.com/world/us/exclusive-us-labor-secretary-says-most-gig-workers-should-be-classified-2021-04-29/
* 150 https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/842
* 151 Il s'agit d'un modèle permettant, en fonction des critères qui sont remplis ou non, de qualifier la relation de travail d'une personne. Ce test est détaillé dans l'étude initiale.
* 152 Natalie Videbæk Munkholm & Christian Højer Schjøler, Platform Work and the Danish Model -Legal Perspectives https://pure.au.dk/portal/files/140979953/Platform_Work_and_the_Danish_Model_Published_pdf_2018.pdf
* 153 Annamaria Westregård, Protection of platform workers in Sweden, Part 2 Country report
https://www.fafo.no/images/pub/2020/Nfow-wp12.pdf
* 154 https://blog.hilfr.dk/da/historisk-aftale-hilfr-dk-og-3f-indgaar-verdens-foerste-platformsoverenskomst/
* 155 Convention Hilfr 3F en anglais
* 156 https://faos.ku.dk/nyheder/hilfr-aftalen--et-nybrud-i-det-danske-aftalesystem/
* 157 Accord entre Voocali et HK
* 158 https://fagbladet3f.dk/artikel/nu-kan-danskere-bestille-takeaway-med-god-samvittighed
* 159 https://www.transport.se/foodora-och-svenska-transportarbetareforbundet-skriver-historiskt-kollektivavtal/
* 160 https://www.transportarbetaren.se/har-ar-villkoren-i-det-nya-avtalet-med-foodora/
* 161 Selon l'ancien système, un livreur le week-end touchait 75 couronnes (7,39 euros) par livraison, sans salaire minimal horaire
* 162 https://www.fackförbund.com/nyheter/foodora-kollektivavtal-sanker-lonen-rutinerade-cykelbud