PAYS-BAS
I. POLITIQUE DE L'IMMIGRATION LÉGALE
1. Orientations générales
En réponse aux actes violents perpétrés pendant les années 1970 par des descendants d'immigrants des Moluques, les Pays-Bas ont, à cette époque, mis en oeuvre une politique d'intégration et de préservation de l'identité culturelle des étrangers résidant sur leur territoire. La note du gouvernement publiée en 1983 sur la politique vis-à-vis des minorités prévoyait par exemple, de façon emblématique, que des cours seraient dispensés dans les langues maternelles des immigrés, sans que ceux-ci ne reçoivent un enseignement de néerlandais. Cette orientation s'est modifiée au début des années 1990 et le droit des étrangers résulte aujourd'hui de trois textes essentiels :
- la loi sur les étrangers de 2000, modifiée ;
- son décret d'application, publié la même année ;
- et l'arrêté du ministre de la Justice sur les étrangers, également publié en 2000, lequel avait, en juillet 2009, fait l'objet de 97 modifications depuis sont entrée en vigueur.
L'apparition de la question de l'immigration dans le discours politique, l'assassinat du politicien Pim Fortuyn en mai 2002 et le score important (15 %) atteint par son parti après sa disparition ont conduit à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire, en septembre suivant, pour déterminer les causes de l'insuccès de cette politique faisant de la question de l'immigration un élément central du débat politique aux Pays-Bas où les étrangers en situation régulière étaient 1,6 million en 2008, sur une population de 16,4 millions d'habitants.
a) Test d'intégration et connaissance de la langue
La question de l' amélioration de la connaissance du néerlandais est apparue comme l'un des enjeux essentiels de la politique de l'immigration dont la nouvelle orientation s'est affirmée à compter de 2004, se traduisant par le vote de la loi d'intégration de 2006 dont le contenu resté en vigueur depuis lors, a été renforcé en 2010.
Parmi les mesures les plus emblématiques figure la création d'un test d'intégration qui porte sur la société et la langue des Pays-Bas. Il concerne, depuis 2003, les personnes qui sollicitent la naturalisation et doit se dérouler dans les trois ans suivant l'entrée dans le pays. En pratique, seuls 25 à 30 % des demandeurs sont tenus de passer le test car les autres ont obtenu un diplôme d'études secondaires aux Pays-Bas, ce qui les dispense de cette formalité.
Les modifications opérées dans la politique de l'immigration ne font, du reste, pas l'unanimité, d'aucuns estimant qu'elles stigmatisent les immigrés et critiquant notamment le fait que l'État ne verse pas de subventions pour l'aide à l'acquisition des connaissances linguistiques en vue des tests dont les migrants supportent, par conséquent, seuls la charge.
Entre 2007 et 2009, les communes ont, pour leur part, organisé des cours d'intégration ouverts à 100 000 immigrés, tandis que 33 000 passaient la totalité des épreuves de l'examen d'intégration.
Pour 2010, l'État et les communes sont convenu que 56 000 candidats participeraient au cursus public d'intégration. Au premier semestre, 24 000 ont suivi ce cursus, dont 27 % étaient des volontaires. 64 % des cursus étaient mixtes, consistant à la fois en des cours d'intégration et dans le suivi d'un parcours éducatif ou de formation. Pendant la même période, 17 000 personnes ont passé le test final d'intégration et 12 000 (72 %) l'ont réussi. Le gouvernement a annoncé que, compte tenu des bons résultats obtenus en matière de test d'intégration, l'État pouvait envisager, à échéance de trois ans, de diminuer les crédits qu'il y consacre.
La loi de 2006 prévoit quant à elle de soumettre les immigrés désireux d'obtenir un permis de séjour à des tests de langue dans leur pays d'origine ainsi qu'à un contrôle de connaissances sur la société néerlandaise . Elle a été complétée, à compter de mars 2008, pour renforcer le caractère sélectif du test en question. Le ministère de l'Intérieur établit un suivi semestriel de l'évolution des résultats du test réalisé dans les représentations diplomatiques néerlandaises à l'étranger. Il en résulte qu'au premier semestre 2010, 5 097 examens se sont déroulés, contre 4 003 au second semestre 2009. Parmi les candidats qui passent l'examen pour la première fois, 90,8 % l'ont réussi. Pendant la même période, le document qui permet de s'entraîner au test a été vendu à 3 310 exemplaires.
b) Célébration officielle des naturalisations
En décembre 2005, le gouvernement a décidé qu'au moins une cérémonie annuelle serait organisée par les communes pour célébrer les naturalisations . Leur nombre, qui est passée de 11 500 en 1990 à 79 000 en 1996, se situait à un peu plus de 22 000 en 2007 et 2008.
c) Mesures de régularisation
Les mesures de régularisation des immigrés en situation irrégulière ont été très limitées dans leurs effets puisque, selon les données du Conseil de l'Europe, le nombre des personnes régularisées a été de 10 416 en 1975, 679 dans l'ensemble des années 1990, 115 en 1995, 2000 en 1999, 2 079 en 2003 et 30 000 en 2007. Il s'agissait, dans ce dernier cas, de personnes qui avaient demandé l'asile sans l'obtenir avant 2001 mais n'avaient pas non plus été expulsées.
d) L'accord de coalition du 30 septembre 2010
Les chefs des groupes parlementaires du Parti du peuple pour la démocratie, et de l'Alliance chrétienne démocrate qui composent l'actuelle majorité aux États-Généraux, la chambre basse du Parlement néerlandais, ont conclu, le 30 septembre 2010, un accord de coalition dont le texte intégral figure en annexe. Ses termes, s'agissant de la politique de l'immigration, sont sans équivoque :
« La politique de migration et d'asile est sévère mais juste. Étant donné les problèmes sociaux actuels, il est impératif et urgent de prendre des mesures visant l'inflexion, la maîtrise et la réduction de l'immigration. C'est là un des objectifs prioritaires du gouvernement. Cette politique est juste car elle est fondée sur les droits dont chacun dispose. Conformément à la Convention de Genève, les Pays-Bas continueront à protéger et à accueillir les réfugiés victimes de persécution, pour qui notre pays est le premier lieu sûr. Il ne saurait en être de même pour les migrants économiques. Aussi importe-t-il d'établir le plus rapidement possible la catégorie dont relève le demandeur d'asile afin de décider s'il peut rester dans le pays ou doit le quitter. La politique d'immigration, notamment familiale, est axée sur la réduction du nombre de migrants aux perspectives peu favorables afin de pouvoir concentrer les efforts sur la problématique de l'intégration et favoriser la participation sociale de ceux ayant obtenu une autorisation de séjour. Cette politique restrictive et sélective utilisera autant que possible les possibilités offertes au sein des cadres juridiques existants, dont la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) : propositions de loi, intensification des contrôles, mise en oeuvre et suivi du respect des dispositions en vigueur, ainsi que mise en place de nouveaux systèmes d'information, échanges de données et techniques d'identification. À cet égard, le gouvernement opérera si possible en coopération avec d'autres pays, notamment ses voisins européens et les pays extérieurs à l'UE dont les migrants sont originaires. Les politiques de retour et d'expulsion seront renforcées. Toute personne en séjour irrégulier sera passible de poursuites.
Il sera plus rapidement et plus fréquemment procédé à l'expulsion d'étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale. Le trafic des êtres humains sera sévèrement réprimé. L'intégration des nouveaux arrivants est un processus complexe et exigeant dont la réussite est d'un intérêt capital pour l'ensemble de la société. Pour les demandeurs d'asile et les immigrés admis au séjour, il est d'autant plus essentiel de disposer d'un niveau de formation et de langue suffisant que cela leur permet, ainsi qu'à leurs enfants, une intégration par l'emploi et l'enseignement. C'est une attitude qu'on est en droit d'attendre de la part de nouveaux arrivants et dont ils doivent assumer la pleine responsabilité. S'ils n'y sont pas disposés, des mesures seront prises dans le cadre de la sécurité sociale et dans l'intérêt de la participation au travail. En cas d'échec à l'examen civique, ils se verront retirer, sauf exception, leur autorisation de séjour provisoire.
La mise en oeuvre de sa politique amènera le gouvernement à proposer la modification de directives de l'UE et, éventuellement, en cas d'absence d'alternatives en vue de mesures majeures, celle de certaines conventions en concertation avec les autres États membres. La réalisation de l'ensemble de ces dispositions en matière d'asile et de migration conduira à une diminution considérable des flux d'immigrés. »
2. Modifications législatives et réglementaires récentes
Au cours des trois premiers trimestres de l'année 2010, des modifications importantes ont été apportées par plusieurs textes.
a) Reconnaissance du néerlandais comme langue nationale
Le gouvernement a annoncé, au début septembre 2010, son intention de proposer une modification de la constitution afin que la langue néerlandaise soit reconnue comme la langue officielle des Pays-Bas. Il motive sa décision par la volonté que le public soit obligé d'utiliser cette langue dans ses rapports avec l'administration. Il n'exclut pas, par surcroît, de conférer une protection légale à la seule langue frisonne, idiome parlé traditionnellement dans le Nord du pays, à l'exclusion de toute autre langue.
b) Modification du régime du regroupement familial
Tirant les conclusions d'une décision de la Cour de Justice de l'Union européenne, le décret du 24 juillet 2010 portant modification du décret de 2000 sur les étrangers, pris pour l'application de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre en matière de droit au regroupement familial, a harmonisé les conditions de revenu applicables à la constitution d'un ménage par regroupement familial et celles relatives au regroupement d'un couple préexistant.
c) Renforcement de la position du référent
La loi du 7 juillet 2010 portant modification de la loi sur les étrangers de 2000 en ce qui concerne le renforcement de la position du référent dans le droit des étrangers en situation régulière (loi sur la modernisation de politique de migration) accélère les procédures relatives aux étrangers en unifiant la délivrance des permis de séjour provisoire et celles des permis de séjour de longue durée. Les référents, entreprises ou personnes morales, déposent des demandes de permis de séjour permanent pour un étranger et introduisent, le cas échéant, des recours à l'encontre des refus qui leur sont opposés. Sont obligatoirement agréés par l'État les référents qui interviennent dans le domaine de l'éducation, des séjours au pair et de l'emploi de migrants qualifiés. Ils bénéficient de procédures accélérées et sont, comme l'ensemble des référents, tenus par une obligation financière pour faire éventuellement face aux frais d'expulsion de l'étranger en faveur duquel ils sont intervenus. Le ministre de l'immigration et de l'asile a annoncé, le 12 novembre 2010, que du fait des délais nécessaires à l'utilisation d'un nouveau système informatique en matière d'immigration et de naturalisation, la loi ne pourrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2011 comme tel était initialement prévu.
d) Déchéance de la nationalité
La loi du 17 juin 2010 confère au ministre de la Justice la possibilité d'engager une procédure en vue de la déchéance de la nationalité pour les personnes qui ont deux nationalités (elle ne s'applique pas aux titulaires d'une seule nationalité puisque les Pays-Bas sont partie à la Convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997 qui tend à limiter les cas d'apatridie). La déchéance peut être prononcée à l'encontre des personnes qui ont été condamnées pour un délit punissable d'une peine d'emprisonnement de 8 ans et plus du fait de :
- l'atteinte à la sécurité de l'État, à la dignité de la Couronne, à des chefs d'État étrangers ou des personnes protégées internationalement ;
- l'action terroriste ou la lutte armée ;
- et les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité visés par le statut de la Cour pénale internationale.
Cette sanction ne concerne donc pas la délinquance de droit commun.
3. Perspectives de modification
Dans le cadre de la préparation de l'entrée en vigueur des dispositions de la « Politique moderne de l'immigration », le 1 er janvier 2011, le gouvernement a, le 2 octobre puis le 17 novembre 2010, annoncé publiquement que diverses mesures seraient prises pour renforcer le dispositif en vigueur par :
- la non reconnaissance des mariages conclus avec des mineurs de moins de 18 ans (la loi néerlandaise sur les conflits de loi permet actuellement, en application de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages, de reconnaître des unions de mineurs de plus de 15 ans) ;
- la lutte contre la fraude et l'abus en matière de migration pour mariage ;
- le renforcement des règles d'intégration avant et après l'entrée aux Pays-Bas, notamment :
- - en portant au niveau A1 le degré de connaissance exigé pour passer avec succès dans un poste diplomatique néerlandais le test d'intégration préalable à l'immigration dans le pays ;
- - en ajoutant une épreuve écrite à cet examen ;
- - en s'assurant que la personne qui se trouve aux Pays-Bas a accompli toutes les obligations d'intégration ;
- - et en faisant en sorte d'accroître la responsabilité du conjoint résidant aux Pays-Bas qui obtient un regroupement familial, en ce qui concerne le parcours d'intégration ou le parcours scolaire de la personne qui vient de l'étranger ;
- le renforcement de l'émancipation des membres des couples ;
- le combat contre les mariages forcés, les mariages avec des neveux ou des nièces et la polygamie ;
- et la lutte contre les mariages de complaisance.
L'accord de coalition du 30 septembre 2010, précise également que le gouvernement proposera des modifications aux textes en vigueur afin que :
- les demandes de permis de séjour ne soient à l'avenir déposées qu'à l'étranger ;
- toute personne qui est ou a été en situation irrégulière aux Pays-Bas se voie refuser un permis de séjour.