Compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire
du 22 au 30 mai 20042. Les pays de la Corne offrent un terrain propice aux actions de coopération décentralisée
Les évolutions récentes de notre politique de coopération, qui passe d'une « coopération de substitution » à une « coopération de projet », ne sont pas toujours bien comprises ni bien perçues par les autorités locales, point sur lequel la délégation a d'ailleurs été interpellée à plusieurs reprises et qu'elle s'est à chaque fois employée à expliquer, tant à Djibouti qu'en Érythrée ou en Éthiopie.
Cela étant, dans le cas de la Corne de l'Afrique, les vraies préoccupations en matière de coopération économique résident plutôt dans les contraintes budgétaires, qui -sauf le cas de Djibouti- restreignent les capacités de l'intervention française et amènent donc le gouvernement à privilégier d'autres pays historiquement et culturellement plus liés à la France que ne le sont l'Éthiopie ou l'Érythrée.
Or, dans ce climat, la coopération décentralisée représente un substitut crédible et très praticable, qui répondrait bien au souci de beaucoup de responsables locaux éthiopiens ou érythréens de nouer ou de renforcer des liens d'amitié avec les collectivités territoriales françaises . Aussi la délégation sénatoriale a-t-elle été très intéressée par les initiatives de la ville de Nevers en direction d'Asmara, et estime que d'autres projets de jumelages mériteraient d'être envisagés.
Les projets pouvant être mis en place ne nécessitent d'ailleurs pas nécessairement de gros moyens financiers, tout en étant d'une bonne rentabilité en termes de développement. Les progrès spectaculaires enregistrés à Debre-Berhan, en Éthiopie, avec l'aide somme toute modeste de la ville du Blanc-Mesnil, sont à cet égard exemplaires.
3. L'Europe doit accompagner la Corne de l'Afrique sur la voie stabilisatrice de l'intégration régionale
Une autre conviction de la délégation sénatoriale est que cette région de l'Afrique doit absolument aller vers plus d'intégration, pour permettre le règlement des contentieux en cours et prévenir la résurgence de nouveaux conflits.
Là encore, le tableau objectif de la situation géopolitique de cette zone n'est pas très rassurant, même si plusieurs progrès appréciables ont déjà été enregistrés.
Ainsi, sur les cinq pays de la compétence du groupe interparlementaire, quatre sont le théâtre de conflits internes soit ouverts, soit ayant donné lieu à des accords non pleinement stabilisés : l'Érythrée et l'Éthiopie n'ont pas encore trouvé de terrain d'entente sur les modalités de mise en oeuvre de la décision de la commission arbitrale sur Badmé, au point que le désengagement de la force d'observation des Nations unies n'est pour le moment pas envisageable ; la Somalie reste divisée avec l'hypothèque non réglée d'une possible sécession internationale du Somaliland ; le Soudan, s'il a progressé dans la résolution de ses rivalités internes entre le Nord et le Sud, reste gravement affecté par la crise du Darfour à l'ouest et ses prolongements au Tchad.
Dans une situation aussi complexe et tendue, avec en toile de fond un risque terroriste élevé et pouvant s'attaquer à nos intérêts, la France ne peut que soutenir les initiatives susceptibles de renforcer l'intégration régionale et la résolution pacifique des conflits ; elle se félicite que son alliée privilégiée dans la Corne, la République de Djibouti, poursuive une action énergique -reconnue et appréciée- au service de la paix et dans la lutte contre le terrorisme.
Les interlocuteurs de la délégation sénatoriale ont d'ailleurs unanimement salué la présence militaire française à Djibouti comme un important pôle de stabilité régionale.
Reste que, pour préserver un degré suffisant d'efficacité et de crédibilité, les moyens consentis aux FFDJ et aux opérations de présence des forces navales françaises croisant en Mer Rouge ne doivent pas être trop tributaires des réductions de format et des limitations budgétaires imposées aux trois armes depuis des années.
La délégation estime par ailleurs que nos projets de coopération militaire avec l'Érythrée, à ce jour extrêmement modestes, gagneraient à être amplifiés, ne serait-ce que pour manifester plus clairement l'intérêt amical de la France envers ce petit pays et, incidemment, y améliorer notre capacité de recueil du renseignement en profondeur dans une région stratégiquement importante mais où nos moyens d'information sont très lacunaires.
Toujours dans ce domaine, la France devrait se montrer plus attentive à la mission de l'IGAD et soutenir son action par les moyens appropriés.