H. DES SERVICES DE PRESSE AUX MÉDIA DE SOURCE

Les chercheurs sont divisés quant aux origines de la communication institutionnelle, mais ils convergent sur un point : elle est plus ancienne que la presse elle-même et ne doit donc pas nécessairement être vue comme une dérivation du développement du journalisme traditionnel, celle que nous sommes habitués à consommer quotidiennement. Bien que celle-ci soit actuellement destinée à influencer les routines et les contenus de la presse, certaines recherches indiquent que les origines de la presse ne sont pas très éloignées de la communication institutionnelle 501 ( * ) et qu'à la base, la communication possédait un canal d'expression direct dans la société. La source communiquait directement avec l'opinion publique sans l'intermédiation d'un moyen de communication, créé plus tard et baptisé presse 502 ( * ) .

C'est aux États-Unis, qui étaient encore une colonie britannique, que l'on trouve la première trace documentée de la migration d'un journaliste vers le champ de la communication institutionnelle. En 1772, George Washington a désigné l'éditeur du journal Kentucky, Samuel Adams, à la tête d'un groupe de divulgation et d'information sur les intentions des rebelles qui, quatre ans plus tard, déclareraient l'indépendance des treize colonies et commanderaient le premier gouvernement des États-Unis d'Amérique. Cette expérience, selon CASTANHO, a incité un autre président, Andrew Jackson, à créer, en 1829, The Globe. Sous la commande d'Amos Kendal, allait ainsi naître le premier house organ, la première revue d'institution, ou, pourrait-on dire, le premier média institutionnel gouvernemental connu 503 ( * ) .

L'activité de service de presse, alors appelée en Amérique du Nord relations publiques, apparaît à la fin du XIXe siècle. La dénomination agent de presse ou, en anglais, press agent - aujourd'hui connue comme assessor de imprensa au Brésil et attaché de presse en France - commence à être utilisée à partir de 1868 504 ( * ) . Curieusement, c'est en conséquence de l'indépendance financière des moyens de communication que les press agent sont apparus, avec la mission d'influencer les critères de choix éditoriaux 505 ( * ) . À l'époque, il existait déjà des agents de publicité, responsables du courtage des annonces entre le support et les annonceurs. Sa survie ne dépendant plus de la bienveillance de certains groupes, en particulier politiques et religieux, la presse a eu les moyens d'agir avec plus d'autonomie. D'un autre côté, les sources ont dû trouver des moyens de divulguer les faits et les opinions qui étaient dans leur intérêt. Les relations publiques ont constitué la réponse des sources au processus d'aliénation des médias par rapport aux sujets qui les touchaient 506 ( * ) .

1. Les « assessorias de imprensa » (services de presse) au Brésil

Au Brésil, la première structure de communication institutionnelle de taille significative est apparue au sein du gouvernement fédéral, pendant le mandat du président Nilo Peçanha, en 1909. Il ne s'agissait pas d'un instrument généralisé pour tout le gouvernement, mais seulement du Ministère de l'Agriculture, de l'Industrie et du Commerce. Cette structure alliait les activités de bibliothéconomie, d'édition de publications et de divulgation d'informations. Le travail développé par la Section des Publications et Bibliothèque est considéré par les chercheurs comme la première action systématique de divulgation journalistique dans le domaine public 507 ( * ) . La Section, transformée plus tard en Service d'Informations et Bibliothèque, puis, en 1915, en Service d'Information et de Divulgation (SID), était chargée de réunir et distribuer des informations à travers des brèves ou des nouvelles fournies à la presse ou par le Bulletin du Ministère de l'Agriculture, de l'Industrie et du Commerce, publication qui est à sa charge. Au chef de la section revient le rôle de rédiger les brèves et les informations qui doivent être fournies à la presse sur des sujets intéressant l'agriculture, l'industrie et le commerce 508 ( * ) .

Le SID était aussi chargé de la réalisation du bulletin du ministère, qui devait contenir le synopsis (sic) de tous les actes du gouvernement [...] des nouvelles et informations sur l'agriculture, l'industrie et le commerce [...] de façon à constituer une source, la plus complète possible, de consultation et de divulgation des connaissances utiles aux agriculteurs, aux industriels et aux commerçants. Une autre tâche du secteur était de divulguer dans la presse, dans des brèves concises, mais complètes, des informations [...] qui puissent influencer en faveur du développement de la production nationale 509 ( * ) .

Dans l'initiative privée, l'innovation est revenue à une entreprise de capital canadien. Créée en 1889 à Toronto, la São Paulo Tramway, Light and Power Co. Ltd., populairement connue sous le nom de Light, est devenue au Brésil le principal fournisseur d'énergie électrique, d'éclairage et de transport publics. En 1904, ce même groupe économique a créé la Rio de Janeiro Tramway, Light & Power Light & Power Co. Ltd. 510 ( * ) Light a été la pionnière de la communication institutionnelle dans le secteur privé brésilien. En 1914, elle a mis en place une division des relations publiques et en 1925, elle a fondé le Boletim Light, considéré comme le premier house-organ du Brésil 511 ( * ) .

C'est toutefois en décembre 1939 qu'allait voir le jour l'expérience de communication institutionnelle la mieux structurée du pays. Sous le mandat du président Getúlio Vargas, le gouvernement brésilien a implanté un service officiel destiné à la presse : le Département de Presse et Propagande (DIP). Directement rattaché au Cabinet Civil de la Présidence de la République, il visait à diffuser l'idéologie de l'État Nouveau dans les couches populaires. Il s'est distingué comme le principal instrument de censure et d'autoritarisme. Il était le résultat d'une vision politique qui considérait que le contrôle et la dissémination des informations par les moyens de communication de masse était stratégique.

Créé par le Décret 1.915/39, il avait pour objectif de divulguer les actes présidentiels, les oeuvres et les actions du gouvernement, mais il est devenu synonyme de prosélytisme, de censure et de persécution politique. Jusqu'à sa fermeture, en 1945, les journaux devaient s'y enregistrer pour circuler librement. C'était un organe puissant. Ses bras s'étendaient aux états membres de la Fédération par l'intermédiaire des Deips - Départements des Etats de Presse et Propagande. Ensemble et de façon articulée, ils orientaient idéologiquement la presse, la radio et même le cinéma. Ainsi, le gouvernement contrôlait l'information et garantissait sa présence dans la vie culturelle du pays. Il lui échoit de coordonner, d'orienter et de centraliser la propagande interne et externe, de faire la censure du théâtre, du cinéma et des fonctions sportives et récréatives, d'organiser des manifestations civiques, des fêtes patriotiques, des expositions, des concerts, des conférences, et de diriger le programme de radiodiffusion officiel du gouvernement - Indique la Fondation Getúlio Vargas (FGV) 512 ( * ) .

Les actions du DIP comprenaient la gestion des quotas d'importation de papier presse 513 ( * ) , le registre des journalistes et des moyens de communication, le contrôle de la concession de financements et d'aides aux entreprises pour l'acquisition des machines, ainsi que l'attribution des fonds publicitaires de l'État 514 ( * ) . Selon TRAVANCAS, pendant l'ère Vargas, plus de 420 journaux n'ont pas obtenu leur inscription et 61 ont été suspendus 515 ( * ) . Le DIP possédait des secteurs dans les domaines de la divulgation, de la radiodiffusion, du théâtre, du cinéma, du tourisme et de la presse. Dans la presse, l'uniformisation des informations était garantie par l'Agence Nationale. Le DIP les distribuait gratuitement ou en tant que produit subventionné (payé), rendant ainsi difficile le travail des entreprises privées. Bénéficiant d'une équipe nombreuse et hautement qualifiée, l'Agence Nationale monopolisait pratiquement les informations 516 ( * ) .

Il s'inspirait des machines de propagande allemande et italienne, que Lourival Fontes, journaliste responsable du DIP, s'en fut connaître de près, étant reçu par Mussolini en personne 517 ( * ) . En 1944, l' Agence Nationale , bras journalistique du DIP, comptait 220 professionnels et développait des activités typiques d'une agence de presse, en disposant même d'équipes de reportage et d'un système de diffusion de matériel journalistique à tout le Brésil - détaille DUARTE. Il s'agissait d'une superstructure de manipulation de l'opinion publique, qui utilisait la censure, la surveillance, le contrôle légal et la distribution à grande échelle d'informations élogieuses 518 ( * ) .

a) A Hora do Brasil, la première expérience de média de source.

La première grande tentative dans le champ de la communication de masse du gouvernement brésilien a été le Programa Nacional, que toutes les stations de radio devaient obligatoirement diffuser. Il a été lancé en juillet 1935, avant même la création du DIP 519 ( * ) . Quelques temps après, en 1938, il a été rebaptisé A Hora do Brasil -HB (L'Heure du Brésil) 520 ( * ) . Le programme radiophonique s'insérait dans les stratégies informatives de Vargas, qui a toujours eu une grande partie de la presse contre son gouvernement. La HB peut être considérée comme la première expérience brésilienne de communication médiatique directe entre les sources et la société. Autrement dit, sans le filtrage de la presse.

Au début, sa diffusion par les stations publiques et privées devait avoir lieu au moins trois à quatre fois par jour. La thématique ne se limitait pas aux faits gouvernementaux et incluait même des brèves internationales, en particulier sur la IIe Guerre Mondiale. La ligne éditoriale reposait sur trois règles de base : être un programme informatif, ne pas commenter les informations et toujours citer leurs sources. Selon les historiens, la crédibilité auprès du public était faible et le programme était populairement surnommé fala sozinho (parle tout seul) 521 ( * ) . Selon la Fundação Getúlio Varga - FGV, l'entité qui préserve la mémoire de l'ex-président, le programme était destiné à remplir trois finalités : informative, culturelle et civique.

En plus d'informer dans les détails sur les actes du président de la République et les réalisations de l'État, "Hora do Brasil" incluait une programmation culturelle qui prétendait encourager le goût pour la "bonne musique". [...] Des commentaires sur l'art populaire, dans ses expressions régionales les plus variées, et des descriptions des sites touristiques du pays étaient aussi inclus dans la programmation. Quant à la partie civique, elle était composée de "souvenirs du passé", où étaient exaltés les faits de la nationalité 522 ( * ) .

Soixante-cinq ans plus tard, Hora do Brasil s'est transformée en A Voz do Brasil (la voix du Brésil). Le format existant en 2007 comprend une seule édition quotidienne, d'une durée d'une heure, de 19 heures à 20 heures. Malgré l'opposition de l'Abert - Associação Brasileira de Emissoras de Rádio e Televisão (Association Bresilienne des Chaînes de Radio et Télévision), la diffusion, du lundi au vendredi (sauf les jours fériés fédéraux) reste obligatoire pour toutes les stations de radio du pays, indépendamment du type de fréquence et de la nature de leur propriété, publique ou privée 523 ( * ) . Dans la version actuelle, l'actualité internationale n'est plus traitée, sauf si elle est liée aux actions gouvernementales brésiliennes.

Les 25 premières minutes sont consacrées aux faits du Pouvoir Exécutif. Les tribunaux du Pouvoir judiciaire Fédéral se partagent cinq minutes. Les deux Maisons du législatif et le Tribunal des Comptes de l'Union se partagent 30 minutes (vingt minutes pour la Chambre des Députés, dix minutes pour le Senado Federal. Le TCU a droit à une minute le mercredi). Chaque institution est responsable de l'élaboration du contenu qui la concerne.

L'Agência Nacional n'existe plus. Pour assurer la production du programme, des équipes de journalistes professionnels ont été recrutées par chacun des organes cités. Dans le cas de l'Exécutif, c'est l'Entreprise Brésilienne de Radiodiffusion - Radiobrás 524 ( * ) qui est chargée de l'élaboration de tous les textes. Pour le législatif, les chaînes parlementaires du Sénat et de la Chambre des Députés 525 ( * ) produisent et diffusent la partie du programme qui leur revient. Voz do Brasil est aujourd'hui (2007) le plus ancien programme de radio du pays et ses taux d'audience sont élevés. Une étude de l'Institut DataFolha réalisée en décembre 1995 indique que 88 % des Brésiliens âgés de plus de 16 ans le connaissent et plus de la moitié des personnes consultées approuvent le fait que sa transmission soit obligatoire.

* 501 CROISSANT, Valérie, REBBILLARD, Franck, SPANO, William et TOUBOUL, Annelise, 2005, p. 50.

* 502 En Europe et aux États-Unis, rapporte LOPES (1996:15), les journaux institutionnels étaient présents dès la fin du XVIIe siècle. Considéré comme le père du journalisme d'entreprise, le Lhoyd's List est apparu en 1696 en Grande-Bretagne. The Mecanic , EUA, 1847, et The Triphammer , EUA, 1885, sont considérés comme des précurseurs des médias corporatifs destinés à des publics internes et externes.

* 503 CASTANHO, Valéria, 2001.

* 504 KOPLIN, Elisa et FERRARETTO, Luiz Arthur, 2000, p. 20.

* 505 DE BONVILLE, Jean, 1991, p. 25.

* 506 Idem.

* 507 DUARTE, Jorge, 2003, p.82.

* 508 C. f. Diário Oficial da União, éditions entre le 18/11/1909 et le 04/03/1915, apud idem.

* 509 C. f. Diário Oficial da União, édition le 04/03/1915, apud idem.

* 510 GOMES, Antônio, ABARCA, Carlos et alli.

* 511 Le Bulletin a paru pendant trois ans. KUNSCH, Margarida. M., 1997.

* 512 Cf. CPDOC-FGV, 1997.

* 513 Les quotas étaient fixés par le gouvernement et pouvaient représenter pour les journaux le poids d'une main de fer ou la légèreté d'une plume, selon la ligne éditoriale adoptée par le support.

* 514 Fernando Segismundo, alors président de l'ABI, en témoigne donnée à cet auteur le 22/07/2002.

* 515 TRAVANCAS, Isabel S., 1983, p. 19.

* 516 CPDOC-FGV, op. Cit.

* 517 Une démonstration de l'importance stratégique attribuée au Département est le profil des dirigeants qui ont succédé au journaliste Fontes. D'août 1942 à juillet 1943, il a été sous les ordres du major de l'Armée de Terre Coelho dos Reis, puis du capitaine Dutra de Menezes, qui a dirigé le DIP jusqu'à sa disparition, en mai 1945. Idem, op. cit.

* 518 DUARTE, Jorge, 2003, p.83.

* 519 Initialement, il était produit par le Département National de Propagande (DNP), le prédécesseur du DIP. À partir de 1939, il est passé sous la responsabilité de l' Agência Nacional sous le format de bulletins d'une durée de cinq minutes et avec une diffusion espacée au cours de la journée.

* 520 RADIOBRÁS, 2006.

* 521 GUARESCHI, Pedrinho e outros, 2000, p. 120.

* 522 Além de informar detalhadamente sobre os atos do presidente da República e as realizações do Estado, "Hora do Brasil" incluía uma programação cultural que pretendia incentivar o gosto pela "boa música". [...] Comentários sobre a arte popular, em suas mais variadas expressões regionais, e descrições dos pontos turísticos do país também eram incluídos na programação. Quanto à parte cívica, era composta de "recordações do passado", em que se exaltavam os feitos da nacionalidade. Cf. CPDOC-FGV, 1997-A

* 523 À la demande de l'ABERT, le Congrès National étudie un projet qui prévoit la diffusion de A Voz du Brasil à des horaires alternatifs, selon la volonté de la station de radio.

* 524 Entreprise publique qui a hérité de diverses autres structures informatives, telles que l'Agência Nacional, créée par Vargas, et l' Empresa Brasileira de Notícias (EBN) , créée par le régime militaire sous le mandat du dernier général président, João Baptista Figueiredo, ainsi que la Rádio et la TV Nacional .

* 525 Voir détails dans la IIe Partie - 2.4.3 - Les chaînes législatives .

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