2. Des indicateurs sanitaires très défavorables
Les indicateurs sanitaires du Cambodge sont très peu satisfaisants . Ainsi, d'après les données de l'UNICEF 16 ( * ) , la mortalité infantile s'élevait encore à 141 pour 1.000 en 2004, soit le taux le plus élevé en Asie du Sud et parmi les plus élevés au monde 17 ( * ) . La mortalité maternelle, de 450 pour 100.000 naissances, place le Cambodge juste derrière le Laos.
Un domaine, en revanche, semble témoigner d'une certaine réussite : la lutte contre le VIH/SIDA. En effet, le taux de prévalence est passé de 3,3 % en 1997 à 1,9 % en 2003. Si ce taux est encore élevé par rapport à ceux des pays développés, la lutte contre cette maladie marque incontestablement des points, avec l'aide des autorités locales.
Une question préoccupante au Cambodge reste cependant la question de la prostitution. Compte tenu de la pauvreté du pays, le trafic d'êtres humains peut se développer, impliquant notamment des touristes étrangers, occidentaux mais aussi, pour une large part, asiatiques. La faiblesse de l'appareil policier et judiciaire du pays tend à permettre des situations de quasi-impunité. Des bénévoles tentent, à Phnom Penh et ailleurs, de lutter contre ce trafic, mais avec difficulté. Le gouvernement cambodgien fait manifestement des efforts pour enrayer ce phénomène et il a créé, avec des organisations non gouvernementales, une unité d'action nationale chargée de lutter contre le trafic d'êtres humains, regroupant des ministères et organismes publics. Il semble que, depuis quelques mois, le nombre de personnes arrêtées et condamnées soit en augmentation, mais cette évolution, positive, doit être mise en parallèle avec une activité criminelle qui ne cesse également de s'accroître.
3. Des progrès, mais un insuffisant respect des droits de l'homme
La question des droits de l'homme est un sujet extrêmement sensible au Cambodge, compte tenu de l'histoire du pays mais aussi de l'utilisation politique qui peut en être faite.
La période des « khmers rouges », pendant laquelle les droits humains les plus élémentaires ont été systématiquement violés, a laissé des traces dans une population cambodgienne pour laquelle la principale préoccupation, une fois le pays stabilisé, a été de retrouver simplement des moyens de subsistance, avant de revendiquer des droits en tant que citoyens.
Pour autant, ce sont bien ces droits individuels qui sont aujourd'hui la clé du développement futur du pays . L'absence de droits de propriété, la corruption, les expropriations arbitraires, la faiblesse ou le détournement de l'appareil judiciaire, les délais et les difficultés à mettre en oeuvre les décisions de justice, sont des éléments sur lesquels les autorités cambodgiennes doivent travailler. De fait, des réformes ont été adoptées (loi sur la propriété foncière en 2001) ou sont en cours d'élaboration (code pénal, code de procédure pénale 18 ( * ) ), mais les résultats concrets se font attendre.
Le gouvernement cambodgien a aussi été mis en cause suite à l'emprisonnement ou à l'exil de parlementaires et de leaders d'opposition, tel le leader de l'opposition Sam Rainsy, que la délégation du groupe d'amitié a pu rencontrer à Phnom Penh et qui a fortement dénoncé la violation des droits individuels au Cambodge.
La situation dans les domaines des droits de l'homme, de la lutte contre la corruption et de la réforme de la justice fait par ailleurs l'objet de l'attention vigilante de la communauté internationale. Le Secrétaire général des Nations unies a nommé en 1993 un représentant spécial pour les droits de l'homme au Cambodge. La fonction est actuellement occupée par M. Yash Ghai, juriste kenyan, qui a présenté un rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations unies en septembre 2006.
Ce rapport apparaît extrêmement critique pour le pouvoir en place . M. Ghai note que le Parti du peuple cambodgien a instauré une domination sur l'appareil d'Etat cambodgien. Il dénonce la manipulation du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif, la corruption, la spoliation de terres (le gouvernement ayant accordé d'énormes concessions de terres à des entreprises locales et étrangères, ainsi qu'à l'armée, sans aucune transparence). Il constate une dégradation des conditions dans lesquelles s'exercent la participation et la vie démocratiques. Il met enfin en cause les poursuites judiciaires engagées contre les membres des partis d'opposition, les syndicats, les journalistes, les représentants de la société civile et les organisations de défense des droits de l'homme.
De fait, le Cambodge n'apparaît pas comme un modèle en matière de droits de l'homme mais il faut lui reconnaître certaines réussites : des élections libres et démocratiques s'y déroulent, ce qui est loin d'être le cas dans de nombreux pays de la région, le pays a été le premier Etat asiatique à abolir la peine de mort, et le premier en Asie du Sud-Est à avoir ratifié le traité de Rome créant la Cour pénale internationale.
Surtout, comme le souligne M. Ghai dans un additif à son rapport, des signes positifs sont apparus . En particulier, le gouvernement cambodgien a abrogé les dispositions légales qui incriminaient pénalement la diffamation, et rendaient ainsi possibles des arrestations arbitraires et les opposants sont de nouveau libres de s'exprimer. Il est enfin incontestable que le Cambodge jouit d'une liberté de la presse inconnue dans d'autres pays de la région 19 ( * ) même si le gouvernement est régulièrement accusé de faire pression et d'intimider les journalistes 20 ( * ) limitant ainsi, dans les faits, la liberté d'expression.
En conclusion , un énorme travail reste à accomplir pour améliorer les droits de l'homme au Cambodge . Pour cela, outre des réformes législatives indispensables, un renforcement de l'État de droit est nécessaire. Aujourd'hui, après que les khmers rouges ont éliminé tous les cadres enseignants, médecins, juges, fonctionnaires et ingénieurs - le Cambodge manque de personnel judiciaire formé, et la France apporte un appui particulier pour reconstituer un "vivier" de juristes capables, à l'avenir, de faire progresser le pays dans la bonne voie.
L'Académie Royale des Professions judiciaires L'Académie Royale des Professions Judiciaires, établissement public comprenant l'Ecole Royale de Magistrature et l'Ecole Royale des Greffes est une structure destinée à répondre au besoin de professionnalisation du corps des magistrats et des greffiers afin d'accompagner leur renouvellement. Le projet comprend des actions de formation d'élèves-magistrats et de formations continues de magistrats en exercice. Après une première promotion de 55 élèves magistrats de l'Ecole Royale de la Magistrature en 2005, une nouvelle promotion a été recrutée en 2006 et un troisième concours doit être organisé au cours de l'année 2007. En 2006, 300 greffiers en exercice ont été formés par la nouvelle Ecole Royale des Greffes. En 2007, plusieurs programmes de formation continue sont mis en place afin d'accompagner l'adoption du nouveau Code pénal et du nouveau code de procédure pénale. La formation initiale de nouveaux greffiers est prévue pour 2008 en même temps que la création d'une nouvelle structure de formation pour les notaires, avec l'assistance notamment du Conseil supérieur du notariat français. Conçu et enseigné en français, ce programme permet un renforcement de ces institutions, souvent de création très récente, qui concourent à l'Etat de droit, qu'elles participent à la formulation initiale de la loi, à sa mise en oeuvre ou à l'organisation du système judiciaire. Source : Académie royale des professions judiciaires |
* 16 UNICEF « Situation des enfants du Monde » 2006.
* 17 Des chiffres plus récents tendent toutefois à montrer des améliorations. Le taux de mortalité infantile aurait régressé de 45 % entre 1998 et 2005, il atteindrait désormais 65 pour 1000. Des progrès dans la diffusion des vaccins seraient aussi enregistrés : 66% des jeunes de 12 à 23 ans sont totalement vaccinés, contre 40 % en 2000.
* 18 Les discussions sur le code pénal ont débuté à l'Assemblée nationale du Cambodge en mai 2007, près de 10 ans après les premiers travaux d'expertise. Le Cambodge est actuellement soumis à un code pénal et un code de procédure pénale provisoires adoptés sous la période de l'APRONUC (Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge).
* 19 La presse cambodgienne compte des journaux « pro-gouvernementaux » comme Ramsey Kampuchea, Koh Santepheap, Kampuchea Thmey, d'autres proches de l'opposition comme Moneaksekar Khmer, Srâlanh Khmer et enfin des journaux « neutres » comme Cambodge Soir et Cambodia Daily.
* 20 Le Cambodge figure ainsi au 108ème rang dans le classement 2006 de la liberté de la presse publié par l'ONG Reporters sans Frontières.