C. L'ESSENTIEL DES ENTRETIENS AVEC LES AUTORITÉS DU PAYS
• La séance de travail à l'Assemblée nationale centrafricaine
La délégation a participé le 2 mars à une chaleureuse séance de travail à l'Assemblée nationale centrafricaine, sous la présidence du Président Célestin Leroy Gaombalet, en présence de plusieurs députés de la commission des Affaires étrangères, du groupe d'amitié République centrafricaine-France et de la section centrafricaine de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Le Président Gaombalet s'est déclaré particulièrement sensible à cette visite -la première des sénateurs français- puis a présenté la composition (105 députés) et les principales fonctions constitutionnelles de l'assemblée centrafricaine. Il a cependant déploré que lui-même et ses collègues ne disposent que de très peu de moyens pour l'exercice de leur mandat, situation qui limitait leurs capacités réelles d'intervention. Dans cette perspective, il a souligné l'importance de la formation des députés et des collaborateurs de l'Assemblée.
D'une manière plus générale, il a relevé les difficultés financières que son pays connaissait actuellement, sur lesquelles butait souvent l'efficacité de l'action des pouvoirs publics.
En réponse à une observation de M. Jacques Legendre, rappelant que l'Assemblée parlementaire de la Francophonie avait organisé à Bangui, du 18 au 20 octobre, un séminaire sur les pouvoirs du Parlement 26 ( * ) , le Président Gaombalet a salué cette initiative intéressante et utile, notant qu'elle avait rencontré un réel succès auprès des députés.
A l'issue de la rencontre et selon l'usage consacré, le Président Gaombalet a accompagné la délégation sénatoriale dans une rapide visite du Palais de l'Assemblée nationale et de sa Salle ses séances.
• L'audience avec le Président François Bozizé
Comme au Gabon et en Guinée équatoriale, l'audience du Chef de l'État a représenté le moment fort des entretiens de la délégation sénatoriale en Centrafrique , d'autant qu'à la différence des deux autres Présidents, le groupe d'amitié en tant que tel n'avait encore jamais eu l'occasion de rencontrer officiellement le Président François Bozizé.
Le Président a d'emblée souligné l'attachement profond et ancien que son pays portait à la France, avec qui les relations, selon lui, sont « au beau fixe » ( sic ).
Il a ensuite rappelé que la République Centrafricaine avait traversé pendant très longtemps des moments difficiles, ajoutant qu'heureusement, les changements opérés sous son impulsion à la tête de l'État depuis le 15 mars 2003 permettaient aux Centrafricains de « remonter la pente ». Dans cette perspective, il a insisté sur l'importance qu'il accordait à la réconciliation intérieure et au dialogue national, indispensables pour redonner confiance à son pays : tel était le sens de son action depuis quatre ans, avec comme principale ambition d'assurer le retour à la légalité constitutionnelle, le rétablissement de la sécurité intérieure et extérieure, l'assainissement des finances publiques et le renforcement des rentrées fiscales, enfin la réhabilitation du monde rural, en particulier par la relance des cultures traditionnelles (le café, le tabac, etc.).
Le Chef de l'État a jugé hélas inévitable que dans les circonstances actuelles, beaucoup de Centrafricains « aient du mal à être patriotes » ( sic ), accablés à la fois des conditions matérielles déplorables, les pressions des rebelles, les exactions des coupeurs de route et diverses manipulations extérieures.
Concernant la situation sécuritaire dans le nord et l'est du pays, le Président s'est félicité d'une sensible amélioration générale -grâce notamment à l'appui de la France- tout en reconnaissant que différentes formations rebelles continuent d'y mener des opérations sporadiques de déstabilisation. Il s'est néanmoins déclaré optimiste sur les améliorations à attendre de l'Accord de Syrte, même si, pour le moment, une partie des rebelles ne s'était pas ralliée à ce processus.
Le Président Jean-Pierre Cantegrit a appelé l'attention du Président François Bozizé sur deux points : d'une part, les nombreuses atteintes aux droits de l'homme imputées aux forces de sécurité gouvernementales, source de préoccupation et de perplexité dans l'opinion publique européenne ; de l'autre, la situation très précaire des Français établis en Centrafrique, où le climat général d'insécurité demeurait encore dissuasif, notamment pour l'installation des entreprises.
Le Chef de l'État n'en est pas disconvenu, soulignant toutefois qu'après 30 ans d'anarchie, la remise en ordre des forces de sécurité se révélait une entreprise très délicate, d'autant que la situation financière du pays ne permettait pas d'y consacrer tous les moyens souhaitables ; pour l'heure, il a déclaré devoir tenir compte du caractère composite des forces armées centrafricaines (les FACA) issues des accords de réconciliation nationale et constituées d'ex-mutins, d'éléments de la Garde personnelle de l'ancien Président Patassé, d'ex-Libérateurs (en clair, les éléments qui l'avaient aidé à reprendre le pouvoir en 2003) et de soldats légalistes, ajoutant qu'avec une pareille géométrie, des tiraillements étaient quasiment inévitables.
Pour le reste, le Président Bozizé a assuré que la présence française en Centrafrique lui tenait personnellement à coeur, regrettant que des regains périodiques d'insécurité continuent de ternir l'image de son pays dans la communauté française.
À la demande de M. Jacques Legendre, Président délégué du groupe d'amitié pour la République Centrafricaine, le Chef de l'État a donné un aperçu du système éducatif en Centrafrique, lui aussi très sinistré par 30 ans de rébellions et de troubles ; il a regretté des carences flagrantes en matière d'équipements scolaires et d'enseignants, en particulier au niveau de l'enseignement primaire : de ce fait, a-t-il craint, « une génération complète de centrafricains risquait probablement d'échapper à la scolarisatio n » ( sic ).
Le Président Bozizé a enfin évoqué la question du Darfour, notant qu'elle avait des incidences immédiates sur la sécurité de la République Centrafricaine dès lors que des éléments extérieurs pouvaient profiter de la perméabilité des frontières centrafricaines pour y lancer diverses menées clandestines ; pour prévenir l'extension du conflit, le Chef de l'État s'est dit favorable à la présence sur le terrain d'une force des Nations unies ou, à tout le moins, d'observateurs de l'ONU.
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* 26 Manifestation organisée en partenariat avec l'Organisation internationale de la Francophonie ; deux autres rencontres de ce type avaient déjà eu lieu à Bangui, la première en 1994 (sur le thème « Parlement et État de droit »), l'autre en 1999 (sur le thème « Le Parlement en l'an 2000 »).