ANNEXES

Commission de la coopération et du développement
(Lafayette, 14 - 16 mars 2005)

Rapport présenté par M. Jacques Brunhes, député,
rapporteur de la commission :
«La déforestation dans les pays francophones »

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L'attribution, en 2004, du Prix Nobel de la Paix à la kenyane Mme Wangari Maathai, qui s'est illustrée tout au long de sa vie militante par son action contre la déforestation, ainsi que la multiplication des conférences internationales sur la question, marquent une prise de conscience grandissante de la communauté internationale face au désastre écologique en cours.

Une prise de conscience qui apparaît en effet bien tardive, alors que tant de spécialistes, d'ONG et de mouvements écologistes tentent depuis plusieurs années d'attirer l'attention sur une situation devenue alarmante.

Il est vrai que la problématique de la lutte contre la déforestation apparaît complexe. Certes, chacun s'accorde sur la nécessité de sauvegarder les fonctions écologiques de la forêt (climatiques, hydrauliques, réservoir de biodiversité) et de préserver le mode de vie des populations autochtones. Mais comment ériger ces objectifs en priorités lorsque les exploitants forestiers, et notamment les compagnies multinationales, comptent bénéficier au maximum d'un marché du bois très lucratif et en expansion, que les populations sans terre sont contraintes de se déplacer de façon incontrôlée, que des grands travaux d'infrastructures sont jugés nécessaires pour le développement économique ?

I - Une situation alarmante

1/ Le constat

Le processus de déforestation n'est certes pas récent. Toutefois, ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XX ème siècle que le rythme de réduction des zones boisées s'est accéléré d'une manière radicale, pour prendre des proportions alarmantes.

Encore convient-il d'établir une nette distinction par zone géographique. En effet, les territoires occupés par les forêts dans les régions tempérées des pays industrialisés restent globalement stables (on estime qu'ils ont augmenté de 0,1 % au cours des années 80). Par exemple, au Canada, ils sont passés de 416,2 millions d'hectares à la fin des années 80, à 417,6 millions d'hectares en 1997. Cette situation s'explique par la mise en place de politiques de conservation et de renouvellement sylvicoles, ainsi que par le recul des périmètres consacrés à l'agriculture suite au processus d'exode rural et d'intensification des productions. Dans sa contribution, la section suisse de l'APF précise que : "En Suisse, il n'y a pas de déforestation. Au contraire, (...) entre 1983 et 1993, l'extension des surfaces forestières était de 4 %. Elle résultait surtout de boisements spontanés sur des surfaces agricoles abandonnées dans les Alpes et les Préalpes".

En revanche dans les pays en développement, qui abritent 55 % des forêts de la planète, 15 millions d'hectares de couvert disparaissent chaque année. De 1980 à 1995, la perte cumulée s'établit à plus de 200 millions d'hectares, soit davantage que la superficie de pays comme le Mexique ou l'Indonésie. Toutes les deux secondes, c'est l'équivalent d'un terrain de football qui est rasé. Si cette tendance devait perdurer, la forêt tropicale serait réduite d'ici la fin du siècle à quelques îlots protégés dans une immensité totalement dégradée.

Au cours de la dernière décennie, les taux nets de déboisement les plus élevés ont été constatés en Afrique (dans sa contribution, la section nigérienne fait valoir que "chaque année, plus de 100.000 hectares de forêts sont perdus. On estime, de 1958 à nos jours, une perte de superficie des forêts de l'ordre de 40 à 50 %" ), et en Amérique du Sud, mais les pertes de forêts naturelles sont aussi très élevées en Asie. Au rang des pays les plus touchés figurent l'Argentine, le Brésil, la République démocratique du Congo, l'Indonésie, le Myanmar, le Mexique, le Nigeria, le Soudan, la Zambie et le Zimbabwe.

En outre, l'étendue des pertes réelles annoncées par les Etats et les experts de la FAO est largement sous-estimée.

D'une part en effet, ces mêmes experts ont adopté récemment une nouvelle définition de la forêt beaucoup plus extensive, qui a eu pour effet mécanique de masquer l'amplitude de la déforestation. Sont désormais considérés comme de la forêt des arbres de faible hauteur et des espèces qui en étaient traditionnellement exclues : jeunes peuplements n'ayant pas encore atteint une hauteur de cinq mètres, pépinières forestières, plantations d'hévéas, de chênes-lièges, etc.

Par ailleurs, outre la difficulté de définir avec précision la notion de forêt, et, partant, de déforestation, il est encore plus ardu de rendre compte de l'état du couvert végétal. Or des processus de dégradation sont à l'oeuvre, qui constituent autant de menaces à terme. Des phénomènes d'épuisement des sols et des essences appauvrissent le peuplement végétal, dégradant l'habitat de la faune sauvage, amenuisant les capacités de production en ressources ligneuses et non ligneuses, diminuant la diversité biologique. Ainsi, dans nombre de zones tropicales, la forêt se fragmente, les arbres sont moins sains, le potentiel de régénération des végétaux est compromis. Difficilement détectable par l'imagerie aérienne, la dégradation des écosystèmes forestiers porte en germe la disparition pure et simple de larges pans du patrimoine sylvicole de la planète.

2/ Des causes variées

Les causes de la destruction des forêts tropicales sont complexes. Elles incluent un ensemble de facteurs, directs et indirects, dont la combinaison diffère selon les continents, les régions et les pays.

a) les défrichements pour les besoins de l'agriculture

Dans les pays en développement, la première cause de la déforestation est la pression exercée sur ces terres pour l'agriculture.

La pression des marchés extérieurs et le phénomène de mondialisation sont à l'origine de la formation de grandes exploitations commerciales qui ont déboisé de vastes étendues pour y développer des cultures de rente (café, cacao en Côte d'Ivoire, hévéas en Malaisie, palmiers à huile en Indonésie, etc.), ou y pratiquer un élevage intensif et lucratif, particulièrement en Amazonie. Or, les terres défrichées ne permettant pas une exploitation durable, elles sont rapidement laissées à l'abandon, au profit de nouvelles surfaces gagnées sur la forêt. En plus de son effet direct en termes de déforestation, ce type d'agriculture est souvent la cause d'une série de problèmes liés à l'utilisation de produits agrochimiques, qui contaminent les récoltes, les sols et les nappes d'eau souterraines.

Quant aux petits agriculteurs, ils sont contraints de défricher de nouvelles terres afin d'obtenir davantage de ressources vivrières et de récoltes commercialisables. Le processus passe souvent par un défrichage sauvage, qui n'épargnent pas les réserves naturelles ni les zones protégées.

b) l'exploitation économique du bois

Du bois d'oeuvre à la pâte à papier, les forêts fournissent un vaste éventail de produits industriels pour une valeur globale de 400 milliards de dollars (en 2000), ce qui représente environ 2 % de la production mondiale de richesses.

La contribution des forêts tropicales représente environ le quart de cette production. Ainsi, pour certains pays en développement, la filière bois figure parmi les tous premiers postes du PNB. Par exemple au Cameroun, elle constitue le deuxième poste d'exportations du pays, derrière le pétrole mais avant le cacao.

Afin de satisfaire un marché extérieur très demandeur, de nombreux pays producteurs de bois se sont engagés dans des politiques d'industrialisation qui ont considérablement augmenté leurs capacités de sciage et de transformation.

Or, si une exploitation rationnelle, permettant une régénération naturelle ou grâce à des programmes de replantation, permet de maintenir le capital forestier, c'est la surexploitation commerciale conduite sans précaution dans de nombreuses zones tropicales qui porte en elle-même une logique de destruction.

Beaucoup d'exploitants forestiers utilisent en effet des pratiques abusives (techniques de coupe inappropriées, abattages prématurés, main d'oeuvre peu formée et rémunérée au rendement, etc.), auxquelles peinent à s'opposer les administrations forestières, bureaucraties souvent sans moyens, sans véritable tutelle politique et sans prise réelle sur l'affectation des terres et leur utilisation.

Ces administrations forestières sont d'autant plus impuissantes que le secteur est très concentré et dominé par quelques grandes entreprises, pour la plupart multinationales, où dominent les capitaux d'origine américaine, canadienne et japonaise. Au Brésil par exemple, une dizaine de sociétés contrôlent 40 % des exportations de grumes et de pâte à papier, tandis qu'en Papouasie - Nouvelle Guinée, un seul opérateur, d'origine malaise, assure la moitié des activités de coupe et de vente de bois.

Enfin, les arbres sont également abattus pour obtenir du bois à brûler. En Afrique, le phénomène de pauvreté induit que le bois fournit plus de 80 % des besoins énergétiques. D'après la FAO, le rythme annuel de consommation de bois de feu dépasse d'environ 30 % en Afrique les capacités de repousse et de reboisement.

c) la construction d'infrastructures et le processus d'urbanisation

La construction de nouvelles routes a un profond impact sur la forêt. L'exemple le plus connu en est le percement de l'autoroute trans-amazonienne qui a conduit à la colonisation de grandes étendues de forêts.

L'exploration et l'exploitation minières et pétrolières jouent aussi un rôle considérable dans le processus. L'ouverture de gigantesques mines dans la zone cuprifère de la Zambie a conduit à la disparition de grandes étendues boisées dont le bois a été utilisé pour alimenter en combustible les fours de fusion.

Les projets d'aménagement hydroélectriques contribuent également fortement à la déforestation. Des terres forestières sont inondées, parfois sur de vastes superficies (comme au Ghana), pour constituer des réservoirs.

Enfin, au fur et à mesure de l'accroissement démographique et de l'extension des villes, les projets de développement industriels et résidentiels empiètent également sur les forêts.

d) autres facteurs de la déforestation

Les incendies, qu'ils soient accidentels ou provoqués, peuvent créer des dégâts considérables. Ceux qui ont touché l'Indonésie en 2002, et qui furent d'une ampleur inédite, ont eu des conséquences au niveau climatique et en matière de santé publique.

Enfin, les zones de crise ou de conflit sont particulièrement vulnérables aux déprédations de l'environnement, ainsi que le souligne la section rwandaise de l'APF : "Durant ces dix dernières années, suite à la guerre et au génocide survenu au Rwanda en 1994, les forêts ont connu une régression et une dégradation sans précédent."

3/ Des conséquences graves

a) économiques et sociales

La déforestation menace directement les quelque 500 millions de personnes de par le monde qui vivent au sein ou à l'orée des forêts tropicales. Or il s'agit précisément des groupes les moins privilégiés de l'humanité. Parmi cette population on estime à 150 millions le nombre d'autochtones dont le style de vie est intimement lié à l'existence des forêts, lesquelles leur permettent non seulement de satisfaire leurs besoins économiques en leur assurant un gîte et des ressources en nourriture, mais sont également partie intégrante de leur culture et de leurs traditions spirituelles. A cet égard, la section togolaise de l'APF souligne que : "au plan culturel, les essences naguères protégées en raison de leurs propriétés fertilisantes et médicinales (...) telles que le karité et le néré sont aujourd'hui exploitées aux fins de carbonisation. D'autre part, on note des menaces de disparition des forêts sacrées" .

Parmi les conséquences sociales de la déforestation, la section burkinabé identifie également : "l'apparition d'un important mouvement migratoire dû à la recherche de meilleures conditions de vie, l'existence de conflits nés de litiges fonciers survenus entre autochtones et migrants, ainsi que l'allongement du temps consacré à la recherche du bois de chauffe et du bois de service (construction, artisanat...)" .

b) environnementales

Les forêts tropicales jouent un rôle primordial dans la conservation de la biodiversité. Elles abritent 70 % des plantes et des animaux de la planète (soit plus de 13 millions d'espèces répertoriées). Parmi les espèces emblématiques les plus menacées par la réduction de leur habitat naturel, figurent notamment le rhinocéros ou l'éléphant, dont les effectifs sont passés en un siècle de 3 millions à moins de 400.000 aujourd'hui.

La déforestation est également en partie responsable de l'augmentation de l'effet de serre, qui constitue l'une des raisons du réchauffement de la planète. En effet, plus qu'aucun autre type de végétation, les arbres fixent le dioxyde de carbone et produisent de l'oxygène. Parallèlement, la combustion du bois de feu aggrave la situation en produisant de grandes quantités d'oxyde de carbone. Actuellement, l'augmentation de la concentration de ce gaz dans l'atmosphère représente environ 20 % de l'effet de serre total.

Enfin les forêts règlent le débit des cours d'eau, en absorbant l'excès des eaux de pluie qui est graduellement libéré plus tard, et réduisent la force des vents qui dessèchent et érodent les sols, ce qui a pour conséquences, outre une perte de fertilité, une aggravation des dégâts causés par les catastrophes naturelles, telles les inondations de ces deux dernières années notamment aux Philippines et en Haïti. De même la disparition de larges pans de la mangrove a-t-elle fortement amplifié les effets destructeurs du récent tsunami en Asie.

II - Une prise de conscience tardive et une mobilisation encore insuffisante

1/ Le rôle des ONG et la mobilisation des Etats

a) une forte pression exercée par les ONG...

L'action des ONG a été consacrée avec éclat par l'attribution, en 2004, du Prix Nobel de la Paix à la kenyane Mme Wangari Maathai qui fut, depuis sa création en 1977, à la tête du plus grand projet de reboisement en Afrique, le Green Belt Movement (GBM). Grâce à cette action, plus de 30 millions d'arbres ont été plantés au Kenya, et des dizaines de milliers de personnes, dont une majorité de femmes, travaillent dans les pépinières de l'association. Ses méthodes ont progressivement fait école en Tanzanie, en Ouganda, au Malawi, au Lesotho, en Ethiopie et au Zimbabwe.

La section burkinabé de l'APF souligne particulièrement le rôle des ONG dans la lutte contre la déforestation : " (au Burkina Faso) plus de 180 ONG interviennent dans ce domaine. L'action de certaines ONG couvre l'ensemble du territoire national tandis que d'autres ne couvrent que des provinces isolées (...). Les ONG apportent leur contribution aux actions de protection de l'environnement à travers des projets et programmes mis en oeuvre par l'Etat et ses partenaires du fait de la généralisation de l'approche participative adoptée par le pays depuis une dizaine d'années".

Cette approche participative devient de plus en plus la règle en la matière. La section québécoise précise la nature des demandes exprimées par les ONG, au nom de la société civile : "Les principales caractéristiques recherchées (par les ONG) sont la transparence, la neutralité, l'intégration effective des usages multiples des milieux forestiers et la proximité des centres de décision avec les milieux régionaux et locaux".

Par ailleurs, les ONG, et notamment celles qui ont une grande notoriété sur le plan mondial, telles Greenpeace, exercent une vigilance permanente et jouent un rôle d'alerte auprès des décideurs, au niveau tant des Etats que des institutions multilatérales.

b) ... qui a entraîné une prise de conscience des Etats

A partir des années 80, la plupart des Etats ont pris des mesures pour préserver leur patrimoine forestier. La nature de ces actions diffère selon l'intensité du processus de déforestation dans le pays concerné, ainsi que les moyens financiers et techniques dont il dispose.

création d'espaces protégés

La délimitation de zones protégées constitue l'une des principales réponses des Etats à la problématique de la déforestation. S'il serait fastidieux de citer les innombrables initiatives prises en la matière, il apparaît plus intéressant d'en analyser les résultats.

Le bilan de cette stratégie est en effet très mitigé. S'il s'avère globalement positif dans les pays industrialisés, c'est loin d'être le cas dans la plupart des pays en développement où, imposée sans compensations pour les populations concernées et sans moyens d'application, cette politique a pour effet d'exacerber les tensions locales, de favoriser la contrebande et le braconnage, d'accroître les inégalités et finalement de livrer les forêts à toutes les déprédations.

De plus en plus conscients de ces échecs, les gouvernements cherchent désormais à mener ces politiques de conservation en étroite concertation avec les populations locales, avec un personnel d'encadrement dûment formé et des moyens suffisants.

politiques de plantation

Les plantations d'arbres sont souvent présentées comme une des solutions permettant de satisfaire la demande en bois d'oeuvre et d'industrie, de créer des emplois, d'améliorer les conditions d'existence des habitants et de soutenir l'économie nationale tout en soulageant la pression sur les forêts primaires.

Ainsi, on constate dans la zone intertropicale, et notamment en Asie, une notable augmentation des superficies de plantations et de reboisement. L'Indonésie et le Vietnam plantent respectivement 270 000 et 80 000 hectares chaque année. La Chine s'est quant à elle engagée dans un vaste programme de reboisement de plus d'un million d'hectares par an, notamment dans la région de Pékin soumise à un processus de quasi-désertification.

renforcement des cadres réglementaire et législatif

Les contributions des sections de l'APF ayant répondu au questionnaire fournissent de nombreux exemples illustrant le mouvement général de renforcement des cadres réglementaires et des arsenaux législatifs mis en place pour protéger les forêts. Nous citerons notamment :

La section rwandaise qui indique que : "en application de la législation en matière d'environnement, des mesures énergiques ont été prises par les pouvoirs publics. Ces mesures visent entre autres à empêcher le déboisement anarchique. Ainsi la coupe massive d'arbres nécessite-t-elle l'autorisation préalable du Ministre ayant l'environnement dans ses attributions et l'usage du bois pour certains travaux a été provisoirement interdit".

Au Burkina Faso, "la loi portant réorganisation agraire et foncière (RAF) ainsi que son décret d'application définissent entre autres les grands principes de l'utilisation des terres, les procédures d'adoption des plans d'aménagement forestier et les schémas directeurs d'aménagement des forêts".

Toutefois, si presque tous les pays se sont lancés dans la définition d'une politique forestière incorporant des critères de gestion durable, très peu disposent d'une capacité suffisante sur le terrain pour l'appliquer de façon convaincante.

2/ Les atermoiements de la communauté internationale

La sensibilisation de l'opinion publique, notamment par les ONG et les mouvements écologistes, a conduit la communauté internationale à se mobiliser à partir des années 80.

Le Plan d'Action Forestier Tropical (PAFT) fut le premier programme significatif à cet égard. Défini et lancé en 1985 au sein de la FAO, il visait notamment l'amélioration des techniques sylvicoles et l'aménagement des forêts.

Si le PAFT a certes permis la mise en place de plans d'action nationaux et l'obtention de nouvelles sources de financement, son bilan est unanimement jugé avec sévérité. En effet la FAO, dont le manque de leadership a été souvent souligné, et en l'absence de planification multisectorielle, n'est pas parvenue à susciter les synergies nécessaires entre les différents acteurs concernés, notamment au niveau local. D'autre part, la stratégie était trop axée sur l'industrie au détriment de l'objectif de conservation du patrimoine forestier.

L'échec du PAFT a eu de graves conséquences, car il a notamment conduit à une démobilisation et une retombée de l'élan international en faveur de la lutte contre la déforestation.

Ce contexte défavorable est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le projet de Convention sur les forêts n'a pu être adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED), qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992. Ainsi, cette importante rencontre internationale, qui a eu un retentissement considérable dans le domaine de l'environnement, n'a débouché en matière de lutte contre la déforestation que sur quelques timides initiatives, telles que la création d'un Groupe de travail intergouvernemental sur les forêts, une avancée dans la définition de critères et d'indicateurs pertinents, ainsi que sur les procédures d'homologation du bois.

De même lors du Sommet de la Terre qui s'est tenu à Johannesburg en 2002, le problème, certes crucial, des ressources en eau, a quelque peu monopolisé l'attention au détriment d'autres sujets, dont notamment la déforestation. En la matière, le Sommet n'a débouché sur aucune mesure d'envergure. Plus encore, les observateurs ont noté un fléchissement des ambitions affichées par les Etats participants, qui ne s'engagent plus qu'à "réduire significativement d'ici à 2010 la dégradation des milieux naturels (dont les milieux forestiers)" , alors que la résolution adoptée lors de la Conférence sur la biodiversité qui s'était tenue quelques mois auparavant à La Haye parlait, quant à elle, de "stopper et d'inverser la tendance" . Sur un plan plus concret, le Sommet de Johannesburg a été marqué par l'annonce de deux grands programmes régionaux, celui déjà évoqué concernant les Aires protégées de la Région amazonienne, ainsi que l'ambitieux programme de préservation du Bassin du Congo (cf infra).

Par ailleurs, la Convention CITES (sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), signée par 166 pays, et qui a pour ambition de protéger 32 000 espèces répertoriées, dont 27 000 espèces végétales, s'intéresse de plus en plus à la prévention du commerce illégal des bois tropicaux. Ainsi, la 13 ème conférence des Parties signataires de la CITES, qui s'est tenue à Bangkok en octobre 2004, a inscrit le ramin parmi les essences de bois à protéger. Particulièrement menacé par un intense trafic dans la forêt indonésienne, le ramin fait notamment partie de l'habitat des orang-outans, une espèce elle-même en voie d'extinction.

Quant à la Convention sur la diversité biologique (dite "biodiversité") adoptée à Rio en 1992, les scientifiques participant à la conférence de suivi qui s'est tenue à Paris le 24 janvier dernier en ont tiré un bilan particulièrement négatif. C'est pourquoi ils ont lancé un "appel de Paris" pour inciter les gouvernements à l'action.

D'une manière générale, les efforts tentés par la communauté internationale se heurtent à plusieurs types de résistance et, en premier lieu, à celle des pays forestiers du Sud. Il est en effet bien compréhensible que les pays en développement, dont les produits agricoles sont déjà artificiellement désavantagés sur le marché mondial face aux productions subventionnées du Nord, se montrent réticents envers toute mesure susceptible d'aboutir à limiter les ressources que leur procure le commerce du bois. C'est notamment la raison pour laquelle, lors du Sommet de Johannesburg, ces pays ce sont opposés à l'inclusion du projet d'éco-labels dans le texte adopté sur la biodiversité, craignant, en l'absence de garanties et de mesures d'accompagnement de la part des pays développés, qu'ils ne soient utilisés comme des barrières douanières déguisées.

3/ Une approche globale prometteuse : l'exemple du Bassin du Congo

Un exemple de stratégie globale de lutte contre la déforestation est fourni par le programme de préservation du massif forestier du Bassin du Congo, qui, avec 2 millions de km 2 , représente 8 % de la surface forestière mondiale. Abritant plus de 10 000 espèces végétales, 400 espèces de mammifères, plus de 1 000 espèces d'oiseaux et 300 de reptiles, cet ensemble constitue également un enjeu économique majeur pour les populations riveraines qui s'élèvent à environ 60 millions de personnes. Le seul secteur forestier représente, avec 10 % de leur PIB, la deuxième richesse des pays concernés après les ressources minières. Le développement de la transformation sur place du bois, plutôt que son exportation sous forme de grumes, a aussi suscité la création de près de 100 000 emplois, surtout au Cameroun. Le bois y est ainsi au coeur de l'une des rares industries du continent africain.

Comment, dans ce contexte, enrayer la dégradation accélérée du massif forestier du Bassin du Congo, qui perd annuellement 10 000 km² de superficie, tout en préservant les ressources économiques et les emplois qu'il procure aux pays riverains ?

La réponse à un défi aussi complexe pourrait venir de la volonté politique exprimée par les Etats concernés, dont la détermination a su entraîner l'engagement de la communauté internationale.

Cette prise de conscience politique a conduit, en 1999, à l'organisation d'un Sommet des chefs d'Etat des pays riverains (Cameroun, République centrafricaine, Gabon, Congo, République démocratique du Congo, Guinée équatoriale et Tchad), qui a lancé pour la première fois un processus de meilleure gestion des ressources forestières. Les décisions prises lors de ce sommet ont permis l'adoption de trois types de mesures : un durcissement des législations afin d'introduire plus de transparence dans l'attribution des concessions, l'instauration de normes permettant la régénération de la forêt et la mise en place d'un dispositif fiscal spécifique. Cette dernière innovation en particulier a constitué une véritable rupture : elle marque en effet la fin d'un système dans lequel le bois pouvait être considéré comme une ressource gratuite.

La communauté internationale s'est ensuite engagée dans le processus lors du Sommet de Johannesburg en 2002. Sous l'impulsion notamment des Etats-Unis et de la France, un partenariat a été lancé pour le Bassin du Congo, regroupant Etats, bailleurs de fonds et ONG autour d'une démarche de conservation qui a permis à ce jour la constitution d'environ 100 000 km² d'aires protégées.

Enfin, les résolutions prises lors du Sommet des chefs d'Etat d'Afrique centrale sur la conservation et la gestion durable des forêts, qui s'est réuni le 5 février dernier en présence de Kofi Annan et du Président français Jacques Chirac ont porté essentiellement sur la mise en place de plans d'aménagement de l'exploitation forestière visant à permettre une régénération des concessions existantes, ainsi que le développement du processus de certification, qui garantit à l'acheteur - européen pour plus de 50 % des exportations - que le bois provient d'une exploitation respectueuse de l'environnement. La mise en place d'un système de traçabilité des bois et de la surveillance par satellite des concessions devrait également permettre de limiter les exploitations illégales.

On le voit, des différentes réunions d'experts et sommets de décideurs qui se sont penchés sur le sort du massif forestier du Bassin du Congo est ressortie une stratégie multiforme, associant différents types de mesures (incitations fiscales et commerciales, instauration d'un droit foncier, répression des pratiques abusives, protection des zones les plus fragilisées, politique de plantations) dont la combinaison serait susceptible de produire des effets tangibles, à deux conditions près toutefois : que leur mise en application, qui provoquera inévitablement des résistances, fasse l'objet d'une véritable volonté politique dans la durée, et que la communauté internationale tienne ses engagements en matière d'appui technique et surtout financier.

4/ La lutte contre la déforestation nécessite un engagement déterminé de la communauté internationale et doit s'inscrire dans les politiques d'aide au développemen t

Très clairement, la lutte contre la déforestation et la désertification, dans les pays en développement, doit s'inscrire dans le cadre plus large des stratégies de développement et notamment de lutte contre la pauvreté, ainsi que le souligne la section du Niger, pays qui a mis en place en 1998 un plan d'action identifiant "l'amélioration de la sécurité alimentaire, la solution à la crise de l'énergie domestique, et le développement économique de la population" comme des conditions préalables à un arrêt du processus de désertification.

Dans un entretien accordé au quotidien français "Le Monde" le 30 janvier dernier, le Prix Nobel de la Paix, et Secrétaire d'Etat kenyane à l'environnement, Mme Wangari Maathaï exposait parfaitement les enjeux de la lutte contre la déforestation et pour la préservation de la biodiversité dans les pays du Sud. Il m'apparaît intéressant d'en citer les extraits les plus marquants : "Dans notre situation (celle des pays en développement), la question de base est souvent de savoir si on va sauver la biodiversité plutôt que de s'offrir des moyens de subsistance. (...) La préservation de la biodiversité est avant tout une question de développement. Par exemple, la dette. Comment la supprimer, afin que la population ne continue pas à la payer, au prix de ces points d'importante diversité biologique (que sont les forêts). Comment aussi commercer plus équitablement, supprimer les taxes qui empêchent les pays en difficulté d'accéder aux marchés des pays développés ? Comment permettre à ces gens de bénéficier des emplois dans ces pays développés ? Tant que ces sujets économiques ne seront pas pris en compte, il y aura une pression très forte dans les pays en développement. Souvent, leurs gouvernements répondent à cette pression en devenant moins démocratiques. Or, dans les pays moins démocratiques, il est bien plus difficile de protéger la biodiversité. Il y a là un cercle vicieux, qu'il faut rompre." En conséquence, Mme Maathaï concluait ainsi son propos : "Les pays développés peuvent nous aider à briser ce cercle vicieux en s'emparant de ces sujets, afin que la survie des gens ne dépende plus de la dégradation de leur habitat".

Dans un communiqué paru en août 2004, le sous-directeur général du Département des forêts de la FAO laissait entrevoir une lueur d'espoir : l'analyse des images satellites montrent en effet que le taux de déforestation a baissé d'au moins 10 % au cours des dix dernières années par rapport aux années 80. Il ajoutait aussitôt que "ces premiers résultats ne doivent pas nous inciter à penser que la bataille contre la déforestation est gagnée" .

Ces chiffres ne font certes état que d'une légère inflexion du phénomène, mais ils ont au moins le mérite de démontrer qu'une mobilisation résolue des différents acteurs impliqués (Etats, institutions internationales, associations, mouvements écologistes...) peut porter ses fruits.

Mais pour dispenser une formation aux pratiques d'exploitation durable, aider les pays à mettre en oeuvre sur le terrain des politiques d'aménagement forestier en partenariat avec les industriels et les collectivités locales, pour combattre l'exploitation illicite et protéger les réserves de conservation, il faut des moyens financiers que seule pourrait fournir une mobilisation massive des pays développés.

Séminaire parlementaire
(Moroni, 22 - 24 mars 2005)

Interventions de M. Richard Cazenave, député :
«Le fonctionnement d'un Parlement fédéral et des Parlements régionaux »

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Les relations majorité-opposition

Le Parlement, dont les élus représentent la nation, vote les lois et contrôle le gouvernement. Dans l'accomplissement de cette double mission, il ne fonctionne pas selon la règle de l'unanimité : il y a une majorité et une minorité qui s'expriment.

La démocratie suppose l'alternance : une équipe accède au pouvoir, l'exerce sous le contrôle de sa majorité et de l'opposition et est jugée par les électeurs au terme de son mandat. Elle est reconduite en cas de succès, et remplacée par l'opposition en cas d'échec.

Inconnue en France aux débuts de la V e République, l'alternance est depuis 1981 si bien entrée dans les moeurs que toutes les élections législatives ont abouti à un changement de majorité.

Le rappel de ces principes simples permet d'effectuer une première approche des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition : la principale mission de la majorité au pouvoir est de soutenir le Gouvernement ; le rôle de l'opposition est d'incarner une force de remplacement (I).

En fait, le contenu de ces rôles est le fruit d'une évolution propre à chaque milieu politique, la réponse à des besoins qui varient en fonction des époques et des contextes.

En France, l'efficacité des rôles respectifs de la majorité et de l'opposition passe par un renforcement des pouvoirs du Parlement et par une clarification du débat politique (II)

I - LE ROLE DE LA MAJORITE EST DE SOUTENIR LE GOUVERNEMENT ; LA VOCATION DE L'OPPOSITION EST DE LE REMPLACER

A)  Le paradoxe du système français

La multiplicité et l'absence de structure des partis semblant une donnée intangible de la vie politique française, les fondateurs de la V e République ont assuré la stabilité du régime en donnant à l'Exécutif la primauté sur le Législatif.

La Constitution de 1958 a ainsi mis en place un système dans lequel l'Exécutif peut gouverner avec une faible majorité ou une majorité indisciplinée :

- Le Gouvernement est maître de l'ordre du jour parlementaire (art. 48) ; le domaine de la loi est strictement délimité (art. 34) et le rôle du Gouvernement dans son élaboration est prépondérant (procédure du vote bloqué -art. 44.3-, restriction du droit d'initiative des parlementaires). De même, le Gouvernement peut prendre des ordonnances qui lui permettent de décider de mesures relevant normalement du pouvoir législatif (art. 38).

- Les pouvoirs de contrôle des assemblées sont limités : la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que par l'Assemblée nationale, et selon une procédure rigide et compliquée visant à éviter un recours trop fréquent à ces procédures et à garantir que les votes interviennent après un délai suffisant pour qu'une réflexion puisse avoir lieu sur les enjeux du scrutin (art. 49).

En fait, très rapidement 1 ( * ) a émergé un système de partis structurés, clairement séparés entre les formations de la majorité, destinées à soutenir le Gouvernement, et celles de l'opposition, destinées à le critiquer. De 1962 à 1974, ce système de partis a engendré une majorité de gouvernement que l'alternance au pouvoir a rétablie dans un contexte différent, en 1981.

Dès lors, sur le plan institutionnel et plus précisément parlementaire, la Constitution s'est souvent révélée répressive pour la majorité, car les instruments de rationalisation du parlementarisme - recours au vote bloqué (art. 44.3 de la Constitution), à l'engagement de responsabilité (art. 49.3)- ont en fait servi à rationaliser les relations entre le Gouvernement et sa propre majorité.

B)  Le rôle de la majorité parlementaire : soutien et participation

a) Appui inconditionnel ou soutien critique ?

Depuis que s'est constitué un système de partis structurés, l'appui inconditionnel apporté au Gouvernement et par-delà au Président de la République, élu depuis 1962 au suffrage universel direct- représente le premier devoir et la première fonction de la majorité gouvernementale.

Cette exigence, qui ne faisait pas partie de la tradition française, est plus ou moins facilement entrée dans les moeurs d'abord du parti gaulliste, puis du parti socialiste, parti du Président Mitterrand, et à nouveau de l'Union pour la Majorité Présidentielle, soutien du Président Chirac.

C'est ainsi, par exemple, que les députés socialistes, qui avaient obtenu la majorité absolue des sièges en 1981, entendaient bien demeurer une force de proposition, et ne pas jouer un rôle de « godillots ».

Louis Mermaz, alors Président de l'Assemblée concevait ainsi le rôle du parti majoritaire :

« Le parti, c'est ce qui est essentiel. Le Président, le Gouvernement, la majorité de gauche, cela forme un bloc, le pouvoir. Pour que ce bloc ne s'endorme pas, ne se fossilise pas, il faut que le parti ait un rôle fondamental à jouer. D'abord un rôle de réflexion idéologique, ensuite le parti a pour rôle de veiller à ce que le programme soit appliqué, à être le gardien de ce programme ; par ailleurs, il doit empêcher que le pouvoir ne s'isole, et il doit exercer à travers son groupe parlementaire le contrôle de l'action gouvernementale. »

Le risque est alors que l'Exécutif se fasse déborder par sa majorité parlementaire, surtout si elle est animée par un parti dominant.

C'est pourquoi cette majorité doit être organisée et disciplinée : le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a fonctionné selon le double principe de la liberté de discussion et de la discipline de vote : les Présidents de l'assemblée et du groupe parlementaire (L. Mermaz et P. Joxe), deux proches du Président de la République, assuraient une liaison permanente entre la Présidence et le groupe. Plus qu'en réunion de commission, c'était en réunion de groupe que s'effectuait l'essentiel du travail législatif, et que s'opérait la conciliation entre le rôle actif reconnu aux députés, et la discipline de parti, indispensable au fonctionnement correct du parlementarisme majoritaire.

Le soutien inconditionnel à l'action du Gouvernement et à la personne de ses membres est évidemment plus difficile à obtenir lorsque la majorité est composée d'une coalition de partis politiques.

On l'a vu, par exemple de 1976 à 1981, avec la « fronde » des députés gaullistes à l'égard du Premier Ministre Raymond Barre et du Président Giscard d'Estaing ; on l'a également constaté entre 1997 et 2002, avec la composition « plurielle » de la majorité (Parti Socialiste, Parti communiste, Verts).

On le voit à l'heure actuelle avec l'Union pour la Démocratie Française de M. François Bayrou, qui soutient le Gouvernement, tout en revendiquant le droit et la liberté de critiquer certains aspects de sa politique, le cas échéant.

Qu'il soit inconditionnel ou critique, le soutien de la majorité a pour contrepartie sa participation au Gouvernement.

b) Une majorité de participation

Sous la V e République, le soutien qu'apportent les partis de la majorité ne va pas sans la participation de leurs représentants au Gouvernement, même si le principe maintes fois rappelé est que le Gouvernement procède du Chef de l'Etat, et non pas du Parlement.

Certes, il subsiste toujours des ministres-techniciens, sans attache avec les partis politiques, mais le système de partis en vigueur implique que tout groupe parlementaire appartenant à la majorité de gouvernement ait au moins un ministre et quelques secrétaires d'Etat.

C) La vocation de l'opposition : constituer une force de
remplacement

a) En conséquence, sa fonction revêt trois aspects : critique raisonnée du Gouvernement, proposition d'un programme alternatif, et présentation d'équipes nouvelles

1) L'opposition joue le rôle de garde-fou, prévenant le gouvernement contre tout excès ; elle remplit en fait une mission d'intérêt général en encadrant les actions du Gouvernement. C'est pourquoi elle doit disposer des garanties nécessaires à la mise en oeuvre de sa fonction régulatrice -protection de la personne de l'opposant ; financement des partis d'opposition selon les mêmes critères que ceux appliqués aux partis de la majorité-.

2) L'opposition a vocation à contenir et aiguillonner la majorité au pouvoir, mais aussi à la remplacer. Pour exercer pleinement son rôle, elle doit promouvoir un programme alternatif crédible, proposer le correctif approprié aux travers qu'elle dénonce, sans quoi elle pourrait se voir reprocher une certaine irresponsabilité notamment lors d'un futur renversement de majorité.

3) L'opposition gagne donc à se fédérer et s'organiser pour permettre l'émergence de nouveaux talents, constituer un vivier de personnalités capables de participer activement et de manière critique au travail parlementaire, et à terme, de remplacer l'équipe en place.

b) De fait, l'organisation et le fonctionnement des assemblées parlementaires assurent la participation de l'opposition

Tout d'abord, le bicamérisme peut faciliter la représentation de l'opposition : en France, lorsque le Gouvernement et la majorité sont orientés à gauche, le Sénat, assemblée traditionnellement de centre droit, joue le rôle de chambre de l'opposition auprès de laquelle la minorité à l'Assemblée nationale trouve éventuellement un soutien.

Par ailleurs, dans chaque assemblée du Parlement français, des représentants de la minorité siègent au Bureau, participent à la Conférence des Présidents, aux bureaux des commissions permanentes et spécialisées...

Le déroulement de la séance est organisée de manière à ce que l'opposition puisse s'exprimer ; le temps de parole entre les groupes est réparti en fonction de leur importance numérique. Les députés d'opposition disposent de l'initiative des lois, comme du droit d'amendement.

Toutefois, il n'y a pas à proprement parler de statut de l'opposition, bien que l'idée ait été évoquée, au sein de la majorité, avec l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République en 1974. Plusieurs réformes ont été néanmoins introduites dans la lettre et la pratique institutionnelles pour fournir à l'opposition des moyens d'expression supplémentaires 2 ( * ) .

II - L'EFFICACITE DES ROLES RESPECTIFS DE LA MAJORITE ET DE L'OPPOSITION PASSE PAR UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU PARLEMENT ET PAR UNE CLARIFICATION DU DEBAT POLITIQUE

A) Le mouvement en faveur d'une revalorisation du Parlement français a enrichi les rôles de la majorité et de l'opposition

Dans les périodes de cohérence entre majorités présidentielle et législative, la légitimité principale vient du Président de la République, élu depuis 1962 au suffrage universel direct ; le Premier ministre et l'Assemblée nationale ont alors, du fait des règles constitutionnelles, un rôle second.

Le souci de donner plus de place à la représentation nationale dans ses différentes composantes a conduit à favoriser l'initiative parlementaire et à développer la fonction de contrôle :

la réforme constitutionnelle d'août 1995 a permis au Parlement de déterminer chaque mois l'ordre du jour d'une de ses séances, et d'y inscrire les propositions de lois, de débats de ses membres ; cette faculté a profité à tous les groupes politiques, de la majorité ou de l'opposition.

la fonction de contrôle connaît un grand essor :

- les procédures classiques ont été renforcées, avec l'instauration des questions au Gouvernement, à raison à présent, de deux séances d'une heure par semaine ; elles sont, depuis 1981, retransmises en direct à la télévision.

- le rôle d'information des commissions permanentes s'est élargi ; depuis 1996, elles peuvent bénéficier, à leur demande et pour une durée de six mois, des prérogatives des commissions d'enquête.

- ces dernières ont accru leurs pouvoirs d'investigation ; deux réformes intervenues en 1977 et 1991 leur ont donné des moyens nouveaux ; la levée du secret des auditions, notamment, a simplifié leur fonctionnement et accru l'impact de leurs travaux auprès du public.

- le Parlement tente en outre de se doter d'instruments d'évaluation qui lui soient propres (cf. création en 1996 des Offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques publiques ; mise en place en 1999 au sein de la commission des finances d'une mission d'évaluation et de contrôle chargée d'étudier à fond quelques aspects de la politique budgétaire et en 2004 d'une structure identique concernant les lois de financement de la sécurité sociale).

Destinée à aménager le rythme de travail et le contenu des débats, l'instauration d'une session unique a entraîné un accroissement des activités de contrôle en séance publique ; la révision constitutionnelle d'août 1995 a apporté un correctif au mouvement de rationalisation du Parlement opéré en 1958.

La disproportion des moyens d'information mis à la disposition respectivement du Parlement et de l'Exécutif, a conduit à moderniser les moyens matériels mis au service des parlementaires, et à développer les effectifs d'aide et d'assistance. Cet effort a été réel mais les moyens du Parlement restent encore notoirement insuffisants.

D'autres réformes sont en projet, ou en cours de réalisation :

- l'accroissement de six à dix du nombre des commissions permanentes, où s'accomplit l'essentiel du travail parlementaire, ce qui permettrait, en outre, de diversifier leurs présidences entre les différentes sensibilité de la majorité, voire de l'opposition ;

- l'extension de la fonction de contrôle à d'autres domaines de l'action publique, défense ou politique étrangère, par exemple ;

- l'approfondissement du contrôle en matière de finances publiques et de dépenses sociales, est en cours de réalisation avec le vote en 2001 de la Loi Organique sur les lois de Finances qui modifie la conception de la gestion publique en l'orientant vers les résultats, et organise la transparence des informations budgétaires et du contrôle parlementaire.

En outre, il convient de souligner que depuis 2002, sous l'impulsion du Président de l'Assemblée nationale M. Jean-Louis Debré, les postes de responsabilité (Président et rapporteur) au sein des principales commissions d'enquête et missions d'information sont équitablement répartis entre majorité et opposition.

Mais si la revalorisation du Parlement a enrichi les rôles respectifs de la majorité et de l'opposition, une clarification du débat politique est nécessaire pour que ces deux forces puissent remplir pleinement leur rôle.

B) Une nécessaire clarification du débat politique

a) La question de la cohabitation

La France a vécu à plusieurs reprises de 1981 à 2002 en régime de cohabitation, c'est-à-dire dans un système où la majorité parlementaire est opposée au Président de la République.

Les deux premières cohabitations (1986 -1988, puis 1993 - 1995) avaient pour origine le renouvellement de l'Assemblée nationale au terme normal de son mandat ; elles ont fait coexister pendant deux ans chacune un Président de la République de gauche élu en 1981, réélu en 1988, et une majorité parlementaire de droite, issue des urnes en 1986, puis en 1993.

La troisième cohabitation a été provoquée par la dissolution de l'Assemblée nationale par le Président Chirac en 1997, et la victoire des partis de gauche aux élections qui ont suivi. Le Président ayant été élu en 1995, cette dernière cohabitation a duré cinq ans.

Pour certains, la cohabitation est positive : elle favorise l'approfondissement de la démocratie en permettant à chaque camp - aux deux grandes familles principales de la vie politique française- d'être représenté et de participer au processus de décision ; elle organise ce faisant un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs, le Gouvernement étant couplé avec sa majorité parlementaire, et le Président de la République étant le chef de l'opposition.

Pour d'autres, il n'y a pas de démocratie sans débat et séparation claire entre majorité et opposition et la cohabitation apparaît comme un obstacle à la nécessaire unité du pouvoir exécutif et comme un frein aux réformes.

b) Les conséquences de la cohabitation

La dernière cohabitation « longue et consensuelle » a faussé le clivage entre majorité et opposition :

1) le Président de la République était tenu à des compromis tactiques avec le Gouvernement, faute de pouvoir mener une guerre ouverte qui aurait conduit à une crise institutionnelle.

En choisissant le consensus, il s'éloignait de son soutien qu'était l'opposition.

2) l'opposition qui considère peu ou prou le Président comme son leader a vu son action entravée ; elle disposait d'une moindre marge de manoeuvre pour élaborer un projet alternatif et devait choisir entre s'effacer dans l'orbite du Chef de l'Etat, ou regagner sa pugnacité en se libérant de la tutelle présidentielle qui la neutralise.

3) Pour le gouvernement, l'absence d'une opposition forte a été préjudiciable, car faute d'une critique externe, il a dû chercher à l'intérieur de sa majorité la force de résister aux surenchères.

On insistera en conclusion sur les devoirs attachés aux rôles respectifs de la majorité et de l'opposition, et brièvement évoqués au cours de cet exposé :

- en ce qui concerne la majorité, respecter l'opposition dont la tâche est de proposer des solutions alternatives et de défendre des opinions différentes ; favoriser sa participation à l'activité et aux décisions législatives, en lui donnant les moyens de s'opposer efficacement.

- du coté de l'opposition, reconnaître la légitimité de la majorité régulièrement élue, assumer sa fonction de manière responsable en prenant une part effective au processus institutionnel ; se préparer à son rôle de future majorité, en ayant conscience qu'elle représente un recours.

____

Le rôle du député dans sa circonscription et au Parlement

L'Assemblée nationale est élue au suffrage universel direct pour cinq ans ; elle peut être dissoute par le Président de la République avant le terme de son mandat. Symétriquement, elle peut mettre en cause la responsabilité politique du Gouvernement.

Le député remplit une double fonction :

- il est d'abord, conformément à la théorie de la représentation nationale, l'élu de la nation, et a vocation, à ce titre, à participer à l'élaboration des lois et au contrôle du Gouvernement ;

- mais il est également l'élu d'une petite portion de territoire - la circonscription - et ses électeurs attendent aussi ( et peut-être surtout) de lui qu'il s'occupe de leurs problèmes.

I - LE PARLEMENTAIRE, ELU DE LA NATION

Dans tout système démocratique, le parlementaire participe dans son assemblée à l'élaboration des lois et au contrôle du gouvernement, c'est-à-dire qu'il intervient dans les débats, travaux, réunions qui se déroulent dans le cadre des différentes instances de la Chambre.

Mais tous les membres ne jouent pas le même rôle au sein de leur assemblée, même s'ils sont élus selon un mode égalitaire : leur activité diffère selon qu'ils sont parlementaires « de base », ou qu'ils exercent des responsabilités particulières dans leur groupe politique, dans une commission, ou dans un organe du Parlement (par exemple, membres du Bureau, rapporteur...). Ils sont alors chargés à des degrés divers, d'animer les différentes structures de l'assemblée et de régler les conflits éventuels.

Le rôle du parlementaire dépend aussi - nous avons eu l'occasion d'évoquer ce point au cours du séminaire - de son appartenance à la majorité parlementaire ou à l'opposition.

En France, l'augmentation du travail législatif et la tendance au renforcement du contrôle parlementaire ont conduit à modifier la Constitution en 1995, pour remplacer les deux sessions parlementaires annuelles initialement prévues par un régime de session unique d'une durée de 120 jours.

En pratique, chaque parlementaire consacre en général trois jours par semaine aux travaux de son assemblée (du mardi matin au jeudi soir) ou plus, s'il suit un texte ou les travaux d'une commission.

Les trois pôles d'activité principaux sont les travaux en commission, les travaux au sein du groupe politique, et la séance publique.

A) Les travaux en commission

Chaque sénateur, comme chaque député doit être membre d'une des six commissions 1 ( * ) permanentes de son assemblée, tout en ne pouvant appartenir qu'à une seule ; il choisit donc le plus souvent sa commission en fonction de son expérience personnelle et de ses centres d'intérêt, le groupe politique ayant la faculté de trancher si le nombre de candidats pour une même commission est trop élevé.

Les débats en commission, qui permettent de « défricher » et d'examiner de manière approfondie les textes, sont en général assez libres, les tensions politiques ayant tendance à s'apaiser pour faire place à une discussion plus ouverte. Cependant, le groupe politique désigne toujours un animateur politique dans chaque commission.

Outre l'examen des textes, les commissions permanentes consacrent une part croissante de leurs travaux au contrôle du Gouvernement.

Cette activité est traditionnelle à l'occasion de l'examen du budget : les rapporteurs budgétaires adressent des questionnaires détaillés aux ministères et auditionnent les différents responsables ; mais elle s'exerce aussi à l'occasion des auditions auxquelles les commissions procèdent avant l'examen de chaque texte important, ou sur les sujets qu'elles ont elles-mêmes choisi d'aborder. En outre, depuis 1988, les commissions peuvent ouvrir à la presse les auditions qu'elles organisent.

Par ailleurs, les commissions permanentes recourent de plus en plus souvent aux missions d'information, qui sont devenues l'un des instruments essentiels du contrôle parlementaire. Les missions d'information offrent une plus grande souplesse dans leurs règles de constitution et dans leur fonctionnement que les commissions d'enquête et de contrôle ; elles peuvent être communes à plusieurs commissions permanentes, être confiées à un ou plusieurs parlementaires, et ne sont pas tenues de rendre leurs conclusions dans un délai déterminé.

B) Les groupes politiques

La participation du sénateur ou du député aux différents aspects du travail parlementaire passe très largement par le groupe politique auquel il appartient : l'affectation dans les différentes commissions (permanentes ou spéciales, d'enquête ou de contrôle) nécessite l'accord du groupe, les possibilités d'intervention et le temps de parole dans les discussions générales et débats organisés sont déterminés par lui, de même que l'inscription pour les questions au Gouvernement...

Le groupe met à la disposition de ses membres des moyens de documentation, ainsi que des personnels - assistants de groupe, secrétariat -, pour les aider dans leur travail parlementaire. En outre, les rencontres régulières qu'il organise avec différentes délégations, groupements syndicaux et socio-professionnels, constituent pour les parlementaires une source d'information appréciable ; lors de la préparation d'amendements sur un texte ou de l'élaboration d'une proposition de loi, ces échanges fournissent des éclairages utiles et permettent d'opérer des choix.

Le groupe étant généralement le prolongement du parti politique à l'intérieur de l'assemblée, il offre un cadre à la constitution de structures de travail en liaison avec les groupes de travail et experts de la formation politique correspondante. Ses réunions plénières hebdomadaires permettent de discuter des grandes orientations qui s'inscrivent très largement dans la ligne de la formation politique, même si le groupe dispose d'une certaine autonomie.

Les membres appartenant au Bureau du groupe arrêtent avec le secrétariat les positions qui seront défendues dans les débats, animent les réunions de travail, coordonnent amendements et propositions de lois, et organisent ainsi en amont le travail en séance publique.

C) La séance publique

Elle constitue l'un des lieux importants de l'activité parlementaire :

- elle est l'aboutissement du travail préalable considérable qui s'est effectué en commission et au sein des groupes ;

- toute intervention est intégralement retranscrite dans le Journal officiel de la République ;

- c'est en séance publique que l'assemblée se prononce définitivement sur les textes et où peut être mise en jeu la responsabilité du Gouvernement ;

- elle est ouverte aux citoyens et à l'ensemble des médias.

Le programme de travail de chaque assemblée est arrêté par la Conférence des Présidents 2 ( * ) qui se réunit une fois par semaine ; le Gouvernement dispose d'un droit de priorité dans l'ordre du jour, mais depuis la réforme de 1995, une séance par mois est consacrée à l'examen de propositions de loi (des groupes politiques de la majorité comme de l'opposition).

Les parlementaires ne peuvent évidemment assister à tous les débats ; ils suivent prioritairement les débats de politique générale ou les questions au Gouvernement, et, en fonction de leurs motivations - expérience professionnelle, intérêt pour leur circonscription, demande de leur groupe politique -, suivent la discussion de textes plus spécialisés.

Si la durée des débats en séance publique s'est progressivement accrue jusqu'à devenir très importante, le temps consacré à chaque texte est resté limité car le nombre de projets de lois à examiner a lui aussi augmenté ; les débats sont donc très organisés, chaque groupe dispose d'un temps de parole qu'il répartit entre ses membres et seul, un petit nombre d'élus a la possibilité d'intervenir...

Toutefois, en dehors du débat organisé, le parlementaire dispose de plusieurs moyens d'intervention lors de la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi, ou d'un budget : inscription sur un article, dépôt d'un amendement, intervention pour ou contre un amendement, procédure du rappel au règlement...

II - LE PARLEMENTAIRE DANS SA CIRCONSCRIPTION

Il ne faut pas sous-estimer le lien qui unit le député à sa circonscription, quelle que soit la diversité des situations locales liée au découpage électoral - circonscriptions urbaines, rurales, juxtaposition d'éléments sans unité - à la tradition politique de la circonscription, à l'ancienneté dans le mandat du parlementaire, au nombre et à la nature des autres mandats qu'il détient éventuellement.

Mais qu'il cumule ou non les mandats, il doit jouer localement quatre rôles, à travers lesquels s'exprime toujours plus ou moins sa qualité d'élu national :

- celui de relais de l'information

- d'intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

- d'animateur du développement local

- de représentant de la Nation (le représentant de l'Etat étant le préfet).

A) Le parlementaire, relais de l'information

C'est le rôle le plus directement lié à son mandat, le plus politique aussi, qui consiste à faire le lien entre la circonscription, la formation politique et l'assemblée à laquelle il appartient ; ce rôle varie considérablement selon que l'élu est dans la majorité ou dans l'opposition, mais il comporte toujours deux aspects :

1) expliquer aux habitants de sa circonscription les conséquences locales des mesures adoptées au niveau national et justifier les prises de position de son parti. Le parlementaire le fait à l'occasion de discours, rencontres, débats avec les responsables locaux ou avec les électeurs ; par l'intermédiaire de la presse locale ; il publie aussi souvent son propre journal, parfois en association avec plusieurs de ses collègues et utilise de plus en plus les ressources de communication offertes par Internet.

2) en sens inverse, se faire l'écho des préoccupations locales et faire « remonter » les aspirations des populations vers les responsables politiques nationaux. Il exerce cette activité de médiation, d'abord de façon directe lors d'échanges avec ses collègues en réunion de groupe lorsqu'il revient le mardi de sa circonscription dans son assemblée ; ensuite par le biais des questions qu'il peut poser au Gouvernement en séance publique 3 ( * ) et qui sont télévisées, ou des questions écrites, qu'il adresse aux différents ministères, et dont les réponses sont publiées au Journal Officiel et parfois reprises dans la presse locale.

B) Le parlementaire, intercesseur entre les citoyens et le pouvoir

C'est la suite logique du rôle précédent, les députés sont en général organisés pour recevoir les électeurs et répondre à leurs demandes : ils s'entourent d'une équipe de collaborateurs, tiennent des permanences, se déplacent dans les quartiers, répondent au courrier... Les demandes sont diverses, le parlementaire étant souvent le dernier recours lorsque toutes les autres démarches ont échoué.

D'autres personnalités - le maire, le conseiller général ou régional - jouent aussi le rôle d'intercesseurs, mais l'appel au député revêt aux yeux des électeurs une valeur particulière, car c'est lui qui a le plus directement accès au pouvoir.

De fait, dans la plupart des cas, les demandes donnent lieu à des interventions, dont l'efficacité dépend notamment de l'importance du réseau de correspondants sur lesquels le parlementaire peut compter, de ses contacts dans les administrations et dans les entreprises.

C) Le parlementaire, acteur du développement local

Les affaires locales concernent au premier chef les élus locaux (maires, conseillers généraux, conseillers régionaux). Mais l'élu national est aussi partie prenante du développement économique, social et culturel de sa circonscription, d'autant qu'il est mieux placé pour l'inscrire dans la perspective plus vaste des enjeux économiques et politiques nationaux.

Il est également le mieux placé, rencontrant les ministres deux fois par semaine lors des séances de questions d'actualité, pour obtenir des décisions favorables à sa circonscription (subventions, nominations, soutiens à des projets locaux...).

Il favorise la mise en place de structures nécessaires à ce développement (institutions de coopération intercommunales, par exemple), et s'appuie sur un certain nombre de réseaux et d'institutions dont il est, directement ou indirectement, l'animateur :

- les élus locaux sont souvent ses interlocuteurs privilégiés, notamment en zone rurale - maires qui appartiennent à la même formation politique ou à des formations alliées, et à défaut, conseillers municipaux minoritaires de son camp. Il les aide à résoudre les problèmes quotidiens ou à obtenir les financements ou subventions nécessaires aux communes, auprès du conseil général, du conseil régional, ou des services de la préfecture.

- les milieux socio-professionnels : le parlementaire reçoit régulièrement les responsables de la vie économique et sociale (chambres de commerce, d'agriculture, chambres de métiers, syndicats agricoles...).

- les associations trouvent dans le député un interlocuteur capable, non seulement de les appuyer au plan local, mais de relayer leurs idées dans les débats nationaux qui concernent la vie sociale, l'enseignement, l'environnement, le sport...

- le parlementaire suit de très près l'activité des établissements de sa circonscription (entreprises, établissements scolaires et universitaires, institutions médico-sociales...).

En outre 259 sénateurs sur 326 et 500 députés sur 577 exercent un mandat local.

D) Le parlementaire, représentant de la Nation

Le rôle de représentation est une fonction lourde et contraignante, mais qui illustre bien la place du parlementaire dans la vie locale, à la fois représentant du Parlement, du peuple, et détenteur d'une part de la souveraineté nationale.

Sa présence dans les manifestations officielles confèrent à celles-ci une solennité notoire, mais elle est aussi très appréciée dans les réunions associatives, professionnelles, sportives, culturelles, parce qu'elle leur donne une forme de reconnaissance. Cependant, sur le terrain, le protocole veut que le représentant de la Nation s'efface devant le représentant de l'Etat, le préfet, qui est le « commissaire du Gouvernement ».

Je souhaiterais conclure par deux remarques :

Le parlementaire est au coeur de nombreux paradoxes : à une époque où l'on constate un repli sur soi et une aspiration à la gestion indolore du quotidien, l'élu doit aller vers les autres et affronter les problèmes ; dans une société de plus en plus complexe, où les valeurs et les idéologies deviennent incertaines, il doit définir les enjeux et proposer des choix.

Malgré la diversité des rôles qu'il recouvre, le mandat parlementaire présente une profonde unité, due à sa nature essentiellement politique, et constitue à la fois un enjeu et un engagement pour son titulaire :

- un enjeu pour les électeurs (fait majoritaire et enjeux locaux), qui surveillent les prises de position de leur représentant, et qui, le cas échéant, lui demandent des explications ;

- à l'inverse, le sénateur, comme le député, est tenu à un certain engagement : engagement à l'égard des positions de son groupe politique qu'il a contribué à définir (étant entendu que le mandat impératif n'existe pas dans la Constitution française); mais engagement aussi à l'égard de lui-même, puisque investi d'un mandat représentatif, il doit se prononcer selon sa conscience.

* 1 Dès 1962, avec la crise qui accompagna le référendum concernant l'élection du Président de la République au suffrage universel

* 2 la modification la plus importante résulte de la réforme constitutionnelle d'octobre 1974, qui donne à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de déférer les lois, avant leur promulgation, au Conseil Constitutionnel ; une autre réforme est l'institution, à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, des questions au Gouvernement, qui s'est faite en marge de la Constitution, par un accord direct entre l'Exécutif et le Parlement.

* 1 Commissions des lois, des affaires étrangères, de la défense, des affaires économiques, des affaires sociales et de l'économie et des finances pour l'Assemblée nationale. Commission des affaires étrangères et de la défense, des affaires économiques et du Plan, des affaires culturelles, des affaires sociales, des finances et des lois pour le Sénat.

* 2 La Conférence des Présidents comprend le président de l'assemblée, les vice-présidents, les présidents des groupes politiques, les présidents de commissions, le rapporteur général de la commission des Finances, ainsi que le ministre représentant le Gouvernement.

* 3 Deux fois par semaine à l'Assemblée nationale et deux fois par mois au Sénat.

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