II. UNE ÉCONOMIE QUI A FRÔLÉ LA FAILLITE
Fin 2002, la situation économique, financière et sociale libanaise était plus que préoccupante et la conférence Paris II, très attendue. Si celle-ci est incontestablement une réussite, elle n'affranchit cependant pas le Liban de nécessaires réformes structurelles.
A. LA DÉGRADATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET SOCIALE
En 1991,
l'économie libanaise était caractérisée par une
chute de l'investissement privé, un effondrement du secteur public et
une inflation galopante (de 70 %).
Les années qui ont suivi la guerre civile ont enregistré une
croissance soutenue, tirée notamment par la reconstruction (le secteur
immobilier en particulier) et le secteur bancaire (qui a financé la
dette publique). En sept ans, le PIB par tête a été
multiplié par 4 (à 4000 $) et l'inflation ramenée à
moins de 10 %. A partir de 1997 cependant, les principaux indicateurs
économiques se sont dégradés, même si quelques
signes sont encourageants.
1. Des indicateurs préoccupants ...
§
Le taux de
croissance
du PIB a chuté : 6,5 % en 1995, 2 % en 1997
et 1998, 1 % en 2001.
§ Surtout,
le niveau de la dette
s'élevait à
près de 180 % du PIB fin avril 2002 et le service de la dette absorbait
93 % des recettes de l'État (contre 88 % en 2000), rendant
problématique le financement de l'État en 2002. Les banques
libanaises, déjà exposées à hauteur de 4 fois leurs
fonds propres se sont en effet montrées plus circonspectes.
La dette extérieure publique a été multipliée par
15 en à peine dix ans.
§ Les représentants des entreprises françaises
présentes au Liban, rencontrés par notre
délégation, ont exprimé les
préoccupations du
monde économique
face au poids de cette dette, au niveau très
élevé des taux d'intérêt - qui pénalisent les
investissements et créent une économie de rentiers -, à la
fragilité du secteur bancaire libanais dans ce contexte, au manque de
visibilité pour les entreprises et aux réticences des Libanais
eux-mêmes à investir dans leur pays ...
§ Cette conjoncture a bien sûr des conséquences au
plan
social
. Le taux de chômage (estimé à 25 % environ)
augmente, celui des jeunes en particulier, incitant ces derniers à
émigrer. Cette situation exacerbe par ailleurs les ressentiments
à l'égard des Syriens : sont visés les 300.000
travailleurs syriens qui déséquilibrent le marché de
l'emploi et les importations de produits syriens à bas prix qui viennent
concurrencer les produits libanais.
Au total, la fracture sociale s'aggrave.
2. ...en dépit de quelques signes encourageants
§
Un certain nombre de
points positifs
sont toutefois venus
éclairer quelque peu cette sombre situation :
- l'introduction de la
TVA
, en février 2002, a constitué
un succès ;
- le Liban a bénéficié de
capitaux arabes
: par le
biais du tourisme, d'une part, par celui des investissements, d'autre part ;
- les tensions sur le
marché des changes
se sont un peu
atténuées au cours de l'été 2002. Étant
donné le déficit structurel très important de la balance
des paiements, la question de l'opportunité ou non d'une
dévaluation de la livre libanaise a été débattue,
dans un contexte d'économie fortement dollarisée ;
- un
accord d'association entre le Liban et l'Union européenne
a
été signé le 17 juin 2002 et le Liban a demandé
à adhérer à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC),
l'objectif étant de rapprocher la législation libanaise des
standards commerciaux internationaux ;
- en avril 2001, le Parlement libanais a adopté une loi visant à
lutter contre le blanchiment d'argent et le 21 juin 2002, le
GAFI
(Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux) a
supprimé le Liban de la liste des pays non coopératifs.
§ Le Premier ministre libanais,
M. Rafic HARIRI, souhaite
que
son gouvernement mette en oeuvre un
programme
de nature à
maîtriser la spirale de la dette et à assainir la situation
financière du Liban. Ce programme s'articule
autour de
quatre
axes
:
- la diminution du train de vie de l'État ;
- l'amélioration de la collecte des impôts et un accroissement de
la pression fiscale ;
- la restructuration de la dette publique libanaise détenue par la
banque centrale du Liban et le secteur bancaire, la baisse des taux
d'intérêt pouvant permettre une économie substantielle sur
le service de la dette en 2003 ;
- un programme de privatisation ambitieux.