B. LE RISQUE DE L'OUBLI DE L'ÉTAT DE DROIT
1. Des avancées timides de l'Etat de droit potentiellement remises en cause
Sans
surestimer ce que peut signifier «
Etat de droit
»
dans un pays comme le Yémen, où la démocratisation du
régime reste limitée, les droits des femmes peu reconnus et la
peine de mort très fréquemment appliquée, les pays
occidentaux sont sensibles au long chemin vers la démocratie que, depuis
sa réunification, le Yémen, seule République de la
péninsule arabique, tente d'emprunter, non sans difficultés. Un
multipartisme réel, la tenue régulière d'élections,
certes imparfaites, une décentralisation aussi bien institutionnelle
avec les élections locales que multiséculaire avec la survivance
du tribalisme, l'absence de répression sanglante jusqu'à
aujourd'hui des opposants islamistes font du Yémen une exception notable
au sein de la communauté des Etats arabes.
Cette exception pourrait ne plus durer face aux exigences de
sécurité qui se font jour et face à la
nécessité pour le pouvoir central de reprendre la main sur les
forces éprouvant de la sympathie pour Al-Qaeda, sympathie pouvant les
conduite pour certaines jusqu'à collaborer avec le réseau
terroriste. Dans cette lutte, islamisme et terrorisme, tribalisme et
terrorisme, opposition politique et terrorisme pourraient se trouver
sommairement mêlés et tous ensemble réprimés.
2. Une prudence néanmoins des autorités yéménites
Le
Président de la République Ali Abdallah Saleh joue aujourd'hui
néanmoins sur du velours. Sans doute garde-t-il en mémoire le
Président Hamdi, président de juin 1974 à octobre 1977,
assassiné au motif qu'il avait engagé un processus de
démilitarisation des tribus. Il maintient un équilibre entre les
différents partis yéménites, ayant même
autorisé en début d'année 2002 le retour au Yemen de Salem
Saleh, ancien Vice-Président du Sud et acteur de la guerre civile de
1994.
Les élections législatives devraient se tenir comme prévu
en avril 2003 et le comité suprême pour les élections et
les référendums (CSER) semble souhaiter donner des gages aux
donateurs occidentaux en sollicitant de leur part une assistance
7(
*
)
et en constituant un comité de
suivi de l'ambitieux programme de préparation des élections qui
consiste notamment en la refonte des registres électoraux. L'assistance
technique fournie par les occidentaux pourrait permettre d'organiser des
élections parlementaires «
libres, justes et mobilisant une
large participation électorale
».
La démocratisation progressive du régime n'est pas remise en
cause mais certaines concessions que le gouvernement fait, soit à
Al-Islah, parti islamo-tribal, soit aux tribus elles-mêmes pourraient
mécontenter l'allié américain persuadé des
collusions qui existent entre Al-Qaeda et certaines tribus
yéménites.
La légitimité et la popularité du Président
yéménite reposent en outre en grande partie sur son attitude vis
à vis des Palestiniens et de l'Irak, les évènements
à venir dans ces deux conflits pouvant engendrer un grand écart
impossible entre d'une part l'exaspération de la rue
yéménite quant au sort de ses «
frères
arabes
» et la politique des Etats-Unis dans la région
d'autre part.