II. UNE COOPÉRATION QUI N'ALLAIT PAS SANS RISQUES POUR LE RÉGIME

La nouvelle donne née du 11 septembre a amené le régime a se rapprocher assez fortement des Américains, ce qui ne vas pas de soi pour l'opinion publique yéménite, et par ailleurs à remettre en cause la liberté laissée aux tribus et aux rigoristes religieux, ce qui ne peut que susciter des troubles dans un pays aux structures sociales aussi traditionnelles que le Yémen.

A. UNE CONTESTATION RELATIVE

L'infléchissement de la politique yéménite, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, a suscité une contestation qui, s'il ne vas pas jusqu'à remettre en cause la légitimité du régime, contient des germes inquiétants pour les prochains mois.

1. Un mécontentement public sous contrôle...

Si la presse dénonce périodiquement les concessions du gouvernement dans la lutte anti-terroriste, si une manifestation anti-américaine a eu lieu, loin des caméras, à 50 kilomètres au nord de Sanaa, ces expressions de mécontentement restent sous contrôle. Il en est de même des prêches du vendredi dans les mosquées où les prêcheurs ne peuvent plus évoquer l'actualité internationale. Il existe de plus un relatif consensus, certes un peu flou, pour se ranger derrière le pouvoir quand celui-ci vise à donner plus de sécurité dans le pays et à combattre les fauteurs de trouble qui nuisent à l'image du pays.

2. Malgré des actes de violence inquiétants

Néanmoins, de manière clandestine, s'exprime aujourd'hui une opposition violente au Yémen. Deux grenades ont été lancées sur l'ambassade des Etats-Unis à Sanaa en mars 2002. De multiples attentats ont eu lieu notamment contre les services de renseignement yéménites : découverte le 20 mars 2002 d'une charge explosive devant le domicile du responsable à la Sécurité intérieure du dossier des « afghans », Muhamad Al-Surmi, attentat à l'explosif le 4 avril 2002 contre le siège de la sécurité politique à Sanaa, désamorçage d'une charge le 12 avril 2002 près de la résidence d'un autre responsable des renseignements à Sanaa, nouvelle explosion le 16 avril 2002 au siège de la direction générale de l'aviation civile, attentat en province aussi, à la roquette, le 3 avril 2002 contre un complexe gouvernemental dans le gouvernorat du Jawf. Enfin, le 9 mai 2002 était perpétrée une attaque à l'explosif à proximité des résidences du Premier Ministre M. Abdelqader Bajammal et du numéro 2 du service des renseignements yéménites, le général Rachid.

Ces attentats ont été revendiqués par un mystérieux groupe des « sympathisants de al Qaeda » dont l'identité et les commanditaires sont mal connus. Pour les responsables yéménites et l'ambassadeur américain à Sanaa, il ne fait aucun doute que les attentats sont l'oeuvre d'individus ayant partie liée avec Al-Qaeda. Des observateurs font remarquer qu'il pourrait tout aussi bien s'agir de simples émules de Ben Laden sans lien organique avec Al-Qaeda. D'autres enfin imputent la paternité de ces attentats à des responsables politiques plus ou moins bien placés dans les allées du pouvoir, hostiles à la politique officielle de coopération et de rapprochement avec les Etats-Unis jugée attentatoire aux intérêts du pays, et qui cherchent par ces coups de semonce à forcer la main des décideurs yéménites pour qu'ils fassent machine arrière.

La réapparition de l'armée Aden-Abyane, qui avait revendiqué l'enlèvement sanglant de touristes occidentaux en décembre 1998, contribue un pied de nez cinglant au régime actuel et à sa politique de coopération avec les Etats-Unis.

Quoi qu'il en soit, l'hostilité larvée aux Etats-Unis pourrait bien se réveiller si deux lignes rouges étaient franchies : remise en cause lors d'interventions américaines sur le territoire yéménite de la souveraineté du pays et intervention contre l'Irak attiseraient une opposition populaire déjà à vif en raison des événements dans les territoires occupés.

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