Rapport présenté par M. Guy Penne relatif à l'autonomie administrative des parlements
La
souveraineté des assemblées implique leur indépendance
fonctionnelle à l'égard de l'Exécutif ; elle suppose
que le Parlement soit investi en droit et matériellement assuré
d'exercer par lui-même les compétences que lui reconnaît la
Constitution, c'est-à-dire qu'il dispose d'une autonomie en
matière financière et administrative.
Il convient de rappeler qu'en matière financière, les
assemblées jouissent d'une relative indépendance pour
l'élaboration de leur budget, en maîtrisent l'exécution et
en assurent le contrôle ; l'autonomie patrimoniale, en revanche est
incomplète, et les moyens matériels mis à disposition des
élus, inégaux.
Le degré d'autonomie administrative des assemblées, qui constitue
le second aspect de l'indépendance des assemblées, sera
apprécié en fonction de plusieurs critères :
l'organisation interne des services ; la situation des personnels
parlementaires ; la capacité juridique de l'assemblée et la
sécurité des locaux.
I - EN PRATIQUE, LES ASSEMBLÉES DÉTERMINENT DE MANIÈRE
AUTONOME L'ORGANISATION INTERNE ET LE FONCTIONNEMENT DE LEURS SERVICES
Cette faculté est souvent prévue dans des textes de
portée générale (lois, ordonnances,
arrêtés...).
L'autonomie administrative de l'Assemblée nationale du Cambodge
découle de son autonomie financière, prévue par la
Constitution du 21 septembre 1993 (article 81);
en France, l'autonomie administrative des assemblées est inscrite
à l'article 5 de l'Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. L'organisation
interne du Parlement jurassien est fixée par la Loi d'Organisation du
Parlement (LOP), qui prévoit un unique service, le Secrétariat du
Parlement. L'organisation administrative du Parlement suisse est tracée
dans ses grandes lignes par un arrêté sur les Services du
Parlement, et déterminée par le Parlement lui-même. Dans la
Vallée d'Aoste, une Loi régionale portant sur l'organisation
administrative du Conseil régional adoptée en 1991 sert de cadre
juridique à la détermination de l'organisation interne des
Services.
Comme les administrations d'Etat, dirigées par un ministre, ou les
administrations locales, dirigées par un élu ou un organe
collégial, les assemblées parlementaires sont, dans la plupart
des cas, gérées par les autorités politiques élues
en leur sein pour les diriger
: le Président et/ou le Bureau
(Cambodge, Communauté Française de Belgique, France
16(
*
)
, Gabon, Luxembourg, Québec, Val
d'Aoste). Ces instances possèdent ainsi des pouvoirs d'arbitrage
et de direction à la fois sur les questions politiques et sur les
problèmes d'organisation interne, l'autorité administrative
étant responsable du bon fonctionnement de l'ensemble.
Il convient de souligner au passage le rôle des structures
collégiales,
le principe de la collégialité permettant
d'associer toutes les tendances politiques aux décisions concernant
l'administration des assemblées parlementaires.
Dans certains cas, la composition de la structure collégiale est mixte,
mi-politique, mi-administrative ; ainsi le Bureau de l'Assemblée
législative de l'Ontario comprend le Président, le Greffier
(Secrétaire général), son premier adjoint, le Sergent
d'armes, le Directeur de l'Administration et le Directeur de la
Bibliothèque. Elle peut aussi inclure des personnalités
étrangères au Parlement : le Bureau de Régie interne
de la Chambre des Communes du Canada, chargé des questions
administratives et financières, comprend, outre le
Président , le Chef de l'opposition et plusieurs
députés, deux membres du Conseil privé de la Reine pour le
Canada.
Plus rarement, le pouvoir de décision et d'arbitrage en
matière d'organisation et de fonctionnement internes appartient à
une autorité administrative.
C'est le cas au Parlement du Jura, où le Secrétaire du Parlement
assume ces responsabilités ; c'est aussi le cas en Suisse,
où la Délégation administrative assume la direction
suprême des affaires administratives de l'Assemblée
fédérale, la gestion quotidienne relevant de la direction
(Secrétaire général et SG-adjoints, secrétaire du
Conseil des Etats).
Sauf exception (Parlement du Canada
17(
*
)
), le Règlement constitue le
support juridique privilégié de l'organisation et du
fonctionnement des assemblées, l'autonomie réglementaire
étant effective dans la majorité des cas, sous réserve de
conformité à la Constitution.
Le Règlement, de même que les modifications qui y sont
apportées, sont en général élaborés par une
commission parlementaire spéciale, puis approuvés par
l'assemblée en séance plénière (Cambodge,
Communauté française de Belgique, Jura, France, Luxembourg,
Roumanie, Val d'Aoste). On relèvera toutefois que les textes qui
régissent l'Assemblée législative de l'Ontario - le
Règlement, pour l'assemblée, et une loi, pour le Bureau - ont
pour origine des projets de loi.
II - LES SERVICES PARLEMENTAIRES SONT ASSURES PAR DES PERSONNELS RECRUTES ET
GERES PAR LES ASSEMBLEES
Un des éléments essentiels de l'indépendance des
assemblées est leur capacité à recruter, gérer
et à rémunérer seules leurs personnels.
1°)
Une distinction est traditionnellement opérée entre
les personnels attachés à l'institution et ceux assistant les
élus
(collaborateurs et secrétaires de parlementaires, de
groupes politiques, membres des cabinets des autorités politiques qui
dirigent les assemblées), ces derniers étant recrutés par
les parlementaires, sous contrat de droit privé et sur fonds
versés par les assemblées.
La proportion des deux effectifs diffère selon le mode de
fonctionnement des assemblées (trois fois plus de fonctionnaires
que de personnels assistant les élus au Parlement de la CFB ; deux
fois plus à l'Assemblée nationale du Cambodge ; la
proportion s'inverse au Parlement français : environ 2000
collaborateurs pour environ 1200 fonctionnaires dans chacune des
chambres ; le rapport est plus équilibré à
l'Assemblée législative de l'Ontario -408 fonctionnaires et
internes ; 542 personnels de soutien- et à l'Assemblée
nationale du Québec - 585 employés en place ; 425
employés politiques- ).
Certaines assemblées fonctionnent à effectifs
réduits : le Parlement du Jura compte trois fonctionnaires, aucun
assistant de député ou de groupe.
Le passage d'une catégorie à une autre est possible, dans des
conditions plus ou moins souples : ainsi, à l'Assemblée
nationale du Québec, un fonctionnaire peut devenir attaché
politique en conservant un droit de retour dans la fonction publique. Dans les
assemblées françaises, « des fonctionnaires peuvent,
à titre exceptionnel, être mis à disposition du
Président de l'assemblée pour assumer des fonctions dans son
Cabinet. Ils conservent, dans cette position, leurs rémunération
et leurs droits à la retraite et à l'avancement ... et lorsqu'il
est mis fin à leur mission, ils sont réintégrés de
droit » (article 148.2 du Règlement de l'Assemblée
nationale). A l'inverse, les collaborateurs des parlementaires ou des groupes
peuvent intégrer le corps des fonctionnaires parlementaires en se
conformant aux règles de recrutement en vigueur.
2) Le concours est le mode de recrutement le plus fréquent
, mais
la sélection peut aussi se faire sur examen (CFB), sur dossier et
entretien (Jura), et après une période de stage et d'observation
(Gabon). Mis à part le Cambodge, où presque tous les
fonctionnaires de l'Assemblée nationale sont recrutés en fonction
de leur appartenance à l'un des trois partis représentés,
le choix n'est pas lié à des critères politiques.
De même, l'exemple du Parlement jurassien, où les fonctionnaires
sont nommés par le Gouvernement, sur proposition du Chancelier d'Etat
(Secrétaire du Gouvernement), est exceptionnel. Une éventuelle
réforme est d'ailleurs à l'étude au sein d'une commission
parlementaire.
La formation initiale des fonctionnaires est souvent pluridisciplinaire,
certaines assemblées privilégiant toutefois une
spécialisation dans les domaines juridique, économique ou
administratif (Cambodge, France, Gabon, Roumanie) ; ailleurs, la
démarche est plus pragmatique, la formation requise étant
déterminée par les exigences du poste vacant (Luxembourg,
Québec), ou complétée a posteriori par des cours
spécifiques en rapport avec les affectations (Val d'Aoste).
La méthode de la sélection par concours n'étant pas
toujours adaptée au recrutement de certains corps techniques très
réduits ou spécialisés, les assemblées ont recours
à des personnels temporaires pour effectuer des tâches
spécifiques, comme l'entretien des bâtiments et des jardins
(Cambodge, France), ou liées de manière indirecte à la
séance publique (buffetière à la Chambre des
Députés du Luxembourg, par exemple).
En France, l'emploi de personnels temporaires par les assemblées,
conforme aux principes en vigueur dans le reste de la fonction publique, est
très encadré et reste limité.
En règle générale, l'effectif des contractuels
représente moins de 10% de l'effectif total des fonctionnaires
parlementaires.
3) Tous les fonctionnaires parlementaires sont soumis à une
obligation de neutralité
et de discrétion professionnelle
dans l'exercice de leurs fonctions, certaines assemblées poursuivant
très loin la logique de cette obligation : la Chambre des
Députés du Luxembourg, notamment, interdit à ses
fonctionnaires de se présenter à toute élection politique
-municipale, nationale européenne, et même au sein d'un parti-,
sous peine d'être démissionné d'office. Mais le mode de
recrutement rend parfois cette neutralité hypothétique
(Assemblée nationale du Cambodge).
4) Le principe d'autonomie administrative des assemblées
confère, en bonne logique, à leurs agents titulaires, un statut
emprunt de particularisme.
Plusieurs assemblées ont mis en place une fonction publique
parlementaire, distincte de la fonction publique d'Etat
(Cambodge, Canada,
CFB, Luxembourg, Ontario), les agents étant protégés par
un statut spécifique (excepté au Cambodge et en Ontario) ;
dans d'autres cas, les fonctionnaires, bien qu'ayant la qualité de
fonctionnaires de l'Etat, sont indépendants du pouvoir exécutif
et
relèvent d'un statut autonome par rapport au statut
général des fonctionnaires de l'Etat.
En France, l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires stipule : « les agents
titulaires des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de
l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont
déterminés par le Bureau de l'assemblée
intéressée, après avis des organisations syndicales
représentatives du personnel » (cf.art.8.).
Mais parfois, il n'existe aucune distinction statutaire entre les
fonctionnaires parlementaires et ceux de l'Etat : les fonctionnaires de
l'Assemblée fédérale suisse sont soumis à la Loi
sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 et font
partie de la Fonction publique d'Etat ; la fonction publique de la
Région du Val d'Aoste comprend un rôle unique, avec deux effectifs
distincts, celui du Gouvernement et celui de l'Assemblée.
La plupart des assemblées assurent à leur personnel en droit
ou en fait un emploi stable, et en conséquence une carrière.
Mis à part le Jura, où les nominations et l'avancement des
fonctionnaires du Parlement sont décidées par le gouvernement
fédéral,
la progression de carrière des personnels
parlementaires est garantie par les assemblées en fonction de
l'ancienneté
(CFB, Gabon) ; d'autres pratiquent une
politique de
promotion au mérite
, en fonction des aptitudes et de
l'efficacité jugées par la hiérarchie (Canada,
Québec) ; les deux techniques pouvant d'ailleurs être
utilisées conjointement (Cambodge, France, Gabon -les nominations sont
faites au mérite, l'avancement, à l'ancienneté-, Roumanie,
Suisse) ; par ailleurs, des concours internes permettent les changements
de catégorie (France, Ontario, Val d'Aoste)
La mobilité externe des fonctionnaires
est autorisée dans
la plupart des assemblées (Canada, CFB, France, Ontario, Québec,
Roumanie, Suisse et Val d'Aoste), sous la forme du détachement -ou de la
mise à disposition- dans des ministères et organismes publics,
dans des institutions nationales et internationales . Cette position
permet de maintenir les liens avec l'administration parlementaire tout en
évitant la sclérose engendrée par l'exécution sur
une longue période de tâches spécialisées dans un
milieu relativement clos.
Mais le souci de garantir l'indépendance des fonctionnaires
parlementaires à l'égard des administrations ou des cabinets
ministériels conduit les assemblées à limiter la
mobilité (conditions relatives aux administrations d'accueil, à
la durée des détachements et à leur nombre), voire
à l'interdire, le fonctionnaire devant alors prendre un congé
sans solde pour quitter l'assemblée (Luxembourg).
5) La désignation des plus hautes autorités administratives,
pièces essentielles de l'autonomie des Parlements, devrait normalement
incomber aux assemblées
. C'est d'ailleurs le cas au Conseil de la
CFB, où le Greffier est nommé par le Conseil, sur
présentation du Bureau, les chefs de service étant
désignés par le Bureau au grand choix ; en France, où
les SG des assemblées sont nommés par le Bureau, de même
que les directeurs de service ; ou encore au Val d'Aoste, où le
Secrétaire général du Conseil régional est
nommé par délibération du Bureau de la Présidence.
Mais le plus souvent, le pouvoir général de nomination des
secrétaires généraux -ou greffiers- et des hauts
fonctionnaires parlementaires appartient à l'Exécutif,
éventuellement sur proposition du Président de l'assemblée.
Ainsi, le Secrétaire général, le SG-adjoint et les hauts
fonctionnaires de l'Assemblée nationale du Cambodge sont nommés
par décret royal, sur proposition du Président et des deux
vice-Présidents ; au Canada, les Greffiers des chambres, le Sergent
d'armes (Chambre des Communes) et l'Huissier du Bâton noir (Sénat)
sont nommés par décret ; les hauts fonctionnaires, par le
Gouverneur en conseil.
Certaines assemblées ont adopté des procédures de
nomination « mixtes » :
Les Secrétaires-généraux et SG-adjoints de
l'Assemblée nationale du Gabon sont nommés par décret du
Président de la République, sur proposition du Président
de l'assemblée. Au Sénat, en revanche, ils sont nommés par
arrêté du Président de la Chambre.
A l'Assemblée nationale du Québec, les SG et SG-adjoints sont
nommés par l'assemblée, sur proposition du Premier
ministre ; les offres de mutation, les promotions, les concours permettent
de pourvoir les postes de hauts fonctionnaires, conformément à la
Loi sur la Fonction publique, la Loi sur l'Assemblée nationale
permettant toutefois d'y déroger et de laisser au Bureau le choix du
mode de recrutement des hauts fonctionnaires.
6) Le souci d'accorder aux fonctionnaires parlementaires un statut
particulier s'accompagne nécessairement de celui d'en garantir
l'application.
La plupart des assemblées organisent des recours internes, l'instance
compétente pour les recevoir étant le Président de
l'assemblée (Assemblée législative de l'Ontario), le
Bureau (Assemblée nationale du Cambodge, Chambre des
députés du Luxembourg), ou une autorité
administrative : au Sénat de Roumanie, les recours concernant le
statut sont adressés au Secrétaire général et au
Bureau permanent ; dans les assemblées françaises, le
Secrétaire général, le Président et les Questeurs,
ou encore le Bureau sont compétents selon la gravité de la
sanction prononcée ; les décisions sur recours sont prises
en dernier ressort.
Certaines assemblées prévoient plusieurs instances et plusieurs
ressorts.
Ainsi, le Greffier du Conseil de la CFB est compétent en premier ressort
pour l'avertissement et le blâme, le Bureau constituant l'instance
d'appel ; le Bureau constitue l'instance de premier ressort pour les
autres sanctions comme la suspension de fonction, la rétrogradation et
la révocation, l'appel étant porté devant un Comité
supérieur d'appel, composé d'anciens membres des Bureaux du
Conseil de la CFB, des Conseils régionaux, du Sénat et de la
Chambre des Représentants.
D'autres assemblées se conforment au droit commun de la Fonction
publique et reconnaissent la compétence du juge administratif ou d'une
juridiction spécifique à la Fonction publique :
- le Conseil d'Etat est l'instance de recours des fonctionnaires de
l'Assemblée nationale du Gabon
Le droit français a évolué sur ce point : l'Ordonnance du
17 novembre 1958 modifiée autorise les recours administratifs pour les
litiges individuels concernant les agents titulaires, alors que, jusqu'en 1958,
la jurisprudence du Conseil d'Etat avait, au nom de la séparation des
pouvoirs et de l'autonomie des assemblées, écarté tout
recours formé par les agents des assemblées contre les
décisions administratives des autorités parlementaires.
18(
*
)
- les recours des fonctionnaires du Parlement du Jura sont portés devant
le Gouvernement, la Chambre administrative du Tribunal administratif cantonal
constituant l'instance d'appel des décisions de l'Exécutif
cantonal.
- au Canada, les recours sont portés devant la Commission des relations
du travail dans la Fonction publique ; au Québec, devant la
Commission de la Fonction publique, qui est un tribunal administratif en
matière de gestion des relations du travail dans la Fonction
publique ;en Suisse, les décisions de la Délégation
administrative (équivalent des Questeurs) peuvent faire l'objet de
recours auprès de la Commission fédérale de recours en
matière de personnel (cf. Loi sur le Parlement de la
Confédération).
III - PEU D'ASSEMBLÉES POSSÈDENT LA PERSONNALITÉ
MORALE ; EN REVANCHE, LA PLUPART JOUISSENT DE LA CAPACITÉ
JURIDIQUE
L'Assemblée nationale du Cambodge « dispose, comme les autres
institutions ... de la personnalité morale et peut ester en
justice» ; il en va de même pour l'Assemblée
législative de l'Ontario, le Sénat de Roumanie et
l'Assemblée fédérale suisse.
Mais très souvent, l'unité de la personnalité
juridique de l'Etat est invoquée pour dénier aux
assemblées la personnalité morale, et c'est en fait la
personnalité transcendante de l'Etat qui leur assure la capacité
juridique et la libre disposition d'un patrimoine.
Le Parlement de la Communauté française de Belgique (CFB) peut
contracter par l'intermédiaire de l'Entité Communauté
française de Belgique, qui a, en tant que telle, la capacité
d'acquérir des biens immobiliers. Selon la Constitution du Jura, le
Gouvernement est le seul représentant de l'Etat ; le Parlement ne
peut ester en justice qu'en confiant ce mandat au Gouvernement, et il ne peut
acquérir de biens immobiliers. La Chambre des Députés du
Luxembourg fait partie intégrante de l'Etat ; elle peut ester en
justice ou y être assignée, comme les autres ministères, au
nom de l'Etat ; de même, les biens immobiliers qu'elle acquiert,
sont propriété de l'Etat. l'Assemblée nationale du
Québec peut posséder en son nom des biens immobiliers, mais ne
peut les acquérir que par l'intermédiaire de l'Etat.
Qu'elles soient ou non dotées de la personnalité morale, la
plupart des assemblées sont représentées par leur
Président
(France, Luxembourg, Ontario, Suisse) -
parfois
assisté d'un fonctionnaire de l'assemblée
(le Greffier, au
Conseil de la CFB)-,
ou par un organe politique spécifique
:
l'Assemblée nationale du Cambodge est représentée en
justice par une commission nommée par le Comité permanent ;
au Parlement du Canada, le Bureau de Régie interne (pour la Chambre des
Communes) et le Comité permanent de Régie interne (pour le
Sénat) ont, du point de vue juridique, la capacité d'une personne
physique ; ils peuvent conclure des contrats, des ententes..., voire
entamer des poursuites judiciaires contre des tiers.
Plus rarement, c'est un service de l'assemblée qui assure la
représentation en justice (comme le service du contentieux, au
Sénat de Roumanie), voire une autorité extérieure à
l'assemblée (le Procureur général de l'Etat, pour
l'Assemblée nationale du Québec).
L'étendue du contrôle sur les actes de gestion et
d'administration des assemblées est inégale et l'application du
droit commun, limitée à des domaines particuliers.
La question est de savoir si les assemblées doivent être soumises
au contrôle du juge lorsqu'elles se comportent comme des administrations,
ou si la logique de séparation des pouvoirs justifie leur
immunité juridictionnelle.
L'Assemblée nationale cambodgienne et le Parlement du Val d'Aoste font
état d'une absence totale de contrôle. En Belgique, les actes
relatifs aux marchés publics et aux membres du personnels pris par le
Conseil de la Communauté française par ses organes peuvent
être annulés par le Conseil d'Etat, mais le droit commun n'est
applicable que dans le domaine de la responsabilité ;
l'Assemblée législative du Québec est soumise à un
contrôle interne du Bureau pour ses actes d'administration et de gestion,
puis à la vérification du Vérificateur
général ; le droit commun s'applique, bien qu'elle puisse y
déroger, sauf s'il s'agit de règles qu'elle s'est imposée
dans la Loi sur l'Assemblée nationale. Le Sénat de Roumanie est
assujetti au contrôle de la Cour des Comptes ; le droit commun lui est
applicable uniquement en fonction de l'espèce et dans la mesure
où la loi le prévoit. En Suisse, l'étroite imbrication des
services de l'assemblée fédérale avec les services
gouvernementaux, conduit à soumettre les actes d'administration et de
gestion de l'Assemblée fédérale au Contrôle
Fédéral des Finances (sorte de petite Cour des Comptes).
En France, le régime contentieux des actes administratifs parlementaires
a longtemps été dominé par le principe d'immunité
de juridiction, le Conseil d'Etat considérant que ces actes, parce
qu'ils étaient émis par des autorités non administratives,
échappaient à la connaissance des juridictions administratives.
Dans une décision récente (mars 1999), le Conseil d'Etat a
proposé de privilégier le critère matériel (la
nature de l'acte) par rapport au critère organique (l'autorité
qui prend l'acte), et de reconnaître la compétence du juge
administratif ; selon le Conseil d'Etat, la thèse de
l'immunité juridictionnelle ne se justifie que lorsque le Parlement est
le seul pouvoir issu du suffrage universel, qu'il exprime seul la
volonté générale et que les lois ne sont soumises à
aucun contrôle de constitutionnalité ou de
conventionnalité, ce qui n'est plus le cas en France.
IV - EN REGLE GENERALE, LA POLICE DES CHAMBRES APPARTIENT AUX ASSEMBLEES QUI
L'EXERCENT PAR L'INTERMEDIAIRE DE LEUR PRESIDENT
La condition première de liberté de délibération
d'une assemblée étant la sûreté de ses membres, les
assemblées assurent, dans la mesure du possible, la protection de leurs
locaux grâce à des personnels propres (Cambodge, Canada, France,
Jura, Ontario, Québec, Roumanie), par accord avec d'autres institutions
(CFB), voire par contrat avec des sociétés privées
(Luxembourg) ; l'accès aux bâtiments parlementaires de forces de
police extérieures est soumis à autorisation du Président
de l'assemblée ou d'un service spécialisé.
Depuis 1820, la Chambre des Communes du Canada dispose de son propre service de
sécurité, relevant du Sergent d'Armes ; au Sénat,
c'est l'Huissier du Bâton noir qui est responsable de la
sécurité à l'intérieur de la Chambre. Les Services
de la Cité parlementaire assurent la sécurité des
députés et de l'administration de la Chambre des Communes,
maintiennent la paix et l'ordre dans les locaux ; avec l'autorisation du
Président, d'autres corps de policiers (Gendarmerie royale du Canada,
police municipale d'Ottawa) peuvent entrer dans les édifices en mission
officielle.
En France, les Présidents sont responsables de la sûreté
intérieure et extérieure des assemblées qu'ils
président ; pour la sûreté intérieure, ils
disposent des personnels de l'assemblée affectés à
l'accueil et à la sécurité (placés sous
l'autorité du Secrétaire général de la Questure),
et d'un détachement de sûreté de la Garde
Républicaine stationné dans l'assemblée sous
réquisition du Président et aux ordres du commandant militaire.
Ce détachement à effectif variable assure également la
sécurité aux abords immédiats des assemblées et
peut être renforcé en cas de troubles à l'ordre public.
Au Luxembourg, le contrôle des entrées et la
sécurité intérieure de la Chambre des
Députés sont confiés à une société
privée de gardiennage.
Au Conseil de la Communauté française de Belgique, le
contrôle des entrées et la sécurité des locaux sont
assurés par un service de la garde militaire du Palais de la Nation,
avec lequel le Parlement a conclu un protocole d'accord.
L'Assemblée fédérale suisse ne dispose pas de police
particulière ; pendant les sessions, chaque conseil exerce la
police dans la salle des séance, le Président ordonnant à
la police d'intervenir en cas d'incident grave. L'édifice du Parlement
ayant une entrée commune avec plusieurs départements
ministériels, le contrôle de cette entrée n'est pas
assuré par un service propre du Parlement, mais par le service de
sécurité de l'administration fédérale, qui
relève du département fédéral de justice et de
police.
De même, dans le Val d'Aoste, le contrôle de la salle du Conseil
est assuré par les services du Gouvernement régional ; les
pouvoirs de police à l'intérieur du Conseil appartiennent
à l'assemblée et sont exercés en son nom par le
Président ou son délégué ; la force publique
ne peut entrer dans la salle du Conseil que sur ordre du Président et en
dehors des séances.
On peut conclure en constatant que l'autonomie administrative et
financière des assemblées n'a pas le même contenu d'un
système de gouvernement à l'autre et que ses enjeux
diffèrent selon l'étendue des compétences
constitutionnelles reconnues aux assemblées.
Il convient de faire plusieurs remarques relatives à l'autonomie
administrative.
L'un des éléments essentiels de cette autonomie est
l'indépendance des personnels parlementaires, que les assemblées
tentent de garantir à travers des techniques différentes.
Or cette indépendance n'assure pas forcément la neutralité
des fonctionnaires, la prise en compte de l'affiliation partisane étant
même parfois reconnue.
Il est permis de se demander par ailleurs si l'existence de statuts
particuliers liant les agents à leur administration, en freinant la
mobilité extérieure, ne va pas à l'encontre des buts
recherchés en matière de formation et de compétence
professionnelle. L'ouverture sur des pratiques et des techniques
différentes semblent indispensable pour éviter le repliement des
administrations parlementaires sur elles-mêmes et réduire leur
dépendance, notamment en matière d'information et
d'évaluation, à l'égard des organismes gouvernementaux.