Rapport présenté par Mme Odette TRUPIN relatif au renforcement de la coopération entre les parlements des pays francophones d'Europe dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne
L'Union
européenne va connaître dans les années à venir l'un
des bouleversements les plus marquants de son histoire, avec
l'intégration d'une douzaine de nouveaux pays membres, dont la plupart
des PECO (Pays d'Europe centrale et orientale).
Cet élargissement, qui concrétisera une réconciliation au
sein du continent européen qui paraissait encore inimaginable il y a
quelques années, constitue une chance historique, mais aussi un
formidable défi.
Si les négociations relatives à la future adhésion des
pays candidats relèvent en premier lieu des pouvoirs exécutifs,
les Parlements y sont aussi très étroitement associés, car
les réformes à mener à bien nécessitent un
très important travail législatif. Par ailleurs les Parlements,
lieux de la représentation populaire, ont un rôle
déterminant à jouer pour assurer le consensus national sur les
objectifs de l'intégration.
Ces nouvelles missions qui incombent aux Parlements des pays candidats doivent
nous inciter à mener une réflexion sur la coopération que
nous pouvons leur proposer. Nombre d'actions fructueuses sont certes
déjà menées dans ce domaine, mais il convient de les
renforcer et d'explorer de nouvelles pistes.
S'agissant par ailleurs, pour la plupart d'entre eux, de Parlements qui sont
membres de l'APF, l'occasion nous est ainsi donnée de mettre en oeuvre
concrètement la solidarité dans l'espace francophone, et de
déployer toute notre vigilance pour assurer à la langue
française la place qui doit lui revenir dans la future Europe
élargie.
I - La perspective de l'élargissement et ses conséquences pour
la Francophonie dans l'Union européenne
1/
Les enjeux de l'élargissement
Au cours de ces dernières années, l'Europe a connu des
événements de portée considérable. L'effondrement
de l'Union soviétique et, par conséquent, la fin de la guerre
froide ont modifié sensiblement l'ancien ordre géopolitique et
mis fin aux vieux modèles d'équilibre international.
C'est dans ce contexte nouveau que le processus actuel d'élargissement
de l'Union européenne à treize pays candidats apparaît
comme l'une des plus vastes et ambitieuses opérations
d'intégration politique, économique et sociale jamais
entreprises. Il conduit l'ensemble des partenaires concernés à
relever un défi sans commune mesure avec ceux des élargissements
antérieurs.
Il s'en distingue en effet non seulement par le nombre des pays candidats,
l'importance des populations concernées (une centaine de millions de
citoyens au total) et l'écart en matière de développement
économique par rapport à la moyenne communautaire, mais surtout
par sa portée historique, politique et morale. Plus qu'un simple
élargissement, ce processus se propose d'accomplir le rêve de tout
européen, qui paraissait encore inaccessible il y a quelques
années - la réunification du continent- et de réaliser le
premier objectif de la construction européenne, consistant à
promouvoir la paix et la stabilité en Europe afin de la préparer
à devenir un acteur mondial de premier plan au service de valeurs
communes.
En adhérant à l'Union européenne, l'Europe centrale et
orientale va s'arrimer définitivement aux principes de la
démocratie et de l'économie de marché dans un continent
réconcilié, et elle accomplira cette métamorphose en
seulement un peu plus d'une décennie après la chute du mur de
Berlin et la fin de la division de l'Europe entre deux blocs résolument
antagonistes.
La nécessité de satisfaire aux critères d'adhésion
énoncés par le Conseil européen de Copenhague en 1993
représente assurément une lourde contrainte, mais les pays
candidats sont conscients que la reprise de l'acquis communautaire leur offre
la chance de profiter de l'expérience acquise au cours de quatre
décennies de fonctionnement de l'Union et qu'elle leur fait gagner un
temps considérable pour se réformer et accéder au plus
grand marché libre du monde.
Quant aux pays déjà membres, l'élargissement constitue
également pour eux une chance. L'extension de l'Union, au moins dans une
première étape, à plus de cent millions de nouveaux
citoyens, favorisera les échanges, l'activité économique
et donnera un nouvel élan au développement et à
l'intégration de l'économie européenne dans son ensemble.
L'adhésion de nouveaux Etats membres augmentera le poids et l'influence
de l'Union sur la scène internationale dans tous les domaines, y compris
sur le plan stratégique.
2/
L'état d'avancement des négociations
Le dernier grand rendez-vous des négociateurs européens, qui
s'est tenu les 29 et 30 mars derniers à Bruxelles avec les
représentants de chacun des pays candidats, a permis d'enregistrer des
progrès substantiels, quoique inégaux selon les pays.
L'acquis communautaire, c'est-à-dire l'ensemble des législations
que les pays candidats doivent reprendre pour s'adapter aux règles de
fonctionnement de l'Union, a été divisé en 31 chapitres.
Les plus avancés en ont clos 18 : il s'agit de la Hongrie, de la
Slovénie, de l'Estonie et de Chypre. Le deuxième groupe comprend
la Pologne, la République tchèque, Malte et la Lituanie.
Pour l'ensemble de ces pays, une adhésion pourrait être
envisagée à partir de 2004. L'échéance devrait
être plus tardive pour la Roumanie et la Bulgarie avec lesquelles les
négociations rencontrent davantage de difficultés.
D'une manière générale, le processus de négociation
s'est concentré jusqu'à présent sur une discussion
technique indispensable autour de la reprise de l'acquis communautaire. Alors
que le Conseil européen de Nice a récemment permis de trouver un
accord institutionnel préalable à l'élargissement, il
convient désormais de renforcer avec les pays candidats un dialogue
politique de fond, afin d'élaborer une vision partagée de la
future Union européenne élargie et de consolider le compromis
européen sur l'unité du continent dans sa diversité.
Il faut pour cela que le processus sorte du cercle étroit des
gouvernements et des experts et aille à la rencontre des opinions
publiques afin d'y puiser la légitimité démocratique
indispensable à sa réussite.
Les Parlements ont à cet égard un rôle essentiel à
jouer pour associer pleinement les citoyens au développement d'un projet
de cette envergure et mieux prendre en compte leurs interrogations face aux
risques, mais aussi aux avantages de l'élargissement. Or il y a
désormais urgence, car l'impatience grandit face à la longueur du
processus de négociation et à l'ampleur des sacrifices
consentis : un récent sondage montrait que les tchèques ne
sont plus que 49 % à souhaiter l'adhésion.
3/
Les conséquences de l'élargissement sur la Francophonie en
Europe
L'élargissement constitue une perspective très favorable pour la
Francophonie eu sein de l'Union européenne, puisque 10 % des 55 millions
d'apprenants de français hors de France résident dans les Pays
d'Europe centrale et orientale.
Parmi les pays candidats, la Roumanie se distingue par sa solide tradition
francophone, qui fait partie intégrante de son patrimoine culturel,
comme en témoigne sa participation très active aux instances de
l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La proportion de
francophones dans ce pays atteint le taux exceptionnel de 21 % de la population.
L'arrivée à terme dans l'Union de la Bulgarie, où un quart
des lycéens apprennent le français, est également de bon
augure à cet égard.
S'agissant des autres pays candidats, dans lesquels le français tient
une place plus modeste, on constate que la perspective de leur adhésion
à l'Union européenne a puissamment stimulé leur
intérêt pour la Francophonie.
Ce phénomène s'explique en premier lieu par le statut de langue
de travail que détient notre langue au sein des institutions
européennes et du rôle moteur joué par la France dans la
construction de l'Europe. Il procède également, à l'issue
de plusieurs décennies d'une histoire plus subie que choisie, d'une
aspiration à s'ouvrir sur le monde et sur les valeurs
véhiculées par la Francophonie, telles que la démocratie,
le pluralisme et les Droits de l'homme. Il reflète enfin un soutien
déterminé aux principes de diversité culturelle et de
multilinguisme, seuls moyens pour des nations petites ou moyennes, de
sauvegarder leur identité face au processus en cours de mondialisation.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que la majorité des pays candidats
à l'Union, y compris les moins traditionnellement francophones, ont
obtenu à leur demande un statut d'observateur au sein de l'OIF (depuis
1993 pour la Bulgarie et la Roumanie, 1997 pour la Pologne, et 1999 pour la
Lituanie, la Slovénie et la République tchèque). Ils ont
également, pour la plupart, mené dans la période
récente des réformes de leurs systèmes éducatifs
visant à diversifier leur offre en matière d'apprentissage de
langues étrangères, ce qui a particulièrement
profité au français. Ainsi, en République tchèque
par exemple, le nombre de lycéens qui apprennent le français a
triplé depuis 1990. De même il convient de souligner le
succès des nouvelles filières bilingues hongrois-français
qui se sont ouvertes en Hongrie, dans l'enseignement secondaire et
supérieur.
Ces dispositions favorables des pays candidats se heurtent toutefois à
des difficultés, qui tiennent essentiellement à
l'évolution préoccupante de la place du français dans les
institutions européennes.
D'ores et déjà, en ce qui concerne les négociations
relatives à l'élargissement, domaine clé pour l'avenir du
plurilinguisme en Europe, on observe un recours massif à l'anglais.
Les documents de négociation n'existent qu'en anglais et ne sont
traduits qu'à l'occasion des conférences ministérielles.
De leur côté, les représentants des pays candidats
s'expriment en quasi totalité en anglais. A l'écrit, le
français n'est utilisé de manière significative que par
les représentations roumaine (environ un tiers de ses documents
écrits sont en français) et bulgare (environ un quart), ce qui
place toutefois notre langue en seconde position, loin devant l'allemand
(utilisé, dans moins de 10 % de leurs documents écrits, par les
représentants slovaques, tchèques et hongrois). La situation est
un peu meilleure pour l'oral : les représentants roumains
prononcent environ 70 % de leurs communications en français, les
bulgares 40 %, les hongrois, les polonais et les tchèques, entre 10 et
20 %.
La faible utilisation du français parmi les pays candidats, y compris
les plus francophones d'entre eux, s'explique aussi par le fait qu'à
travers les programmes qui leur sont destinés, ils perçoivent
l'Europe comme anglophone. Concernant notamment le programme PHARE, la Roumanie
déplore les difficultés qu'elle éprouve à obtenir
les documents émanant de la commission en français. La Bulgarie,
qui avait prévu de conduire les discussions relatives à ce
programme en français, a dû y renoncer.
Cette situation a également des conséquences économiques,
puisque le fait que les appels d'offres liés à ce programme
soient rédigés en anglais et que les entretiens se
déroulent, à de rares exceptions près, dans cette langue,
défavorise incontestablement les petites entreprises non anglophones.
II - Un champ très vaste, et encore insuffisamment exploré,
pour la coopération parlementaire
1/
Les objectifs de la coopération parlementaire
a)
Les besoins ressentis par les Parlements des pays candidats
L'intégration de l'« acquis communautaire » dans le
droit interne des pays candidats a entraîné pour leurs Parlements
un accroissement considérable du travail législatif. Ce travail
est encore loin d'être terminé puisque les plus avancés des
pays candidats n'ont clos à ce jour qu'un peu plus de la moitié
des 31 « chapitres » qui constituent l'ensemble de l'acquis.
Ce travail législatif concerne principalement la réforme de
l'économie et des institutions financières, du système
douanier, de la police et de la justice, de l'administration tant centrale que
locale, ainsi que la mise en place d'une réglementation de
l'environnement.
Pour y faire face, les Parlements concernés se sont dotés de
nouvelles structures (offices spécialisés, commissions ad hoc ou
permanentes) et ont dû renforcer leurs services administratifs d'une
manière significative.
La nécessité d'aider et de conseiller ces assemblées
parlementaires dans l'accomplissement de leurs nouvelles missions implique un
renforcement substantiel de notre coopération parlementaire.
b)
La « promotion » du droit francophone
Si le droit apparaît, sous ses différentes formes, comme
universel, il varie dans l'espace et le temps comme le font les
représentations que les individus s'en forment et qui lui impriment sa
marque distinctive.
Ainsi, le droit apparaît comme une composante de la culture d'un pays ou
d'un groupe de pays. Selon l'expression d'un anthropologue français, il
« fait partie d'une manière distinctive d'imaginer le
réel ». Partie intégrante d'une culture donnée,
il en reflète et diffuse à la fois les valeurs, les normes et les
modèles de comportement.
Ressemblances et différences sont dues aux traditions locales, aux
systèmes sociaux et politiques et à leur inscription dans
l'histoire. Mais la langue qui les exprime et les structure joue aussi à
cet égard un rôle décisif. Et l'appropriation par les
individus au cours de l'enfance et de l'adolescence d'une manière de
penser et de dire le droit, la loi et la justice - ce que l'on appelle la
socialisation juridique ou conscience du droit - passe par l'image du monde
dont le langage maternel est porteur.
C'est ainsi que, comparé à d'autres cultures juridiques, le droit
francophone, et notamment français, présente des
caractéristiques fortes.
Par exemple dans le domaine civil et pénal, le système
français présente la particularité de faire un recours
systématique à la loi pour résoudre les problèmes
et les conflits survenant dans la vie de la société et le monde
du travail. De même, sur le plan du droit public et constitutionnel, la
France a hérité de son histoire un Etat assez fortement
centralisé, et un régime semi-présidentiel original.
Le droit français, qui a inspiré nombre de pays francophones,
n'est évidemment ni meilleur ni pire qu'un autre. Fruit d'une
expérience singulière, il peut toutefois constituer, aux
côtés d'autres cultures juridiques, une source d'inspiration pour
les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.
Cet élément nous semble devoir être davantage pris en
compte dans les actions de coopération parlementaire, qui constituent
des instruments privilégiés pour promouvoir notre culture
juridique francophone dans la future Europe élargie.
2/
Une coopération qui doit être renforcée
a)
Les actions menées dans le cadre de l'APF
La coopération mise en place par l'APF au profit des Parlements des PECO
concerne l'organisation de séminaires parlementaires, le Programme
PARDOC et le Programme d'actions de coopération de la Région
Europe.
L'APF a organisé deux séminaires parlementaires dans les PECO. Le
premier, à Bucarest en novembre 1995, portait sur « le pouvoir
de contrôle du Parlement ». Le second s'est tenu à Sofia
en janvier 1998 et était consacré au « consensus
parlementaire ».
Ces séminaires sont des occasions d'échanges fructueux et de
partages d'expériences. Ils rencontrent un grand succès. Il nous
paraît souhaitable qu'une nouvelle session puisse être
organisée prochainement en Europe de l'Est, sur un thème qui
pourrait concerner l'organisation du travail législatif.
Par ailleurs, le programme PARDOC, dont la gestion est confiée à
l'APF, a été créé par le Sommet francophone de
Chaillot en 1991, pour une durée de dix ans. Il se propose de favoriser
la collecte, le traitement, la diffusion et la mise à disposition de la
documentation dans les Parlements.
Parmi les pays candidats à l'Union, seul le Parlement roumain
(Assemblée nationale et Sénat) bénéficie de ce
programme, depuis 1998. A ce titre, il a reçu plusieurs dotations
d'ouvrages et des abonnements à des périodiques. Des formations
ont également été proposées aux personnels des
services concernés.
Il nous semble que la reconduction cette année de ce programme, qui a
largement fait ses preuves, devrait être l'occasion de lui assigner de
nouvelles orientations dans le sens d'une meilleure prise en compte des besoins
des Parlements des PECO (le PARDOC a en effet été conçu
à l'origine pour les Parlements africains). L'acquisition d'un fonds
documentaire francophone de base par les assemblées parlementaires des
pays candidats à l'Union, dans les domaines juridique et politique
notamment, paraîtrait très souhaitable. Par ailleurs, un effort
particulier pourrait être porté sur les nouvelles technologies de
l'information (dotations de CD-Roms, création de sites Internet en
français par exemple).
Enfin, le programme d'actions de coopération de la Région Europe
de l'APF finance des stages destinés à des parlementaires et des
fonctionnaires des Parlements des PECO. Ils sont organisés au sein des
Parlements belge, français et luxembourgeois. Ces stages, qui ne
concernent à chaque fois qu'un faible nombre de participants, permettent
de répondre au mieux aux besoins exprimés. En ce sens, ils
constituent des actions concrètes et profitables, qui doivent être
poursuivies et faire l'objet d'évaluations systématiques.
b)
La coopération bilatérale
Les pays candidats à l'adhésion doivent constituer une zone
prioritaire pour notre coopération parlementaire bilatérale.
Le Parlement français y développe déjà depuis
plusieurs années nombre d'actions très variées :
séminaires sur place ou en France, stages pour des parlementaires et des
fonctionnaires, formations plus longues en partenariat avec d'autres
institutions (notamment l'Institut international d'administration publique),
envois d'ouvrages et de documents.
Les échanges entre groupes ou associations parlementaires
d'amitié peuvent également être intensifiés et
déboucher sur des actions plus concrètes, comme par exemple la
mise en place de jumelages entre collectivités locales, ou l'appui
à des associations culturelles, etc.
Par ailleurs, face à une commission de Bruxelles souvent
considérée, y compris dans les PECO, comme lointaine,
technocratique et bureaucratique, les Parlements pourraient jouer un rôle
utile de sensibilisation afin de renforcer l'adhésion des populations
aux enjeux de l'élargissement, en donnant de l'Europe et de ses
institutions une image plus humaine et plus attrayante.
Il conviendrait ainsi que la coopération parlementaire ne néglige
pas le domaine de la communication, où l'on pourrait envisager plusieurs
types d'actions : organisation d'expositions sur l'Europe et la
Francophonie, de colloques ou de rencontres sur ces thèmes, notamment
à l'attention des jeunes, aide à la création de sites sur
l'Internet, publication de périodiques destinés au grand public,
etc.
c)
Les perspectives offertes par le programme communautaire PHARE
Créé en 1990 par la Commission européenne, PHARE est un
programme communautaire dont le but initial était d'apporter une aide
financière et technique favorisant l'émergence d'une
économie de marché dans les PECO. Devenu depuis 1998 l'instrument
essentiel du soutien à l'adhésion des pays candidats à
l'Union, ses principaux objectifs ont été redéfinis pour
la période 2000-2006 selon deux grandes orientations : l'aide
à l'investissement, qui représente 70 % de l'enveloppe
financière globale, et le renforcement des capacités
institutionnelles, couvrant les 30 % restant des crédits (soit environ
500 millions d'euros par an).
De nombreux partenariats ont déjà été conclus dans
le cadre de ce deuxième volet institutionnel, qui intéressent
principalement les secteurs de l'administration centrale et territoriale, la
justice, la police et l'environnement.
Curieusement, la coopération parlementaire, qui pourrait trouver dans ce
programme un cadre favorable pour se développer, est encore peu
représentée. Toutefois, un projet très prometteur, qu'il
nous paraît intéressant de présenter, se met actuellement
en place au bénéfice du Parlement polonais :
Le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat) s'est
engagé au sein d'un consortium avec le Sénat espagnol dans un
partenariat pour répondre à un appel d'offres relatif à un
programme PHARE de jumelage avec la Pologne, visant à aider ce pays
à accélérer l'intégration de l'acquis communautaire
dans son droit national.
Ce programme de renforcement institutionnel a été lancé
après que la Commission européenne eut estimé que les
retards constatés en Pologne pour intégrer cet acquis tenaient
pour une large part à des problèmes de procédure
parlementaire.
La convention de jumelage, signée en mars dernier,
bénéficiera principalement à la Diète ainsi que,
dans une moindre mesure, au Sénat polonais, aux ministères
concernés et à l'organisme chargé dans ce pays de
l'intégration européenne.
Son objectif principal vise à perfectionner les procédures
parlementaires d'intégration du droit communautaire, mais une attention
particulière sera également portée à la mise en
place de procédures interministérielles d'élaboration des
projets de loi, ainsi qu'à l'amélioration de l'accès
à l'information.
Le programme se propose d'assurer la formation d'environ 300 parlementaires et
200 fonctionnaires. S'agissant du premier groupe, il sera fait appel à
des parlementaires français et espagnols pour diriger les stages.
Ce projet, qui s'inscrit dans un ensemble d'une quarantaine de programmes PHARE
dont bénéficie la Pologne, présente la
particularité d'être le seul à instaurer un partenariat
transversal, qui recoupe l'ensemble des secteurs concernés par les
réformes que ce pays doit encore mener à bien pour atteindre
l'objectif d'adhésion qu'il s'est fixé.
Par son caractère global, par la profondeur des relations qu'il
permettra d'établir entre les différents partenaires, cet
ambitieux programme nous paraît exemplaire de la contribution que la
coopération parlementaire peut apporter au processus
d'élargissement. Il est à souhaiter qu'il puisse inspirer
d'autres initiatives similaires.
d)
Une vigilance accrue dans le domaine de la Francophonie
Dans le domaine du renforcement de la langue française dans les PECO, la
section française, dans le rapport qu'elle a présenté l'an
dernier à l'occasion de l'Assemblée régionale Europe de
Crans Montana, a formulé plusieurs propositions relatives notamment
à la coopération scolaire et universitaire, ainsi que dans le
cadre de la coopération décentralisée, qui restent plus
que jamais d'actualité.
Il nous paraît toutefois utile de revenir sur la question du
français dans les institutions européennes, suite au constat
alarmant que nous avons établi dans la première partie du
présent exposé. Bien que les Parlements ne soient pas directement
acteurs dans ce domaine, il nous revient, en notre qualité d'élus
parlementaires, de maintenir une vigilance particulière en liaison avec
les opérateurs de la Francophonie.
Cette vigilance a commencé, quoi que bien tardivement, à porter
ses fruits. En effet, à l'occasion de la présidence
française de l'Union, le gouvernement français et celui de la
Communauté Wallonie-Bruxelles se sont engagés à
réaliser un plan pluriannuel en faveur du développement de la
langue française dans les institutions européennes, qui tient
compte des nouveaux besoins entraînés par la perspective de
l'élargissement. Trois volets de ce plan concernent
particulièrement les PECO candidats à l'adhésion :
-
- Formation au français des interprètes de ces pays,
organisée conjointement avec la Commission européenne et l'Agence
de la Francophonie, et associant plusieurs établissement d'enseignement
supérieur ;
- Formation des traducteurs francophones de la Commission aux langues des pays candidats à l'adhésion, afin de maintenir au français le statut de « langue pivot » pour les traductions ;
- Formation au français des fonctionnaires des pays candidats impliqués dans les négociations d'adhésion, et de ceux qui seront probablement appelés, au cours de leur carrière administrative, à travailler en liaison avec les institutions européennes.
De même, sur ces questions, les parlementaires membres de l'APF doivent user de leur pouvoir de proposition et de contrôle non seulement sur les gouvernements, notamment à l'occasion des discussions budgétaires, mais aussi sur les instances intergouvernementales de la Francophonie.
A cet égard, l'Ambassade de Roumanie à Paris nous a exprimé, à l'occasion des contacts que nous avons pris dans le cadre de la préparation de ce rapport, l'incompréhension et la déception des autorités de ce pays qui, malgré des demandes répétées, et un dynamisme remarquable dans le domaine francophone, n'ont pu obtenir de poste de responsabilité au sein de l'Agence de la Francophonie. Il nous paraît de notre devoir de jouer une rôle systématique de relais et d'appui pour ce type de demande auprès des décideurs concernés.
*
* *
En
adhérant aux institutions de l'OIF, les pays d'Europe centrale et
orientale, quel que soit leur degré de proximité avec la langue
française, ont exprimé leur confiance dans la capacité
d'accueil de la Francophonie. Celle-ci peut en effet unir sans uniformiser,
défendre les identités multiples, refuser la mise en oeuvre d'une
mondialisation exclusivement marchande, qui réduirait les langues et les
cultures du monde à quelques reliquats plus ou moins folkloriques.
C'est dire combien l'attente de ces pays est grande. La Francophonie ne peut se
permettre de les décevoir.
C'est pourquoi au delà du lien qui unit ses membres et fait une part de
leur cohérence, à savoir la langue française, la
Francophonie doit poursuivre ses efforts dans la voie de son affirmation
politique. De sa capacité à proposer au monde une vision,
à la fois conforme à ses valeurs de référence et
adaptée à la modernité multiforme des évolutions en
cours, dépendra son avenir.
La Francophonie doit donc être un espace de proposition, d'innovation et
d'imagination. Mais elle se doit aussi, et peut-être avant tout,
d'être un véritable espace de solidarité, au sein duquel
les Parlements peuvent jouer un rôle à la fois actif, et incitatif
auprès des exécutifs.
C'est pourquoi il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire de
renforcer d'une manière significative la coopération
parlementaire dans le cadre de l'Europe francophone, alors que les Parlements
des PECO sont confrontés au formidable défi que constitue pour
eux la préparation à l'intégration dans l'Union
européenne.