UNE RÉPUBLIQUE PLUS ASSURÉE DANS SES FONDEMENTS ET MIEUX INSERÉE DANS SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL
Sept ans
après la guerre civile de mai-juillet 1994 qui a consacré
l'unification définitive du pays par la victoire du Nord sur le Sud, le
Yémen a renoué avec la stabilité politique. Si les
dernières élections du 20 février 2001 ont connu un niveau
élevé de violence et ont entraîné de fortes
dissensions entre le parti CPG, Congrès du Peuple Général,
au pouvoir, et le parti Al-Islah, Rassemblement yéménite pour la
Réforme, deuxième parti du pays, islamo-tribal, elles ont
été reconnues, malgré leurs limites, par l'ensemble des
parties et consolident au final le processus démocratique.
La sécurité intérieure, si elle n'est pas encore
assurée dans toutes les zones du pays, semble pour autant avoir fait
quelques progrès durant ces derniers mois.
Enfin, sur le plan extérieur, le Yémen a rétabli
l'ensemble des relations qui avaient été suspendues à
l'occasion de la guerre du Golfe. Les frontières du pays semblent par
ailleurs désormais mieux assurées. Le contentieux territorial
avec l'Érythrée est réglé et le traité de
Djeddah du 12 juin 2000 avec l'Arabie Saoudite porte en germe une
amélioration des relations entre les deux pays.
I. LES FONDEMENTS D'UNE STABILITÉ : UNITÉ ET CHEMIN VERS LA DÉMOCRATIE
A. 11 ANS APRÈS L'UNIFICATION DU YÉMEN, L'UNITÉ PARAÎT ASSURÉE...
Le 22
mai 2000 ont eu lieu les fêtes du 10
e
anniversaire de
l'unification yéménite. Organisées dans la capitale,
Sanaa, les diverses cérémonies ont remporté un grand
succès. 1.200 invités de près de 50 pays ont notamment
assisté à un grand défilé rassemblant plus de
100.000 civils et militaires.
Les cérémonies ont été marquées par la
présence de personnalités, pour l'essentiel arabes, de premier
plan. Le Prince héritier saoudien, celui du Qatar et les
Présidents de l'Autorité palestinienne, d'Algérie, de
Djibouti, d'Éthiopie et du Soudan ont fait le déplacement.
La France, qui a apporté un soutien sans faille au processus
d'unification, a été représentée par l'Ambassadeur
Francis Gutmann, envoyé spécial du Président Chirac, qui
avait joué un rôle important dans le dénouement du conflit
des îles Hanish, par six députés du groupe d'amitié
France-Yémen de l'Assemblée nationale, par le Contre-Amiral
Commandant des Forces Maritimes de l'Océan Indien et le Commandant en
Chef des Forces françaises stationnées à Djibouti.
L'unité yéménite a ainsi bénéficié
d'une reconnaissance internationale éclatante. Elle n'est plus
contestée en interne comme en externe et jouit d'un soutien populaire
important. Les institutions ont définitivement consolidé
l'unité, le Président de la République apparaissant comme
le garant majeur de celle-ci.
L'unité yéménite reste néanmoins contrariée
par l'expression de conflits tribaux. De plus, l'unité, faite par
absorption du Sud par le Nord, soulève quelques difficultés en
termes d'équilibres territoriaux. La persistance de forces tribales
centrifuges comme un déséquilibre Nord/Sud fortement
prononcé, sans affaiblir le sentiment national, malmènent parfois
l'unité du pays.
1. Un processus parvenu à son terme
Si l'unification du Yémen constitue une aspiration ancienne des deux Yémen et de leur peuple, le processus d'unification ne s'est pas réalisé sans conflit. L'achèvement du processus trouve paradoxalement sa source, non dans l'instauration d'un nouvel État, la République du Yémen, le 22 mai 1990 mais dans la victoire des partis du Nord contre les « sécessionnistes » du Sud à l'issue de la guerre civile de mai à juillet 1994.
a) Deux Yémen
L'origine des deux Yémen trouve sa source dans un
héritage colonial. Si le Nord a été marqué par la
présence des Ottomans, le Sud a été jusqu'en 1967
protectorat britannique. Cet héritage colonial est doublé d'une
différence religieuse : le Nord est majoritairement zaydite, le Sud
est plutôt chaféite
1(
*
)
.
Les orientations politiques des deux régimes, Yémen du Sud et
Yémen du Nord ont été fondamentalement
différentes :
Au Nord, après le régime de l'Imamat, autour de l'Imam Yahya et
de son fils Ahmed en 1962, se sont longtemps opposés royalistes et
républicains. Les différentes parties, malgré la
persistance d'une certaine instabilité, se sont
réconciliées autour d'un régime républicain
conservateur en 1970. L'arrivée au pouvoir du lieutenant-colonel Ali
Abdallah Saleh
2(
*
)
en 1978 a
inauguré une période de stabilité au sein du régime
jusqu'à l'unification.
Les indépendantistes, qui ont proclamé l'indépendance en
1967 au Yémen du Sud, ont fondé un régime marxiste
dirigé par le Parti Socialiste Yéménite (PSY). La
République démocratique populaire du Yémen, fortement
financée par l'URSS, a ainsi connu les vicissitudes de la guerre froide.
A partir de la Perestroïka et de la diminution des financements
extérieurs qu'elle a engendrée, le Yémen du Sud a connu
des troubles politiques forts, allant jusqu'à la guerre civile de 1986,
entre « pragmatiques » et
« idéologues » du régime. Cette guerre a fait
plus de 10.000 morts.
b) L'unification : une nécessité pour les deux régimes
Le
régime de la RDPY (Sud) apparaissait à la fin des années
80 à bout de souffle. L'arrêt des financements soviétiques,
l'instabilité politique intérieure induisaient un vif
mécontentement de la population et la possibilité d'une relance
du processus d'unification.
La RAY (Nord), si elle ne connaissait pas les mêmes problèmes,
voyait dans l'unification un dérivatif face aux mécontentements
éventuels de la population. Les difficultés économiques
récurrentes pouvaient être en partie résolues par
l'ouverture du marché du Yémen du Sud aux produits du Nord.
L'unification de 1990 a donc été souhaitée par les deux
régimes. Elle s'est réalisée notamment autour de
l'idée de complémentarité économique
(investissements pour le Sud contre marché élargi pour le Nord).
Le Président Ali Abdallah Saleh, en raison du déséquilibre
démographique entre le Nord et le Sud, a tout de suite vu
l'intérêt politique qu'il aurait à se présenter
comme le maître d'oeuvre de l'unité yéménite.
Les deux Yémen avant l'unification (1989)
|
RAY |
RDPY |
République du Yémen |
Surface (milliers de km²) |
195 |
333 |
528 |
Population (en millions) |
10,1 |
2,1 |
12,6 |
PIB (en millions de $ 1988) |
5.631 |
1.275 |
6.906 |
Dette extérieure (en milliards de dollars) |
3,3 |
2,5 |
5,8 |
Taux de change (/$) |
9,6 |
0,45 |
---- |
Source : Banque Mondiale, FMI
Croissance économique des deux Yémen
|
1984 |
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
Croissance réelle du PIB : RAY |
3,3 % |
4,6 % |
9,4 % |
4,7 % |
19,2 % |
Croissance réelle du PIB : RDPY |
8,8 % |
-6,6 % |
-11,8 % |
3,2 % |
0,3 % |
Source : Banque Mondiale, FMI
c) 1990 : l'unité par le haut
Le 22
mai 1990, le Président Ali Abdallah Saleh annonçait, depuis Aden,
la naissance de la République du Yémen. L'unification
yéménite s'est réalisée selon des modalités
particulières. Contrairement à l'unité allemande qui
consista à intégrer l'ex-RDA dans une RFA présumée
suffisamment riche pour en supporter les effets, l'unité
yéménite a été qualifiée par ses initiateurs
d' « unité par fusion complète ».
Les deux Républiques yéménites du Nord et du Sud se sont
fondues à parité institutionnelle. Ainsi, l'article 6 de la
Constitution unitaire mentionnait-il parmi les principes économiques de
la nouvelle République des valeurs du Sud et du Nord : justice
sociale islamique dans les rapports productifs et sociaux, construction d'un
secteur public développé capable de prendre possession des
principaux moyens de production, protection de la propriété
privée, toute contravention à ce dernier principe devant
procéder de l'intérêt général et recevoir une
juste compensation selon la loi...
Cette unification a d'abord été une unification par le haut, la
répartition du pouvoir ayant été négociée
entre les régimes du Nord et du Sud et ne procédant pas de
l'élection. Les deux parlements ont été fusionnés
et le gouvernement mis en place comptait autant de ministres sudistes que
nordistes. Le Conseil présidentiel, au-dessus de ce gouvernement,
était composé de cinq membres, dirigé par le
Président Ali Abdallah Saleh et le secrétaire
général du PSY, Ali Salim al-Bid, qui devint
vice-président.
La nouvelle République instituait dans la société
yéménite un espace politique pluraliste. L'article 39 de la
nouvelle Constitution, approuvée massivement par
référendum en mai 1991, dispose en effet que « les
citoyens peuvent librement s'organiser à partir d'objectifs politiques,
culturels et syndicaux ».
d) Une unité issue de fait du conflit de 1994
C'est
justement cet espace politique pluraliste qui, en faisant émerger un
troisième acteur, remettra en cause le partage du pouvoir
négocié en 1990. L'apparition d'Al-Islah, Rassemblement
yéménite pour la Réforme, islamo-tribal, comme nouvelle
force politique dans le Nord, opposé avec force au Parti socialiste
yéménite, va remettre en cause le partage paritaire du pouvoir
entre Nord et Sud, entre CPG et PSY.
Les élections législatives du 27 avril 1993
(« l'unité par le bas ») tenues dans un climat
très libéral, vont occasionner une véritable
déception pour le PSY qui n'obtient que 20% des voix, même s'il
détient la majorité dans l'ensemble des gouvernorats du Sud,
engendrant une crise institutionnelle qui ne pourra se résoudre que dans
la guerre civile. Le CPG obtiendra lui 40% des voix et Al-Islah 20%.
Les partis au Parlement, 1993 |
|
CPG |
123 |
al-Islah |
62 |
PSY |
56 |
Parti Ba'as |
7 |
Partis nassériens |
3 |
al-Haqq |
2 |
Indépendants |
47 |
Élection repoussée |
1 |
TOTAL |
301 |
Le
débat sur les nouveaux amendements constitutionnels, les
aménagements institutionnels nécessités par l'apparition
d'al-Islah, mais aussi les actes de violence perpétrés contre des
militants du PSY vont occasionner une forte dégradation du climat
politique. Le choix par les dirigeants du PSY et du Vice-président Ali
Salim al-Bid d'un repli, en mai 1994, sur Aden, et la multiplication de
manifestations d'autonomie de leur part seront considérés
de
facto
comme une tentative de sécession.
La guerre civile entre Nord et Sud dure deux mois, entre le 5 mai et le 7
juillet 1994. Malgré un soutien logistique russe et la bienveillance
appuyée de l'Arabie Saoudite, les dirigeants du PSY vont
connaître la défaite : la plupart seront contraints à
l'exil.
C'est par la défaite du PSY du Yémen du Sud que le Yémen
va trouver son unité. Elle est aujourd'hui solide.
Il est à noter que la France a toujours fermement soutenu
l'unité yéménite. Le Président de la
République M. François Mitterrand avait ainsi
déclaré lors de sa visite à Sanaa en octobre 1993 que
l'unification du Yémen apparaissait comme un « choix
historique né des aspirations profondes à l'unité du
peuple yéménite », « un facteur
d'équilibre, de sécurité et de développement pour
toute la région ». La France a ensuite été la
seule puissance à soutenir clairement et fermement l'unité
yéménite durant la guerre civile par la diffusion d'un
aide-mémoire à l'ONU appelant la communauté internationale
à ne pas reconnaître la sécession du PSY, contre la
position à l'époque notamment de l'Arabie Saoudite, et rappelant
que l'unité yéménite avait été
ratifiée par référendum en 1991.
e) Une unité consolidée
L'unité yéménite dispose aujourd'hui
d'assises
solides. En premier lieu, le Président de la République Ali
Abdallah Saleh apparaît aujourd'hui comme le garant de l'unité du
pays. La longévité de son pouvoir, le contrôle de
l'armée, sa maîtrise des équilibres tribaux lui permettent
d'être une véritable clef de voûte pour la République
du Yémen.
La délégation du groupe sénatorial France-Yémen a
pu constater en deuxième lieu, tout au long de sa mission, de Sanaa en
Hadramawt en passant par Aden, le très fort sentiment national du peuple
yéménite.
Enfin, cette unité n'a plus de véritables adversaires. Le Parti
Socialiste Yéménite, après avoir boycotté les
élections législatives d'avril 1997, a souhaité entrer de
nouveau dans le jeu démocratique. Si la participation de son candidat,
Ali Saleh Obad, à l'élection présidentielle de 1999 n'a
pas été rendue possible, le PSY a en revanche pu participer aux
élections locales du 20 février 2001. La délégation
du groupe sénatorial France-Yémen a rencontré le bureau
politique du PSY : celui-ci, s'il a déploré en des termes
vifs les conditions dans lesquelles se sont tenues la campagne et les
élections du 20 février 2001, n'en a pas moins marqué sa
complète adhésion au processus de démocratisation du pays.
Les conflits entre les différents protagonistes de l'unification
paraissent aujourd'hui apaisés, même si le PSY a toujours
auprès de l'opinion publique yéménite une mauvaise image,
non pas comme parti socialiste mais comme parti
« sécessionniste ». Il n'empêche, preuve de
l'apaisement d'un régime aujourd'hui suffisamment sûr de
l'unité du pays, que 17 journalistes sudistes exilés au
Caire
3(
*
)
depuis la fin de la guerre
civile de 1994 devraient bientôt pouvoir rentrer au Yémen. La
résolution du contentieux territorial avec l'Arabie Saoudite devrait
également permettre la cessation de campagnes de déstabilisation,
imaginaires ou réelles, qui ont empoisonné pendant longtemps la
vie politique yéménite.
2. La prise en compte du facteur tribal et du facteur régional
Le raffermissement de l'unité yéménite ne peut faire oublier la nécessaire prise en compte du facteur tribal et du facteur régional. Si ceux-ci sont davantage constitutifs de l'identité yéménite que source de déstabilisation, il n'empêche que certaines tribus ou que certaines régions, ressentent parfois un vif mécontentement, pouvant aller jusqu'au conflit violent avec le pouvoir central.
a) Les tribus, cellules de base de la démocratie yéménite ou forces centrifuges ?
Le
tribalisme est indissociable de l'identité
yéménite
4(
*
)
. Si
l'ancien Yémen du Sud a longtemps considéré que le
tribalisme avait disparu sur son territoire, l'unification a
entraîné en partie sa résurgence. Le tribalisme est ainsi
une donnée de la vie politique yéménite même s'il
n'est pas toujours perceptible par l'observateur occidental. Ali Abdallah
Saleh, alors Président de la République Arabe du Yémen,
affirmait ainsi en 1986 que « l'État lui-même fait
partie des tribus et le peuple yéménite est un groupement de
tribus ».
5(
*
)
La deuxième force politique du pays, al-Islah, est ainsi dirigée
par Cheikh Abdullah Al-Ahmar, le chef de la confédération tribale
des Hached. Le Président de la République du Yémen, Ali
Abdallah Saleh, est membre de la famille Al-Ahmar, qui appartient au clan des
Sanhan et à la confédération des Hached. Le système
tribal double autant qu'il recoupe le système des partis.
Les tribus jouent un rôle utile de contre-pouvoir face à
Sanaa : elles permettent ainsi l'autonomie de certains secteurs de la
société face à l'État.
Il n'empêche toutefois que certaines tribus - on a ainsi parfois
parlé des Bakil, autre grande confédération tribale du
Yémen du Nord- se sont senties mal représentées au sein du
système politique yéménite.
De même, certaines petites tribus pauvres, aux environs de Marib par
exemple, s'estiment mal dotées en équipements collectifs
(écoles, dispensaires, routes, mais aussi récemment bureaux de
votes...) par le gouvernement et manifestent leur mécontentement selon
des modalités variées. L'une d'entre elles consiste en
l'enlèvement d'étrangers, touristes, coopérants ou hommes
d'affaires. Ces enlèvements d'étrangers ont longtemps
été considérés comme une composante
« folklorique » du Yémen par les voyageurs
occidentaux. La probabilité forte d'intervention armée des
autorités yéménites pour la libération de l'otage
accroît désormais les risques de blessure ou de mort dans ce genre
d'enlèvement. La mort, le 11 juin 2000, d'un diplomate norvégien
lors d'une fusillade entre ses ravisseurs et l'armée est là pour
le rappeler.
Le recours fréquent de certaines tribus à ces enlèvements
peut pour une grande part expliquer la diminution du nombre de touristes
visitant le Yémen.
Nombre d'enlèvements
Année |
Nombre d'enlèvements d'étrangers |
Nombre d'étrangers enlevés |
||||
Total |
Concernant des touristes |
Concernant des expatriés |
Total |
Touristes |
Expatriés |
|
2001 |
4 |
1 |
3 |
5 |
2 |
3 |
2000 |
6 |
2 |
4 |
8 |
4 |
4 |
1999 |
10 |
4 |
6 |
27 |
11 |
16 |
1998 |
11 |
6 |
5 |
42 |
33 |
9 |
1997 |
10 |
6 |
4 |
50 |
43 |
7 |
1996 |
4 |
2 |
2 |
23 |
21 |
2 |
TOTAL |
45 |
21 |
24 |
155 |
114 |
41 |
Source : Yemen Gateway (http://www.al-bab.com/yemen)
Nationalité des personnes enlevées
Nationalité des personnes enlevées |
|||||||
Italie
40
|
|
|
|
|
Source : Yemen Gateway (http://www.al-bab.com/yemen)
Les
affrontements entre tribus ou entre le gouvernement et les tribus, à
l'occasion de problèmes plus ou moins fréquents, plus ou moins
profonds, ne prennent pas seulement la forme d'enlèvements mais aussi de
conflits armés. Plus de 50 millions d'armes circulent dans le pays pour
une population de 17 millions d'habitants ce qui explique le nombre de crimes
de sang particulièrement important constaté chaque année,
pour une grande part liée à un conflit tribal.
Les conflits avec certaines tribus, recherchant un meilleur partage des
richesses, peuvent parfois entraîner des retards, voire des remises en
cause de projets ayant un impact non négligeable sur le plan
économique ou culturel (fouilles archéologiques, prospection
pétrolière...). Le soutien extérieur à certaines
tribus, aux confins du Grand Quart Vide (Rub al-Khali), a enfin mis à
mal pendant longtemps la sécurité à la frontière
Nord du Yémen.
Si le tribalisme est indéfectiblement attaché à
l'identité yéménite, les revendications de certaines
tribus s'estimant lésées par le pouvoir central et les conflits
parfois violents qu'elles engendrent conduisent le gouvernement
yéménite à la recherche de solutions. Outre la
sécurisation croissante du pays, à travers un renforcement de la
présence policière et une pénétration croissante du
pouvoir central liée au développement du réseau routier,
les dernières réformes institutionnelles paraissent être de
nature à mieux prendre en compte le facteur tribal. Le Conseil
consultatif devrait ainsi permettre de mieux représenter les forces
vives du pays. Les premières élections locales constituent, aux
yeux de la délégation du groupe sénatorial, une amorce
intéressante de décentralisation qui pourra conduire à
mieux prendre en compte les aspirations de membres des tribus, sur leur
territoire.
Ces élections locales constituent pour la délégation du
groupe sénatorial les prémisses d'un aménagement du
territoire auquel elle se montre particulièrement sensible.
b) Le facteur régional
Les
élections des gouvernorats et districts portent en germe pour le
développement local du Yémen des perspectives
intéressantes. Si la délégation du groupe
sénatorial n'a pas visité l'ensemble des gouvernorats de la
République du Yémen, elle n'a pas constaté entre les
gouvernorats de Sanaa, d'Aden et d'Hadramawt, de disparités
économiques trop importantes. Il lui a semblé néanmoins en
se rendant à Aden qu'elle visitait une ville en déclin, moins
bien entretenue que Sanaa, et que le déséquilibre entre Sud
et Nord, dû sans doute pour une part à un héritage
historique distinct, mais aussi pour une autre part aux séquelles de la
guerre civile de 1994, ne se résorbait pas.
Un mécontentement latent est ainsi observé dans le Sud, suscitant
parfois des manifestations violentes comme dans la ville de Daleh depuis
juillet 1998. Face à cette hostilité dans certaines
régions du Sud vis à vis du pouvoir central, le
développement régional pourrait apporter certaines
réponses.
Si les perspectives du port d'Aden paraissent prometteuses, nul doute que
l'émergence sur le plan politique, d'une démocratie locale,
pourra faire jouer aux régions les moins développées un
rôle plus actif dans le développement du Yémen.