CONCLUSION
Dès son retour, la Délégation a fait part de ses observations et de ses réflexions à MM. Lionel Jospin, Premier ministre, Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Le texte ci-dessous reproduit le courrier adressé à M. Védrine par la Délégation:
Paris, le 30 avril 1999
GROUPE SÉNATORIAL
FRANCE - AFRIQUE AUSTRALE
Monsieur le Ministre,
Une délégation du Groupe sénatorial France-Afrique australe, composée de M. Jean-Pierre CANTEGRIT, Sénateur représentant les Français de l'étranger, Président, ainsi que de MM. les Sénateurs Joël BOURDIN, Jacques PELLETIER, ancien Ministre de la Coopération, et André ROUVIÈRE, s'est rendue au Botswana du 13 au 18 avril.
Permettez-nous, Monsieur le Ministre, de vous remercier vivement pour l'appui efficace apporté à ce déplacement par M. André FORTIN, chef de notre Chancellerie détachée, ainsi que par la DGCID et la Direction de l'Afrique et de l'Océan indien de votre ministère, en particulier MM. BARATEAU et RONDREUX.
Nous tenons tout particulièrement à saluer ici la compétence et le brio de M. BERG , Ambassadeur de France au Botswana.
La mission du groupe sénatorial, qui s'inscrit dans le prolongement de la visite effectuée en 1997 au Botswana par M. René MONORY, Président du Sénat, a été l'occasion d'échanges approfondis avec M. MOGAE, Président du Botswana, M. le Général MERAFHE, ministre des Affaires étrangères, Mme le Dr. CHIEPE, Ministre de l'Éducation, M. MAGANG, Ministre de l'Énergie et des Mines, M. MASISI, Vice-Président de l'Assemblée nationale, M. KGOSI SEPAPITSO IV, vice-président de la chambre de chefs, ainsi que de nombreux parlementaires et hauts fonctionnaires.
La délégation du Sénat a en outre été longuement reçue par M. le Dr MBUENDE, secrétaire général de la S.A.D.C.
Les entretiens et les visites effectués par la délégation lui ont permis de constater à quel point le Botswana constituait pour l'Afrique un modèle de démocratie et de développement économique équilibré.
La délégation a également pu mesurer la qualité et l'ouverture des dirigeants botswanais, ainsi que la constance de leur action en faveur de la coopération régionale et de la stabilité politique de l'Afrique australe.
La délégation a toutefois aussi appréhendé le dénuement de la présence officielle française au Botswana. L'Ambassadeur de France réside en effet à Windhock (Namibie), à plus de mille kilomètres de Gaborone, où ne résident que deux agents expatriés, un C.S.N. enseignant et une enseignante sous contrat local.
Quels que soient le talent et l'énergie déployés par M. BERG, ainsi que par M. FORTIN. cette représentation ne nous paraît pas conforme aux perspectives que le Botswana offre aux entreprises françaises , notamment dans le secteur du tourisme, de l'agroalimentaire, de l'eau et des travaux publics. Ce pays est en effet doté d'une économie dynamique, d'une monnaie saine et de réserves de change de plus de 5 milliards de dollars. A titre de comparaison l'Allemagne dispose au Botswana d'une chancellerie de 5 expatriés, d'une mission militaire composée d'un officier et de 2 sous-officiers, de 25 volontaires du progrès et de 14 experts intégrés.
Notre représentation n'est pas non plus conforme au rôle et à l'influence croissant de la SADC, notamment dans la perspective du sommet SADC-Union européenne qui se tiendra en l'an 2000 sous présidence française.
La délégation a par ailleurs rencontré chez l'ensemble des dirigeants du Botswana, comme de la SADC, un désir sincère de développer la pratique du français . Les fonctionnaires du Secrétariat général de la SADC, ainsi que nombre de parlementaires et de hauts fonctionnaires botswanais, nous ont ainsi accueilli par quelques mots de français, ce que nous devons à la qualité des services de l' Alliance française à Gaborone, dirigée par M. BRUNET.
Malgré le dynamisme de M. BRUNET, les moyens dont dispose l'Alliance française (0,43 million de francs par an), nous semblent cependant nettement insuffisants pour poursuivre cet effort : compte tenu du haut potentiel des étudiants concernés, qui constituent les dirigeants de demain du Botswana et de la SADC, le renforcement de ces moyens serait un investissement particulièrement rentable .
Permettez-nous enfin, Monsieur le Ministre, de vous faire partager notre vive préoccupation devant les conséquences de la non-inclusion du Botswana dans la ZSP : tous nos interlocuteurs botswanais nous ont longuement fait part de leur émotion et de leur incompréhension devant cette décision, qui leur paraît peu en ligne avec le souhait de la France de s'ouvrir à l'Afrique australe et de soutenir la démocratie en Afrique.
L'argument selon lequel le Botswana est exclu de la ZSP en raison de son haut niveau de développement économique est relativement mal reçu. En effet, le PIB par habitant du Botswana est inférieur à celui de l'Afrique du Sud, qui est incluse dans la ZSP.
Surtout les autres pays de la région écartés de la Z.S.P. sont le Lesotho, le Malawi et le Swaziland, qui sont trois pays très pauvres. Le Botswana se trouve donc de fait associé à des pays peu démocratiques, politiquement instables et économiquement marginaux , ce qui ne manque pas d'interloquer les dirigeants botswanais.
Ces derniers s'inquiètent aussi de ce que cette relégation dans la « troisième division » de l'Afrique australe ne représente un repoussoir pour les investissements français. Il est d'ailleurs inversement à craindre que cette décision s'avère pour les entreprises françaises une entrave à l'obtention de marchés publics au Botswana, qui est pourtant l'un des pays les plus solvables d'Afrique.
Compte tenu de la modestie de l'enjeu financier, comme de l'importance de l'enjeu symbolique , il nous semble donc que l'intégration du Botswana dans la ZSP constituerait un investissement judicieux , tant du point de vue diplomatique, que du point de vue économique.
Nous vous prions, Monsieur, le Ministre, de croire à l'assurance de notre haute considération.
Joël BOURDIN Jacques PELLETIER
Jean-Pierre CANTEGRIT André ROUVIÈRE