IV. BILAN MATÉRIEL ET HUMAIN DU SÉISME DE GORKHA ET DE SA RÉPLIQUE DU 12 MAI 2015
Du fait de la dispersion de l'habitat et des difficultés de déplacement, l'ampleur des dommages dus au séisme ne fut connue que vers la mi-mai.
Le bilan provisoire publié par la police le 19 mai 29 ( * ) fait apparaître que le nombre de victimes (8 271), aussi dramatique qu'il soit, reste faible en regard de l'étendue considérable des destructions matérielles. On compte ainsi une victime pour 57 bâtiments détruits. Ce bilan dresse également un tableau de ceux qui ont perdu la vie : il s'agit, à 55 %, de femmes (un ratio que la migration masculine explique au moins en partie), et, à plus de 25 %, d'enfants âgés de moins de 10 ans, ce qui est sans doute lié à la moindre mobilité des plus petits d'entre eux. Enfin, sans que cela ait pu être confirmé, il a été estimé que 30 % des victimes sont de l'ethnie tamang, ce « peuple indigène » ou Janajati, locuteur d'une langue tibéto-birmane, qui habite les districts les plus touchés ( sur leur condition comme sur celle des autres populations touchées par le séisme, voir la contribution de Mmes Anne de Sales et Katia Buffetrille ).
Si l'on ne prend en compte que les victimes qui ont perdu la vie, critère plus absolu que les blessés, dont la déclaration ou la gravité peuvent être variables, on constate que 85 % des victimes sont recensées dans 6 districts, dont la moitié dans celui de Sindhupalchowk. Le bilan de la police népalaise au 19 mai fait en effet état de 3 369 victimes dans ce district, ce qui représente 41 % du total. Il faut ajouter que cela représente aussi une part non négligeable de la population du district, 1,17 %. Suit Katmandou, avec 1 167 victimes, qui représentent 14 % du nombre total des morts, mais un très faible pourcentage du million d'habitants que compte la municipalité. Les quatre autres districts les plus touchés sont, par ordre d'importance : Nuwakot 909 (11 % des victimes), Dhading 682 (8 %), Rasuwa 551 (6,5 %) et Gorkha 428 (5 %).
Le bilan au 27 mai 2015 diffusé par la police 30 ( * ) offre une description des destructions. Le nombre de bâtiments détruits s'élève à 469 539, dont la très grande majorité (445 066) se sont effondrés lors du séisme du 25 avril, tandis que les destructions causées par la réplique du 12 mai, au nombre de 24 473, sont presque vingt fois moindre (18,2 fois exactement). Il s'agit, pour l'essentiel, de maisons individuelles (452 100, soit 95 % du total), mais aussi d'écoles (4 217), de bâtiments administratifs (1 267), de centres de soins (326), de temples et monuments historiques (726). Le bilan officiel daté du 19 juin est encore plus lourd : il fait état de 505 577 maisons totalement détruites et de 278 907 maisons partiellement endommagées et précise que 117 700 personnes vivent sur des sites où elles se sont spontanément déplacées.
Fig. 9. Carte des 15 districts les plus affectés, au
21 mai - (c)Nepal Police
Nous avons ajouté l'épicentre du
séisme principal, en jaune, pour faire ressortir sa diffusion vers
l'Est, le long de la faille à l'extrémité de laquelle il
était situé, et ses effets dévastateurs dans le district
de Sindhupalchowk
Le 3 juin 2015, le Gouvernement annonçait un nouveau bilan de 8 702 victimes et de 22 493 blessés. Ce bilan fait apparaître une répartition très variable des blessés, ainsi que des écarts importants dans le ratio morts/blessés en milieu urbain et rural. Ainsi, pour prendre les deux extrêmes, il est fait état de 17,5 fois plus de blessés que de morts dans la ville de Lalitpur (3 052 blessés pour 174 morts), tandis que le phénomène est inverse dans le district rural de Sindhupalchowk, où l'on compte moitié moins de blessés que de morts (3 440 morts pour 1 571 blessés). Même si les facteurs urbains peuvent expliquer en partie ces disparités, on ne peut s'empêcher de penser qu'elles sont aussi liées, en partie, à une moindre déclaration des blessures dans les campagnes. Ainsi, la présentation des districts en nombre de victimes, morts et blessés confondus, ainsi que la prise en compte de chiffres absolus, et non relatifs à la densité de population, dans la carte dressée par le UNHCR, offre un tableau contestable des lieux les plus affectés ( voir fig. 10 ).
Fig. 10. Carte synthétique montrant
l'épicentre du séisme et de ses répliques,
leur
répartition dans le temps, ainsi que le nombre de victimes par district.
Source : UNHCR.
Ce macabre décompte a toute son importance dans le contexte de la reconstruction du pays, dont on ignore encore les modalités exactes, si ce n'est que le Gouvernement a fait savoir qu'il traiterait de manière égalitaire l'ensemble de la population, et a d'ores et déjà octroyé des compensations par victime et par maisonnée, sans considération pour le lieu ou le type d'habitat. Toutefois, des aides supplémentaires, sous forme de crédit, profiteront avant tout aux populations urbaines, car elles seules ont les moyens d'y avoir recours ( pour le détail de l'aide, voir la contribution de Mme Sylvie Casiulis ). Comme cette question des compensations l'indique, l'après-séisme a mis de manière soudaine le Gouvernement sur la sellette.
* 29 https://www.facebook.com/NepalPolicePHQ/photos/a.391342814272456.89904.390508537689217/859387060801360/?type=3&theater
* 30 https://www.facebook.com/NepalPolicePHQ/photos/a.391342814272456.89904.390508537689217/862337167173016/?type=3&theater consulté le 30/05/2015.