Groupes interparlementaires d'amitié
France-Afrique de l'Ouest (1 ( * ))
LES DÉFIS DE L'AFRIQUE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE |
Actes du colloque Sénat du 5 novembre 2015
Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER,
Président du Sénat
Palais du Luxembourg
Salle Monnerville
Carte de l'Afrique
Répartition du potentiel identifié de l'Afrique en matière d'énergies renouvelables
Source : International Renewable Energy agency IRENA d'après l'Atlas mondial
M. Gérard Larcher, Président du
Sénat
De gauche à droite :
MM. Abdoulaye
Idrissa Wagne, Mohamed Salem Ould Béchir,
Mmes Johanna Odonkor
Svanikier et Anne Paugam, M. Gérard Larcher,
Mme Jacqueline Sultan et
M. Jacques Legendre, Président du groupe
interparlementaire
d'amitié France-Afrique de l'Ouest
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MM. Abdoulaye Idrissa Wagne,
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Mme Anne Paugam, M. Gérard Larcher,
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M. Mohamed Salem Ould Béchir,
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Mme Jacqueline Sultan,
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M. Yvon Collin, Sénateur, co-auteur du rapport sur les financements en matière de lutte contre le changement climatique en faveur des pays les moins avancés |
Mme Anne Paugam, Directrice générale de l'AFD |
OUVERTURE
M. Gérard LARCHER, Président du Sénat
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest,
Madame la Directrice générale de l'Agence française de développement,
Chers collègues sénateurs, particulièrement M. Jean-Marie Bockel, dont l'expérience en Afrique est connue de tous, MM. Yvon Collin et Charles Revet, qui sont des collègues particulièrement impliqués dans cette relation,
Monsieur le Président pour la coordination de l'Afrique de demain,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens, en premier lieu, à remercier l'AFD, sa directrice Mme Anne Paugam et ses équipes, dont l'aide et la contribution ont été précieuses pour l'organisation de ce colloque.
Je salue également le travail de M. Jacques Legendre, instigateur de ce colloque, l'un des plus fins connaisseurs de l'Afrique au Sénat, et mon envoyé spécial dans plusieurs de ces pays pour discuter avec eux du dérèglement climatique.
La Conférence Paris Climat 2015 n'est plus aujourd'hui une promesse lointaine. Elle est juste devant nous. C'est à ce moment que les difficultés peuvent paraître encore plus grandes, malgré l'espoir suscité par l'engagement de la Chine, en l'état actuel des négociations. Aujourd'hui, la somme des contributions nationales ne permet pas encore tout à fait d'envisager la limitation de « la hausse à deux degrés » comme un objectif certain. Certains experts parlent de 2,7 degrés. Or, 0,7 degré fait une différence. Un seul degré suffit, en effet, à accélérer de façon drastique la fonte glaciaire et la montée des eaux.
Dans ce contexte, à moins d'un mois de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, qui ouvrira la Conférence Paris Climat, votre colloque tombe à point nommé. Il permettra, dans le secteur de l'agriculture et de la gestion des forêts, de faire le point sur les projets en cours et sur les financements indispensables. C'est l'objet de la première table ronde, qui sera introduite par Madame la ministre de l'Agriculture de la République de Guinée. En effet, les financements envisagés ne sont pas encore au rendez-vous, comme l'ont montré les sénateurs Yvon Collin et Fabienne Keller dans leur rapport d'information du 30 septembre 2015 intitulé « Financements climat : n'oublions pas les plus pauvres », Mme Keller m'ayant, par ailleurs prié d'excuser son absence.
Le colloque permettra également d'aborder l'enjeu majeur que constitue l'accès à l'énergie. Je «vernissais», le 3 novembre au Théâtre national de Chaillot, l'exposition «lumières d'Afrique», qui s'inscrit dans le cadre de l'initiative prise par M. Jean-Louis Borloo. Elle a pour objectif de permettre que, d'ici dix ans, 80 % du continent africain bénéficie de l'électricité. Le Sénat - sous l'impulsion de M. Jean-Marie Bockel - a soutenu pleinement cette initiative.
Votre colloque devrait surtout faire ressortir l'engagement de l'Afrique dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Aujourd'hui, seuls sept pays africains sur cinquante-quatre n'ont pas encore annoncé leur contribution nationale. C'est un chiffre encourageant par rapport à d'autres continents. C'est une forme d'encouragement, qui démontre qu'il n'existe pas de contradiction entre le développement économique et la protection de l'environnement. La lutte contre les dérèglements climatiques ne relève pas que de la seule action des pays dits développés. Un tiers du groupe des vingt pays les plus vulnérables au changement climatique est africain.
Alors que les gouvernements devront négocier un accord ambitieux lors de la Conférence Paris Climat, le rôle des parlements n'en demeure pas moins essentiel. Les 5 et 6 décembre, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, se tiendra le volet parlementaire de cette Conférence. Au Sénat, devrait être adoptée le 6 décembre, sous l'égide de l'Union interparlementaire, une déclaration des parlementaires du monde entier. Très prochainement, nous débattrons ici même de cette déclaration, examinée aujourd'hui dans la plupart des parlements du monde et qui manifestera leur implication dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Ce texte ne sera pas une déclaration d'intention de plus, car les parlements devront contrôler la bonne application des engagements pris, voter les budgets nécessaires, ratifier les accords et décliner en droit interne les engagements internationaux. Le travail à accomplir ne s'interrompra donc pas le 11 décembre au soir, après la clôture de la Conférence Paris Climat.
Le Sénat français et l'Assemblée nationale assurent la représentation des collectivités territoriales. Or, ces dernières sont à la pointe des mesures d'adaptation ou d'atténuation pour lutter contre les dérèglements climatiques, notamment dans les pays rétifs à adopter des engagements contraignants au niveau national. Il s'agit d'un point que notre délégation territoriale entend marquer par des exemples très concrets d'engagement des collectivités locales ainsi que sur leur expérience, qu'elles sont prêtes à partager au-delà de la France métropolitaine et d'outre-mer.
Votre colloque met en valeur une Afrique en pleine mutation, une Afrique qui connaît la croissance, même si elle devrait être encore plus élevée pour accélérer le développement, une Afrique confrontée dans son actualité aux enjeux de la bonne gouvernance, par des processus électoraux en cours, qui doivent respecter état de droit et démocratie, une Afrique qui se bat avec courage pour affronter certaines formes de terrorisme ou d'obscurantisme qui la menacent. La France est à vos côtés et d'une seule voix, quelles que soient nos sensibilités politiques. J'ai été notamment en charge du dossier sur le Sahel aux côtés de M. Jean-Pierre Chevènement. Nous sommes donc d'une seule voix aux côtés de l'Afrique, y compris dans les moments difficiles comme dans les rencontres que j'avais il y a encore 48 heures avec le président du parlement panafricain. L'Afrique progresse à grands pas dans la voie de l'intégration régionale. Cette Afrique diverse et contrastée, à la fois moderne et respectueuse de ses traditions, s'est engagée dans la lutte contre le changement climatique.
Je suis donc confiant dans l'avenir et dans le succès que ce colloque. Au-delà des défis liés à l'agriculture, à la gestion de la ressource forestière et à l'énergie, je suis certain que M. Philippe Lacoste, dans sa conclusion, pourra rassembler toute cette volonté africaine. Nous avons tellement de liens avec l'Afrique à travers l'histoire, des liens de lumière parfois avec leur zone d'ombre.
Au Palais de Chaillot, où avait été fêté les 150 ans de la Révolution française, 45 jours avant le début de la Seconde Guerre mondiale, je rappelais les Africains morts pour notre liberté, si loin de chez eux. Ils ont commencé au travers de l'engagement d'un Français d'origine guyanaise, lui-même petit-fils d'esclaves, Félix Eboué. Dans cette salle Monnerville, ils incarnaient cette diversité, cette union à travers l'histoire. Ce n'est pas hasard que nous sommes sous le regard d'un très grand Français et très grand président du Sénat. C'est tout un symbole de ce que nous avons à construire ensemble.
M. Jacques LEGENDRE Ancien ministre, Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les ambassadeurs,
Madame la Directrice de l'Agence française de développement.
Au nom de l'ensemble du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, j'ai le grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Sénat. Nous sommes réunis aujourd'hui pour évoquer le sujet essentiel des défis de l'Afrique face au réchauffement climatique. J'ai souhaité que ce deuxième colloque, organisé par le groupe d'amitié parlementaire en partenariat avec l'Agence française de développement, porte sur ce thème, parce qu'il s'inscrit, d'une part, dans l'actualité brûlante des travaux de la Conférence des Parties qui se dérouleront à Paris dans moins d'un mois, et qu'il constitue, d'autre part, un sujet crucial pour l'avenir du continent, ainsi que nos échanges le démontreront.
En septembre, une délégation du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest a effectué un déplacement au Bénin et au Togo. J'ai été frappé par l'omniprésence de la question environnementale qui fait désormais pleinement partie des préoccupations des autorités politiques africaines qui ont attiré notre attention sur ce point. Alors que les pays de l'Afrique subsaharienne sont de très faibles émetteurs de CO2, ils subissent de plein fouet les effets du changement climatique. Les sociétés africaines, encore en partie rurales, en dépit d'une urbanisation galopante, voient les saisons se dérégler, les phénomènes climatiques extrêmes, tels que les sécheresses et les inondations, se multiplier.
Les changements dans la pluviométrie et l'intensification de l'exploitation des terres risquent d'aggraver la désertification, notamment dans le Sahel occidental et en Afrique australe et septentrionale, alors que la dépendance de l'agriculture pluviale est forte. Les grands fleuves devraient subir également la diminution du ruissellement. Les cycles agricoles en seraient alors perturbés et la sécurité alimentaire des populations pourrait être menacée par la diminution des rendements céréaliers. Nous évoquerons ce sujet fondamental dans notre première table ronde consacrée à l'agriculture et à la gestion de la ressource forestière, en présence notamment de Mme Jacqueline Sultan, ministre de l'Agriculture de la Guinée.
L'érosion des côtes due à la montée du niveau de la mer est également un phénomène préoccupant, d'autant plus que les populations se concentrent dans les grandes villes portuaires (Dakar, Abidjan, Lomé ou Cotonou). On estime ainsi que plus d'un quart de la population africaine vit à moins de 100 kilomètres des côtes. Ces conséquences pèseront donc sur l'Afrique, alors qu'elle n'est que peu responsable de ces dérèglements, qui sont le fait des pays les plus industrialisés.
Enfin, la santé des personnes sera alors menacée par la hausse des maladies et des décès dus aux températures élevées ainsi qu'aux modifications de précipitations qui provoqueront l'extension des zones touchées par les maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme ou la dengue.
Face à ces difficultés, les pays africains font de « l'atténuation 2 ( * ) » au changement climatique et de l'adaptation 3 ( * ) à ses conséquences un pilier de leur stratégie de développement. M. Yvon Collin évoquera probablement le cas du Sénégal, auquel il s'est intéressé avec Mme Fabienne Keller, dans le cadre de leur rapport d'information consacré au financement en matière de lutte contre le changement climatique en faveur des pays les moins avancés.
Au Bénin, le groupe d'amitié sénatorial France-Afrique de l'Ouest, qui s'est rendu dans ce pays en septembre dernier, a découvert le projet « Porto Novo, ville verte », qui vise à aménager la lagune pour valoriser la zone humide, développer l'agriculture périurbaine et prévenir les risques d'inondation. Il s'agit d'un exemple particulièrement intéressant d'adaptation au changement climatique, créateur de richesses et d'emplois pour tout un territoire.
La production et l'accès à l'énergie représentent une formidable opportunité de croissance pour l'Afrique. Le continent est riche d'énergies fossiles, notamment en Angola ou au Nigeria. M. Salem Ould Bechir, ministre du Pétrole et de l'Énergie et des Mines de Mauritanie, évoquera probablement le sujet. L'Afrique bénéficie également de possibilités considérables dans le secteur des énergies renouvelables, notamment l'énergie éolienne et solaire. Au Togo, nous avons découvert les « blue zones », mises en place par le groupe Bolloré, qui proposent aux populations des équipements agricoles et informatiques fonctionnant grâce à la production d'énergie solaire.
Ces projets innovants doivent servir d'exemple dans l'accès des populations à l'énergie. M. Quentin Sauzay, chargé de mission, dont nous avons fait la connaissance au Bénin, nous présentera le programme qu'il contribue à mettre en place dans ce pays. Celui-ci se fonde sur la distribution de kits solaires ainsi que sur l'installation de plus d'une centaine de mini-centrales électriques.
Ce grand rendez-vous de la Conférence des Parties, dont nous souhaitons le succès, doit se tenir dans le cadre de la justice pour l'Afrique. L'Afrique n'est pas responsable du dérèglement climatique, mais elle en subit les conséquences autant que ceux qui en sont responsables. Nous souhaitons donc, avec le Président du Sénat, que le regard africain sur le réchauffement climatique, les conséquences de ce dérèglement et les actions à mener, soit présent au Sénat.
Nos amis africains ont au Sénat des parlementaires attentifs à leurs problèmes. Qu'ils sachent que notre avenir et leur avenir sont liés.
Mme Anne PAUGAM Directrice générale de l'Agence française de développement
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse de participer à l'ouverture de cette conférence. Je remercie le Sénat d'avoir pris cette initiative, et nous sommes heureux de contribuer à cet échange, qui s'impose de manière évidente, compte tenu des enjeux et du calendrier.
L'Afrique est un des continents les moins émetteurs de gaz à effet de serre, mais un des plus vulnérables aux effets du dérèglement climatique.
L'Agence française de développement (AFD) agit toujours en réponse aux demandes et besoins de ses partenaires. Je m'appuie sur les contributions nationales (CPDN) en vue de la Conférence Paris Climat. Pour la première fois dans l'histoire des négociations climatiques, les pays en développement (PED), notamment les pays africains, s'engagent sur des objectifs chiffrés en matière de lutte contre le changement climatique. L'Agence a été heureuse d'accompagner cette mobilisation exemplaire dans plus d'une vingtaine de pays. Le continent dans son ensemble s'est montré jusqu'à présent exemplaire en matière de propositions de projets de contribution des pays qui le constituent.
La préoccupation relative à l'adaptation intervient prioritairement dans ces contributions. Quel que soit le pays africain, l'objectif est de réduire les menaces et les vulnérabilités relatives aux changements climatiques, notamment l'impact de l'élévation des températures sur l'eau et l'agriculture. On constate une progression des zones arides qui représentent les deux tiers du continent. La population se trouve en situation de stress hydrique. La diminution de la ressource en eau, combinée avec la hausse des températures, peut, en outre, menacer l'évolution des rendements agricoles, et donc la sécurité alimentaire. Les ressources en eau et la sécurité alimentaires sont donc des enjeux majeurs au titre de l'adaptation, alors que la croissance démographique est encore très rapide dans la plupart des pays du continent.
Par ailleurs, l'élévation du niveau des mers entraîne des menaces accrues d'inondations et pluies torrentielles, avec des risques de victimes pendant les épisodes extrêmes. Une quinzaine de villes de plus d'un million d'habitants sont situées en zones côtières en Afrique subsaharienne, et leurs habitants sont exposés aux risques sanitaires, de destruction ainsi que ceux liés aux infrastructures économiques (zones touristiques par exemple).
Notre rôle consiste à soutenir les partenaires africains dans la mise en oeuvre de solutions concrètes pour réduire ces vulnérabilités au titre de l'adaptation. Par exemple, au Tchad, la gestion de la ressource en eau et des pâturages est une source potentielle de tensions entre éleveurs et agriculteurs, avec l'aggravation du stress hydrique. En concertation avec les communautés, nous contribuons au financement de l'accès à l'eau et aux puits ainsi qu'aux parcours de transhumance. Ces travaux contribuent à la réduction des tensions entre communautés, ce qui est important pour préserver la sécurité et la stabilité dans la zone sahélienne, tout en contribuant à réduire le surpâturage, la désertification afin d'améliorer la sécurité alimentaire. Dans les pays sahéliens riverains des fleuves Niger et Sénégal, nous participons à des travaux d'irrigation pour améliorer les perspectives d'emploi et la sécurité alimentaire. Dans le domaine urbain, nous finançons la réhabilitation d'ouvrages de drainage et de réception des eaux à Lomé pour assainir la ville et réduire les risques en cas d'inondation.
La réflexion sur l'adaptation s'impose donc, en premier lieu, dans les questions de gestion du changement climatique.
Au sujet du financement, je salue les rapporteurs du Sénat, M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, sur cette question. L'AFD a la conviction qu'un effort particulier est nécessaire sur l'adaptation dans les pays les moins avancés (PMA), en particulier dans les PMA africains. Une dynamique doit se bâtir sur ce sujet, à l'instar de celle qui existe sur le sujet de l'énergie.
L'AFD déploie une « stratégie climat » ambitieuse en tant que bailleur de fonds. La moitié de ses financements doit avoir un impact positif sur les sujets de climat, en adaptation ou atténuation. Il s'agit de projets de développement, ayant des impacts économiques ou sociaux, dont nous souhaitons qu'ils aient en outre un impact positif sur les sujets de l'adaptation ou de l'atténuation (co-bénéfice). Par comparaison, 21 % des financements de la Banque mondiale sont consacrés aux sujets climatiques. La Banque mondiale a annoncé que ce taux s'élèverait à 28 % en 2020. La Banque européenne d'investissement (BEI) part, quant à elle, de 25 % et a annoncé un objectif de 35 %. La part de financement dédiée à ces sujets par l'AFD traduit donc une démarche très volontariste et structurante illustrée par la manière dont elle mène les dialogues et les financements.
Toutefois, nous nous heurtons à la réalité de terrain : trop peu de projets concrets sont encore aboutis en matière d'adaptation. Il est donc nécessaire de faire émerger des stratégies opérationnelles, en intégrant plus fortement la question de l'adaptation dans les politiques d'aménagement et de développement du territoire, et en travaillant notamment avec les autorités locales, qui constituent un des vecteurs principaux permettant de faire avancer les projets et les programmes.
Il s'agit donc « d'opérationnaliser » les contributions nationales. 40 % des financements climat de l'AFD dans les PMA sont dédiés à l'adaptation, mais nous devons faire mieux collectivement. En France, le Président de la République a annoncé, en septembre dernier, une hausse des financements consacrés au développement et au climat, avec un objectif de 4 milliards d'euros supplémentaires en flux annuels en 2020, dont 2 milliards d'euros pour le climat. Un effort particulier a également été annoncé pour une augmentation des dons nécessaires pour l'expertise technique et le soutien aux pays dont le revenu est faible et les capacités d'endettement limitées. Avec ces éléments, nous pourrons ainsi apporter notre contribution de manière significative sur les sujets de climat et d'adaptation. Au niveau international, le Fonds vert a pour objectif de consacrer 50 % du Fonds à l'adaptation.
S'agissant de la dimension d'atténuation figurant dans les contributions nationales, alors que l'Afrique n'a pas été le principal contributeur, nous constatons des engagements en matière d'atténuation, qui traduisent une prise de conscience du caractère universel de ces objectifs. Nous cherchons à trouver de nouveaux modèles de croissance. Il ne s'agit pas de procéder à des arbitrages entre des modèles de croissance moins émissifs et un niveau de croissance lui-même. L'Afrique a un potentiel exceptionnel et des opportunités de transformation du modèle de croissance à saisir, en particulier dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture.
L'agriculture représente 60 % de la population active. M. Jean-Luc François, chef de la division agricole, département rural, biodiversité, à l'AFD, souligne régulièrement qu'il est possible de faire de l'adaptation et de l'atténuation, tout en augmentant les rendements pour nourrir les populations. Le stockage de carbone dans les sols et la réduction de la déforestation ne sont, en effet, pas incompatibles avec une intensification de l'agriculture.
L'enjeu énergétique consiste à supprimer un des goulets d'étranglement du niveau de croissance du continent, notamment en « verdissant le mix énergétique » pour limiter la dépendance aux énergies fossiles, chères à l'importation et dont le prix est aléatoire. Certains pays - Ethiopie, Kenya - sont des pionniers en matière d'exploitation des énergies renouvelables (éolien, hydroélectrique, solaire). Plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest ont également beaucoup investi dans diverses formes d'énergies renouvelables. Il existe aujourd'hui des solutions, qui apparaissaient trop coûteuses dix ans auparavant et qui font aujourd'hui économiquement sens. L'investissement dans de nouvelles technologies finit par les rendre plus accessibles.
Toutes les équipes de l'agence sont mobilisées aux côtés de nos partenaires africains dans cette recherche de nouveau modèle de croissance. Tout ne s'arrête pas à la Conférence Paris Climat, qui est en réalité le début d'une phase de développement et de croissance. La déclinaison opérationnelle de ces contributions nationales constituera une feuille de route partagée pour l'avenir.
* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest : Mme Leila AÏCHI, Mme Michèle ANDRÉ, Mme Éliane ASSASSI, M. Dominique BAILLY, M. Philippe BAS, M. Christophe BÉCHU, M. Michel BILLOUT, Mme Marie-Christine BLANDIN, M. Jean-Marie BOCKEL, M. Jean-Claude BOULARD, M. Michel BOUVARD, M. Olivier CADIC, Mme Agnès CANAYER, M. Jean-Pierre CANTEGRIT, M. Gérard CÉSAR, Mme Hélène CONWAY-MOURET, Mme Cécile CUKIERMAN, M. Ronan DANTEC, M. Robert del PICCHIA, M. Michel DELEBARRE, M. Louis DUVERNOIS, M. Jean-Jacques FILLEUL, M. Jean-Paul FOURNIER, M. Christophe-André FRASSA, M. Jean-Claude FRÉCON, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. François GROSDIDIER, M. Joël GUERRIAU, M. Loïc HERVÉ, Mme Odette HERVIAUX, M. Robert HUE, M. Éric JEANSANNETAS, Mme Sophie JOISSAINS, M. Alain JOYANDET, M. Philippe KALTENBACH, Mme Christiane KAMMERMANN, Mme Fabienne KELLER, M. Georges LABAZÉE, M. Joël LABBÉ, M. Jean-Yves LECONTE, M. Jacques LEGENDRE, M. Jean-Baptiste LEMOYNE, Mme Claudine LEPAGE, Mme Valérie LÉTARD, M. Jean-François LONGEOT, M. Jeanny LORGEOUX, M. Didier MANDELLI, M. Didier MARIE, M. Jean-Marie MORISSET, M. Philippe MOUILLER, M. Jean-Vincent PLACÉ, M. Hervé POHER, M. Henri de RAINCOURT, M. Daniel RAOUL, M. Daniel REINER, M. Charles REVET, Mme Catherine TASCA, M. Jean-Pierre VIAL, M. Richard YUNG
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N° GA 130 - Novembre 2015
* 2 L'atténuation consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter les effets du
changement climatique.
* 3 L'adaptation consiste à augmenter les effets positifs du nouveau climat.