TABLE
RONDE 4 -
FAIRE DES AFFAIRES AU MOZAMBIQUE AU QUOTIDIEN
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique
Ont participé à cette table ronde :
Mme Pauline-Hélène MEDINA, directeur général de Rovuma Consultores et fondatrice du club d'affaires franco-mozambicain
M. Stéphane SOLE, vice-président Afrique de l'Est, Technip
Mme Florence ARNOUX, VP International Large Account Manager, CIS Moçambique Lda
Mme Amina GOULAMALY, Présidente, Aquapesca
M. Arnaud FLEURY. - Mme Médina, vous êtes directrice générale de Rovuma Consultores et par ailleurs fondatrice du club d'affaires franco-mozambicain. Il me semble que vous vous êtes installée dans le pays il y a six ans.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Tout à fait. Je suis arrivée au Mozambique il y a six ans. J'ai travaillé durant quatre ans en tant que directeur financier dans le secteur pétrolier puis à Maputo dans le secteur des télécoms. J'ai ensuite créé, il y a deux ans, ma société spécialisée en comptabilité externalisée, ressources humaines et conseil fiscal.
M. Arnaud FLEURY. - Pourquoi êtes-vous au Mozambique et non au Nigeria par exemple ?
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Nous sommes au Mozambique parce que nous l'avons choisi, tout simplement.
M. Arnaud FLEURY. - Dites-nous quelques mots, pour commencer, du contexte comptable et fiscal mozambicain.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Il existe au Mozambique une obligation de comptabilité organisée pour les sociétés en régime normal (IRPC) qui concernera la majorité, voire la totalité des entreprises ici présentes. L'audit externe est obligatoire pour les sociétés à actionnariat étranger, même partiel. Il existe des exigences en matière de conformité comptable (plan de comptes mozambicain, monnaie, langue à respecter).
Il faut également demander l'autorisation du ministère des finances avant de pouvoir utiliser un logiciel de facturation. Une comptabilité peut être établie en double plan (français et mozambicain).
Des exigences existent aussi en matière de flux de trésorerie entrants et sortants. Les flux entrants doivent être déclarés à la Banque du Mozambique (banque centrale) dans les trois mois suivant l'arrivée sur le territoire. Pour les flux sortants, il faut demander une autorisation à la Banque du Mozambique. Des règlements spécifiques existent par nature de flux. Dans le cas de dividendes, par exemple, il faut fournir la preuve de l'audit des comptes et être à jour de ses déclarations de tous les flux entrants depuis la création de la société. Il n'existe pas encore d'accord permettant d'éviter la double imposition au Mozambique et en France. Nous espérons qu'un tel accord sera négocié au cours des mois ou des années à venir. L'actionnariat intermédiaire est favorisé. Les sociétés françaises peuvent passer par leurs filiales aux Émirats Arabes Unis ou à l'île Maurice afin de réduire la retenue à la source pour les dividendes, par exemple (aucune retenue pour les Émirats, 8 % dans le cas de l'île Maurice, contre 20 % au Mozambique).
M. Arnaud FLEURY. - J'imagine qu'il existe aussi des accords avec le Portugal.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Tout à fait. Le taux d'imposition est réduit à 10 % dans ce cas. Il y a aussi un accord avec l'Italie.
M. Arnaud FLEURY. - Faut-il faire chaque année une déclaration ?
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Ce n'est pas automatique. Il faut effectuer une déclaration pour chaque fournisseur et constituer un dossier à chaque fois pour activer l'accord.
Le ministère des finances est, à mes yeux, l'un des mieux organisés, avec une communication transparente et de plus en plus exhaustive, ce qui facilite la vie des entreprises au Mozambique.
Quant à l'implantation des sociétés au Mozambique, il existe bien sûr des lenteurs administratives liées à l'obtention des licences. Je voudrais souligner la création en 2007 du BAU ( Balcão de Atendimento Unico ), qui facilite la centralisation de toutes les démarches dans le même guichet. Elle n'est pas encore synchronisée avec toutes les administrations du ministère mais facilite notamment l'obtention des licences.
Les avocats ne fournissant pas toujours une vue exhaustive ni réaliste de l'implantation au Mozambique, il faudra penser à anticiper vos besoins en trésorerie. Les coûts d'implantation sont très élevés au Mozambique, notamment parce que les loyers sont aussi chers qu'à Londres, tant pour les bureaux que pour les logements.
Les prix sont deux à trois fois plus élevés qu'en Afrique du Sud. Il existe des possibilités de s'installer à coûts réduits en louant un espace dans un des nombreux centres d'affaires qui se développent actuellement. Cela facilite aussi le networking .
M. Arnaud FLEURY. - On sait que la situation est comparable en Angola. Peut-on s'attendre à une baisse de ces coûts d'implantation ?
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Les développements de projets gaziers tirent les prix vers le haut, car ils créent des besoins sans nécessité de contrôle immédiat sur les coûts. Les prix font néanmoins l'objet d'un contrôle meilleur qu'en Angola, où ils sont encore trois à quatre fois plus élevés qu'au Mozambique. De nombreux projets de constructions d'immeubles tendent aussi à faire diminuer les prix des logements, même si c'est moins le cas pour les bureaux.
Il faut aussi souligner la forte culture du consensus qui marque tous les échanges au Mozambique, ce dont il faut être conscient : vos interlocuteurs seront toujours d'accord et il faut creuser le sujet pour s'assurer que votre interlocuteur peut effectivement être votre partenaire.
M. Arnaud FLEURY. - J'imagine que cela veut aussi dire qu'il ne faut pas brusquer ses interlocuteurs ni « passer en force ».
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Absolument. Il faut toujours faire preuve de beaucoup de courtoisie et respecter les codes et les règles.
Le faible niveau d'études des Mozambicains a été souligné. Un pas important sera à franchir du point de vue des universités et du système de formation. Il existe un manque considérable de centres de formation au Mozambique, dans tous les secteurs. L'Institut français du pétrole envisage de créer une entité permanente au Mozambique afin de délivrer des formations auprès des ministères et organismes publics comme auprès des acteurs privés.
M. Arnaud FLEURY. - Je crois qu'il faut aussi embaucher du personnel agréé.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - C'est vrai. Dans le domaine du BTP, notamment, il faut avoir embauché un certain nombre d'ingénieurs agréés spécialisés dans le secteur. Leur nombre dépend de l'importance de l'appel d'offres considéré.
De nombreuses questions nous sont posées à propos des quotas d'étrangers qu'impose le pays et il faut préciser ce qu'il en est. Si vous respectez les quotas, l'autorisation est délivrée de façon quasi-automatique. Au-delà des quotas, il faut demander une autorisation, avec de bonnes chances de l'obtenir. Si vous présentez un plan de formation prévoyant un programme de transfert de connaissances à moyen et long terme, vous augmentez vos chances de recevoir l'autorisation demandée.
Par ailleurs, au-delà de son action en faveur d'incitations financières et pour la diminution de l'impôt sur les sociétés, un autre volet de l'action du CPI est moins connu : celui-ci facilite le dépassement des quotas, notamment au cours des cinq premières années d'exercice, par un effort de coordination avec le ministère du travail.
Une nouvelle loi a été adoptée en 2011, limitant l'exportation de devises. Vous ne pouvez plus acheter de dollars au Mozambique à partir de vos comptes multi-cash . Le seul approvisionnement en dollars est le règlement de factures de clients - ce qui se pratique beaucoup. De nombreux contrats et paiements sont établis en dollars américains. Vous pouvez également recevoir des paiements de clients extérieurs en devises.
M. Arnaud FLEURY. - L'exportation de devises doit-elle être vue comme un problème ?
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Si l'on respecte les règlements de la banque centrale, cette exportation est limitée mais elle n'est pas difficile.
S'agissant de la visibilité des appels d'offres, il faut connaître les codes propres à l'environnement des appels d'offres au Mozambique, comme cela a été souligné à juste titre. C'est très important.
M. Arnaud FLEURY. - Je crois que l'environnement législatif est encore en structuration.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Effectivement. Il existe notamment un projet de mise en place d'une taxe professionnelle en 2015. Le taux n'a pas encore été fixé mais ce projet est de bon augure eu égard aux besoins de formation des Mozambicains.
La difficulté de récupération de la TVA est parfois évoquée. Nous avons eu l'écho d'un projet de loi portant sur la compensation de la TVA, qui faciliterait la récupération par les entreprises. Jusqu'il y a trois ou quatre ans, le remboursement de la TVA sur deux ou trois années était possible à 80 % ou 90 %. Depuis trois ans, l'État étant confronté à des problèmes croissants de trésorerie, c'est devenu plus difficile, d'où ce projet de loi qui devrait être adopté en 2015 ou 2016. La loi permet en tout cas la récupération de TVA.
La garantie minimum de la part du capital payée, si vous souhaitez recevoir un prêt, s'établit à 30 % du prêt total demandé.
La procédure d'immigration devrait assouplir davantage les procédures de synchronisation d'obtention du visa de travail et du visa de résidence pour les étrangers au Mozambique.
Un projet de loi est à l'étude afin de définir les politiques de transfer pricing . Si votre maison mère vous loue un service au Mozambique, ce coût est déductible. Il s'agit d'une façon de faire de l'optimisation fiscale.
Un projet est à l'étude, sous l'égide du ministère des finances, afin de limiter ces pratiques. Pour l'heure, la loi est très floue et évoque seulement « un montant raisonnable ».
M. Arnaud FLEURY. - M. Solé, chacun connaît Technip, qui est un des poids lourds du secteur pétrolier. Vous êtes vice-président pour l'Afrique de l'Est de Technip et aussi conseiller du commerce extérieur de la France. Nous aurons l'occasion de revenir sur votre vision des affaires à ce titre. Dites-nous d'abord quelle est la stratégie de Technip vis-à-vis du potentiel considérable que présente le Mozambique dans le secteur pétrolier.
M. Stéphane SOLE. - En 2010, des réserves de 180 TCF (c'est-à-dire 180 milliards de pieds cubes) de gaz ont été découvertes dans le Nord du Mozambique. Technip est impliqué depuis 2011 dans les études de pré-faisabilité et la cartographie des ressources ( resource mapping ) en vue de préparer les projets et maximiser le contenu local de nos offres. Ces réserves de gaz sont situées dans l' offshore profond (à plus de 2 000 mètres de profondeur), avec un contexte sous-marin présentant un profil complexe (du fait notamment de canyons à traverser). Tout le Nord du Mozambique est un site vierge et nous devrons inventer des solutions techniques créatives, notamment sur le plan logistique, pour monter ces projets.
Nous exerçons au Mozambique nos trois segments d'activités : le subsea (avec les pipelines), l' onshore (avec les usines de liquéfaction) et le floating LNG , dans lequel nous avons une position de leader.
M. Arnaud FLEURY. - Vous avez décidé d'avoir une présence permanente au Mozambique. Quel est le chiffre d'affaires qui pourrait être réalisé par Technip dans ce pays ?
M. Stéphane SOLE. - On peut parler du volume des marchés. En ce qui concerne les deux projets actuels menés par ENI, Anardarko et leurs partenaires (dont l'Etat mozambicain), il est question de plusieurs dizaines de milliards de dollars d'investissements et nous faisons tout pour proposer une offre complète, qui mette en valeur nos technologies, nos savoir-faire et la promotion du contenu local.
M. Arnaud FLEURY. - Le Mozambique est-il une priorité pour Technip ? Qu'est-ce qui y ressemble, pour Technip, à d'autres pays comparables ?
M. Stéphane SOLE. - Chaque pays est différent. Nous écoutons nos interlocuteurs (sociétés nationales, États, autres partenaires) et nous nous adaptons à leurs besoins, en nous efforçant de proposer la meilleure offre.
M. Arnaud FLEURY. - Est-ce facile de répondre aux appels d'offres ? Avez-vous un message particulier à faire passer ?
M. Stéphane SOLE. - Nous communiquons beaucoup avec nos clients, nos partenaires, l'Entreprise nationale d'hydrocarbures (ENH) et Investisseurs et Partenaires (I&P). Nous avons également signé des protocoles d'accord en vue de faciliter des transferts de technologie (maîtrisés) vers la société d'Etat ENH. Nous avons développé des partenariats avec l'université afin de mettre en place une formation et de pallier les problèmes de main-d'oeuvre. Nous impliquons toute notre chaîne de sous-traitants dans cette offre de formation. Nos partenaires mozambicains jouent d'ailleurs un rôle moteur et nous incitent à former leur personnel.
M. Arnaud FLEURY. - Des annonces ont été faites et des chiffres circulent à l'horizon 2018. Comme nous l'avons vu, le prix mondial du gaz s'est écroulé récemment. Quelle est votre analyse actuellement ?
M. Stéphane SOLE. - Nous finalisons nos offres techniques et commerciales sur ces trois projets. Les décisions se prendront entre les opérateurs, les partenaires et l'État mozambicain. J'espère que les choses iront vite.
M. Arnaud FLEURY. - Mme Azmina Goulamaly, Aquapesca, dont vous êtes Présidente, est une ferme aquacole produisant des crevettes et la filiale d'un groupe réunionnais. Vous faites partie des plus anciennes entreprises françaises présentes au Mozambique. Alors même que le pays était dévasté, vous avez fait le pari de vous y installer, dans les années 90. Quels sont les éléments saillants de votre expérience dans le pays ?
Mme Azmina GOULAMALY. - Bonjour et merci beaucoup. Nous sommes des Français implantés dans l'Océan indien depuis cinq générations. Nous sommes présents dans les télécoms à La Réunion et à Madagascar. Nous avons oeuvré dans la pêche australe dans les terres antarctiques françaises. Dans cette région, rien ne nous a autant passionnés que notre développement au Mozambique. 2015 est une année symbolique pour nous puisque nous fêtons notre vingtième année de présence au Mozambique.
Aquapesca est une ferme aquacole implantée à Quelimane et Nacala, qui produit des crevettes mais aussi, depuis peu, des palourdes et du tilapia. Pour la première fois en 2015, plus de 50 % des produits de la mer consommés dans le monde sont issus de l'aquaculture et non plus de la pêche. C'est un secteur où les questions de sécurité alimentaire, de développement économique et social et de développement durable sont essentielles. Le Mozambique a un atout extraordinaire, avec ses 3 000 kilomètres de côtes. C'est un pays totalement vierge de pollution, animé par une volonté politique de développer le secteur de manière durable et « bio ».
Nous inscrivons notre action dans la durée. Je remercie M. l'Ambassadeur d'avoir souligné notre investissement, qui est effectivement important (plus de 50 millions d'euros au Mozambique ces vingt dernières années).
Nous menons aussi une action très importante en termes de formation, de collaboration avec les universités du Mozambique et d'insertion dans une province, la Zambézie, qui est particulièrement pauvre. Ceci nous place parmi les principaux investisseurs réunionnais.
Nous avons présidé les Ateliers généraux à La Réunion sur le thème de l'insertion de La Réunion dans son environnement économique et défendons cette coopération dans la région, qui nous paraît essentielle pour les entreprises réunionnaises et françaises.
Nous employons plus de 1 000 personnes dans l'ensemble de nos activités sur nos deux sites et produisons au Mozambique pour l'export. Nous exportons nos crevettes en Europe, notamment en Angleterre, en Asie, vers Hong Kong, Singapour, et vers l'Afrique du Sud.
Nous exportons aussi au Japon, désormais, avec les palourdes. Depuis peu, nous produisons pour le marché local à travers ce projet de tilapia. Lorsqu'Aquapesca a démarré, nous n'imaginions pas disposer de cette base locale de développement.
M. Arnaud FLEURY. - Souhaitez-vous continuer d'investir aujourd'hui ?
Mme Azmina GOULAMALY. - Nous souhaitons d'autant plus continuer d'investir que nous exportons désormais les produits de la mer vers le Mozambique à partir de notre usine de Lorient, ce qui témoigne de la vitalité du marché local. Nous investissons aussi en recherche et développement, ce qu'il me paraît important de souligner, car c'est le fruit d'une coopération franco-mozambicaine. La France dispose d'un savoir-faire très important en aquaculture et nos équipes sont aujourd'hui à 100 % mozambicaines. Nous avons publié il y a quatre jours un article portant sur un programme de recherche et développement de lutte contre les pathologies virales en santé animale. C'est une première mondiale en aquaculture et c'est le fruit du travail d'une société mozambicaine, qui emploie des chercheurs mozambicains et un biologiste français.
M. Arnaud FLEURY. - Au-delà de ce discours, quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés au jour le jour, dans un environnement comme celui du Mozambique ?
Mme Azmina GOULAMALY. - J'oserai dire que ce n'est pas plus difficile qu'en France. Gérer une activité industrielle en France est également compliqué. Le Mozambique présente ses règles et ses contraintes. Dans notre secteur, cet encadrement nous semble important car c'est une façon de protéger l'actif essentiel que constituent la terre mozambicaine et les ressources qu'elle renferme. Effectivement, il n'y a pas de raccourci. Le pays manque d'infrastructures. Nous avons cinq laboratoires sur site. Aucune ferme, ailleurs dans le monde, n'a besoin de s'appuyer sur autant d'expertise.
Le Mozambique n'est pas un pays où la production est peu chère. Il faut le savoir au départ, car l'erreur peut consister à sous-estimer les besoins en formation et l'infrastructure à gérer pour l'ensemble des projets.
M. Arnaud FLEURY. - J'imagine que les salaires sont faibles, voire très faibles. Mais tout le reste s'additionne.
Mme Azmina GOULAMALY. - Tout à fait. Cela prend du temps. Nous avons aujourd'hui du personnel mozambicain mais il nous a fallu vingt ans pour le former.
M. Arnaud FLEURY. - Quel est le salaire mensuel d'un ouvrier dans une entreprise bien structurée comme la vôtre ?
Mme Azmina GOULAMALY. - Le salaire minimum, dans notre ferme, s'établit à 160 dollars par mois.
M. Arnaud FLEURY. - Ce montant est bien supérieur à ce qui se pratique ailleurs dans le pays.
Mme Azmina GOULAMALY. - Absolument. Lorsque nous sommes arrivés dans le pays, la porte d'entrée était déjà le CPI, dont l'efficacité ne s'est jamais démentie. Nous disposons d'un cadre d'investissements très sécurisé qui nous convient tout à fait. Nous avons aussi été accompagnés par l'AFD et la Proparco durant une partie de l'histoire du développement d'Aquapesca.
M. Arnaud FLEURY. - Mme Florence Arnoux, vous êtes une des dirigeantes du groupe marseillais CIS, très belle entreprise de taille intermédiaire française spécialisée dans la restauration et l'hôtellerie collectives dans les pays extrêmes. En gros, vous êtes là où Sodexo n'est pas, c'est-à-dire par exemple dans les mines, sans doute les plates-formes offshore , etc. Vous avez décidé de vous installer au Mozambique. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
Mme Florence ARNOUX. - Nous avons créé la filiale il y a deux ans. J'ai assisté à un voyage organisé par le MEDEF International et je savais qu'il y avait de nombreux projets susceptibles de nous intéresser au Mozambique, dans différents secteurs, et des entreprises que nous pouvions accompagner. Notre goût de l'aventure nous a conduits à nous implanter au Mozambique. Nous avons choisi un partenaire mozambicain. Nous avions un premier client, l'entreprise brésilienne Vale, dans le secteur minier, qui avait de gros projets au Mozambique et qui nous a fait confiance pour l'accompagner dans ce pays.
Nous avons voulu nous implanter au niveau social, sociétal et environnemental et avons recherché des partenariats avec des écoles de restauration, notamment dans la région de Nacala. Nous avons noué des partenariats avec des sociétés agricoles.
Nous avons mis en place des programmes de formation avec ces entreprises locales qui se développent considérablement aujourd'hui, ce qui nous permet de nous fournir en achats locaux pour nos projets dans la région. Pour l'instant, ce dispositif fonctionne bien. Nous employons actuellement 300 personnes au Mozambique.
M. Arnaud FLEURY. - Êtes-vous dans une logique d'investissement dans le pays ? J'imagine notamment que tous les projets dans les champs gaziers vous intéressent.
Mme Florence ARNOUX. - Nous répondons à tous les appels d'offres importants, qui concernent la région de Palma et les grandes sociétés d'ingénierie (Anadarko, ENI). Nous envisageons différents programmes d'investissement et nous attendons que ces appels d'offres paraissent afin de connaître leurs lauréats.
M. Arnaud FLEURY. - Votre Groupe réalise 300 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde, en particulier dans des pays extrêmes. Qu'est-ce qui différencie le Mozambique dans l'expérience des affaires, au regard d'autres pays que vous connaissez ?
Mme Florence ARNOUX. - Il s'agit d'une ancienne colonie portugaise. Je suis rendue dans de nombreux pays d'Afrique mais j'ai été très surprise, au départ, par la langue portugaise. On rencontre à Maputo toutes les plus grandes entreprises anglo-saxonnes et du monde entier. Cet environnement m'a paru très dynamique.
M. Arnaud FLEURY. - S'agit-il d'un pays prioritaire pour vous en Afrique ?
Mme Florence ARNOUX. - Nous avons choisi de nous y implanter. Nous avons des bureaux à Maputo. Nous avons une filiale, d'où nous conduisons nos opérations, à Nacala. Nous envisageons aussi une implantation dans les régions de Pemba ou Palma, en fonction des décisions qui seront prises.
M. Arnaud FLEURY. - M. Stéphane Solé, je rappelle que vous êtes également conseiller du commerce extérieur. Comme on l'a dit, une trentaine de filiales et succursales françaises sont implantées au Mozambique. Pouvez-vous nous citer quelques noms, quelques secteurs et nous dire le message que vous souhaiteriez faire passer en tant que conseiller du commerce extérieur à ceux qui prospectent le Mozambique ?
M. Stéphane SOLE. - Je suis ravi que les femmes soient aussi nombreuses à cette table. Il est plus difficile de recruter des femmes parmi les conseillers du commerce extérieur. Dans les transports logistiques, j'ai noté la présence au Mozambique de Bolloré, CMA-CGM, AGS et FOSELEV. Dans les filières agroalimentaires, il existe les sociétés Tereos et Aquapesca. Dans le négoce, il y a Louis Dreyfus. Dans les services, sont présentes les sociétés Egis, Ingerop, Bureau Veritas, Sofreco, CIS et nous-mêmes.
Dans l'énergie, on peut citer Total. Dans le BTP, Razel-Bec et Vinci sont présents au Mozambique. Enfin, dans la construction mécanique, il faut noter la présence d'Alstom et celle, désormais, de Cegelec dans le cadre du contrat AFD.
Quant aux perspectives de croissance, de nombreuses sociétés viennent aujourd'hui en mission dans le pays. Nous constatons un fort dynamisme de ce point de vue.
M. Arnaud FLEURY. - Quels conseils faut-il leur donner ? Est-il indispensable de rechercher un partenaire local ? Est-il difficile à trouver, le cas échéant ?
M. Stéphane SOLE. - Cela dépend du secteur d'activité. Il faut comprendre la dynamique des affaires au Mozambique. Un nouveau gouvernement vient d'être nommé. De nouvelles lois se mettent en place. Il faut également prendre en compte le contexte international et notamment le faible prix des matières premières (charbon et gaz), qui tend à ralentir la croissance. Nos membres recommandent plutôt de bien analyser le marché, de bien comprendre qui fait quoi, d'évaluer les opportunités et de discuter avec son futur partenaire. N'hésitez pas à solliciter le club d'affaires, les services de l'ambassade, le service de la mission économique et les conseillers du commerce extérieur afin de vous aider à évaluer ces partenaires potentiels.
M. Arnaud FLEURY. - Je rappelle qu'il y a de nombreuses initiatives en préparation. Outre la Foire déjà évoquée par Business France, je crois que la visite du Président mozambicain à Paris est prévue en juillet prochain.
M. Stéphane SOLE. - Tout à fait. Il faut souligner le dynamisme du support de l'ambassade et des services économiques et de la diplomatie économique, qui est également active. Le Groupement des entreprises pétrolières et parapétrolières (GEPP) qui est venu à Maputo, la semaine dernière, a reçu un accueil très chaleureux par les autorités mozambicaines.
M. Arnaud FLEURY. - Il semble même que la délégation française ait été mieux accueillie que la délégation britannique.
M. Stéphane SOLE. - De nombreuses délégations visitent la capitale en ce moment, et nous nous félicitons en particulier de l'accueil reçu par cette délégation française.
M. Arnaud FLEURY. - Mme Pauline-Hélène Medina, vous êtes l'initiatrice du club d'affaires franco-mozambicain qui est en train de se mettre en place.
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Notre objectif est de faciliter l'implantation des sociétés françaises au Mozambique et des sociétés mozambicaines en France. Nous voulons répondre à un besoin de visibilité et de networking au Mozambique.
Nous avons prévu des événements bimensuels, des conférences sectorielles suivies de cocktails et des cocktails en présence de représentants d'autres pays européens, afin de favoriser ce networking .
M. Arnaud FLEURY. - J'ai l'impression que la communauté française est dans les starting-blocks . Sommes-nous en avance ou en retard par rapport à nos voisins européens ?
Mme Pauline-Hélène MEDINA. - Nous sommes en avance par rapport aux Britanniques. Nous sommes bien organisés et bénéficions du soutien très appréciable de l'ambassade de France. Nous souhaitons aussi développer des partenariats locaux avec des associations, la chambre de commerce de Maputo, la Confédération économique des associations (CTA) et l'Association du Commerce et de l'Industrie (ACIS). Cette dernière compte 400 membres et constitue le plus grand réseau d'affaires au Mozambique.
M. Arnaud FLEURY. - Merci pour cette photographie assez complète. Je vous propose d'ouvrir le débat avec la salle.