TABLE RONDE 4 - COMMENT PÉRENNISER VOS AFFAIRES EN ASEAN ?
Ont participé à cette table ronde :
M. Alain REHOCREUX, Directeur du développement international, Olmix
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER, Responsable du développement international, HSBC
M. Marc CAGNARD, Directeur Ubifrance, Vietnam
M. Frédéric ROSSI, Directeur Ubifrance, Singapour
Mme Claire CAMDESSUS, Directrice Ubifrance, Thaïlande, Birmanie
M. Eric TAINSCH, responsable projets, BPI France
Mme Martine PARTRAT, Responsable des partenariats Air France
M. Philippe FORESTIER, Directeur général adjoint, Dassault Systèmes
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M. Frédéric ROSSI . - Une fois que vous serez venu nous trouver, que vous aurez sélectionné deux pays et trouvé un distributeur, que vous aurez commencé à développer vos affaires, pour finalement travailler avec un réseau de six distributeurs, par exemple au bout de deux ans, vous vous rendrez alors compte que vous aurez très rapidement besoin d'une présence locale. Il faut dès lors adopter une approche spécifique en fonction du pays. Pour définir cette approche, il faut étudier tous les flux physiques au sein de la zone ainsi que les flux de cette zone vers la France et vers d'autres marchés asiatiques. Il convient donc d'optimiser les flux physiques, ce qui peut passer par une plateforme logistique. Il faut aussi optimiser les flux financiers et se demander combien cette présence locale va vous coûter.
M. Arnaud FLEURY . - Avez-vous des chiffres à nous donner en matière de retour sur investissement selon les pays de l'ASEAN ?
M. Frédéric ROSSI . - Les retours sur investissement sont très variables selon les secteurs d'activité. Si un marché porteur et un bon distributeur ont été identifiés, le retour sur investissement peut être rapide. Le choix des partenaires constitue un moment clé, pour lequel il convient de prendre son temps. Je conseillerai ainsi de venir deux ou trois fois dans chaque pays, de rencontrer vos contacts à plusieurs reprises, notamment sur des salons et de leur envoyer des mails, pour créer du relationnel. En Asie, vie professionnelle et vie personnelle sont plus mélangées qu'en Europe et il faut commencer à tisser des relations personnelles avec les collaborateurs afin de faire des affaires. Le retour sur investissement dépendra donc beaucoup du choix du partenaire.
M. Arnaud FLEURY . - Qu'en est-il au Vietnam ?
M. Marc CAGNARD . - Le choix du partenaire y est également très important. Le retour sur investissement dépend également beaucoup du pays avec lequel la zone est abordée. Au Vietnam, les temps de réaction et de transformation sont ainsi beaucoup plus longs qu'à Singapour ou qu'en Malaisie. Une entreprise française a besoin d'environ douze mois pour percer au Vietnam, ce qui représente un engagement financier et humain certain.
M. Arnaud FLEURY . - Olmix est une PME bretonne, située dans le Morbihan. Il s'agit d'un spécialiste mondial de la chimie verte sous toutes ses formes. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Au bout de combien de temps avez-vous gagné de l'argent en ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Le retour sur investissement peut être immédiat sur un marché d'opportunités, mais pour s'implanter dans un pays et développer un marché à l'export, le retour sur investissement peut nécessiter plusieurs années. Nous sommes, pour notre part, présents en Chine depuis dix ans et notre retour sur investissement y est toujours négatif. Il faut donc budgéter son projet d'export et définir les endroits sur lesquels il faut absolument être présent.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle est votre stratégie pour l'ASEAN ? Depuis combien de temps êtes-vous présent en Asie ?
M. Alain REHOCREUX . - L'Asie présente de multiples visages selon les pays et les marchés, qui nécessitent donc des approches différentes. Nous avons commencé à être présents en Asie par les Philippines, où nous avons trouvé un contact qui parlait anglais. Nous nous sommes ensuite tournés vers la Thaïlande, après avoir participé à un salon à Bangkok avec Ubifrance. La Thaïlande est vite devenue trop cher pour nous et nous nous sommes dirigés vers le Vietnam.
M. Arnaud FLEURY . - Pour pérenniser son affaire, il faut continuer à être présent durant les coups durs et les crises ou faut-il savoir se couper le bras ?
M. Alain REHOCREUX . - Il ne faut pas baisser les bras pour s'orienter vers l'export. Il ne faut pas couper la branche sur laquelle on est bien assis (l'ASEAN représente cette branche pour nous), mais ne pas hésiter à couper des brindilles gênantes, telles qu'un mauvais distributeur ou un mauvais conseiller. Pour l'export, le partenariat constitue une clé en effet.
M. Arnaud FLEURY . - L'implantation industrielle correspond-elle à la véritable étape de pérennisation en ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Une stratégie à l'export est nécessaire en premier lieu. Nous travaillons dans le domaine de l'agriculture et nous ne pouvons pas nous permettre d'être absents d'Asie. Il faut d'abord prendre la température de la zone, puis choisir un pays pour s'implanter, après que le marché a été testé. Ensuite, vous pourrez commencer à fabriquer dans la région. Il me semble important de ne pas brûler les étapes.
M. Arnaud FLEURY . - Est-il intéressant d'envisager des implantations industrielles au Vietnam ou ailleurs ?
M. Marc CAGNARD . - Nous constatons deux types d'implantations au Vietnam : celles qui ont pour objectif de produire à moindre coût pour réexporter vers l'Europe et les entreprises qui s'installent pour servir le marché local. Ce sont davantage vers les secondes que nous nous orientons. Nous pouvons ainsi citer la société Piriou, qui fabrique des bateaux de pêche, notamment pour servir le marché local avec beaucoup de réussite. Cette société utilise le Vietnam comme plateforme de redistribution et d'expansion sur la zone ASEAN et asiatique.
M. Frédéric ROSSI . - Dans certains secteurs, comme la défense, il est nécessaire d'entrer avec une implantation industrielle pour gagner des contrats. En outre, il ne faut pas se tourner vers les pays de l'ASEAN uniquement pour aller chercher de la compétitivité coût, qui s'érode dans cette zone, tout comme en Chine.
M. Arnaud FLEURY . - Les coûts restent cependant très bas au Vietnam et au Cambodge.
M. Frédéric ROSSI . - Oui, mais ils s'érodent et la main-d'oeuvre disponible est limitée. Il est ainsi difficile de trouver des cadres moyens au Vietnam, ainsi que des ouvriers formés. Il convient donc d'adopter une approche globale de développement au sein de la zone.
M. Arnaud FLEURY . - Quels financements permettent de sécuriser la stratégie dans les pays d'ASEAN ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Cette politique de pérennisation sur les flux financiers est d'actualité lors de l'implantation, mais commence dès la prise de décision d'exportation, en France. En cas d'appel d'offres, l'entreprise propose un prix, elle doit pouvoir évaluer sa probabilité d'obtenir le marché et déjà envisager une couverture par rapport à l'euro. Il s'agit en effet de sa marge commerciale et de sa future capacité à croître.
M. Arnaud FLEURY . - Des garanties sont cependant disponibles pour se prémunir contre le risque de change.
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Effectivement, il existe plusieurs techniques, dont la plus simple semble être la couverture de change à terme, lorsque l'exportateur demande à son banquier de lui garantir un taux de conversion à 60 jours, pour protéger sa marge.
M. Arnaud FLEURY . - Que faut-il faire pour investir durablement dans un pays, en mettant en jeu des sommes importantes ? Quels sont les avantages et les inconvénients d'un financement local ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Lorsqu'une entreprise française crée une filiale à l'étranger, cette dernière ne dispose pas d'antériorité et son bilan est bref. Le dialogue avec un banquier local est donc difficile. HSBC propose de ne pas envisager cette filiale par ce prisme étroit, mais à travers la relation que HSBC entretient en France avec la maison-mère et les autres filiales éventuelles, ce qui facilite l'octroi de crédits au niveau local. Nous avons ainsi mis en place le processus de l'endossement, qui permet à ces filiales d'avoir accès aux financements locaux.
M. Arnaud FLEURY . - Est-il intéressant de se structurer autour d'une place financière, comme Singapour ou Hong-Kong ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Il s'agit effectivement des deux places financières qui offrent le plus de possibilités. La réglementation y est peu contraignante et ces deux places doivent donc être privilégiées. Elles présentent chacune des avantages, elles sont très efficaces et très modernes et permettent de mettre en place des solutions de cash pooling (gestion centralisée de trésorerie).
M. Arnaud FLEURY . - La question des finances locales est-elle cruciale pour une PME telle qu'Olmix ?
M. Alain REHOCREUX . - Oui, c'est le nerf de la guerre ! L'exportation nécessite en effet un retour d'argent pour être intéressante. L'implantation est parfois posée comme une condition nécessaire pour réaliser des affaires dans une zone. Pour cela, il importe de travailler avec une banque qui a pignon sur rue et qui s'appuie sur un réseau. Ensuite, au niveau local, il faut parfois travailler avec des banques locales. Chez Olmix, nous travaillons beaucoup avec des VIE, afin de limiter les risques.
M. Arnaud FLEURY . - Que dire du tissu bancaire local ? J'imagine qu'il est très variable selon les pays.
M. Frédéric ROSSI . - Ce tissu est de bonne qualité à Singapour. Nous travaillons ainsi avec HSBC et trois banques singapouriennes, qui disposent de filiales dans les autres pays de la zone.
M. Marc CAGNARD . - Au Vietnam, le système bancaire souffre beaucoup en ce moment. Nous travaillons dans ce pays avec des relais tels que HSBC et des banques françaises.
M. Arnaud FLEURY . - HSBC essaye donc d'accompagner les PME au maximum et de leur proposer une offre globale relative au grand export ?
M. Patrick GILLARD CHEVALLIER . - Tout à fait. HSBC propose des services spécifiquement pour le marché des PME et des ETI. Nous sommes présents dans vingt pays en Asie, dont sept en ASEAN. Nous offrons la possibilité d'ouvrir un compte, ce qui est également possible à distance, à partir de la France. Nous sommes en train de développer des postes de conseillers d'entreprises internationaux. Nous en comptons ainsi plus de 70 en France. Ces collaborateurs sont spécifiquement formés et spécialisés sur le secteur des entreprises internationales.
M. Alain REHOCREUX . - Nous travaillons beaucoup avec HSBC, qui est largement représentée localement. HSBC apporte des services intéressants aux PME, notamment pour nous qui sommes cotés en bourse et souhaitons minimiser nos risques.
M. Arnaud FLEURY . - Quel est votre chiffre d'affaires ?
M. Alain REHOCREUX . - 60 millions d'euros. Lorsque nous avons commencé, notre entreprise comptait six collaborateurs et c'est l'export qui nous a fait grandir.
M. Arnaud FLEURY . - Quelle part de votre chiffre d'affaires l'Asie représente-t-elle ?
M. Alain REHOCREUX . - L'Asie représente le tiers de notre chiffre d'affaires.
Intervenant de la salle - Des pôles de compétitivité ont-ils été mis en place en ASEAN ? Quels sont vos liens avec les universités ?
M. Frédéric ROSSI . - Des clusters (pôles de compétitivité) ont été mis en place localement, notamment à Singapour. Ils ont trait aux nouvelles technologies par exemple. Les pôles de compétitivité français sont très timides sur cette zone du monde et nous souhaiterions qu'ils soient plus présents. Les pôles PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) et Bretagne seront présents à Kuala Lumpur et à Singapour à la fin de l'année et nous envisageons de travailler l'année prochaine avec des pôles de biotechnologie.
M. Arnaud FLEURY . - Les écoles de commerce s'installent quant à elles massivement à Singapour.
M. Frédéric ROSSI . - Cinquante chercheurs français travaillent à Singapour. Les deux pôles les plus importants sont le Vietnam, pour des raisons historiques, et Singapour, pour la haute technologie. Le CNRS 6 ( * ) dispose d'un bureau au Vietnam et montera un bureau régional à Singapour dans quelques mois. L'EDHEC 7 ( * ) , l'ESSEC 8 ( * ) , l'INSEAD 9 ( * ) et la Sorbonne sont également présents à Singapour.
M. Marc CAGNARD . - L' IRD 10 ( * ) et le CIRAD 11 ( * ) sont aussi présents au Vietnam et notre coopération décentralisée est historique avec ce pays, si bien que de nombreuses universités françaises y ont mis en place des programmes. L'Université des Sciences et Technologies de Hanoï rassemble 45 universités françaises en un consortium . Ce projet d'université d'excellence est en cours et fait appel à des coopérations fortes en ce moment.
De la salle - Comment abordez-vous les risques politiques dans les différents pays de l'ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Lorsque la flamme olympique est passée à Paris, tous nos partenaires chinois m'ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient plus travailler avec nous. J'ai alors utilisé mon antenne du Vietnam pour régler ce problème. L'implantation dans plusieurs pays peut ainsi vous aider en cas de risques politiques.
M. Arnaud FLEURY . - Et qu'en est-il du risque politique dans les pays de l'ASEAN ?
M. Alain REHOCREUX . - Il n'y en a pas.
M. Frédéric ROSSI . - Votre avocat constitue également un partenaire important, ce que nous n'avons pas évoqué. Dans cette zone, la culture orale et la relation personnelle sont importantes, mais il importe également de travailler avec un bon avocat, pour que vos contrats soient solides. Certaines entreprises ont en effet rencontré d'importantes difficultés du fait de manquements juridiques.
M. Arnaud FLEURY . - Je cède à présent la parole à Eric TAINSH, responsable projets à BPI France pour un exposé sur le financement de projets dans cette zone.
M. Éric TAINSH. - Les difficultés rencontrées par les entrepreneurs français à l'international sont souvent liées à des questions de préparation. La phase de préparation en France est en effet très importante. Ces difficultés sont également souvent liées à des aspects de trésorerie et à des manques de fonds de roulement. Il convient donc de maximiser sa trésorerie en monétisant, mobilisant et préfinançant ce qui peut l'être. Un client a ainsi récemment cédé ses biens immobiliers par le biais d'une cession-bail, pour disposer de davantage de liquidités. Il est également possible de préfinancer certains crédits d'impôts, avec le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). Les assurances prospection peuvent en outre être facilement mobilisées auprès d'une banque.
BPI France Export est un label derrière lequel est rassemblée la totalité de l'offre publique disponible en matière d'accompagnement et de financement à l'international dans les directions régionales de BPI France. Nous vous aidons ainsi à hisser votre niveau de connaissance sur les pays que vous prospectez et réfléchissons avec vous au bon mode d'entrée dans ces pays. La prospection peut durer de quelques mois à plusieurs années. Durant cette étape, vous pouvez faire prendre en charge le risque financier grâce à l'assurance prospection Coface, disponible dans les directions régionales de BPI France. Si la prospection fonctionne, vous remboursez, si elle fonctionne moyennement, vous remboursez une partie et si c'est un échec, vous ne remboursez rien.
Si la prospection fonctionne et que vous vous enhardissez, vous pouvez décider d'investir sur place, d'organiser un réseau de distribution, de prendre une participation dans une entreprise dont l'activité peut vous être très utile, etc. Pour ces opérations, les investissements seront lourds et il faut disposer d'un bilan conséquent. BPI France a justement pour rôle de muscler le bilan des entreprises, en entrant dans leur capital, pour les aider à prendre des paris osés, notamment en ASEAN.
Cependant, les entrepreneurs ne veulent pas tous ouvrir leur capital et, dans ce cas, nous avons développé des financements sous forme de prêts sur une durée de sept ans, qui ne sont remboursables qu'à partir de la troisième année et qui donnent du temps à l'entrepreneur, afin que l'investissement donne lieu à de premiers retours. Ces prêts sont sans garantie, ce qu'il faut noter.
Nos investissements dans ces pays sont en général risqués et nous pouvons aider les banques en partageant le risque. Nous pouvons ainsi prendre en charge jusque 60 % du risque.
Les créations ou rachats d'entreprises lointaines correspondent également à des investissements risqués, se montant souvent à plusieurs millions d'euros. Si les choses tournent mal, la société basée en France peut se retrouver en danger. Nous avons développé un produit, « la garantie de projet à l'international », qui permet de garantir à hauteur de 50 % les fonds propres que vous injectez pour créer la filiale. Cette garantie permet de sauver des entreprises qui connaissent des revers loin de leurs bases.
Nous croyons donc beaucoup dans la préparation. Les chargés d'affaires internationales d'Ubifrance sont des experts ayant vocation à vous aider à hisser votre niveau de connaissance des marchés et à déposer vos marques. Vous pouvez également assurer votre prospection, pour être remboursé à hauteur de 60 % ou de 75 %. Nous pouvons, en outre, vous aider à investir. Cette année, nous comptons ainsi investir 2 milliards d'euros en financements dans les bilans des entreprises françaises qui souhaitent s'internationaliser.
Mme Claire CAMDESSUS. - Pour information, Ubifrance Thaïlande-Birmanie organise ses rencontres d'affaires du 18 au 21 novembre à Bangkok et à Rangoon. Nous sommes prêts à vous accueillir, avec nos amis des Chambres de commerce. Ensemble, nous continuerons ainsi à combattre les clichés. La Thaïlande n'est pas un pays de vacances, mais il s'agit d'un pays pour réaliser des affaires.
Nous organiserons des ateliers sectoriels avec le Conseil du Commerce Extérieur de la France (CCEF), que vous pourrez également rencontrer en visioconférence, ainsi que dans nos bureaux. Nous organiserons aussi des rendez-vous avec vos partenaires potentiels.
Mme Martine PARTRAT. - En ce qui concerne Air France, à l'été 2014, plus de 90 vols seront opérés par notre groupe sur l'ASEAN. Nous avons récemment développé la desserte de Kuala Lumpur, à raison de quatre fréquences par semaine. Singapour est desservie à hauteur de dix fréquences par semaine et Bangkok, à raison de cinq fréquences par semaine. Air France va également ouvrir une liaison quotidienne avec Djakarta au 1 er juillet 2014, sous réserve de l'obtention des droits de trafic.
Air France KLM, Alitalia et Delta ont par ailleurs mis en place un produit de fidélisation pour les PME-PMI. Et nous avons développé un partenariat fructueux avec Ubifrance, puisque, pour chaque mission collective et individuelle, nous offrons des tarifs avantageux avec des contraintes minimales.
M. Philippe FORESTIER - Je suis frappé par le fait que, même s'il s'agit de pays hétérogènes, l'ASEAN correspond à une géographie à part entière. Dassault Systèmes a choisi de faire de l'ASEAN une région particulière, au même titre que l'Amérique du Nord ou l'Amérique latine.
Nous étions une dizaine à développer Dassault Systèmes il y a plus de trente ans et nous sommes à présent 12 000 collaborateurs. Nous sommes numéro 1 mondial dans notre secteur et nous couvrons douze secteurs industriels. Les pays de l'ASEAN sont prêts à s'ouvrir aux nouvelles technologies et nous nous y développons bien.
Dassault Systèmes fournit aux entreprises et à la société des outils de simulation virtuels en 3D, permettant de réaliser des innovations durables pour harmoniser des produits, la nature et la vie. Les innovations et les inventions du 20 ème siècle se simulent presque toutes, même dans des domaines tels que la santé. Il est ainsi possible de simuler la propagation du cholestérol dans les cellules. Nous fournissons donc des solutions aux entreprises qui inventent et innovent. Nous comptons 190 000 clients dans le monde, nous sommes répartis dans plus de cent pays et avons décidé de nous diviser en douze zones géographiques, dont l'ASEAN.
Cette région représente 2 % de nos affaires, soit 5 000 clients. Nous avons choisi de travailler selon une approche indirecte, avec 45 à 50 collaborateurs à Singapour et une quinzaine en Indonésie, ce qui est peu pour Dassault Systèmes. Nous avons ainsi privilégié un mode de travail avec des partenaires externes. Quarante-cinq partenaires distribuent nos solutions dans les six pays principaux de l'ASEAN.
Nous nous développons dans les domaines de l'aéronautique, des sciences de la vie, etc. et avons décidé de porter une attention particulière aux aspects santé et énergie dans les années à venir. Nous mettons également beaucoup l'accent sur l'éducation. La moyenne d'âge de ces pays est en effet bien inférieure à 30 ans et nous avons besoin que nos clients aient accès à des talents scientifiques, alors que le monde actuel n'en génère pas suffisamment pour soutenir l'activité mondiale. Le monde fabrique ainsi 2 millions d'ingénieurs chaque année, alors qu'il en faudrait 3 millions. Nous avons négocié des accords particuliers en Malaisie, pour y transformer l'enseignement secondaire. Nous avons également mis des actions en place à Singapour, en Indonésie, au Vietnam, etc.
Nous allons continuer à nous développer de manière importante, en sélectionnant nos partenaires pour aller dans le sens des industries que nous entendons couvrir. Une structure locale est en effet nécessaire pour nous, afin de travailler en confiance avec nos partenaires.
CLÔTURE
Mme Catherine PROCACCIA, Présidente du groupe d'amitié France-Indonésie et Timor-Est
Il me revient l'honneur et la difficulté de clôturer cette troisième rencontre économique organisée au Sénat et consacrée aux pays de l'ASEAN. Une fois encore, je constate l'intérêt grandissant des entreprises françaises, qui ont pu bénéficier de l'éclairage particulier des directeurs d'Ubifrance dans chacun de ces pays en pleine croissance. Les témoignages des entreprises présentes ont dû susciter des vocations. Cette région de l'ASEAN recèle un potentiel de développement considérable et, si vous êtes présents aujourd'hui, c'est, je présume, que vous en êtes conscients.
C'est en tant que Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Indonésie et Timor-Est du Sénat que je m'exprime devant vous. L'Indonésie compte 245 millions d'habitants, elle est placée au quatrième rang des pays les plus peuplés de la planète, il s'agit d'un géant de l'Asie du Sud-Est. Sa croissance économique est située entre 5 % et 6 % depuis dix ans et cette croissance est tirée par la consommation intérieure, avec ses quelque 50 millions d'habitants composant sa classe moyenne, ce chiffre augmentant chaque année. Ce marché intérieur en expansion crée de formidables opportunités pour les entreprises françaises, car cette population a de nombreux besoins en accédant à un nouveau niveau de vie.
Le groupe d'amitié s'est déplacé en septembre en Indonésie et nous avons rencontré de jeunes entrepreneurs à Djakarta, qui m'ont impressionnée. Ces jeunes entrepreneurs misent eux aussi sur cette nouvelle classe moyenne et se développent dans l'agroalimentaire, les cosmétiques, les télécommunications et l'environnement. En 2013, les Galeries Lafayette ont ouvert un magasin à Djakarta, ce qui illustre les perspectives offertes par le marché indonésien. 40 % des marques vendues dans ce magasin sont françaises et l'ambition affichée est de valoriser la réputation de la France dans les domaines de la mode, du luxe et de la gastronomie. L'Oréal a ainsi installé sa plus grande usine mondiale en Indonésie.
Outre ce marché intérieur important, l'Indonésie peut aussi intéresser des entreprises à la recherche de matières premières. Le sous-sol indonésien est riche de ressources en tous genres, énergétiques et minérales. Total est d'ailleurs présent en Indonésie depuis plus de quarante ans, au large de Bornéo.
L'Indonésie est aussi une très grande puissance agricole, qui exporte du caoutchouc et cette fameuse huile de palme consommée par des centaines de millions de personnes à travers le monde, ingrédient indispensable à l'industrie agroalimentaire européenne. Il s'agit aussi de l'un des premiers pays pour la pâte à papier, qui s'engage dans une démarche de production durable.
Je vous invite donc tous à vous intéresser à ce marché indonésien, qui a été fermé pendant très longtemps. Ce pays connaît des difficultés, les barrières protectionnistes existent dans certains de ses secteurs, comme la pharmacie, la bureaucratie y est souvent tatillonne et lente, et la corruption existe, il s'agit même d'un mode de fonctionnement historique. Il y a également des règles contraignantes en matière d'embauche du personnel. Les embauches de non Indonésiens doivent ainsi être accompagnées du double d'embauches d'Indonésiens, ce qui n'est pas toujours facile.
Ubifrance et une CCI franco-indonésienne, particulièrement impliquées et dynamiques, vous aideront à surmonter ces obstacles et vous montreront qu'il est possible d'y réaliser des affaires. Je note d'ailleurs avec satisfaction que notre balance commerciale a été pour la première fois excédentaire en 2013, ce qui s'explique par la vente de 230 Airbus à la compagnie Lion Air. Ce pays présente d'ailleurs un immense potentiel dans le domaine du transport et l'on s'y déplace surtout en avion.
Notre groupe s'occupe aussi depuis peu du Timor Oriental. Il s'agit d'un petit pays indépendant situé à l'Est de l'Indonésie, très proche de l'Australie, qui ne compte qu'1,2 million d'habitant. Il n'a certes pas le même potentiel que son grand voisin, mais tout reste à construire dans ce pays. Il peut intéresser des entreprises ayant l'habitude de travailler avec les pays en voie de développement. Toutes les institutions internationales sont positionnées dans ce pays, qui a besoin d'infrastructures, de ports, de routes, d'hôtels, d'agroalimentaire, de logistique, etc.
Le Timor oriental compte des ressources pétrolières et gazières qui lui permettent de financer ses projets de développement. Cette manne pétrolière est certes en partie utilisée par les pays étrangers, qui l'exploitent, mais ce pays a l'intention d'en récupérer une partie. Je précise en outre qu'on y parle le portugais.
En ASEAN, il s'agit maintenant de faire valoir nos produits et notre expertise, qui est reconnue. La demande existe, la compétition avec les autres pays est rude, mais vous avez les atouts pour réussir. Nous n'avons pas à rougir de la qualité de nos produits et de notre savoir-faire, en particulier dans les secteurs que nous avons évoqués ce matin. Il s'agit de poursuivre notre offensive en matière d'innovation et de créativité.
Cependant, la qualité de notre offre ne suffira pas à nous positionner sur ces nouveaux marchés, car il nous faut aussi nous atteler au renforcement de la compétitivité économique de notre pays, en réduisant les coûts de production. Sur ce plan, la situation de la France s'est considérablement dégradée, notamment par rapport à nos voisins européens.
C'est le défi que doit relever le Gouvernement qui vient d'être nommé ; il est de taille. Pour ma part, et en dehors de toute prise de position partisane, je souhaite que la prise de conscience de l'exécutif concernant l'importance du rôle et de la compétitivité des entreprises françaises pour les emplois perdure, se concrétise et réussisse. Pour que notre balance commerciale soit réellement améliorée, il est indispensable que l'allègement du coût du travail bénéficie à toutes les entreprises, en particulier à celles qui tentent la concurrence internationale et l'exportation et à celles qui innovent. Peut-être conviendrait-il de cesser de cibler uniquement les bas salaires pour les abaissements des charges, mais aussi de se tourner vers la main-d'oeuvre qualifiée, celle qui permet l'innovation et l'exportation.
Pour remporter cette bataille de la compétitivité et se positionner sur ces marchés porteurs, la France doit agir avant qu'il ne soit trop tard. Je pense que nous avons - grâce à vous - les atouts pour réussir. Je formule le voeu à chacun d'entre vous, individuellement, qui avez formé un projet pour partir dans l'un des nouveaux pays de l'ASEAN, de le réussir et je crois que vous pouvez compter sur Ubifrance, les chambres de commerce et nos ambassades.
* 6 Centre national de la Recherche scientifique
* 7 École Des Hautes Études Commerciales du Nord
* 8 École supérieure des sciences économiques et commerciales
* 9 Institut européen d'administration des affaires
* 10 Institut de Recherche pour le Développement
* 11 Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement