INTRODUCTION

Quatorze ans après l'avènement du Roi MOHAMMED VI, le Maroc poursuit sa modernisation politique, économique et sociale . Bien avant les « printemps arabes », cette politique a, sans doute, permis au Maroc de faire sa « révolution » de manière plus ordonnée et plus profonde.

Politiquement , le Maroc s'est doté d'une nouvelle Constitution en juillet 2011, adoptée par référendum, s'inspirant des principes d'une monarchie parlementaire.

Dès les élections législatives de novembre 2011, les nouveaux mécanismes institutionnels ont fonctionné puisque M. Abdelilah BENKIRANE, chef du parti Justice et Démocratie (PJD), sorti vainqueur des élections, a été nommé Premier ministre par le Roi.

La prochaine étape importante sera la réforme territoriale, préalable à celle de la Chambre des Conseillers.

Économiquement , à partir de 2008, le Maroc n'a pas échappé à la crise économique mondiale. Toutefois, il a préservé et consolidé ses équilibres macro-économiques, ce qui s'est traduit par un meilleur « risque pays » 1 ( * ) . En 2013, au sein du Maghreb, le Maroc est sans aucun doute une des économies les plus florissantes et les plus à même d'affronter les défis de la mondialisation.

Socialement , la question sociale reste entière et les attentes de la société très fortes. En effet, le fort taux de chômage des jeunes, notamment diplômés, crée une situation parfois explosive exprimée par le « mouvement du 20 février » (2011) qui manifeste des attentes de justice sociale et de partage des fruits de la croissance.

Le Maroc de 2013 est un pays qui a su jusqu'à maintenant mener une politique de modernisation, comme tend à le prouver le « statut de pays avancé » qui lui a été attribué par l'Union européenne.

Dans un Maghreb où les "Printemps arabes" ont apporté tout à la fois espoir et inquiétude, le Maroc est un gage pour la paix et la prospérité. La France, partenaire historique du Maroc, soutient la politique menée depuis 1999 par les dirigeants marocains. Elle estime, en effet, que cette politique est une chance pour le Maroc, mais aussi parce qu'au-delà, il y va de l'avenir de la région et peut-être même de l'Europe.

I - LE MAROC, UNE DÉMOCRATIE EN MARCHE

Le Maroc de 2013 est un pays transformé et en mutation constante. Cette "révolution", initiée en 1999 par le nouveau Roi, MOHAMMED VI, a permis à ce pays de franchir le ½ Printemps arabe ½ de 2011 avec plus d'assurance et d'efficacité, tant d'un point de vue politique, qu'économique ou social.

Si le Maroc est un pays en mutation, il est aussi un pays rassemblé autour de la cause nationale qu'est le sort du Sahara occidental, au moment du renouvellement du mandat de la mission de l'ONU, la MINURSO prévu le 30 avril 2013. En outre, des évènements militaires et terroristes ont marqué cette région début 2013 avec, notamment, l'intervention militaire française au Mali.

Les entretiens avec MM. Mohamed Cheikh BIADILLAH, Président de la Chambre des Conseillers, Karim GHELLAB, Président de la Chambre des Représentants, Mohand LAENSER, Ministre de l'Intérieur, ainsi qu'avec les membres du groupe d'amitié Maroc-France de la Chambre des Conseillers, ont permis à la délégation de prendre la mesure de l'évolution du Maroc depuis 2010, date du précédent déplacement d'une délégation du groupe au Maroc.

A. UN PAYS EN MUTATION

1. La situation politique

Les réformes engagées au Maroc, à travers notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution en 2011, ont permis de répondre à beaucoup d'aspirations populaires exprimées dans le pays dans le contexte des printemps arabes. L'expérience marocaine fait ainsi office au Maghreb de modèle en matière de réformes.

Pour autant, le maintien de la stabilité à moyen terme n'est pas acquis et reste étroitement lié à la capacité du gouvernement à répondre aux défis économiques et sociaux du pays, qui restent la première préoccupation de la grande majorité des citoyens marocains. L'échec de l'expérience gouvernementale actuelle susciterait au sein de l'opinion la défiance envers les réformes engagées en 2011, qui serait imputée à la classe politique représentée au Parlement.

De ce point de vue, la configuration politique actuelle n'est pas celle d'une confrontation entre les deux têtes de l'exécutif, le Roi et le Gouvernement. En effet, la réussite des réformes engagées dépend aujourd'hui de l'entente entre ces deux centres du pouvoir sous le contrôle du Parlement.

Le Maroc de MOHAMMED VI, au pouvoir depuis 1999 , a engagé une politique de modernisation politique, économique et sociale. La création et les conclusions de l'instance de réconciliation nationale sont de ce point de vue un symbole fort d'une volonté de ½ solder les comptes du passé ½ .

Le contexte régional des printemps arabes en 2011, a provoqué une accélération du mouvement des réformes.

Le Roi a ainsi annoncé en mars 2011 une réforme constitutionnelle. La nouvelle Constitution a été adoptée lors du référendum du 1 er juillet.

Le Maroc se définit désormais comme une monarchie parlementaire avec un exécutif bicéphale ; la relation entre les pouvoirs est clarifiée, les rôles du chef du Gouvernement et du Parlement ont été substantiellement renforcés.

Des élections législatives anticipées se sont tenues le 25 novembre 2011 et ont été remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD, islamistes modérés) avec 27 % des sièges. Le PJD ne disposant pas de la majorité, il a dû former un gouvernement de coalition avec l'Istiqlal (nationaliste et conservateur), le Mouvement populaire (MP, berbère et conservateur) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS, ancien parti communiste). Conformément aux dispositions de la nouvelle constitution, le Roi a nommé M. Abdelilah BENKIRANE, chef du Gouvernement et les membres du Gouvernement, ½ sur la proposition de celui-ci" . La récente crise gouvernementale (28 mai 2013) avec le souhait de l'Istiqlal de se retirer de la coalition ne semble pas, au final, menacer celle-ci ; en effet, la sortie de crise la plus plausible serait le maintien de l'Istiqlal au prix de certains aménagements. Dans cette hypothèse, des élections anticipées ne seraient pas à l'ordre du jour.

Le PJD incarne un vent de renouveau sur la scène politique grâce à une focalisation de son discours sur les thèmes porteurs de la corruption et de l'égalité de tous devant la chose publique. Il donne l'impression d'être un parti plus justicier qu'islamiste. Il est surtout le résultat de l'intégration dans le système monarchique d'une partie de la mouvance islamiste des années 1990. Il rejette ainsi tout lien avec les Frères musulmans, pour des raisons tant idéologiques que tactiques. Son modèle est fondé sur la séparation des fonctions politiques et de prédication.

Malgré les critiques, le PJD a remporté 4 sièges sur 11 aux dernières élections législatives partielles.

La transition engagée avec la nouvelle Constitution avance progressivement (5 lois organiques sur 19 adoptées) parce que le Gouvernement estime que les thèmes de la lutte contre la corruption et de l'égalité de tous devant la chose publique sont plus porteurs que le rééquilibrage des pouvoirs au sein de l'exécutif. D'ailleurs, le Roi reste actif sur la scène politique face à un partenaire qui n'est pas celui qu'il aurait forcément choisi. Mais sa décision, respectant la lettre de la Constitution, a eu le mérite de marquer la volonté du souverain d'avancer dans la voie de la construction de la monarchie parlementaire qu'il appelle de ses voeux.

Les réformes engagées en 2011 ont, pour le moment, écarté une contestation de grande ampleur . Les principales forces d'opposition populaires -comme le mouvement du 20 février- n'ont pas disparu mais trouvent moins d'écho dans la population qui estime avoir été entendue. En revanche, le poids des cheikhs salafistes libérés en février 2012 par grâce royale reste la grande inconnue. Au total, l'avenir de la contestation repose en large partie sur la réussite ou non du gouvernement actuel qui incarne les aspirations au changement des Marocains.

2. La situation sociale

Si, dans le contexte des printemps arabes, le Maroc a su contenir la colère populaire et accélérer sa transition démocratique et politique, la question sociale reste entière et les attentes de la société, notamment de la jeunesse, très fortes. C'est aujourd'hui le principal défi auquel est confronté le gouvernement marocain.

Les chantiers sociaux lancés par le pouvoir sont, depuis 1999, nombreux (réforme du code de la famille, création d'un code du travail ...etc.).

Pour lutter spécifiquement contre la pauvreté , le Roi a lancé, en mai 2005, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), ciblée sur les communes rurales et les quartiers urbains défavorisés afin d'apporter une réponse globale à l'ensemble de leurs difficultés.

En matière de développement humain, l'éducation constitue la première des priorités du Gouvernement, qui a lancé en 2009 son Plan d'urgence pour l'éducation.

De nombreux projets sociaux sont depuis des années à l'étude (couverture chômage, réforme des retraites, droits de grève et syndicaux) auxquels se sont ajoutés les droits sociaux inscrits dans la nouvelle Constitution de 2011.

Le poids des revendications sociales dans les mouvements contestataires du printemps 2011, portées au Maroc par le Mouvement du 20 février, a poussé à une accélération de ces projets. Toutefois, force est de constater que les résultats se font encore attendre face à une population, notamment parmi les jeunes, très en attente eu égard au fort taux de chômage qui la touche.

Le chômage des jeunes en milieu urbain atteint 33,5%. La plupart des secteurs d'activités fait face à un déficit de main d'oeuvre qualifiée à cause de l'inadéquation formation/emploi aggravée par les déficiences du système éducatif.

3. La situation économique

Depuis le début de la crise économique et financière qui a frappé le monde occidental en 2008, le Maroc a été relativement protégé même si la croissance économique depuis 2008 n'est plus celle du début des années 2000.

Si le Maroc a renoué, depuis 2011, avec la croissance économique, celle-ci reste tributaire des résultats agricoles et de la demande mondiale.

Cette résilience de l'économie marocaine s'explique par des raisons objectives, telle que la solidité de la consommation intérieure qui croît de 6% l'an, ou encore la continuité des investissements publics . Ces deux facteurs ont largement contribué à soutenir l'économie marocaine.

En outre, il faut tenir compte de l'influence de l'agriculture sur la croissance économique du Maroc. Les variations dans ce secteur ont une influence directe sur l'état de l'économie. Ainsi, pour preuve, l'impact négatif de la mauvaise année 2012 sur le taux de croissance qui est descendu à moins de 3 %, et qui devrait se redresser à près de 5 % en 2013, grâce à l'excellente campagne agricole qui s'annonce.

Mais, l'expansion économique a besoin de financement, lequel a été mis à mal par la crise mondiale. Or le Maroc souffre d'une insuffisance de devises du fait que ses importations sont de loin supérieures à ses exportations, mais aussi du fait que les autres sources de rentrées de devises dans le pays ne  comblent plus les besoins de l'économie marocaine, en particulier les ressources liées au tourisme qui se sont affaiblies.

Les déficits des comptes extérieurs et budgétaires se sont creusés. La dette publique demeure toutefois au niveau acceptable de 53 % du PIB. Les revenus du tourisme, qui représentent 7 % du PIB en moyenne, sont affectés par la crise économique internationale et la situation politique régionale. Le taux de chômage, qui est passé sous la barre des 10 % en 2006, a continué à décroître pour atteindre 9,1 % en 2010 et 2011, avec toutefois la persistance de niveaux élevés parmi les jeunes urbains et les diplômés (respectivement 32 % et 20 % de chômage).

Enfin, sur le plan des équilibres financiers, le déficit commercial est structurel. Il s'est aggravé de 25,2 % de 2010 à 2011, passant de 148,3 à 185,7 milliards de dirhams.

La progression des exportations (phosphates notamment) est absorbée par le retour à la hausse des hydrocarbures. Le déficit budgétaire se creuse nettement en 2011 pour atteindre, sous l'effet conjugué d'une baisse des recettes fiscales et de la hausse des subventions publiques au maintien des prix intérieurs.

Au total, malgré la dégradation récente de certains indicateurs, due aux effets de la crise économique mondiale, la décennie 2000 se caractérise par la consolidation des équilibres macroéconomiques, ce qui s'est traduit par la progression de la notation « risque pays » du Maroc.


* 1 Le « risque pays » ou « risque souverain » est la probabilité qu'un pays assurera le service de sa dette extérieure.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page