Rapport présenté par M. Jacques BRUNHES dans le cadre de la Commission de la coopération et du développement, relatif à L'ÉVOLUTION DES CRITERÈS DE DÉVELOPPEMENTDU PNUD DANS LES PAYS DE LA FRANCOPHONIE AU COURS DES DIX DERNIÈRES ANNÉES
Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) publie depuis 1990 un rapport annuel, intitulé « Rapport mondial sur le développement humain », qui est rapidement devenu un instrument précieux pour tous ceux qui s'intéressent aux problèmes liés au développement dans le Monde.
En effet, l'originalité du rapport est d'analyser ces questions non seulement sous l'angle économique, mais d'y associer aussi des données relatives au domaine social, pays par pays.
Le désormais célèbre IDH (Indice du Développement humain), qui fait figure de référence incontournable, combine selon une formule de péréquation relativement complexe un indicateur à caractère socio-économique (le PIB par habitant, corrigé en fonction des parités de pouvoir d'achat), à des indicateurs à caractère purement social (espérance de vie à la naissance, taux d'alphabétisation des adultes, et taux de scolarisation tous niveaux confondus).
Nous nous proposons dans le présent rapport d'étudier l'évolution de l'IDH et de chacune de ses composantes dans les pays du monde francophone entre 1990 et 1997 (dernières données fournies par le PNUD dans son Rapport 1999).
Cette analyse nous permettra d'évaluer les tendances qu'ont connues ces pays, au plus proche de la réalité vécue par les populations.
Nous tenterons ensuite de mettre ces évolutions en corrélation avec les stratégies de développement et les choix en matière d'organisation économique et sociale qui ont marqué le monde francophone durant la dernière décennie du XX éme siècle.
1/ Bilan du développement humain dans les années 90
L'examen de l'évolution des indicateurs de développement humain entre 1990 et 1997 fait apparaître une marginalisation croissante de l'Afrique subsaharienne et une dégradation inquiétante de la situation dans la plupart des PECO (Pays d'Europe centrale et orientale). Il confirme en revanche le développement de plusieurs pays émergeants dans le Bassin méditerranéen et en Asie du Sud-Est. Toutefois, la crise financière que cette région a subie en 1998-99 et ses conséquences inégales dans le domaine socio-économique ont sans doute modifié certaines données. Le haut niveau atteint par les indicateurs dans les pays du Nord masque des inégalités internes croissantes.
a) Afrique subsaharienne
Sur les 19 pays francophones d'Afrique subsaharienne, 15 figurent en 1997 parmi les 30 derniers pays classés par le PNUD selon leur IDH (seulement cinq de ces trente derniers pays ne sont pas africains).
En termes d'évolution des indicateurs, une nette distinction s'impose entre les États d'Afrique centrale et ceux d'Afrique occidentale.
Les premiers voient leurs performances globales stagner, voire diminuer dans le cas du Burundi et de la République centrafricaine. À l'exception du Gabon, le PIB par habitant a baissé entre 1990 et 1997 dans tous les pays de la zone, où il s'est même effondré au Burundi, au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Rwanda. Sur le plan social, la situation n'est guère plus encourageante, puisque l'espérance de vie moyenne n'a légèrement augmenté qu'au Cameroun et au Tchad ; la dégradation des conditions sanitaires a entraîné sa baisse partout ailleurs et au Rwanda, qui détient le triste record mondial en la matière, elle n'atteint plus désormais qu'environ 40 ans. Le taux de scolarisation a quant à lui progressé au Congo et au Gabon, mais fortement chuté au Burundi et au Cameroun.
L'évolution de l'IDH apparaît plus favorable en Afrique de l'Ouest, où il a progressé dans tous les pays. Le PIB par habitant a toutefois reculé au Niger et au Togo, et l'espérance de vie a brutalement chuté en Côte d'Ivoire. Le taux de scolarisation a en revanche augmenté dans l'ensemble de la zone.
Toutefois, ces quelques progrès enregistrés en Afrique occidentale apparaissent dérisoires par rapport au retard de développement accumulé dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, où la majeure partie de la population vit dans la précarité et le plus extrême dénuement.
Les années 90 auront donc été une décennie perdue pour l'Afrique subsaharienne, dont le processus de marginalisation par rapport au reste du monde s'est encore accentué. En termes de revenu, l'écart entre le cinquième des personnes vivant dans les pays les plus riches et le cinquième habitant les pays les plus pauvres (essentiellement africains) atteignait 74 à 1 en 1997, contre 60 à 1 en 1990 (et 30 à 1 en 1960).
b) Pays d'Europe centrale et orientale (PECO)
Les indicateurs de développement humain du PNUD font apparaître des évolutions inquiétantes dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale.
L'indicateur synthétique d'IDH a en effet baissé en Albanie, et de manière plus significative encore en Bulgarie. Ce résultat s'explique principalement par l'effondrement du PIB par habitant dans ces deux pays (il a également baissé plus légèrement en Hongrie).
Très préoccupante également est l'évolution des critères sociaux, qui avaient atteint un niveau élevé dans cette région (baisse de l'espérance de vie en Bulgarie et en Roumanie, du taux de scolarisation en Albanie et en Moldavie).
La Pologne apparaît toutefois comme une exception, dans la mesure où l'ensemble des indicateurs y ont progressé durant la période considérée (avec notamment une hausse notable du PIB par habitant).
Il convient par ailleurs de noter que ces pays (avec ceux de la Communauté des États Indépendants) enregistrent certaines des plus fortes augmentations du coefficient de Gini, qui mesure les inégalités internes en matière de revenu.
c) Bassin méditerranéen et Asie du Sud-Est
Nous avons regroupé ces deux zones dans la mesure où elles abritent des pays francophones que l'on peut qualifier d'« émergeants ».
Il s'agit de pays dont l'IDH a connu une hausse significative durant cette décennie. L'augmentation du PIB par habitant s'y est accompagnée d'une évolution favorable des indicateurs sociaux.
Ces États sont dans l'ensemble parvenu, grâce notamment à des réformes internes et des investissements étrangers massifs, à améliorer les conditions de vie de leurs populations, ce qui toutefois n'exclut pas la persistance d'importantes poches de pauvreté.
d) Pays francophones « du Nord »
Les pays francophones dits « du Nord » (Belgique, Canada, France, Luxembourg et Suisse) figurent tous parmi les vingt premiers dans le classement établi par le PNUD.
Leurs indicateurs, tant économiques que sociaux, ont continué à progresser à un rythme comparable durant la dernière décennie.
Ces résultats globaux ne permettent toutefois pas de faire apparaître une évolution qui est commune à ces pays, bien que se manifestant à des degrés variables : il s'agit de la montée des inégalités internes, avec surtout un phénomène d'« installation » de pans entiers de la société dans une situation de pauvreté et de précarité.
e) Autres pays francophones
La situation des pays francophones de l'Océan Indien est très contrastée, entre ceux qui peuvent être rattachés au groupe des pays émergeants (Maurice, Seychelles), et ceux dont le développement n'a pas progressé durant la dernière décennie (Comores et Madagascar, qui ont subi une baisse de leur PIB par habitant).
Enfin, dans les Caraïbes, la République d'Haïti a connu une évolution très défavorable de l'ensemble de ses indicateurs de développement humain.
2/ Quelques éléments d'explication de ce bilan
a) Les stratégies conduites par les institutions de Bretton Woods en Afrique
Ainsi que l'illustrent les chiffres publiés par le PNUD, les politiques de développement mises en oeuvre en Afrique francophone subsaharienne n'ont pas permis à cette région de décoller. Entre autres causes, cet échec apparaît en grande partie imputable au rôle joué par le FMI et la Banque mondiale (dites « institutions de Bretton Woods »), auxquels ces pays ont eu largement recours lors des deux dernières décennies.
L'octroi d'une assistance financière par les institutions de Bretton Woods obéit en effet au principe de conditionnalité, pratique qui s'est renforcée avec la création des plans d'ajustement structurel (PAS) dans les années 80. Ce principe consiste, pour les pays aidés, à se voir imposer des réformes profondes uniformes, sans prise en compte de la spécificité socio-économique et culturelle de chaque pays. Ces réformes sont inspirées de ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler le « consensus de Washington », expression apparue en 1990 et désignant un ensemble de recommandations économiques censées favoriser le retour à une croissance stable et fonder les bases d'une stratégie de développement. Ce consensus repose sur le dogme néo-libéral basé sur la déréglementation, une flexibilité accrue de l'économie à partir des mécanismes du marché, l'ouverture, tant commerciale que financière, et le retrait de l'État.
Ces orientations ont abouti à une impasse. Certains indicateurs macro-économiques se sont certes améliorés (notamment la réduction des déficits publics), sans pour autant que les dynamiques de croissance soient relancées. Au contraire, dans la plupart des pays, les politiques de réduction de la demande ont été à l'origine d'une forte récession et d'une explosion du chômage. Par ailleurs, l'investissement dans les secteurs sociaux (éducation, santé) a fortement souffert des politiques d'austérité, tandis que le délabrement des infrastructures compromettait la perspective d'une reprise.
En ce qui concerne plus spécifiquement les pays de la Zone franc, les effets néfastes de ces politiques dans le domaine social ont été considérablement amplifiés par la dévaluation du franc CFA imposée en janvier 1994 par les institutions de Bretton Woods. D'une ampleur sans précédent (la valeur de la monnaie a été divisée par deux), cette mesure a particulièrement affecté les classes moyennes des zones urbaines en raison de leurs habitudes de consommation intégrant une grande part de produits importés, dont les prix ont brutalement doublé après le changement de parité. La hausse du prix des fournitures scolaires et des produits pharmaceutiques, également importés, a quant à elle pénalisé l'ensemble des populations.
Face à ce constat d'échec, les institutions financières internationales ont été mises en cause, ce qui les a conduites à envisager une révision de leurs pratiques, notamment en termes de conditionnalité. Un consensus au sein de ces organisations commence à se former aujourd'hui autour de la nécessité de mettre en place des politiques d'accompagnement des mesures de libéralisation, qui concernent en particulier l'encouragement de l'investissement dans les ressources humaines et les infrastructures, la discipline budgétaire et la bonne gouvernance, la gestion de la transition démographique.
Mais surtout, on assiste à un élargissement des objectifs poursuivis par ces institutions, allant au-delà de la recherche de la seule croissance et intégrant la dimension sociale du développement (santé, éducation, protection de l'environnement). La priorité récente semble devoir porter sur la lutte contre la pauvreté. Cette stratégie repose sur une collaboration étroite entre le FMI et la Banque mondiale, alors que les relations entre les deux institutions était jusqu'alors plutôt placée sous le signe de la concurrence. Les critères d'attribution des nouvelles Facilités de croissance et de réduction de la pauvreté (FCRP), destinées aux pays les moins avancés, ne feront plus seulement référence au strict cadrage macro-économique mais s'appuieront sur un rapport détaillé préparé conjointement par les experts des institutions financières et les autorités nationales des pays concernés. Votre rapporteur s'interroge sur la mise en application concrète de ces nouvelles orientations. Seul l'avenir permettra d'en apprécier réellement les résultats.
L'autre volet de la nouvelle politique des institutions de Bretton Woods concerne la réduction de la dette, dont le service devient de plus en plus insupportable pour les pays en développement. À titre d'exemple, l'association Jubilee 2000, qui a recueilli à travers le monde plus de 17 millions de signatures appuyant son appel à l'annulation des créances sur les pays pauvres, estime que « treize enfants meurent chaque minute des conséquences de la dette ». Dans ce domaine le FMI et la Banque mondiale ont lancé en 1996 l'initiative intitulée « PPTE » (Pays pauvres très endettés) visant à effacer jusqu'à 90 % du montant de la dette multilatérale d'une quarantaine de pays figurant parmi les moins avancés. L'économie ainsi réalisée doit être consacrée à des projets de développement définis et suivis conjointement par les deux institutions. Toutefois, la question du financement de ce programme, qui figurait à l'ordre du jour du Sommet du FMI et de la Banque mondiale réuni en avril dernier, n'a pu être définitivement résolue, et à ce jour seuls sept pays ont pu en bénéficier.
Par ailleurs, lors du Sommet de Cologne en juin 1999, les membres du G7 se sont engagés à effacer partiellement leurs créances bilatérales, pour un montant global de 70 milliards de dollars. Depuis lors, la France, suivie de l'Allemagne et des États-Unis, ont annoncé leur intention de faire porter leur effort sur la totalité des sommes qui leur sont dues par les plus endettés de leurs créanciers. Cependant, la mise en application de ces engagements se fait attendre. Et la plus grande incertitude demeure sur la façon dont seront désignés les pays bénéficiaires de ces mesures, de même que sur l'éventualité de conditionnalités qui pourraient leur être appliquées.
Toutefois cette nouvelle orientation, si elle était effectivement suivie, trancherait enfin avec la tendance constatée au cours des vingt dernières années, qui ont vu les ressources publiques consacrées à l'aide au développement s'amenuiser progressivement. Les flux d'aide représentent aujourd'hui moins de 0,3 % du PIB des pays membres du CAD (Comité d'aide au développement), ce qui représente un effort très inférieur à l'objectif de 0,7 % qui avait été fixé par les Nations unies dans les années 70.
b) La transition libérale en Europe centrale et orientale
Pour les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), la chute du mur de Berlin en novembre 1989 a entraîné des changements profonds de système économique et de régime politique. Depuis lors, ces pays traversent une difficile période dite « de transition », dont le bilan au bout de dix ans s'avère très contrasté dans le domaine économique, et globalement négatif sur le plan social.
Le changement de système économique s'est opéré, à quelques nuances près, de la même façon dans tous les pays concernés, d'une part parce que les nouveaux dirigeants étaient animés d'une même foi dans le libéralisme économique, et aussi parce qu'ils ont tous été influencés par les organisations financières internationales, particulièrement le FMI.
Dès le début des années 1990, les PECO ont donc mis en oeuvre un train de réformes visant à basculer radicalement d'un système d'économie planifiée à celui d'une économie libérale de marché : libération des prix et des salaires, restructuration d'entreprises, vaste programme de privatisations, ouverture à la concurrence internationale. Confrontés aux déséquilibres engendrés par ces politiques (hyper-inflation, perte de compétitivité, effondrement de la production), les dirigeants ont été contraints, souvent sous la pression populaire, d'infléchir le rythme des réformes, sans toutefois en modifier fondamentalement les objectifs.
Cette politique a entraîné un bouleversement profond de cette région du monde. Les Européens de l'Est ont restructuré quantité d'anciens combinats obsolètes, créé des dizaines de milliers de PME dont un nombre non négligeable ont su se positionner sur des marchés prometteurs à l'exportation. L'inflation est désormais sous contrôle. Par ailleurs, la transition a permis l'apparition d'une classe moyenne qui peut déjà revendiquer les standards de vie occidentaux, en même temps qu'une paupérisation accrue d'une frange importante de la population.
Toutefois, la situation de ces pays apparaît assez contrastée entre ceux, peu nombreux, dont les performances en termes de croissance se sont maintenues ou ont progressé (Pologne notamment) et ceux où elles ont subi une nette régression (en premier lieu la Bulgarie).
Par ailleurs, le coût des réformes s'avère très élevé sur le plan humain. Les revenus n'ont augmenté que pour une partie très limitée de la population. En effet, à quelques exceptions près (dont la Pologne), le niveau de vie moyen a chuté dans les pays de la zone, parfois très fortement. La pauvreté a fait un bon spectaculaire : le pourcentage de la population réputée vivre en dessous du seuil de pauvreté fluctue désormais entre 30 et 50 % selon les cas. Dans la plupart des pays, la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages dépasse 50 % du total. Cette situation a entraîné l'essor de l'économie de subsistance, du troc et du secteur informel, lequel est estimé à 20 % du PNB en Roumanie.
Cette dégradation très sensible sur le plan social a deux causes principales. D'une part, le chômage, qui fait désormais partie des réalités dans les PECO où son taux se situe en moyenne entre 10 et 15 % de la population active (19 % en Albanie). Compte tenu des restructurations encore programmées, les perspectives s'annoncent sombres dans ce domaine.
D'autre part, la maîtrise des finances publiques s'est faite au détriment des dépenses sociales qui ont été les premières à subir les coupes budgétaires. La plupart des PECO ont diminué les allocations de maternité et familiales, renoncé à la gratuité des soins médicaux et de l'enseignement supérieur, suspendu le financement de logements sociaux et réduit les prestations aux chômeurs. Ces mesures ont des conséquences dramatiques : outre le développement de poches de grande pauvreté, déjà évoquée, on assiste partout à une baisse du niveau d'éducation, à la réinstallation de manière endémique de maladies disparues (la tuberculose, par exemple), à un effondrement de la natalité et à une hausse de la mortalité.
L'ensemble de ces difficultés explique la lassitude croissante et la déception de larges couches de la population, qui se traduisent par des mouvements de contestation sociale ainsi que, fréquemment lors des élections, par la sanction politique des équipes au pouvoir.
La transposition systématique du libéralisme « à l'occidentale » dans les PECO n'apporte pas les résultats escomptés : d'une part les pays qui s'enlisent dans la transition sont plus nombreux que ceux où des dynamiques positives cumulatives sont parvenues à s'enclencher. D'autre part, la qualité de vie des populations s'est globalement dégradée.
Ce constat devrait faire réagir l'Union européenne, qui non seulement a soutenu ces pays financièrement mais leur a aussi prodigué des conseils en politique économique de manière assez impérative à travers les conditions imposées par le FMI et la Banque mondiale.
c) Le caractère ultra-libéral de la mondialisation
Le phénomène connu sous le terme de « mondialisation », qui s'est considérablement accéléré dans la période récente, a profondément bouleversé les équilibres internationaux.
Les formidables progrès accomplis dans les domaines des communications (informatique, télécommunications, Internet) et des transports ont en effet permis une ouverture sans précédent des marchés, tant en ce qui concerne les mouvements de capitaux que ceux des marchandises. Aujourd'hui, plus de 1500 milliards de dollars changent quotidiennement de mains sur les marchés financiers, qui sont interconnectés à l'échelle mondiale, et les échanges commerciaux concernent près d'un cinquième des biens et services produits chaque année sur la planète.
La mondialisation peut être porteuse d'un grand nombre d'opportunités pour des millions de personnes dans le monde. L'accroissement des échanges, les technologies nouvelles, les investissements étrangers, le développement des médias et des autoroutes de l'information sont autant de facteurs qui sont susceptibles d'alimenter la croissance économique et le progrès de l'humanité. Les richesses et les techniques dont nous disposons globalement sont plus importants que jamais.
Toutefois, le caractère ultra-libéral de la mondialisation aboutit à une répartition très inégale de ces opportunités.
Peu nombreux sont les pays, outre ceux dits « du Nord », qui parviennent à tirer parti de la mondialisation grâce notamment aux investisseurs étrangers qui y trouvent une main d'oeuvre qualifiée à très bon marché.
Mais à l'autre extrême, on trouve un groupe important de pays qu'ignore le processus de mondialisation, et dont au contraire la marginalisation ne fait que s'accroître, ce qui apparaît d'ailleurs paradoxal si l'on considère que beaucoup d'entre eux sont fortement dépendants des échanges mondiaux : les exportations représentent ainsi près de 30 % du PIB de l'Afrique subsaharienne, contre seulement 20 % pour la sphère OCDE. Mais les cours des matières premières exportées par les pays africains, pour l'essentiel imposés par des sociétés multinationales occidentales, ne cesse de baisser en valeur relative depuis le début du siècle. Ainsi, les revenus de ces pays se sont effondrés, et leur économie est tellement dégradée qu'ils n'attirent presque plus d'investissements étrangers. Autre conséquence, qui compromet gravement leurs chances de développement pour l'avenir, ils sont quasiment privés d'accès aux nouvelles technologies de l'information et du savoir : avec 19 % de la population mondiale, les pays de l'OCDE rassemblent plus de 90 % des utilisateurs d'Internet.
Ce résultat s'explique en grande partie par le fait que l'ouverture des marchés s'est faite sur une base idéologique purement libérale, visant à promouvoir une concurrence parfaite entre des acteurs économiques inégaux, sans que soit prise en compte l'extrême diversité des situations géographiques. Par manque de moyens, les pays petits et pauvres n'ont pu faire entendre leur voix au sein des forums de négociations sur le commerce international, notamment lors de l'Uruguay Round qui s'est presque limité à un dialogue entre représentants des pays du Nord. En revanche, les intérêts des grandes compagnies multinationales, qui s'avèrent les principales gagnantes du libre-échangisme, sont constamment relayés au sein de ces instances par de puissants groupes de pression.
Outre l'accroissement des inégalités entre les différentes régions du monde, le processus de mondialisation a eu de graves conséquences sur le plan humain qui n'ont pas épargné les pays riches eux-mêmes. En effet, arguant des contraintes de la concurrence mondiale, les restructurations d'entreprises se sont accompagnées de pertes d'emploi massives, alors même que, par souci de maîtrise des dépenses publiques, la plupart des États ont été conduits à remettre en cause des pans entiers de leurs dispositifs de protection sociale. La flexibilité et le développement du travail précaire se sont traduits par une plus grande insécurité en termes d'emploi et de revenu.
TABLEAUX COMPARATIFS
Tableau 1 : Évolution de l'IDH dans les pays de la Francophonie entre 1990 et 1997
L'indicateur de développement humain (IDH), dont la valeur est comprise entre 0 et 1, est un indice composite comportant trois éléments :
- le niveau de vie, mesuré d'après le PIB réel par habitant, exprimé en PPA (parité de pouvoir d'achat) ;
- l'espérance de vie moyenne à la naissance ;
- le niveau d'éducation, mesuré par un indicateur combinant pour 2/3 le taux d'alphabétisation des adultes et pour 1/3 le taux brut de scolarisation (tous niveaux confondus).
Pour chacun de ces éléments, les données utilisées sont fournies par des organisations internationales (FMI, Banque mondiale, ONU, UNESCO) ou estimées par le PNUD lorsqu'il n'en existe pas de plus fiables.
Le PNUD a inauguré un nouveau mode de calcul de l'IDH dans son dernier Rapport 1999, faisant intervenir des péréquations assez complexes. Les données pour 1990 figurant dans le tableau ont été recalculées selon cette nouvelle méthode, sauf dans les cas où cela n'a pas été possible (ils sont signalés par la mention « N.D. » - non disponible).
Tableau 2 : Évolution du PIB par habitant
L'unité de base est le dollar de 1987. Le PNUD procède pour cet indicateur à des corrections afin de tenir compte des parités de pouvoir d'achat.
Tableau 3 : Évolution des critères sociaux de l'IDH
Concernant le taux d'alphabétisation des adultes, les données fournies par le PNUD ont été considérablement affinées entre 1990 et 1997, rendant pour la plupart des pays la comparaison inopérante entre ces deux dates.
TABLEAU 2
ÉVOLUTION DU PIB PAR HABITANT
PIB par habitant (en dollars de 1987) |
Évolution |
||
1990 |
1997 |
||
AFRIQUE |
|||
Bénin |
332 |
371 |
+ 39 |
Burkina Faso |
257 |
290 |
+ 33 |
Burundi |
229 |
162 |
- 67 |
Cameroun |
911 |
756 |
- 155 |
Centrafrique |
418 |
387 |
- 31 |
Congo |
1 092 |
946 |
- 146 |
République démocratique du Congo |
190 |
97 |
- 93 |
Côte d'Ivoire |
893 |
899 |
+ 6 |
Djibouti |
N.D. |
N.D. |
|
Gabon |
4 422 |
4 575 |
+ 153 |
Guinée |
409 |
447 |
+ 38 |
Guinée Bissau |
209 |
234 |
+ 25 |
Mali |
260 |
271 |
+ 11 |
Mauritanie |
466 |
513 |
+ 47 |
Niger |
308 |
269 |
- 39 |
Rwanda |
316 |
222 |
- 94 |
Sénégal |
676 |
674 |
- 2 |
Tchad |
215 |
211 |
- 4 |
Togo |
394 |
363 |
- 31 |
PIB par habitant (en dollars de 1987) |
Évolution |
||
1990 |
1997 |
||
AMÉRIQUE DU NORD |
|||
Canada |
15 895 |
16 525 |
+ 630 |
ASIE |
|||
Cambodge |
111 |
139 |
+ 28 |
Laos |
322 |
415 |
+ 93 |
Vietnam |
N.D. |
N.D. |
|
BASSIN MÉDITERRANÉEN |
|||
Égypte |
900 |
1 015 |
+ 115 |
Liban |
N.D. |
N.D. |
|
Maroc |
916 |
927 |
+ 11 |
Tunisie |
1 310 |
1 670 |
+ 360 |
CARAÏBES |
|||
Haïti |
340 |
258 |
- 82 |
Sainte-Lucie |
N.D. |
N.D. |
|
EUROPE OCCIDENTALE |
|||
Belgique |
15 897 |
16 809 |
+ 912 |
France |
17 485 |
18 554 |
+ 1 069 |
Luxembourg |
22 501 |
28 010 |
+ 5 509 |
Suisse |
28 114 |
26 441 |
- 1 673 |
EUROPE ORIENTALE |
|||
Albanie |
640 |
562 |
- 78 |
Bulgarie |
3 176 |
2 332 |
- 844 |
Hongrie |
2 456 |
2 372 |
- 84 |
Moldavie |
N.D. |
N.D. |
|
Pologne |
1 559 |
1 926 |
+ 367 |
Roumanie |
1 452 |
1 457 |
+ 5 |
PIB par habitant (en dollars de 1987) |
Évolution |
||
1990 |
1997 |
||
OCÉAN INDIEN |
|||
Comores |
475 |
380 |
- 95 |
Madagascar |
245 |
209 |
- 36 |
Maurice |
2 129 |
2 752 |
+ 623 |
Seychelles |
4 400 |
4 632 |
+ 232 |