3. Deux impératifs : répondre à l'appel des intellectuels arméniens et articuler l'action culturelle sur la présence économique
La délégation sénatoriale a profité de sa visite pour rencontrer un ensemble d'intellectuels arméniens de haut niveau, qui lui ont permis de mesurer l'attirance que conservaient la langue et la culture françaises pour les élites arméniennes. Il y a là une demande et même un appel parfois pressant, auxquels la France se doit de répondre. Toutes les voies permettant de resserrer les liens culturels doivent être explorées, faute de quoi l'on risque de gaspiller le capital de confiance et d'attraction que possède encore la France en Arménie.
Il est vrai que se pose alors le problème des moyens. La délégation avait, au départ, vivement souhaité encourager la création d'une Alliance française à Erevan. La création d'un tel organisme reste un objectif hautement souhaitable et viendrait transformer la francophilie des Arméniens en véritable francophonie.
Mais, à l'issue de la mission, il est apparu qu'une telle création devait être plus l'aboutissement d'un processus qu'un acte volontariste a priori, utile certes, mais qui ne tendrait pas à s'appuyer sur toutes les synergies techniques et économiques. Á défaut de celles-ci, l'usage du français resterait dépourvu de racines dans un contexte d'influence croissante de l'anglais et de la culture anglo-saxonne.
Il faut être réaliste. Sans l'appui d'un intérêt économique direct, et notamment la perspective d'un emploi, les jeunes tourneront naturellement les yeux vers les États-Unis. Le français doit être considéré comme une culture vivante, un investissement utile et pas seulement un luxe un peu nostalgique. Le prestige de la culture française classique reste un atout qui doit être utilisé mais le français ne doit pas se réduire à un exercice désintéressé. Il doit apparaître comme vivant avec son temps et, surtout, comme un moyen de promotion sociale et d'insertion dans la vie économique.
De ce point de vue, les entreprises françaises installées en Arménie, les cadres qu'elles sont susceptibles de former doivent constituer la cible privilégiée de nos efforts. Car ce sont eux dont les enfants sont susceptibles de fréquenter les écoles françaises et les sections françaises des universités qu'il faudrait arriver à mettre sur pied, pour constituer ainsi les élites de l'Arménie de demain. C'est parce que nos relations commerciales, économiques, intellectuelles et scientifiques seront denses que l'intérêt pour l'apprentissage du français sera plus vif et que la France pourra conforter son influence culturelle face à la montée de l'attrait pour la culture anglo-saxonne.