2- UN PEUPLE ENSERRÉ DANS LA TRAME MOUVANTE DES EMPIRES D'EUROPE CENTRALE

L'arrivée des Slovènes

Vlème siècle : La tribu slave des Slovènes, fuyant devant les Avars, s'installe en Carniole. Elle s'arrête lorsqu'elle rencontre un peuplement germanique important (Bavarois).

Vllème siècle : après la défaite des Avars face aux Byzantins, les slovènes réussissent à conquérir leur autonomie.

745 : les slovènes de Carinthie sont convertis au catholicisme par des missionnaires germains partis de l'évêché de Salzbourg. Ils acceptent la suzeraineté de la Bavière.

Les slovènes ne purent jamais constituer d'ÉTAT et, dès Charlemagne, furent soumis aux Empires germaniques successifs - carolingien, othonien, habsbourgeois. C'est une des très grandes différences que l'on peut déceler avec un peuple slave comme les Croates, qui ont pu disposer pendant deux siècles (Xème - XIème) d'un royaume autonome, avant d'être rattachés à la couronne de Saint-Etienne en 1102 : pendant huit siècles, leur destin va être fondamentalement attaché aux Hongrois. Quant aux Serbes, ils ont constitué un royaume, au ; XIVème siècle, qui reste extrêmement présent dans leur conscience nationale.

Cette situation explique que ces Slaves « germanisés » ont du se construire une communauté linguistique propre : le slovène devient une langue spécifique, alors que les Serbes et les Croates se sont accordés pour avoir une langue littéraire commune, le « serbo-croate ».

Pendant six siècles, la Slovénie est une partie indissociable de l'Empire des Habsbourg : la Carniole fait partie de la Styrie, autour de Graz, qui regroupe ainsi le sud ouest de l'actuelle Autriche et la plus grande partie de l'actuelle Slovénie.

La Slovénie dans l'Empire des Habsbourg

1278-1918

1273 Rodolphe 1er élu roi de Germanie (fondation de la dynastie des Habsbourg).

1278 bataille de Dürnkrut - mort d'Ottokar II et fin du rêve d'un grand royaume slave existant depuis 1260 et réunissant les Tchèques et les slovènes.

XIIIème - XVème siècles l es principautés morcelées sont peu à peu réunies par les Habsbourg et fortement germanisées.

Les slovènes font partie de la Styrie, qui forme avec la Basse-Autriche et le Tyrol, le coeur de l'Empire habsbourgeois.

Provinces de Styrie, de Carinthie et de Carniole

L'épisode des « Provinces Illyriennes » est très présent dans l'esprit slovène. Il tire son origine dans la nécessité pour l'empire autrichien de ne pas paraître accorder moins de concessions que n'avait accordé Napoléon. L'enseignement est autorisé en langue slovène à partir de 1815. Les Slovènes, à part quelques intellectuels « yougoslaves », font bien partie des meilleurs sujets de François-Joseph, comme le montre le roman le plus célèbre du Viennois

Joseph Roth La Marche de Radetzky, qui décrit l'ascension et la chute d'une famille slovène, à partir des exploits militaires du fondateur de la dynastie, faisant partie de la cavalerie autrichienne. Les slovènes sont toujours très fiers de leurs chevaux Lipitza.

L'épisode des Provinces Illyriennes

1809-1814

Par le Traité de Schoenbrunn (octobre 1809), l'Autriche abandonne à la France ses dernières possessions en Dalmatie - Istrie Trieste -Carniole - Carinthie - une partie de la Croatie. Tout cela forme les Provinces Illyriennes, annexées à l'Empire français afin de contrecarrer par une route terrestre le blocus anglais des voies de la Méditerranée

Sans la première guerre mondiale, qui a servi d'agent déclencheur à la décomposition de l'empire habsbourgeois, il est loin d'être évident que les Slovènes se seraient séparés à terme de Vienne. Comme le montre l'historien Jean Béranger dans son Histoire de l'Empire des Habsbourg 1273-1918 1 ( * ) , les nations retirent à l'été 1918 leur confiance aux Habsbourg, en dépit des propositions de réforme faites in extremis par l'empereur Charles. Le désastre final des armées autrichiennes à Vittorio-Veneto, face à la percée anglo-italienne (24 octobre 1918), où bien des éléments non allemands refusèrent de monter en ligne, ne voulant pas mourir pour un ÉTAT auquel ils ne croyaient plus, en apporte la démonstration.

À l'automne 1918, et alors que l'empereur Charles abdique de facto le 12 novembre, les Slovènes participent à la création, tout d'abord, d'un ÉTAT yougoslave, allant des frontières de la Serbie à celles de l'Italie. Le 1er décembre 1918, au palais royal de Belgrade, le prince-héritier Alexandre proclame en effet solennellement « l'union du royaume de Serbie et des pays de l'ÉTAT indépendant des Serbes, Croates et Slovènes en un royaume uni des Serbes, Croates et slovènes » 2 ( * )

La Slovénie dans la Yougoslavie

1918-1991

1934 assassinat à Marseille du roi Alexandre.

1941 (12 avril) entrée des troupes italiennes à Ljubljana : la Slovénie est partagée en deux zones d'occupation, italienne (ouest) et allemande (est).

1945 La Slovénie devient une des six républiques yougoslaves composant la Fédération.

1947 et 1954 Détermination des frontières définitives entre la Yougoslavie et l'Italie : la Slovénie s'agrandit d'une partie de la Vénétie julienne et de la région de Trieste.

Il est frappant de constater qu'un pays sous domination autrichienne de 1278 à 1918 soit devenu « indépendant » aussi facilement. Il n'y a pas de référence à une souveraineté nationale perdue; il n'y a pas non plus d'exemple de combat séculaire pour acquérir l'indépendance. Celle-ci s'est affirmée davantage par évidence, dès le début du processus de décomposition de la fédération yougoslave, qui remonte - en fait - à la mort de Tito en 1980.

* 1 Fayard, 1990. p. 714.

* 2 Georges Castellan. Histoire des Balkans . Fayard. 1993. p. 401.

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