II. LES CONSÉQUENCES DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
À priori, le maintien d'une majorité républicaine au Congrès facilite une reprise des initiatives de politique commerciale de l'exécutif. Des possibilités de blocage politique existent cependant. Le risque existe également de voir le Vice-Président Al Gore, désireux d'être candidat aux primaires démocrates de 1999, jouer le jeu de la gauche démocrate au Congrès (Richard Gephart, David Bonyor, Charles Wrangle) afin d'obtenir le soutien des syndicats - ces derniers ont joué un rôle considérable dans la dernière campagne, en investissant 30 à 40 millions de dollars -, de la gauche démocrate et des minorités, représentées par Charles Wrangle, le démocrate le mieux placé à la sous-commission du Commerce.
Par ailleurs, le Président n'a pas besoin d'une grande politique commerciale. Il a déjà fait ses preuves, notamment avec le succès de l'Uruguay Round. Les risques d'échec ou d'embourbement dans les grandes initiatives régionales sont tels qu'une relance dans ce domaine au cours du second mandat est peu probable. La politique vigoureuse menée entre 1993 et 1996, avec l'APEC (Asie/Pacifique), l'Accord de libre-échange pour les Amériques (sommet de Miami, avec les pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale) et le projet de relance du dialogue transatlantique, ne devrait pas connaître de suite importante. En effet, la mise en place de l'ALENA a eu beaucoup de conséquences : les hommes politiques américains, notamment les membres du Congrès, ne courront pas le risque de déplaire à une opinion publique persuadée que les initiatives régionales ont des effets néfastes en matière de délocalisation et de pertes d'emploi. L'opinion se trompe probablement. Mais ses craintes ont été habilement exploitées par Pat Buchanan et une partie des Démocrates. Je ne crois donc pas à une relance importante des initiatives dans ce domaine, d'autant plus que le début du nouveau round de négociations multilatérales prévu par les accords de Marrakech n'interviendra qu'en 1999, à la fin du mandat du Président Clinton.
La politique commerciale américaine restera cependant offensive. Le néo-pragmatisme américain et ses ambiguïtés vont persister et peut-être s'amplifier. Les Américains continuent de croire aux vertus du libre-échange, mais veulent également l'assortir d'un certain nombre de garde-fous collectifs et d'armes unilatérales. Ils souhaitent développer de nouvelles règles multilatérales en matière de normes sociales, de lutte contre la corruption, d'investissement, de transparence dans le domaine des marchés publics, etc. Les Américains ne veulent pas se priver des leviers d'action nationaux mis en oeuvre au titre de « la 301 », de « la super 301 », du traitement national, de la réciprocité ou du principe d'extra-territorialité, que nous dénonçons en Europe. Dans cette ère post guerre froide, les Américains ont le sentiment qu'ils devront avoir recours à une panoplie d'instruments tantôt bilatéraux, tantôt multilatéraux, tantôt unilatéraux.
Les hommes que choisira le Président pour constituer sa nouvelle équipe ne modifieront sans doute pas la situation. Ainsi, le probable futur responsable de l'USTR ne devrait pas profondément infléchir la politique menée, qu'il s'agisse de William Delley, le frère du maire de Chicago, avocat ayant joué un rôle important dans l'acceptation de l'ALENA par le Congrès en 1993, ou de Samuel Sandy-Burger, l'assistant d'Antony Lake au National Security Council, ancien avocat versé dans le domaine commercial. Ils sont tous deux partisans du libre-échange et très pragmatiques, donc peu différents de leurs prédécesseurs.