B. LE RETOUR À LA CONFIANCE
Le retour à la confiance caractérise l'élection de 1996. Le Président Clinton a été élu en 1992 dans un contexte économique perçu comme morose. Les Démocrates ont été battus en 1994 dans le même contexte. Le Président Clinton a été réélu en 1996 : les Américains ont pris conscience du fait que le leadership économique, technologique et commercial de l'Amérique était aujourd'hui de nouveau assuré. Les Américains sont sans doute moins confiants concernant le leadership stratégique des ÉTATS-UNIS d'un point de vue militaire notamment.
Le niveau du chômage, qui s'élève à 5 %, probablement 7 % si l'on tient compte de la population carcérale et des « découragés du travail », participe également de ce retour à la confiance.
Enfin, la hausse des profits, très importante aux ÉTATS-UNIS constitue un autre facteur explicatif. Le Dow Jones a progressé de 80 % en quelques années et les profits des entreprises continuent de croître. Le premier trimestre 1996 n'avait pas enregistré de hausse de la rentabilité des entreprises, mais le second indique une progression de 19 %. Cette rentabilité des entreprises avait déjà augmenté de 54 % en 1994 et de 30 % en 1995.
Ce retour à la confiance a pour conséquence une légère amélioration du taux d'épargne américain, jadis le principal handicap de cette économie, mais surtout une légère sous-évaluation du dollar. Ainsi, les États-Unis restent très attractifs pour les investisseurs de portefeuille, compte tenu des taux d'intérêt prévalant sur place et de la rentabilité des entreprises, mais aussi pour les investisseurs directs, du fait de la légère sous-évaluation du dollar. Cette dernière est également un moyen de maintenir la compétitivité monétaire des entreprises américaines, notamment vis-à-vis de l'Union européenne et du Japon. Pour les ÉTATS-UNIS ce point est fondamental compte tenu du déficit encore important vis-à-vis du Japon et de celui qui se dessine avec l'Union européenne.
C. TENTATIVE D'EXPLICATION DE CETTE CONFIANCE RETROUVÉE
De récentes mesures de politique intérieure ont facilité ce retour à la confiance : la hausse du salaire minimum, l'amélioration de l'assurance maladie et surtout des projets fiscaux très ciblés que le Président a placés au coeur de sa campagne, en les opposant aux projets de baisse des impôts mis en avant par le candidat républicain. Ils concernent l'éducation, le développement urbain, la baisse de la taxation des plus-values sur les résidences principales, etc.
Ces succès peuvent encore s'expliquer par le « durcissement social » de l'économie américaine. Depuis 20 ans, les rémunérations stagnent ; les inégalités s'accroissent ; une partie de la population s'appauvrit et se précarise.
Un autre élément explicatif est le débat permanent qui prévaut aux États-Unis. Entre l'État fédéral et les entreprises, entre l'État et les États, entre les universités et l'État, entre les universités et les entreprises, entre les entreprises elles-mêmes, il y a en effet un débat permanent, ouvert et public, débouchant toujours soit sur des décisions à caractère national, soit, en cas de blocage, sur des expérimentations.
On a dit que cette campagne était vide de sens. Des questions essentielles ont pourtant été abordées concernant les moyens d'obtenir plus de croissance, sur la manière de freiner le dérapage des dépenses sociales, ainsi que sur le niveau du chômage et sa compatibilité avec une politique monétaire neutre, n'accroissant pas les taux d'intérêt. Loin d'être creuse, la campagne a donc été l'occasion de nombreuses recherches et d'un débat entre des visions assez antagonistes du développement et de la relance des structures économiques américaines.
Le rôle de l'État fait également l'objet d'un débat fondamental. Sur ce point, le choix s'est clairement porté sur un État centriste, intervenant ponctuellement pour orienter l'économie sans être totalement impliqué lui-même dans la création de richesses. On le voit bien dans le domaine de la fiscalité, dans le domaine budgétaire, dans le domaine de la réforme des programmes sociaux. Les choix faits en 1995 et 1996, malgré la « paralysie » due à l'affrontement entre un Président démocrate et un Congrès à majorité républicaine, ont été des choix dits de « triangulation », visant à définir une politique économique modérée et centriste. D'ailleurs, les électeurs américains ont renforcé ce recentrage de l'État en élisant délibérément un Président démocrate et un Congrès républicain. A mes yeux, cela constitue une chance pour les États-Unis : cela évitera aux Républicains de tomber dans les tentations extrémistes dont ils ont beaucoup pâti pendant la campagne, notamment sur les valeurs morales et sur le démantèlement des programmes sociaux ; cela évitera au Président, et plus encore au Vice-Président, de trop pencher vers la gauche, en particulier la gauche syndicale.