II. LE CHILI ET L'ALENA
Le Chili se situe dans une position originale et complexe. Après avoir adhéré à l'APEC, en 1994, il s'est associé au MERCOSUR et a signé avec l'Union européenne un nouvel accord de coopération en 1996. Dans le même temps, sa participation à l'ALENA avait été très sérieusement envisagée. Cette adhésion est reportée en 1997 en raison de l'actualité politique américaine. En effet, le Congrès américain, dans le cadre du fast track, avait mis un terme à cette possibilité d'accord. Les Chiliens ont donc décidé, le Président Frei nous l'a rappelé début octobre, d'attendre les résultats des élections américaines et ses éventuelles conséquences sur la position du gouvernement américain sur ce sujet.
Il en est de même en ce qui concerne les relations entre le Chili et le Canada. Le Président Edouardo Frei a reporté sa visite au Canada, début octobre, dans l'attente de l'examen des conditions dans lesquelles pourrait être renégociés (en particulier avec le Canada) les accords d'association dans le cadre de l'ALENA.
Cette accumulation nouvelle d'intérêts pour les regroupements commerciaux régionaux a conduit certains à qualifier la politique chilienne de « polygamie commerciale ». Le Chili a transformé des questions a priori techniques en de véritables thèmes de débat politique. Aujourd'hui au Chili, le sujet des accords économiques est devenu un élément central de la vie nationale.
Les opinions sur l'ALENA sont partagées. De longue date, les syndicats ont manifesté leur hostilité à l'adhésion du Chili. En tous cas, si le traité ne contenait pas des annexes sociales et syndicales. Les milieux patronaux, quant à eux, sont relativement divisés sur la véritable importance de l'ALENA pour l'économie chilienne. Le secteur des grandes entreprises, de la banque et de la finance y voit des avantages, en particulier en termes de stabilité économique. Par contre, les organisations professionnelles d'exportateurs de produits manufacturés y voient un intérêt moindre. En effet, elles craignent les effets négatifs de l'entrée de produits nord-américains sur le marché chilien, qui pourrait l'emporter sur les effets bénéfiques d'une éventuelle augmentation des exportations vers les États-Unis. Rappelons en effet que le Chili est avant tout un fournisseur de matières premières et de produits de base pour le marché américain. Même avec un accord de libre-échange, il sera très difficile pour les produits manufacturés chiliens de s'introduire sur le marché américain.
L'année 1995 n'a certes pas permis une adhésion du Chili à l'ALENA. Mais cette déconvenue a sans doute permis au Chili de relativiser l'importance de l'enjeu. L'ALENA est en effet géographiquement éloigné. Quant aux échanges, ils sont pour le moins réduits : le solde commercial est négatif de l'ordre de 350 millions de dollars. Pour un pays qui compte 13 millions d'habitants, il est donc nécessaire de relativiser l'importance économique de cet accord. D'un autre côté, les progrès réalisés dans l'intégration du MERCOSUR et la croissance des échanges bilatéraux avec les pays constituant ce bloc économique ouvrent des perspectives « plus latines » aux entrepreneurs chiliens. Je rappelle en effet que le Chili est le premier investisseur en Argentine. Le Chili a effectué un choix de développement économique : il exporte principalement des matières premières vers l'ALENA et des produits manufacturés vers le MERCOSUR.
En conclusion, aux yeux du Chili, l'adhésion à l'ALENA semble relever davantage de l'ordre de la satisfaction politique que de celui de l'intérêt commercial.
M. Bertin COTÉ
Je souhaiterais apporter une précision à l'intervention de Monsieur du Luart. Depuis le report de la visite du Président Frei au Canada, les négociateurs se sont réunis à deux reprises : les dernières difficultés sont à présent pratiquement résolues. Nous sommes donc quasiment prêts. A cet égard, je rappellerai que le Chili défend des intérêts politiques mais également économiques. En effet, le premier investisseur étranger au Chili est les États-Unis ; le second est le Canada.