3 - UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE CONSTRUCTIVE
Depuis leur création, les Emirats s'efforcent de contribuer à la stabilité du Golfe. Proches de l'Occident, ils ne négligent cependant pas la solidarité arabe. Avec leurs voisins auxquels des différends frontaliers les ont parfois opposés, ils mènent une politique de réconciliation et de normalisation.
a/ Une importante contribution à la stabilité du Golfe
Les
Emirats sont attachés au Conseil de Coopération des Etats Arabes
du Golfe (CCEAG). Ils participent activement aux activités du Conseil.
Celui-ci soutient de son côté les Emirats face à l'Iran, au
sujet du différend qui oppose les deux pays (îles d'Abou Moussa,
de la Petite et de la Grande Tomb).
Très concrètement, les relations entre les Emirats Arabes Unis et
leurs voisins, parfois difficiles, tendant à s'améliorer
significativement.
Avec le Sultanat d'Oman, les liens ont été notablement
renforcés par la crise du Golfe. Le Sultanat s'est alors résolu
à ouvrir une ambassade à Abou Dabi. Une commission mixte se
réunit depuis lors à haut niveau et de façon
régulière pour tenter de régler d'inextricables
problèmes frontaliers : deux enclaves omanaises sont situées
en territoire émirien, les frontières sont mal
délimitées avec six des sept Emirats. Les deux Etats s'attachent
aussi à donner un caractère exemplaire à leurs relations.
Au-delà du règlement de leurs différends
bilatéraux, les Emirats et Oman se sont engagés dans un processus
de concertation qui a fonctionné, par exemple en 1994, lors de la crise
yéménite.
Les relations avec le Qatar, longtemps tendues, sont, elles aussi,
marquées par l'apaisement. Doha a toujours tenu à marquer son
indépendance à l'égard d'Abou Dabi et avait refusé,
en 1971, de se joindre à la nouvelle Fédération. Le coup
d'Etat de juin 1995, par lequel l'émir du Qatar a été
déposé par son fils, tout comme la politique
étrangère ambitieuse et autonome de Doha ont provoqué
quelques frictions entre les deux Etats. L'animosité de leurs relations
semble aujourd'hui atténuée. De surcroît, les
différends frontaliers entre les deux pays sont désormais
réglés.
L'Arabie saoudite est le grand voisin terrestre des Emirats. Son ombre
tutélaire, comme son histoire, laisse parfois craindre aux Emiriens pour
la pérennité de leur indépendance. Certes, les deux Etats
entretiennent d'importantes relations bilatérales, politiques et
économiques. L'Arabie saoudite est, en un sens, une protection pour la
sécurité émirienne. Cependant, le dynamisme de la
politique étrangère de Ryad, sa puissance économique et
militaire, son poids démographique (10 à 15 millions
d'habitants contre 2,3 aux Emirats), son influence religieuse sont autant
d'éléments qui peuvent être source d'inquiétude pour
les Emirats.
Enfin, le dernier grand voisin des Emirats est l'Iran. Seul le détroit
d'Ormuz et le mince golfe arabo-persique les séparent. Chaque jour, des
centaines de dows (bateaux traditionnels) le franchissent pour approvisionner
les marchés iraniens. De fait, l'Iran absorbe près de 40 %
des exportations de Doubaï. A Doubaï même est installée
une importante communauté iranienne. Les relations bilatérales
sont aujourd'hui dominées par le contentieux territorial qui oppose les
deux pays au sujet des îles d'Abou Moussa, de la Petite et de la Grande
Tomb. En étendant, en 1992, sa souveraineté à l'île
d'Abou Moussa, jusqu'alors partagée entre les deux pays, l'Iran a
ravivé les prétentions traditionnelles des Emirats et de ses
alliés du Conseil du Golfe à l'encontre de Téhéran,
prévue comme une menace pour la stabilité régionale. Les
Emirats souhaitent régler ce différend par concertation
bilatérale, puis, en cas d'échec, par saisine de la Cour
internationale de Justice, comme l'a confirmé le secrétaire
général du ministère des affaires étrangères
de la Fédération.
Enfin, même s'il n'est pas un voisin immédiat, l'Irak constitue
évidemment un sujet important de préoccupation pour les Emirats.
Lors de la guerre du Golfe, un contingent émirien a participé aux
combats aéroterrestres. De surcroît, la Fédération a
accueilli sur son sol des forces américaines et françaises, mais
aussi égyptiennes, syriennes et marocaines. La politique à
l'égard de Bagdad est double et marquée par
l'équilibre : fermeté à l'égard de l'Irak mais
réaffirmation de son attachement au maintien de
l'intégrité territoriale de ce pays ; souhait de
levée des sanctions internationales mais volonté d'application
par l'Irak de toutes les résolutions du Conseil de
sécurité des Nations-Unies.
b/ L'attachement à la solidarité arabe
Cet
attachement apparaît dans de nombreux domaines. Celui du processus de
paix au Proche-Orient est le plus patent. Le secrétaire
général du ministère des Affaires étrangères
a ainsi rappelé que les Emirats Arabes Unis soutenaient ce processus
depuis la conférence de Madrid. Il a vivement regretté la
politique du Gouvernement de M. Netanyahou. A cet égard, il a
relevé que les Etats-Unis, par l'ambiguïté de leur attitude,
et la Russie, par sa faiblesse, portaient une lourde responsabilité dans
le blocage des négociations. Il a considéré que l'Union
européenne pouvait jouer un rôle important en faisant pression,
notamment en matière économique, sur l'Etat hébreu.
La Fédération consent, par ailleurs, un important effort d'aide
au développement en direction des communautés arabes ou
musulmanes. Depuis 1984, elle a consacré 3,5 % de son PNB à
cette aide. Le fonds d'Abou Dabi finance des projets dans plus de 44 pays.
Les principaux bénéficiaires sont musulmans : Bosnie,
Tchétchénie, Kazakhstan, Indonésie, Somalie. Par ailleurs,
les Emirats apportent leur soutien à l'Organisation de la
conférence islamique (OCI) et au Fonds islamique de solidarité
dont ils sont l'un des plus importants contributeurs. Ajoutons une forme d'aide
particulière : la coopération militaire entre les Emirats et
la Bosnie, concrétisée par l'entraînement de soldats
bosniaques et la fourniture d'armes.
Enfin, la Fédération s'est rapprochée de la Jordanie avec
laquelle elle s'était brouillée lors de la crise du Golfe. C'est
ainsi que Cheikh Zayed a reçu le roi Hussein, les 7 et 8 décembre
1996, à Abou Dabi. Autre exemple de solidarité arabe, l'attitude
manifestée à l'égard du Yémen. Au lendemain de la
guerre civile qui a déchiré ce pays, les Emirats ont pris acte de
sa réunification. Ils ont rapidement manifesté leur soutien
à Sanaa dans le contentieux qui l'oppose à l'Erythrée
à propos des îles Hanish. Par ailleurs, ils encouragent Sanaa et
Riyad à régler de façon pacifique leur contentieux
frontalier.
c/ Les relations avec l'Occident
Vis
à vis de l'Occident, les Emirats ont toujours mené une politique
à la fois amicale et indépendante. Ils comptent en effet sur
l'Occident pour garantir leur sécurité. C'est ainsi que des
accords de défense ont été signés avec le
Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France.
De surcroît, comme la délégation sénatoriale a pu le
noter, le mode de vie aux Emirats, et particulièrement à
Doubaï et Abou Dabi, est sans aucun doute le plus occidentalisé de
toute la péninsule arabique. L'islamisme, s'il n'est pas totalement
absent, reste très peu développé.
Cependant, les Emirats s'efforcent, autant que possible, de conserver une
certaine distance à l'égard des Etats-Unis, omniprésents
dans la région, et qui ont fait de la Fédération leur
cible prioritaire en matière de pénétration
économique et d'influence politique.