Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat. Questions et réponses doivent tenir en deux minutes et demie, sauf M. le Premier ministre qui bénéficie d'une faveur particulière.
Réforme du collège (I)
M. Patrick Abate . - Mme la ministre de l'éducation nationale, le collège est le maillon faible de notre système éducatif qui n'assume pas sa mission d'égalité des chances et d'émancipation. Moment charnière, le collège est devenu un lieu de sélection, d'échec et de relégation pour trop de jeunes.
Attaché comme vous au collège unique, qui ne doit pas être uniforme, nous sommes inquiets du resserrement des programmes autour du socle d'apprentissages fondamentaux et de la suppression de trois à quatre heures au profit des « enseignements pratiques interdisciplinaires », supposés plus ludiques. Est-ce la meilleure façon de lutter contre le décrochage ? On privilégie ainsi ceux qui ont la possibilité d'acquérir les fondamentaux hors du système scolaire, creusant ainsi les inégalités sociales et territoriales.
Nous tenons aux langues vivantes et anciennes, qui doivent être accessibles à tous. La suppression des options latin et grec ne cache-t-elle pas le manque de moyens ? 4 000 ETP pour 7 100 collèges, c'est insuffisant. Grands absents de cette réforme, les moyens alloués à la formation, notamment continue, des enseignants.
Comment créer un collège de haut niveau pour tous, terreau des valeurs de la République ? (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur certains bancs UMP).
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville . - Mme la ministre de l'éducation nationale est en Suisse avec le président de la République.
Oui, le collège aggrave les inégalités, d'où la réforme lancée par la ministre, qui consolide les apprentissages fondamentaux : français, mathématiques, histoire. Aucune matière ne perd d'heure. Les programmes seront cohérents de la maternelle à la troisième. Les enseignements pratiques interdisciplinaires permettront de croiser les perspectives et de travailler en équipes. Les 20 % du temps et la latitude des établissements constitueront une liberté pédagogique, encadrée par les horaires et les programmes nationaux.
Nous sommes attachés à la mise en place d'un accompagnement personnalisé : trois heures en sixième, une heure au moins ensuite. 4 000 temps plein accompagneront la réforme.
Celle-ci ne remet pas en cause l'enseignement du latin, ni les classes internationales ou l'enseignement de l'allemand. Les 13 % d'élèves qui étudiaient l'allemand en langue vivante 2 pourront le faire un an plus tôt. Mieux faire apprendre et réussir les élèves, tel est l'objectif. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Programme de stabilité budgétaire (I)
M. François Marc . - Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement vient de faire connaître la teneur du prochain programme de stabilité : il repose sur un déficit public de 4 % en 2014, contre une prévision de 4,4 %. C'est encourageant après les déficits abyssaux de 2009 et 2010. (Protestations à droite)
M. Michel Berson. - Il faut le rappeler !
M. François Marc. - Cela démontre la capacité de la France à maîtriser ses dépenses sans augmenter les prélèvements obligatoires.
M. Alain Vasselle. - Mensonges !
M. François Grosdidier. - Vous reportez l'effort sur les collectivités !
M. François Marc. - Ceux qui protestent sont les premiers à augmenter les impôts.
M. François Grosdidier. - Vous vous moquez des maires !
M. François Marc. - La question est celle du rythme de réduction des déficits, car il ne faut pas bloquer une croissance frémissante. Nos prévisions de croissance sont d'ailleurs raisonnables : 1 % en 2015, 1,5 % en 2016 et 2017.
Monsieur le Premier ministre, comment convaincre nos partenaires européens que ce qui est bon pour la croissance et l'emploi en France l'est aussi pour l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Francis Delattre. - Quelle abnégation !
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Oui, il fallait redresser notre pays après dix ans d'échec (Applaudissements sur les bancs socialistes ; huées à droite), avec lucidité, modestie et humilité.
M. Eckert vous a présenté hier notre programme de stabilité pour trois ans. Oui, nous remettons les comptes publics à flot, en réduisant de 50 milliards les dépenses publiques sur la période 2015-2017. Aucun gouvernement n'avait fait un tel effort. Pour la première fois, les prélèvements obligatoires ont été stabilisés. (Protestations à droite) Ceux qui, comme le maire de Toulouse, vont devant les électeurs en expliquant qu'ils n'augmenteront pas les impôts locaux, qu'ils assument les conséquences de leurs mensonges ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La baisse de l'impôt sur le revenu, décidée l'an dernier, concernera 9 milliards de ménages à la rentrée. Ne laissez pas dire que nous augmenterions les prélèvements obligatoires. Si des impôts augmentent aujourd'hui, ce n'est pas à cause de nous mais de de l'opposition.
Nous avons une politique de soutien aux entreprises : le pacte de responsabilité, le CICE.
M. Francis Delattre. - Et vous tuez le secteur du bâtiment.
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Cela s'ajoute à la baisse des taux d'intérêt, de l'euro -que je demandais- et au plan Juncker. La parole de la France a été entendue, je m'en réjouis. La semaine dernière, j'ai pris des mesures pour soutenir l'investissement public et privé. Notre cap est le retour à la croissance, nous n'en dévierons pas. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)
Programme de stabilité budgétaire (II)
M. Vincent Delahaye . - Vous avez décidé de ne pas débattre avec la représentation nationale des nouvelles augmentations annuelles de la dépense publique, du pacte de responsabilité, du programme de stabilité budgétaire. Vous bafouez le Parlement, c'est pourtant lui qui a le dernier mot. Vous jouez l'esquive, tant votre majorité est divisée. Faut-il rappeler que le nombre de chômeurs a augmenté de 160 000 en un an, contre une baisse de 900 000 dans la zone euro, que les défaillances d'entreprises ont atteint le chiffre record de 62 500 ?
Nous aurions aimé que vous cessiez de présenter comme conjoncturels des déficits colossaux qui durent depuis des décennies. Nous aurions aimé que, pour sortir de ces déficits, vous engagiez de vraies réformes de structures. Nous aurions aimé que votre stratégie de réduction des dépenses publiques ne soit pas aux dépens des collectivités territoriales et, donc, sur les contribuables locaux. Nous aurions aimé que le Gouvernement se confronte au Parlement et ait le courage d'affronter les divisions au sein de sa majorité. Vous pouvez encore changer d'avis ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Le débat entre le Gouvernent et le Parlement a lieu, souvent pendant de très longues heures, jour et nuit, voire le samedi, et même éventuellement le dimanche. Les décrets d'avances ont été transmis à votre rapporteur général, nous avons passé hier deux heures devant votre commission des finances avec M. Sapin : nous sommes à votre disposition, y compris pendant les vacances. Nous serons d'ailleurs à l'Assemblée nationale la semaine prochaine.
Vous appelez de vos voeux plus d'économies. Les résultats de l'exécution budgétée ont été très positifs : l'État a dépensé 3,3 milliards de moins entre 2013 et 2014. (Exclamations sur les bancs UMP) Ce sont des chiffres et ils sont têtus. Aller plus loin ? Nous attendons vos propositions. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Programme de stabilité budgétaire (III)
M. Jean Bizet . - M. le ministre des finances est absent. Alors que nous cherchons à faire du projet de loi Macron un vrai texte de croissance,
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Pour en faire un vrai socialiste ! (Sourires à gauche)
M. Jean Bizet. - ...que notre pays s'enfonce dans l'immobilisme, je m'indigne de votre refus d'organiser un débat au Sénat sur le programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne. Celle-ci réclame des réformes, vous les refusez, ainsi que le débat avec le Parlement.
L'irrespect du Parlement le dispute à vos imprécisions sur la trajectoire des finances publiques. Vous vous étiez pourtant engagé devant la Conférence des présidents, conformément à l'esprit du traité de Lisbonne. Même refus à l'Assemblée nationale. M. Sapin, dans Le Monde d'hier, parlait d'un droit de regard et, éventuellement, de critique de la Commission européenne. Vous acceptez le débat avec la Commission et vous privez la représentation nationale de ce droit ! Pourquoi cette attitude et ce silence ? (Applaudissements à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Ce n'est pas la première fois qu'un vote n'est pas organisé sur ce programme : souvenez-vous du choix de François Fillon en 2012. Le ministre des finances est au FMI, à Washington.
Le Parlement est souverain puisqu'il vote la loi de finances.
M. Jean Bizet. - Pas de débat du tout !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Parlons plutôt de ce qui intéresse vraiment les Français, ce que nous proposons pour la France. Nous avons une stratégie : assainir nos comptes et tout faire pour la croissance, avec des priorités, l'éducation nationale, la sécurité et la justice, l'emploi.
Nicolas Sarkozy et l'UMP proposent de diminuer les dépenses publiques de 100 à 150 milliards ; en 2012, il parlait de réduire celles des communes de 10 milliards. Et vous dites que ce que nous faisons, c'est trop ? Dites donc aux Français combien de postes d'enseignants, de militaires, de policiers et de gendarmes, de services publics en milieu rural vous voulez supprimer !
M. Jean Bizet. - Organisez donc un débat !
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Nous avons dit clairement à la Commission européenne que nous ne suivrions pas les recommandations susceptibles de mettre en péril la croissance. La parole de la France est forte. Notre stratégie économique et budgétaire est claire : réduction des déficits et investissement, avec les 315 milliards d'euros de plus du plan Juncker. Pour votre part, soyez clair devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Politique du handicap
Mme Hermeline Malherbe . - Madame Neuville, ma question, moins partisane et plus concrète que la précédente pour la population, porte sur l'évaluation des politiques du handicap. Trois lois le définissent : la loi d'orientation du 30 juin 1975, la loi du 10 juillet 1987 et la loi de février 2005.
Cette dernière a créé les MDPH, lieux uniques d'accès aux droits et prestations, dont le volume d'activité n'a cessé d'augmenter. Dans un courrier daté du 23 mai 2014, l'Association des directeurs a proposé onze mesures de simplification. Lors de la conférence nationale du 11 décembre 2014, le président de la République a annoncé des mesures concrètes pour dégager du temps humain et le consacrer à l'accompagnement des personnes. Quelles sont-elles ? Comment l'État soutiendra-t-il les départements dans la politique du handicap ? (Applaudissements sur les bancs RDSE et sur de nombreux bancs socialistes et UMP)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion . - Mes félicitations pour votre réélection à la tête de votre département et votre engagement pour le handicap. (Vifs applaudissements sur les bancs RDSE) Les MDPH, malgré les difficultés, sont une formidable avancée.
Les délais sont encore trop longs, de l'ordre de quatre mois pour les adultes et trois mois pour les enfants. Je vous rassure, nous avons à coeur d'alléger leurs tâches administratives, afin d'améliorer l'accompagnement humain. Pour simplifier, nous accélérons la dématérialisation des formulaires, allongeons la durée d'attribution de l'AAH de type 2, de deux à cinq ans, ainsi que la durée de validité des certificats médicaux joints aux demandes, de trois à six mois, et mettons en place le tiers payant pour les aides techniques. Cela facilitera le travail des agents. Les départements sont les premiers acteurs de la politique sociale. C'est vous qui avez la connaissance du territoire et des habitants. Progressons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, RDSE et écologistes)
Réforme du collège (II)
Mme Corinne Bouchoux . - La réforme du collège est une impérieuse nécessité. Il convient de favoriser le travail de groupe et l'interdisciplinarité, qui sont essentiels.
Se pose la question de son articulation avec les choix curriculaires et extra-curriculaires du Conseil supérieur des programmes, entre la forme et le fond.
Toutes ces réformes seront vaines si rien ne bouge en matière de mixité sociale. Quelles formations des enseignants au travail en équipe, au numérique ? Pour mieux apprendre, réussir mieux -slogan de cette réforme-, ne faut-il pas d'abord et surtout accompagner l'évolution des pratiques pédagogiques au sein des collèges ?
Cette question est dédiée à notre ancien collègue, Claude Dilain, et aux élèves, parents et enseignants du collège Lurçat à Angers. (Applaudissements sur les bancs écologistes et sur plusieurs bancs socialistes)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville . - L'accompagnement personnalisé pour tous les élèves est l'axe fort de la réforme du collège : trois heures d'enseignement pratique interdisciplinaire, en 6e, une heure en 5e, 4e et 3e. Cela leur permettra d'acquérir des méthodes et de progresser. Les équipes bénéficieront de formation ; les principaux et inspecteurs seront mobilisés dès ce printemps. Le conseil supérieur des programmes a publié le 13 avril ce contenu des programmes.
Nous agissons contre la ghettoïsation et pour la mixité sociale. De nouveaux secteurs de recrutement pourront être décidés avec les départements. En hommage à Claude Dilain, c'est une mesure très importante pour les élèves des quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Réforme du collège (III)
M. Jacques-Bernard Magner . - Après la loi de refondation de l'école, le Gouvernement réforme le collège, dont les évaluations nationales et internationales montrent qu'il aggrave les inégalités scolaires. Les études PISA montrent que, par rapport à ceux des autres pays de l'OCDE, qui progressent pour la plupart, nos collégiens ont régressé en français, en mathématiques et en histoire-géographie ; beaucoup ne maîtrisent pas les fondamentaux. En France, la proportion d'élèves ne maîtrisant pas les compétences de base en français est de 12 % en cours moyen 2e année et de 25 % en 3e. En mathématiques, cette proportion est de 9 % en CM2 et de 13 % en 3e.
Le collège trie les élèves plus qu'il ne les accompagne ; il est peu efficace contre le décrochage, anxiogène pour les parents, frustrant pour les professeurs.
Or la refondation de l'école est au coeur du redressement du pays. Luttons contre le déterminisme social et faisons partager les valeurs républicaines. Comment renouer avec la promesse républicaine en réformant le collège ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville . - En effet, le nombre de collégiens en difficulté augmente : 25 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en français, 13 % en mathématiques. (On le déplore à droite) Sans mettre en cause l'engagement des enseignants, force est de reconnaître que le collège est inégalitaire, monolithique, inadapté, peu efficace contre le décrochage. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)
D'où la réforme pragmatique et globale engagée par la ministre de l'éducation nationale. Nous donnons aux équipes une marge de manoeuvre de 20 % du temps d'enseignement pour du travail en petit groupe, interdisciplinaire, les EPI, en libérant la capacité d'initiative des enseignants, en partant de ce qui marche sur le terrain. L'ennui est souvent la première cause du décrochage. L'enseignement d'une deuxième langue vivante dès la 5e, de la première dès le CP, le développement du numérique sont une réponse décisive.
Le collège doit être le lieu de la construction de la citoyenneté : le civisme, la célébration des symboles de la République y ont toute leur place. Il faut aussi apprendre le maniement des médias afin d'enrayer les théories du complot, de renforcer l'apprentissage de la démocratie. Notre réponse, vous le voyez, est globale et cohérente. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Politique budgétaire
M. Albéric de Montgolfier . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Merci par anticipation pour les félicitations qu'on ne manquera pas de m'adresser pour mon élection à la présidence du conseil départemental d'Eure-et-Loir. (Sourires et applaudissements au centre et à droite)
Michel Sapin déclarait : 50 milliards d'euros d'économies, rien que 50 milliards. Pourtant, le plan d'investissement annoncé coûtera 3,9 milliards d'euros. Comment sera-t-il financé ?
La Commission européenne vous presse de prendre des mesures supplémentaires d'un montant de 60 milliards d'euros entre 2015 et 2017, faisant d'ailleurs remarquer que les 50 milliards d'euros d'économies sont peu documentés, sauf peut-être pour les collectivités.
Enfin, dans le programme de stabilité budgétaire, on évoque des actions éventuelles pour respecter l'objectif de déficit nominal. N'est-ce pas contradictoire ? Faut-il y voir l'annonce d'une pression fiscale accrue ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Monsieur le rapporteur général, monsieur le président du conseil départemental (marques de satisfaction à droite), nous ne financerons pas les mesures ni par l'endettement, comme cela a été fait entre 2002 et 2012 (applaudissements sur les bancs socialistes, exclamations à droite), ni par les hausses d'impôts. (Même mouvement)
M. François Grosdidier. - Comment ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Rassurez-vous, tout se passera bien, monsieur Grosdidier. Elles seront financées par de nouvelles économies...
Mme Catherine Procaccia. - Sur les retraites ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est le cas des 960 millions d'euros de mesures de lutte contre le terrorisme, qui ont fait consensus. Les décrets d'avance vous ont été transmis : cette somme a été redéployée depuis d'autres ministères. Voyez aussi l'exécution budgétaire pour 2014 : nous avons financé 3,6 milliards d'euros de mesures nouvelles. La même méthode prévaut pour tout ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Politique de vaccination
M. Georges Labazée . - Madame la ministre, la semaine européenne de la vaccination débute le 20 avril. C'est l'occasion de favoriser une meilleure compréhension de la politique vaccinale.
Récemment, des événements tragiques ont mis en cause la sécurité du vaccin contre le rotavirus. Mais c'est en permanence que les professionnels de santé doivent rassurer. Pourquoi une telle défiance ? Le vaccin est un médicament préventif, solidaire puisqu'il protège les autres. L'obligation vaccinale est définie par la puissance publique. La décision du Conseil constitutionnel du 20 mars dernier rappelle son caractère obligatoire. Utilisons la vaccination de façon adaptée et acceptable pour la population. Comment faciliter l'accès au vaccin, personnaliser le suivi, éduquer à la vaccination ? Quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter à cette urgence ? (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - La semaine européenne de la vaccination doit être l'occasion de rappeler avec force l'importance de la vaccination, qui a permis de sauver des millions de vies, d'enrayer la propagation de maladies graves, d'éradiquer la variole. La vaccination n'appartient pas au passé. Ainsi, nous avons bon espoir d'endiguer la dengue.
Le risque de voir ressurgir des maladies demeure : un foyer de rougeole a été récemment découvert dans un collège alsacien, chez des enfants qui n'avaient pas été vaccinés. Le taux de personnes âgées vaccinées est insuffisant et les comportements réfractaires se développent.
Cela dit, le taux d'adhésion de la population à la vaccination s'améliore : 80 % actuellement, contre 61 % en 2010. J'ai mis en place un programme national d'amélioration de la politique vaccinale et clarifié le calendrier vaccinal.
Dans le projet de loi Santé, pour renforcer la couverture vaccinale, nous avons élargi la possibilité de se faire vacciner dans les centres de planification et les centres de santé, ou par des sages-femmes. En outre, le Premier ministre a confié une mission à la députée Sandrine Hurel sur ce sujet. Le Gouvernement est mobilisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Programme de stabilité budgétaire (IV)
Mme Fabienne Keller . - Vous allez trouver la majorité sénatoriale bien insistante : ma question porte à nouveau sur le pacte de stabilité. Monsieur le Premier ministre, vous avez dit que vous redressiez le pays, après dix ans d'échec.
M. Gérard Longuet. - Il est modeste !
Mme Fabienne Keller. - Et les 600 000 nouveaux chômeurs en trois ans du quinquennat de François Hollande ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Louis Carrère. - C'est 400 000 de moins que sous Nicolas Sarkozy ! (On renchérit sur les bancs socialistes)
Mme Fabienne Keller. - Selon M. Sapin, la trajectoire budgétaire du Gouvernement est celle prônée par Bruxelles, et le débat sur les sanctions européennes est complètement dépassé. Pourtant, la France est, avec la Slovénie, le Portugal et l'Espagne, l'un des pays dont le solde public est le plus dégradé. Les 4 milliards d'euros annoncés sont dus pour moitié aux seuls effets de la conjoncture, et notamment à la baisse de la charge de la dette !
Quelles orientations structurelles et durables allez-vous donc prendre ? Comment stimuler l'investissement des entreprises, boucler le budget de la défense sans augmenter les impôts ? (Marques d'impatience sur les bancs socialistes, d'approbation sur les bancs UMP)
M. Simon Sutour. - C'est laborieux !
Mme Fabienne Keller. - En quoi les mesures annoncées consolideront-elles durablement la structure du budget de la France ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Vous savez la considération que j'ai pour la Haute Assemblée...
M. le président. - Vous me l'avez dit hier...
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Oui, c'est un plaisir de répondre à ces questions répétées. (Sourires) Inutile de nous livrer à une bataille de chiffres.
Sinon, il nous faudrait vous rappeler le million de chômeurs supplémentaires, les 600 milliards de dette supplémentaire, le niveau du déficit que nous avons trouvés en 2012... (Protestations sur quelques bancs à droite) Les Français doutent de la parole publique. La tâche de ceux qui gouvernent est à la fois de réduire un niveau de chômage insupportable et des déficits beaucoup trop élevés - la cible est de 3,8 % en 2015, 3,3 % en 2016, 2,7 % en 2017, validée unanimement par la Commission européenne et le Conseil. Pour le déficit structurel, l'objectif est de 0,5 point en 2016.
Le rythme de redressement n'est pas modifié, afin de ne pas freiner la croissance. Compte tenu de la faible inflation, un effort supplémentaire de 4 milliards d'euros en 2015 et de 5 milliards en 2016 est nécessaire. C'est cela gérer sérieusement les finances !
Pour la première fois depuis 2008, on observe un fragile redressement, en France comme dans la zone euro. L'Espagne rebondit, mais je rappelle qu'elle part d'un niveau beaucoup plus bas.
Nous préparons l'avenir en finançant nos priorités : la sécurité, l'école, le soutien aux entreprises. D'où les mesures annoncées en faveur de l'investissement et privé.
Nous attendons vos propositions pour soutenir la croissance et réduire les déficits. On ne peut pas dire en même temps qu'il ne faut pas réduire les dotations des collectivités territoriales et augmenter le budget de la défense et de la sécurité sans augmenter les impôts, alors que vous avez supprimé des milliers de postes de policiers et de gendarmes entre 2007 et 2012 et augmenté les impôts de 30 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Couverture numérique du territoire
M. Philippe Adnot . - Monsieur Macron, ma question est doublement d'actualité. Durant la campagne pour les élections départementales, je n'ai pas vécu une seule réunion sans que l'on m'interpelle sur la téléphonie mobile et les zones blanches et grises. À croire qu'elles sont toutes concentrées dans mon département...
Le Premier ministre a dû entendre ces inquiétudes car il a proposé un plan. Cependant, le critère des zones blanches n'est pas satisfaisant : ne sont plus considérées comme telles les territoires où l'on réussit à passer un coup de fil à côté de la mairie : Si seuls les centres-bourgs sont couverts, la révolte grondera dans le monde rural.
La même question se pose pour les investissements dans le haut débit, qui préparent au très haut débit. Faudra-t-il encore que les collectivités locales mettent la main à la poche, accentuant ainsi encore le sentiment de nos concitoyens d'une France à deux vitesses ?
S'agissant de l'équipement haut débit internet, pourrait on accélérer la mobilisation du Fonds national pour la société numérique (FSN) et des fonds européens ? Pouvez-vous nous aider à faire prendre en compte la montée en débit comme investissement relevant du FSN puisque 95 % de cet investissement seront utiles pour le très haut débit, dit « FTTH » (Fiber to the home ou fibre optique jusqu'au domicile) ?
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique . - Merci pour le débat de qualité de ce matin. Le plan du Premier ministre se traduit par des chiffres inscrits dans la loi pour la première fois. Les objectifs sont clairs : couvrir les centres-bourgs de 170 communes en 2G et de 2 600 communes en 3G ou 4G.
Si ces buts ne sont pas atteints, les opérateurs seront sanctionnés ! Cela ne suffit pas, vous avez raison. En dehors des centres-bourgs, les zones blanches sont imparfaitement mesurées. D'où la création d'un guichet unique auquel toutes les collectivités territoriales auront accès. Quel sera le financement ?
Le financement initial sera assuré par les opérateurs, le financement complémentaire par l'enveloppe de 20 millions du FSM et le plan Juncker. Comptez sur nous pour le mobiliser ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance est suspendue à 16 h 5.
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
La séance reprend à 16 h 25.