Mariage des personnes de même sexe (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements n°4 rectifié bis, 6, 169 rectifié ter, 192 rectifié et 22 rectifié ter tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier.
Discussion des articles (Suite)
Articles additionnels avant l'article premier (Suite)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois. - Je regrette d'avoir dû quitter la séance de vendredi plus tôt que prévu. Le président de la commission des lois était là pour me suppléer, car il est parfaitement au courant comme l'étaient ses prédécesseurs.
Ces quatre amendements sont presque les plus importants de ce débat : ils proposent de substituer au texte une autre formule, celle de l'union civile.
L'amendement n°4 rectifié bis de M. Gélard est le fruit d'un important travail : il crée une union civile réservée aux couples de personnes de même sexe. Cette union va moins loin que le mariage, puisqu'elle ne prévoit pas la parentalité, mais plus loin que le pacs.
Je me réjouis que les opposants de naguère veuillent renforcer le pacs ! Cette initiative est la preuve que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. J'indique aux auteurs de l'amendement que le projet de loi ne modifie pas la présomption de paternité.
La fiction de l'adoption plénière ne tient plus aujourd'hui. Un enfant adopté comprend de visu qu'il ne peut être l'enfant de ses parents. De même, dans un couple homosexuel, les enfants comprendront d'emblée qu'ils ne sont pas biologiquement issus de ce couple. Il faudra y revenir dans le texte sur la famille.
C'est le président Hauser qui avait créé ce terme d'union civile, dans un rapport demandé par Jacques Toubon et remis à Élisabeth Guigou, après la dissolution de 1997. L'ajouter au code civil viendrait compliquer les choses et comment le réserver aux couples homosexuels ? Il n'est pas d'usage, dans notre droit, ni constitutionnel, de réserver ainsi un dispositif à une catégorie de personnes. C'est bien pourquoi le pacs avait été ouvert à tous.
La commission est donc défavorable à l'amendement n°192 rectifié. L'amendement n°169 rectifié ter est semblable, mais ouvre l'union civile à tous les couples. Nous y sommes défavorables, pour les mêmes raisons. L'amendement n°192 rectifié de M. Revet propose une formule singulière : il crée une sorte de concubinage « bétonné » qui se substitue au mariage. Défavorable. Même avis sur l'amendement n°22 rectifié ter de coordination. J'en viens à l'amendement n°6 de M. Cointat. Il aurait nécessité une discussion séparée, car même s'il traite de l'union civile, c'est dans un tout autre esprit que les autres : l'amendement ne se substitue pas au reste du projet de loi dont il laisse subsister le texte, en prévoyant un pacs amélioré pour tous les couples, avec l'idée de corriger dans le cours de la discussion les dispositions relatives à l'adoption. J'étais tout à fait favorable à aller plus loin sur le pacs, à l'époque. Une proposition de loi de Mme Borvo Cohen-Seat visait ici à l'améliorer et j'avais déposé une proposition de loi pour ouvrir l'adoption aux couples pacsés, dont Mme Des Esgaulx fut la rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement sinon sagesse. En tout état de cause, si cet amendement était adopté, la discussion suivrait son cours. Mais j'invite les auteurs de l'amendement à déposer une proposition de loi pour renforcer le texte.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. - L'union civile ressemble fort à un sous-mariage, comme la négation de l'adoption plénière revient à une sous-adoption. C'est s'engager sur la voie du communautarisme. Nicolas Sarkozy, dans Têtu en avril 2012, déclarait qu'il avait renoncé à l'union civile. Les juristes estimaient qu'elle devrait être ouverte à tous les couples : c'était pour lui, en faire un substitut au mariage, et vider, par conséquent le mariage de tout son sens.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vous citez Sarkozy : vous en êtes là pour nous convaincre ? C'est que vous êtes bien faibles ! (On renchérit à droite)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Nous ne sommes pas sectaires. Je rebondis sur les propos de M. Assouline. Le Printemps des Assoces, qui se tient depuis dix ans, n'avait jamais été perturbé. J'en sais quelque chose, comme ancien maire du IVe arrondissement de Paris. Il l'a été par des groupes affichant des slogans d'extrême droite. (Protestations sur les bancs UMP)
MM. Henri de Raincourt et Jean-Claude Carle. - La faute à qui ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Au Gouvernement !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Ce n'est pas par la violence que l'on fait valoir ses opinions. (Mêmes mouvements)
M. Christian Cambon. - Et les manifestants attaqués par les CRS ? (Exclamations à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous avez refusé un débat national !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. - La démarche, à l'exception de celle de M. Cointat, est la même : ces amendements visent à mettre en place un quatrième régime juridique. Ce Gouvernement n'y est pas favorable.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est bien dommage !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n'est pas en raison des insuffisances juridiques de ces amendements, concernant par exemple les conséquences de la dissolution ou pour la nationalité du conjoint que le Gouvernement est défavorable : il entend ouvrir le mariage aux couples de même sexe. C'est une raison de principe.
M. Patrice Gélard. - Je ne suis pas en accord avec vos conclusions, madame la garde des sceaux. Le mariage ne peut être modifié par la loi seule : la Constitution doit prévoir la possibilité pour le législateur d'intervenir sur ce sujet. Le mariage repose sur l'altérité et ce que vous proposez, c'est d'y mettre fin. Vous proposez un substitut qui a la forme du mariage, la solennité du mariage, les effets du mariage mais qui ne sera pas le mariage. Un mariage Canada Dry, en somme. Il manquera l'altérité, élément fondamental reconnu par les principes fondamentaux de la République.
Il faudra recourir à l'adoption, ou à la PMA, au risque de faire trois types d'enfants : adoption plénière, adoption simple, ou pas d'adoption possible, quand ils auront déjà des parents.
L'union civile était une tentative de compromis. Vous la rejetez. Cela crée des tensions que nous ne souhaitons pas, mais que faire ? Vous voulez nous entraîner dans une voie où nous ne voulons pas entrer. Je regrette que la concertation n'ait pas eu lieu. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Fournier. - Notre collègue Bruno Gilles, empêché par le décès de sa mère, m'a prié de le remplacer. L'être humain est le produit de l'altérité, c'est pourquoi le mariage est réservé aux couples de sexes différents. Les homosexuels n'en sont pas exclus : rien ne leur interdit de se marier avec une personne de l'autre sexe. La puissance publique ne prend pas en compte des pratiques qui appartiennent à la sphère privée. L'institution du mariage est un principe fondamental, datant de 1804, reconnu par les lois de la République. Malgré son érosion, ce statut reste très dominant. Les homosexuels vivant en union stable ne sont pas plus de 200 000. Une minorité s'est arrogé une légitimité que rien ne justifie. Il n'est pas légitime de bouleverser ainsi les fondements de notre société, en la poussant vers une logique communautariste, pour satisfaire les revendications d'une infime minorité. C'est détruire notre schéma social et notre cadre institutionnel. Le mariage, la famille, assurent la pérennité de l'ordre social. Les droits des couples homosexuels peuvent être autrement défendus, dans le respect des principes généraux de notre droit. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Colette Mélot. - Le texte poursuit un double objectif : mariage pour tous et ouverture à l'adoption. Quelle définition voulons-nous donner à la famille ? Quelle place réserver à l'enfant ? Questions essentielles, qui appelaient un débat de fond. Les manifestations massives qui ont eu lieu en témoignent. Recourir au référendum aurait été la voie de la clarté. Mais vous préférez avancer masqués : on sait quelles conséquences il faudra tirer de ce texte.
Un régime d'union civile eût été possible pour régler le problème. Il répondait aux revendications légitimes des couples homosexuels. On ne peut tout régler à l'identique. Des situations différentes doivent trouver des solutions différentes. (Mmes Laurence Rossignol et Cécile Cukierman s'exclament) Quant à ouvrir un droit à l'adoption, c'est clairement se substituer à la nature. Mme Bertinotti l'avoue elle-même : il n'y a que très peu d'enfants adoptables. Il faudra donc aller à la PMA.
Alors que le chômage, l'insécurité, la désindustrialisation frappent, où était l'urgence à légiférer ? Et comment répondrez-vous aux légitimes aspirations de ces enfants d'accéder à leurs origines ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Henri de Raincourt. - Un progrès en termes de liberté et d'égalité, avez-vous dit, madame la ministre. La déception sera au rendez-vous. Le mariage en sortira amoindri. Le pacs, créé pour donner plus de droits aux couples homosexuels, est de plus en plus choisi par les couples hétérosexuels, au détriment du mariage. En 2010, 203 000 pacs ont été conclus, contre 243 000 mariages, soit 18 % de moins qu'auparavant.
L'union civile que nous proposons renforcerait les droits légitimes des couples de même sexe, sans dévoyer une institution séculière. Malgré les palinodies de M. Hollande, disant une chose devant le Congrès des maires, une autre devant les associations d'homosexuels, à propos de la liberté de conscience des maires. Il faut croire que c'est la méthode, dite de « recherche du consensus », du président de la République, consistant à ne jamais froisser ses interlocuteurs et à chercher à contenter tout le monde. Quant à nous, nous tenons ferme sur nos positions. Nous condamnons les exactions, comme vous, et je ne vous permets pas de nous en imputer la responsabilité. Mme Bertinotti cite M. Sarkozy. Que ne vous référez-vous davantage à lui ! La France n'en serait pas là... (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Chauveau. - Vous confondez, avec ce texte, égalité et identité. À situation différente, traitement différent. Le mariage, c'est l'union d'un homme et d'une femme qui s'unissent pour perpétuer l'espèce. Ce n'est pas porter atteinte à la devise de la République que de souhaiter qu'il demeure ce qu'il est.
Et où s'arrêtera-t-on si l'on accorde le mariage au seul sentiment amoureux ? N'en viendra-t-on pas à l'élargir à l'amant, à la maîtresse et pourquoi pas à la polygamie de certaines cultures ? Restons sérieux ! (« Oh oui ! » à gauche) On ne peut mettre tous les couples sur le même plan. Dans le couple hétérosexuel, la procréation est en jeu. Mais il est vrai que vous vous préparez à ouvrir la PMA aux couples homosexuels.
L'union civile que nous proposons est une réponse intelligente et respectueuse. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Caroline Cayeux. - L'Académie des sciences morales et politiques, dans son avis de février 2013, estime que ce texte transforme profondément notre droit. Le pacs n'était peut-être pas parfait - successions, pensions de réversion, notamment - et la situation des couples de personnes de même sexe devait être sécurisée. Lors des débats sur le pacs, nous craignions de voir fragiliser l'institution du mariage : nous y sommes ! Pourtant, vous promettiez à l'époque, à la France entière, que vous n'y toucheriez pas. Il y a eu tromperie !
L'alternative que nous proposons ici ne remet pas en cause les droits des couples hétérosexuels. Elle rapproche les deux situations d'un point de vue patrimonial. Les conditions requises pour conclure l'union seront également identiques à celles du mariage. En revanche, nous limitons les droits extrapatrimoniaux, pour des raisons que nos débats à venir rendront suffisamment claires. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Oui, vous avancez masqués car on en viendra à la PMA. C'est pourquoi nous proposons l'union civile, qui permettra aux couples de même sexe de s'unir solennellement devant le maire, et emportera les mêmes devoirs que le mariage, hormis l'adoption. Cela ne veut pas dire que nous dénierions leurs droits aux couples homosexuels. Moi qui célèbre beaucoup de mariages dans ma mairie, je suis sensible à cette solennité ; l'union civile l'apporte, avec les exigences de fidélité, de respect, de partage des revenus. Tout cela n'est pas rien.
Je ne suis pas homophobe, que les choses soient très claires, et je condamne les débordements. Mais vous n'avez pas voulu de grand débat national : les désaccords s'expriment comme ils peuvent. (Exclamations à gauche) Vous ne pouvez pas vous exonérer de vos responsabilités. (Vives protestations à gauche)
Il faut évoluer, nous le faisons, pas vous. Il faut améliorer les droits des couples homosexuels, par une reconnaissance célébrée devant le maire. C'est entendre leurs demandes légitimes, tout en préservant l'institution du mariage. (« Très bien ! » à droite) C'est une reconnaissance sociale, qui leur donne non seulement des droits, mais aussi des devoirs. La limite, ce sont les enfants car mariage égale adoption plus PMA plus GPA. Nous ne le voulons pas. Nous faisons des propositions, monsieur Assouline.
M. David Assouline. - Vous n'avez pas condamné les agressions.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est la voie de la sagesse que nous proposons. En 1999, le pacs était en phase avec la société. Aujourd'hui, c'est l'union civile. (Applaudissements à droite)
Mme Isabelle Debré. - Va-t-on réclamer un certificat d'homosexualité, m'a-t-on demandé ce matin ? Bien sûr que non ! On ouvre, au vrai, le mariage non à des couples, mais à des personnes de même sexe. Soit un couple hétérosexuel, avec trois ou quatre enfants, qui divorce. Monsieur a des difficultés avec son ex-femme et apprécie son associé qui n'est pas homosexuel : il lui propose le mariage ! Vous verrez les dérives qu'il y aura... (On s'amuse à gauche) C'est un abus de langage que de parler, à propos de ce texte, de mariage homosexuel car le texte ne dit rien de tel. Tous les hommes et les femmes pourront se marier entre eux.
Mme Laurence Rossignol. - Quelle horreur ! (Sourires)
M. Jean-Claude Carle. - Mieux vaut se répéter que se contredire. Nos débats sont utiles. Nos compatriotes savent que cette réforme bouleverse notre droit de la famille, en laissant ouvertes de nombreuses interrogations bioéthiques. La présomption de paternité et la généalogie reposant sur le principe de la vraisemblance biologique sont des principes essentiels, qui justifient notre opposition à ce texte. Le projet de loi les fragilise, comme en attestent les propositions relatives au nom de famille. L'adoption ne doit pas remettre en cause l'altérité sexuelle. L'enfant, fragilisé par la perte de ses parents naturels, trouve un réconfort dans la vraisemblance biologique de ses parents adoptifs. Ce texte pose des problèmes d'inconstitutionnalité, je n'y reviens pas. L'union civile sécurisera la situation des couples de même sexe, notamment au regard des droits des enfants qui vivent avec eux.
Les pouvoirs publics ont le devoir de ne pas s'immiscer dans la vie privée, mais de déterminer et organiser un modèle social. La liberté des adultes s'arrête là où commence celle des enfants. (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Reichardt. - L'union civile est juste et équilibrée. On peut ne pas être indifférent aux besoins des homosexuels sans pour autant bouleverser la société. Mesdames les ministres, vous mettez constamment en avant l'égalité. Mais le droit doit tenir compte de la différence de situation. Je rends hommage au travail du doyen Gélard. Nous refusons la filiation attachée au mariage. L'union civile n'y touche pas ; elle répond à l'attente de reconnaissance sociale et de sécurité juridique des couples homosexuels sans dévoyer le mariage. C'est une mesure sage, raisonnable et équilibrée. (Applaudissements à droite)
M. Michel Magras. - Cet amendement propose une alternative au mariage des personnes de même sexe. Le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Ce projet, qui bouleverse le vocabulaire, méconnaît des valeurs fondamentales de notre société. S'il y a deux catégories de mariages, il y aura deux catégories de parents et deux catégories d'enfants.
J'ai consacré une partie de ma vie à enseigner les sciences de la vie. Que se passera-t-il quand, en classe de sixième, les professeurs enseigneront la fécondité ? (M. David Assouline s'exclame) Que se passera-t-il quand, en quatrième, ils devront expliquer ce qu'est la génétique ? Je vous laisse imaginer comment réagiront les enfants.
Mme Cécile Cukierman. - C'est la même chose pour les enfants adoptés.
M. Michel Magras. - Notre seule volonté est de maintenir l'imbrication entre la symbolique et le sens du mariage. L'union civile réserve la plénitude de la filiation aux couples de sexes différents, mariés. Résumer le rôle des parents à la seule dimension éducative réduirait la force du lien filial. (Applaudissements à droite)
M. Christian Cambon. - La majorité de gauche semble croire que l'union civile serait un gadget. C'est une grave erreur : l'union civile sortira notre pays de la confrontation morale où vous l'avez plongé. De nombreux pays, dont l'Allemagne, l'ont choisie. Elle répondra aux revendications des couples homosexuels et revêt la symbolique qui manquait au pacs. Les conséquences de cette union sont identiques à celles du mariage. Elle accorde les mêmes droits à tous les couples, mais admet une différence quant à la filiation et aux droits non patrimoniaux. Elle recueille une très large adhésion dans la population française. C'est le parfait compromis entre le respect des préoccupations des couples homosexuels et celui des familles.
Les Français qui descendent dans la rue, que vous ignorez ou contre lesquels vous envoyez les CRS (exclamations à gauche), s'inquiètent que l'on puisse entreprendre de charcuter la filiation pour satisfaire une petite minorité de personnes. La société et le législateur doivent être prudents. L'union civile réconciliera les Français. (Applaudissements à droite)
M. André Trillard. - Madame la garde des sceaux, le mariage serait selon vous une institution désuète qu'il s'agit de casser. Ce projet de loi répond à une demande minoritaire. Certes, la famille a évolué et les couples homosexuels doivent pouvoir organiser leur vie commune. Mais combien sont réellement en situation d'adopter ? En fait on recourra à la PMA. Le vrai problème est celui du statut des beaux-parents.
L'intérêt des enfants n'est pas vraiment ce qui vous préoccupe.
Mme Cécile Cukierman. - Pas de faux procès !
M. André Trillard. - Les citoyens qui défilent, que vous taxez d'homophobes et de réactionnaires, sont favorables à une sécurisation des couples homosexuels. L'union civile y pourvoit. Elle suffit. Aller plus loin remettrait en cause les principes mêmes de la filiation, sans parler des questions de bioéthique. Nous sommes ici une bonne dizaine de vétérinaires et nous pratiquons le transfert d'embryons. Savez-vous pourquoi ? Pour améliorer les races. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Vous dérapez !
Voix socialiste. - Quelle élégance !
M. André Trillard. - Il n'est pas là question d'égalité, et vous voyez vers quels problèmes bioéthiques on se dirige ainsi.
Nous devrions débattre de ces dispositifs qui chamboulent la filiation. Nous nous opposons à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe et voterons l'amendement Gélard.
Mme Hélène Masson-Maret. - La France connaît une période de turbulences. N'en rajoutons pas. Nous sommes responsables de la cohésion nationale. Les Français nous écoutent. J'en appelle à votre sagesse. Ne soyons pas les instigateurs de la division des Français. Le système que nous proposons existe en Allemagne et ailleurs. Portons ensemble un projet de société qui fasse consensus. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Nous devons écouter les Français ébranlés dans leurs convictions, qui ne sont pas homophobes et qui manifestent. Évitons aux enfants les problèmes posés par la filiation. Le bien de l'enfant, tel doit être notre seul objectif.
Vous invoquez des « études scientifiques » qui prouveraient qu'un enfant élevé dans un couple homosexuel n'est pas plus malheureux que dans un couple hétérosexuel. Où est la science là-dedans ? Où sont les protocoles expérimentaux, les statistiques précises, les critères quantitatifs, les contraintes méthodologiques ? On en appelle à un texte de psychanalystes, qui va moins clairement dans votre sens que vous ne le prétendez. De toute manière, la psychanalyse n'est pas une science.
Ne faites pas de raccourcis excessifs : l'ouverture du mariage aux couples de même sexe n'est pas l'abolition de la peine de mort. Nous avons entendu assez d'inepties dans cet hémicycle. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - Et ça continue !
Mme Esther Benbassa. - Je tiens à rendre hommage au travail de M. Gélard et des membres de son groupe mais je m'interroge, du même coup, sur le sens de leur soutien aux motions visant à ne pas débattre.
Les mots ont un sens : le mariage est une union civile. Cette quatrième forme de conjugalité que vous proposez est proche du mariage, moins tout ce qui concerne la filiation. Il est ironique que vous proposiez cela après vous être si bruyamment opposés au pacs. Que penser de cette union réservée aux gays et lesbiennes ? Ne sont-ils point des citoyens comme les autres ? Pourquoi leur réserver un traitement de citoyens de seconde zone ? Il est temps de changer d'air. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Madame la garde des sceaux, votre position vous permet de connaître les misères et les fragilités de la société française. Oui, monsieur Assouline, la violence menace notre société. Elle apparaît dans le discours politique : quelle violence que ce « coup de balai » de M. Mélenchon !
M. Christian Favier. - Et ce qu'a subi Mme Jouanno ?
M. Jean-Pierre Raffarin. - La violence que vous dénoncez est d'abord une violence sociale. Mesurons la désespérance face au chômage. Nous avons des fermetures de postes toutes les semaines. Dans mon département, ces jours-ci, c'est Heuliez. Partout dans le secteur automobile, la tempête gronde. Les mois qui s'annoncent ne verront pas d'amélioration sensible. Cette violence est là, profonde. Prétendre rassembler dans la rue pour donner des coups de balai ne peut que conduire à des difficultés.
M. Jean-Marc Todeschini. - Il y a d'autres rassemblements dans la rue...
M. Jean-Pierre Raffarin. - Soit. Ils manifestent pour leurs convictions, ils ne sont pas intéressés. Il n'est pas question de pouvoir d'achat ou de retraites, c'est un affrontement de convictions. Situation sociale difficile, affrontement sociétal. Et voici que Libération mélange rumeurs et information, sans hésiter à salir un innocent. Quelle violence ! Dans le tintamarre actuel, la voix de l'innocence ne parvient plus à se faire entendre.
M. Jean-Marc Todeschini. - La surenchère n'est pas que d'un camp.
M. Jean-Pierre Raffarin. - Sans doute, raison de plus pour chercher à en sortir. Vous avez vu le titre du Monde : « Dans un climat délétère, le président de la République cherche une sortie ». Oui, de ce climat délétère il faut sortir. Nous vous offrons une sortie possible : c'est l'union civile. (Exclamations ironiques à gauche) Riez si vous voulez, mais si vous n'avez d'autres soutiens que ceux qui soutiennent ce projet de loi, vous serez bientôt très seuls devant l'opinion.
Il est encore temps de sortir par le haut. (Applaudissements à droite) Vous pouvez apaiser le pays. Les droits des homosexuels, tout le monde les veut. Avec l'union civile, vous les donnez, sans fracturer les consciences. Un jour viendra où nous serons les uns et les autres devant nos responsabilités. (Vifs applaudissements à droite)
M. Roger Karoutchi. - Il est vrai que, comme l'a dit Mme Bertinotti, pendant le débat sur le pacs, le comportement des parlementaires de droite n'a pas été très convenable.
Voix socialistes. - Pour le moins !
M. Roger Karoutchi. - D'accord, c'est vrai. Mais ensuite, la droite a réfléchi et évolué. En 2007, j'ai insisté auprès de Nicolas Sarkozy pour qu'il inscrive dans son programme les droits des beaux-parents et l'union civile. J'ai porté, comme ministre des relations avec le Parlement, le projet de loi améliorant le pacs. Dès 2008, il y a eu la crise financière et sociale et le président de la République a estimé qu'il fallait d'abord en sortir avant de se préoccuper des couples homosexuels. Je le regrette car, aujourd'hui, le débat serait différent.
M. Gérard Larcher. - Bravo !
M. Roger Karoutchi. - Sincèrement, je me disais, en voyant votre projet de loi, que si nous n'avions pas mis en place l'union civile, cela pouvait être justifié, quitte à accepter le mot mariage pourvu que le contenu soit celui de l'union civile.
Lorsqu'un gouvernement a une crédibilité altérée, il a du mal à faire passer des réformes de fond, car sa parole est inaudible. Nous sommes en pleine crise économique, financière, sociale, morale. Mme la garde des sceaux, je conçois que vous souhaitiez avancer, mais en déconnectant le mariage ou l'union civile de la filiation et de l'adoption. L'adoption, de qui ? Il y a très peu d'enfants adoptables. La filiation, pour qui ? Pourquoi ?
Nous avons fait, à droite, une vraie révolution interne. On aurait dû trouver un consensus. Vous vous êtes enfermée dans une posture : « On ne parle pas à la droite réactionnaire ». Si chacun faisait un pas vers l'autre, on trouverait une solution. (Applaudissements à droite)
M. Roland du Luart. - Difficile de prendre la parole après que deux ténors de mon groupe se sont exprimés avec tant de sincérité et de force...
L'intérêt particulier doit rejoindre l'intérêt général. Nous traitons, avec l'amour, d'une affaire d'ordre privé. Quel est le lien entre l'amour et la reconnaissance sociale ? Le mariage est tout autre chose que la reconnaissance sociale du couple. C'est très réducteur. Les pouvoirs publics ne prennent pas en considération les rapports de couple, mais la situation intrafamiliale. Les sexes ne sont pas interchangeables.
Les droits reconnus aux homosexuels peuvent être dissociés de la filiation, qui doit s'apprécier au regard de nos obligations internationales. Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a attiré l'attention sur le nécessaire respect de la Convention internationale des droits de l'enfant. L'égalité des droits peut se concevoir sur un plan patrimonial. Notre proposition prévoit que l'ensemble des dispositions du titre V du Livre III du code civil s'applique aux personnes contractant une union civile. Le Conseil constitutionnel reconnaît que le législateur peut organiser différemment des situations différentes. L'altérité sexuelle crée une situation différente de fait irréfutable.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Roland du Luart. - Sa remise en question devrait faire l'objet d'un grand débat national. Je voterai cet amendement. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Victor Hugo disait : « La forme, c'est le fond qui remonte à la surface ».
Les risques bioéthiques de votre texte sont considérables. Le mot mariage doit être réservé aux personnes de sexes différents, de même que la filiation. Le mariage n'est pas un simple contrat, ni la reconnaissance de l'amour que se portent deux êtres, c'est la plus ancienne institution de l'humanité.
Le Conseil constitutionnel admet des réponses différentes à des situations différentes or, pour ce qui concerne la filiation, il est évident que les couples homosexuels ne sont pas dans la même situation que les couples hétérosexuels. L'enfant est issu d'un homme et d'une femme, la nature est ainsi faite. Les enfants ne sont ni des objets pour le plaisir ni des médicaments contre la souffrance.
M. Philippe Marini. - Très bien !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - L'argument européen que vous invoquez est contestable. Les règles adoptées dans d'autres pays européens sont beaucoup plus restrictives que celles que vous présentez. En revanche, la voie de l'union civile est celle qu'ont choisie seize pays européens ; c'est celle que vous devriez suivre. Les divorces ne cessent d'augmenter ; le mariage n'attire plus. Le symbole égalitaire primerait selon vous sur la recherche de sécurité juridique qui est pourtant essentielle.
On ne réforme pas la civilisation dans la précipitation. Ni en se contredisant, comme l'a fait le président de la République au Congrès des maires. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Françoise Férat. - Cet amendement répond au besoin de reconnaissance des couples homosexuels, que nous soutenons. L'union civile sera un acte solennel, offrant un cadre juridique protecteur, quand le pacs ne répondait pas à toutes les attentes : manque de solennité, rupture possible par simple lettre comme une répudiation... L'union civile, telle que nous la proposons, y remédie, tout en préservant le mariage, union d'un homme et d'une femme dans le but de fonder une famille. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Bécot. - Notre proposition d'union civile répare trois grandes erreurs de ce texte : le mariage ne peut se dissocier de la présomption de paternité ; on ne peut transposer les droits matrimoniaux aux personnes de même sexe ; en voulant créer un nouveau symbole, on oublie que le mariage est pour beaucoup déjà un symbole : en envoyant un signal à quelques milliers de couples, on heurte profondément la conscience de centaines de milliers d'autres.
Le mariage n'est pas la reconnaissance d'un amour mais le moyen de rationaliser et de définir la filiation. En occultant la présomption de paternité, qui ne saurait se transposer aux couples de même sexe, on se prive d'un instrument de stabilité. À supposer, mais j'espère que l'on restera dans la supposition, que la PMA soit ouverte à l'avenir à tous les couples, on instituera une inégalité entre couples d'hommes et couples de femmes. Et la présomption de parenté viendra entériner un projet parental avec l'intervention d'un tiers : c'est absurde. Autant essayer de faire entrer un cube dans un cylindre ! Le mariage entre personnes de même sexe est un contresens.
L'union civile lève toutes ces difficultés et éclaircit la situation des couples de même sexe. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Gournac. - Avec l'union civile, nous avons tenté de trouver une solution de compromis : une forme de reconnaissance légale associée à des droits dont le pacs n'était pas assorti. Pour établir un compromis, il faut être deux. Or on reste dans le dialogue de sourds. Les arguments de qualité qui ont ici été développés n'intéressent pas le moins du monde la garde des sceaux, obsédée par le mot d'égalité... (Exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Ce n'est pas juste !
M. Alain Gournac. - Vous avez cité Césaire, mais je ne suis pas sûr qu'il apprécie l'utilisation que vous avez faite de son Cahier d'un retour au pays natal. Il doit se retourner dans sa tombe ! (Mme la garde des sceaux sourit) Où donc les tenants de la cause homosexuelle ont-ils été chercher que le mariage serait un « hétéro-symbole » ? Le mariage est une institution qui vise à la procréation. Il engage des individus libres, qui donnent librement leur consentement. Où est la rupture d'égalité ? Le mariage n'est pas fait pour prendre en charge toute l'activité sexuelle, mais sa seule part procréative, et c'est bien puisque le mariage homosexuel est une contradiction dans les termes.
M. David Assouline. - C'est reparti !
M. Alain Gournac. - La grande différence qui traverse l'humanité depuis la nuit des temps, c'est celle entre les hommes et les femmes, mais ce qui les rassemble, c'est qu'ils sont tous procréateurs. Or, ce que vous appelez égalité, c'est forcer à tout prix à l'équivalence entre ceux qui ensemble, peuvent procréer, et ceux qui ne le peuvent pas. Elle est belle, votre égalité ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Philippe Bas. - Nous sommes tous, madame Benbassa, représentants de nos concitoyens et parmi eux, de ceux qui vivent en couples homosexuels. Il faut agir pour traiter les difficultés qu'ils rencontrent pour faire reconnaître le lien qui les unit et organiser leur vie commune dans un cadre stable. Ce qui nous distingue, c'est la conception que nous avons de la famille : filiation et parenté. Nous ne proposons pas ici moins que vous, mais mieux que vous. Votre mariage pour tous ne règle en rien le cas où un père forme, après avoir eu des enfants, un couple avec un autre homme : celui-ci joue un rôle éducatif fort, et vous n'en traitez nullement.
Autre lacune, nous considérons qu'on ne peut être parent sans être ni père ni mère. Comment peut-on faire désigner par la loi un deuxième adulte de même sexe comme le père ou la mère qui manque à l'enfant ? C'est créer un mensonge légal.
Enfin, vous créez trois types de mariage aux yeux des enfants. Celui que nous connaissons, avec la présomption de paternité ; celui de deux femmes ayant recours à la PMA - car dans ce texte, vous créez la possibilité pour la conjointe homosexuelle de faire reconnaître l'enfant de la mère, eût-elle eu recours à la PMA en Belgique ; et enfin, celui de deux hommes, qui auront recours, contre la loi française, à une GPA à l'étranger - et tout jugement d'adoption, de retour en France, sera impossible. Voilà les trois mariages de votre prétendu « mariage pour tous » ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Fouché. - Vous voulez donner les mêmes droits aux homosexuels qu'aux autres. Nous aussi, mais pas en tout. Je me battrai toujours pour les droits des homosexuels, qui ne sont plus une minorité cachée ; mais nous divergeons sur la question de la filiation. Je voterai l'amendement de M. Gélard, qui prévoit une union civile solennelle, sans conséquences sur l'adoption et la filiation.
Le droit de l'enfant n'est pas le droit à l'enfant. La grande majorité des Français sont inquiets.
Mme Cécile Cukierman. - C'est faux !
M. Alain Fouché. - Tous, ici, nous avons pu le constater dans nos circonscriptions. Je n'ai reçu ni menace, ni directive : c'est en toute liberté que je souscris à cet amendement, qui répond en toute sécurité à l'essentiel des souhaits des homosexuels, dont je continuerai à défendre les droits. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Philippe Marini. - Je m'en tiendrai à quelques remarques d'ordre politique. L'amendement de M. Gélard est, de ce point de vue, très révélateur. C'est peut-être un tournant dans nos débats, car il permet de comparer nos approches. De notre côté, un amendement réaliste, qui peut imposer des efforts à certains d'entre nous mais que nous voterons très largement, car il marque notre volonté d'éviter d'opposer les Français entre eux. De l'autre, c'est l'esprit de doctrine qui s'exprime. (Exclamations à gauche) Pour vous, ce texte a un rôle identitaire. Mais peut-être est-ce le seul ciment qui peut aujourd'hui rassembler les éléments épars de votre majorité contradictoire...
M. Roland Courteau. - Hors sujet !
M. Philippe Marini. - Peut-être aussi y tenez-vous parce que ce prétendu « mariage pour tous » est la seule promesse de campagne que vous êtes capables d'honorer vis-à-vis de tous ceux qui, à tort et bien naïvement, vous ont fait confiance. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est archi-faux !
M. Philippe Marini. - Il serait raisonnable que vous prissiez en compte notre approche de bonne volonté, qui éviterait de durcir les rapports au sein de notre société. Quand on n'écoute pas, quand on refuse de recevoir les représentants d'une large partie du corps social, il ne faut pas s'étonner de voir monter des protestations de plus en plus véhémentes...
M. Jean-Marc Todeschini. - C'est un appel à la rue ! Vous légitimez les violences. (MM. Roland Courteau, David Assouline et Mme Cécile Cukierman renchérissent)
M. Philippe Marini. - Reste pour nous absolument inacceptable le lien que vous voulez établir entre ce mariage et la filiation et la parentalité. Nous récusons l'idée du droit à l'enfant. Pour nous, il s'agit, dans la famille, de forger de jeunes personnalités pour leur permettre de cheminer dans la vie, avec ses chances, ses risques, ses moments favorables et ses drames. Ce n'est pas dans le cadre de votre soi-disant mariage pour tous qu'on le fera. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Vincent Delahaye. - Beaucoup de choses ont déjà été dites. (« Si peu ! » à gauche) Je condamne les violences qui ne servent pas la cause qu'elles entendent défendre, mais je suis attentif aux inquiétudes qui s'expriment. Le Gouvernement, surtout dans la situation où il se trouve, devrait l'être aussi et rechercher un consensus qui ne semble pas si difficile à atteindre. L'union civile que nous proposons offre une chance de rassemblement.
« L'enfant n'est pas un bien que peut se procurer un couple » disait Lionel Jospin...
Mme Cécile Cukierman. - Oh là là !
M. Vincent Delahaye. - ... qui disait préférer le droit de l'enfant au droit à l'enfant. Élisabeth Guigou rappelait quant à elle que l'enfant a le droit d'avoir un père et une mère et Bernadette Laclais, députée-maire de Chambéry redoutait une inégalité entre les enfants.
Quant au maire de Chasselas, en Saône-et-Loire, qui se revendique homosexuel, il écrit que si le fait de ne pouvoir avoir d'enfant est une limite douloureuse de sa vie, il ne demande ni à l'État ni à la science de la combler ; fustigeant une société matérialiste qui légitime le droit à l'enfant, il relève que l'immense majorité des homosexuels ne réclame pas autre chose que le respect de leur différence. Et de fait, nombre d'entre eux ne réclament pas autant que ce que leur ouvre ce texte. Le Gouvernement s'est laissé abuser par le collectif LGBT, qui ne représente qu'une infime minorité des homosexuels.
Au nom du groupe UDI-UC, je soutiendrai l'amendement de M. Zocchetto.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Votre proposition de mariage pour tous est, à première vue, séduisante. Elle améliorerait la reconnaissance sociale des homosexuels, résoudrait des difficultés juridiques ou d'ordre patrimonial, mais aussi relatives à la liberté de circulation des couples internationaux, avec les problèmes de délivrance de visa que le pacs ne règle pas. Elle assurerait une stabilité, utile à la société, que n'offre pas le pacs. Alors que le mariage recule, il est bon de l'encourager.
Le mariage est un acte civil et politique, dit Olivier Abel, philosophe et ancien président du comité d'éthique de la fédération protestante ; il permet d'organiser, de civiliser les rapports de force au sein du couple. Si le texte s'était contenté de permettre aux couples de même sexe d'accéder seulement à un cadre institutionnel, j'aurais pu le voter. Mais le mariage est aussi affaire de filiation. La présomption de paternité ne sera plus possible dans le mariage homosexuel ; or un cadre juridique doit produire les mêmes effets pour tous. C'est pourquoi je privilégie la voie de l'union civile, qui offre les mêmes droits que le mariage mais sépare conjugalité et filiation. C'est une solution de sagesse, facteur de progrès et d'apaisement. Je comprends mal qu'on la rejette par principe à gauche. (Protestations sur les bancs CRC et socialistes ; applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Claude Gaudin. - Très bien !
M. Hugues Portelli. - Je suis maire d'une commune qui célèbre beaucoup de mariages. Il n'en reste pas moins que le mariage recule. Pourquoi ? C'est d'abord cette question qu'il faut se poser.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. - Parce que le divorce coûte cher !
M. Hugues Portelli. - Dans ma ville, la majorité des enfants naissent hors mariage, et le concubinage prévaut, ainsi que le pacs.
Face à ces réalités, il faut rester pragmatique, créer les instruments pragmatiques, et non dogmatiques, pour renforcer la sécurité juridique et patrimoniale. Quel besoin avons-nous, en la matière, de symboles, sinon pour faire la une des magazines ? Mais le soufflet retombera bien vite. Quels droits faut-il assurer ou renforcer, voilà la vraie question !
Mais si vous tenez mordicus à ce texte, c'est que vous voulez imposer des formes de filiation dont beaucoup de Français ne veulent pas.
Je regrette que nous n'ayons pas proposé un amendement commun à l'UMP et à l'UDI-UC. Reste que nous ne voulons pas de la filiation que vous entendez légaliser, qui est l'antichambre d'instruments dont nous voulons encore moins.
Mme Nicole Bonnefoy. - Votre union civile introduirait dans notre code civil une quatrième catégorie d'union, réservée aux couples de même sexe. Or nous voulons mettre fin aux discriminations en ouvrant le mariage, institution républicaine, aux couples homosexuels.
À quoi bon fabriquer un mariage bis, qui ne diffèrera du mariage que par le nom ? Où est la cohérence et la lisibilité de votre message quand, il y a dix ans, vous vous opposiez avec virulence au pacs, pour en venir à proposer, aujourd'hui, une union civile qui va bien au-delà de ce que vous rejetiez jadis ? Qu'en sera-t-il dans dix ou quinze ans ? Nous proposerez-vous des amendements visant à améliorer le mariage ? (Applaudissements à gauche ; rires au centre)
Les homosexuels sont des hommes et des femmes comme les autres : ils n'ont pas à être traités différemment.
Mme Françoise Férat. - N'importe quoi !
Mme Nicole Bonnefoy. - Tel est bien le sens de ce projet de loi, qui ouvre les mêmes droits à tous. Le groupe socialiste est fermement opposé à la création d'une union civile. (Applaudissements à gauche)
À la demande des groupes UMP et socialiste, l'amendement n°4 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 157 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement n°6.
M. Christian Cointat. - En plus de l'espoir de reconnaissance d'une partie de la population, il faut ouvrir aux homosexuels qui se sont expatriés une voie de retour. La PMA, la GPA seront un vrai problème pour le droit de la famille si elles ne sont pas maîtrisées. Or ce texte n'en traite nullement, car le Gouvernement savait bien qu'il n'aurait pas trouvé de majorité. Cependant, il faut résoudre le problème des enfants qui existent : ceux qui sont nés de la PMA et d'une GPA à l'étranger doivent être reconnus. Ils ont plus que d'autres besoin de protection et d'identité.
Pour autant, il ne faut pas blesser le grand nombre de Français qui se sont exprimés en descendant dans la rue. Tel est le sens de cet amendement, qui ne remet pas le problème à plus tard. Au cas où le Conseil constitutionnel ne validerait pas le mariage pour tous, nous aurions au moins, en adoptant cet amendement, avancé.
Pour moi, je voterai, non par conviction mais par devoir, le texte proposé par le rapporteur. L'équité est pour moi fondamentale. Les législateurs que nous sommes ne sauraient laisser persister un déni de droit. À défaut du contrat d'union civile, je préfère voter le moindre mal, le mariage pour tous, à deux mauvaises solutions : ne rien faire ou le pacs. (« Très bien ! » à gauche) Mes positions m'ont valu une avalanche d'insultes et de menaces. Mais au milieu de cette noirceur nauséabonde, j'ai aussi reçu un rayon de soleil, émanant d'un jeune homosexuel qui me disait combien mon choix signifiait pour lui à l'heure où l'homophobie se banalise...
Légiférons avec efficacité mais avec douceur. Car, comme disait un philosophe du XVIIIe siècle, quand le peuple cesse d'estimer, il cesse d'obéir. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Cet amendement n°6 propose un pacs rénové. J'avais suggéré à M. Cointat de choisir plutôt la forme d'une proposition de loi. À défaut de retrait, je suis au regret de donner un avis défavorable.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°6 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 133 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°169 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 164 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement n°192 rectifié.
M. Charles Revet. - Pour les personnes de même sexe souhaitant vivre ensemble, vous proposez le mariage, terme signifiant qui s'applique depuis toujours à un homme et à une femme qui ont le projet de donner la vie.
Si votre texte est adopté, madame la garde des sceaux, le risque est majeur que dès qu'il sera promulgué, des recours soient engagés devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ou la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour imposer ce dont nous ne voulons à aucun prix sur de nombreux bancs, y compris de la majorité : l'adoption plénière, la PMA, la GPA.
Le président de la République a dit qu'il n'en serait pas question durant le quinquennat : simple habileté ? Mais si cela s'impose à nous, il faudra bien faire avec !
J'ai cherché un terme correspondant à la situation : c'est le concubinage, figurant à l'article 511-3 du code civil, concernant les personnes de même sexe ou de sexe différent qui vivent en couple. Sur cette base, le recours à la Convention européenne ne pourra pas aboutir.
Être contre le mariage pour tous, ce n'est pas être contre les couples homosexuels, bien au contraire. Nous apportons une solution pour leurs droits. J'ai l'impression, mesdames les ministres, que nous vivons dans deux mondes. J'ai entendu le président de la République prôner l'apaisement et le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale appeler à la cohésion. Je vous propose une réponse conforme aux attentes, qui sont à l'origine du projet de loi.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Monsieur Cointat, je salue vos propos. J'ai eu connaissance des menaces qui vous ont été adressées et je vous avais écrit à ce propos. Puisque vous en faites état, je tiens à dire publiquement que ces pratiques sont inadmissibles. (Applaudissements sur tous les bancs) Votre amendement est d'une autre nature que les autres. Monsieur Revet, la position de principe du Gouvernement est inchangée. Vous pouvez ne pas l'apprécier, mais votre proposition est de nature totalement différente. Le Gouvernement a choisi d'ouvrir le mariage, en l'état, à droit constant, avec l'adoption, aux couples de même sexe.
Monsieur Trillard, vous vous êtes référé à une déclaration que j'ai faite à l'Assemblée nationale en en extrayant un membre de phrase. Je vous incite à vous reporter à l'ensemble de ma déclaration ; oui, j'ai dit que l'institution du mariage était conservatrice, en ceci qu'elle exprime une conception de la vie de famille et de couple héritée du passé, mais aussi parce qu'y est sédimentée la trace de son histoire. Le divorce a ainsi été établi puis supprimé, puis rétabli. L'institution du mariage témoigne d'un ordre passé mais aussi des progrès acquis pour plus de liberté individuelle et plus d'égalité. Elle n'est donc pas figée, contrairement à ce que soutenait M. Goasguen à l'Assemblée nationale qui m'objectait qu'il fallait parler d'institution conservatoire. Je passe sur votre rapprochement avec le transfert d'embryons pratiqué par les vétérinaires qui relève d'un registre que j'ai aussi entendu, hélas, à l'Assemblée nationale.
Les mots de M. Raffarin ont une forte résonnance. Je suis sensible à sa réflexion en surplomb. Il est vrai qu'il y a une violence qui se manifeste au grand jour, faisant fi des règles et principes du contrat républicain. J'entends cela. En tant que garde des sceaux, je suis plus que d'autres concernée, c'est exact. Les misères sociales et morales forment le lot quotidien du garde des sceaux, des magistrats, des greffiers, des avocats. Les violences, nous les vivons au quotidien dans les juridictions, y compris pour les victimes d'actes homophobes. Alors, oui, je suis inquiète.
Le lien social est menacé par la violence, non seulement symbolique et verbale, mais physique. Nous en sommes tous inquiets, mais comptables aussi. C'est ensemble que nous la ferons reculer.
Monsieur Karoutchi, vous avez regretté avec franchise que le projet de loi sur l'union civile n'ait pu être adopté sous le précédent quinquennat. Je regrette en effet que la précédente majorité ne l'ait pas soutenu. Mais ce projet de loi n'était pas de même nature que ce texte-ci. À entendre toutes les interventions de vos amis politiques, cet après-midi, je me dis que leur soutien vous a manqué ces dernières années... Vous dites que nous aurions pu conserver le mot tout en le déconnectant de l'adoption mais le mariage emporte l'adoption...
M. Charles Revet. - Voilà !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - ... puisque nous l'ouvrons à droit constant. Nous nous obstinons et nous refusons de parler à la droite ? Je parle à l'opposition sénatoriale. Dès la commission des lois, je lui ai répondu, avec la même attention qu'à la majorité. J'ai souhaité des entretiens avec des sénateurs de l'opposition. Je n'ai pas vu tous ceux que je souhaitais voir, faute de temps, mais nous avons échangé avec ceux que j'ai reçus.
Veillons à ce que la loi soit juste, claire et améliore la vie de nos concitoyens. Vos propos ne sont pas hors de propos. Nous assumons nos échanges, mais aussi le fait que nos points de vue ne convergent pas.
Monsieur Raffarin, je ne tire pas les mêmes conclusions que vous de votre belle profession de foi.
Monsieur Gournac, vous avez évoqué Aimé Césaire. Il est extrêmement délicat de faire parler ceux qui sont partis. Il se trouve qu'il ne s'est pas exprimé sur le mariage ouvert aux couples de même sexe. Néanmoins, à la lecture de son oeuvre, on peut s'interroger sur ce qu'il a pu dire sur les personnes qui sont victimes de discriminations dans le Cahier d'un retour au pays natal : « Comme il y a des hommes hyènes et des hommes panthères, je serai un homme juif, un homme hindou de Calcutta, un homme de Harlem qui ne vote pas... ». (Applaudissements à gauche ; MM. Yann Gaillard et Michel Bécot applaudissent aussi)
Mme Isabelle Debré. - J'ai participé à deux manifestations calmes, dignes, familiales. Comme tous mes collègues, je condamne les violences. Vous parlez d'égalité, madame la ministre. Mais vouloir l'égalité n'explique pas de placer sur le même plan ce qui est foncièrement différent. Comme notre amendement n'a pas été adopté, je voterai celui de Charles Revet.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°192 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l'adoption | 134 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°22 rectifié ter devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°259 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Bécot et Leleux, Mme Procaccia, MM. Béchu, du Luart, Legendre, Sido, del Picchia, Duvernois, de Raincourt, Revet, Cambon, Savary, Pointereau, Cornu, Delattre, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article 758, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire issu d'un pacte civil de solidarité » ;
2° Le premier alinéa de l'article 767 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « ou du partenaire issu d'un pacte civil de solidarité » ;
b) La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou au partenaire ».
M. Bruno Retailleau. - Je vous donne acte d'un accord entre nous, outre sur le fait que vous nous proposez une réforme de civilisation, sur le fait que le mariage ne dissocie pas la conjugalité de la filiation. C'est pourquoi nous proposons les outils juridiques pour dresser une muraille entre les droits des enfants et ceux des adultes.
M. Assouline a soutenu que demander un référendum diminuerait la légitimité de la représentation nationale, partant justifierait les violences ! Mais j'en appelle à Michelet : d'où tenons-nous notre légitimité, sinon du peuple ?
Cet amendement rehausse les droits patrimoniaux du pacs, en particulier successoraux, touchant à ce qui paraît aujourd'hui injuste puisque le survivant n'a droit qu'au maintien pendant un an dans l'appartement après le décès de son partenaire. La mort n'arrête pas l'amour. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission est défavorable, sauf si l'amendement est retiré. (Rires à droite) Ne riez pas ! Il y a beaucoup de demeures dans la maison de l'UMP.
La majorité suit M. Gélard. M. Revet opte pour le concubinat. M. Retailleau aussi suit une voie singulière...
M. Bruno Retailleau. - Mon amendement est cosigné par plusieurs dizaines de sénateurs !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - ... pour améliorer le pacs. Mais cet amendement intéressant est hors du champ de ce texte. Vous pouvez le présenter ultérieurement.
M. Jean-Claude Gaudin. - Les célibataires, ils ont droit à quoi ? (Exclamations à droite)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Ils ont droit à toutes les faveurs de leur ville !
M. Jean-Claude Gaudin. - Je suis célibataire ! Je n'ai pas de famille, moi.
Le jour où je vais m'en aller, le peu de biens que j'ai, que j'ai déjà déclarés, ce que je ferai encore, parce que c'est la mode (sourires) la personne, la ville ou l'institution à qui je les donnerai devra payer 65 % ! C'est trop ! Que l'on rectifie cela ! (Applaudissements)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je m'attendais à une ode au célibat, ses mystères et ses merveilles, mais nous avons bien entendu qu'il serait bon de modifier le droit des successions.
L'amendement de M. Retailleau est en effet hors champ. Qu'il faille aménager le pacs ou le revoir en profondeur mérite un débat, qui relève d'un autre régime juridique. Là, nous traitons du mariage. La ministre de la famille aura l'occasion de débattre de la façon d'améliorer le régime juridique du couple pacsé.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°259 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 174 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Hugues Portelli. - Rappel au Règlement. Nous allons de scrutin public en scrutin public. J'ai souvenir qu'il n'y a pas si longtemps, alors que le parti socialiste était minoritaire, il se plaignait d'une telle pratique quand la majorité n'était pas en nombre. Voilà qui devrait l'inciter à méditer ... (Mme Cécile Cukierman s'exclame ; applaudissements à droite)
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe UMP et MM. Darniche et Husson.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le mois qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l'opportunité de dénoncer tout traité, convention ou accord international, multilatéral ou bilatéral, ratifié ou approuvé, renfermant des stipulations qui règlent des questions matrimoniales, d'adoption ou d'attribution de nationalité par mariage ou de filiation entre les droits applicables aux ressortissants respectifs des deux parties, dans le cas où elles seraient devenues incompatibles avec les dispositions de la présente loi, et notamment :
- le protocole relatif à l'aide mutuelle judiciaire franco-vietnamien (1954) ;
- la convention relative à la délivrance de certains actes d'état civil n°1 (1956) ;
- la convention d'établissement franco-malgache (1960) ;
- la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages (1962) ;
- la convention franco-polonaise relative à la loi applicable, la compétence et l'exequatur dans le droit des personnes et de la famille (1967) ;
- la convention sur la légitimation par mariage n° 12 (1970) ;
- la convention franco-marocaine relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire (1981) ;
- la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993) ;
- la convention concernant l'échange international d'informations en matière d'état-civil n° 26 (1997) ;
- la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants entre la République française et la République socialiste du Vietnam (2000).
II. - Dans le mois qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l'opportunité d'émettre une réserve d'interprétation entre les mains des dépositaires des traités ci-après ratifiés :
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) ;
- la convention relative aux droits de l'enfant (1990).
M. Patrice Gélard. - L'adoption de ce texte poserait toute une série de problèmes au regard des conventions internationales dont notre pays est signataire. Il semble que ses auteurs ne s'en soient pas avisés. Ce texte est irrégulier constitutionnellement, car les traités ont une valeur supérieure aux normes nationales.
M. David Assouline. - Vous êtes spécialistes des irrégularités.
M. Patrice Gélard. - Ce problème de fond doit être résolu. C'est ce que nous proposons.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Défavorable. (On le déplore à droite)
En commission des lois, le doyen Gélard, y compris sous la majorité précédente, dénonçait la multiplication des rapports demandés au Gouvernement. Et ici, il en propose deux. Le Conseil constitutionnel, vous le savez, refuse de juger de la conventionalité des lois - et heureusement. Il appartient au Gouvernement de lister les conventions concernées et de les renégocier. Votre propos relève du contrôle du Gouvernement en vertu de l'article 48 de la Constitution.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Vous avez raison de rappeler la place des traités internationaux dans la hiérarchie des normes, qui ont une force supérieure à celle de notre droit interne.
Le Conseil d'État a indiqué, dans son rapport, dont le président Hyest a eu manifestement connaissance puisqu'il l'a longuement cité, que les obligations internationales de la France ne s'opposent pas à ce projet de loi. Nous avons, bien évidemment, l'obligation de détecter les contradictions éventuelles. La plus importante est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDHLF). L'article 12 de cette convention stipule que « l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales... » La CEDH a jugé en 2010 qu'en cas de désaccord, c'est la loi nationale qui détermine le régime matrimonial.
Le pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques, dans son article 23, dit que « la famille (...) a droit à la protection de l'État » et que « le droit de se marier est ouvert à l'homme et à la femme à partir de l'âge nubile » et que « nul mariage ne peut être conclu sans le libre consentement des futurs époux ». Il n'y a là nulle contradiction, non plus qu'avec la convention sur le consentement au mariage de 1962.
Il en va de même avec la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à la rédaction de laquelle la France fut partie avec René Cassin. Je vous renvoie à son article 16.
Quant à la convention de La Haye de 1993, elle ne définit pas les critères d'éligibilité à l'adoption, qui relèvent du droit national et chez nous du code civil. Il n'y aura pas plus de droit à l'enfant pour les couples homosexuels qu'il n'y en a pour les couples hétérosexuels. Il y a des procédures d'adoption. Vous êtes nombreux à présider des conseils généraux. Vous savez combien elles sont rigoureuses. Le juge qui prononce l'adoption le fait en fonction de l'article 353 du code civil, selon l'intérêt supérieur de l'enfant.
Dans le cas des conventions bilatérales, il y aura possibilité de déroger à la loi personnelle d'un des futurs époux en cas de mariage en France. Le projet de loi du Gouvernement faisait référence à l'exception de convention bilatérale qui excluait explicitement cette dérogation à la loi personnelle. Suivant sa commission des lois, l'Assemblée nationale a supprimé la référence à ces conventions bilatérales. Reste une douzaine de telles conventions problématiques, pour lesquelles l'observation de M. Gélard s'applique. Nous considérons que, dans de tels cas ce sera à la justice d'obtenir des dérogations à la loi personnelle. En tout état de cause, ce ne sera pas à l'officier d'état civil de décider mais à la justice, si elle est saisie.
La Convention de Vienne est en cours de révision et, dans ce cadre, il est prévu d'introduire en annexe de nouveaux formulaires de manière à ce que puisse être inscrit l'état civil résultant du mariage, dans le pays où celui-ci a lieu.
J'ai été un peu longue mais je tenais à vous répondre en détail pour marquer mon respect pour vos questions.
M. Jean-Jacques Hyest. - Je n'ai pas la même interprétation des conventions internationales. Quand on dit l'homme et la femme, ce n'est pas l'homme ou la femme. Les conventions n'envisagent absolument pas le mariage entre personnes de même sexe. La plus grande prudence s'impose.
Le problème de la loi personnelle se posera inévitablement. L'Allemagne ne prévoit pas le mariage entre personnes de même sexe mais une Lebenspartnerschaft qui ressemble à ce que M. Revet propose. Que fera le maire devant un couple binational ? Comment sera transcrit le mariage en Allemagne ? L'officier d'état civil devra immanquablement se poser des questions. Et l'on va au-devant de problèmes dans les pays où le mariage homosexuel n'est pas reconnu.
Nous avons demandé un rapport parce que nous n'avons pas le droit de faire des injonctions au gouvernement. Je remercie la garde des sceaux pour sa volonté d'expliquer. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bruno Retailleau. - L'article 55 de la Constitution précise bien que l'autorité des traités est supérieure à celle des lois. Cette règle est renforcée, selon le principe Pacta sunt servanda par le quatorzième alinéa du préambule de 1946, qui exige que les parties cosignataires exécutent le traité de bonne foi. La Convention de Vienne et la jurisprudence européenne supposent que l'on ne peut donner n'importe quel sens aux mots ; s'il y a ambiguïté, on doit prendre en compte le sens usuel du mot lors de la signature du traité. Comment interpréteront-elles la disposition onusienne sur le mariage et la disposition de la Convention de Vienne sur l'obligation pour les parents de subvenir aux besoins de l'enfant ? Dans son article 7, la déclaration sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 précise bien que l'enfant a le droit de connaître ses parents. Quelle interprétation la justice internationale pourra-t-elle en donner ? La difficulté est très sérieuse. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - La hiérarchie des normes n'est pas remise en cause : nous sommes d'accord sur la supériorité des traités. La question est de savoir si certains d'entre eux comportent des dispositions qui heurteraient le mariage pour couples de même sexe. Nous n'avons pas à faire de l'exégèse : la décision de 2010 que j'ai citée portait sur cette question. La Cour européenne des droits de l'homme répond qu'en cas de désaccord entre deux pays, les droits internes prévalent.
L'Allemagne ne fait pas partie des douze pays que je mentionnais (Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Slovénie, Vietnam, Madagascar, Cambodge, Laos, Tunisie, Algérie). Ce qui veut dire qu'un Allemand ou une Allemande peut épouser un ou une Française, par dérogation à sa loi personnelle. Où est la difficulté, dès lors que sont respectées les dispositions du code civil ? L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°7 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - C'est dire combien le soutien à ce texte dans la majorité est fragile...
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article premier
M. Roland Courteau . - En mon âme et conscience, je voterai ce texte, et cet article premier pour commencer. Le temps est venu d'ouvrir le mariage à tous. C'est une question d'égalité.
M. Charles Revet. - Mais non !
M. Roland Courteau. - Il faut garantir aux familles homoparentales la même protection qu'aux autres et adapter notre droit aux évolutions de notre société. L'opposition se contente de proposer une union civile, après avoir, naguère, combattu le pacs. Je gage que les opposants d'aujourd'hui au mariage pour tous auront évolué demain. L'esprit de ce texte est de réparer une inégalité. Seul le mariage républicain assurera la même protection à tous. Combien d'enfants de familles homoparentales ? Vingt mille, quarante mille ? Ils doivent bénéficier de la protection de la loi et ne plus se sentir particuliers, grâce à la reconnaissance de la situation de leurs parents. Ce texte est un bond en avant pour nos libertés publiques. Je veux vous dire, madame la ministre, mon admiration devant votre détermination. C'est notre honneur de législateurs, comme ce fut le cas pour la loi Veil ou la loi Badinter d'abolition de la peine de mort, que de le voter. (Applaudissements à gauche)
Mme Sophie Primas . - Je veux dire ma gêne, mon malaise, ma colère après que M. Assouline, en début de séance, a tenté de nous rendre responsables des violences commises ce week-end. Je salue les interventions apaisantes de M. Raffarin et de Mme la garde des sceaux. Vous avez fait de la communauté homosexuelle un objet politique, les exposant à la vindicte populaire, en faisant les proies de tous les comportements extrêmes que nous condamnons.
Pourquoi ne pas avoir attendu la grande loi sur la famille que vous annoncez ? C'eût été les intégrer dans le débat général. J'approuve la reconnaissance par l'État de l'union homosexuelle. Avec la même fougue que vous, madame la ministre, je revendique la capacité des homosexuels à désirer et à aimer et j'aurais aimé vous accompagner. Las, ce projet de loi ment par omission : la PMA pour les couples de femmes et la GPA pour les couples d'hommes viendront bientôt, grâce à la Cour de Luxembourg et à la Charte des droits fondamentaux, que l'on saisira au nom de l'égalité des droits des couples mariés.
M. Charles Revet. - Voilà !
Mme Sophie Primas. - La GPA est loin de faire l'unanimité. Le ventre des femmes n'est pas assimilable aux bras des ouvrières. Doit-on accepter, au seul prétexte que d'autres le font, que des femmes louent leur ventre pour survivre ?
Offrez-nous, madame la ministre, une seule et belle loi sur la famille, qui protège la filiation des enfants quelle que soit la sexualité de leurs parents, qui aborde la PMA et la GPA sans arrière-pensées.
Je regrette amèrement de ne pouvoir vous suivre, car je crois à l'amour. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Dominique de Legge . - Vous faites fausse route, politiquement, comme l'a brillamment montré Jean-Pierre Raffarin, mais aussi dans le raisonnement, en confondant différence et inégalité : c'est un sophisme. Pour nous, un homme et une femme sont égaux et différents. Avec votre sophisme, vous promouvez la théorie du gender. Quand on nie le naturel pour privilégier les constructions de l'esprit, on ouvre la porte à toutes les dictatures et à toutes les dérives. Le principe de précaution, qui vous tient tant à coeur, ne vaudrait donc pas pour notre espèce ?
Mme Vallaud-Belkacem a fait des déclarations sur la légalisation à venir de la PMA. Pouvez-vous nous dire, madame la garde des sceaux, si ce texte va en effet ouvrir à la PMA, ou si vous démentez les propos de votre collègue porte-parole du Gouvernement ?
Les bancs socialistes sont moins fournis que les nôtres, preuve que vous doutez. (Exclamations à gauche) Quant à nous, nous ne doutons pas : nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bruno Retailleau . - Vous avez choisi la voie la plus radicale. C'est une déclaration de toute puissance qui nie l'altérité des sexes. Vous imposez des choses aux enfants au nom de l'égalité. Mais le mariage n'est pas un droit en soi : il faut se plier à ses règles pour y avoir droit. Et l'égalité, ce n'est pas l'uniformité. Sinon, nous paierions tous les mêmes impôts. Non, l'égalité républicaine, c'est traiter de la même façon des cas identiques et différemment des cas différents. La jurisprudence est très claire.
Votre deuxième argument ? L'amour ! Mais en quoi l'amour ouvrirait-il des droits civils ? Si c'est un officier d'état civil qui marie, c'est bien parce que le mariage n'est pas qu'un contrat, c'est une institution qui regarde la société entière, parce qu'en dépend le renouvellement des générations.
Derrière ce slogan, enfin, il en est un autre : des enfants pour tous ! Ce n'est pas acceptable. Il n'y a pas de droit à l'enfant. Je suis président de conseil général : en matière d'adoption, il n'y a pas de droits, mais des devoirs. L'adoption ne consiste pas à donner un enfant à une famille, mais une famille à un enfant. Or, vous sanctionnez, pour l'enfant, une double perte : celle de l'accès aux origines, celle de parents des deux sexes. S'il n'y a pas consensus là-dessus, il faut du moins que la prudence s'impose.
Le mariage articule la nature et la culture. Il est piquant que ceux qui le dénigraient dans le passé s'en fassent aujourd'hui les thuriféraires. Comme dans la novlangue orwellienne, vous gardez le mot mais en changez le contenu. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Magras . - Les désirs sont variables par nature, et les orientations sexuelles relèvent de la vie privée. Il en va tout autrement du mariage, qui est l'acte de fondation d'une famille, ce qui suppose complémentarité de deux sexes pour l'engendrement. C'est au nom de mon attachement à l'égalité, qui consiste à traiter à l'identique des situations identiques et différemment des situations différentes, que j'affirme qu'il n'y a pas de discrimination quand les situations sont différentes. Le psychiatre Pierre Levy-Soussan l'a rappelé. Distinguer, c'est respecter.
Le mariage que vous proposez n'a plus de mariage que le nom. Et est-ce le cadre juridique adapté ? L'union civile serait mieux opérante pour signer une relation entre deux adultes consentants. Quand 170 juristes s'insurgent contre la dénaturation du lien filial qu'opère la loi, je mesure le poids de leur propos. Où est l'égalité réelle si la PMA et la GPA sont interdites ? Ce qui veut dire, a contrario, qu'il faudra légaliser les pratiques. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Gournac . - « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant 18 ans révolus », dit notre code civil en son article 144. Il vise donc bien l'homme et la femme. Avec la rédaction que vous voulez y substituer, cette injonction a disparu : deux personnes de sexe différent ou de même sexe. Du fait que, pour tout un chacun, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, vous êtes obligés de scinder l'ancien article 144 en deux : d'abord un article qui redéfinit le mariage et rompt ainsi avec le sens commun du mot, ensuite un article qui précise l'âge auquel le mariage est autorisé. Ce droit est ouvert non aux couples, mais à des individus. Le couple ne prend existence juridique qu'après l'échange des consentements.
Nul n'échappe à son destin biologique. (Mme Éliane Assassi s'exclame) L'institution du mariage que vous nous préparez ouvre à toutes les dérives. Par sa nature érotique, l'orientation sexuelle, quelle qu'elle soit, n'est pas prisonnière du nombre deux. Elle peut multiplier les partenaires à plaisir. (Protestations à gauche) Car dès lors que vous rompez avec la visée reproductive, tout est permis !
Le mot « égalité » étant de ces mots qui « chantent plus qu'ils ne parlent », comme disait Valéry, les partisans du mariage homosexuel en usent à tort et à travers pour semer une confusion dont ils sont les premières victimes. En dépit de la différence sexuelle indéfectible qui les sépare et les rend mutuellement incompréhensibles, l'homme et la femme ont une chose en commun : ils peuvent ensemble procréer. Votre article 143 revient dessus pour scinder l'humanité entre homosexuels et hétérosexuels. Par l'engendrement et la succession des générations, l'amour initial, et par nature éphémère, de l'homme et de la femme se métamorphose et se prolonge. Mais dans le couple homosexuel, il ne s'agit que d'amour. Que celui-ci ait besoin de reconnaissance, certes. Mais par son impossibilité de se prolonger par la suite des générations, ce n'est qu'un sentiment. (Applaudissements à droite)
Mme Caroline Cayeux . - Je ne me lancerai pas dans de fumeuses considérations philosophiques ou anthropologiques.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Merci pour la philosophie ! Elle n'est pas « fumeuse ».
Mme Caroline Cayeux. - L'homme est un animal social, qui cherche à s'élever au-dessus de la nature. Soit. Mais, sauf à vouloir vivre dans « le meilleur des mondes » à la Orwell, où les enfants sont fabriqués par des machines (On ironise à gauche), il faut s'interroger sur l'usage des techniques. C'est notre devoir que de nous poser, comme nous y invite l'excellente philosophe Chantal Delsol, la question des limites.
Mme Laurence Rossignol. - Mme Charles Millon, l'ami du Front national.
Mme Caroline Cayeux. - Or on n'en débat pas. C'est que l'on veut tout, tout de suite. Quand rien n'arrête plus le désir, ni religion, ni sagesse, les dégâts commencent. (Exclamations à gauche) La loi du désir tout-puissant conduit à insulter la nature. (On s'impatiente sur les mêmes bancs) Le mariage est un pilier de notre société. Et je pense aux enfants, dont on nous dit qu'ils manquent de repères. Parmi ces repères, il y a la famille. Il faut la protéger. (Applaudissements à droite)
M. Christian Cambon . - Le sujet de droit homosexuel n'existe pas : ce texte n'a pas lieu d'être. (Exclamations à gauche) Le droit ne reconnaît que des hommes et des femmes. Comme le souligne un éminent juriste, le droit considère ce que sont les personnes, non pas leurs désirs. Le mariage n'est pas un acte de reconnaissance sociale. En tant que maire, je n'ai jamais signé un certificat d'amour. (Mouvements divers) S'il l'était, pourquoi s'en tenir à deux personnes ? Pourquoi ne pas accepter qu'un frère et une soeur puissent s'aimer ? Ces objections, ce sont des professeurs de droit qui les font. Voyez les Pays-Bas, qui ont dû reconnaître, après le mariage homosexuel, le partenariat à trois.
Le pacs permet déjà d'organiser les relations d'un couple, même s'il peut être amélioré. Le mariage est tout autre chose : facultatif, il est l'acte de fondation d'une famille, qui produit des effets dans le temps, ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel. Pour se marier, il ne suffit pas de s'aimer ; il faut remplir les conditions nécessaires pour fonder une famille : être un homme et une femme. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Bécot . - Le mariage est un acte de fondation, pas une reconnaissance de l'amour. Il s'agit de créer une famille. Pour procréer, il faut un homme et une femme. Les couples de personnes de même sexe ne peuvent pas procréer : le mariage ne peut les concerner. Cette différence de situation justifie une différence de traitement, comme l'a reconnu la Cour de cassation.
Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe débouche, de facto, sur la PMA. Avec l'adoption plénière, d'abord, l'enfant sera délibérément privé de la parité que l'on impose partout ailleurs. Et ce sera bientôt la GPA, en vertu du principe d'égalité ! Le président de la République a indiqué qu'il respecterait l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Mme Vallaud-Belkacem ne semble pas l'entendre de cette oreille.
Ce texte, madame la ministre, n'est pas la simple modification d'un article du code civil. C'est une révolution. L'histoire de l'humanité (M. Jean-Louis Carrère ironise) nous enseigne le respect des fondamentaux. Je ne voterai pas ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
M. Charles Revet . - Il est facile de discréditer vos opposants en présentant votre réforme comme un texte de liberté, d'égalité.
M. François Rebsamen. - Et de fraternité ! (Sourires)
M. Charles Revet. - Celui qui s'y oppose est un réactionnaire. Si on est pour le progrès, si on a l'esprit libre, on ne peut qu'y être favorable... Êtes-vous hostile ? Seulement réservé ? Vous voilà rejeté sans autre forme de procès dans le camp de la réaction et de l'obscurantisme, invité à vous taire... Ce n'est pas parce que votre réforme à un look jeune et moderne qu'elle est bonne.
En matière de sexualité, la diversité des pratiques est la règle entre adultes consentants ; le problème, ce sont les conséquences que vous en tirez en termes de droit - au mariage, à l'adoption, voire à la PMA et au-delà. Le texte remet au premier plan l'institution qu'on a voulu désacraliser et reléguer au rang de simple formalité administrative : le mariage, un acte juridique volontairement un peu oublié. Ne nous leurrons pas...
M. François Rebsamen. - En effet !
M. Charles Revet. - Il est clair que le mariage a pour objectif plus ou moins explicite la procréation, laquelle exige, qu'on le veuille ou non, deux personnes de sexe différent ! Ouvrir le mariage à des personnes de même sexe, c'est automatiquement ouvrir la porte à la PMA, voire à la GPA.
La liberté, c'est le droit donné à chacun de vivre et de faire ses choix, y compris avec une personne de son sexe. Mais que chacun accepte en ce cas de ne pas avoir d'enfants ! Le problème, c'est que nous sommes dans une société de choix, dont j'espère que nous sortirons un jour. Un homme et une femme c'est tout ce qu'il y a d'unique pour faire un enfant et c'est encore mieux s'ils restent ensemble après l'avoir conçu...
Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - C'est moins sûr !
M. Charles Revet. - Nier la différence des sexes, faire comme si hommes et femmes étaient interchangeables, c'est une régression. Nous sommes tout à fait opposés à cet article premier. (Applaudissements à droite)
M. Michel Vergoz . - J'ai entendu que le vote des représentants des DOM était très attendu. Je confirme mon vote pour cet article premier, qui traite uniquement du mariage civil des couples de même sexe et de l'adoption. Comme l'a rappelé Mme la garde des sceaux, l'article 343 du code civil énonce que le mariage emporte l'adoption.
J'ai le sentiment d'avoir accompli un long voyage en un temps infiniment petit. Cela va trop vite ? Peut-être... J'ai vécu en vase clos, dans une société chargée d'interdits, de préjugés distillés par la famille et la religion. Les nouvelles du monde nous parvenaient tard, partielles, partiales, naturellement orientées. Dans ce contexte, j'ai longtemps partagé l'idée que des deux mariages, le civil et le religieux, le plus important était le second, revêtu de la solennité du sacrement. C'est dire que je reviens de loin. Il y a quelques semaines l'un de mes amis voulait que je récuse publiquement l'onction par l'Église des couples homosexuels voulant se marier ! Mais il n'est en rien question de cela ici ! C'est en 1970, venu en métropole pour mes études, que j'ai découvert l'ampleur de l'hypocrisie sur l'homosexualité, pénalisée jusqu'en 1982 et qui n'a été retirée de la liste des maladies mentales par l'OMS qu'en 1991...
J'ai vu des personnes de même sexe heureuses de vivre ensemble...
M. Charles Revet. - Nul ne le conteste !
M. Michel Vergoz. - J'ai vu des jeunes fuir les îles pour cacher leur amour.
Voix à droite. - Il en est de même partout !
M. Michel Vergoz. - Aucun élément pertinent ne démontre qu'un enfant vivant au sein d'une famille homoparentale est moins équilibré que celui d'une famille monoparentale. La monoparentalité concerne plus de 20 % des familles chez nous, contre 8 % dans l'Hexagone. Où est l'équilibre indispensable à l'épanouissement des enfants, quand plus de 50 % des couples mariés divorcent ? Et le fait biologique n'est pas une assurance tout risque pour une éducation réussie.
C'est respectueux des choix de chacun et avec sérénité que je voterai un article qui apporte de nouvelles libertés. La démocratie s'honore et se fortifie lorsqu'elle sait agréger toutes ses composantes. (Bravos et applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
M. Pierre Laurent . - « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » : voici donc l'article qui suscite tant de fureur et d'effroi sur les bancs de la droite ! Nous allons mettre fin à une insupportable discrimination.
Parmi les arguments que nous avons entendus, il y a ceux qui relèvent d'une homophobie franche et brutale, d'autres qui se rattachent à une homophobie honteuse et larvée... Vous en venez à inventer des droits de second ordre, des droits de demi-citoyen : le pacs, hier combattu par les mêmes, suffirait bien, ou encore l'union civile, qui n'a d'autre motivation que de barrer la route à une égalité des droits enfin pleine et entière.
Il est temps de rejeter ces faux-fuyants, d'ouvrir l'égalité à tous, l'égalité tout simplement : mariage, adoption et, pour nous, PMA pour les femmes.
M. Charles Revet. - Voilà !
M. Pierre Laurent. - Au nom de quoi, dès lors que l'orientation sexuelle n'influe pas sur la citoyenneté, priver une partie de nos concitoyens de leurs droits ? Aucun argument ne nous a convaincus d'en rabattre. Notre soutien au projet de loi est guidé d'un bout à l'autre par le respect de l'égalité des citoyens devant la loi.
On vient d'avoir un florilège de déclarations rétrogrades sur la famille, qui ramènent au fond la femme à son rôle de procréatrice sous domination masculine. (Mouvements divers à droite)
M. Christian Cambon. - Qui a dit cela ?
M. Pierre Laurent. - La « complémentarité »... Mais l'homme et la femme sont égaux en droit ! Savez-vous qu'en Tunisie, les islamistes s'acharnent - sans y parvenir jusqu'à présent - à substituer dans la Constitution, s'agissant des droits des femmes, la notion de complémentarité à celle d'égalité ?
La conquête de l'égalité a avancé à l'intérieur du mariage. Certains des arguments que j'ai entendus témoignent d'une conception non seulement homophobe... (On crie à la provocation à droite)
M. Jean-Pierre Raffarin. - Vous n'avez pas d'argument ! C'est honteux !
M. Alain Gournac. - C'est odieux !
Mme Éliane Assassi. - C'est la vérité !
M. Pierre Laurent. - ... mais profondément sexiste. (Tollé à droite)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Faites-le taire !
M. Jean-Pierre Raffarin. - On va finir par regretter Mélenchon !
M. Pierre Laurent. - Le mariage pour tous est un nouveau pas vers la liberté ; avec ce progrès, les couples homosexuels verront tomber les discriminations. Le mariage est un espace commun d'amour et de liberté et non pas un corset rétrograde...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Pierre Laurent. - C'est la liberté pour tous et toutes que nous ferons gagner... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC et plusieurs bancs socialistes)
M. Christian Cambon. - Et la sérénité dans le débat ! La grande classe !
M. Alain Gournac. - Il est bon ! Il n'est jamais là !
M. André Reichardt . - Mesdames les ministres, vous vous trompez en recherchant l'égalité à tout crin, mais aussi en sous-estimant les conséquences de ce projet de loi. L'argument du mariage pour tous ceux qui le désirent ne tient pas. Au nom de la lutte contre les discriminations, il n'y a pas lieu de donner le droit au mariage à tous ceux qui s'aiment !
Le mariage est une institution qui articule l'union d'un homme et d'une femme qui souhaitent construire une famille. C'est un acte fondamental dans la construction de la société, qui puise son essence dans l'altérité. Un couple de personnes de sexe différent est par nature différent d'un couple de personnes de même sexe ; il n'y a pas d'inégalité à traiter différemment des réalités différentes.
Vous vous trompez sur les motivations, vous nous trompez sur les conséquences. Vous permettez l'adoption mais déclarez que la PMA n'est pas dans le texte. Le président de la République a dit qu'il respecterait l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur la PMA et que tant qu'il serait président, la GPA resterait interdite. De fait, le droit à l'enfant n'existe pas, pas plus pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels. Mais les enfants adoptables sont peu nombreux. La seule solution qui restera aux couples homosexuels voulant un enfant, c'est la PMA ou la GPA. N'en déplaise au président de la République, il suffira d'un recours devant la CEDH pour que celle-ci nous contraigne à ouvrir la PMA aux femmes homosexuelles qui voudront un enfant sans père. Ses arrêts s'imposent aux pays du Conseil de l'Europe sous peine de sanctions financières. Cette logique vaudra aussi pour la GPA au profit des couples d'hommes, au nom de l'égalité et de la non-discrimination. Votre circulaire, madame la garde des sceaux, facilite déjà l'obtention de la nationalité française aux enfants conçus ainsi à l'étranger.
Ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, c'est de facto ouvrir la voie à la PMA et à la GPA. C'est au mieux une erreur, au pire une tromperie. Je voterai résolument contre l'article premier. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Vive l'Alsace !
La séance est suspendue à 19 h 55.
présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président
La séance reprend à 22 heures.