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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Candidatures à d'éventuelles CMP

Proposition de résolution

Dépenses de campagne pour l'élection présidentielle (Procédure accélérée)

Discussion générale

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article unique

Questions d'actualité

Une affaire dans la police ?

M. François Rebsamen

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

TVA sociale (I)

Mme Annie David

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Avenir de la pêche

M. Christian Bourquin

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Répression en Syrie

M. Jean-François Humbert

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Raffinerie de Petit-Couronne

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

TVA sociale (II)

M. François Marc

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Sûreté nucléaire

M. Philippe Bas

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Nomination de magistrats et indépendance du parquet

M. Alain Anziani

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Marché du travail

M. Serge Dassault

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Universités

Mme Dominique Gillot

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Nominations à d'éventuelles CMP

Organismes extraparlementaires (Appel à candidatures)

Dépenses de campagne pour l'élection présidentielle (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du jeudi 12 janvier 2012

49e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Candidatures à d'éventuelles CMP

M. le président.  - La commission des lois a désigné les candidats qu'elle présenterait si le Gouvernement demandait la réunion de commissions mixtes paritaires pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, ainsi que du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.

Les listes des candidats ont été affichées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires aura lieu ultérieurement.

Proposition de résolution

M. le président.  - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe Union pour un mouvement populaire, a demandé, le 10 janvier, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 202, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la filière industrielle nucléaire française, qu'il a déposée le 15 décembre 2011. Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre Conférence des présidents qui se tiendra le mardi 17 janvier.

La séance, suspendue à 9 h 35, reprend à 9 h 45.

Dépenses de campagne pour l'élection présidentielle (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.

Discussion générale

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le Gouvernement veut diminuer de 5 % le remboursement des dépenses électorales, prolongeant la mesure d'exemplarité déjà votée en loi de finances pour 2012 s'agissant des élections autres que l'élection présidentielle, laquelle relève de la loi organique. Serait ainsi transposé le mécanisme adopté conforme par le Sénat en décembre 2011 ; le taux de remboursement des dépenses avait alors été abaissé de 50 % à 47,5 %, ce que votre commission des finances avait approuvé. Contrairement à la règle qui s'applique aux autres élections, un candidat à la présidentielle ayant obtenu moins de 5 % des voix peut obtenir un remboursement forfaitaire.

Il s'agit donc de modifier l'article 3 de la loi de 1962, pour viser tous les candidats en diminuant le taux de remboursement tout en laissant inchangé le plafond de dépenses afin de garantir la sécurité juridique aux candidats qui auront déjà commencé à effectuer des dépenses à la date de promulgation de la loi organique. L'économie attendue est évaluée à 2,2 millions d'euros, sachant que les remboursements ont atteint 53,4 millions en 2002 et 44 millions en 2007.

Mais, du fait de l'indexation sur l'inflation, ces 2,2 millions d'économie seraient absorbés par la revalorisation des plafonds. Le Gouvernement propose donc de la geler jusqu'à l'assainissement de nos finances publiques, grâce à quoi nous pouvons espérer une économie de 3,6 millions. Il s'agit d'un effort substantiel et durable.

À l'initiative du groupe socialiste, un amendement consensuel et de bon sens a été voté à l'Assemblée nationale, concernant le délai de dépôt des comptes de campagne. En revanche, le Gouvernement ne peut accepter l'amendement adopté par votre commission au sujet des dons effectués par des personnes morales. Il est superfétatoire : le droit actuel est clair, ce que montre la jurisprudence du Conseil d'État. Le Gouvernement soutiendra donc l'amendement du groupe UMP tendant à rétablir le droit existant.

J'invite le Sénat à voter ce projet de loi responsable qui doit dépasser les clivages partisans. L'élection présidentielle doit être exemplaire. (Applaudissements à droite)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.  - La démocratie a un coût, mais pas de prix. Ce principe doit être rappelé avec force car le Gouvernement semble vouloir s'en affranchir ! (Sourires à gauche) À quoi sert un texte qui ferait économiser 3,6 millions sur 240 ? Nous retrouvons le ratio habituel quand le Gouvernement tente de réduire le déficit... (M. Jean-Pierre Michel apprécie)

Alors que les candidatures à l'élection présidentielle doivent être déclarées deux mois avant le scrutin, les dépenses de campagne sont comptabilisées depuis un an au jour du vote.

Le législateur devrait plutôt s'attacher à garantir une campagne propre -l'actualité en la matière est édifiante...

Il en résulte -en particulier pour le président sortant- une véritable confusion sur la nature des dépenses engagées...

Tout titulaire d'un mandat public doit s'abstenir d'employer les moyens dont il dispose à ce titre ; il est indispensable de le rappeler, au regard de ce que l'on observe ! Il existe une déontologie électorale, une éthique incontournable, je regrette de devoir le rappeler. Nos concitoyens sont plus choqués d'apprendre que des millions d'euros transitent par des comptes secrets !

J'ai déposé plusieurs amendements autorisant un candidat à saisir le Conseil constitutionnel sur les comptes d'un autre candidat et de les autoriser à les contester une fois le résultat acquis. L'élection étant validée bien avant que les comptes ne soient examinés, cela n'aurait pas de conséquence sur le résultat mais clarifierait le droit.

Mieux vaudrait, d'autre part, un remboursement au prorata des suffrages obtenus, qui éviterait l'effet de seuil : à une décimale près, le remboursement passe de 800 000 euros à 8 millions.

N'avons-nous pas d'autres priorités ? Était-il nécessaire de légiférer à quelques semaines du scrutin, alors que les questions éthiques sont ailleurs ? Certes pas dans la rédaction initiale. Ce projet de loi pourrait toutefois être utile s'il était amendé comme nous le proposons afin de rétablir la confiance dans la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Ce projet de loi organique s'inscrit dans la suite des textes financiers de l'automne dernier. L'élection présidentielle n'avait alors pu être concernée, car elle relève d'une loi organique. Il est toutefois naturel qu'elle participe à l'effort de rigueur. Quoique marginale, l'économie ainsi procurée serait bienvenue, d'autant que ce texte a aussi pour effet de freiner une course aux dépenses électorales qui ne peut qu'être préjudiciable au bon fonctionnement de la démocratie.

Le système français nous met à l'abri d'une campagne permanente des élus en place.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est pourtant ce à quoi nous avons assisté.

M. Yves Détraigne.  - Ce texte aurait une durée de vie limitée puisqu'il ne gèle le plafond de remboursement que jusqu'au jour où notre budget reviendra à l'équilibre. Je n'insiste pas sur cette échéance... (Sourires) Il reste que ce gel a le mérite d'endiguer le coût de l'élection, qui explose avec la multiplication des candidatures.

Le groupe UCR reste frileux vis-à-vis de l'amendement adopté en commission relatif aux candidats déjà détenteurs d'un mandat électif. Il est bon de poser la question du partage entre ce qui relève du mandat en cours et la campagne, mais comment trancher ? Autant le principe se comprend, autant on voit mal comment l'appliquer -sauf à ce que tout candidat cesse d'exercer son mandat qu'il détient déjà.

La sagesse commande de s'en tenir au droit en vigueur. À trois mois de la prochaine élection, il ne serait pas sage de modifier les règles du jeu, si tentant cela soit-il. Le groupe UCR soutiendra ce texte dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Éliane Assassi.  - On minore le taux des dépenses remboursées, l'affaire est entendue. Depuis cinq ans, les finances publiques ont été détériorées par une stratégie fiscale et une gestion discutables. Il fallait donc flatter l'opinion dans l'idée que tous les hommes politiques seraient aussi corrompus les uns que les autres.

Les règles de revalorisation du plafonnement ont un effet important sur le montant du remboursement -on le gèle. L'économie attendue est de 3,6 millions -on est loin des 83 milliards du déficit !

En 2002, quatre candidats avaient dépassé 5 % des voix, dix étaient en deçà. En 2007, ils étaient quatre au-delà de 5 %, huit en deçà. Rien ne dit qu'en 2012 ils ne seront pas plus nombreux à dépasser les 5 %, occasionnant de fait une dépense plus importante de remboursement. On peut imaginer un cas de figure dans lequel le remboursement pour l'ensemble du scrutin atteindrait 58,3 millions, alors que le projet de loi table sur 41,6.

La plupart des candidats à l'élection sont aujourd'hui connus, leur participation n'est pas douteuse pour certains, plus hypothétique pour d'autres. Des dépenses ont été engagées ; des comptes de campagne ont été ouverts. Reste un candidat, non encore déclaré, qui utilise ses fonctions pour mener campagne. Les dispositions en vigueur ne répondent pas au problème spécifique des campagnes menées par des candidats exerçant un mandat électif.

La taxe sur les transactions financières, votée par le Sénat, a disparu de la loi de finances finale ; par un coup de baguette magique, elle réapparaît comme argument électoral utilisé par le locataire de l'Élysée. Preuve que toute décision, toute prise de position est sujette à caution...

Ce texte démagogique, irréaliste et hypocrite ne peut être soutenu en l'état. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - De minimis non curat praetor -on laisse ces basses affaires au Premier ministre ! Subordonner le rééquilibrage de nos finances publiques à une économie attendue de 3,6 millions est dérisoire.

M. Philippe Bas.  - Personne ne dit cela !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pourquoi s'en offusquer. Ce n'est pas la première loi d'affichage, la première entorse au principe selon lequel on ne touche pas aux règles du jeu dans l'année qui précède l'élection. Mais ce texte est-il si innocent que cela ? L'Élysée semble appliquer la stratégie chère à M. Prudhomme : continuer à tirer pour faire croire à l'ennemi qu'on a encore des munitions. Après les élus qui coûtent cher, les candidats qui grèvent les comptes de la Nation ! Seules les dépenses de l'Élysée seraient des économies. (Sourires)

Que fait-on d'un président élu dont les comptes seraient rejetés ? En 2006, M. Portelli usa de termes diplomatiques pour poser la question : comment annuler un scrutin de cette importance ? Le droit commun s'arrête à l'élection présidentielle. Le côté douteux des comptes de campagne de 1995 a été souligné par Jacques Robert, dans le chapitre « les faux-monnayeurs » de son livre La garde de la République, lorsqu'il a évoqué une « curieuse impression de malaise, pour ne pas dire un sentiment désagréable d'insatisfaction ». Cet ancien membre du Conseil constitutionnel ne donnait pas de noms mais ils sont désormais connus depuis qu'a éclaté l'affaire de Karachi.

On sait donc désormais que le Conseil recommandait le rejet pur et simple des comptes de M. Balladur, qui dépassait le plafond et avait reçu 1,56 million d'euros en espèces d'origine douteuse.

Mme Nathalie Goulet.  - Les T-shirts !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le compte de Jacques Chirac n'était pas plus sain. Mais, à la suite de négociations dans lesquelles le président Dumas a joué un rôle clé...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Parmi les Dumas, je préfère Alexandre !

M. Pierre-Yves Collombat.  - ...le montant des dépenses fut réajusté avec une dérisoire précision: Édouard Balladur est à 0,25 % du plafond autorisé et Jacques Chirac à 0,034 %. De l'horlogerie suisse ! Une fois de plus on a vu le Conseil constitutionnel filtrer les moucherons et laisser passer les chameaux.

Jacques Cheminade, lui, avait des amis moins bien placés : ses comptes ont été repoussés pour avoir contracté un prêt sans intérêt.

Mme Nathalie Goulet.  - Selon que vous serez puissant ou misérable...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Moins adroit que Jacques Chirac et Édouard Balladur, il fut ruiné. M. Robert estime que le Conseil constitutionnel a servi de caution à une belle entourloupe !

Le problème est de fond : peut-on revenir sur le résultat de l'élection, quand la comptabilisation des dépenses est si délicate. Imagine-t-on un procureur ouvrir une instruction contre le président de la République ? La Constitution le lui interdit.

Roland Dumas explique ainsi le dilemme de 1995 : la France avait besoin d'un président de la République, elle venait d'élire Jacques Chirac : on ne pouvait la laisser sans capitaine. Les choses ont donc été négociées pour qu'elle ait un président de la République.

Mon amendement permettrait à la fois de sanctionner un candidat élu qui aurait eu un comportement incompatible avec la charge de président de la République, tout en conservant à la décision son caractère politique. À charge pour le Parlement de mettre en oeuvre ou non la procédure de destitution. Je vous invite à le voter. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt.  - Nous avons été surpris que le rapporteur ait été seul à voter son texte !

La nouvelle majorité sénatoriale est, une fois de plus, fort embarrassée par ce projet de loi organique, comme par beaucoup d'autres.

En effet, le Premier ministre a annoncé deux mesures touchant la vie politique : les subventions aux partis vont être réduites de 4 millions ; les remboursements de dépenses électorales devraient diminuer d'autant en 2012.

Techniquement, cela suppose de geler le plafond des dépenses électorales tant que les finances publiques ne sont pas revenues à l'équilibre, ce qui ne devrait pas tarder.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Si vous partez !

M. André Reichardt.  - En outre, les remboursements des dépenses de campagne seront réduits de 5 %, l'élection présidentielle supposant de passer par une loi organique.

Les candidats n'ayant pas atteint 5 % des suffrages exprimés obtiendront quelque 800 000 euros, les autres percevront au maximum 8 millions d'euros pour les candidats éliminés au premier tour, plus de 10 millions pour ceux présents au second tour. Le coût total de l'élection devrait avoisiner 220 millions d'euros.

On peut gloser sur le caractère modeste de l'économie réalisée, mais comment la refuser dans le contexte budgétaire actuel ?

Bien sûr, la dépense effective est encore inconnue, car nous ignorons l'avenir.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est généralement le cas !

M. André Reichardt.  - Comment prendre en compte l'activité du président de la République ?

La Cour des comptes a salué la gestion plus rigoureuse de l'Élysée, qui n'avait pas de budget jusqu'en 2007. Elle a souligné la gestion exemplaire des dépenses de sondages. S'agissant des coûts de déplacements, la Cour des comptes a formulé des observations en 2011, leur coût total a diminué malgré l'augmentation des déplacements internationaux et intérieurs !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Vous êtes le porte-parole de l'Élysée !

M. André Reichardt.  - Je rappelle que cette nouvelle transparence des comptes de la présidence, nous la devons à M. Sarkozy ! Comme l'a dit M. Béchu, le débat sur les comptes de campagne du président élu est analogue à celui sur le sexe des anges, vu la légitimité démocratique que lui confère son élection au suffrage universel.

Le groupe UMP propose de supprimer l'ajout inutile voulu par la commission, concernant les candidats détenteurs d'un mandat électif, qui n'apporte rien au droit existant : pourquoi cette redite ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - À votre avis ?

M. André Reichardt.  - Pour réduire notre déficit et notre dette, nous devons agir aussi sur les dépenses électorales. La réforme s'appliquera dès 2012 et sera pérenne.

Pour ces raisons, le groupe UMP votera la réforme courageuse engagée par le Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Mme Corinne Bouchoux.  - Dans un contexte de faible croissance les économies réalisées sur les dépenses électorales ne peuvent qu'être comprises par nos concitoyens, bien qu'ils soient eux-mêmes confrontés à de plus graves problèmes, mais les écologistes veulent surtout des règles claires, équitables et respectées par tous les candidats. Pour éviter les écueils, récents ou anciens, illustrés par les dernières polémiques sur l'affaire dite de Karachi, montrant que les dérapages immoraux ont continué, la justice doit mener son travail jusqu'au bout, quelles que soient les personnes en cause et leurs fonctions. Il y a eu quatorze morts à Karachi, dont onze Français ! Toute la lumière doit être faite.

Un grand quotidien du soir a écrit hier que l'affaire Bettencourt pourrait conduire à la saisine des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. La justice doit faire son travail.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et l'affaire de L'IGS !

Mme Corinne Bouchoux.  - Le système actuel n'est ni moral, ni juste, qui opère une discrimination et donne plus à ceux qui ont plus alors qu'on pourrait faire des économies, en respectant la parité (marques d'approbation à gauche) dont le non-respect par l'UMP coûterait 4 millions d'euros ! Il faudrait aussi revoir le système du parrainage par 500 signatures. La multiplication des candidatures est un risque, mais il faut avant tout éviter la pensée unique.

Nous examinons aujourd'hui, un texte démagogique et de circonstance. La priorité est de mettre fin à un système où les uns ont tout, les autres ne reçoivent rien ! Dans certains pays, on prend en compte plusieurs scrutins de nature différente pour le financement de la vie politique. En France, les gagnants bénéficient d'une double dotation, les autres se débrouillent comme ils peuvent !

S'ajoute l'inégalité liée au cumul des mandats -assez répandue dans notre Haute assemblée...

Mme Nathalie Goulet.  - Pas pour tous !

Mme Corinne Bouchoux.  - Ce texte anecdotique n'est que cosmétique et masque les sujets de fond, car le pseudo-bipartisme qu'il soutient ne correspond pas à la société française. À l'heure d'internet et des réseaux sociaux, alors que les médias sont de plus en plus concentrés dans les mains de quelques industriels, il faut réduire l'inégalité entre candidats pour qu'ils puissent se faire entendre par les citoyens.

Malgré les progrès réalisés, il reste beaucoup à faire, notamment concernant l'intervention du Conseil constitutionnel et la campagne du candidat déjà en place. Où est l'exemplarité quand les élections cantonales sont mille fois plus surveillées que l'élection présidentielle ? (Applaudissements à gauche)

M. Michel Delebarre.  - Comme à son habitude, M. Gorce a fait un travail de très grande qualité. Monsieur Reichardt, ce que vous qualifiez d'« embarras » de la commission n'est qu'une aptitude à la réflexion : il faudra vous y habituer !

La vie politique française s'organise autour de l'élection présidentielle. Les principales dispositions du texte sont connues : le 7 novembre, le Premier ministre a annoncé deux mesures d'économie applicables à la vie politique.

La réduction des dépenses électorales suppose tout d'abord le gel des plafonds de dépenses jusqu'à ce que nos finances soient à l'équilibre : autant dire que cette mesure aura un bel avenir...

Deuxièmement, les taux de remboursements sont ramenés de 50 % à 47,5 % des suffrages pour l'ensemble des élections autres que le scrutin présidentiel, qui relève de la loi organique.

La principale faiblesse de ce texte est de changer la règle du jeu à la veille de la consultation électorale, et par recours à la procédure accélérée. C'est un souci de communication politique pour montrer aux Français que tout le monde fait des efforts.

Réduire les dépenses est un objectif louable, mais l'économie attendue n'est que de 3,6 millions d'euros. Depuis 1995, le coût des remboursements n'a cessé d'augmenter.

Pour 2012, tout dépendra du nombre de candidats et de leurs scores respectifs. On ne connaîtra donc le coût réel de l'élection qu'a posteriori.

J'ai quelques doutes quant à la réduction de notre déficit grâce à ce projet, puisque la dépense ne représente aujourd'hui que cinq euros par électeur...

L'allègement de l'ISF, c'est 1,5 milliard, la loi Tepa 20 milliards d'euros, à comparer aux 3,6 millions que rapportera ce projet de loi organique...

Certes, la transparence des dépenses de l'Élysée a progressé, mais des zones d'ombre subsistent, à commencer par les déplacements du chef de l'État, candidat. Pourquoi ne pas prendre en compte 60 % de ces dépenses dans son budget de campagne comme le CSA va retenir 60 % de ses interventions publiques ?

Le principe d'égalité devant le suffrage et le principe de sincérité sont les fondements de la démocratie.

Le texte n'est pas à la hauteur ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Anziani.  - À quelques mois de l'élection présidentielle, vous voulez réduire son coût, à un moment où notre déficit cumulé excède 1 600 milliards d'euros ! Votre projet de loi entraînerait une économie de 3,6 millions, soit 1,5 % du coût des remboursements. C'est un geste symbolique.

Nous aurions préféré une clarification de la notion de dépense électorale : bravo à M. Gorce pour sa contribution.

Les sondages doivent-ils être pris en compte pour les dépenses électorales ? Sans aucun doute, s'agissant de ceux commandés par les candidats ou les partis, mais quid de ceux demandés par l'Élysée ? Le président de la République sortant devrait au moins publier la liste des sondages demandés au cours de sa dernière année de mandat.

Et les déplacements : comment prendre en compte ceux du président non encore candidat ? Il les multiplie depuis peu, comme l'a relevé M. Dosière. À Tricastin, le président de la République a essentiellement vilipendé les positions de la gauche sur le nucléaire ; à Mulhouse, au lieu de voeux au monde de la santé, il a dénigré les propositions fiscales prêtées au candidat socialiste. Or tout cela n'est pas comptabilisé au titre de la campagne électorale...

La Commission des comptes de campagne estime qu'il faudrait réintégrer dans les comptes de campagne le coût d'organisation des déplacements permettant au président de la République candidat d'exposer son programme. Ce fut le cas pour sept déplacements de Jacques Chirac en 2002. Problème : les comptes de campagne sont toujours validés même si, comme l'a reconnu Roland Dumas pour ceux de Jacques Chirac, ils sont insincères. D'où les réquisitions judiciaires relatives aux comptes de M. Sarkozy pour 2007...

Théoriquement, nul ne doit utiliser ses fonctions au service d'une campagne électorale, mais le tour de France de M. Guaino est moins celui d'un historien ou d'un nouveau philosophe que de qui nourrit des arrière-pensées électorales...

Le candidat fantôme parcourt le pays dans ses habits officiels comme à la recherche des voix perdues, il travaille plus sans être payé plus, mais ses paroles ne sont pas officiellement prises en compte... (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte.  - Une démocratie qui ne coûte rien est à vendre ! Cette prise de conscience a eu lieu, il y a une vingtaine d'années, pour rendre transparent le financement de la vie politique, mettre fin aux conflits d'intérêts et sanctionner le trafic d'influence.

Lorsqu'un président est candidat, comment distinguer les deux faces de son action ? Il est curieux que le Gouvernement propose aujourd'hui, à 100 jours de la prochaine élection, un texte largement rétroactif...

Ce texte démagogique prétend réaliser des économies, dont nous ignorons la réalité. À quoi sert de réduire le remboursement de 5 % lorsque certains candidats n'hésitent pas à aller chercher des ressources illégales ?

Ce texte est hypocrite et cynique : le vainqueur a toujours raison, même en cas de dépassement. C'est une insulte à la démocratie. Cela vaut aussi pour les élections législatives. La campagne pour l'élection des futurs onze députés représentant les Français de l'étranger occasionne des déplacements très coûteux. Comme par hasard, trois ministres seront candidats pour l'UMP dans ces circonscriptions de taille mondiale -dont M. Mariani, ministre des transports. Ça tombe bien ! Sur 26 déplacements en 31 semaines, il a visité 24 fois sa future circonscription !

Les déplacements d'un ministre ne sont pas examinés par la Commission des comptes, alors que ceux d'un élu sont regardés de près ! Un abus manifeste dans l'utilisation de l'argent des contribuables ne peut donc être sanctionné !

Quelle hypocrisie ! Le Gouvernement propose d'économiser 3,6 millions, alors qu'il dépense bien plus en activité pré-électorale. Un président en campagne, des ministres et un gouvernement en campagne. Tout cela sur fonds publics. Regardez donc l'agenda de M. Courtial qui traitait naguère d'exilés fiscaux les Français ne payant pas leurs impôts en France, même en vertu d'une convention fiscale : il parcourt sa circonscription à une vitesse supersonique avec un aréopage de hauts fonctionnaires !

Demain, l'UMP organisera au Maroc une grande réunion consacrée à « une nouvelle gouvernance pour les Français de l'étranger », avec Mme Morano et M. Courtial entre autres. Une autre manifestation est prévue à Miami, le 9 février avec M. Lefebvre et M. Baroin, le « premier rassemblement mondial des conseillers du commerce extérieur » !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le monde est petit !

M. Jean-Yves Leconte.  - Tout cela est une insulte à l'intelligence et du mépris pour les Français de l'étranger.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte.  - La période impose l'exemplarité et la sobriété mais le ministre de l'intérieur, candidat à Boulogne, utilise la mairie comme bureau de poste.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous devenez caricatural !

M. Jean-Yves Leconte.  - Alain Marsaud, candidat pour les Français du Proche-Orient et de l'Océan indien, se prévaut d'une mission du Gouvernement pour justifier ses déplacements à Madagascar où il travaille à rétablir une liaison aérienne au profit d'Air Madagascar, qui concurrencera Air France ! (Exclamations à gauche)

Les candidats du pouvoir auraient-ils perdu tout sens commun ? Le candidat UMP en Amérique latine est directeur d'Alstom sur place, laquelle entreprise qui vient d'emporter le marché du métro au Panama espère en emporter d'autres. Une convention fiscale fort opportune vient de sortir ce pays de la liste des paradis fiscaux...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ça ne vole pas haut...

M. Jean-Yves Leconte.  - Pour la prochaine élection, je souhaite plus de moralité et moins de cynisme ! (Bravos et applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 11 h 20, reprend à 11 h 25.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°14, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle (n° 236, 2011-2012).

M. Jean Louis Masson.  - J'accorderai mon parrainage à M. Dupont-Aignan, non par convergence idéologique avec lui, mais par opposition à ce système scandaleux. Je veux aider les petits candidats. Depuis que les parrainages sont rendus publics, les maires subissent des pressions inacceptables : tous les coups sont permis ! Selon Le Figaro, les maires socialistes, à la demande de Mme Aubry, ne devraient parrainer que le candidat socialiste. La situation n'est pas meilleure à l'UMP. Les parrains de candidats d'extrême droite ou d'extrême gauche subissent pressions et représailles intolérables.

Dans mon canton, deux maires qui avaient parrainé le candidat du Front national ont été victimes de représailles : l'un a été menacé physiquement et en a fait un accident cardiaque ; l'autre affirme qu'il a vécu un cauchemar et qu'il ne parrainera plus jamais un candidat, après que son parrainage fût rendu public. On peut être pour ou contre Le Pen, mais il serait anormal qu'il ne pût être candidat, c'est la démocratie, dit-il. La publicité des parrainages est anti-démocratique, dit-il. En majorité, les maires partagent son avis. La procédure est détournée : on fait croire que le parrainage signifie soutien politique, alors qu'il devrait seulement éviter les candidatures marginales. Avec un succès discutable : en 2002, neuf des seize candidats n'ont pas atteint 5 % des suffrages. M. Gluckstein n'a obtenu que 0,47 %, soit 132 686 voix sur 28,5 millions ! Il avait pourtant obtenu plus de parrainages que nécessaire. M. Le Pen, deuxième au premier tour, soit 36 fois plus que M. Gluckstein, avait lui peiné à rassembler les parrainages requis ! Il faut donc rétablir le secret des parrainages pour éviter toute pression et autoriser tout parti, ayant obtenu au moins 5 % des voix aux législatives, à présenter un candidat. Et il est anormal que les sanctions applicables à ceux qui feraient pression sur les électeurs ne le fussent pas à ceux qui tentent par des moyens similaires d'empêcher un parrainage.

Ce projet de loi organique nous fournit l'occasion de sortir du statu quo -d'où ma motion. Il est regrettable que le Gouvernement ait déclaré l'urgence, en faisant mine d'ignorer le problème des parrainages, qui dépend lui aussi de l'article 3, susvisé. Mais les deux partis dominants s'entendent pour continuer à profiter d'un système scélérat !

Il ne sert à rien que le vote soit secret, dès lors que la publicité des parrainages permet des pressions. Il est incohérent de sanctionner les menaces ou pressions sur les électeurs, quand rien n'est fait pour protéger les élus qui accordent leur parrainage !

Au lendemain de 2007, certains membres de la majorité présidentielle avaient pourtant appelé à la réforme. Mais rien n'a été fait. Au parti socialiste, c'est pire : on menace les maires socialistes qui parraineraient un candidat autre que le candidat officiel. On se croirait au temps de Brejnev, ou plutôt à celui de M. Moubarak !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Ça suffit !

M. Jean Louis Masson.  - J'assume au nom de la démocratie et des milliers de maires qui ne supportent pas les pressions, le chantage aux subventions exercé par les conseils généraux socialistes ! Les propos de Mme Aubry sont inquiétants. La commission des lois a traité le sujet par-dessus la jambe -parce que ça fait l'affaire du parti socialiste, qui veut surtout que rien ne change ! (Exclamations à gauche) Un parti qui pratique un double langage, parlant de démocratie mais cautionnant des pratiques antidémocratiques quand il y trouve son intérêt !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - La commission s'est gardée d'exercer une pression sur M. Masson... La clandestinité des parrainages qu'il défend n'est pas conforme à l'esprit républicain. L'élection présidentielle, dans l'esprit du général de Gaulle, cher à M. Dupont-Aignan, n'a pas vocation à encourager la multiplicité des candidatures !

D'éventuelles pressions ou représailles relèvent de la justice, mais on ne peut interdire à un chef de parti de donner des consignes.

Enfin, je rappelle qu'en 2002, la multiplication des petits candidats a privé les électeurs d'un vrai choix au second tour !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Je rappelle que ce texte découle d'un souci d'économie. L'urgence est justifiée : le recueil des parrainages va commencer en février. Je n'épiloguerai pas sur le système, qui est ancien. Enfin, toute pression peut être sanctionnée dans le cadre du droit pénal en vigueur.

La motion n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article unique

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.

Après l'alinéa 1 

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le premier alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont présumées devoir être retracées dans le compte de campagne du candidat l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées à son profit, dès lors qu'elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national. » ;

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Il s'agit de rappeler les candidats à leurs obligations. L'ensemble des dépenses doit être retracé dans les comptes, de sorte que la Commission nationale puisse faire son travail. Notre logique éthique se veut dissuasive, pour mettre fin aux pratiques qui jettent le trouble dans l'opinion.

M. le président.  - M. Masson voulait parler sur l'article...

M. Jean Louis Masson.  - En effet. Dans notre Règlement, les sénateurs non inscrits ne peuvent intervenir en explication de vote. Je saisis donc l'occasion de répondre au rapporteur. Vu la majorité écrasante des deux groupes principaux en commission, inutile de s'y rendre et d'y défendre ses idées : je préfère m'exprimer en séance publique.

Le général de Gaulle voulait limiter le nombre de candidats ? Certes, mais la question n'est pas là. Cette réponse est hypocrite ! Le problème, c'est qu'on empêche la candidature de ceux qui pourraient obtenir un bon score. Les illustres inconnus ne dérangent personne !

Il faudrait à tout prix éviter la situation de 2002 ? L'argument est grave, car il revient à considérer comme des citoyens de seconde zone les millions de Français qui ont voté pour M. Le Pen au premier tour. Si le Front national est illégal, qu'on l'interdise ; sinon, il est intolérable qu'on empêche, par des magouilles ou des artifices, des millions de Français de voter pour lui.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Sur l'amendement, la jurisprudence est claire ; cette précision est inutile. Défavorable.

L'amendement n°15 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.

Après l'alinéa 1 

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le quatrième alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut, à compter de l'ouverture de la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, être saisie par le mandataire financier d'un candidat potentiel en vue d'émettre une décision sur l'application des dispositions relatives au financement de la campagne présidentielle. La Commission se prononce dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la demande. Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné ou par son mandataire financier dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours. » ;

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Cet amendement permet aux candidats potentiels, dès lors qu'ils ont déclaré un mandataire, de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). On sait qu'il y a un débat aujourd'hui sur les déplacements du président de la République. Il faut que les règles soient établies en amont ; c'est plus satisfaisant des points de vue éthique et démocratique.

Le sous-amendement de M. Masson ouvre à tout citoyen la possibilité de saisir la CNCCFP. À titre personnel, la commission ne s'étant pas prononcée, j'estime que le champ de la saisine doit être limité aux seuls candidats ayant déclaré un mandataire, ne serait-ce que pour des raisons pratiques évidentes. Et il ne faut pas prendre le risque de déstabiliser la campagne. Avis défavorable.

M. le président.  - Sous-amendement n°19 à l'amendement n° 16 de M. Gorce, au nom de la commission, présenté par M. Masson.

Amendement n° 16, dernier alinéa

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le mandataire financier d'un candidat potentiel

par les mots :

tout candidat potentiel

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

ou par son mandataire financier

M. Jean Louis Masson.  - C'est le candidat qui doit saisir la Commission, pas son mandataire financier ! Si l'éventuel mandataire financier de M. Cantona peut saisir la Commission, pourquoi pas tout citoyen ? Mais pour notre rapporteur, qui est au service des partis dominants, la candidature de M. Cantona pose moins de problème que celle de M. Mélenchon ou de Mme Le Pen !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable au sous-amendement. La Commission des comptes de campagne a diffusé un mémento il y a plus de six mois ; le mandataire financier du candidat socialiste en a d'ailleurs fait usage. L'amendement alourdirait les procédures en cours : défavorable.

M. Philippe Bas.  - Il faut penser à la campagne de 2012, mais aussi à celles qui viendront après. Malgré les bonnes intentions du rapporteur, ses amendements peuvent avoir des effets pervers, qu'il s'agisse de l'expression du chef de l'État ou de ses déplacements. Il est certes difficile de s'abstraire du contexte actuel, mais faisons attention à préserver la fonction présidentielle, et à ne pas entraver la liberté du président de la République. Je voterai contre cet amendement, comme je l'ai fait pour le précédent.

M. Jean-Pierre Michel.  - L'amendement de M. Gorce me convient. La jurisprudence n'est pas stabilisée. Une publicité pour un roman d'un candidat, une de ses nouvelles, La tentation de Venise par exemple, doit-elle être prise en compte dans les dépenses de campagne ?

Le problème est que la campagne présidentielle est la moins réglementée de toutes. Il devrait y avoir une date limite pour déclarer sa candidature à l'élection présidentielle, 100 jours par exemple. Il faudrait aussi qu'à la date limite, le président de la République-candidat quittât ses fonctions et fût remplacé par le président du Sénat. On ne peut accepter qu'il emploie les moyens de sa fonction pour sa campagne. Ainsi tous les candidats seraient-ils à égalité. En attendant cette réforme radicale, il faut a minima que les décisions juridictionnelles puissent s'imposer.

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous ne sommes plus en 1958, ni en 1962. Le Conseil constitutionnel a été discrédité par les récentes révélations concernant les élections de 1995 et 2007. Il faut changer les choses. Je partage les propos de M. Michel, et soutiens l'amendement. Il faut cesser de mettre le Conseil constitutionnel devant le fait accompli et lui rendre sa crédibilité. Un travail en amont est hautement souhaitable.

M. Yves Détraigne.  - Notre débat dépasse largement l'objet du texte, qui est le remboursement des dépenses de campagne... L'élection présidentielle est trop importante pour que l'on bricole, sur un coin de table, les règles qui lui sont applicables !

Je voterai contre les amendements, à l'exception de l'amendement n°9, présenté par M. Hyest pour revenir au texte de l'Assemblée nationale. (Approbation et applaudissements à droite)

Le sous-amendement n°19 est adopté.

L'amendement n°16 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Gorce.

I.  - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du cinquième alinéa du II, à la première phrase du deuxième alinéa du V et aux deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa du même V de l'article 3, le mot : « forfaitaire » est supprimé ;

II.  -  Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

1° Le troisième alinéa du V de l'article 3 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le montant des crédits inscrits dans la loi de finances de l'année du scrutin pour être affecté au financement du remboursement des dépenses de campagne des candidats est divisé en deux fractions :

« 1° Une première fraction attribuée aux seuls candidats présents au second tour et égale, pour chacun d'entre eux, à 5 % du montant visé à l'alinéa précédent ;

« 2° Une seconde fraction attribuée à tous les candidats ; elle est répartie proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de l'élection présidentielle par chacun d'entre eux.

« Le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne. » ;

M. Gaëtan Gorce.  - C'est le Gouvernement lui-même qui a ouvert une réforme à quelques semaines d'une élection présidentielle. C'est lui qu'il faut accuser, monsieur Détraigne, pas la majorité sénatoriale ! Nous entendons parler expression du suffrage et pluralisme.

Le mode de remboursement actuel n'est pas juste, en raison des effets de seuil : une voix n'a pas la même valeur selon la présence, le score du candidat. Cet amendement, qui vise à ouvrir le débat, propose un remboursement au prorata des voix obtenues au premier tour, les candidats présents au deuxième tour bénéficiant d'une prime. Les écarts varient aujourd'hui de 800 000 euros pour 4,9 % des voix, à 8 millions d'euros pour 5,01 % des suffrages exprimés. L'amendement aurait également l'avantage de garantir à l'État qu'il ne dépensera pas plus qu'il ne le souhaite au titre des remboursements. Cela va dans le sens de son objectif d'économie. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Sous-amendement n°18 à l'amendement n° 11 de M. Gorce, présenté par M. Masson.

Amendement n° 11

Supprimer le II de cet amendement.

M. Jean Louis Masson.  - La finalité de notre rapporteur est transparente : rembourser beaucoup plus aux deux partis dominants et beaucoup moins pour les autres ! Sa compassion affichée envers ceux qui font moins de 5 % ne trompe personne. D'où ce sous-amendement : il faut abaisser le seuil de remboursement à 3 % des voix. C'est ainsi que l'on aidera les petits candidats !

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le deuxième alinéa du II de l'article 3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le montant : « 13,7 millions » est remplacé par le montant : « 10 millions » ;

b) À la seconde phrase, le montant : « 18,3 millions » est remplacé par le montant : « 15 millions » ;

II.  -  Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et le pourcentage : « 5 p. 100 » est remplacé par le pourcentage : « 3 p. 100 »

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas la majorité sénatoriale qui a décidé d'inscrire ce texte, en urgence, à quelques jours de l'élection ! La démocratie souffre de l'inégalité de moyens entre partis politiques.

En 2007, les deux finalistes ont dépensé plus de 20 millions chacun, alors que le plus petit candidat a dépensé 700 000 euros, la moyenne par candidat se situant à plus de 6,3 millions en 2007, contre 5,2 en 2002. Il faut mettre un frein à l'explosion des dépenses électorales, qui ont crû de 20 % en cinq ans !

D'où notre amendement, qui abaisse en outre le seuil de remboursement à 3 % des suffrages.

M. le président.  - Sous-amendement n°17 à l'amendement n° 13 de Mme Assassi et les membres du groupe CRC, présenté par M. Masson.

Amendement n° 13

I.  -  Alinéa 4

Remplacer le montant :

10 millions

par le montant :

8 millions

II.  -  Alinéa 5

Remplacer le montant :

15 millions

par le montant :

12 millions

III.  -  Alinéa 8

Remplacer le pourcentage :

3 p. 100

par le pourcentage :

2,5 p. 100

M. Jean Louis Masson.  - Je pense beaucoup de bien de l'amendement n°13.

En abaissant le seuil à 2,5 %, je vais encore plus loin. Les petits candidats, qui sont dans une situation charnière, sont bridés, contraints de limiter leurs dépenses par crainte de ne pas atteindre 5 % de voix. Si l'on veut vraiment aider les petits candidats, comme le prétend le rapporteur, il faut leur laisser les coudées franches. Ce serait une bouffée d'oxygène pour la démocratie.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Masson.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour le calcul de la somme à rembourser par l'État, les dépenses facturées par un parti ou groupement politique sont défalquées des dépenses de campagne. »

M. Jean Louis Masson.  - Pourquoi examiner cet amendement et l'amendement n°7 en discussion commune avec les précédents ? Leurs objets sont distincts !

Il s'agit ici de la facturation, plus ou moins fictive, de prestations immatérielles, par certains partis politiques, pour bénéficier de remboursements et récupérer ce qu'ils n'ont pas dépensé ! La CNCCFP a regretté ces pratiques à plusieurs reprises.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Masson.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour le calcul de la somme à rembourser par l'État, les dépenses de prestations immatérielles facturées par un parti politique ou par tout organisme faisant partie du périmètre de consolidation de ses comptes sont défalquées des dépenses de campagne. »

M. Jean Louis Masson.  - C'est la même idée. Afin d'éviter ces dérives, cet amendement vise à ne plus ouvrir droit au remboursement par l'État au titre des frais de campagne électorale de ce type de prestations par nature invérifiables.

Ces deux amendements traduisent au mot près les recommandations de la CNCCFP : je ne doute pas qu'ils seront adoptés !

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - La commission a donné un avis favorable à l'amendement n°11 de M. Gorce.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Les amendements de M. Masson portent sur le même alinéa que le mien : la discussion commune lui permet de s'exprimer avant le vote. Il séduirait sans doute davantage en étant moins agressif !

Avis défavorable : vous privez l'amendement n°11 de son effet. Pour le reste, les pratiques de facturation que vous dénoncez concernent surtout les campagnes autres que présidentielles. Lors de ces dernières, les dépenses sont généralement supérieures au montant du remboursement ; il n'est pas anormal que les partis puissent facturer certaines prestations.

L'amendement n°13 ne garantit pas l'équilibre, et maintient un effet de seuil : mon amendement me paraît plus équitable. Sur la base des résultats de 2007, une voix a rapporté 0,95 euro à Nicolas Sarkozy, 1,15 euro à Ségolène Royal, 1,18 euro à François Bayrou, 2,1 euros à M. Le Pen, 0,53 euro à M. Besancenot, 0,98 euro à M. de Villiers, 1,92 euro à M. Nihous...

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - M. Détraigne a rappelé le contexte de ce projet de loi organique. Il s'agit de rechercher des économies, pas de remettre en cause le système de remboursement des dépenses électorales. Ce serait en outre risquer une censure constitutionnelle au motif de l'insécurité juridique, à trois mois des présidentielles. (M. André Reichardt applaudit)

M. Jean-Yves Leconte.  - Il est surréaliste de réunir le Sénat en séance publique pour une économie potentielle de 3,6 millions d'euros. Je regrette que M. Masson ne daigne pas venir exposer ses amendements en commission des lois, c'est là que leur discussion aurait eu toute sa place.

M. Jean Louis Masson.  - M. Leconte ne me voit pas en commission ? Hier, je ne l'y ai pas vu ! (Rires à droite)

En commission, les non inscrits sont marginalisés ; je préfère m'exprimer en séance publique ! Si M. Leconte est pressé de rentrer chez lui, qu'il le fasse ; je suis pour ma part disponible toute la journée et je compte bien défendre mes idées. Monsieur le rapporteur, le texte influencera la capacité des candidats à faire campagne, quelles que soient leur ressources personnelles.

Le sous-amendement n°18 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le Sénat devrait sagement se conformer à la volonté du Gouvernement de nous faire adopter un dispositif circonstanciel pour s'acheter à peu de frais une bonne conduite, sachant qu'il en piétine au jour le jour les principes. Quant à M. Masson, il veut réorienter ce texte dans un sens plus conforme aux intérêts des petits candidats, notamment de celui qu'il soutient. Nos amendements sont d'une grande sagesse et d'une grande précision. Désolé pour le Gouvernement -qui a ouvert ce débat.

Mme Corinne Bouchoux.  - N'en déplaise à M. Masson, la parole est totalement libre en commission des lois ; on y échange sereinement et sans agressivité. Nous soutiendrons l'amendement n°11 de M. Gorce, qui favorise un débat serein et intéressant, de même que l'amendement n°13, qui va aussi dans le bon sens.

M. Jean Louis Masson.  - Je ne défends pas les intérêts du candidat que je parraine. D'ailleurs, je ne soutiens personne pour l'heure. (On s'amuse à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est compliqué !

M. Jean Louis Masson.  - Les petits candidats doivent pouvoir défendre leurs idées pour progresser. L'urgence décidée par le Gouvernement n'a aucun sens mais je le remercie d'avoir lancé un débat important.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les comptes de campagne sont ouverts un an avant l'élection. Changer les règles du jeu en cours de partie poserait un problème de constitutionnalité. Le but du dispositif est d'éviter les candidatures fantaisistes. Avoir 25, 30 ou 40 candidats n'est pas digne de notre démocratie. Je suis donc hostile à tous les amendements qui changent une règle fixée depuis 1962. Les modifications intervenues depuis s'expliquent par le souci d'éviter les candidatures farfelues.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - M. Marcel Barbu est resté dans l'Histoire !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pourquoi la procédure accélérée ? Le sujet ne méritait vraiment pas une deuxième lecture. Il s'agit seulement de se mettre en cohérence avec les votes déjà intervenus en loi de finances.

Nous défendrons un amendement visant à revenir au droit actuel, qui est largement suffisant. On ne va pas faire de lois mémorielles en matière électorale !

L'amendement n°11 est adopté.

Les amendements nos13, 6 et 7 n'ont plus d'objet, non plus que le sous-amendement n°17.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Gorce.

Après l'alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le cinquième alinéa du II de l'article 3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sa décision est notifiée à tous les candidats. » ;

...° À la première phrase du troisième alinéa du III de l'article 3, les mots : « par le candidat concerné » sont remplacés par les mots : « par l'un des candidats » ;

M. Gaëtan Gorce.  - Seule la Commission des comptes peut contester les sommes présentées par un candidat. Je propose que tout candidat puisse en saisir le Conseil constitutionnel sur les comptes d'un autre candidat.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - Avis favorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par MM. Collombat et Mézard.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le III de l'article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de rejet du compte du candidat élu, le Conseil constitutionnel en informe le Parlement, afin d'apprécier si les motifs du rejet renvoient à des actes constituant un manquement manifestement incompatible avec l'exercice du mandat de Président de la République. »

M. Pierre-Yves Collombat.  - Avec cet amendement, on sort enfin de l'épicerie fine. Le candidat est déclaré élu avant l'examen de son compte de campagne. Que fait-on si ses comptes étaient irréguliers ? Laisse-t-on en fonction ce président de la République ? Demande-t-on sa destitution ? Soit on ne fait rien, soit on s'en remet à la CNCCFP. Je ne vois qu'une solution : se référer à l'article 68 de la Constitution. À l'heure actuelle, on examine le sixième chiffre après la virgule, et on laisse passer les grosses fraudes.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Ce sujet est au coeur de notre débat : nous n'avons guère les moyens de faire respecter le droit des comptes de campagne. D'éventuelles infractions pourraient n'être révélées que par la suite... Cette réalité est choquante. La corriger est dans l'intérêt de la République. Un candidat non élu ayant commis une infraction peut être poursuivi, pas le président de la République !

Je comprends donc la volonté de M. Collombat de faire cesser une situation choquante. Mais comment faire ? La seule procédure possible semble bien être celle de l'article 68. L'amendement présente toutefois une difficulté : si finit par être adoptée la loi organique nécessaire pour appliquer l'article 68 de la Constitution, il sera satisfait. Nous aimerions d'ailleurs en savoir plus sur les intentions du Gouvernement. Faute de quoi, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - S'il s'agit seulement d'informer le Parlement, l'amendement n'apporte rien. S'il s'agit de modifier l'article 68 de la Constitution, cela ne peut se faire au détour d'un amendement à ce projet de loi dont l'objet est seulement de limiter les dépenses électorales et leur remboursement. On ne peut remettre ainsi en cause l'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce n'est pas moi qui ai demandé l'examen, a fortiori en urgence, de ce texte dont la portée financière est dérisoire. On nous bassine avec l'équilibre des comptes publics, dont tout le monde sait qu'il ne sera pas rétabli sans une relance de l'économie. On ne peut continuer à faire que les petits maladroits soient ruinés tandis que les gros malins ayant de solides amitiés font ce qu'ils veulent.

L'article 68 de la Constitution existe. En quoi cela vous gêne-t-il de l'appliquer ? Parmi les « manquements » graves qu'il évoque, il y a ceux concernant les comptes de campagne.

M. Philippe Bas.  - Nul ne prétend que le gel du plafond aura un impact décisif sur le déficit public, mais l'étalage de dépenses de campagne excessives a quelque chose de choquant en cette période. La seule question posée aujourd'hui est de savoir si nous souhaitons des dépenses électorales un peu plus sobres.

M. Jean Louis Masson.  - Je suis pour la sobriété, mais retirer 5 % aux remboursements ne suffit pas : il faudrait diminuer le plafond d'au moins un tiers, tout comme le remboursement.

M. Collombat a raison de proposer l'information du Parlement. Cette règle devrait s'appliquer à toutes les élections.

Mme Corinne Bouchoux.  - Regardons vers l'avant, pas dans le rétroviseur ! Nous soutiendrons l'amendement de M. Collombat. Consacrer autant d'énergie et de temps pour économiser 3,6 millions n'est guère efficient ! (M. Jean-Jacques Hyest approuve) Et l'on va encore nous faire perdre du temps le 23 janvier, pour dire comment doit être écrite l'Histoire. Ce ne devrait pas être du domaine de la loi. Faisons ce pour quoi le Parlement est réuni, améliorer la société.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les comptes sont publiés. Si l'on juge qu'il y a un manquement grave, on peut en parler. L'amendement de M. Collombat ne servirait à rien, d'autant que la loi organique sur l'article 68 va bien finir par être votée. Il serait temps.

Avec l'expérience, chère collègue, on s'habitue, sur ces bancs, à consacrer beaucoup de temps à entendre des discours répétitifs... (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel.  - La réforme de 2007 a été votée pour M. Chirac, dont M. Bas était alors secrétaire général adjoint. Désormais, le président de la République est totalement irresponsable sauf en cas de manquements graves. Au plus tôt, le projet de loi organique, sur l'article 68, sera examiné par l'Assemblée nationale le 24 janvier ; elle ne sera donc pas promulguée avant la fin du quinquennat.

M. Collombat demande en quoi consistent les manquements graves du président de la République et il répond : entre autres d'avoir présenté des comptes de campagne incorrects. Le groupe socialiste votera son amendement.

L'amendement n°8 est adopté.

La séance est suspendue à 13 h 5.

*

*          *

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Une affaire dans la police ?

M. François Rebsamen .  - D'après Le Monde d'hier, un scandale sans précédent pourrait ébranler la préfecture de police de Paris et les plus hautes autorités du pays : à l'approche des élections présidentielles de 2007 l'IGS aurait utilisé sciemment des documents truqués pour mettre en cause quatre fonctionnaires de police, réputés proches de la gauche, innocentés en 2011 par la Cour d'appel de Paris, après avoir été humiliés, déshonorés, et destitués, dans une affaire qui aurait été montée de toutes pièces par le corps respecté de la police des polices.

Il ne s'agit pas d'amalgame et de manipulation, monsieur le ministre, comme vous l'avez prétendu devant les députés hier, mais de faire la lumière sur ce qui apparaîtrait comme une affaire d'État qui met en cause l'honneur de la police républicaine.

Monsieur le ministre, vous étiez à l'époque directeur de cabinet du ministre de l'intérieur : nous attendons vos réponses, qui aideraient le travail de la justice, derrière laquelle vous vous abritez. Qui a diligenté cette enquête ? Sur l'ordre de qui l'IGS aurait-elle ainsi agi ? (Applaudissements à gauche)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration .  - Je persiste et je signe : l'approximation et l'amalgame servent de raisonnement, une fois de plus. Alors que le candidat socialiste aux élections présidentielles appelle à faire taire les polémiques, ses lieutenants ne cessent de les relancer en proférant des affirmations sans le moindre commencement de preuve. (Protestations à gauche où l'on renvoie à la presse) Après avoir cherché à mettre en cause le ministre du budget de l'époque sur une affaire de commissions à l'occasion de la vente de sous-marins au Pakistan (vives exclamations à gauche -qui couvrent la voix de l'orateur)... aujourd'hui, vous mettez en cause le préfet de police, au motif qu'il est proche du président de la République.

Vous oubliez qu'il n'était pas en fonction à l'époque des faits. Vous me mettez en cause directement, alors que je n'ai rien à voir avec cette affaire ! Je demanderai au garde des sceaux de poursuivre M. Le Roux en diffamation. (Exclamations à gauche)

Vous n'hésitez pas à recourir à des arguments invraisemblables : pourquoi voulez-vous qu'il y ait enquête sur le changement d'affectation d'un fonctionnaire dont le poste est à la discrétion du Gouvernement ? En matière judiciaire, l'IGS agit sous l'autorité d'un magistrat ; il n'y aurait pas eu de non-lieu sans mise en examen. (Exclamations à gauche). Vous vous attaquez aux personnes, aux institutions, vous cherchez à déstabiliser les ministres !

M. Didier Boulaud.  - C'est laborieux !

M. Claude Guéant, ministre.  - Monsieur Rebsamen, nous ne sommes pas ici au congrès de Valence ! (Applaudissements à droite, huées à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Dire qu'il a été préfet de la République ! ça rassure !

TVA sociale (I)

Mme Annie David .  - Noël est passé, mais certains continuent à recevoir des cadeaux, comme les actionnaires du CAC 40, dont les dividendes explosent tout comme la rémunération de certains PDG.

M. Jean-Pierre Michel.  - Scandaleux !

Mme Annie David.  - Alors que de plus en plus de Français souffrent, vous persistez dans votre politique antisociale avec la TVA « sociale » : prétendre que la protection sociale -en application du programme du Conseil national de la résistance- grèverait la compétitivité des entreprises n'est qu'une imposture économique conduisant à tout voir à travers le prisme du coût du travail. La vérité, c'est que la rémunération indécente du capital pèse sur l'emploi et les salaires.

L'augmentation de la TVA est injuste et contre-productive ; elle pèsera sur les plus fragiles, condamnés à une double peine. En pénalisant la consommation, vous plombez la croissance !

Allez-vous renoncer à cette mesure et revenir à un autre partage des richesses ? (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - La première des injustices, c'est le chômage.

M. Alain Néri.  - Il ne cesse d'augmenter !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Alors que nous traversons une crise mondiale, nous voulons éviter les délocalisations en menant une politique de soutien de la compétitivité.

Nous avons triplé le Crédit impôt recherche pour encourager la recherche et le développement, supprimé la taxe professionnelle pour aider les entreprises, réformé l'université et favorisé l'apprentissage.

Doit s'y ajouter une baisse du coût du travail. Il y a dix ans, les exportations françaises représentaient 60 % des allemandes, contre seulement 40 % aujourd'hui. (Exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Bon anniversaire ! Ça fait dix ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Et là où il y a 50 euros de charge salariale en France, il y en a 39 en Allemagne où l'on travaille six semaines de plus !

Mme Isabelle Debré.  - Merci les 35 heures !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Si nos produits sont moins chers, nous exporterons plus, nous investirons plus et nous augmenterons les salaires ! (Applaudissements à droite)

Avenir de la pêche

M. Christian Bourquin .  - L'aide aux pêcheurs pour compenser la hausse du prix du gazole a été déclarée illégale par Bruxelles, qui exige que les pêcheurs remboursent. Le Gouvernement avait assuré que l'aide était euro-compatible...

L'enjeu est critique pour les pêcheurs de Méditerranée, atteints par la raréfaction des poissons bleus. À Sète, les quantités débarquées d'anchois et sardines ont baissé de moitié en deux ans.

Que proposez-vous pour favoriser une pêche durable et raisonnée en Méditerranée ? Quelles sont les causes de la raréfaction des poissons bleus ? Quels moyens avez-vous prévu pour le prochain plan de sortie de flotte, et au-delà, suite au rapport Fasquelle, pour aider la flottille à se moderniser ? (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement .  - Veuillez excuser M. Le Maire. Pendant longtemps, il y a eu une course en avant, qui n'a pas permis de trouver une solution durable. Nous essayons d'inscrire notre politique dans la durée, pour donner des perspectives aux pêcheurs. C'est le cas depuis 2011, avec les nouvelles orientations concernant la Méditerranée. La raréfaction de l'anchois et de la sardine risque d'entraîner un report sur le merlu, lui aussi fragile.

L'arrêt temporaire volontaire et rémunéré de certains chalutiers permet de reconstituer les stocks et d'éviter le report sur le merlu. À ce jour, 57 entreprises ont participé à cet arrêt volontaire ; elles ont perçu 35 millions. S'ajoute un plan volontaire de sortie de flotte : douze chalutiers ont été retirés avec des indemnisations atteignant 5,5 millions. Enfin, le rapport remis à M. Le Maire fait l'objet d'une concertation approfondie. Deux réunions vont se tenir, à Paris mardi prochain et à Sète le 26 janvier. Des propositions seront formulées, en association avec la profession. (Applaudissements à droite)

Répression en Syrie

M. Jean-François Humbert .  - Je veux rendre hommage à Gilles Jacquier, journaliste à France 2, décédé hier à Homs, victime de son devoir, celui d'informer.

Depuis un an, le peuple syrien avance vers la démocratie. Il en paie le prix de son sang ; la communauté internationale assiste impuissante à la répression féroce exercée par le régime. Le président de la République a réitéré son appel au retrait de Bachar el Assad. On ne peut que se réjouir de l'intervention de la Ligue arabe, encore faut-il que ses observateurs disposent d'une information véritable. Les grondements à Damas peuvent être lourds de conséquences dans la région. Quels sont nos leviers diplomatiques pour assurer aux Syriens le droit fondamental à disposer d'eux-mêmes ? (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs socialistes)

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération . Au nom du Gouvernement je rends à mon tour hommage à Gilles Jacquier, mort dans l'exercice de son difficile métier. À la suite de cette disparition tragique, le Gouvernement a exigé une enquête sincère. Notre ambassadeur s'est rendu sur place hier ; le corps de M. Jacquier sera rapatrié au plus vite. Quand un journaliste est tué, c'est un peu la liberté qu'on assassine !

En Syrie, une répression terrible a fait plus de 5 000 morts, sans compter les arrestations, tortures et disparitions. La population paie le prix fort. Le président de la République a demandé au président Bachar el Assad de partir.

Des sanctions européennes sont appliquées : la France maintient sa pression pour que le Conseil de sécurité assume ses responsabilités. Nous attendons le rapport de la Ligue arabe pour la semaine prochaine. Nous espérons ardemment que grâce à la pression internationale, le peuple syrien aura le plus tôt possible droit à la liberté. (Applaudissements à droite)

Raffinerie de Petit-Couronne

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Le groupe UCR s'associe à l'hommage rendu au journaliste Gilles Jacquier.

Les 550 salariés de la raffinerie Petroplus à Petit-Couronne, aujourd'hui menacée de fermeture, sont inquiets. La société peine en effet à obtenir des lignes de crédit.

Le groupe suisse a fait savoir qu'il avait trouvé un accord avec ses prêteurs qui ne permettra toutefois de sauver que deux raffineries sur cinq. Qu'envisage le Gouvernement face à cette situation d'urgence ? Allez-vous saisir le médiateur du crédit ?

Les difficultés de Petroplus sont l'illustration d'un problème plus large : les raffineries françaises pâtissent de la concurrence internationale. Le maintien d'une industrie de raffinage nationale est pourtant indispensable. (Applaudissements sur les bancs UCR)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Au nom du Gouvernement, je tiens à rendre hommage à Gilles Jacquier, prix Albert-Londres, qui fait honneur à notre pays.

Le Gouvernement n'a été informé que le 22 décembre de la situation de la société Petroplus, après le gel de lignes de crédit par les banques. Le médiateur du crédit a été saisi par Eric Besson ; les banques françaises ont répondu très favorablement.

Le Gouvernement étudie toutes les pistes pour garantir l'avenir du site. Le Premier ministre a dit au PDG de Petroplus qu'il n'était pas acceptable que tout ne fût pas tenté pour protéger ses salariés et ceux des sous-traitants.

M. Alain Néri.  - Comme à Gandrange ! Comme à Molex !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Petroplus a trouvé un accord provisoire avec ses prêteurs, mais il n'est pas admissible qu'il ait passé sous silence l'avenir du site de Petit-Couronne ; M. Besson reçoit cet après-midi son PDG et demain les industriels du raffinage. Le Gouvernement veillera à ce que Petroplus assume ses responsabilités. (Applaudissements à droite)

TVA sociale (II)

M. François Marc .  - En 2007, le Premier ministre s'estimait à la tête d'un État en faillite, avant d'opter pour une politique catégorielle de cadeaux aux plus aisés, sans effet sur la croissance mais qui a accru l'endettement du pays de 500 milliards d'euros supplémentaires. Que de dégâts en cinq ans !

Prisonnier de son idéologie, le Gouvernement s'est obstiné. En mai dernier, la ministre des finances assurait que tous les clignotants étaient au vert et que les moteurs de la croissance étaient à leur meilleur niveau depuis trente ans... La réalité est bien différente. Le chômage est en très forte hausse, 900 usines ont fermé depuis le début du quinquennat. Tandis que les grands groupes étaient choyés, les PME industrielles ont été délaissées par une politique qui a mis la France en panne.

Au lieu de puiser dans les niches fiscales, injustifiées et improductives pour 50 milliards d'euros, le Gouvernement, aveuglé par son idéologie, s'obstine à vouloir augmenter la TVA. On imagine les conséquences pour la croissance comme pour les plus modestes, les chômeurs et les retraités. En 2007, le président de la République s'était pourtant engagé solennellement à n'accepter aucune hausse de la TVA en raison de ses effets sur le pouvoir d'achat des Français. Allez-vous renier cette promesse ? Les plus modestes payeront-ils les cadeaux faits aux plus aisés ? (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Il y aura le 18 janvier un sommet social sur la crise avec les partenaires sociaux, une rencontre très importante pour le pays. Ne comptez pas sur le Gouvernement pour anticiper ses conclusions. (Exclamations ironiques à gauche)

La première injustice, la première menace pour le pouvoir d'achat, c'est le chômage ! (Exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Que vous avez fait exploser !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Si des mesures de soutien à l'emploi peuvent être envisagées, M. Valls, porte-parole de M. Hollande a lui-même rappelé que l'essentiel était la compétitivité de l'économie française. (Exclamations à gauche) D'où l'idée de TVA sociale...

Il faut baisser le coût du travail en France. Est-il juste que l'essentiel du financement de la solidarité pèse sur les salaires, donc sur l'emploi ? (Exclamations sur les bancs socialistes, où l'on invite Mme la ministre à répondre à la question) Est-il juste que les importations des pays à bas coût ne participent pas à financer la protection sociale ? (Applaudissements à droite)

Ce qui est juste, c'est baisser le coût du travail, c'est rétablir le dynamisme de nos exportations, c'est prévenir les délocalisations. (Applaudissements à droite)

Sûreté nucléaire

M. Philippe Bas .  - En matière de sûreté nucléaire, nos exigences sont parmi les plus élevées au monde. En 2006, le président Chirac a voulu la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Après le tsunami qui a frappé la centrale de Fukushima, le Premier ministre a demandé à l'ASN de procéder à un audit général de nos centrales électronucléaires ; le rapport a été rendu public.

L'ASN est là pour dire la vérité en l'état actuel des connaissances. Son rapport conforte notre sentiment de confiance dans la sécurité de nos installations, mais comporte aussi des préconisations. Élu du département qui accueille l'EPR de Flamanville, je souhaite que celles-ci soient intégralement suivies. Est-ce bien l'intention du Gouvernement ? Combien coûterait leur mise en oeuvre et quelles conséquences auront-elles sur le prix de notre électricité nucléaire ? (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement .  - À tous les stades, les audits post-Fukushima ont pour maître mot la transparence. Le rapport de l'ASN conclut au maintien en activité de toutes les installations, mais aussi à la nécessité d'investir pour faire face à de nouveaux risques, dont celui de dévastation totale d'un site. Toutes les préconisations de l'ASN seront intégralement mises en oeuvre. Ainsi, le recours à la sous-traitance pour la surveillance des travaux critiques de sûreté sera interdit d'ici un mois.

Certains chantiers préconisés par l'ASN exigeront plusieurs années, comme l'adjonction d'un diesel d'ultime secours à chacun des réacteurs ; d'autres auront été concrétisés dans un ou deux ans.

Je ne peux vous préciser aujourd'hui le coût exact des travaux, mais il n'y aura pas de marchandage : la sûreté nucléaire prime tout ! Le chiffre de 10 milliards d'euros a été avancé, soit 2 euros par MWh ou 2 % de la facture d'électricité. (Applaudissements à droite)

Nomination de magistrats et indépendance du parquet

M. Alain Anziani .  - En novembre 2010, la CEDH a jugé que les magistrats du parquet français ne pouvaient être considérés comme des magistrats indépendants. Il y a moins d'un an M. Jean-Louis Nadal, avocat général près la Cour de cassation, souhaitait que fût coupé tout lien entre le parquet et l'échelon politique en matière de nominations. Il y a quelques semaines, les trois quarts des procureurs ont demandé que le parquet fût rendu indépendant.

Le monde judiciaire ne supporte plus l'image de partialité qu'il traîne comme un boulet. À Nanterre, un procureur nommé contre l'avis du CSM a refusé qu'un juge d'instruction fût désigné dans l'affaire Bettencourt. L'opinion ne comprend plus la confusion des genres. Le ministre de l'intérieur sollicite le garde des sceaux pour engager des poursuites contre un député... Les choses ne se sont d'ailleurs pas améliorées avec le mercato de Noël des procureurs, à cinq mois des élections présidentielles ; votre directeur de cabinet a été installé procureur de Paris, où il suivra les affaires sensibles, dont l'affaire de Karachi...

Monsieur le procureur (rires), monsieur le garde des sceaux, ma question est simple : pourquoi tant d'obstination ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - « Tout ce qui est excessif est insignifiant » disait Talleyrand... (Exclamations à gauche) Les membres du parquet sont des magistrats de plein exercice, c'est l'article 66 de la Constitution. Ils exercent leurs fonctions en toute indépendance. (Exclamations et rires à gauche) Je vous vois rire, mais vous mets au défi de prouver le contraire ! (Mêmes mouvements)

Le CSM assiste désormais le président de la République pour veiller à l'indépendance de la justice. Grâce à notre majorité, le CSM est présidé par le Premier président de la Cour de cassation. Sa composition a été modifiée.

M. Alain Néri.  - Et vous dites ça sans rire ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - C'est ce Gouvernement, c'est cette majorité qui a réformé le CSM.

M. Alain Néri.  - Vous ne suivez pas ses avis !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - C'est nous qui avons institué la consultation du CSM sur les nominations des procureurs généraux et des avocats généraux près la Cour de cassation. J'ai toujours suivi ses avis. (On le conteste à gauche) Toujours ! Donnez-moi un seul exemple du contraire !

La justice peut être un sujet de campagne ; mais l'instrumentaliser, c'est nier son indépendance ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Marché du travail

M. Serge Dassault .  - (Mouvements divers à gauche) Une entreprise craignant de ne pouvoir facilement licencier plus tard n'embauche pas : cette rigidité est une source de chômage et de démotivation pour les chefs d'entreprise. Je vous propose d'introduire de la flexibilité et de faciliter les contrats de mission : nombre d'artisans et de PME embaucheront sans attendre. Ils sont utilisés dans nombre de pays, dont les Pays-Bas et la Norvège, où le taux de chômage est au moins inférieur de moitié à ce qu'il est chez nous. Mieux vaut un emploi de mission...

M. Didier Boulaud.  - Précaire !

M. Serge Dassault.  - ...que pas d'emploi du tout. (Exclamations à gauche où l'on moque le Rafale) Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - Le contrat de mission, c'est le CDD à objet défini mis en place par l'accord interprofessionnel de 2008 ; expérimenté jusqu'en 2013, il apporte des solutions dans nombre de situations. Le marché du travail a besoin de flexibilité et de sécurité, simultanément des deux. Selon une étude récente, la France est, juste après la Finlande, le pays où l'on compte le moins d'heures travaillées. (Vives protestations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Un article du Figaro de M. Dassault !

M. Xavier Bertrand, ministre. - La productivité ne suffit pas : il faut aussi de la compétitivité. Ainsi, les accords compétitivité-emploi signés entre les employeurs et les représentants du personnel permettent aux entreprises de s'adapter. Il n'y a que ceux qui croient encore en la lutte des classes pour refuser de voir la réalité... (Exclamations à gauche)

Les idées de la gauche pour lutter contre le chômage ? Hier, M. Hollande a repris les suggestions formulées le 31 décembre par le président de la République ! Certains sont en campagne, nous, nous agissons ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Universités

Mme Dominique Gillot .  - Le Gouvernement se vante d'avoir réformé l'université et sanctuarisé le budget de l'enseignement supérieur ; mais les crédits ne suivent même pas l'inflation, malgré les promesses du candidat Sarkozy. Reniement, mensonges, échec...

Les présidents d'établissement sont pris en otage ; la communauté étudiante est en voie de paupérisation accélérée ; l'obtention d'un dixième mois de bourse ne parvient pas à masquer la dégradation de tous les autres dispositifs d'aide et d'accompagnement. Deux étudiants sur cinq renoncent à se soigner faute de moyens. Le projet de TVA sociale ne va pas arranger les choses... Faute de moyens, le Crous ne peut loger les étudiants. Seul 1 % des crédits de l'opération Campus a été dépensé.

Enfin, la scandaleuse et stigmatisante circulaire Guéant sur les étudiants étrangers est en rupture avec nos traditions, au détriment de notre efficacité économique et diplomatique. Elle fait rétrécir le prestige de la France dans l'imaginaire international. Quand allez-vous abroger cette circulaire qui entache l'honneur de la France ? (Applaudissements à gauche)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration .  - En sollicitant le garde des sceaux, monsieur Anziani, je n'ai fait qu'appliquer strictement la loi...

Le Gouvernement a fait depuis 2007 un effort sans précédent en faveur des universités, qui attendaient l'autonomie. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche) Elles en demandent même davantage ! Tous les présidents d'université ont dit leur satisfaction.

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est faux !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le plan Campus a connu quelques retards, mais il va rénover nos universités ; l'interdisciplinarité, la vie culturelle ne seront plus de vains mots. (Exclamations à gauche) Je rappelle que les universités et la recherche bénéficient des deux tiers des investissements d'avenir.

J'en viens à la circulaire du 31 mai, que peu de personnes ont lue et qui, ne vous en déplaise, ne porte pas sur les étudiants étrangers. Elle rappelle leurs droits : la situation de l'emploi ne leur est pas opposable et la loi de 2006 leur permet de changer de statut, de devenir salarié pour une première expérience professionnelle puis de bénéficier d'un autre titre de séjour pour la poursuivre. Bien que la circulaire n'apporte aucune restriction à leurs droits, présidents d'université et directeurs d'école m'ont alerté sur le refus, peut-être trop rigoureux, d'un certain nombre de demandes. Une nouvelle circulaire sera publiée dans les jours qui viennent (exclamations à gauche) qui rappellera les droits spécifiques des étudiants étrangers. La nécessaire maîtrise de l'immigration professionnelle ne doit pas porter préjudice à nos entreprises ni à l'attractivité de notre enseignement supérieur -qui a accueilli l'an dernier 60 000 étudiants étrangers, 50 % de plus qu'il y a trois ans. Ainsi, les préfectures prendront-elles des décisions conformes à la volonté du Gouvernement. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 heures.

*

*          *

La séance reprend à 16 h 15.

Nominations à d'éventuelles CMP

M. le président.  - La commission des lois a désigné les candidats qu'elle présenterait si le Gouvernement demandait la réunion de commissions mixtes paritaires pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, ainsi que du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.

Les listes des candidats ont été affichées ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement. En conséquence, ces listes sont ratifiées. Je proclame représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire portant sur la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives : titulaires, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Jacques Mézard, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Procaccia, MM. Antoine Lefèvre, Yves Détraigne ; suppléants, M. Martial Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Michel Delebarre, Claude Domeizel, Hervé Maurey, André Reichardt, Bernard Saugey.

Et pour le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle : titulaires, MM. Jean-Pierre Sueur, Gaëtan Gorce, Michel Delebarre, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Yves Détraigne ; suppléants, MM. Alain Anziani, Pierre-Yves Collombat, Félix Desplan, Patrice Gélard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto.

Ces nominations prendront effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

Organismes extraparlementaires (Appel à candidatures)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir désigner les sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires étrangères à présenter une candidature pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ; la commission des lois à présenter trois candidatures pour siéger respectivement au sein du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice et au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire ; et la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour siéger au sein de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Dépenses de campagne pour l'élection présidentielle (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion, nous en sommes parvenus à l'amendement n°9.

Amendement n°9, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Colette Mélot.  - Ces dispositions introduites par la commission des lois existent déjà dans le code électoral. Elles sont donc superfétatoires. Il serait bon de raison garder si nous voulons vraiment rendre nos normes plus intelligibles ! Cette réforme poursuit un but d'économie : il n'est pas question de mettre en cause les modalités de l'élection présidentielle à quelques mois du scrutin.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Je salue la présence d'un nouveau ministre. Nous admirons la polyvalence du ministère de l'intérieur !

Défavorable à l'amendement : la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet que soient rappelés dans une loi des principes dont on constate qu'ils ne sont pas respectés dans la pratique.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - Ayant eu la chance de remplacer M. Guéant sur le banc du Gouvernement lors de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, j'ai pu me familiariser avec cette matière. Je remercie le rapporteur d'avoir rappelé la forte cohérence qui unit le ministère de l'intérieur.

Le Gouvernement soutient l'amendement : le Sénat a toujours traqué les précisions inutiles et redondantes.

M. Jean Louis Masson.  - Cet amendement me paraît pertinent. Toutefois, je ne le voterai pas, car je ne souhaite pas que le texte soit voté conforme. Le vrai problème, c'est l'instrumentalisation des parrainages contre les petits candidats.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. Jean Louis Masson.  - Je voterai contre l'article unique. Je suis partisan d'une baisse des plafonds de dépenses électorales et des remboursements. En période de crise, les sommes en jeu sont indécentes. Mais le montant de l'économie attendue est risible : il fallait réduire le plafond d'un tiers, pas de 5 % !

L'article unique, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Masson.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel inclut également dans la liste des candidats toute personne présentée par un parti ou groupement politique qui a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la dernière élection législative. Ce pourcentage est calculé sur la base des déclarations de rattachement des candidats à l'élection des députés prévues au cinquième alinéa de l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. »

M. Jean Louis Masson.  - Ce matin, M. Hyest, entre autres, a défendu les parrainages, qui éviteraient les candidatures fantaisistes. En fait, ce n'est pas de cela qu'il s'agit mais de faire pression pour empêcher les candidatures sérieuses qui gênent les grands partis en place -et doivent cependant pouvoir être présentées.

En 2002, malgré le filtre des parrainages, il y a eu seize candidats, dont neuf ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés. M. Gluckstein, qui ne représente rien puisqu'il n'a obtenu que 0,47 % des voix, avait pourtant obtenu très rapidement les parrainages requis, à la différence de M. Le Pen, arrivé deuxième au premier tour avec 16,86 % des suffrages soit 36 fois plus. Malgré cette représentativité incontestable, ce dernier avait rencontré d'énormes difficultés pour rassembler les parrainages requis.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable. Cet amendement n'entre pas dans le cadre du débat. Il est en outre difficile de garder une candidature sur les élections passées. Un parti peut disparaître ou changer de nom... Il ne faut pas non plus encourager les micro-partis.

M. Philippe Richert, ministre.  - Défavorable. Il ne faut pas encourager la multiplication des candidats. Je suis très attaché aux parrainages et à leur publicité. (M. Jean-Louis Masson demande la parole)

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - Il n'est pas normal que l'auteur de l'amendement explique en outre son vote !

M. le président.  - Le Règlement le permet.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.  - C'est qu'il est mauvais.

M. le président.  - Il vous appartient de le changer.

M. Jean Louis Masson.  - Si les sénateurs non inscrits ne peuvent plus s'exprimer, dites-le : nous partirons et tout sera clair.

Ce matin, le rapporteur et ses amis ont défendu des amendements qui n'avaient rien à voir avec le remboursement des frais de campagne. Et, cet après-midi, il m'accuse de faire la même chose ! Les micro-partis ? Je n'en connais pas qui obtiennent 5 % des suffrages.

Mon amendement porte sur l'article 3 de la loi de 1962, celui qui modifie le projet de loi. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de le déposer ? Dites simplement que vous voulez conserver le système des parrainages publics pour continuer à faire pression sur les maires !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Masson.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est supprimé.

M. Jean Louis Masson.  - Cet amendement supprime la publicité des parrainages. Dans mon département, j'ai invité les maires à soutenir un petit candidat, M. Dupont-Aignan. Or seuls 500 noms sont publiés : le mien pourrait très bien ne pas l'être. De quoi aurais-je l'air ? On publie tous les noms ou aucun. La publication de la liste des parrains porte atteinte au secret d'une partie du processus électoral, donc à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si la publicité des parrainages sert à écarter certaines candidatures.

Dans ses observations sur les élections de 2002, le Conseil constitutionnel a relevé l'existence de pressions exercées sur des élus « par divers groupements politiques ou associatifs pour les en dissuader ». Il en a conclu qu'il serait plus cohérent de publier intégralement la liste des parrains de chaque candidat.

L'amendement n°12 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Masson.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel ne rend pas publics les noms des citoyens qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste. »

M. Jean Louis Masson.  - C'est le socle de ma démarche. Comme je viens de le rappeler, la publication de la liste des parrainages porte atteinte au secret d'une partie du processus électoral, donc à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si la publication des parrainages permet d'écarter certaines candidatures.

De multiples pressions ont été exercées en 2002 et 2007 : chasseurs à l'encontre des parrains d'un candidat écologiste, chantage aux subventions, exactions diverses contre les parrains d'un candidat d'extrême droite ou d'extrême gauche. Pis, le système actuel des parrainages n'empêche pas les candidatures marginales, tout en risquant d'exclure d'importants courants de pensée.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable, pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Il ne nous semble pas opportun de modifier le système des parrainages. Les élus doivent assumer publiquement leur responsabilité. Je doute que le général de Gaulle aurait eu du mal à obtenir les parrainages, lui qui se situait hors des partis.

M. Philippe Richert, ministre.  - Défavorable aux amendements nos1 et 3, pour les raisons exposées à propos de l'amendement n°2.

M. Jean Louis Masson.  - Je ne serai pas venu pour rien ! Le général de Gaulle avait de nombreux partisans ; votre argument ne tient pas.

On est dans la Russie de Brejnev ou plutôt dans l'Égypte de Moubarak, où on laissait quelques candidats marginaux se présenter et pas ceux qui auraient eu une chance. M. Cantona ne dérange personne, on ne reprochera pas à un maire de lui accorder son parrainage. Mais signer pour un candidat qui ferait de l'ombre expose à des pressions, des injures et des déprédations. Sortons de cette hypocrisie : le Conseil constitutionnel lui-même reconnaît que les pressions existent. Mon amendement n°3 correspond à ce qu'il demande depuis longtemps.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne reprocherai pas à M. Masson de vouloir aérer un peu la démocratie. Même si notre ministre de l'intérieur est musclé, il n'est pas pour autant comparable au président Moubarak. Il est clair que la multiplication des candidatures n'est pas saine pour la démocratie. Je ne vous suis que sur la publication intégrale des parrainages : on ne voit pas comment un parrain pourrait vouloir rester secret.

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Masson.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d'octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d'autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura tenté d'empêcher un élu de présenter un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d'emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans ».

M. Jean Louis Masson.  - Dans le système Moubarak, c'était le ministère de l'intérieur qui exerçait directement pressions et exactions. En France, on laisse faire des personnes physiques ou morales privées. C'est la seule différence !

Le code électoral sanctionne spécifiquement les auteurs de pressions sur les électeurs. Pourquoi les parrains ne sont-ils pas protégés par un article analogue ? Le Conseil constitutionnel a lui-même reconnu l'existence de pressions exercées sur des élus habilités à présenter un candidat. Ces pratiques sont une atteinte intolérable à la liberté des élus. La sincérité du suffrage universel est en jeu.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Je comprends la croisade menée par M. Masson, en bon disciple de Cervantès. Il faudrait que les faits évoqués soient étayés par des exemples concrets de plaintes déposées. Le droit pénal sanctionne déjà de tels faits ; à quoi bon le modifier ? La rédaction de l'amendement manque d'ailleurs de précision juridique et induirait des confusions. Les « voies de fait » sont juridiquement mal définies, a fortiori les « faveurs ».

La justice doit être mobilisée par les plaintes de cette nature qui peuvent être déposées. Tenons-nous en là.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement juge les pratiques que dénonce M. Masson inadmissibles dans une république irréprochable. S'il y a des dérives, elles peuvent et doivent être sanctionnées, comme le permet le droit commun. Encore faut-il déposer plainte ! Les élus doivent pouvoir s'exprimer librement. On ne peut nier que certaines candidatures n'ont pas vocation à aller jusqu'à leur terme, mais à faire parler de soi.

Enfin, vous vous éloignez du sujet, qui est le remboursement des dépenses électorales.

M. Jean Louis Masson.  - Sortons de l'hypocrisie : la publication du nom des parrains ne vise pas les maires qui signeraient pour Eric Cantona ou pour Franck Ribéry ! Je répète que l'on met en avant les candidats farfelus pour s'opposer à des candidats véritablement représentatifs mais extérieurs aux deux grands partis.

Des cas précis ? J'en ai cité deux ce matin, pour lesquels le procureur de la République n'a rien fait. Pas plus pour un maire de mon canton, victime de représailles pour avoir parrainé M. Le Pen, que pour un maire des Hautes-Pyrénées dont la mairie avait été dégradée par des chasseurs parce qu'il avait parrainé le candidat écologiste.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Masson.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d'octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d'autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura exercé des représailles a posteriori, à l'encontre d'un élu au motif qu'il aurait présenté un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d'emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans. »

M. Jean Louis Masson.  - C'est le complément de l'amendement n°4, concernant cette fois la pratique des représailles.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Défavorable.

M. Jean Louis Masson.  - Vous jugez peut-être que je vous fais perdre du temps quand je défends mes idées. Je vois bien qu'elles sont ultraminoritaires au Sénat ; il n'en va pas de même parmi les maires ni parmi nos concitoyens.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Jean Louis Masson.  - Je voterai contre ce texte, sans être surpris par le résultat de nos travaux, car les deux grands partis veulent préserver le statu quo, contraire à l'idée même du suffrage universel portée depuis la Révolution française.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je voulais initialement voter contre un texte dérisoire, qui permet une micro-économie d'autant plus absurde que les économies des uns sont les recettes des autres et qu'à vouloir économiser à tout prix on crée du chômage. Mais les amendements adoptés depuis ce matin ont une véritable portée et améliorent grandement les choses. C'est pourquoi je voterai finalement ce texte, avec la majeure partie du RDSE.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le groupe UCR était favorable à la rédaction initiale de ce projet de loi organique, qui prolonge la dernière loi de finances. Bien que modeste dans ses ambitions, il est conforme aux annonces faites par le président de la République le 8 novembre 2011. Il s'agit de demander un effort de retenue aux candidats, pas de réinventer l'élection présidentielle. Nous ne pouvons nous satisfaire de la rédaction issue de nos travaux : nous ne prendrons pas part au vote.

Mme Éliane Assassi.  - Nous avons dit que le projet initial était hypocrite, mais la discussion et les amendements adoptés ont donné un ton intéressant à ce texte. Nos critiques de fond contre l'élection présidentielle demeurent. Le groupe CRC s'abstiendra.

M. Jean-Pierre Michel.  - Les groupes socialiste et écologiste voteront ce texte, qui a été grandement enrichi grâce au rapporteur. Mais je comprends que le projet ne convienne plus à ceux qui ont tout fait pour contourner les dispositions adoptées à l'initiative du Premier ministre Raffarin pour renforcer la transparence de la vie politique.

M. Michel Magras.  -  Le texte s'inscrit dans le plan d'économies annoncé par le Premier ministre en novembre.

Ainsi, les subventions aux partis politiques ont été réduites de 4 millions d'euros. Les plafonds de dépenses électorales sont gelés jusqu'au retour à l'équilibre des finances publiques. La réduction de 5 % des remboursements procurera une économie non négligeable.

Des sujets d'importance ont été abordés aujourd'hui, mais ils sont extérieurs à l'objet du texte et les amendements votés l'ont dénaturé, si bien que le groupe UMP ne prendra pas part au vote.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Nous n'avions pas l'intention de voter ce projet de loi peu satisfaisant. Avec les amendements adoptés, le texte fournit désormais un guide à un candidat exerçant déjà un mandat, qui ne doit pas utiliser à des fins électorales les moyens dont il dispose à travers ses fonctions.

D'autre part, nous pourrons saisir le Conseil constitutionnel au sujet du financement de la campagne. Jusqu'ici, l'élection cantonale ou municipale était plus sévèrement contrôlée que l'élection présidentielle. C'est inacceptable. Notre travail montre toute l'utilité du Sénat. Espérons que la CMP sera le lieu d'un véritable échange.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement n'entendait pas transformer la Ve République à trois mois de l'élection présidentielle. Il voulait simplement proposer le pendant de ce qui a été introduit dans la loi de finances à propos des autres élections. Le débat fut intéressant, mais nous sommes trop proches des échéances pour ouvrir un véritable chantier institutionnel.

Le Gouvernement aurait préféré en rester à son texte. Nous devrons maintenant trouver les voies et moyens de revenir à l'épure initiale.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 175
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue des suffrages exprimés 78
Pour l'adoption 154
Contre 0

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance, mardi 17 janvier 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à 17 h 25.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 17 janvier 2012

Séance publique

À 9 heures 30

1. Questions orales.

De 14 heures 30 à 16 heures 45

2. Débat sur l'état des négociations internationales climatiques et les conclusions de la Conférence de Durban.

De 17 heures à 17 heures 45

3. Questions cribles thématiques sur la fiscalité des collectivités territoriales.

À 18 heures et le soir

4. Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies (n° 745 rectifié, 2010-2011).

Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois (n° 71, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 72, 2011-2012).

5. Suite de la proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité (n° 56 rectifié, 2011-2012).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 144, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 145, 2011-2012).