Garde à vue (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garde à vue.

Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'amendement 174 rectifié au sein de l'article 7.

Discussion des articles (suite)

Article 7 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°174 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

Alinéas 5 à 7

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, l'officier ou l'agent de police judiciaire à débuter l'audition sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.

« À titre exceptionnel, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut être autorisé, par décision écrite et motivée prise, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, par le procureur de la République ou par le juge des libertés et de la détention, à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.

« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douze  heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce.

« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces alinéas,  décider que l'avocat ne pourra, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois.  - Cet amendement renforce les garanties entourant la possibilité pour le procureur d'autoriser un report pendant une période de douze heures, puis pour le juge des libertés et de la détention (JLD) pendant une nouvelle période de douze heures, en indiquant que ce report doit être exceptionnel et les autorisations motivées par écrit.

En deuxième lieu, il distingue la question du report de l'avocat avec celle de l'autorisation de commencer une audition sans attendre l'expiration du délai d'attente de deux heures.

Enfin, lorsque l'autorisation de reporter la présence de l'avocat a été exceptionnellement décidée par le JLD pour une nouvelle durée de douze heures, ce juge peut également autoriser le report de la communication des procès-verbaux d'audition à l'avocat.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Nègre et Mme Dumas.

I. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, à la demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République peut autoriser celui-ci à différer l'intervention de l'avocat prévue aux articles 63-3-1 à 63-4-2 pendant une durée ne pouvant excéder douze heures, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. L'autorisation du procureur de la République est écrite et motivée.

II. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

III. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

la présence de l'avocat lors des auditions

par les mots :

l'intervention de l'avocat prévue aux articles 63-3-1 à 63-4-2

M. Jean-Patrick Courtois.  - Dans le texte, l'assistance de l'avocat se décline selon trois modalités : l'entretien confidentiel, l'assistance aux auditions et l'accès à certains procès-verbaux.

L'article 7 permet la possibilité d'y faire exceptionnellement obstacle pendant une durée déterminée, et ce au regard de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ».

Or la rédaction actuelle prévoit que l'accès aux procès-verbaux puisse être différé pendant une durée maximum de douze heures alors que l'assistance de l'avocat aux auditions pourrait être reportée, elle, pendant une période pouvant aller jusqu'à vingt-quatre heures, tandis que l'entretien confidentiel ne pourrait faire l'objet d'aucun report.

Cette rédaction est source de complexité, ce qui accroît les risques de nullité.

Cet amendement rationnalise la procédure, en considérant que l'assistance de l'avocat doit être affirmée dans son caractère indivisible.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le procureur de la République peut autoriser

par les mots :

le juge des libertés et de la détention peut décider

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

M. Alain Anziani.  - Le report de l'intervention de l'avocat, attentatoire aux libertés, relève du juge des libertés et de la détention et non du procureur de la République. S'il y a une innovation dans ce texte, c'est la présence de l'avocat lors de l'audition et des confrontations. Tout report serait un retour en arrière. Il doit relever du JLD, dans le respect de l'habeas corpus.

M. le président.  - Amendement n°117 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5, première et seconde phrases

Remplacer les mots  :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

M. Jacques Mézard.  - Il doit revenir au seul JLD d'autoriser soit le début de l'audition avant l'expiration du délai de deux heures, soit de différer au-delà de la douzième heure la présence de l'avocat. Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Le report de la présence de l'avocat sur décision du procureur va à l'encontre de la jurisprudence européenne. Cela ne tiendra pas ! Tout au moins, la décision doit relever du juge judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

celui-ci

insérer les mots :

, après autorisation du juge des libertés et de la détention,

II. - Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ces dispositions dérogatoires à la présence effective de l'avocat portent atteinte aux droits de la défense.

Votre volonté de revenir sur des avancées de ce texte est pour le moins surprenante ! La jurisprudence européenne et l'avis de la Commission consultative des droits de l'homme du 6 janvier 2011 vont dans le même sens : le report de la présence de l'avocat doit être décidé par le JLD.

M. le président.  - Amendement n°166, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

et après les mots :

des auditions

insérer les mots :

ou des confrontations

II. - Alinéa 6

Après les mots :

d'audition

insérer les mots :

ou de confrontation

III. - Alinéa 8

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

M. Alain Anziani.  - Amendement de coordination avec le texte voté la semaine dernière. Pour éliminer toute ambiguïté, précisons que l'avocat doit être également présent lors des confrontations.

M. le président.  - Amendement n°168, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5, première phrase 

Remplacer les mots :

de deux heures

par les mots :

d'une heure

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Amendement de coordination. J'espère qu'il recevra un accueil plus enthousiaste que la semaine dernière ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes contre les dérogations portant atteinte au droit d'accès de l'avocat aux procès-verbaux. De surcroît, la rédaction de cet alinéa est peu claire.

M. le président.  - Amendement identique n°119 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - A plusieurs reprises, j'ai souligné que ce texte était hélas défensif : on nous propose des solutions pour tenter de gagner du temps avant une intervention effective de l'avocat. (M. Michel Mercier, garde des sceaux, le conteste) Au regard des décisions du Conseil constitutionnel et de la jurisprudence européenne, on croit rêver ! Reviendrait-on à l'entretien de courtoisie ? (M. Roland Courteau s'esclaffe) On s'arc-boute sur des positions qui seront balayées demain.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

M. Alain Anziani.  - Attention au ridicule : on va empêcher l'avocat de lire ce que son client a déclaré, alors que ce dernier aura inévitablement l'occasion de le lui dire : dans l'obscurité du commissariat, il y aura des échanges entre l'avocat et le client. C'est absurde ! (MM. Roland Courteau et Pierre-Yves Collombat renchérissent)

M. Jean-Pierre Michel.  - Le ridicule ne tue pas !

M. le président.  - Amendement identique n°120 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Amendement de repli. J'en appelle à la sagesse du Sénat ; à supposer que, dans certains cas, fort rares, il existe une raison d'empêcher l'avocat d'accéder aux procès-verbaux, cette décision doit relever du seul JLD : encore une fois, le procureur est partie poursuivante. (« Très bien ! » à gauche)

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7 

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Anziani.  - Cet alinéa donne la possibilité au procureur de la République de différer la présence de l'avocat jusqu'à la vingt-quatrième heure lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans. Cette décision doit être motivée par les nécessités de l'enquête. La Cour de Strasbourg n'acceptera pas cette dérogation faite au nom de la nature de l'infraction.

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par MM. Fouché, Doligé et Trillard, Mme Bout et MM. Cléach et Doublet.

Alinéa 7

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

Mme Brigitte Bout.  - L'abaissement de cinq à trois ans du quantum de peines requis pour différer la présence de l'avocat lors des auditions au-delà de la douzième heure permettra de mieux répondre aux besoins de l'enquête en élargissant la catégorie d'actes qui justifient, au regard de leur gravité, de cette nécessité.

M. le président.  - Amendement n°118 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 7

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

sept

M. Jacques Mézard.  - Restreindre les droits de la défense doit être réservé aux infractions les plus graves. D'où le relèvement du quantum de la peine à sept ans, soit le seuil de la peine de sûreté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 8 

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Anziani.  - Nous demandons la suppression de l'alinéa 8. Si une difficulté intervient lors d'une audience, la procédure de droit commun doit s'appliquer. (M. Roland Courteau approuve)

M. le président.  - Amendement n°121 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 8

Après les mots :

le procureur de la République qui informe,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

s'il y a lieu, le bâtonnier. Ce dernier statue conformément aux règles déontologiques qui régissent la profession.

M. Jacques Mézard.  - Le procureur de la République n'a pas qualité pour apprécier s'il y a lieu de faire désigner un autre avocat. Seul le bâtonnier est compétent pour le faire. On ne peut pas laisser la partie poursuivante dire à l'avocat de « dégager », un mot à la mode ces temps-ci. (Sourires)

Il y a une tradition : au bâtonnier, dans le respect des règles déontologiques, de juger s'il y a lieu de désigner un autre avocat.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Si l'amendement n°9 rectifié bis est adopté, il marquera un retrait par rapport au droit actuel : défavorable. Concernant les amendements nos85, 117 rectifié et 33, j'ai dit, à plusieurs reprises, pourquoi nous souhaitions maintenir le contrôle de la garde à vue par le procureur. Mon amendement n°174 rectifié donne des garanties supplémentaires. L'amendement n°166 est satisfait pour ses I et II ; favorable au III. Avis défavorable à l'amendement n°168 car nous voulons laisser deux heures à l'avocat pour arriver sur le lieu de la garde vue : il faut maintenir des brigades de gendarmerie de plein exercice sur tout le territoire. Par cohérence, avis défavorable aux amendements nos34 et 119 rectifié, 86 et 120 rectifié. Rejet également de l'amendement n°88 et de l'amendement n°101 rectifié qui ouvrirait trop largement le champ du dispositif.

Pour les mêmes raisons, avis défavorable à l'amendement n°118 rectifié. Je suggère le retrait de l'amendement n°89 car nous avons réécrit les dispositions sur la police de l'audition dans un souci d'apaisement. Enfin, l'amendement n°121 rectifié est certainement tiré de l'expérience d'avocat de M. Mézard. Pour autant, la procédure n'a pas commencé. Le bâtonnier doit pouvoir désigner un autre avocat si le précédent ne permet pas à la garde à vue de se dérouler dans de bonnes conditions. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La possibilité de report de présence de l'avocat est autorisée par la Cour de Strasbourg, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. La rédaction de la commission des lois est conforme aux exigences de ces trois instances. Le procureur est compétent pour les douze premières heures ; ensuite, au JLD de statuer. Dans nombre de pays étrangers, cette décision relève des enquêteurs eux-mêmes ; notre droit est donc plus protecteur.

Compte tenu de ces remarques, avis favorable à l'amendement n°174 rectifié qui renforce les garanties prévues par le texte et avis défavorable à tous les autres amendements.

M. Jean-Pierre Michel.  - Le dépôt de l'amendement de la commission a entraîné la discussion commune de ces amendements, qui obscurcit la discussion. Cet article 7 revient sur l'article premier. On peut toujours attendre, croit-on entendre dire, avant qu'intervienne l'avocat ! C'est inacceptable. Nous voterons contre.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'amendement du rapporteur améliore à la marge le texte. Les dérogations sont un piège. Nous ne voterons ni l'amendement n° 174, ni l'article 7.

M. Jacques Mézard.  - Nous ne pourrons pas davantage nous associer à cet amendement qui est presque pire que le texte initial. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, le conteste) Vous avez même rajouté l'APJ ! C'est un signe qui ne trompe pas...

M. Roland Courteau.  - Oh oui !

M. Jacques Mézard.  - Par ces exceptions, vous portez atteinte au principe posé à l'article premier. Dans la pratique, le garde des sceaux aura la possibilité de donner des instructions au procureur de la République. (M. Michel Mercier, garde des sceaux, se récrie) L'exception deviendra la règle, dans les circonstances actuelles, malgré le bon travail des procureurs. Quant à différer la présence de l'avocat, la logique est la même.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - J'ai écouté avec attention M. Mézard. Il a eu raison sur la mention de l'agent de police judiciaire. Je propose de rectifier mon amendement pour supprimer cette mention. La décision de reporter l'intervention de l'avocat doit être motivée, par écrit, au regard de raisons impérieuses liées à l'enquête. Le cadre est donc très précis ; ni l'OPJ ni le procureur n'auront intérêt à différer la présence de l'avocat puisque toute la procédure en serait fragilisée. Peut-être pouvons-nous interroger le garde des sceaux ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je souligne l'extrême bonne volonté du rapporteur. L'interprétation de M. Mézard est biaisée : le texte de l'amendement n°174 rectifié était excellent : pourquoi le rectifier ? Il était cohérent avec les autres dispositions du texte, entre autres à l'alinéa 8, qui mentionnent l'agent de police judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Oui, mais il opère sous contrôle de l'OPJ.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Seuls le procureur et le JLD sont décisionnaires ; l'enquête est menée soit par un APJ soit par un OPJ.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je ne comprends pas qu'un agent de police judiciaire puisse mener des auditions. Nous avons tous souligné la nécessité de confier les auditions à des personnels qualifiés, au moins à des officiers. Les agents interviennent sous le contrôle des officiers à l'alinéa 8. A la réflexion, cela ne tient pas ! Mieux vaut confier les auditions aux seuls OPJ. Cessons de tenir des discours contradictoires !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Mon seul objectif est de ne pas bloquer le système. D'après l'article 20 du CPP, les APJ secondent les OPJ. (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est très grave !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet article a tout d'un acte manqué. On souligne la nécessité structurelle de la présence d'un avocat dans un État de droit et on y fait obstacle à l'article 7.

M. Alain Anziani.  - La décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 a mis en avant les garanties insuffisantes entourant la garde à vue, notamment la réduction des exigences quant aux OPJ dont le nombre a plus que doublé ; M. Zocchetto l'a souligné dans son rapport. Supprimons la mention des APJ dans tout le texte !

L'amendement n°174 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos9 rectifié bis, 85, 117 rectifié, 33, 168, 34, 119 rectifié, 86, 120 rectifié, 88, 101 rectifié, 118 rectifié, 89 et 121 rectifié deviennent sans objet.

L'amendement n°166 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°100 rectifié, présenté par M. Fouché, Mmes Mélot et Bout et MM. Cléach, Doublet et Trillard.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier ou l'agent de police judiciaire qui exerce la police de l'audition peut à ce titre, si l'avocat compromet, par ses interventions, le bon déroulement de l'audition, en référer au procureur de la République qui peut autoriser, sur décision écrite et motivée, la poursuite de l'audition hors de la présence de l'avocat.

Mme Brigitte Bout.  - Cet amendement prévoit que l'officier ou l'agent de police judiciaire assure la police de l'audition.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement ouvrirait une nouvelle exception au droit à l'assistance d'un avocat. En cela, il n'est pas conforme à l'esprit de la réforme. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°100 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°169, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9, première phrase

Après les mots :

chaque audition

insérer les mots :

ou confrontation

M. Alain Anziani.  - Coordination.

L'amendement n°169, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9, deuxième et dernière phrase

Supprimer ces phrases.

M. Alain Anziani.  - Ces dispositions sont inutiles. Il n'y a pas d'obligation de répondre aux questions de l'avocat. Est-ce d'ailleurs à l'OPJ d'apprécier si une question doit être posée ou non ? Si la question est outrageante, au bâtonnier d'intervenir.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par MM. Mézard et Collin.

Alinéa 9, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou à la dignité de la personne

M. Jacques Mézard.  - Cet alinéa est extraordinaire... Laisser entendre qu'un avocat pourrait poser des questions attentatoires « à la dignité de la personne » est extravagant, insultant pour la profession et dénote l'état d'esprit des auteurs de ce texte. La profession est soumise à des règles déontologiques ; en cas de non-respect de celles-ci, il appartient à l'OPJ de saisir le procureur qui alertera le bâtonnier. Le parallèle avec l'audition dans le cabinet du juge d'instruction ne tient pas. Que chacun fasse son travail. Au vu de ce qu'on a constaté ces dernières années lors des gardes à vue, donner des leçons aux avocats n'est pas de bon goût...

M. Jean-Pierre Fourcade.  - M. Mézard s'enflamme !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Corporatisme !

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 9, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'officier ou l'agent de police judiciaire retranscrit au procès-verbal d'audition les questions posées et les réponses faites y compris celles formulées par l'avocat, ainsi que les éventuels refus de répondre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage ces propos. Cet amendement vise à garantir les droits de la personne gardée à vue.

M. le président.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 9, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, avec le texte intégral de la ou des questions posées par l'avocat

M. Jacques Mézard.  - Le corporatisme m'est étranger mais il y a des règles fondamentales auxquelles je suis, comme d'autres ici, très attaché. La mention des questions litigieuses est importante.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La loi doit prévoir la discipline des auditions ; le législateur ne peut s'en remettre à un décret ou à une circulaire : avis défavorable à l'amendement n°90.

Favorable à l'amendement n°122 rectifié de M. Mézard. L'amendement n°37 est inutile : l'avocat pourra toujours joindre ses questions à ses observations sur le procès-verbal, et même les adresser au procureur pendant la garde à vue. Défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°123 rectifié.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - A la loi d'organiser la police des auditions : défavorable aux amendements nos90, 37 et 123 rectifié. Le texte reprend celui de l'article 120 du code de procédure pénale, qui précise que le juge d'instruction peut s'opposer à des questions de nature à nuire à la dignité de la personne, règle qui date de la loi Guigou de 2000 et qui n'a jamais posé de difficulté d'application.

Il n'y a aucun sous-entendu vexant pour les avocats. Défavorable à l'amendement n°122 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On peut comprendre la nécessité d'organiser l'audition mais qu'est-ce qu'une question susceptible de nuire au bon déroulement de l'enquête ?

M. Jacques Mézard.  - Que cette règle date de la loi Guigou m'indiffère au plus haut point. Tous les gouvernements peuvent faire des erreurs ; vous le vivez quotidiennement, monsieur le ministre... Outre qu'il y a très peu d'instructions, on ne peut comparer avec la garde à vue.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

L'amendement n°122 rectifié est adopté.

L'amendement n°37 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°123 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

chaque audition

insérer les mots :

ou confrontation

L'amendement de coordination n°170, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°124 rectifié devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°171, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux confrontations

L'amendement de coordination n°171, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié, présenté par Mme Klès et M. Michel.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l'interrogatoire de la personne gardée à vue n'a pas été effectué en présence de l'avocat, le contenu du procès-verbal doit être obligatoirement validé, à peine de nullité, par l'intéressé devant le juge des libertés et de la détention. »

Mme Virginie Klès.  - Je sais, grâce à M. Collombat, ce qu'est une question de nature à perturber... le débat. Il n'a pas eu de réponse... Quand l'avocat n'est pas là, il y aura un enregistrement, dit-on. Mais tous les locaux de garde à vue ne sont pas équipés. La moindre des choses est alors de faire confirmer ses propos par l'intéressé. L'expérience est parlante... Prenons exemple sur la Turquie.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Défavorable. Vous proposez un mécanisme extrêmement lourd. Et le texte prévoit que chaque personne gardée à vue peut bénéficier de l'assistance d'un avocat... A ce stade, le JLD n'a pas à intervenir. Enfin, cette mesure risque de fragiliser l'enquête.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'article premier A dénie tout poids incriminant aux déclarations faites sans la présence de l'avocat. Retrait ?

Mme Virginie Klès.  - Il s'agit de déclarations, pas nécessairement de propos incriminants. Y aura-t-il tant d'auditions sans avocat -ou très peu ?

L'amendement n°151 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 7 bis

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot.

I. - Alinéas 2 et 3

Remplacer les mots :

la victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

 II. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

une victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Au stade de l'enquête, une personne n'a pas la qualité de victime ; seule une juridiction peut reconnaître cette qualité. L'enquête de police ou de gendarmerie peut fort bien démontrer qu'une personne se prétendant victime ne l'est pas. Il convient d'utiliser une qualification plus neutre.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La qualification de « victime » ne préjuge pas de la décision de la juridiction. Le code de procédure pénale utilise cette dénomination, classique. Retrait ?

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Après les mots :

Si la victime est confrontée

insérer les mots :

ou auditionnée

M. Alain Anziani.  - La victime peut être assistée par un avocat lors des confrontations mais également lors des auditions lorsque l'auteur de l'infraction est lui-même assisté d'un avocat.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Défavorable. Lorsque la victime est auditionnée avec la personne gardée à vue, il s'agit d'une confrontation...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°92 n'est pas adopté.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Nègre et Mme Dumas.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

qui est assistée d'un avocat lors de son audition

M. Jean-Patrick Courtois.  - Cet amendement permet à la victime d'être assistée d'un avocat lors des confrontations, même si la personne gardée à vue a renoncé à l'être. L'équilibre de la procédure pénale exige que les droits de la victime soient clairement consacrés.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le droit pour la victime d'être assisté d'un avocat est dans l'esprit du texte ; il faut l'égalité des armes. Ce qui implique que si le gardé à vue a été privé de ce droit par décision du procureur, la victime ne pourra être assistée. Favorable à l'amendement n°10 rectifié bis.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°102 rectifié, présenté par MM. Fouché et du Luart, Mme Mélot, MM. Gouteyron, Doligé, Trillard et B. Fournier, Mme Bout et MM. Lefèvre, Cléach, Doublet et Vial.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

est informée de ce droit

par les mots :

se voit notifier son droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat par l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire lors du dépôt de plainte et

Mme Brigitte Bout.  - Dans un souci d'égalité, le droit pour la victime de bénéficier d'un avocat doit lui être notifié et entrer dans la procédure pénale.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le projet de loi prévoit déjà que la victime est informée du droit d'être assistée d'un avocat avant la confrontation. J'ajoute que le dépôt de plainte n'est pas toujours, loin s'en faut, suivi d'une confrontation. Retrait de l'amendement n°102 rectifié.

L'amendement n°102 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« À sa demande, l'avocat peut avoir accès aux pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu'il assiste.

M. Jacques Mézard.  - Selon le principe d'égalité des armes, l'avocat de la victime doit avoir accès aux pièces du dossier qui intéressent directement son client.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement est cohérent avec le souhait de M. Mézard que l'avocat du gardé à vue ait accès au dossier ; le Sénat ne l'avait pas suivi. Par cohérence, avis défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le principe d'égalité des armes nous contraint à donner un avis défavorable.

L'amendement n°125 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7 bis, modifié, est adopté.

Article 8

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 8 pose le principe du respect de la dignité des personnes gardées à vue. Qu'en sera-t-il en pratique ? Le texte est muet sur les conditions matérielles de la garde à vue, pourtant évoquées dans le texte initial présenté devant le Conseil d'État. Un amendement de notre groupe donnait suite aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010 ; il s'est heurté à l'article 40. Nous voulions donner aux institutions les moyens d'exercer leur mission et sanctionner les manquements. La pudeur, l'intimité, l'hygiène sont loin d'être respectées : c'est une humiliation pour la République, dénoncée au niveau international. Ce que vous voterez sera nul et non avenu si les budgets ne suivent pas !

L'article 8 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 803 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les deux cas, il est dressé un procès-verbal, versé au dossier, qui motive substantiellement les mesures prises. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Lors de la garde à vue, il peut arriver que les OPJ aient recours à la contrainte physique. L'article 803 du code de procédure pénale dispose que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».

Si l'usage abusif de cette disposition peut entraîner la responsabilité de l'État pour voie de fait, les effets sur la nullité de la procédure sont très limités. Les juridictions considèrent souvent que la preuve de l'usage des menottes n'est pas rapportée ou que le risque de fuite a été à bon droit invoqué.

Dans un arrêt du 13 août 2010, la cour d'appel de Douai a regretté l'absence de mention menottage dans les procès-verbaux. Notre amendement tend à y remédier.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'article 803 encadre la pratique du menottage ; il nous paraît bien rédigé. La jurisprudence de la Cour de cassation est stable. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - S'il suffit de la jurisprudence, pourquoi légiférer ?

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

Article 9

M. le président.  - Amendement n°127 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 3

1° Après les mots :

des objets

insérer les mots :

, vêtements et sous-vêtements

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et de son intimité

M. Jacques Mézard.  - On va m'objecter que le mot « objets » inclut vêtements et sous-vêtements, mais on connaît les dérives dénoncées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'amendement serait contreproductif. Vêtements et sous-vêtements sont des objets ; si on énumère, un OPJ risque de raisonner a contrario et priver la personne gardée à vue de ses lunettes ou de sa canne, par exemple ! Gardons le terme le plus large.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°127 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et

par les mots :

un officier de police judiciaire peut réaliser celle-ci après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention. Elle doit être

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les fouilles à corps intégrales sont suffisamment attentatoires à la dignité de la personne pour justifier une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. En acceptant certains de nos amendements, la commission des lois a reconnu que les fouilles intégrales étaient loin d'être anodines ; humiliantes, a noté le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2008, elles rendent la personne plus vulnérable. Il faut renforcer les garanties.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le projet de loi encadre strictement les fouilles intégrales, qui ne peuvent plus être désormais justifiées par des mesures de sécurité. La commission des lois a intégré dans son texte un amendement CRC-SPG qui limite encore de telles fouilles. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable, pour les mêmes motifs.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute seconde fouille intégrale d'une personne gardée à vue ainsi que toute fouille intégrale ultérieure ne peut être effectuée que sur décision écrite et spécialement motivée du procureur de la République.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les secondes fouilles intégrales doivent elles aussi être encadrées afin d'éviter toute atteinte à la dignité de la personne gardée à vue ou des humiliations inutiles.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La procédure est déjà très encadrée et s'applique à tous les cas de fouilles. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis. Le projet de loi apporte un progrès notable.

L'amendement n°7 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé par les nécessités de l'enquête. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin désigné à cet effet par le juge des libertés et de la détention.

M. Jacques Mézard.  - On nous avait dit, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, que les fouilles internes n'existaient pas... Les progrès techniques devraient les rendre inutiles au fil des années et des budgets du ministère de la justice... Tant qu'elles existent, elles doivent demeurer exceptionnelles et se faire sous le contrôle du JLD.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et après autorisation expresse du juge des libertés et de la détention

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les investigations corporelles internes sont suffisamment attentatoires à la dignité de la personne pour justifier une autorisation préalable du JLD.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'amendement de M. Mézard reprend les termes de la loi pénitentiaire. Pourquoi pas ? Mais nous ne souhaitons pas l'intervention du JLD à ce stade. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les fouilles internes sont assimilées à des perquisitions : elles ne peuvent être décidées sans l'accord de la personne qu'en cas de flagrance. En pratique, on y a recours essentiellement en cas de trafic de stupéfiants ; et alors il faut faire vite, ce qui serait impossible s'il fallait attendre l'autorisation du JLD. Retrait.

M. Jacques Mézard.  - Cette argumentation me semble manquer de fondement. En matière de stupéfiant, on a le plus souvent recours à la radiographie.

L'amendement n°128 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°41.

M. le président.  - Amendement n°93 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 63-7 bis. - Toute nullité relative à la garde à vue est d'ordre public.

« Les formalités mentionnées aux articles 62-3, 62-5, 63, 63-1, 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 63-4-1, 63-4-2, 63-4-3, 63-5, 63-6, 63-7, 63-8 et 64 sont prescrites à peine de nullités. Leur violation porte atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

M. Richard Tuheiava.  - L'amendement prévoit que les critères de mise en garde à vue, le contrôle de celle-ci et les règles de prolongation, les informations données à la personne gardée à vue, la possibilité pour elle de faire prévenir un proche et son employeur, la visite du médecin, l'assistance d'un avocat, le respect de la dignité de la personne, les mesures de sécurité pendant la garde à vue et l'établissement du procès-verbal par l'officier de police judiciaire sont prescrits à peine de nullités. On ne peut s'en remettre à la jurisprudence pour dire le régime des nullités.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - A l'heure actuelle, il n'y a pas de nullité sans grief. La Cour de cassation a toujours eu une interprétation protectrice s'agissant de la garde à vue, en considérant que certaines irrégularités « font nécessairement grief ». Il importe de ne pas fragiliser l'enquête. Le législateur a toujours refusé d'inscrire des nullités textuelles. Restons-en là. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les nullités d'ordre public n'existent pas dans le code procédure pénale ; c'est une notion purement jurisprudentielle. Il ne faut pas toucher par la loi à cette question complexe, qui concerne toute la procédure pénale. J'ajoute que la jurisprudence de la Cour de cassation est très rigoureuse en matière de garde à vue. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°93 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'officier de police judiciaire lui remet une copie du procès-verbal mentionné à l'article 64 du même code.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout gardé à vue doit être informé de la suite de la procédure, conformément à l'article 77-2 du code de procédure pénale. Cette information n'est pas toujours donnée. Nous demandons donc que le gardé à vue ait copie du procès verbal dès sa remise en liberté.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Il s'agit du procès-verbal visé à l'article 64 du code de procédure pénale, non de celui de l'audition. Ce document est de nature administrative. L'émargement du gardé à vue étant requis, la précision n'est pas nécessaire.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°179, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 63-9. - Le procureur de la République compétent pour être avisé des placements en garde à vue, en contrôler le déroulement, en ordonner la prolongation et décider de l'issue de la mesure est celui sous la direction duquel l'enquête est menée.

« Toutefois, le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue est également compétent pour la contrôler et en ordonner la prolongation. »

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement reprend les dispositions de l'alinéa 11 de l'article premier, précisant que le procureur de la République compétent pour assurer le contrôle de la garde à vue est non seulement celui en charge du dossier mais également le procureur du ressort dans lequel la garde à vue est exécutée.

La rédaction proposée apporte des précisions complémentaires, destinées à éviter des difficultés d'application de cette disposition.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Excellent amendement !

L'amendement n°179 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5 

Compléter cet alinéa par les mots :

ou si elle a été préalablement auditionnée conformément à l'article 62

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le procès-verbal doit faire mention du cas où la personne a été placée en garde à vue en qualité de témoin.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement et les suivants alourdissent la procédure, sans apporter de précisions utiles. Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'alinéa 5 de l'article 10 donne satisfaction à Mme Borvo. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6 

Remplacer les mots :

et 63-3-1

par les mots :

63-3-1, 63-4-1 et 63-4-2 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En matière de droits de la personne, un peu de formalisme est nécessaire ! Le procès-verbal qui consigne le déroulement de la procédure doit mentionner les interventions de l'avocat.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Mme Borvo a déjà satisfaction.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En quoi ?

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Tout est indiqué à l'article 64 du code. Retrait ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'amendement est redondant. Je n'ose vous demander de le retirer...

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7 

Compléter cet alinéa par les mots :

ou des mesures de sécurité, notamment s'il a été fait usage de menottes ou de contrainte physique

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le procès-verbal doit mentionner l'ensemble des interventions contraignantes pour l'individu et qui peuvent porter atteinte au respect de sa dignité ou à son intégrité physique.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'article 803 du code encadre les interventions contraignantes et les escortes. Dans ce cas, la mention proposée par Mme Borvo est-elle utile ? Rejet ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il mentionne dans ce cas les raisons qui les ont motivées

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce projet de loi met fin au vide juridique sur les fouilles internes et intégrales. Nous nous en réjouissons car ces pratiques étaient monnaie courante. Afin que la loi n'en reste pas aux principes, il faut prévoir que les fouilles soient mentionnées au procès-verbal et justifiées. En cas d'abus, elles seraient sanctionnées et sources de nullités.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le texte apporte effectivement des garanties, qui semblent suffisantes. Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les alinéas 5 et 6 de l'article 9, ainsi que cet article 10, vous donnent entièrement satisfaction. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 6° L'état des locaux de garde à vue.

Mme Virginie Klès.  - Le procès-verbal doit décrire l'état des locaux dans lesquels s'est déroulée la garde à vue.

M.le président.  - Amendement n°152 rectifié, présenté par Mme Klès et M. Michel.

Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les conditions matérielles de la garde à vue doivent répondre à des critères déterminés par décret en Conseil d'État.

« Le procès-verbal concernant la notification de la fin de la garde à vue et récapitulant le déroulement de la garde à vue devra contenir une appréciation de l'officier de police judiciaire concernant l'état des locaux de la garde à vue en fonction des critères retenus.

Mme Virginie Klès.  - Dans sa grande sagesse, le Sénat adoptera sans doute cet amendement qui précise les critères d'hygiène à respecter dans ces lieux pour la dignité d'un gardé à vue présumé innocent...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'article 8 de ce projet de loi dispose que l'état des lieux de la garde à vue doit garantir le respect de la dignité de la personne. En outre, le procureur de la République assure un contrôle. Qu'en est-il dans la pratique, monsieur le garde des sceaux ? Le contrôleur des lieux de privation de liberté effectue également un contrôle rigoureux. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous partageons l'objectif : assurer le respect de la dignité de la personne. Le procureur doit visiter les locaux au moins une fois par an. Un rapport annuel est adressé au procureur général et à la Chancellerie. Outre le contrôleur général, les parlementaires ont également un droit de contrôle. Compte tenu de ces trois niveaux de contrôle, retrait, sinon rejet.

Mme Virginie Klès.  - Le principe inscrit à l'article 8 ne semble pas suffisant : il a fallu préciser que le gardé à vue a droit de conserver certains objets !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas pareil !

Mme Virginie Klès.  - En outre, cet amendement reviendrait à effectuer un autocontrôle régulier, comme dans les cantines scolaires. Les forces de sécurité, en qui j'ai confiance, pourraient même consigner des suggestions d'amélioration dans le procès-verbal.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Richard Tuheiava.  - Cet amendement est important. J'ai vu des gardés à vue obligés de se mettre à terre pour respirer sous la porte ou protester parce que le local était souillé par les matières fécales des occupants précédents.

Franchissons un pas vers le respect de la dignité du gardé à vue ! C'est dans l'intérêt du système judiciaire et de l'enquête.

M. Alain Anziani.  - Cet amendement devrait nous rassembler. Nous sommes tous horrifiés par les informations contenues dans le rapport du contrôleur général.

M. Roland Courteau.  - Un scandale ! Ce que nous proposons n'ajoute rien, ne retranche rien. Qui cela gênera-t-il ? Les mesures de contrôle exceptionnelles ne suffisent pas. Cet amendement ne mange pas de pain !

L'amendement n°94 n'est pas adopté ; non plus que l'amendement n°152 rectifié.

L'article 10 est adopté, ainsi que l'article 11 A.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°147 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Nous abordons un article délicat. Les dispositions de l'article 62 qu'il réintroduit à l'article 61 du code ont été déjà censurées par le Conseil constitutionnel. Il reconstitue l'audition libre que les députés ont heureusement supprimée. Le diable est parfois dans les détails ! La comparution sans contrainte n'est entourée d'aucune garantie, sauf à accepter les amendements que nous proposons. Il faudra revoir cette rédaction tôt ou tard...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement m'a surpris car l'article 11 apporte des précisions et des garanties nécessaires à la comparution sans contrainte. Les témoins peuvent être auditionnés quatre heures au plus. Quant aux suspects, ils sont obligatoirement placés en garde à vue. Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'audition des témoins a été instaurée par la loi du 3 janvier 1993. Les suspects sont, eux, placés en garde à vue ; la jurisprudence de la Cour de cassation est constante. Vous pouvez être rassuré et retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard.  - Je ne suis pas rassuré : comment différencier les témoins des suspects ? Vous allez trop vite par rapport à la décision du Conseil constitutionnel. Il y a bien contrainte puisqu'une personne peut être retenue quatre heures au maximum.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Quatre heures au plus !

M. Jacques Mézard.  - Quand on voit comment on peut passer de témoin à gardé à vue, on n'est pas rassuré.

L'amendement n°147 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 5 

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier de police judiciaire les informe qu'elles peuvent quitter à tout moment les locaux de la police ou de la gendarmerie.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - S'il n'y a aucune contrainte, la personne auditionnée doit être informée qu'elle a toute liberté de s'en aller.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Ces amendements obscurcissent les dispositions du texte. L'article 11 vise les témoins ; ceux-ci peuvent être retenus quatre heures. Si la personne est ensuite placée en garde à vue, les quatre heures seront imputées sur les douze heures. L'article 11 bis vise l'audition libre des suspects ; leur droit de s'en aller leur est notifié. Nous clarifions les choses. Ne revenons pas en arrière ! Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le texte clarifie effectivement la situation. La décision du Conseil constitutionnel n'emporte pas de conséquences sur les témoins. Retrait ?

Mme Virginie Klès.  - Si le délai des quatre heures d'audition s'impute sur les douze heures de garde à vue, cela est-il pris en compte pour le délai de deux heures laissé à l'avocat pour atteindre le lieu de la détention ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et ainsi, on atteint six heures !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - A mon avis, le délai de deux heures court à partir du moment où la garde à vue est notifiée.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Tout à fait ! L'OPJ devra faire très attention car on ne pourra pas retenir contre le témoin les propos qu'il a tenus hors de la présence d'un avocat. Il n'y aura donc pas d'intérêt à transformer le témoin en gardé à vue !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je suis troublé ! La logique voudrait que l'on interdise de placer un témoin en garde à vue. Sinon, six heures s'écouleront avant que l'avocat ne puisse intervenir.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Ce débat montre que le travail des OPJ est difficile : ils doivent faire preuve d'un grand discernement pour savoir s'ils auditionnent une personne comme témoin ou comme gardé à vue. Le texte clarifie la situation. N'y revenons pas.

M. Jacques Mézard.  - M. Badinter a excellemment souligné l'importance de ce débat. L'article 61 du code de procédure pénale donnera aux OPJ, qui font leur métier d'enquêteurs, la possibilité d'auditionner une personne sans avocat comme témoin, dont les déclarations pourront être retenues, en dépit de l'article 1 A. Nous sommes dans un système hybride parce que le Gouvernement avance à reculons. Je crains qu'à l'avenir, du témoin, on use et abuse.

M. Richard Tuheiava.  - Attention aux articles 11 et 11 bis. Les garanties apportées à la garde à vue ne doivent-elles pas s'appliquer à la comparution si l'on veut éviter de futures dérives ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il faut savoir raison garder... Nous avons défini clairement la garde à vue, les personnes en charge de son contrôle et ses conditions de prolongation. La comparution, réservée aux témoins, est un régime tout à fait différent. L'objectif n'est pas de placer tout le monde en garde à vue mais de diminuer le nombre des gardés à vue. Témoigner est un acte civique ; la retenue des témoins est légitime. La sûreté est aussi un objectif constitutionnel : il faut donner aux OPJ la possibilité de réaliser leur enquête. Rejet des amendements à l'article 11.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°130 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer le mot :

plausibles

par le mot :

sérieuses

M. Jacques Mézard.  - Il est plausible que cet amendement ne soit pas accepté. Je m'incline.

L'amendement n°130 rectifié est retiré.

L'amendement n°95 tombe.

M. le président.  - Amendement n°131 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

d'une peine 

insérer les mots :

supérieure ou égale à trois ans

M. Jacques Mézard.  - Amendement de conséquence.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'amendement est tombé... Défavorable.

L'amendement n°131 rectifié devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°132 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de l'audition, la personne peut également demander, par un document écrit, à être placée à la disposition des enquêteurs sous le régime de la garde à vue. S'il n'est pas donné suite à cette demande, la personne peut immédiatement quitter les lieux où elle est entendue. S'il est donné suite à cette demande, la garde à vue est réputée avoir débuté dès transmission de cette demande à l'officier de police judiciaire. »

M. Jacques Mézard.  - Cet article 11 crée une zone de non-droit pour la personne « gardée à disposition » des enquêteurs. Elle ne prend fin qu'à son départ ou à son placement en garde à vue : on revient au droit antérieur à 1993 !

La création du statut de témoin assisté avait partiellement résolu le problème. Nous permettons au témoin de demander par écrit à être placée en garde à vue pour bénéficier des garanties afférentes.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - A force de retourner le texte dans tous les sens, on en arrive à des absurdités ! Ce n'est pas la personne entendue qui décide de son statut ! Votre amendement conduirait à ce que la personne reconnaisse qu'elle peut être soupçonnée d'avoir commis l'infraction ! Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement me laisse perplexe, même si je devine son objectif.

La garde à vue est une mesure grave, qui vise une personne suspectée d'avoir commis une infraction passible d'emprisonnement !

L'article 2 dispose que seul un OPJ peut placer en garde à vue : on ne peut s'auto-placer au garde à vue. Le témoin peut toujours se taire et partir. Avis défavorable.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le témoin peut demander à être placé en garde à vue ; il ne se place pas en garde à vue. Vous avez insisté sur le rôle protecteur de la garde à vue : étendons ces droits aux témoins !

Mme Virginie Klès.  - J'approuve ces propos. Un témoin, voyant que l'étau se resserre, peut souhaiter l'assistance d'un avocat !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je crois aux vertus du débat parlementaire. Vous reconnaissez que ce projet de loi est protecteur : voilà un aveu de nature à nous conforter ! (Mme Virginie Klès le conteste) Merci de votre soutien ! Au bout de quatre heures, soit le témoin est placé en garde à vue, soit il repart chez lui. Les choses sont claires. Si tous les témoins demandent à être placés en garde à vue, on manquera de locaux -et d'avocats ! Cet article 11 est réservé aux témoins, qui ne sont pas tous coupables, loin de là. On ne peut passer d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve en se passant des témoignages.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La difficulté vient de l'ambigüité de l'article 11. Quelle est la différence entre le témoin et le gardé à vue, sinon que ce dernier a un avocat ? Le statut du témoin doit offrir davantage de garanties !

M. Jacques Mézard.  - Ce projet de loi marque une avancée, mais vous n'allez pas au bout du chemin. Dans une minorité de cas, la personne est auditionnée comme témoin, alors qu'elle est déjà soupçonnée. Il est normal que cette personne puisse anticiper son placement en garde à vue, quitte à ce que cela lui soit refusé.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il n'y a aucune raison que les enquêteurs détournent la procédure : cela entraînerait sa nullité. L'OPJ n'est pas le juge et ne peut avoir les mêmes pouvoirs.

L'amendement n°132 rectifié n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 78-3 du même code, les mots : « quatre heures, ou huit heures » sont remplacés par les mots : « deux heures, ou quatre heures ».

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Amendement de cohérence visant à réduire les durées d'audition ou de rétention des personnes. Je rappelle que le Conseil constitutionnel impose au législateur de concilier la recherche des auteurs d'infractions et la garantie des libertés.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Les contrôles d'identité ne rentrent pas dans le champ du texte. Il ne paraît pas opportun de diviser par deux les durées d'audition de personnes qui refusent de décliner leur identité.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 50, reprend à 17 heures 55.

Article 11 bis

M. Alain Anziani.  - Cet article essentiel est un article d'hypocrisie. Le texte initial prévoyait l'audition libre ; les députés l'ont refusée, mais elle a ressurgi à l'article 11 bis sous de nouveaux habits. Votre but est purement quantitatif : réduire le nombre de gardes à vue. Nous, nous voulons éviter les gardes à vue inutiles et abusives.

Vous inventez donc d'autres solutions. Où est la différence entre audition libre et comparution libre ? C'est blanc bonnet et bonnet blanc ! Quel est le progrès par rapport à la garde à vue ? La personne interpellée reste sous la menace de la garde à vue. Celle qui accepte de comparaître ne bénéficie pas des droits de la garde à vue ! (Marques d'impatience au banc de la commission) Si la personne est suspecte, au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, un certain nombre de droits lui sont garantis ; vous les supprimez par un tour de passe-passe. La Cour européenne des droits de l'homme ne manquera pas de censurer cet article.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article 11 bis issu d'un amendement gouvernemental vise à lutter contre l'automaticité de la garde à vue. L'article précise que les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies. Autrement dit, on se trouve dans une situation où les conditions posées à l'article 62-3 sont réunies mais où les droits accordés à toute personne placée en garde à vue ne sont pas assurés.

C'est bien la réintroduction de l'audition libre, supprimée à l'Assemblée nationale.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'article 11 bis est nécessaire. Il inscrit dans la loi une jurisprudence de la Cour de cassation constante selon laquelle le placement en garde à vue n'est justifié que quand il apparaît nécessaire de retenir la personne sous la contrainte. Vos inquiétudes n'ont pas lieu d'être : vous pourriez retirer vos amendements à l'article 11 bis, qui est une avancée.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il n'y a pas d'audition libre, vous le voyez derrière chaque article, comme l'ombre derrière le soleil ! (Mme Anne-Marie Escoffier cite Zoroastre) Même quand ces conditions de la garde à vue sont réunies, le procureur apprécie si la garde à vue est nécessaire ou non ! Il n'y a pas d'obligation de mettre en garde à vue. L'article 11 bis traduit cette règle. A vous entendre, la garde à vue serait la panacée ; vous dénonciez pourtant tout à l'heure l'état des locaux ! Il y aura désormais beaucoup d'enquête sans garde à vue. On ne peut à la fois restreindre le champ de la garde à vue et vouloir placer tout le monde en garde à vue !

L'audition libre est supprimée : on n'en parle plus ! Soit il y contrainte -dixit Mme Guigou- et la personne bénéficie des droits de la défense, soit la personne vient librement, et repart librement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et si elle reste quatre heures ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Vous confondez avec l'article précédent, qui vise le témoin.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le distinguo de Mme Guigou est très clair.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Eh bien, votez l'article !

M. Alain Anziani.  - M. le ministre est très fort car il est de mauvaise foi ! Vous connaissez pourtant notre point de vue : nous voulons que la personne suspecte dispose d'un minimum de droits. Or l'article 11 bis prive le suspect de ces droits, ce qui est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°96, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans les cas prévus aux paragraphes I, II et III du présent article l'audition ne peut excéder six heures.

L'auditionné doit, sans délai, être informé, dans une langue qu'il comprend, des faits qui lui sont reprochés, de son droit, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire et la possibilité d'être placé en garde à vue à l'issue de cette audition.

Il peut faire prévenir de la procédure dont il fait l'objet un proche et son employeur. Il doit être informé de son droit d'être examiné par un médecin. Avant le début de cette audition ou au cours de celle-ci, l'intéressé peut demander à bénéficier d'un entretien téléphonique d'une demi-heure avec son avocat ou un avocat commis d'office.

Il peut être mis fin à tout moment, à l'audition, à la demande de l'auditionné, ou sur décision de l'officier de police judiciaire.

La durée de cette audition s'impute sur la durée de la garde à vue.

M. Richard Tuheiava.  - Il s'agit d'encadrer l'audition afin de la rendre conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme.

Nous ne reconnaissons pas les avancées du texte ; nous demandons seulement à pouvoir débattre afin d'éclairer l'intention du législateur.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Défavorable. L'article 11 bis vise les personnes à l'encontre desquelles il existe une raison de soupçonner qu'elles ont commis une infraction. Il faut faire la distinction entre les personnes maintenues sous contrainte et celles qui peuvent quitter à tout moment la gendarmerie ou le commissariat et n'ont donc pas les mêmes garanties.

M. Alain Anziani.  - Comme dans l'audition libre !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Nous ne sommes pas d'accord : avis défavorable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Voila un bon argument !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il peut y avoir enquête sans mesure privative de liberté !

Voulez-vous placer tous les gens suspectés en garde à vue ?

Monsieur Mézard, voulez-vous restreindre le champ de la garde à vue ou l'étendre ? La garde à vue étant une mesure privative de liberté, la Convention européenne des droits de l'homme s'applique, notamment dans son article 5-3 et, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, à l'article 6, alinéas premier et 3.

Les autres sont libres de partir quand ils veulent. Il ne vous reste plus qu'à retirer vos amendements ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel.  - Votre texte est une coquille vide ; les avancées sont purement formelles.

Forcés de céder sur l'avocat, vous revenez tout de suite sur cette avancée. Oui, l'avocat est un gêneur : il est là pour empêcher qu'une machine infernale ne s'emballe. Me Le Borgne n'a pas craint de gêner le procès de M. Chirac !

Si la personne convoquée pour une affaire grave refuse de coopérer, elle sera placée en garde à vue ! Les syndicats de police proposent de fixer la durée d'audition à six heures : pas besoin d'avoir toute la lourdeur de la garde à vue, mais au moins un minimum de garanties ! Que la personne entendue dans le cadre de l'article 11 bis puisse au moins prévenir un proche, un employeur ! Les policiers ne sont pas contre.

En l'état, l'article 11 bis encourt la censure constitutionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Soyons honnêtes. Cet article complète l'article 73 du code de procédure pénale. On nous dit que 200 000 gardes à vue sont liées à des infractions routières : c'est de la flagrance ! Ce sont ces gardes à vue inutiles que nous voulons éviter !

Dire que l'on restitue l'audition libre, c'est exagéré ! (Applaudissements à droite et au centre)

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°133 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de l'audition, la personne peut également demander, par un document écrit, à être placée à la disposition des enquêteurs sous le régime de la garde à vue. S'il n'est pas donné suite à cette demande, la personne peut immédiatement quitter les lieux où elle est entendue. S'il est donné suite à cette demande, la garde à vue est réputée avoir débuté dès transmission de cette demande à l'officier de police judiciaire. »

M. Jacques Mézard.  - L'article 11 bis est tout en clair-obscur... Certes, on complète l'article 73, qui concerne les délits et crimes flagrants. Mais l'article 11 bis ne s'applique pas quand la personne a été conduite sous la contrainte. (« Bien sûr ! » sur le banc de la commission) Va-t-on la laisser partir quand elle veut ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il s'agit des cas de flagrance !

M. Jacques Mézard.  - Elle sera placée en garde à vue !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Non ! Elle sera déférée, ou convoquée !

M. Jacques Mézard.  - Quand elle le souhaite, la personne suspectée doit pouvoir faire appel à un avocat. Là est le vrai problème ; vous ne l'avez pas résolu. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Comme à l'article 11, défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Perseverare diabolicum...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Demander allègrement à être placé en garde à vue est un non-sens. La garde à vue est une privation de liberté ! Je vous croyais attachés à la notion de liberté...

La garde à vue, c'est d'abord la privation de liberté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Eh oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les contreparties sont l'assistance d'un avocat, le droit de prévenir les proches. Il ne faut surtout pas banaliser la garde à vue.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce sont les flagrants délits !

Mme Virginie Klès.  - Puisque nous sommes dans un dialogue de sourds (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, marque son agacement), répétons ce que nous disons depuis le début : toute personne entendue doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si on ne place pas la personne interpelée en garde à vue, pourquoi la retenir ? Elle sera convoquée plus tard, c'est tout !

M. Jacques Mézard.  - Nous entendre accusés de vouloir augmenter le nombre de gardes à vue par un gouvernement qui y place 800 000 Français chaque année, c'est un peu fort de café ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) La vérité est que ce projet de loi est rendu nécessaire par les dérives constatées dans la procédure.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Depuis cinquante ans !

M. Jacques Mézard.  - Si vous voulez ! Je note cependant que le mouvement s'est accéléré ces dernières années... Notre procédure pénale restera fragile tant que l'avocat ne pourra pas assister à l'audition. Le problème de l?article 11 bis, c'est celui-là. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est faux !

L'amendement n°133 rectifié n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

Article 12

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes pour l'abrogation des régimes dérogatoires au droit commun en matière de garde à vue. Ce serait plus conforme à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La CNCDH l'a souligné. De fait, les exceptions à la règle sont légion ; on n'a cessé depuis des années de prendre prétexte du terrorisme pour justifier le durcissement de l'arsenal répressif. Le juge Thiel a évoqué une extension insidieuse et Mme Mireille Delmas-Marty a souligné à raison l'impact indirect des attentats de 2001 sur notre procédure pénale. La loi du 5 janvier 2011, en son article 5, prévoit un nouveau régime dérogatoire en matière de lutte contre la piraterie. Il faut se souvenir que les personnes interpelées dans l'affaire de Tarnac ont été placés en garde à vue pour pas moins de 96 heures -avant d'être relâchées en raison de la fragilité de l'accusation.

Les régimes dérogatoires portent une atteinte disproportionnée à la présomption d'innocence, quelle que soit la gravité de l'infraction.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 706-88 du code de procédure pénale est abrogé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je l'ai défendu.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Le sixième alinéa de l'article 706-88 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A la première phrase, les mots : « , à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure » sont supprimés ;

2° La seconde phrase est supprimée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'intervention de l'avocat ne doit pas être différée. Si le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur les régimes dérogatoires, ses conclusions doivent aussi s'appliquer. Plus l'infraction est grave, plus l'avocat est nécessaire. L'affaire de Tarnac a bien illustré les risques de qualification abusive...

M. le président.  - Amendement n°134 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéas 3 à 6

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Mézard.  - La logique est de ne plus restreindre l'accès à l'avocat, d'autant que la personne, dans le cadre des régimes dérogatoires, est placée pour de longues heures en garde à vue. L'affaire de Tarnac a montré que la qualification initiale des faits n'avait rien d'anodin ; elle détermine le régime juridique applicable. Or la garde à vue ne peut être un pré-jugement. Quelque dix-sept infractions justifient les régimes dérogatoires. La présence d'un défenseur n'altérera pas le travail de l'enquête. Enfin, les avocats seront choisis sur une liste. Bref, tout concours à la présence de l'avocat !

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

1° Première et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

2° Deuxième phrase 

Rédiger ainsi cette phrase :

Le report de l'intervention de l'avocat est décidé dans les limites fixées au sixième alinéa par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République ou du juge d'instruction lorsque la garde à vue intervient dans le cadre d'une commission rogatoire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Selon la Cour de Strasbourg et la Cour de cassation, seule une raison impérieuse, qui ne peut découler de la seule nature de l'infraction, peut justifier une restriction au droit du gardé à vue d'être assisté d'un avocat dès le début de la garde à vue. Le report ne peut être qu'exceptionnel et autorisé par le JLD.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, établie par le conseil de l'ordre de chaque barreau

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les modalités d'application de l'alinéa précédent sont définies par décret en Conseil d'État. »

M. Jacques Mézard.  - Dans les cas de terrorisme, la liste des avocats habilités doit être établie par les différents conseils de l'ordre, et non par le conseil national des barreaux. En quoi ce dernier est-il compétent en l'espèce ? La disposition proposée, inspirée de l'expérience espagnole, est sage. Nous voulons simplement l'améliorer.

M. le président.  - Sous-amendement n°181 à l'amendement n°135 rectifié de M. Mézard, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3 de l'amendement n° 135 rect. bis

Remplacer les mots :

par le conseil de l'ordre

par les mots :

par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l'ordre

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous proposons un compromis : les avocats seront choisis sur une liste établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l'ordre de chaque barreau.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 63-5, 63-6, 63-7 et 63-8 sont applicables à toute la durée de la procédure. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les règles du procès équitable et du respect du droit à la dignité doivent impérativement s'appliquer aux régimes dérogatoires. Pour la Cour de cassation, le régime dérogatoire prévu par le septième alinéa de l'article 63-4 et l'article 706-88 est contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Les régimes dérogatoires se justifient par la complexité et la gravité des affaires concernées. Le Conseil constitutionnel les a jugés conformes en 2004. La CEDH les reconnaît également, à condition qu'ils fassent l'objet d'un contrôle effectif. C'est le cas en droit français. En outre, ce texte apporte des améliorations : le report de la présence de l'avocat devra être motivé au cas par cas. Supprimer les régimes dérogatoires nuirait considérablement au travail d'enquête dans les affaires de délinquance organisée et de terrorisme. Rejet de l'amendement n°50.

Quant aux amendements nos52, 134 rectifié et 97, je rappelle que le report de la présence de l'avocat ne sera plus automatique mais devra être justifié au cas par cas en fonction des circonstances de l'espèce. Le texte respecte les exigences de la Cour de cassation et de la CEDH. Défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°97 : le délai de 24 heures est inférieur aux quatre jours évoqués dans la jurisprudence européenne.

La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°135 rectifié bis. Dans un souci de compromis avec l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé une rédaction qui, à titre personnel, me semble acceptable : les conseils de l'ordre feront des propositions ; le Conseil national des barreaux arrêtera la liste.

Rejet de l'amendement n°51 : tout ce qui vaut pour les régimes de droit commun en matière de dignité vaut pour les régimes dérogatoires, cela va de soi. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le Gouvernement considère indispensable de maintenir les régimes dérogatoires pour lutter contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants ou le terrorisme. Ils ont prouvé leur efficacité, les supprimer est inenvisageable. D'autant qu'aucune juridiction ne le demande et qu'ils sont strictement encadrés ; ne privons pas l'État de cette arme que la Cour de cassation et la CEDH ont jugée valide. Favorable à l'amendement n°135 rectifié bis que le Gouvernement sous-amende ; rejet des autres amendements.

L'amendement n°50 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos52, 134 rectifié et 97.

M. Jacques Mézard.  - Le sous-amendement n°181 ne résout pas tous les problèmes. Initialement, le texte proposait une liste nationale établie par le conseil national des barreaux, sans consultation des conseils de l'ordre locaux. Quelle est la compétence du conseil national en la matière ? Comment cet organe de 80 personnes pourrait-il établir la liste ?

Notre souci est que figurent sur cette liste des avocats reconnus par leurs pairs dans chaque barreau, qui ont l'expérience des affaires difficiles. Seuls les conseils de l'ordre, qui ont la compétence disciplinaire, peuvent y parvenir. En France, je ne connais pas d'avocats spécialisés dans les affaires de terrorisme, mais j'en connais auxquels on peut faire confiance pour défendre leurs clients dans l'intérêt général et le respect des règles... Mon amendement est la solution de sagesse. Et ce décret en Conseil d'État m'inquiète un peu...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Une liste arrêtée par le conseil national des barreaux est une garantie supplémentaire. Les conseils de l'ordre feront des propositions. C'est le sens du sous-amendement du Gouvernement. Vous devez donc, monsieur Mézard, être rassuré. Et le décret en Conseil d'État est dans votre amendement...

Le sous-amendement n°181 est adopté.

L'amendement n°135 rectifié bis, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

L'article 13 est adopté.

Les amendements nos136 rectifié, 137 rectifié et 138 rectifié sont devenus sans objet.

L'article 14 est adopté.

Article 14 bis

M. le président.  - Amendement n°139 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5

Après les mots :

d'une peine

insérer les mots :

supérieure ou égale à trois ans

M. Jacques Mézard.  - Le Conseil constitutionnel a exigé du législateur, dans sa décision du 22 septembre 2010, qu'il remédie au déséquilibre entre prévention des atteintes à l'ordre public et préservation des droits de la défense en matière de retenue douanière. Par cohérence, nous souhaitons que la retenue douanière soit subordonnée à la commission d'un flagrant délit douanier puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Par analogie avec la garde à vue, la commission considère que réserver la retenue douanière aux faits encourant une peine de trois ans n'est pas justifié. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous avons aligné la retenue douanière sur la garde à vue, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel. Rejet.

L'amendement n°139 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Je défends simultanément les amendements nos53 et 55. Nos réserves sur la garde à vue valent pour la retenue douanière : son contrôle doit être confié à un juge du siège ; elle doit être limitée à 24 heures ; l'avocat doit intervenir dès le début de la privation de liberté. La Charte des douaniers fait d'ailleurs mention du droit à l'assistance d'un conseil.

M. le président.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

I. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République

par les mots :

par une décision motivée du juge des libertés et de la détention

II. - Alinéa 8

Remplacer les mots :

L'autorisation est accordée

par les mots :

La décision est rendue

M. Jacques Mézard.  - Cette défense vaudra pour l'amendement n°141 rectifié. Nous faisons du JLD le magistrat référent de la retenue douanière.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

M. Alain Anziani.  - Toujours la même logique...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Rappelons que nous parlons d'infractions lourdes qui confinent avec la criminalité organisée -contrebande, blanchiment, défaut de déclaration de transferts de capitaux... Les enquêteurs ont besoin de moyens pour travailler. Dans ces affaires, une retenue limitée à 24 heures est irréaliste ! En deçà de 48 heures, le contrôle de la retenue est confié au procureur, qui devra motiver par écrit la prolongation au-delà de 24 heures ; au-delà de 48 heures, celle-ci devra être autorisée par le JLD. Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis pour les raisons déjà évoquées.

L'amendement n°54 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos140 rectifié et 98.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°141 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Il est défendu.

Les amendements identiques n°s53 et 141 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°172, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

Alinéa 14

1° Première phrase

Remplacer les mots :

un proche et son employeur

par les mots :

un proche ou son curateur ou son tuteur, de faire prévenir son employeur

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsque la personne placée en retenue douanière est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.

L'amendement de coordination n°172, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°142 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Rien ne justifie que puisse être différée l'assistance de l'avocat. En matière de retenue douanière, cette limitation des droits paraît complètement disproportionnée !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos55 et 142 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 14 bis, modifié, est adopté.

L'article 14 ter est adopté.