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Table des matières
Contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions
Loi de finances pour 2010 (Suite)
SÉANCE
du jeudi 19 novembre 2009
30e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, Mme Sylvie Desmarescaux.
La séance est ouverte à 11 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Loi de finances pour 2010
M. le président. - Le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale, m'ayant été transmis par M. le Premier ministre, l'ordre du jour appelle son examen.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que ce projet de loi, dont la commission des finances est saisie au fond, est envoyé pour avis à leur demande à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.
Discussion générale
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Face à une crise économique sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale, le Gouvernement veut être un acteur majeur de la reprise escomptée en 2010. Il faut agir plutôt que d'attendre un redémarrage providentiel de l'activité : ce budget se situe donc dans le prolongement de notre stratégie passée.
Il y a un an, notre priorité était d'éviter l'effondrement du système financier et de l'activité économique ; la même ambition a animé les collectifs budgétaires successifs. Aujourd'hui, il s'agit de préparer la sortie de crise et le renouveau de la croissance, par ce PLF comme par le PLFSS. Trois grandes décisions ont été prises pour lutter contre la crise : secourir les banques, accepter la diminution des recettes fiscales, relancer l'économie par l'investissement et la consommation. Les critiques formulées par l'opposition contre le plan de relance, prétendument mal bâti et coûteux, se sont révélées sans fondement. (On le conteste à gauche) Aujourd'hui, nous nous portons mieux que nos voisins : alors que l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni connaîtront cette année une récession de l'ordre de 4,5 ou 5 %, le PIB de la France ne reculera que de 2 %. (M. François Marc se récrie)
Même si l'avenir n'est pas assuré et si la situation de l'emploi est préoccupante, notre gestion en 2009 a été efficace : nous avons soutenu la consommation, limité la baisse de l'investissement, mené une politique de sauvetage des banques proportionnée au danger, qui a rapporté 1,4 milliard d'euros au budget de l'État.
Certes, le déficit de l'État s'est creusé de manière impressionnante : il devrait atteindre 141 milliards d'euros en fin d'année. Mais cette dégradation est due pour l'essentiel à la crise. Pour ce qui est des dépenses, nous avons tenu nos engagements : les dépenses hors plan de relance ont même connu une légère baisse par rapport à 2008 et sont inférieures aux crédits votés dans le cadre de la dernière loi de finances. Ce sont les ressources qui ont fondu : l'État a perdu 53 milliards d'euros de recettes fiscales, dont 30 milliards issus de l'impôt sur les sociétés : c'est considérable. Rappelons qu'en temps normal, les recettes augmentent de 10 à 12 milliards d'euros chaque année.
Au sujet de la sécurité sociale, le même constat s'impose : le déficit de 23,4 milliards d'euros est dû pour moitié à la crise. L'objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté en 2009 est presque atteint : les dépenses ne devraient augmenter que de 3,3 ou 3,4 %.
Qui pourrait se satisfaire d'un déficit atteignant 8 % du PIB ? Mais regardons autour de nous : alors que la dégradation des déficits est de sept points dans l'ensemble des pays industrialisés et de six points dans l'Union européenne, elle n'est que de 5,5 points en France, ce que confirment le FMI et la Commission européenne. Notre position relative s'est donc améliorée, ce dont témoigne l'augmentation du prélèvement sur recettes en faveur de l'UE.
Cependant, la situation reste fragile. Notre défi en 2010 sera de sortir durablement de la crise. Les mesures du plan de relance, dont le coût s'est élevé à 39 milliards d'euros en 2009, n'avaient pas originellement vocation à être reconduites en 2010 ; mais si nous y mettions fin brutalement, cela risquerait de mettre un coup d'arrêt à la reprise. C'est pourquoi les crédits de la mission « Relance » se montent encore à 4,1 milliards d'euros. Sont notamment prévues des mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi dans le cadre du Fonds d'investissement social et des exonérations de charges pour les nouvelles embauches dans les petites entreprises. Afin de soutenir le secteur automobile, la prime à la casse sera prorogée mais progressivement réduite. Pour subvenir aux besoins de trésorerie des entreprises, diverses mesures comme le remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche seront maintenues.
Ces choix ont été longuement pesés. L'année 2010 sera une année charnière : il faut en tenir compte dans l'élaboration de notre budget. Les dernières réunions du G20 ont fait émerger un consensus sur la nécessité des politiques de relance.
La fin progressive du plan de relance conduira à une diminution de 25 milliards d'euros du déficit de l'État, qui passera en 2010 de 141 à 116 milliards. Les 16 milliards qui nous manquent pour franchir la barre symbolique des 100 milliards d'euros, c'est le coût des mesures indispensables pour sécuriser la reprise : crédit d'impôt recherche, suppression de la taxe professionnelle.
Restent quelques mois difficiles sur le front du chômage, même si la stabilisation au troisième trimestre est une bonne nouvelle. Cette situation pèse sur les rentrées de cotisations sociales. En dépit des efforts pour maîtriser les dépenses d'assurance maladie, le déficit du régime général atteindra 30,6 milliards d'euros ; celui des administrations sociales passera de 1,4 % à 2,3% du PIB. Au total, les déficits publics représenteront 8,5 % du PIB ; si l'on exclut le surcoût 2010 de la réforme de la taxe professionnelle, le solde est au même niveau que l'année dernière.
La dette publique atteint 84 % du PIB, soit plus de 20 points au-dessus de son niveau de 2007, progression comparable à la moyenne de la zone euro et inférieure à ce qu'elle est aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon.
Ceux qui pensent qu'on peut encore augmenter les impôts se trompent lourdement ; ce serait conduire la reprise dans une impasse. Croire, dans le pays qui est au cinquième rang mondial pour le niveau des prélèvements obligatoires, qu'on peut ainsi faire revenir les recettes est une hérésie économique et politique. Le Gouvernement ne soutiendra aucune mesure qui irait dans ce sens, d'autant que depuis 2007, les impôts ont été réduits de 16 milliards d'euros, dont 10 au bénéfice des ménages.
Mme Nicole Bricq. - Lesquels ?
M. Éric Woerth, ministre. - Tout le budget repose sur une conviction : il faut tout faire pour encourager le retour de la croissance et poursuivre avec vigueur l'action de resserrement de la dépense. Réformes structurelles pour booster la croissance, réformes structurelles pour réduire la dépense, voilà le chemin. Le Gouvernement propose ainsi quatre orientations cohérentes et d'abord une réforme fiscale de grande ampleur, dont Mme Lagarde vous parlera. Puis une priorité donnée à la formation et à l'économie de la connaissance, avec par exemple 1,8 milliard d'euros supplémentaires pour l'enseignement supérieur et la recherche, ou l'intégration du plan Jeunes pour 500 millions d'euros. Nous entendons aussi tout faire pour valoriser le travail. C'était la ligne directrice de la campagne du Président de la République, c'est la ligne qui guide l'action du Gouvernement. Il s'agit par exemple de rétablir l'équité en taxant les revenus de remplacement comme ceux du travail ; le Gouvernement a ainsi accepté l'amendement déposé à l'Assemblée nationale pour fiscaliser les indemnités journalières (Exclamations sur les bancs socialistes, où l'on trouve la mesure honteuse)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Le Sénat s'est déjà prononcé favorablement à deux reprises sur le sujet !
M. Éric Woerth, ministre. - Ces mesures d'équité ne méritent pas la caricature politique qui en est faite. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche) L'élargissement du financement de la protection sociale par les revenus du capital procède de la même logique.
Le Gouvernement agit également pour une croissance plus verte, en déplaçant une part de la fiscalité de la production vers la pollution, en ajustant les dispositifs fiscaux pour encourager les comportements écologiquement responsables. Favoriser le retour durable de la croissance, c'est aussi continuer à réformer le capitalisme (marques d'ironie à gauche) afin que les erreurs du passé ne se reproduisent pas. Nous poursuivons résolument la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude.
Du coté des dépenses, le comportement de l'État en 2009 a été exemplaire. (Mouvements divers à gauche) Malgré la violence de la crise, nous avons tenu nos deux objectifs, stricte maîtrise des dépenses de l'État et la plus forte maîtrise des dépenses d'assurance maladie depuis 2007. L'effort doit se poursuivre sans relâche. Les dépenses de l'État en 2010 ne progresseront pas plus vite que l'inflation, alors que l'hypothèse d'inflation est plus faible que dans le budget triennal ; que la crise nous conduit à augmenter certains postes par rapport à ce dernier, notamment pour l'emploi et les dotations sociales ; qu'enfin les charges contraintes progressent, notamment les pensions, d'1 milliard, et le prélèvement au profit de l'Union européenne, de 600 millions. Un effort encore plus exigeant est donc nécessaire sur les autres dépenses. Les effectifs de l'État diminueront de 34 000 postes en 2010, dont 16 000 à l'éducation nationale et 8 250 à la défense. Entre 2007 et 2010, nous aurons supprimé 100 000 postes dans la fonction publique d'État : c'est une économie brute de 3 milliards d'euros.
Les dépenses de fonctionnement diminueront en valeur de 1 % grâce à des réformes structurelles dans tous les ministères et la réduction du train de vie de l'État, dont témoignent les bons résultats de la politique immobilière. Enfin, les dotations aux collectivités locales augmenteront de 0,6 % -la DGF de 0,9 % et le FCTVA de 6 %.
Au-delà de 2010, je confirme l'analyse que j'avais faite lors du débat d'orientation budgétaire. La stratégie du Gouvernement doit permettre de réduire le déficit d'un point de PIB par an, ce qui sera possible avec un taux de croissance de 2,5 % à partir de 2011 et une augmentation de la dépense publique de 1 % en volume -l'amélioration sera même supérieure à un point en 2011 avec l'extinction du plan de relance et la disparition du surcoût de la réforme de la taxe professionnelle. La clé du succès réside dans notre capacité à booster la croissance grâce à la poursuite de réformes structurelles, autonomie des universités, loi de modernisation de l'économie, travail du dimanche, réforme de la taxe professionnelle... Autant de réformes qui transforment la société française et augmentent ses chances pour demain. Le grand emprunt se situe dans ce cadre. La détermination du Gouvernement est totale pour poursuivre les réformes en 2010, qu'il s'agisse de la modernisation du système hospitalier ou de la réorganisation administrative.
Certains veulent que nous allions plus vite ; Bruxelles souhaite que nous revenions sous les 3 % de PIB en 2013. Les objectifs ambitieux n'ont de sens que s'ils ne sont pas hors de portée... Nous débattons avec la Commission, si nous pouvons aller plus vite, nous le ferons. En matière de déficit, il faut descendre une marche après l'autre, sauf à tomber dans l'escalier de la crise.
Le budget 2009 était de gestion de crise ; celui de 2010 sera de gestion de sortie de crise. La reprise reste fragile, il faut tout faire pour la consolider. Ce qui impose de ne pas céder à la facilité de l'augmentation des impôts. Le Gouvernement a choisi une voie plus difficile mais bien plus prometteuse. MM. Juppé et Rocard vont remettre au Président de la République leurs conclusions sur le grand emprunt ; celui-ci illustre la volonté du Gouvernement de privilégier l'investissement : il ne sera en aucun cas un prétexte à l'augmentation des dépenses mais permettra d'accélérer la compétitivité de notre économie en sélectionnant des investissements à très forte rentabilité. Mais nous en reparlerons. Lorsque les modalités de l'emprunt seront décidées, le Parlement sera évidemment appelé à se prononcer sur son contenu dans le cadre d'un collectif budgétaire. (Applaudissements à droite ; M. Aymeri de Montesquiou applaudit aussi)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Je ne répéterai pas ce que M. Woerth vient de dire excellemment, j'insisterai sur les deux axes de notre politique économique : l'investissement et l'emploi.
M. Charles Revet. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Cette politique, que nous avons menée en 2009, a porté ses fruits : nous faisons deux fois mieux que la moyenne de la zone euro. Nous sommes certes dans le négatif, avec - 2 %, mais la moyenne est à - 4 et l'Allemagne est à - 5. Notre plan de relance a porté ses fruits. Le tiers est d'ailleurs allé aux ménages modestes : 14 milliards sur 45.
Cela ne signifie certes pas que nous devrions perdre de vue les grands équilibres financiers ; leur restauration doit être un de nos objectifs à long terme. Pour un retour de la croissance en 2010, nous avons un élan plus fort que nos partenaires : notre taux d'activité a été supérieur ces deux derniers trimestres.
Notre plan de relance, engagé grâce au grand travail fourni par les parlementaires, avait un volet relatif aux banques, qui étaient atteintes de thrombose. Nous voulions renforcer leurs capacités par des prêts. Certains considèrent que nous aurions dû faire de la plus-value. C'était effectivement une hypothèse possible mais nous avons considéré que nous n'avions pas à spéculer avec l'argent des Français. En revanche, bien sûr, ces prêts ont rapporté des intérêts : 1,4 milliard sont ainsi rentrés dans les finances publiques et nous devrions encore en percevoir en 2010. La plupart des établissements bancaires ont d'ores et déjà remboursé leurs emprunts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Notre budget est bâti sur une hypothèse de croissance de 0,75 %. Certains trouvent cette prévision exagérément conservatrice. C'est qu'ils ne regardent que l'Hexagone, alors que nous prenons en compte l'environnement international. Notre économie ne tourne pas en vase clos ! Le moteur de l'investissement fonctionne avec un seul cylindre sur deux : l'investissement public a tenu, pas le privé. Il faut maintenant que la croissance internationale le tire. Or, si la Chine, la Malaisie et les autres « dragons asiatiques » devraient avoir des taux de croissance élevés, il n'en va pas de même aux États-Unis, dont la croissance sera trop faible pour tirer l'économie mondiale. Voilà pourquoi nous nous en tenons à une prévision de 0,75 % même si la Commission européenne prévoit 1,2 % et l'OCDE 1,4. Ne révisons pas dès maintenant nos hypothèses !
Il y aura forcément un décalage entre le rebond de la croissance et les créations d'emplois. Ce décalage doit être géré avec une politique d'emploi très ciblée, solide et financée. C'est pourquoi nous maintenons notre dispositif zéro charge pour les TPE qui créeront des emplois d'ici le 30 juin : toute création d'emploi avant cette date donnera lieu à une exonération de charges pendant douze mois. Ce dispositif a permis de créer 500 000 emplois depuis le début de l'année et nous espérons arriver à 700 000.
Autre mesure très efficace : le soutien au chômage partiel, qui a concerné 319 000 personnes au deuxième trimestre, soit deux fois plus qu'au premier. Les Allemands ont un taux de chômage inférieur au nôtre grâce à ce mécanisme qui favorise la formation professionnelle et permet d'éviter des ruptures. Depuis le 1er avril, les partenaires sociaux ont renforcé la convention de reclassement personnalisé destinée à accompagner la reconversion des salariés en situation de licenciement économique. Ces conventions assurent un très haut niveau d'indemnisation des salariés dans ces conditions. Pour 25 bassins d'emploi particulièrement touchés par la crise, le contrat de transition professionnelle permet une meilleure indemnisation des licenciés économiques. J'ai encore quinze cartouches utilisables puisque le Parlement a voté un amendement en ce sens.
Vous voyez donc que l'emploi est notre objectif principal. Nous espérons une consolidation du mouvement de reprise observé fin 2009 mais ses effets ne se feront sentir sur l'emploi que courant 2010.
J'en viens à la taxe professionnelle. (Mouvements d'intérêt) Notre objectif est d'abord économique. Vous êtes nombreux à partager ce point de vue.
Mme Nicole Bricq. - Non !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Nous voulons lever tous les obstacles à la création d'emplois. Pas une seule entreprise ne doit pouvoir utiliser l'alibi de la taxe professionnelle pour délocaliser. Pas un seul investisseur étranger ne doit pouvoir dire que la taxe professionnelle l'a dissuadé d'investir en France.
Mme Nicole Bricq et M. Jean-Jacques Mirassou. - Personne ne dit cela !
Mme Christine Lagarde, ministre. - D'autres pays imposent plus lourdement que nous le foncier. Si vous en connaissez qui imposent l'investissement productif, présentez-les moi ! (Applaudissements sur certains bancs UMP)
François Mitterrand a qualifié la taxe professionnelle d'impôt « imbécile » ; M. Strauss-Kahn a jugé que le soutien de l'emploi exigeait qu'on supprime l'emploi de son assiette. Si l'on en supprime aussi l'investissement, que reste-t-il ? Ces vingt dernières années, l'industrie a perdu 500 000 emplois. Ce n'est pas la faute à la seule taxe professionnelle mais ça l'est aussi. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Nous ne voulons pas éliminer tout lien territorial mais remplacer la taxe professionnelle par un impôt moderne, les yeux ouverts sur ce qu'est devenu notre PIB : la part des services s'est accrue et celle de l'industrie a diminué. Il est bon que nous ayons un débat approfondi là-dessus, grâce au président Arthuis.
Nous prendrons le temps de l'erreur : le Premier ministre a annoncé une clause de rendez-vous à mi-année pour apporter des corrections à la marge.
M. Charles Revet. - Très bien, c'est important.
Mme Christine Lagarde, ministre. - L'objectif est double : soutenir l'industrie et les entreprises, créatrices d'emplois, et garantir les finances publiques des collectivités.
Nous remplaçons la taxe professionnelle par un impôt moderne, marchant sur deux jambes : la part foncière et la valeur ajoutée. Je suis prête à le voir rebaptisé. L'imposition des entreprises sera allégée de 4,3 milliards. II sera désormais moins coûteux d'investir et de créer des emplois en France.
J'espère répondre, dans le cadre d'un débat serein et technique, aux interrogations légitimes que suscite ce projet. Nous nous engageons à maintenir les recettes de toutes les collectivités territoriales (M. Charles Revet approuve), à respecter le principe d'autonomie financière, en transférant non des subventions mais des recettes fiscales pérennes et dynamiques. Les collectivités fixeront bien entendu le taux de l'imposition sur le foncier.
J'étais hier au congrès de l'Association des maires de France. Le parti pris du Gouvernement a toujours été le dialogue avec les parlementaires ; pour une réforme aussi importante, il n'y en aura jamais trop. Cette concertation a débuté il y a huit mois par la conférence nationale des exécutifs. Depuis, elle n'a pas cessé. (Exclamations à gauche) Je remercie les sénateurs qui y ont pris part et je salue le talent de M. de Montgolfier (applaudissements sur les bancs UMP), de M. Guéné (même mouvement), de M. Hervé. (Applaudissements sur les bancs socialistes et UMP)
M. Adrien Gouteyron. - Nous, nous applaudissons aussi ceux de l'autre camp !
Mme Christine Lagarde, ministre. - J'ai été auditionnée à huit reprises par le comité des finances locales et par le Parlement, j'ai rencontré les associations d'élus, les entreprises, le groupe de travail parlementaire. La cotisation sur la valeur ajoutée, souhaitée de longue date, est une initiative des élus ; le découplage entre cette cotisation et la part foncière de la taxe professionnelle, également. Les représentants des entreprises n'en voulaient pas mais nous défendons l'économie, pas les intérêts des entreprises ! (Sarcasmes à gauche)
L'Assemblée nationale a prévu que 20 % du produit de la cotisation valeur ajoutée, initialement destiné exclusivement aux blocs régions et départements, iraient aux intercommunalités.
M. Yvon Collin. - Ce n'est pas assez !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je sais pouvoir compter sur les sénateurs, qui ont à coeur de défendre les intérêts des collectivités territoriales (M. Charles Revet le confirme), pour améliorer encore le texte.
Il s'agit de faire cohabiter territorialisation et clé de répartition.
M. Charles Revet. - La péréquation, grand sujet !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je m'engage à faire simple : ce texte est trop important pour que le débat reste entre experts.
Nous voulons une croissance plus durable, d'où le choix, difficile mais stratégique, de la taxe carbone. Réduire aujourd'hui nos émissions de CO2 nous coûtera moins cher que d'assumer demain les conséquences du changement climatique. M. Borloo plaide sans relâche au niveau international pour que l'on dépasse les clivages entre pays émergents et pays développés. Nous avons donné suite à la proposition de Michel Rocard et de Nicolas Hulot pour que personne ne puisse dégrader la planète sans en connaître le prix.
Mme Nicole Bricq. - C'est raté !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Plus qu'une taxe, ne s'agit-il pas plutôt, comme l'a très bien dit votre rapporteur général dans une tribune, d'un signal prix ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument ! Ce n'est pas une taxe ! Il faut d'abord gagner la bataille des mots.
Mme Christine Lagarde, ministre. - La taxe carbone est porteuse d'un double dividende : elle restructure le paysage de nos prélèvements obligatoires en taxant moins les investissements et les revenus et plus la pollution. La méthode a fait ses preuves : le bonus-malus automobile a quadruplé les ventes de véhicules propres. Ici, le malus, c'est la taxe carbone ; le bonus, la compensation forfaitaire redistribuée aux ménages.
Nous débattrons plus avant de ces deux modifications de notre paysage fiscal, qui visent à renforcer une économie fondée sur l'investissement et l'emploi, dans une perspective durable. (Applaudissements à droite)
M. le président. - Dire que quand il vous a classée numéro un des ministres de l'économie, le Financial Times n'avait pas encore entendu votre discours !
M. Daniel Raoul. - Flagorneur !
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - J'aborderai d'abord le contexte économique et financier, entre crise et reprise, puis le projet de loi de finances lui-même, entre relance et retour à la normal, voire entre relance et rigueur : dans ma bouche, ce n'est pas un gros mot ! Il exprime seulement le souci d'une saine gestion des deniers publics qui est notre devoir.
Nous manquons de repères dans la conjoncture actuelle. Selon les macro-économistes, la courbe de l'activité serait en V, en U, en W, voire en racine carrée...
M. François Marc. - Pas en intégrale ? (Sourires)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En peu de temps, tout a changé d'échelle : le déficit, l'endettement de l'État, les bilans des banques centrales. La France ne fait pas exception : 116 milliards de déficit pour le budget de l'État en 2010, après plus de 140 milliards en 2009. Pour l'ensemble des administrations publiques, le déficit atteindrait 8,5 points de PIB en 2010 ! Nous sommes en état d'apesanteur financière.
Mme Nicole Bricq. - 140 milliards, c'est plutôt du plomb !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La dette explose mais n'a jamais été aussi légère. (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - Un bonheur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si légère même que cette légèreté est, à l'évidence, insoutenable. (Sourires et murmures flatteurs)
M. Yvon Collin. - Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - A un moment ou à un autre, les choses vont changer, l'inflation va réapparaître et les taux d'intérêt remonter. La dette n'est pas magique : elle doit être remboursée.
M. Jean-Pierre Fourcade. - « Devrait » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces remboursements pèseront demain plus lourd.
Le volume sans précédent de liquidités mises sur le marché viendra alimenter de nouvelles bulles d'actifs, qu'il s'agisse de matières premières, d'immobilier ou tout simplement de titres. On observe un décalage, incompréhensible pour l'opinion publique, entre une sphère réelle encore à la peine et une sphère financière redevenue florissante.
En revanche, la sphère financière redevient florissante. Ce constat vaut pour tout l'Occident.
Ne pouvant, au paroxysme de la crise, faire autre chose que traiter le mal par le mal, gouvernements et banques centrales ont injecté dans l'économie une quantité considérable de liquidités, ce qui, avec la structure anormale des taux d'intérêt, a suscité des comportements paradoxaux. La rentabilité retrouvée des banques repose sur l'approvisionnement généreux en liquidités à coût quasiment nul. Nous observons un effet pervers semblable sur le marché des changes, où le dollar poursuit sa baisse.
Le Premier ministre a annoncé hier que la croissance pourrait excéder 1 % en 2010, bien que la loi de finances ait été fondée -à juste titre selon moi- sur une hypothèse prudente de 0,75 %. La reprise fera surgir de nouvelles difficultés puisque les banques centrales voudront combattre l'inflation, conformément au mandat qui est le leur. Elles devront donc bientôt durcir leur politique monétaire, a fortiori si les prix de l'énergie se mettent à frémir. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les anticipations de la banque centrale australienne. Le relèvement inévitable des taux d'intérêt -même si nous en ignorons le terme- se traduit déjà dans les options négociées sur les marchés. Il augmentera la charge de la dette. Et l'on ne peut exclure qu'il devienne bien plus difficile de placer dans ces conditions une dette publique dont les titres s'arrachent aujourd'hui.
On ne peut élaborer un chemin durable en se fondant sur les conditions sans précédent que nous connaissons aujourd'hui. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve) La sortie de crise sera un moment de vérité pour les modèles économiques nationaux. On a autrefois vanté à moult reprises les modèles économiques espagnol et britannique pour leur croissance et leur rigueur. Il est clair aujourd'hui que ces pays devront inventer autre chose. Au sein de l'Union européenne, nous connaissons le nom du vainqueur : c'est l'Allemagne, notre meilleur ami et partenaire, qui a su limiter son déficit et dont les exportations bénéficieront des premiers signes de reprise dans les zones émergentes.
Le niveau exceptionnellement bas des taux d'intérêt actuels ouvre une fenêtre d'opportunité qu'il faut ouvrir à bon escient, mais sans illusion, pour améliorer notre compétitivité.
J'en viens au projet de loi de finances.
J'aborderai successivement les principales dispositions fiscales, le financement des collectivités territoriales, le signal prix -terme que je préfère à « taxe carbone »-, le grand emprunt et la bonne tenue des dépenses publiques.
Commençons par la taxe professionnelle. (Mme Nicole Bricq marque son intérêt)
A titre personnel, je n'étais pas demandeur de cet exercice.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Moi non plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Peu de collègues le souhaitaient. Mais, puisqu'il est engagé, le Sénat doit jouer son rôle : être méthodique et expliciter.
Vous avez élaboré ce texte dans des conditions particulièrement difficiles. Je rends hommage à votre travail, car votre administration n'y était pas nécessairement préparée. Vous avez agi avec discipline (sourires) pour obtenir le meilleur résultat possible.
Sommes-nous en état de comprendre le dispositif, que l'Assemblée nationale a fait évoluer dans le bon sens ?
Mme Nathalie Goulet. - Non !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Non, hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour progresser et convaincre à l'extérieur, nous avons encore besoin de débattre.
L'article 2 comporte 135 pages.
M. François Marc. - De la belle ouvrage...
Mme Nicole Bricq. - C'est clair.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ne pouvant tout analyser d'emblée, je vous sais gré d'accepter que j'applique la méthode de Descartes, dont le second principe consiste à « diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre ». (On approuve vivement à droite)
M. Adrien Gouteyron. - Excellente citation !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En traduction moderne, ici et maintenant (mouvements divers sur les bancs socialistes) : un temps, deux mouvements.
Les dispositions ayant vocation à être opérationnelles dès le 1er janvier 2010 doivent figurer dans la première partie de la loi de finances. Je pense à la suppression de la taxe professionnelle, ainsi qu'au plan de relance et de soutien à la trésorerie des entreprises -soit 11 milliards d'euros l'an prochain- fort opportunément appliqué pour la deuxième année consécutive.
Viennent ensuite les nouvelles contributions. Il faut appeler un chat un chat : la prétendue cotisation locale d'activité est en réalité une cotisation foncière des entreprises. De même, la « cotisation complémentaire » n'étant complémentaire de rien du tout, c'est une cotisation assise sur la valeur ajoutée des entreprises, avec un seuil de 500 000 euros.
Le troisième élément à traiter dans la première partie de la loi de finances concerne la compensation relais, qui permettra aux collectivités territoriales de continuer à fonctionner. La situation de crise exposant à perdre des bases d'imposition plus qu'à en gagner, geler une situation de référence peut présenter quelques avantages. Un établissement de 1 200 salariés vient de disparaître dans mon agglomération, où je fais observer à mon opposition que cette réforme nous rendra bien service. (On approuve à droite) Ce cas de figure n'a rien d'exceptionnel.
En seconde partie de la loi de finances, il faudra en premier lieu répartir les nouvelles cotisations des entreprises entre les strates de collectivités. La commission des finances n'a pas totalement arrêté sa position. Je peux néanmoins préciser que nous raisonnons à compétences inchangées car la loi de finances ne peut préjuger de ce que sera la loi réformant l'organisation territoriale de la République, même si elle doit la préparer. Si nous ne le faisions pas, vous seriez fondés à nous critiquer encore plus. (Marques d'étonnement sur les bancs socialistes) L'opposition est dans son rôle quand elle critique la majorité ! (On approuve sur tous les bancs)
Vous seriez encore plus fondés à nous critiquer si nous abordions la loi territoriale sans simulations financières.
M. Charles Revet. - Bien sûr !
Mme Nicole Bricq. - Vous n'en avez pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Or nous pourrons les établir à partir de la loi de finances de telle sorte que l'on puisse, en connaissance de cause...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Et les compétences ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ...faire jouer le curseur des compétences. D'où la nécessité de données chiffrées et méthodiques.
Ensuite, la compensation au-delà du 1er janvier 2011. Faut-il tout figer pour l'éternité des temps ?
M. Daniel Raoul. - Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce sujet devra être traité en toute transparence. En d'autres termes, comme le voulait Descartes, il faut bien comprendre ce que nous faisons.
M. François Marc. - Et du temps !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le texte qui nous est transmis repose sur trop de choix implicites. Je ne jette la pierre à personne : ce texte infiniment difficile a été réalisé en peu de temps...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ça se voit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Enfin, la péréquation. (Applaudissements à droite)
M. Charles Revet. - Elle est indispensable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout le monde, dont votre serviteur, est attaché au lien territorial. Mais plus l'assiette est territorialisée, plus les différences de la nature et de l'économie jouent, donc plus la péréquation est nécessaire...
Mme Nicole Bricq. - ...et doit être horizontale !
M. Yvon Collin. - Nationale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si la territorialisation est intégrale, il n'y a pas de péréquation ; mais si la péréquation est un égalitarisme total, intégral, voire intégriste, il n'y a plus de territorialisation.
M. Charles Revet. - Il faut viser le juste milieu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il nous appartiendra donc, qu'il s'agisse du stock ou des flux, de trouver un juste arbitrage, en prenant le temps nécessaire.
Enfin, la taxe carbone. La commission, sous l'initiative de son excellent rapporteur spécial Mme Keller, aborde ce dispositif dans un esprit constructif. Toutefois, j'attire l'attention sur le chauffage individuel, sujet que n'ont pas abordé les députés, concentrés sur le problème des déplacements, et qui risque de peser lourd dans le budget des ménages.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Le chauffage n'est plus une difficulté avec le réchauffement climatique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Même dans les Hautes-Alpes ?
Ce texte ne marque pas l'achèvement des travaux financiers de ce cycle. En janvier, madame la ministre, vous nous présenterez, avec M. Woerth, un texte relatif au grand emprunt. (« Ah ! » sur les bancs socialistes) Ce nouvel emprunt ne saurait être la session de rattrapage de dépenses tellement prioritaires qu'elles n'auraient pas trouvé place dans ce budget. L'emprunt générant des charges, il nous faudra trouver des produits porteurs de rentabilité. Or, même si les comptables ont mauvaise presse aujourd'hui, je veux rappeler que la rentabilité repose sur des chiffres et non sur des espoirs, des discours. (M. Nicolas About apprécie) J'y insiste, car l'information est indispensable pour nos partenaires et les analystes financiers. Notre dette est notée. (Mme Christine Lagarde, ministre, opine) Madame Lagarde, vous qui êtes la meilleure ministre des finances de l'Union européenne (vifs applaudissements à droite), vous savez combien il est difficile de traduire le langage français à l'international et l'opération inverse l'est plus encore. L'emprunt ne doit pas nous déprécier aux yeux de nos partenaires européens et de nos bailleurs de fonds.
Pour terminer, je tiens à souligner les efforts importants en matière de réduction de la dépense publique. Hors plan de relance et à périmètre constant, les dépenses de l'État ne progressent que de 1,1 %, soit une baisse en volume ! La loi de programmation pluriannuelle avait retenu pour 2010 un taux d'inflation de 1,75 % mais le Gouvernement a fait le choix, ce dont je le félicite, de limiter la progression de l'ensemble au taux d'inflation prévisionnelle de 1,2 % sans que cela ne remette en cause les enveloppes des missions. Ce satisfecit est, naturellement, balancé par quelques inquiétudes concernant le coût des crédits d'impôts qui devrait passer de 12,8 à 17,5 milliards de 2009 à 2010.
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faudra, à l'avenir, appliquer à la dépense fiscale la même règle qu'à la dépense budgétaire. (M. Alain Gournac, M. Alain Lambert et quelques sénateurs UMP applaudissent ainsi que M. Jean-Jacques Jégou) Soulignons que la politique de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux dans la fonction publique porte ses fruits. Nous parvenons donc à faire bouger les lignes même sur les dépenses les plus rigides tout en valorisant le travail au sein de la fonction publique.
Avec espoir, mais non sans quelques inquiétudes, la commission aborde la discussion budgétaire dans un esprit constructif et pédagogique avec pour ambition de contribuer le mieux possible à l'élaboration de la position du Sénat. (Applaudissements à droite ; M. Yves Détraigne applaudit également)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Avant d'entamer l'examen de ce texte, il n'est pas inutile de rappeler l'état d'esprit dans lequel nous abordions la discussion budgétaire l'an passé. La crise économique menaçait les équilibres sociaux de notre pays et portait en germe la ruine de notre pacte républicain. Aujourd'hui, le Gouvernement évoque, à juste titre, un budget de sortie de crise. Avec une prévision de croissance de -2,2 % du PIB pour 2009, soit la pire récession enregistrée depuis 1945, nous réalisons des performances en moyenne deux fois moins mauvaises que celles des pays de la zone euro, dont notre principal partenaire, l'Allemagne, qui connaît une contraction de son PIB de 5 %, et que celles du Japon et à peu près identiques à celles des États-Unis. Cette relative maîtrise de la situation, nous la devons à l'action énergique du Gouvernement qui a rompu la paralysie qui menaçait le système bancaire et, donc, le financement de l'économie et donné un coup de fouet indispensable à l'activité économique à travers le plan de relance. A cet égard, je veux saluer le travail tout à fait déterminant du médiateur du crédit (M. Philippe Marini, rapporteur général, approuve) qui a mis là où il le fallait, quand il le fallait, les quelques gouttes d'huile nécessaires à la survie de nos entreprises. Il nous faudra continuer de surveiller, comme le lait sur le feu, la situation car nombre de nos PME sont à la limite du dépôt de bilan.
Veillons à ce que les gestionnaires de fonds publics ne confondent pas private equity et soutien à des entreprises menacées.
Le budget de l'État, ceux de la sécurité sociale et des collectivités territoriales ont joué à plein leur rôle d'amortisseur. Les résultats sont là, incontestables. La richesse nationale a recommencé à progresser et 2010 sera une année de croissance. J'apprécie néanmoins la prudence du Gouvernement. En se situant en dessous du consensus des économistes, le budget gagne en sincérité et la Lolf en crédibilité. Il faudra néanmoins en vérifier les effets. Les déséquilibres gigantesques de nos finances publiques ont en effet été accentués. M. Woerth veut tenir les dépenses. Hors plan de relance et charges ponctuelles, les dépenses progressent de 1,1 %, soit une très légère réduction en valeur. Il faudra être attentif aux dépenses fiscales. Mais le passé, mais le passif accumulé ?
Nous avons le devoir d'envisager un scénario dans lequel notre potentiel de croissance serait durablement entamé : 2 % hier, 1 % aujourd'hui, et demain ? Un nouveau coup de torchon a été donné sur des pans entiers de notre industrie et l'on ne peut exclure des pertes pérennes de recettes d'impôts, notamment d'impôt sur les sociétés. En 2009, elles ne couvriront que 60 % des dépenses et le déficit, qui atteindra 140 milliards, sera de 110 milliards l'an prochain. A ce niveau de déficit, nous n'amortissons pas la dette qui vient à échéance. Pour l'éteindre en cinquante ans, il faudrait dès 2011 voter un budget en équilibre. Les marges dégagées par la revue générale des politiques publiques comme par le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux sont insuffisantes. Notre déficit atteindra 8 % du PIB et la Commission européenne nous somme de revenir à 3 % d'ici 2013. Le Gouvernement envisage 2014. Puisse-t-il avoir raison car serons-nous crédibles si nous différons les mesures structurelles qu'impose la situation de nos finances publiques ? J'approuve par avance la stratégie annoncée par le Premier ministre pour réduire les déficits publics. Avons-nous d'autre choix que de souscrire à cette ambition ? L'heure de vérité pourrait d'ailleurs sonner dans les prochains mois avec le retour des emprunts à moyen et long termes et la fin des emprunts à court terme à des taux anormalement avantageux. Quand on emprunte à moins de 0,4 %, les dettes augmentent mais pas leur charge. Quelle performance ! Reste qu'un quart de point d'augmentation des taux alourdira la charge de la dette de 600 millions en un an et de 3,75 milliards sur dix ans.
Dans ce contexte, le projet de budget ne doit pas viser que la sortie de crise mais ambitionner d'être porteur d'espoir et de préparer l'avenir. Le grand emprunt, qui sera traité dans un prochain collectif, relève des mêmes impératifs et d'enjeux identiques. Cependant, face à cette nouvelle injection de dépenses publiques, je ne peux pas ne pas avouer de fortes réserves devant le complément annoncé, comme si le texte d'aujourd'hui était incomplet. Pourquoi ne pas l'avoir inscrit dans le projet que vous défendez aujourd'hui ?
Notre appréciation porte sur un seul point : ce projet est-il de nature à améliorer la compétitivité des entreprises, à améliorer le cadre de vie des français, à restaurer nos finances publiques, à nous donner ce surcroît de croissance dont nous avons tant besoin et à favoriser l'emploi ? Au-delà des intentions que j'approuve sans réserve, j'éprouve quelques réticences sur la méthode. Disciple d'une méthode...
Mme Nathalie Goulet. - Cartésienne ? (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - ...je ne doute pas que nous progresserons. Le débat, du moins, rapprochera les points de vue. Il ne suffira pas d'afficher des intentions louables, il convient de rendre clair ce que nous aurons voté pour que chacun puisse rentrer sereinement dans son département et en expliquer les bienfaits. La réforme doit être lisible pour être acceptée.
Conformément à la proposition que j'ai faite à la Conférence des Présidents, nous débattrons cet après-midi de la suppression de la taxe professionnelle. Cette réforme légitime met un terme à une situation anormale car cet impôt accentue les délocalisations...
Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - ...que préparent les externalisations.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - La France a déjà perdu de nombreux emplois. Peut-on continuer ainsi ? Cet allégement au 1er janvier 2010 répond donc à une nécessité. Cependant, trois écueils n'ont pas été évités. Je me réjouis que le ministre de l'intérieur ait pu vous apporter son aide. (Mme Nicole Bricq s'exclame) La substitution partielle d'une assiette fondée sur la valeur ajoutée marque le retour des salaires dans le calcul de la contribution.
M. Jean-Jacques Jégou. - Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est le retour de la TP d'avant 1999. (M. François Marc le confirme) J'ai bon espoir...
M. François Marc. - Il ne faut pas le voter !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - ...qu'on puisse éviter ce risque de délocalisation du fait d'une charge salariale de 2,5 %.
Deuxième écueil, la réforme voulue par le chef de l'État coûte 4 milliards aux finances publiques, et 10 % du déficit l'an prochain. Enfin, sa lisibilité est faible. Ce texte abscons est difficilement abordable, même pour les parlementaires. Les élus locaux ne perçoivent pas la logique du dispositif.
Mme Nicole Bricq. - Il n'en a pas.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Si l'envoi d'une lettre d'explication a été bienvenu mais tardif, votre propos d'hier, porte de Versailles, a été convaincant.
La taxe carbone a été au coeur des réflexions de notre commission et du rapport de Mme Keller. La France accomplit ainsi un geste à la veille de Copenhague mais le taux retenu est deux fois plus faible que le prix de démarrage retenu par les experts nommés par le Président de la République.
La trajectoire d'évolution de la taxe n'est pas fixée par la loi de finances et pourtant, nous avons besoin de prévisibilité et de lisibilité. Bien que son montant soit à faible rendement et que son impact sur les habitudes de consommation reste à démontrer, nous allons certainement assister à un défilé incessant pour obtenir de nouvelles niches fiscales tant le sujet s'y prête. Je compte sur la vigilance du rapporteur général pour que nous échappions à leur multiplication : certaines niches seront justifiées, d'autres beaucoup moins.
Il reste à régler le problème évoqué en termes convaincants par le Président de la République à Nîmes : la mise en place d'un mécanisme d'inclusion de la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Cette taxe serait un contresens lourd de conséquences si nous imposions à nos entreprises des règles environnementales particulièrement contraignantes tout en laissant entrer au sein de l'Union des produits qui ne les respectent pas. (M. Adrien Gouteyron applaudit) Il y aurait délocalisation d'entreprises et d'emplois sans rien changer à la pollution, planétaire : ce serait une situation d'un ridicule absolu.
J'en viens aux impératifs qui doivent guider notre action en ces temps difficiles où la France a l'ardente obligation de trouver sa place au sein d'un monde de plus en plus ouvert.
Premier impératif : assurer la compétitivité de notre économie que la crise a soumise à si rude épreuve. Ce projet de budget y parvient-il ? Globalement oui, en dépit de ses insuffisances et des incertitudes qu'il ne parvient pas à lever. Je souhaite que les propositions de la commission des finances soient prises en compte, notamment sur la réforme de l'impôt économique local.
Deuxième impératif : l'objectif de justice fiscale est la condition indispensable de notre cohésion sociale. Une réflexion sur l'impôt serait une contribution utile au débat sur l'identité nationale.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, nous nous étions donné rendez-vous, madame la ministre, sur un point qui me tient à coeur : celui du bouclier fiscal qui demeure une mauvaise réponse apportée à un mauvais impôt, l'ISF. La crise a rendu parfaitement caduc cet instrument et même si des progrès ont été réalisés à l'Assemblée nationale sur la définition du revenu fiscal de référence, le compte n'y est pas. Vous connaissez mes propositions sur le triptyque, suppression de l'ISF et du bouclier fiscal et institution d'une nouvelle tranche d'imposition à l'impôt sur le revenu ainsi qu'une hausse du barème d'imposition des plus-values mobilières et immobilières.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'y reviendrai avec, je le souhaite, plus de succès que les années précédentes.
Il faut refonder le pacte républicain sur l'impôt et permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Le budget de 2010 peut et doit y contribuer. Du moins ferai-je tout pour qu'il en soit ainsi. (Applaudissements au centre et à droite)
Un dernier mot sur l'organisation de nos travaux : trois motions de procédure ont été déposées. La commission des finances se réunira avant la reprise pour statuer sur leur sort de telle sorte que nous puissions les examiner immédiatement après la clôture de la discussion générale et avant l'ouverture du débat sur les collectivités territoriales qui devrait commencer en fin d'après-midi, nous permettant demain après-midi d'ouvrir la discussion sur les articles de la première partie sur l'article 2 qui porte sur la suppression de la taxe professionnelle et l'institution d'une contribution économique territoriale.
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le projet d'avenant au contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour la période 2009-2012, établi en application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Acte est donné du dépôt de ce document, qui a été transmis à la commission des finances et à la commission de la culture et sera disponible au bureau de la distribution.
Loi de finances pour 2010 (Suite)
Discussion générale (Suite)
M. le président. - Je vous rappelle que la Conférence des Présidents a décidé qu'aucune intervention orale des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je serai intransigeant.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je souhaite apporter quelques réponses à la brillante intervention du rapporteur général : il nous a élevés vers des sommets littéraires qui nous ont tous réjouis ! (Sourires) Pour ce qui est de la concomitance nécessaire entre la relance, les réformes et la restauration des grands équilibres budgétaires, le Gouvernement s'inscrit lui aussi dans cette triple trajectoire.
Je n'ai pas eu l'occasion de vous remercier, monsieur Marini, pour votre excellent rapport sur la taxe professionnelle, qui contient une multitude d'informations, des tableaux, des simulations et des analyses approfondies. Le Gouvernement approuve votre suggestion de réorganiser le calendrier entre la première et la seconde partie du projet de loi de finances : cela nous donnera le temps de la réflexion. Vos propositions pour rebaptiser la contribution économique territoriale sont bienvenues. Nous cheminerons ensemble pour établir la péréquation nationale et le principe de territorialisation, dans la subtilité et la recherche de l'équilibre.
Je vous sais gré d'avoir noté que la dépense budgétaire baisse davantage que l'inflation, soit 1,2 % pour 1,1 %. Pour ce qui est de la dépense fiscale, j'ai confié à l'inspection générale des finances une mission sur les 468 niches existantes afin de s'assurer de leur efficacité et de leur adéquation à leur objectif initial. Les résultats en seront disponibles au début de l'année prochaine : nous pourrons alors juger de la nécessité d'aller plus loin que le plafonnement mis en place l'année dernière.
Monsieur le président Arthuis, je vous remercie d'avoir mentionné l'action du médiateur du crédit. Environ 63 % des dossiers ont été instruits, 8 000 entreprises ont bénéficié de son intervention, plus de 120 000 emplois ont été concernés. Vous avez également évoqué la définition de la valeur ajoutée : encadrée par un plafonnement et une cotisation minimum, elle entre déjà en compte dans l'actuelle taxe professionnelle. La réforme diminuera le poids de la taxe sur l'élément travail pour un peu plus d'1 milliard d'euros.
M. François Marc. - Vous réintroduisez la taxe sur les salaires.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Nous réintroduisons une part de taxe sur les salaires, mais en diminuant la charge qui pèse sur ces derniers.
M. Thierry Foucaud. - D'après le Gouvernement, nous serions tirés d'affaire puisque le produit intérieur brut a augmenté de 0,3 % aux deuxième et troisième trimestres. La croissance a été d'un peu plus de 1,5 milliard d'euros avec un jour ouvré de plus en 2009. Madame la ministre en semble satisfaite. Les communiqués victorieux et les satisfecit à bon compte de Nicolas Sarkozy et de quelques ministres visent à nous faire croire qu'il n'y aurait pas besoin de changer de politique gouvernementale ou de mode de gestion des entreprises, que tout a changé pour que rien ne change et que tout recommence.
Ces discours sont bien loin de la réalité vécue par les dizaines de milliers de salariés qui ont perdu leur emploi au troisième trimestre, par les centaines de milliers d'autres au chômage depuis un an et par tous ceux qui souffrent de la baisse du pouvoir d'achat et de la crise morale qui mine le pays devant le spectacle indécent de l'argent, du bling-bling et des passe-droits. La reprise se mesurera à l'aune des emplois et des salaires, et des changements qu'attendent les Français. La consommation des ménages a stagné au troisième trimestre tandis que l'investissement a continué à reculer, de 0,7 % pour les entreprises et de 2,9 % pour les ménages. La croissance s'explique par la hausse des exportations. Si rien ne change, la décroissance sera, en 2009, de 2,5 %, avec une baisse de l'investissement des entreprises de 7 % et un demi-million d'emplois supprimés.
Eric Heyer, économiste à l'OFCE, estime que les entreprises vont continuer à ajuster leurs effectifs à la baisse pour s'adapter à l'activité, regagner en productivité et restaurer leurs marges, ce qui aboutira à une reprise sans création d'emplois. Carlos Ghosn, le PDG de Renault, a déclaré : « Nous pouvons faire cette année ce que nous n'aurions jamais pu faire auparavant ». Il y a une semaine, PSA Peugeot Citroën a annoncé qu'une réduction de 10 % des effectifs du groupe en France, soit 6 000 postes, était nécessaire d'ici à 2012 pour améliorer sa productivité.
Grâce à l'injection d'argent public par milliards, les difficultés ont été de courte durée pour le secteur financier. Wall Street s'apprête à distribuer 160 milliards de bonus aux traders et dirigeants de banques d'affaires et de sociétés d'investissement ; près de la moitié des bénéfices des entreprises du CAC 40 seront transformés en dividendes. Toujours la vieille règle de la mutualisation des pertes et de la privatisation des profits !
Depuis trente-cinq ans, nous connaissons une crise durable du système économique libéral, avec de courtes phases de rémission et de longues périodes de ralentissement et de récession. Un demi-point à trois quarts de point de croissance, ce n'est pas la reprise !
La reprise ne sera une réalité que lorsque nous connaîtrons une vraie réduction du chômage, associée à de réels progrès économiques et sociaux pour l'ensemble du pays.
Méfions-nous de certains indices trompeurs : la croissance telle qu'elle a été longtemps conçue n'a pas toujours été respectueuse de l'environnement, n'a pas toujours été marquée par une juste répartition de la richesse. Mieux vaut regarder en face la réalité de la crise durable de notre économie et de notre société pour concevoir dès maintenant ce qui nous permettra, dans les années à venir, une fois le pays débarrassé des politiques libérales dont il paie chaque jour le prix, de définir une nouvelle croissance, plus juste et plus durable.
Nous avons aujourd'hui plus de 2,5 millions de chômeurs officiels -car grâce au travail statistique du Pôle emploi, la réalité est en partie masquée- et que fait-on ? On invente la taxe carbone et on supprime la taxe professionnelle. Comme si les 11,7 milliards attendus de cette mesure allaient suffire à créer les milliers d'emplois qu'attendent les habitants de notre pays ! Au fait, 11,7 milliards mobilisés pour une croissance en valeur de 10 à 15 milliards, cela fait un très faible effet levier...
Notre dette publique atteint les 1 000 milliards, et que fait-on ? On laisse courir les pertes de recettes fiscales en aménageant à la baisse le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, en laissant s'appliquer les mesures du paquet fiscal de l'été 2007 -15 milliards de pertes de recettes en année pleine-, pendant que la direction générale des finances publiques tient table ouverte pour les entreprises qui viennent récupérer les acomptes d'impôt sur les sociétés, la TVA déductible ou les multiples crédits d'impôt dont est truffée notre législation.
Il n'y a pas assez de rentrées, et que fait-on ? On défiscalise, on fait toutes sortes de cadeaux au patronat. Comment ne pas pointer, ainsi que l'a fait le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, les 20,5 milliards de bonus fiscal accordés à 6 200 grandes entreprises par la mise en place progressive de l'exonération des plus-values de long terme, véritable prime à l'externalisation et aux délocalisations ? 20,5 milliards perdus en trois ans, c'est pratiquement la somme que l'État s'apprête à lever sur les marchés financiers pour atteindre l'objectif des 35 milliards d'euros du grand emprunt.
Tout se passe comme si le Gouvernement attendait de la reprise qu'elle permette, par des effets mécaniques, de réduire les déficits et prouve par l'exemple que les choix mis en oeuvre depuis le printemps 2007, si ce n'est 2002, étaient les seuls possibles. Ce gouvernement qui a prêté, sans guère de contraintes, sans prise de participation au capital, plusieurs milliards d'euros aux banques françaises cultive la foi dans les vertus de la main invisible du marché. Foi du charbonnier, en vérité, que cette foi aveugle dans les stabilisateurs du marché.
Les demandeurs de logement, les privés d'emploi, les travailleurs précaires, les salariés stressés qui mettent parfois fin à leurs jours, les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d'emploi au débouché de leurs études vont-ils attendre que toute cette belle mécanique se mette à fonctionner ? Cette loi de finances montre que les choix du Gouvernement sont loin de prendre en compte les besoins collectifs. Suppression de la taxe professionnelle, invention de la taxe carbone, alourdissement de l'impôt sur le revenu, hausse prévisible des impositions locales, suppression massive d'emplois publics, voilà à quoi ils se résument.
Quand des milliers de jeunes peinent à trouver un emploi, 35 000 emplois publics sont supprimés, au nom d'une idéologie désormais surannée. Un système fiscal de plus en plus injuste se développe, qui pèse sur la consommation populaire et quitte de plus en plus l'entreprise, lieu de production des richesses. Que d'un même élan on supprime la taxe professionnelle et crée la taxe carbone témoigne de cette inflexion. La taxe carbone est sans doute le plus mauvais tour que l'on ait joué à la cause de l'environnement, et ceux qui en soutiennent le principe en seront bientôt comptables devant l'opinion.
M. le président. - Il est temps de conclure.
M. Thierry Foucaud. - Je ne pense pas trahir la pensée de mes collègues du groupe CRC-SPG ni les attentes que m'expriment les Françaises et les Français, les habitants de ma ville, de ma région, que je côtoie dans mon action quotidienne, en choisissant de combattre, pied à pied, les orientations qui nous sont ici proposées. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Gaudin. - (Applaudissements au centre ; M. le président Arthuis applaudit aussi) Nous vivons la crise économique et sociale la plus grave depuis soixante-quatre ans.
Le poids de l'ensemble des dépenses publiques dans le produit intérieur brut est passé de 52,7 % en 2008 à 55,6 % en 2009 et s'établira à 55,9 % en 2010. L'ensemble des dépenses publiques s'élèvera alors à 1 100 milliards pour un PIB de 1 970 milliards.
Alors que les charges publiques ont augmenté, le taux des prélèvements obligatoires a chuté. Si la crise n'a pas provoqué cette chute, elle l'a spectaculairement accélérée : 40,7 % du PIB en 2009, soit une baisse de 2,1 % en un an. Cette chute a été aggravée par des mesures fiscales non compensées à due concurrence, contrairement aux engagements. Cette année encore, les dépenses fiscales s'accroissent de 1,5 milliard pour atteindre 72,2 milliards en 2010.
Le niveau des déficits publics risque d'entraîner l'explosion de la dette. En 2010, le déficit public passera de 8,2 % à 8,5 % du PIB. La dette publique atteindra 84 % en 2010, hors grand emprunt. En trois ans, elle aura progressé de 20 points de PIB.
Face à ce constat, et pour encourager la sortie de crise, le budget que nous allons examiner est construit autour de trois axes : la poursuite de la relance autour de priorités ciblées, la maîtrise de la dépense avec un budget stabilisé au niveau de l'inflation et, enfin, une réforme de la fiscalité au service de l'investissement, de l'équité pour les ménages et du développement durable.
La création de la taxe carbone, que nous souhaiterions voir rebaptisée contribution climat-énergie est l'exemple d'une mesure fiscale incitative en faveur de l'environnement et nous la soutiendrons largement dans son principe, en proposant certains aménagements.
Le groupe de l'Union centriste, dans sa majorité, souscrit pleinement à ces louables objectifs mais n'est pas sûr que tout soit fait pour qu'ils soient atteints. Ainsi, l'efficacité et la pertinence de très nombreuses niches ne sont pas démontrées. Le bouclier fiscal, même si nous souscrivons à sa finalité, n'est pas satisfaisant dans sa forme actuelle : le plafond effectif du taux d'imposition est de fait bien inférieur à 50 %, puisque c'est le revenu fiscal, après déductions, qui est pris en compte et non le revenu réel ; la situation qui prévalait lors de sa mise en place par la loi de finances pour 2006, puis au moment de son renforcement dans le cadre de la loi Tepa, a profondément évolué ; enfin, nous ne pouvons accepter que les efforts nécessaires au redressement de nos finances publiques soient supportés par tous les contribuables sauf ceux que le bouclier protège.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien !
M. Christian Gaudin. - Pour ces trois raisons, nous vous proposerons à nouveau d'abroger conjointement l'ISF et le bouclier fiscal en compensant le manque à gagner par la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Notre fiscalité y gagnerait en simplicité, et surtout en équité.
Il nous faut, aujourd'hui, des solutions mais aussi de l'inspiration. L'exemple de nos voisins en est une source. Celui du Japon nous montre ainsi qu'il est, hélas, possible de passer de 100 % à 200 % d'endettement. A l'inverse, doit nous animer celui du Canada, dont le Wall Street Journal annonçait en 1994 la faillite et qui a, en trois ans, résorbé un déficit public qui dépassait 5 % du PIB et, avec une dette atteignant 67 % de la richesse intérieure, a assaini en dix ans sa situation financière. Il ne s'agit pas de se chercher un modèle mais de tirer quelques enseignements.
Le premier, c'est qu'une phase que les Canadiens ont appelée de « conscientisation » doit précéder l'action, une phase qui passe par un effort concerté de lucidité et de responsabilité de la part des acteurs publics, des élus locaux, de la société civile. C'est la conviction que remettre le problème à plus tard, c'est hypothéquer l'avenir des générations futures. C'est la volonté partagée de donner aux citoyens de demain la possibilité de bâtir l'avenir de leur choix.
Cette étape exige clarté et dialogue. En organisant chaque année dans mon département un rendez-vous de proximité avec les élus et en rapprochant les élus des entreprises installées sur leur territoire, j'ai constaté que le dialogue qui se noue profite au lien social, au développement du territoire, à la compréhension mutuelle.
Pour avoir rencontré de nombreux entrepreneurs dans le cadre de mes travaux de rapporteur spécial sur le crédit impôt recherche, j'ai constaté que de nombreuses PME hésitent à y recourir par crainte de l'administration fiscale. Pourtant, il est clair que le retour de la croissance passera par une baisse des charges pesant sur les investissements des entreprises.
Parallèlement, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur la répartition des richesses. L'aide à la compétitivité des entreprises doit aller de pair avec une meilleure répartition des fruits de la création de richesse.
La « conscientisation », pour les collectivités territoriales, implique d'accepter, en même temps que le besoin de compétitivité des entreprises, leur propre besoin de se moderniser. La suppression de la taxe professionnelle ne peut consister en une simple substitution de ressources ; il faut réformer en profondeur. Figer la situation actuelle, avec ses anomalies, ses inégalités, serait une erreur grave.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, une telle décision ne peut être prise à l'emporte-pièce. J'approuve donc la procédure en deux temps et la clause de revoyure : il faudra réexaminer la répartition des ressources entre les collectivités lorsque leurs compétences auront été redéfinies. La responsabilisation des collectivités et la rénovation de leur autonomie financière passent par des mesures fiscales mais aussi par la maîtrise de leurs dépenses : nous défendrons un amendement pour que les décisions qui leur imposent de nouvelles dépenses soient soumises à l'approbation des associations représentatives d'élus locaux.
Après la prise de conscience viendra l'action : ni baisse indiscriminée des dépenses, ni poursuite de la chimère qui consisterait à dépenser toujours plus en levant toujours moins d'impôts. Il faudra revenir à la discipline budgétaire.
Nous sommes en train de sortir de l'ornière. Le succès ne sera ni facile ni rapide, mais rien n'est plus encourageant que de l'apercevoir au bout du chemin. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions ; M. François Marc applaudit aussi)
Mme Nicole Bricq. - Un budget s'apprécie en fonction du contexte macro-économique, du schéma général des finances publiques et des orientations fiscales du moment. Celui-ci est fondé sur une hypothèse de croissance prudente de 0,75 %, alors que les experts tablent plutôt sur 1,2 %. Mme la ministre de l'économie s'est d'ailleurs réjouie de la croissance de 0,3 % au troisième trimestre 2009.
Si cela signifie techniquement la fin de la récession, il ne faut pas se dissimuler la réalité. Entre 2008 et 2009, la perte de richesse pour notre pays s'est élevée à 55 milliards d'euros ; à supposer que la croissance observée en 2007 se fût poursuivie sans la crise, celle-ci nous a même fait perdre 100 milliards d'euros. La France et les Français se sont appauvris. Quels seront les ajustements de la politique gouvernementale ou, pour le dire plus trivialement : qui paiera ? A en juger par ce qui s'est passé jusqu'ici, pas les riches : la rigidité idéologique du Président de la République et du Gouvernement empêche à cet égard toute évolution.
Ce matin, Mmes et MM. les ministres se sont réjouis de constater que l'économie française se porte mieux que celle des autres pays européens. Si l'on compare notre pays à l'Irlande, qui avait fondé sa stratégie sur le dumping fiscal et la financiarisation de son économie, alors oui, la France va mieux. Mais si on le compare à l'Allemagne, la comparaison est moins flatteuse...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Allemagne s'engage dans une politique de baisse d'impôts !
Mme Nicole Bricq. - Le contexte économique morose se traduit par la hausse du chômage et la dégradation des finances publiques : le déficit atteindra 141 milliards d'euros cette année et 116 milliards l'année prochaine. M. le Premier ministre a annoncé qu'il présenterait début 2010 sa stratégie destinée à ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2014. Il est dommage que ce PLF ne soit pas l'occasion d'en débattre ! C'est un budget virtuel que nous sommes appelés à voter. (M. Woerth, ministre, proteste) L'emprunt pèsera lourdement sur les finances de l'État : le déficit dépassera 10 % en 2011, puisqu'il faudra bien y intégrer les 22 milliards d'euros annoncés. Il est vrai que nous avons déjà emprunté 252 milliards d'euros en 2009 et que nous emprunterons encore 212 milliards en 2010 : cela relativise l'importance du grand emprunt !
Les ajustements auxquels procède le Gouvernement portent sur les dépenses et non sur les recettes, avec pour seule exception... les recettes des collectivités ! La suppression de la taxe professionnelle privera ces dernières de leur principale recette et alourdira de 12 milliards d'euros le déficit.
M. Nicolas About. - C'est inexact.
Mme Nicole Bricq. - Le Président de la République a promis cette réforme au Medef lors de sa campagne de 2007 ; qu'importe alors si elle est menée dans la confusion et l'impréparation.
Ce qui n'est pas virtuel, en revanche, c'est l'acharnement du Gouvernement à défendre une fiscalité inégalitaire qui grève les recettes de l'État et prive celui-ci de toute marge de manoeuvre. Le Gouvernement a dû faire taire sa majorité qui souhaitait apporter quelques retouches au bouclier fiscal ; tout au plus lui a-t-il concédé un correctif technique dans la deuxième partie du PLF. En revanche, il a soutenu l'initiative du groupe UMP de l'Assemblée nationale tendant à soumettre à l'impôt les indemnités journalières versées au titre des accidents du travail, mesure injustifiable qui ne rapportera que 150 millions d'euros au budget de l'État alors que ses recettes ont été amputées de 3 milliards par la baisse de la TVA dans la restauration, consentie sans contrepartie ! (Marques d'approbation à gauche) Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que ce régime fiscal était une « anomalie » ; mais c'est toute la politique fiscale menée depuis 2002 qui constitue une anomalie ! Le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, initiateur de cette pitoyable mesure, la défend au nom de « l'équité » : il n'a pas froid aux yeux ! Toute notre fiscalité est inique ! Parmi les 500 niches fiscales, il en est une que M. Copé connaît bien : l'exonération des plus-values sur les titres de participation, instaurée en 2004, qui a coûté 12,5 milliards d'euros en 2008 et 8 milliards en 2009. Est-il bien nécessaire d'emprunter ? Ne devrait-on pas plutôt mettre fin à ces exonérations qui privent l'État de recettes considérables ? Mais le Gouvernement remet à plus tard le réexamen des niches fiscales, dont le plafonnement s'est pourtant révélé inefficace.
La feuille de route des socialistes est claire : nous voulons rétablir l'impôt dans ses fonctions essentielles de financement de services publics de qualité et de redistribution. A l'heure actuelle, toute baisse d'impôt est inepte car elle se paie par l'endettement. Mais ce sujet est tabou ! Ce rendez-vous, nous l'aurons avec l'opinion, dont une nette majorité se sent trahie par les promesses fallacieuses de 2007.
Le tableau de la société française dressé par l'Insee est éloquent : la stagnation salariale et les inégalités de patrimoine se soldent par la baisse de la consommation et de l'investissement. La plupart des Français craignent qu'on leur demande des efforts supplémentaires, alors que les plus riches sont protégés au nom de l'« attractivité » et de la « compétitivité » du pays. Cet argument, qui avait servi à justifier la loi Tepa, nous est resservi à propos de la taxe professionnelle, qui ne sera pas remplacée par un impôt efficient. Il s'agit, dites-vous, d'un « handicap majeur à l'installation et au développement des entreprises », d'un « impôt imbécile », selon le mot de François Mitterrand.
M. Nicolas About. - Un visionnaire ! Il l'a montré à propos du mur de Berlin !
Mme Nicole Bricq. - Mais vous oubliez que sa part salariale a été abolie en 1999, ce qui s'est révélé très bénéfique pour l'emploi !
M. François Marc. - La droite veut la rétablir !
Mme Nicole Bricq. - Certes, la taxe professionnelle pénalise nos industries exposées à la concurrence internationale. Faut-il pour autant procéder à un allégement général de la fiscalité des entreprises, présenté comme une réforme de la fiscalité locale ?
M. Albéric de Montgolfier. - Oui !
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi ne pas réarmer plutôt notre appareil productif, insuffisamment novateur et mal orienté vers les marchés extérieurs ?
Cette mesure idéologique témoigne en outre d'une profonde méfiance à l'égard des élus qui gèrent au mieux leurs collectivités. Le message subliminal du discours prononcé par le Président de la République à Saint-Dizier était le suivant : « Il y a trop d'élus et ils coûtent trop cher ». Mme la ministre, dans une formule malencontreuse, a déclaré ne pas vouloir « organiser la féodalité ». La décentralisation est-elle donc le retour de la féodalité ? Quelle injustice à l'égard des élus, souvent bénévoles, qui administrent nos 36 000 communes !
M. Nicolas About. - Ce n'est pas à eux que pensait Mme la ministre.
Mme Nicole Bricq. - Cette recentralisation par le biais de dotations d'État, au demeurant en baisse constante depuis 2002, est une régression, d'autant plus que l'État impécunieux paie ses factures à coups d'emprunt. Les taux d'intérêts sont bas pour l'instant ; qu'en sera-t-il à l'avenir ?
En acceptant le premier volet de la réforme, la majorité sénatoriale suscite l'incompréhension des élus et des citoyens. Comment répartir une recette diminuée de moitié ? M. le rapporteur général, dans un bel euphémisme, prétend que cette réforme se déroulera en « un temps, deux mouvements ». Selon moi, elle se fera plutôt en « un mouvement, deux temps » : l'assèchement des ressources des collectivités d'abord, l'étouffement du pouvoir local ensuite. (Applaudissements à gauche) Depuis que Mme la ministre est venue défendre la suppression de la taxe professionnelle devant notre commission, le 9 septembre dernier, son discours n'a pas varié : elle prétend que cette réforme est menée pour les entreprises, non pour les collectivités. Mais nul ne peut nier que cette taxe ait été un accélérateur puissant de la décentralisation et de l'intercommunalité. Les collectivités devront contracter leurs dépenses pour respecter l'objectif des 3 % ; on leur demandera simultanément de poursuivre leur effort d'investissement. Elles ont pourtant réduit leur dette de 9,5 % à 7,5 % en 2008, alors que celle de l'État atteint 84 % du PIB ! Leurs dépenses se montent à 11,3 % du PIB, alors que la moyenne européenne est de 12,7 %. (Marques d'impatience à droite, où l'on fait remarquer que l'oratrice a épuisé son temps de parole) Ce PLF est expérimental et hasardeux : on se prépare à revoir la répartition des ressources en fonction de la nouvelle définition des compétences des collectivités.
Avec la même opiniâtreté, le Gouvernement défend le secteur bancaire. Nous souhaitons pour notre part que le contribuable cesse d'être l'assureur des risques excessifs pris par les banquiers.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Nicole Bricq. - Je conclus. La lassitude gagne les Français, surtout ceux qui avaient cru sincèrement à la réforme et qui se détournent de celui qui prétendait l'incarner. Le vernis a craqué, ne restent que l'idéologie, la posture et le conservatisme. Le temps de l'alternance vient, une alternance qui repose sur un nouveau pacte social avec les Français, sur un pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales en vue d'assurer le financement de l'action publique. C'est à cela que nous travaillons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Michel Baylet. - La crise est aujourd'hui moins spectaculaire qu'à ses débuts, lorsque les grandes faillites bancaires avaient plongé le monde dans le souvenir cruel de 1929. Les banques, retournées à la spéculation, se sont refait une santé, parfois avec indécence, tandis que des dizaines de milliers d'entreprises mettent la clé sous la porte faute de liquidités. Ne nous voilons pas la face, cependant. Les bons indices boursiers ne sont pas le signe d'une véritable reprise, plutôt le reflet du décrochage persistant entre la finance et l'économie réelle.
La réalité quotidienne des Français est, hélas, en rapport avec une baisse de l'activité de 2 %, un chômage qui avoisine les 10 %, la pauvreté qui s'étend, en particulier chez les jeunes. La crise est profonde et durable. Moins grave que dans les autres pays de la zone euro, la récession est cependant plus grave que celles de 1975 et 1993. Le plan de relance, sans doute nécessaire à court terme, est insuffisant pour faire repartir la consommation et entraîner une vraie reprise.
Reconnaissons que, dans ce contexte, l'exercice budgétaire est difficile. Nos finances publiques sont dans un état déplorable et proche de celui de l'Espagne ou du Royaume-Uni, avec 8,5 % de déficit et un pacte de stabilité aux oubliettes -ce que Bruxelles risque de nous rappeler. Il faut certes distinguer entre ce qui relève du conjoncturel et ce qui relève du structurel mais le pilotage et les choix fiscaux du Gouvernement n'améliorent pas la situation. Depuis la loi Tepa, la politique gouvernementale consiste à distribuer des cadeaux à ceux qui n'en ont pas besoin et à mettre en oeuvre la RGPP. Avec 500 millions d'euros d'économies par an, combien de temps faudra-t-il pour éponger les 140 milliards de déficit ? A moins de supprimer des écoles, des hôpitaux et des élus qui, paraît-il, coûtent trop cher...
Alors un jour, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle. Nous y voilà ! La réforme est présentée comme une nouvelle étape d'une politique de soutien à l'investissement et à l'emploi et, comme ne cesse de le claironner le Président de la République, une réponse aux délocalisations.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il a raison !
M. Jean-Michel Baylet. - Mais tout le monde sait que délocaliser, c'est avant tout rechercher des salaires bas et des conditions de travail sans exigence sociale. Les entreprises clament que les cotisations sociales sont le premier obstacle à leur développement ! Depuis les réformes Juppé et Strauss-Kahn, on sait que les prélèvements sur les entreprises leur reviennent sous forme d'investissement des collectivités locales, infrastructures, formation ou haut débit.
Est-il opportun de programmer une telle réforme dans le contexte économique actuel ? Les collectivités locales ont pris leur part du plan de relance ; sur le terrain, nous avons plus que jamais besoin de sérénité et de clarté. Or de nombreuses incertitudes demeurent. La commission des finances a bien tenté un compromis pour calmer la grogne, mais le Gouvernement s'entête à vouloir faire passer une réforme rejetée de toutes parts ; il reste sourd aux messages que les parlementaires de tous horizons relaient sur le désarroi de milliers d'élus locaux, désarroi que chacun a pu constater au congrès des maires. Cette réforme ne sécurise pas les ressources de toutes, je dis bien toutes les collectivités locales, ne règle pas la question des dépenses de solidarité, ni pour le passé ni pour l'avenir, parce qu'elle porte atteinte à l'autonomie financière des départements et transfère sur les ménages le poids de l'impôt.
La suppression de la taxe professionnelle heurte la Constitution, en ce qu'elle fait peu de cas de son article 72-2. Certes, la taxe sera partiellement compensée par la « contribution économique territoriale » mais il manquera 10 milliards d'euros. Et pour nous les rendre, le Gouvernement a choisi de transférer des ressources d'État. Autant dire que ce choix recentralisateur nous ramène sous le régime des dotations et à une époque que nous croyions révolue depuis 1981... Autant dire qu'il entre en contradiction avec le principe de la libre administration des collectivités locales et entrave leur pouvoir fondamental de fixer et de prélever l'impôt.
Le dispositif entraîne de plus une rupture du lien contractuel entre les citoyens et leur collectivité. La recentralisation nuit au pacte qui soude les individus à leur territoire comme elle brise le lien fiscal entre l'entreprise et la collectivité. Les dotations, outre qu'elles ne sont guère dynamiques, sont une source d'insécurité pour les collectivités locales. Comment boucleront-elles leur budget au-delà de 2010 ? Comment croire à une compensation intégrale quand on fait le bilan des transferts passés ? Jamais les engagements n'ont été tenus. M. Copé, alors ministre du budget, s'était engagé, chez moi à Moissac, à une compensation intégrale du RMI-RMA.
M. Albéric de Montgolfier. - Et l'APA ?
M. Jean-Michel Baylet. - Parlons-en, de l'APA ! En 2002, dernière année du gouvernement Jospin, la répartition était comme prévu à 50-50 entre l'État et les collectivités ; nous en sommes à 30-70 ! Et l'État s'est bien gardé de prévoir la montée en charge du RSA ; avec le RMI, il a manqué 1 milliard entre 2003 et 2007 ! Quant à la charge de l'APA, elle augmente de 8 % par an... L'État n'a pas tenu ses engagements ; par quel miracle les tiendrait-il demain ?
La diversité des opinions et des idées fait la richesse de notre assemblée et de notre démocratie. Mais un consensus se dégage pour estimer que la réforme de la taxe professionnelle est une atteinte à nos équilibres institutionnels. En affaiblissant le lien avec les citoyens, en mettant les collectivités locales sous tutelle par la destruction de leur autonomie financière, le Gouvernement fait un choix profondément antirépublicain. Raison pour laquelle ce choix n'aura ni mon soutien ni celui des radicaux de gauche. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Dans une conjoncture perturbée, et après une année 2009 dramatique pour la croissance et l'emploi, le budget 2010 doit faciliter la sortie de crise et préparer l'avenir.
Je regrette tout d'abord qu'aucun signal de retour à la maîtrise des finances publiques ne soit perceptible.
Mme Nicole Bricq. - C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Un déficit de 8,5 % du PIB, une dette supérieure à 1 500 milliards d'euros, des niches fiscales et sociales de 100 milliards, voilà qui a de quoi inquiéter nos concitoyens, nos partenaires et Bruxelles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est bien vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Certes, l'hypothèse de croissance est prudente et on attend une stabilisation du chômage courant 2010. Mais il eût été opportun de ne pas renvoyer à plus tard le début des efforts de redressement. Le refus d'augmenter légèrement le taux de la CRDS ou la création de nouvelles niches fiscales compliquent la tâche de ceux qui auront à préparer le budget 2011.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - En effet !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Le grand emprunt va aggraver notre endettement et risque d'altérer l'excellente position de la France sur les marchés financiers. Il est de bon ton de se réjouir du bon fonctionnement du couple franco-allemand, si nécessaire à la construction européenne ; prenons garde de ne pas le détériorer en nous écartant trop de l'objectif du retour aux 3 % en 2012, 2013 ou 2014. Il faut avoir le courage de l'annoncer et de le faire.
En second lieu, je soutiens la courageuse réforme fiscale inscrite dans le budget 2010.
La contribution climat-énergie exprime l'engagement en faveur du développement durable, qu'il faudra faire partager à nos partenaires européens. Certes, les modalités pratiques sont complexes et nous n'en sommes qu'au début des modifications de comportement, mais cette contribution était nécessaire après le Grenelle de l'environnement. A nous de la faire accepter par nos concitoyens.
La suppression de la taxe professionnelle, instituée en 1975 pour remplacer la patente, soulève d'autres difficultés.
Mme Nicole Bricq. - Qui était au pouvoir ?
M. Jean-Pierre Fourcade. - Son existence est loin d'être la seule cause de la désindustrialisation...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Certes.
M. Jean-Pierre Fourcade. - ...mais la suppression de la base salariale par M. Strauss-Kahn a aggravé la situation. Je comprends que le Gouvernement veuille la supprimer, ou plutôt la modifier, pour soutenir l'investissement privé en sortie de crise.
Reste que cet impôt joue un rôle majeur dans la fiscalité locale et constitue le socle de l'intercommunalité. Il faut donc légiférer avec prudence. Je souhaite que le Gouvernement accepte les propositions de la commission des finances et les rendez-vous ultérieurs : la mondialisation interdit de taxer comme tels les investissements des entreprises mais la démocratie locale exige que les collectivités territoriales améliorent le cadre et les conditions de vie de nos concitoyens. (Nombreuses marques d'approbation à droite)
En troisième lieu, la question essentielle est de savoir si ce budget accompagne bien la sortie de crise.
Comme en 2009, le Gouvernement laisse les recettes fiscales se réduire comme peau de chagrin et les dépenses s'accroître conformément à la loi de finances pluriannuelle, avec un encadrement plutôt strict, notamment par les réductions d'emplois et en respectant les priorités définies.
Les hypothèses économiques ont été revues au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, mais la situation de l'emploi oblige à laisser libre cours aux amortisseurs sociaux et à laisser le déficit atteindre 70 % des recettes fiscales nettes. Du jamais vu depuis que je m'occupe de ces questions ! Dès que la conjoncture se redressera, il faudra fermer la parenthèse de cet épiphénomène.
Au demeurant, la bonne orientation des enquêtes Banque de France et Insee pour le troisième trimestre 2009 suggère que le pari de ce budget peut être gagné. C'est pourquoi je le voterai, avec le groupe UMP.
Je formulerai toutefois deux réserves : le grand emprunt ne doit pas être excessif et surtout, ses points d'application devront être bien ciblés car la politique de la semeuse serait la pire ; si les taux d'intérêt augmentaient en 2010, il faudrait immédiatement adopter des mesures d'économies compensant la charge supplémentaire.
M. Yvon Collin. - Même avant !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous devons tout faire pour éviter que le déficit n'atteigne 70 % des recettes fiscales nettes !
Le budget est un acte politique qui engage la majorité. Encore faut-il qu'elle soit lucide et courageuse ! (Applaudissements à droite)
M. Bernard Vera. - S'exprimant le 22 juin devant le Congrès du Parlement réuni à Versailles, le Président de la République a présenté la suppression de la taxe professionnelle comme le résultat d'un « choix stratégique en faveur du travail ». Évoquant ensuite la taxe carbone, il a déclaré : « plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C'est un enjeu immense. Cet enjeu écologique. C'est un enjeu pour l'emploi. »
Avec cette loi de finances, nous arrivons au grand écart entre les mots et les choix, car l'essentiel des recettes fiscales de l'État provient des droits indirects pesant sur la consommation. Le principal contributeur est le consommateur salarié : son salaire finance la protection sociale, ses achats de vie quotidienne sont ponctionnés par la TVA.
Le salaire représente l'une des destinations de la richesse créée mais les autres utilisations, comme les dividendes ou les frais bancaires par exemple, sont nettement moins mises à contribution par notre fiscalité.
Sur le plan local, il n'y a qu'un lointain rapport entre la capacité contributive et les cotisations de taxe professionnelle, de taxe d'habitation ou de taxes foncières. Pourtant, une réforme de la fiscalité locale commençant par supprimer une ressource majeure ne présage rien de bon.
Les enjeux écologiques sont fort éloignés de la taxe carbone, qui ne touchera au début que les ménages et les collectivités territoriales. On peut prévoir que ce nouvel impôt va croître et embellir, mais sans rapport avec la cause de l'environnement dont le Gouvernement ne se préoccupe guère, lui qui ponctionne régulièrement les crédits destinés aux alternatives à la route.
Demain, la taxe carbone gagera de nouveaux cadeaux fiscaux aux entreprises et aux ménages les plus aisés, pour « alléger la fiscalité du travail » ! Mais pour vous, moins taxer le travail ne signifie pas augmenter les salaires car vous privilégiez la participation et l'intéressement. La cause du travail ne préoccupe pas un gouvernement dont les choix sont dictés par celle du capital.
La suppression de la taxe professionnelle n'est que l'une des plus anciennes revendications du Medef, une de plus qui aura force de loi. Et les milliards gaspillés dans cette affaire conduiront encore le Parlement à la même litanie : toute proposition alternative tendant à satisfaire enfin les aspirations populaires sera trop chère.
Il n'y a qu'un point sur lequel nous soyons d'accord avec le Président de la République : il est grand temps de procéder à une profonde réforme fiscale rétablissant la justice et permettant une réduction vertueuse des déficits.
Or nous avons sous les yeux la démonstration la plus éclairante des inconséquences politiques de la France et l'Europe : loin de réduire les déficits publics, leurs choix les ont souvent aggravés, ce qui justifie d'ailleurs par avance de nouvelles coupes dans les dépenses publiques et de nouvelles injustices fiscales.
Il faut courageusement examiner ce qui tient lieu de première dépense budgétaire : l'incroyable ensemble des dispositifs dérogatoires. Examinons chaque composante de la dépense fiscale, en partant d'interrogations simples : combien coûte ce dispositif ? Quelle est son incidence économique ? Faut-il le maintenir ? La moitié du crédit d'impôt recherche reversé aux entreprises cette année étant arrivée dans des sociétés holding sans hausse visible des dépenses de recherche, on perçoit la nécessité de l'examen !
Nous souhaitons un système fiscal fondé sur des prélèvements à la source de la création de richesses, c'est-à-dire dans l'entreprise. C'est là que se trouve l'assiette fiscale la plus large ! C'est là que nous devons agir, sans oublier un impératif politique et moral : pénaliser la financiarisation des activités humaines et de la production.
Il faut profondément réformer la fiscalité des capitaux et des placements afin de décourager la spéculation financière qui, plus que tout impôt, asphyxie l'emploi. La remarque vaut également pour la mise à contribution des revenus. Or, au moment même où l'on craint une explosion de la fiscalité locale avec la révision des charges locatives, vous mettez en oeuvre l'amendement Scellier. Une fois encore, la fiscalité pèsera plus lourdement sur les locataires et, plus généralement, les familles. Cette situation doit être corrigée par l'application d'une véritable progressivité à l'impôt ainsi que par la réduction durable de la taxe sur la consommation populaire, mais sans doute d'une autre manière que celle retenue pour la baisse de la TVA sur la restauration.
Le Gouvernement faisant le choix diamétralement inverse de répondre aux attentes du patronat, le groupe CRC-SPG ne votera pas ce texte ! (M. Jean Arthuis, président de la commission, feint l'étonnement ; applaudissements sur les bancs CRC et sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Jégou. - « État en faillite », crise historique de nos finances publiques, niveau d'endettement sans précédent, situation inquiétante de nos finances publiques, ces propos d'éminentes personnalités traduisent la même idée : notre pays est au bord de l'asphyxie !
Notre pays s'est accoutumé à une culture des déficits. Parlementaire depuis plus de vingt ans, je n'ai jamais vu un budget à l'équilibre ou s'en approchant, bien que cet objectif soit inscrit à l'article 34 de la Constitution. Notre situation budgétaire cette année est, au sens propre, extraordinaire. Le déficit public atteint 141 milliards, soit la moitié des dépenses du budget général. Une première en temps de paix ! Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, le déficit de nos administrations publiques se situera pendant deux années consécutives à plus de 8 % du PIB, 8,5 % très exactement l'an prochain.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Sans parler du grand emprunt !
M. Jean-Jacques Jégou. - En effet, que valent les prévisions du Gouvernement quand les dépenses correspondantes ne figurent pas dans ce budget ? Notre situation budgétaire ne devrait pas s'améliorer. Le Gouvernement, d'ailleurs, n'envisage pas de retour aux règles du pacte de stabilité européen avant 2014, et non 2013 comme l'avait exigé la Commission, et ce, malgré des hypothèses de croissance particulièrement optimistes, pour ne pas dire irréalistes ! Une croissance de 2,5 % par an jusqu'en 2014, une augmentation de la masse salariale de 5 % par an en valeur et une baisse de la dépense publique de 1 % par an, je peine à y croire au vu de la conjoncture économique et de la politique menée depuis 2007. Ce matin encore, Mme Lagarde et M. Woerth ont justifié les déficits par la crise : 2009 était un budget de gestion de la crise, 2010 est un budget de gestion de la sortie de crise. Cette distinction habile permet de justifier leur politique attentiste avant le retour à une certaine rigueur. Mais en attendant, les déficits se creusent et la dette explose ! Certes, la dégradation de nos comptes publics s'explique, pour une grande part, par la crise économique et la réduction des rentrées fiscales qui s'ensuit. Je ne suis pas partisan d'une politique de rigueur excessive qui asphyxierait la reprise, d'où mon soutien global au plan de relance. En revanche, je déplore que la France n'ait pas, contrairement aux autres pays européens, profité du cycle de croissance qui a précédé la récession pour réduire son déficit public. Nous payons aujourd'hui le prix de cette attitude irresponsable. A déficit comparable en 2005, l'Allemagne avait résorbé son déficit à la veille de la crise en 2008 alors que celui de la France était de 3,4 %. Résultat, son déficit est limité à 3,7 %, le nôtre dépasse 8 % ! Les autres s'en sortiront mieux, grâce à une situation de départ plus saine. Laisser filer les déficits, nonobstant les déclarations du Gouvernement, ralentira la sortie de crise. Ils sont devenus insoutenables, j'espère que chacun en a conscience.
Avec une reprise économique lente et molle, de l'ordre de 1,7 à 1,8 % de l'aveu du Gouvernement, la seule issue sera de réduire les dépenses, de pérenniser les recettes et, surtout, de les augmenter. De fait, nos dépenses publiques, du fait de l'augmentation des dépenses sociales et des dépenses des collectivités territoriales, représenteront presque 56 % du PIB en 2010 quand le taux des prélèvements obligatoires, notamment en raison de mesures fiscales contestables, est passé de 43,9 % du PIB en 2006, à 42,8 % en 2008, contre 40,7 % en 2009. Était-il responsable de baisser la TVA dans la restauration ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. - La question doit être posée.
M. Jean-Jacques Jégou. - La pertinence de cette mesure est très discutable, les chiffres de l'Insee le prouvent. En outre, le Gouvernement a enfreint à cette occasion la règle vertueuse de ne faire aucune dépense fiscale sans prévoir une économie à due concurrence. La question est posée : quand augmentera-t-on les impôts ? Après 2012 ? Il faut cesser, avait insisté la commission Pébereau, hélas !, tombée dans l'oubli, de financer les baisses d'impôt par le déficit et par l'endettement. Notre système fiscal est devenu d'une complexité extrême et, avec la combinaison des niches fiscales et du bouclier fiscal, il produit de profondes injustices. Nous devons procéder à une grande réforme fiscale, en réétudiant notamment une à une les 470 niches fiscales, ce qui nécessite du courage. Malheureusement, les gouvernements cèdent depuis de trop nombreuses années à la tentation de la procrastination.
M. Bernard Angels. - Ce budget n'est pas à la hauteur de la situation budgétaire de notre pays, marquée par la dégradation de nos finances publiques et les incertitudes sur les conséquences de la crise. En outre, il est fiscalement injuste et amputé du grand emprunt qui devrait s'élever à 35 milliards.
Tout d'abord, la situation budgétaire. L'indicateur d'une croissance de 0,3 % au troisième trimestre 2009 ne saurait, contrairement à ce qu'affirme Mme la ministre, signifier à lui seul le retour en France d'une croissance durable. De fait, la demande intérieure ayant reculé selon l'Insee, cette timide reprise est à mettre sur le compte des différents dispositifs appliqués dans l'Union européenne, en particulier la prime à la casse en Allemagne qui a considérablement relancé les exportations françaises.
Mme Nicole Bricq. - Oui, pour la moitié !
M. Bernard Angels. - Ce résultat montre l'erreur politique qu'a commise le Gouvernement : en faisant peu de cas des ménages, et surtout des plus modestes, il s'est privé d'un levier de relance majeur. De plus, le taux de chômage s'établira à 10,6 % l'an prochain, contre 7,8 % fin 2008. Le Gouvernement préfère ignorer cette réalité, allant même jusqu'à ne pas comptabiliser les demandeurs d'emploi de catégories B et C. Si l'on comptabilise ces salariés particulièrement vulnérables dans le chiffre officiel du chômage, celui-ci atteignait 3,7 millions en août 2009, et non 2,6. L'augmentation des chômeurs de longue durée aurait dû vous alarmer : en septembre 2009, presque 1,3 million de personnes qui tomberont dans la pauvreté sitôt en fin de droits.
Peut-on croire à une relance durable si on n'analyse pas les derniers chiffres ?
Mme Nicole Bricq. - Non !
M. Bernard Angels. - Une reprise pérenne passe par la maîtrise du solde public mais, dans son souci de ne pas revenir sur des mesures inefficaces, le Gouvernement laisse filer la dette. Si la croissance est de 0,75 % en 2010, il devra financer à crédit 40 % de ses dépenses. La France se place ainsi en situation de voir ses marges de manoeuvre hypothéquées par un déficit de 10 % du PIB et une dette publique en augmentation de 16 % pour atteindre 80 % du PIB à la fin de l'année prochaine. Sans la baisse de la TVA dans la restauration, sans le paquet fiscal mais avec une taxe exceptionnelle sur les banques, vous auriez limité le dérapage de 15 milliards...
La Commission européenne ayant engagé une procédure pour déficit abusif, il est fort probable que la BCE relèvera son taux directeur, et cela au moment où la France a remboursé des prêts à moyen ou long termes pour s'endetter à court terme. La situation va rapidement devenir intenable. J'observe que le rapporteur général partage cette analyse.
En refusant d'admettre que la croissance n'est pas le fruit de sa relance, en refusant de faire du budget un tremplin pour sortir de la crise, le Gouvernement affiche ses priorités : ne rien faire sinon traiter les collectivités territoriales comme des variables d'ajustement. L'injustice fiscale est une autre caractéristique de ce budget. La déductibilité des intérêts d'emprunt prévue dans la loi Tepa n'a eu aucun effet sur la part des primo-accédants : peut-on défendre ce qui n'est qu'un effet d'aubaine ? Quand toute recette supplémentaire doit être recherchée, pourquoi maintenir le bouclier fiscal et se priver d'une redistribution qui contribuerait à la consommation des ménages ? J'ai établi dans un récent rapport que le contenu moyen en importation de la consommation des ménages ayant les plus bas revenus est inférieur de 2,4 % à celle des ménages aux plus fort revenus. Une approche sociale de la relance aurait pu protéger les plus faibles et soutenir la demande en produits domestiques.
Si nous partageons la préoccupation d'une redynamisation de l'investissement, la suppression de la taxe professionnelle ne la garantit nullement. N'aurait-il pas été plus pertinent de cibler les entreprises dont le tissu économique a le plus besoin et qui présentent les facteurs de délocalisation les plus souples ? Cette réforme aura surtout des conséquences désastreuses pour les collectivités, qui sont pourtant les premiers investisseurs de ce pays. La perte de 15 milliards de taxe professionnelle représente une atteinte grave à l'autonomie fiscale : les collectivités devront se contenter de transferts dont elles ne contrôlent ni l'assiette ni le taux et cette modification fera peser plus de 70 % des impôts locaux sur les ménages. Comme il serait injuste d'accroître ceux-ci massivement, ce sont les services publics locaux qui en subiront les effets néfastes. Ce projet de loi de finances inacceptable prive les collectivités des moyens d'amortir la crise et réduit leurs capacités d'action. La volonté du Président de la République de ne pas revenir sur certaines de ses promesses continue de contraindre l'exercice budgétaire.
Un grand emprunt financera les dépenses d'avenir. M. Guaino parlait de 100 milliards, le Premier ministre de 20 à 30 milliards ; on sait désormais que ce sera 35 milliards. La sincérité budgétaire aurait voulu que cela figurât dans le budget mais vous préférez fragmenter le débat et empêcher les parlementaires d'appréhender la totalité des enjeux budgétaires. Face à ce budget insincère et injuste, les amendements du groupe socialiste tendront à rétablir la justice fiscale et à remettre notre pays sur les voies de la croissance durable. (Applaudissements à gauche)
M. Aymeri de Montesquiou. - Il faut absolument se donner des objectifs, assurait le Président Pompidou. Le nôtre doit être d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2013 pour répondre aux exigences de la Commission ou en 2014 pour répondre aux exigences économiques et sociales comme à notre position internationale. Est-ce possible ? Ce sera en tous cas difficile, dans un contexte morose, marqué par la récession, le chômage, des déficits abyssaux et une dette en augmentation. Vos soucis sont grands, et extrême notre inquiétude !
Les déficits empoisonnent la vie politique depuis trop longtemps et tous les gouvernements en sont responsables, par facilité ou par lâcheté. Pour paraphraser Oscar Wilde, on pourrait dire que la France vit tellement au-dessus de ses revenus qu'en vérité, ils mènent, elle et eux, une existence entièrement séparée. Ces déficits ont été aggravés par la nécessaire relance comme par la diminution des recettes : l'impôt sur les sociétés est revenu de 39 à 19 milliards, la TVA de 186 à 171 milliards. De cet effondrement catastrophique, la responsabilité ne peut être imputée à votre politique : vos choix l'ont freiné.
Les causes conjoncturelles risquent de devenir structurelles si la crise sert d'alibi pour ne pas s'attaquer aux 116 milliards de déficit. Ce chiffre était inimaginable il y a peu, mais le temps du traité de Maastricht semble bien lointain. D'accidentel, ce chiffre ne doit pas s'installer dans le paysage. Confucius ne disait-il pas « trop de poux cesse de démanger, trop de dette finit par ne plus attrister » ? (Applaudissements et marques d'admiration sur plusieurs bancs au centre et à droite) Lors du débat sur les prélèvements obligatoires, vous avez été clairs, il ne saurait y avoir d'augmentation d'impôt. Dès lors la solution passe par une baisse des dépenses. Or le non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux ne représente que 0,2 % des dépenses nettes.
Nous devons nous inspirer de l'exemple du Canada, de la Belgique et de la Suède. Celle-ci est celle qui a le mieux réussi en évitant de sombrer dans la spirale infernale du déficit en réduisant ses dépenses pendant dix ans. Elle est passée d'un déficit de 12 % à un excédent de 3 % en plafonnant ses dépenses et en s'obligeant à un excédent de 2 %. Elle a ainsi réduit le chômage de moitié, non pas malgré mais à cause d'une réduction de 15 % des emplois publics sans que les fonctions régaliennes ni la formation ne soient affectées. Pourquoi ne pas méditer ce précédent ? Faisons preuve de courage et refusons la facilité et la démagogie.
La dette publique explose et la Cour des comptes l'estime à 80 % du PIB en 2010, 88 % en 2011. Lors du débat sur les prélèvements obligatoires, j'avais soutenu la proposition de M. Warsmann d'un sommet national de la dette publique. L'urgence l'impose. Je fais donc appel à votre sens de l'hédonisme puisqu'aussi bien le beau moment de la dette, comme l'affirme un proverbe russe, c'est quand on la paie. Que cela se réalise sous votre ministère est sans doute une utopie mais soyez-en les initiateurs. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Dominique de Legge. - Le projet de loi de finances revêt, cette année, une importance et une portée toutes particulières : nous traversons une crise économique qui marquera l'histoire contemporaine et les mesures que propose le Gouvernement tiennent compte de cette situation et préparent la reprise.
En outre, il prévoit la suppression de la taxe professionnelle, réforme souvent annoncée et toujours différée, mais que le Président de la République s'est engagé à mener à bien.
Il est évident qu'il fallait supprimer la taxe professionnelle, déjà qualifiée de « stupide » par François Mitterrand, et modifiée, depuis sa création en 1975, pas moins de 68 fois afin d'en atténuer les effets antiéconomiques. La plus importante de ces modifications a été conduite par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, qui ont supprimé la part salaire de la taxe professionnelle en expliquant que le meilleur moyen de lutter contre le chômage était de ne pas taxer les emplois. Hélas, ils ne sont pas allés au bout du raisonnement. Il est donc particulièrement curieux d'entendre ceux qui plébiscitaient cette évolution reprocher aujourd'hui au Gouvernement de poursuivre le raisonnement, en faisant valoir que le meilleur moyen de ne pas pénaliser l'investissement est d'éviter de le taxer, surtout dans le contexte de crise actuel.
Plus que jamais, il convient donc de ne pas différer cette réforme. Le débat ne porte pas sur la suppression de la taxe professionnelle mais sur le dispositif destiné à la remplacer. Un prélèvement sur la valeur ajoutée semble plus cohérent et plus juste économiquement, surtout dans la situation actuelle où les entreprises à forte valeur ajoutée ne sont pas forcément les plus contributives.
Sur le long terme, des rééquilibrages seront nécessaires entre les entreprises et les territoires. Nos collectivités n'ont rien à perdre à cette réforme, alors que l'industrie française a détruit 500 000 emplois en quinze ans et que sa part dans la valeur ajoutée est passée de 21 % en 1988 à 14,1 % en 2007.
Aussi, la vraie question est de savoir comment répartir ce nouvel impôt et la part respective qui doit revenir à chaque collectivité.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont élargi la cotisation assise sur la valeur ajoutée, initialement réservée aux départements et aux régions, aux communes à hauteur de 20 %. Heureuse initiative qui conforte le lien entre territoire et entreprise et qui, surtout, permet au couple commune-EPCI de bénéficier d'un impôt dynamique.
D'autres évolutions sont souhaitables mais je fais confiance à la commission des finances, et tout particulièrement à son président et au rapporteur général, pour que notre assemblée améliore et complète ce texte. Nous souhaitons obtenir des simulations et la garantie de clauses de revoyure en fonction de la future réorganisation territoriale.
J'en viens à l'autonomie fiscale et à la péréquation. Tout d'abord, peut-on parler encore d'autonomie fiscale lorsque la taxe professionnelle est aujourd'hui prise en charge pour plus d'un tiers par l'État ? C'est entre 1998 et 2002 que l'autonomie fiscale des régions a le plus diminué, conséquence de la réforme des droits de mutation en 1998, de la suppression de la part de la taxe d'habitation en 2000 et de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle en 2001. Ainsi, pour la région Bretagne, la part des recettes décidées par l'assemblée est passée de 56 % en 1998 à 30 % en 2002. Ces chiffres qui font suite aux réformes fiscales de MM. Jospin et Strauss-Khan permettent de relativiser les accusations portées aujourd'hui sur la perte d'autonomie fiscale que génèrerait la réforme. De plus, les régions ont retrouvé une certaine marge de manoeuvre, avec la réforme de la Tipp opérée sous le gouvernement Raffarin. N'y a-t-il pas un paradoxe, voire une certaine hypocrisie, à réclamer davantage d'autonomie fiscale tout en appelant de ses voeux des dotations d'État supplémentaires et plus de péréquation ?
Je suis bien entendu, comme chacun d'entre nous, attaché au principe d'une autonomie fiscale la plus large possible.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Dominique de Legge. - Cependant, compte tenu des déséquilibres territoriaux, quelle est la signification de l'autonomie fiscale lorsqu'il y a peu de masse taxable, et donc pas de perspectives de recettes ? Prenons le cas de départements dont le coût des compétences transférées au titre du social, le RSA et l'APA, est sans commune mesure avec les contributions qui peuvent y être levées. Plus la décentralisation se renforcera, plus le principe d'autonomie fiscale sera difficile à assumer. Ainsi, en Bretagne, l'État collecte 11,3 milliards, et en redistribue 16,3 milliards.
La nouvelle contribution économique permettra d'assurer une meilleure équité entre les territoires. Les péréquations et les compensations sont peut-être des entorses au principe de l'autonomie fiscale mais elles expriment une autre valeur, celle de la solidarité nationale à laquelle nous sommes tous attachés, et qui est aussi respectable qu'un principe d'autonomie dont nous voyons bien les limites.
Je m'interroge aussi sur l'avenir du foncier non bâti. Aujourd'hui, cet impôt frappe lourdement l'agriculture alors que ce secteur économique est soumis, lui aussi, à une rude concurrence. Cette taxe s'apparente, à bien des égards, à une taxe professionnelle. Aussi le raisonnement qui prévaut pour alléger les charges qui pèsent sur les entreprises à fort investissement vaut aussi pour les entreprises agricoles, où le poids du foncier est lourd. Certes, le foncier ne s'amortit pas. Pour autant, lors de la révision des bases foncières, il faudra se pencher sur cet impôt.
Enfin, il serait fâcheux que la recherche de l'excellence en tous points -qualification des personnels, sécurité, environnement- conduise, par des contraintes et des normes nouvelles excessives, à augmenter les dépenses des collectivités territoriales. Ces dernières ne peuvent espérer une garantie de ressources de l'État, indépendamment du contexte économique. Mais dans le même temps, il ne faudrait pas qu'il mette à la charge des collectivités, au détour de quelques décrets et circulaires, de nouvelles charges. Si l'État ne peut pas toutes les compenser, il serait bien inspiré d'éviter d'en rajouter, surtout lorsque leur utilité reste à démontrer.
Je reconnais à la fiscalité écologique une finalité pédagogique salutaire, et je me réjouis de la récente annonce faite par le Gouvernement de l'affectation du produit de la taxe carbone acquittée par les collectivités à un fonds de I'Ademe qui financera les investissements des collectivités en matière d'économies d'énergie et de développement durable. La taxe carbone sera intégralement remboursée aux particuliers, mais il ne faudrait pas que les contributions écologiques absorbent l'intégralité du bénéfice de l'exonération de taxe professionnelle.
Ce projet de budget ouvre des perspectives et prépare la sortie de crise. II s'inscrit, au-delà de la conjoncture actuelle, dans une logique de libération de notre économie.
Je sais gré au Gouvernement, malgré un contexte difficile, de faire preuve de courage alors qu'il eût été plus facile de différer la réforme de la taxe professionnelle. Sachant qu'il sera attentif aux propositions du Sénat, nous abordons cette discussion avec confiance. (Applaudissements à droite)
M. Claude Biwer. - Je voudrais vous confier mes inquiétudes et mes espoirs sur la réforme de la taxe professionnelle. En février, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2010 « parce qu'il faut garder des usines en France ». Il est certain que la question de l'incidence de la taxe professionnelle sur les délocalisations est parfaitement légitime même si elle n'est peut-être pas totalement fondée. Lorsqu'on interroge les chefs d'entreprise sur les raisons qui pourraient les pousser à délocaliser, ils évoquent rarement le poids de la taxe professionnelle mais plutôt le coût de la main-d'oeuvre et le poids des charges sociales.
Même en supprimant la taxe professionnelle sur les investissements, il n'est pas dit que nous freinerons les délocalisations. Il était néanmoins utile de moderniser cette taxe : la réforme que vous nous proposez ne concerne qu'un article du projet de loi de finances mais qui couvre 135 pages, ce qui le rend quelque peu inintelligible. Le remplacement de cet impôt dynamique par diverses cotisations est-il une bonne solution ? Ce n'est pas sûr, à moins que le Sénat parvienne à modifier le dispositif proposé. Je compte sur les ministres pour nous y aider. Lorsque je regarde les simulations pour mon département, les 18 millions perçus au titre de la taxe professionnelle passeraient à 11 millions de taxes et recettes nouvelles, le solde devant être compensé par des dotations de l'État. Or, l'expérience nous a prouvé qu'il n'y avait rien de plus aléatoire que des dotations de l'État et il est à craindre que dès 2012, cette garantie de ressources fonde comme neige au soleil dans la mesure où l'État surendetté voudra réaliser des économies. Le versement de cette dotation risque donc de ne pas être pérenne, et c'est bien là le vrai danger de cette réforme.
S'agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée, le texte n'est pas clair : 20 % de cette recette serait affecté aux communes mais, dans une note diffusée par vos services, madame la ministre, aucune recette n'est prévue pour les communes de mon département, ce qui ajoute à mon inquiétude.
Si les députés ont obtenu du Gouvernement la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée, ils se sont arrêtés au milieu du gué. La contrepartie consisterait en effet à abaisser à 150 000 euros le seuil au-delà duquel les entreprises concernées devraient acquitter une cotisation assise sur la valeur ajoutée. J'espère que Mme la ministre nous rassurera sur ce point. Que se passera-t-il en effet dans les communautés à taxe professionnelle unique qui n'ont aucune entreprise dont le chiffre d'affaires dépasse 500 000 euros ?
Si les communes et les EPCI qui soutiennent le développement de zones industrielles ou artisanales souhaitent poursuivre leur action, leurs élus devront augmenter les impôts locaux, donc diminuer l'attractivité de leur territoire. En outre, si les recettes des départements devaient diminuer en 2011, les communes perdraient le bénéfice d'un levier très important pour la relance. Enfin, la perspective de recettes de taxe professionnelle encourage les élus à investir dans des zones d'activité:
Si nous adoptons les principes généraux de cette réforme, il nous faudra mettre à profit le temps qui nous sépare de juin 2010 pour présenter un nouveau texte qui ne pénalise aucune collectivité territoriale. J'espère que ce débat nous rassurera. Comme Jean-Pierre Fourcade, j'espère pouvoir appartenir à la majorité « lucide et courageuse ». (M. Nicolas About approuve) Nous pourrons alors voter un texte que vous aurez accepté d'amender. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Marc Massion. - Ces dernières années, nous avons examiné des projets de loi de finances fondés sur des taux de croissance erronés, qui de surcroît risquaient d'être détricotés par des collectifs budgétaires intempestifs. Comment, toutefois, ne pas être stupéfaits par le texte que vous nous présentez aujourd'hui ? Nicole Bricq l'a justement qualifié de budget « virtuel ». Après une année de récession, que penser de cet agglomérat d'improvisations ? Comment ne pas s'inquiéter de tous ces chantiers ouverts sans cohérence ni certitude d'achèvement par un hyper président qui nous annonce, dans l'impréparation et sans concertation, la suppression de la taxe professionnelle, l'instauration de la taxe carbone et le lancement d'un grand emprunt ? Qui précise le montant de la taxe carbone en ignorant les avis d'experts avant de s'apprêter à arbitrer le montant du grand emprunt national ?
Nous examinerons dans quelques mois un collectif destiné à financer des dépenses d'investissement qui devraient plutôt figurer dans un projet de loi de finances digne de ce nom, donc une sorte de budget bis. La cacophonie qui règne dans la majorité parlementaire est chargée d'orchestrer, pour ne pas dire bricoler, ces annonces dans la plus grande précipitation et la plus décevante docilité.
Mois après mois, le déficit budgétaire ne cesse de se creuser. Au 30 septembre, les recettes de l'État ont atteint 169,7 milliards d'euros, contre 221,6 milliards un an plus tôt. Les recettes fiscales nettes ont baissé de 47,9 milliards en un an pour atteindre 156,8 milliards. Les dépenses sont passées de 255,9 milliards au 30 septembre 2008 à 263,9 milliards au 30 septembre 2009. La dette de l'État a doublé en un an pour atteindre 125,8 milliards d'euros. Les comptes publics sont à la dérive -nous pouvons parler de vertige des profondeurs...
Qu'aurions-nous entendu si, étant au Gouvernement, nous avions présenté un budget présentant un tel déficit ? A coup sûr, le président de la commission et le rapporteur général en auraient été les censeurs impitoyables. (M. François Marc le confirme) Ils nous auraient donné des leçons de rigueur et se seraient opposés à un tel projet jusqu'au bout. Au lieu de cela, ils vont voter, malgré leurs réserves, le texte que nous présente le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Face à des problèmes si complexes, il est plus facile d'être dans l'opposition !
Mme Nicole Bricq. - Nous compatissons...
M. Roland du Luart. - Il n'y a pas d'autre politique.
M. Marc Massion. - Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas été tendre avec nous entre 1997 et 2002, et nos budgets avaient pourtant une autre allure !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous en avons bien profité !
M. Marc Massion. - Pour la première fois en temps de paix, le déficit de l'État atteint la moitié des dépenses du budget général. Le Premier président de la Cour des comptes nous a pourtant avertis qu'à ce niveau de déficit, la dette publique deviendra incontrôlable
Mme Nicole Bricq. - Elle l'est.
M. Marc Massion. - Et que dire des remontrances de la Commission européenne, qui nous a demandé de ramener d'ici 2013 notre déficit public dans la limite de 3 % du PIB ? Les ministères des finances et du budget expliquent ce dérapage incontrôlé par « le poids de la conjoncture économique sur l'évolution des recettes et, à hauteur de 29,9 milliards d'euros, par l'effet des mesures du plan de relance ». Madame et monsieur les ministres, vous aimez comparer la France à ses voisins européens mais je ne suis pas sûr que cette chamaillerie officielle donnent une bonne image de l'Europe à l'extérieur et lui permette de tenir son rang face à la Chine et aux États-Unis. Malgré une récession deux fois plus forte que chez nous, due à son ouverture internationale, l'Allemagne affiche un déficit de 3,7 % quand le nôtre dépasse les 8 %. La France et la Grèce sont les seules nations européennes qui n'ont pas réduit leur déficit pendant le cycle de croissance précédent.
Dans ce contexte, comment ne pas dénoncer le maintien des cadeaux fiscaux que la majorité n'a cessé d'accorder depuis 2002 aux plus riches ? Chaque année, 20 milliards sont fléchés pour les plus favorisés. La combinaison du bouclier fiscal et des niches conduit à des injustices telles qu'un contribuable possédant un patrimoine de 15 millions d'euros peut déclarer 1 000 euros de revenus et être totalement exonéré d'impôt sur celui-ci. (M. Jean Arthuis, président de la commission, approuve)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ne critiquez pas l'exonération des oeuvres d'art.
M. Marc Massion. - En 2008, l'État a dépensé 458 millions d'euros au titre du bouclier fiscal. Pourquoi, dans un contexte de crise, continuer de dispenser les plus riches d'un effort de solidarité ? Selon certains, la crise est derrière nous... La crise financière peut-être, mais certainement pas les crises économique et sociale : 400 000 emplois ont été détruits depuis 2008 et la France compte plus de 8 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. La justice fiscale serait de répartir la charge selon la capacité contributive de chacun. On lit dans la presse que le bouclier fiscal est « le marqueur idéologique du sarkozysme ».
M. François Marc. - Et oui !
M. Marc Massion. - N'est-il pas le marqueur d'une politique rétrograde qui surtaxe les plus défavorisés et met à l'abri les plus fortunés, de l'aveuglement de la droite qui demande aux plus faibles de contribuer proportionnellement le plus à la hausse du forfait hospitalier, au déremboursement des médicaments, à l'augmentation de la redevance audiovisuelle, à la fiscalisation au premier euro des indemnités de départ à la retraite volontaire ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous sommes les méchants, vous êtes les bons !
Mme Nicole Bricq. - Nous ne sommes pas mal.
M. Marc Massion. - Et aussi à la fiscalisation des indemnités d'accident du travail, à la diminution du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt... Vous grattez euro par euro.
Le Président, de son côté, énumère les critères qu'il faut remplir pour être Français, soit chercher du travail quand on est chômeur, payer ses impôts en France... On pense aux amis de Nicolas Sarkozy !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela concerne aussi sans doute certains de vos amis. Personne n'a de monopole !
M. Eric Woerth, ministre. - Pour être Français, il n'est pas obligatoire de payer ses impôts en France.
M. Marc Massion. - De son côté, la ministre de l'économie évoque un « contrat de confiance passé entre la majorité et les Français ». Pour passer un contrat, il faut deux parties consentantes et la plupart des Français ne percevront aucun chèque remboursant le trop-perçu de leurs impôts. Le Gouvernement encourage une économie de rente et de spéculation. Lors de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, il a rejeté l'amendement proposant d'exclure la CSG et la CRDS de l'assiette du bouclier fiscal. L'argument selon lequel le bouclier permettrait de lutter contre l'évasion fiscale a fait long feu. Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires révèle que l'évasion fiscale coûte 17 millions d'euros à l'État, contre 250 millions pour le bouclier fiscal.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons solennellement d'abroger un dispositif inique et indéfendable. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Dominati. - L'examen, on l'a assez dit, du budget est un acte politique. Son vote doit confirmer l'adhésion à l'action du Gouvernement et aux orientations retenues pour le futur. Si nous adhérons pleinement à ce qu'a fait le Gouvernement pour surmonter la crise, nous conservons, tout en assumant l'unité de la majorité, des divergences sur les moyens mis en place.
La France doit retrouver, en 2010, sa place sur la scène internationale et au sein du nouvel organisme que constitue le G20. Reste que notre nation est celle où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, en dépit d'une diminution conjoncturelle liée au manque de recettes, alors que partout ailleurs, on choisit de moins taxer ! Voilà qui prive le Gouvernement de marge de manoeuvre pour réduire le déficit.
Nous sommes le pays où la dette publique est la plus élevée. Songez qu'elle n'est que de 30 % en République populaire de Chine alors qu'elle est de 50 % chez nous. Notre taux d'emploi public est lui aussi le plus élevé : 22 % de la population active. Nous sommes aussi le pays où la redistribution des richesses est la plus forte.
Bref, nous avons l'économie la moins libérale de la planète. Ceux qui dénoncent l'ultralibéralisme qui serait à l'oeuvre chez nous ne font qu'agiter un leurre. Notre économie, au contraire, reste très dirigiste. Ce qui explique d'ailleurs en partie l'amortissement de la crise. Nous vivons dans ce que les économistes appellent « une économie protégée ». Le rapporteur général a parlé de la disjonction entre la sphère réelle et la sphère financière, on pourrait en dire de même de la sphère réelle et de la sphère protégée. Or le budget qui nous est proposé ne répond pas totalement à ce problème.
Sur les prélèvements obligatoires, vous gardez le cap : c'est essentiel. Maintien du bouclier fiscal, maintien de vos engagements sur les baisses d'impôts - j'aurais souhaité plus-, baisse des effectifs de la fonction publique, réforme de la taxe professionnelle, suppression de l'impôt forfaitaire sur les sociétés et, dans le même temps, hommage vous en soit rendu, madame la ministre, vous assurez un pilotage de la consommation d'une grande finesse.
Nous avons eu deux bonnes surprises. Les dispositions en faveur de la micro-entreprise nous ont valu 500 000 demandes de créations, preuve que lorsqu'on prend des mesures libérales, ça marche ; le crédit d'impôt a été un succès, preuve que la réflexion libérale, ça marche !
J'ai assisté à l'inauguration du centre de recherche de Microsoft à Paris. Il y a quelques années, nous étions parmi les outsiders. C'est grâce à l'allégement fiscal que nous avons été choisis, et que 1 700 emplois ont été créés.
Reste le prix à payer : un déficit historique. En une année, il s'est aggravé de l'équivalent de quatre ans. Preuve des difficultés que rencontre la sphère publique à réactiver l'économie réelle. Tous les mois, les chiffres annoncés doivent être revus. Le Président de la République a eu raison de dire, en annonçant le grand emprunt à Versailles, qu'il fallait rétablir la confiance. Ce qui valait avant l'été ne vaut plus aujourd'hui. Les banques, alors, empruntaient, il fallait les cautionner. Or elles ont toutes remboursé. Le problème d'aujourd'hui est celui du décalage entre la sphère protégée et l'économie réelle.
Si la croissance revient plus vite que prévu, ce sera une bonne surprise. Mais nous le devrons à l'économie réelle, pas à la maîtrise des déficits. Dès lors que les recettes ne peuvent être actionnées...
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi ?
M. Philippe Dominati. - Le ministre du budget lui-même dit qu'il faut s'attendre à une baisse pérenne. C'est le déficit historique que nous connaissons qui conduit tout droit à l'emprunt, qui ne sera pas, heureusement, de 100 milliards, ce qui eût été insensé. Mais puisque emprunt il y aura, il est essentiel que l'argent public ainsi levé soit utilisé à bon escient.
Quant à maîtriser les dépenses publiques, vous n'y arriverez pas parce que manque à ce budget une vision libérale. Il n'est nulle part question de revoir le périmètre de l'appareil d'État. C'est pourtant ce que font les pays qui réforment. C'est pourtant ce que fait la Chine. Car là est la clé du retour à l'équilibre budgétaire.
La relance par l'investissement public ne suffira pas à faire redémarrer la croissance. Les méthodes keynésiennes ne sont pas adaptées à l'économie d'aujourd'hui. En favorisant la sphère protégée, vous pénalisez l'économie réelle. Vous n'arriverez à rien avec cette méthode. Regardez l'Allemagne : Mme Merkel n'a pas proposé d'autre politique qu'un allégement supplémentaire sur les prélèvements obligatoires. Elle a été débordée par le parti libéral, qui lui a imposé 24 milliards de baisse supplémentaires. Et les premiers indices de la croissance apparaissent. Lorsqu'on heurte un obstacle à 60, on se fait moins de mal qu'à 120, et on repart plus vite...
Quand Charles de Gaulle a voulu la Ve, il a voulu plus que tout éviter à la future république le chemin de la catastrophe, celui du déséquilibre financier, car, disait-il, il n'est pas d'État fort sans équilibre financier. (Applaudissements à droite ; M. Christian Gaudin applaudit également)
M. Georges Patient. - Alors que l'effort financier en faveur de l'outre-mer s'élève à 17,1 milliards, seuls 2,1 sont gérés par le ministère de l'outre-mer. Plus de 80 % de ces crédits sont ainsi gérés par d'autres ministères, au travers de 88 programmes relevant de 27 missions. Autant dire que la lisibilité n'y gagne guère... D'autant que ne ressort aucune politique spécifique, pas plus que ne sont identifiés les publics.
Le rapport rendu en juillet 2009 par la mission sénatoriale préconisait pourtant que chaque ministère abrite pour le moins un service dédié, correspondant pour l'outre-mer de l'administration centrale.
Le travail parlementaire souffre de ce flou. Les crédits de l'État sont ainsi séparés en deux unités, la mission outre-mer constituant l'unité de vote tandis que les programmes représentent l'unité de spécialité. Nous sommes là dans une logique tout à fait contraire à celle de la Lolf.
La mission outre-mer ne deviendra véritablement interministérielle que par une rationalisation de la politique menée outre-mer. Que le secrétariat fasse place à un ministère est une bonne chose mais son rattachement au ministère de l'intérieur laisse perplexe. Le rapport de la mission sénatoriale insistait sur le fait que seul un rattachement direct de cette administration au Premier ministre lui assurerait un rôle ministériel déterminant, expliquant, je cite, que la gestion des collectivités locales par la place Beauvau, et plus particulièrement la direction générale des collectivités locales, gardienne du droit commun et peu encline à envisager des adaptations locales, et celle de la rue Oudinot habituée à ciseler des statuts épousant les particularismes locaux sont culturellement très différentes, si ce n'est inconciliables.
Seul le rattachement de la mission auprès du Premier ministre permettrait de préparer et d'appliquer efficacement les mesures décidées au sein du comité interministériel de l'outre-mer.
Aujourd'hui, on se contente d'insister sur le montant des aides d'État et le coût de l'outre-mer, sans rien dire des objectifs ni des résultats. Or force est de constater l'enlisement des politiques publiques : le retard économique de l'outre-mer reste important, et son taux de chômage trois fois supérieur à celui de la métropole et à la moyenne européenne. Le chômage touche plus de la moitié des jeunes, alors même que ces derniers représentent 34 % de la population, contre 25 % en métropole. Leurs résultats scolaires sont très hétérogènes, ainsi que leurs perspectives d'insertion.
A cela s'ajoute l'aggravation des risques environnementaux liés à la pollution et au développement urbain. Cette situation risque de devenir apocalyptique si l'on n'y prend pas garde, car la population ultramarine est en rapide expansion : elle a plus que triplé depuis la fin des années 1940 alors que la population française dans son ensemble n'augmentait que de 50 %.
Au-delà des annonces, il faut donc des mesures réelles, financées et effectivement appliquées. Rappelons que les décrets d'application de la loi pour le développement économique de l'outre-mer n'ont toujours pas été publiés...
Je ne perçois aucun signe fort dans ce PLF : les chiffres n'ont pas varié par rapport à l'année dernière, exception faite des compensations aux organismes de sécurité sociale qui consomment 60 % du budget de la mission. Certaines mesures vont même aggraver la situation. Les collectivités d'outre-mer, qui sont déjà en butte à des difficultés financières en raison de la faiblesse de leurs recettes fiscales, vont subir de plein fouet la suppression de la taxe professionnelle. Les exonérations de fiscalité directe créées par la Lodéom dans le cadre des zones franches d'activité ne seront compensées par l'État que sur la base des taux votés l'année précédant leur entrée en vigueur ; pour accroître leurs recettes, les collectivités devront donc augmenter les autres impôts. Rappelons que le produit de la TP dans les DOM s'est élevé en 2007 à 518 millions d'euros. L'application de la taxe générale sur les activités polluantes portera elle aussi un rude coup aux finances locales.
Ce PLF accentuera les difficultés quotidiennes des ultramarins en réduisant leur pouvoir d'achat : la taxe carbone provoquera le renchérissement de l'essence ; le RSA n'entrera en vigueur qu'en 2011, remplacé pour l'instant par le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) ; mais l'article 11 du PLF dispose que les sommes perçues au titre du RSTA sont imputables sur le montant de la prime pour l'emploi. L'État va ainsi récupérer 300 millions d'euros sur le dos des salariés ultramarins !
La dégradation du pouvoir d'achat est un sujet brûlant en outre-mer car les revenus y sont inférieurs à ceux de la métropole -10 % pour les emplois les moins qualifiés- alors que les prix y sont plus élevés -la différence est de 35 % pour certains produits de première nécessité. Ce fut le détonateur des mouvements sociaux de cette année.
Les mesures annoncées par le chef de l'État à la suite du conseil interministériel vont-elles changer la donne ?
M. Eric Woerth, ministre. - Oui.
M. Georges Patient. - Leur chiffrage et leur destination sont encore trop imprécis ; d'ailleurs la plupart sont inapplicables en l'état actuel du droit national et communautaire. S'agirait-il d'un effet d'annonce, à quelques mois des prochaines échéances électorales ? Si tel était le cas, la déception des ultramarins serait immense. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Muller. - Je me contenterai de commenter les deux principales innovations de ce PLF : la suppression de la taxe professionnelle et l'instauration de la taxe carbone, chères au Président de la République.
La première mesure pose des problèmes de forme et de fond. Comme plusieurs de mes collègues de la majorité, je déplore l'absence de simulations et d'évaluation préalable des effets de la suppression de la TP. Il s'agit pourtant d'un séisme pour les finances locales : cette taxe représentait pour nombre de collectivités une ressource essentielle au financement des services publics locaux, qui donnent un avantage comparatif à nos entreprises. Malgré la création d'une nouvelle contribution économique territoriale, d'une imposition forfaitaire des entreprises de réseaux transférée aux collectivités comme d'autres taxes perçues par l'État et d'un fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR), c'est à un saut dans l'inconnu que nous sommes conviés.
Dans l'inconnu ? Pas si sûr. Depuis des années, les transferts de compétences sans transfert de ressources correspondantes se sont multipliés, qu'il s'agisse des routes nationales, de l'insertion sociale, du service postal de proximité, des jardins d'éveil, de certains pouvoirs régaliens de police, des plans climats territoriaux ou d'autres missions imposées par le Grenelle de l'environnement. Les collectivités sont prises entre le marteau et l'enclume.
Il est incongru de supprimer la taxe professionnelle avant de réformer les collectivités territoriales : cela témoigne de la volonté du Président de la République de passer en force sur tous les sujets, sous couleur de « réformer la France ». A moins de croire à la quadrature du cercle, nul ne peut penser qu'il est possible de « conforter les liens entre territoires et entreprises » tout en « réduisant significativement les charges pesant sur le tissu économique et social » et en évitant de mettre à contribution les ménages. Le Gouvernement promet que la suppression de la TP n'aura aucune incidence sur les impôts locaux acquittés par les ménages, puisque les pertes qui en résulteront pour les collectivités seront compensées par l'État ; mais ce sont bien les ménages qui, par le biais des impôts et des taxes, alimentent le budget de l'État. La suppression de la TP, à supposer qu'elle soit neutre pour les collectivités, organise donc secrètement un transfert de richesses des ménages aux entreprises, non aux PME créatrices d'emplois mais aux grands groupes.
Quant à la taxe sarko-carbone -car c'est bien ainsi qu'il faut l'appeler-, elle s'annonce désastreuse. Le Gouvernement prend le risque insensé de discréditer une notion clé du développement soutenable : la fiscalité écologique. (Mme Nicole Bricq approuve) Celle-ci doit permettre d'internaliser les coûts des dommages causés à l'environnement, ce bien commun, et de financer les investissements nécessaires pour faire advenir une société de sobriété énergétique. La proposition issue du Grenelle d'une contribution climat-énergie répondait à cette ardente obligation.
Comme à l'accoutumée, le Gouvernement a galvaudé une belle idée : les lobbies industriels et productivistes savent toujours se faire entendre... La taxe sarko-carbone est vouée à l'inefficacité, d'abord parce que son montant est trop faible : alors que la commission Rocard recommandait un taux de 32 euros par tonne, le Président de la République l'a fixé à 17 euros par tonne, taux nettement insuffisant pour faire évoluer le système productif et les habitudes de consommation des ménages. Rappelons que le Danemark a instauré une taxe de 80 euros par tonne ! Malgré les rodomontades de son omniprésident, la France, actuellement au 21e rang européen pour la fiscalité écologique, n'est pas près de rattraper son retard.
Ensuite, cette taxe n'est pas affectée aux investissements nécessaires à la décarbonation de nos économies : relocalisation des productions, isolation des lieux de vie, réduction des transports routiers, production d'énergies renouvelables, etc. La taxe sarko-carbone, hors sujet à cet égard, répondrait-elle à d'autres objectifs, moins avouables ? Son application aberrante le laisse penser.
En témoignent : la taxation préférentielle du transport routier, à 64 % sur quatre ans, qui est pourtant le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre ; la non-taxation de l'électricité, qui est une prime de plus au nucléaire ; la non-taxation des activités agricoles, dont les systèmes intensifs de production sont fortement émetteurs ; la non-taxation proprement scandaleuse des compagnies aériennes, alors que l'avion est le mode de transport le plus polluant ; enfin la non-taxation des entreprises soumises au marché des quotas d'émission. Cette dernière exemption est un cadeau de 2 milliards d'euros par an sur quatre ans aux grands groupes qui, tels Total, Arcelor, EDF, Veolia ou GDF-Suez, n'achèteront leurs quotas qu'en 2013 et interviennent dans des secteurs fortement émetteurs.
La colère gronde chez nos compatriotes, d'autant que la compensation qu'on leur promet est injuste et aberrante. Contrairement à ce qui se fait chez nos voisins, le Gouvernement n'a pas retenu un critère de revenu -en France, le meilleur est le quotient familial- mais un critère territorial : les ménages riches des villes seront favorisés au détriment des ménages modestes des campagnes, qui le plus souvent n'ont pas de chauffage central collectif et sont contraints d'utiliser leur voiture pour se déplacer, ne serait-ce que pour chercher un emploi. L'enjeu climatique n'est en réalité qu'un prétexte pour continuer à augmenter les inégalités.
L'heure est grave. La taxe sarko-carbone fracasse la notion de contribution climat-énergie sur l'autel des privilèges. Dans tous les sens du terme, elle fera rouler les petits pour les gros, les PME pour les grands groupes, les plus modestes pour les plus riches, avec un effet environnemental garanti : nul ! Nicolas Sarkozy a déclaré que la taxe carbone était le minimum qu'on puisse faire ; on ne pouvait pas faire pis !
Ce projet de budget est dans la droite ligne des précédents. La suppression de la taxe professionnelle, source d'insécurité pour les collectivités locales, ponctionnera les ménages au profit des grands groupes tandis que la taxe sarko-carbone continuera de servir les puissants, et plus particulièrement les courtisans du monarque de l'Élysée.
M. Roland du Luart. - C'est excessif !
M. Jacques Muller. - Et ce, au prix de la lutte contre le changement climatique. Le Grenelle de l'environnement est bien tombé aux oubliettes. (Applaudissements à gauche)
M. Eric Woerth, ministre. - De nombreux orateurs ont évidemment évoqué les déficits et la dette. L'endettement est une affaire mondiale, la dette augmente partout, un peu moins vite en France cependant, l'endettement public et privé est chez nous plus modéré que chez beaucoup de nos partenaires. Les gouvernements -je ne sais si cela rassurera M. Jégou- sont conscients qu'une bulle d'endettement public ne doit pas venir remplacer une bulle d'endettement privé.
La hausse des dépenses publiques en pourcentage du PIB est liée avant tout à la chute de celui-ci ; elles ont été parfaitement tenues, tant celles de l'assurance maladie que celles de l'État. M. le rapporteur général et M. Fourcade ont évoque l'insupportable lourdeur de la dette - « l'insoutenable légèreté » pour M. Marini ; il faut savoir que sa composition est elle aussi tenue, nous avons un peu plus de court terme, ce qui est normal en temps de crise, mais parallèlement, une hausse de la part des titres à très long terme. Le volume de la dette augmente mais la charge des intérêts a plutôt tendance à baisser. Vous le verrez en collectif.
Je remercie tous ceux, nombreux, qui ont apporté leur soutien à la stratégie du Gouvernement de renforcement de la croissance et de maîtrise des dépenses publiques. J'ai entendu des critiques de la part de l'opposition, mais guère de propositions...
Mme Nicole Bricq. - Vous n'avez pas écouté !
M. Eric Woerth, ministre. - J'ai entendu les antiennes habituelles, qu'il fallait faire payer les riches et autres choses de la même eau...
Mme Nicole Bricq. - Nous avons dit qu'il fallait rééquilibrer !
M. Eric Woerth, ministre. - Comme si en France, il n'y avait que deux catégories, les pauvres et les riches...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les bons et les méchants !
M. François Marc. - Prenez donc le métro !
M. Eric Woerth, ministre. - Notre pays est heureusement plus complexe et doté d'un système de redistribution sociale.
Oui, monsieur de Montesquiou, notre stratégie est tournée vers l'avenir. Nous ne lutterons contre les déficits que par davantage de croissance, c'est elle qui fera régresser leur part conjoncturelle. Quant à la RGPP, si souvent décriée, elle est inspirée par ce qu'ont fait d'autres pays, comme la Suède, qui ont réussi à réduire progressivement la part de leurs dépenses publiques dans le PIB.
J'ai bien entendu les propos du président Arthuis sur le grand emprunt. Les conclusions rendues ce matin par la commission Juppé-Rocard sont en même temps responsables et ambitieuses ; il faudrait plutôt parler de grand investissement que de grand emprunt. Alors que la part de l'investissement dans les dépenses de l'État régresse depuis longtemps, l'emprunt sera un accélérateur de compétitivité. Nous ferons en sorte d'en limiter le coût et d'en augmenter le taux de retour, vous le verrez en collectif.
Comment la bonne dette peut-elle chasser la mauvaise ? En guise de zakouski, j'ai dit que les charges d'intérêt de l'emprunt seraient gagées par une baisse à concurrence des dépenses de fonctionnement.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est de la finance islamique ! (Sourires)
M. Eric Woerth, ministre. - Et la vision est vraiment patrimoniale : en face de 60 % des sommes prévues on trouvera des actifs.
La fiscalité et la dépense fiscale... Nous avons baissé les impôts de 16 milliards d'euros depuis 2007, 10 au bénéfice des ménages et 6 à celui des entreprises ; mais on sait que lorsqu'on soutient celles-ci, on soutient aussi ceux-là. Nous avons engagé, monsieur le rapporteur général, monsieur Christian Gaudin, une évaluation des plus de 450 niches fiscales, ce qui prend un peu de temps... Le Parlement a d'ailleurs voté, dans le cadre du budget triennal, une règle selon laquelle toute dépense fiscale doit être gagée ; et c'est le cas, contrairement à ce que croient certains, non pas en instantané mais sur deux ans.
L'affaire de la TVA sur la restauration est réglée en une seule fois, mais il faut plusieurs années pour obtenir le plein effet d'une suppression de niches fiscales touchant l'impôt sur le revenu. Nous présenterons un bilan des résultats obtenus à l'horizon 2013.
Que la fiscalité soit juste ou injuste, on peut en débattre, mais le fait est qu'elle évolue comme jamais avec ce projet budgétaire, après le plafonnement des niches fiscales décidé l'an dernier. Je mentionnerai la suppression de la taxe professionnelle, l'imposition forfaitaire annuelle, la taxe carbone. Au demeurant, la justice ne doit pas être considérée seulement à l'aune de la fiscalité : il faut prendre en compte les transferts sociaux. Ainsi, le revenu de solidarité active a augmenté de 47 % le revenu des personnes particulièrement modestes, contre 42 % en 2006. La redistribution a en fait progressé vers une plus grande justice sociale. Les 20 % de contribuables les plus aisés gagnent plus de 54 000 euros par an. A ce stade, 14 000 euros repartent dans le système redistributif.
J'en viens aux collectivités territoriales, pour partager les observations faites par M. de Legge sur l'autonomie fiscale. Elle est constitutionnellement garantie, mais doit être conciliée avec la péréquation. Au demeurant, une très forte autonomie politique coexiste dans certains pays avec des ressources locales presque exclusivement constituées par des dotations d'État. Une réforme fiscale ménage l'autonomie des collectivités.
Il est vrai que les dotations de l'État ont augmenté moins vite qu'auparavant, mais sans régresser. Nous avions eu, par ma faute, un débat quelque peu confus l'an dernier car j'avais regroupé le FCTVA et les dotations à proprement parler. Comme vous m'en aviez fait assez vivement le reproche, la distinction est claire aujourd'hui. Le FCTVA augmentera de 6 %, les autres dotations seront réévaluées comme la moitié de l'inflation, soit 0,6 % en moyenne. L'Assemblée nationale ayant fixé à 0,9 % la hausse de la dotation globale de financement, le reste augmentera un peu moins.
Depuis 2003, les concours de l'État aux collectivités territoriales ont progressé de 2 %, soit bien plus que les dépenses de l'État dont les recettes fiscales ont elles-mêmes diminuées de 20 %. Il est normal que l'État amortisse la crise pour les collectivités territoriales mais il n'est pas interdit de le reconnaître.
M. Baylet a parlé de l'APA. Le Gouvernement Jospin n'avait compensé qu'un tiers de cette allocation, dont les départements avaient donc assumé les deux tiers. Je ne fais pas de l'archéologie politique en leur rappelant. Monter sur ses grands chevaux pour donner des leçons est très bien mais vous n'aviez guère compensé les compétences lourdes transférées aux départements ! (Applaudissements à droite)
En grande forme, M. Massion a tenu des propos sans nuance : nous sommes les plus mauvais et présentons le pire budget. Mais en oubliant la crise, il m'a fait penser à Hibernatus. Maintenant que vous êtes réveillé, je vous en informe ! Elle influence les finances publiques. Vous dites que tout allait mieux à l'époque du gouvernement Jospin, mais en omettant que la croissance annuelle atteignait alors 6 %. Ça aide. Avec un pareil taux, mon budget serait bien meilleur que le vôtre !
Monsieur Muller, vous avez dénoncé la taxe carbone. Très bien. Vous voulez donc taxer la pollution, mais à condition de s'en tenir aux discours. Il est indéniablement plus difficile de passer à l'action puisque certains devront payer. Nous assumons la taxe carbone, ainsi que le principe de son évolution future. La meilleure chose serait d'instituer une taxe carbone aux frontières, à l'issue des négociations internationales. En attendant, je suis fier d'appartenir au gouvernement qui a créé cette taxe ! (Applaudissements à droite)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Mme Bricq m'a reproché de ne pas avoir bougé d'un iota sur la taxe professionnelle. Or, le Gouvernement a accepté le découplage, qu'il refusait initialement. Nous avons également admis la nécessité d'un chemin de répartition des ressources fiscales. Nous avons en outre abandonné les transferts initialement envisagés de Tipp. Enfin, au lieu de mettre en extinction sur vingt ans les fonds de garantie des collectivités territoriales, nous les avons pérennisés. Ainsi, le projet a connu quatre évolutions majeures.
M. Baylet a parlé de recentralisation à propos de la taxe professionnelle. Pourtant, avec 11 milliards d'euros versés pour compenser les plafonnements et dégrèvements, l'État est aujourd'hui le principal contributeur des 30 milliards acquittés chaque année au titre de la taxe professionnelle. Le pouvoir de redistribution est entre ses mains.
En revanche, la contribution économique territoriale renforcera le lien direct entre l'entreprise et le territoire qui l'accueille, puisque l'État n'interviendra plus. Le principe constitutionnel de l'autonomie budgétaire des collectivités territoriales est donc parfaitement respecté. Ainsi, le taux d'autonomie financière des communes passera de 62 % à 61,7 % ; celui des départements évoluera de 66 % à 62,9 % ; enfin, celui des régions s'établira à 49,7 % contre 51,6 % aujourd'hui. Pour l'essentiel, nous sommes dans l'épaisseur du trait.
M. Baylet a parlé des dotations budgétaires, qui atteignaient 3,9 milliards à l'origine, puis 3,7 milliards à la fin du débat à l'Assemblée nationale, mais qui se seraient établies à 9,3 milliards en appliquant à la lettre l'article 72-2 de la Constitution. Le Conseil d'État a été particulièrement sensible à ce point.
M. Angels estime qu'il faudrait centrer les allégements de taxe professionnelle sur le secteur industriel. Mais c'est ce que nous avons fait puisque nous avons sorti de l'assiette les biens immobiliers, que l'on retrouve le plus dans l'industrie, pas dans les services. Le secteur industriel bénéficiera de 40 % des gains procurés par la réforme de la taxe professionnelle, alors qu'il ne représente que 14 % du PIB. C'est de la discrimination positive, obtenue aussi en diminuant de 15 % la valeur locative foncière de ce secteur.
M. Biwer a évoqué les autres dotations de l'État, qui s'établissent donc à 3,7 milliards d'euros. Le Premier ministre a fait des ouvertures devant le congrès de l'Association des maires de France pour diminuer les dotations et accroître les transferts de fiscalité.
Monsieur Massion, décidément très en forme, vous avez prétendu que la taxe professionnelle et la taxe carbone avaient été déterminées sans concertation. Il se trouve que certains candidats tiennent leurs engagements. Nicolas Sarkozy avait signé la charte de Nicolas Hulot, il a donc promis d'instituer une taxe carbone. J'ai été auditionnée huit fois par les commissions parlementaires, j'ai reçu à trois reprises les représentants des collectivités territoriales en séance plénière et nous avons consacré des centaines d'heures au travail technique. Considérablement aménagé par l'Assemblée nationale, le dispositif évoluera encore au Sénat, car nous avons décidé, avec le Premier ministre, de préparer dans la concertation cette réforme en profondeur.
Mme Nicole Bricq. - Vous n'avez rien changé à l'assiette !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Certains pays se fondaient sur un prix de la tonne de carbone très supérieur à 17 euros. Nous avons opté pour un niveau qui nous paraissait acceptable et qui était proche de la moyenne entre le plus haut et le plus bas des cotations sur le marché.
Ce taux nous a paru tout à fait acceptable pour un impôt particulièrement moderne puisque, justement, a souligné le rapporteur général, il n'est pas un impôt pesant sur les ménages.
J'en viens à la taxe professionnelle en zone franche, pour répondre à M. Patient. Dans un premier temps, l'idée était d'accorder une exonération de la part foncière aux entreprises concernées. Après passage à l'Assemblée nationale, celles-ci bénéficieront également d'une exonération de la cotisation sur la valeur ajoutée. Nous proposerons, en outre, un mécanisme de crédit d'impôt pour que l'aide relative à la taxe professionnelle existante soit intégralement maintenue dans les ZFA et les ZFU.
Ce nouveau dispositif, contrairement à ce qu'a soutenu M. Muller, ne bénéficie pas qu'aux grands groupes. Regardons les chiffres : les gains de réduction sont de 49 % lorsque le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million, de 61 % quand il est compris entre 1 et 3 millions, de 26 % entre 3 et 7 millions et de 14 % au-delà ; la moyenne s'établissant à 23 %.
La comparaison avec nos partenaires ne nous donnerait pas matière à pavoiser. Je ne citerai pas Bossuet mais rappellerai quelques données. En 2009, notre croissance serait de -2,2 %, contre -4,1 % en Europe et -5 % en Allemagne. Notre résultat est donc deux fois meilleur à celui de la zone euro. Le chômage, si on compare les chiffres avec ceux de 2007 -année durant laquelle nous avions eu les meilleurs résultats en mai depuis quelques années-, a augmenté de 21 % en France, contre 32 % en moyenne en Europe, 123 % aux États-Unis et le chiffre en Espagne est encore pire... La dette publique, qui nous est aussi chère qu'au ministre Fourcade...
Voix à gauche - En effet, elle est chère ! (Sourires)
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...a augmenté de 19 % en France, contre 30 % en Allemagne, 32 % aux États-Unis et 38 % en Grande-Bretagne. Certes, notre dette est plus élevée, mais sa hausse est moins importante que celle de l'Allemagne au regard du PIB. Cela ne nous empêchera pas, monsieur Lambert, de nous concentrer sur certains chiffres, notamment le déficit structurel, dès 2010, avec un objectif de diminution de 0,34 % -car nous serons encore dans le plan de relance- puis de 1 %, soit de manière plus ferme en 2011 et les années suivantes. Nous négocions actuellement avec la Commission européenne pour repousser d'un an l'échéance d'un retour sous la barre des 3 % car M. Woerth et moi-même pensons qu'une année supplémentaire est indispensable. Nous travaillons en bonne intelligence avec nos partenaires économiques car l'Union a fait notre force durant la crise. En tout état de cause, l'évolution de la croissance déterminera la manière dont nous rétablirons ces équilibres indispensables ! (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°I-135, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010).
M. Thierry Foucaud. - Madame la ministre, comment pouvez-vous affirmer que ce texte garantit la libre administration des collectivités territoriales quand leur autonomie financière est réduite à la portion congrue ? Les élus locaux auront seulement la liberté de déterminer le taux d'imposition à la cotisation locale d'activité, soit un élément de ressources plus faible que la taxe professionnelle...
« Oxygène de la République, la décentralisation a libéré les initiatives et les énergies locales. Elle a, par ailleurs, accru l'efficience de l'action publique grâce aux bienfaits de la gestion de proximité. (...) Enfin, la décentralisation a contribué, même si des progrès restent à accomplir, à donner corps et âme à la démocratie locale à un moment où les inquiétudes suscitées par l'inéluctable mondialisation exacerbent notre besoin d'enracinement. Pourtant, force est de constater, vingt ans après les lois Defferre, que la décentralisation, en dépit de son bilan globalement positif, apparaît comme « à bout de souffle », « au milieu du gué », et surtout « à la croisée des chemins ». Ce propos n'est nullement de notre groupe mais du président Poncelet ! Il constitue l'exposé des motifs de sa proposition de loi constitutionnelle, qui a inspiré la réécriture, par le Sénat, de la loi du 29 mars 2003. La situation est originale : sept ans après, la majorité sénatoriale jette aux orties ses convictions pour voter sans trop broncher, hormis une petite fronde via les médias, un texte par lequel la décentralisation se perd dans les sables de la rupture démocratique menée par M. Sarkozy. Que deviendra la coopération intercommunale quand la suppression de la taxe professionnelle conduira à réduire la compensation attribuée par le conseil communautaire à chacune des communes membres ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pourquoi la réduire ?
M. Thierry Foucaud. - La réforme aura des effets désastreux sur les dotations de solidarité communautaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elle n'aura aucun effet !
M. Thierry Foucaud. - Que devient la décentralisation quand les régions...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ah !
M. Thierry Foucaud. - ...ne disposeront plus bientôt que des ressources dédiées par le partage d'une cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée, dont l'affectation sera décidée par le pouvoir législatif ? Que devient la décentralisation quand les départements connaîtront le même sort alors qu'ils font depuis plusieurs années l'expérience pour le moins douloureuse des transferts de charges non compensées, notamment avec le RSA ou encore l'APA ?
Avant les débats sur la révision constitutionnelle de 2003, le président Arthuis s'interrogeait en commission sur le fait que la libre disposition des ressources soit présentée comme la seule garantie de la libre administration des collectivités territoriales et, avec M. Frimat, sur la part et la nature des ressources propres et la notion d'autonomie financière. Dans l'hémicycle, le président Fourcade affirmait : « La majorité d'alors a fortement réduit le domaine de responsabilité des élus locaux et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a laissé faire, qu'il s'agisse du remplacement d'impôts locaux par des dotations budgétaires ou bien des prélèvements multiples sur les recettes fiscales de certaines collectivités. Il faut donc élever une barrière ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Eh oui ! Il y a beaucoup de pailles et de poutres ! (Sourires)
M. Thierry Foucaud. - « Cette barrière, mes chers collègues, doit être solide », poursuivait-il, « car la pente naturelle de l'État est de refuser le maintien du lien entre l'élu local et les citoyens qui paient l'impôt ». Lors de la conclusion de ces débats à Versailles, M. Raffarin, alors Premier ministre, qui nous fait aujourd'hui bénéficier de son expérience, indiquait : « Le premier principe est celui de l'autonomie financière : les collectivités disposent librement de leurs ressources, dans les conditions fixées par la loi. Le deuxième, très important, est celui de la juste compensation : les transferts seront financés loyalement. (...) Nous voulons sincèrement rétablir la confiance entre l'État et les collectivités. Le juge constitutionnel empêchera les décentralisations de charges qui n'auront pas été préalablement financées. Troisième principe : l'autonomie fiscale. La part des ressources propres des collectivités dans le total de leurs ressources devra être déterminante. En privilégiant le transfert des recettes fiscales sur celui des dotations, nous responsabiliserons les élus, qui pourront rendre des comptes aux contribuables sur les dépenses financées par l'argent public. Des élus dotés d'une capacité d'initiative mais rendant des comptes aux électeurs, voilà notre conception de la décentralisation ».
Nous sommes aujourd'hui dans un autre cadre et cette loi de finances met à mal l'organisation décentralisée de la République comme l'autonomie des collectivités locales, deux concepts de valeur constitutionnelle. Avec la cotisation supplémentaire assise sur la valeur ajoutée, une recette fiscale est remplacée par une dotation budgétaire, bientôt normée et insuffisante. Que signifie l'encadrement de ces dotations par rapport à la libre fixation des ressources et au droit de lever l'impôt ? Le montage juridique douteux de l'article 27 n'annonce-t-il pas une non-compensation du nouveau prélèvement opéré sur les ressources des collectivités au titre de la taxe carbone ? On met bel et bien en cause le principe d'autonomie.
Dans le champ de la fiscalité, la cotisation complémentaire échappe complètement aux élus locaux. L'article 2, même revu par le rapporteur général, indique que les règles ne seront pas fixées localement, de sorte que les efforts déployés pour accueillir une entreprise ou l'aider à s'agrandir ne seront pas récompensés localement mais pourront se traduire par une augmentation des ressources d'une autre collectivité !
Les dépenses contraintes sont de plus en plus lourdes, ainsi de l'APA. Voilà ce qui, au coeur de ce projet de budget, fait de l'article 72-2 une simple déclaration de principe.
Ce rappel suffit à justifier le vote de la motion et à simplifier du même coup un travail parlementaire singulièrement lourd ces jours-ci, mais le principe d'égalité devant l'impôt, pourtant inclus dans le bloc de constitutionnalité, est une nouvelle fois en brèche. Où est l'égalité quand certains contribuables sont dispensés de contribution, quand les artisans déduiront la taxe carbone de la cotisation locale d'activité alors que le particulier ne le pourra pas et que le remboursement forfaitaire est typique des dispositions méconnaissant les capacités contributives de chaque contribuable ? Une taxe inégalitaire inégalitairement remboursée, cela fait beaucoup. Et je ne dis rien des niches fiscales qui profitent à certains redevables de l'ISF.
Votre politique fiscale ne respecte pas ce fondement de la République : la loi est l'expression de l'intérêt général. J'attends que vous répondiez sans détour à nos arguments. Oserez-vous prétendre que le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités territoriales n'est pas remis en cause ? J'attends vos explications car les milliers d'élus locaux ont bien compris l'exercice de recentralisation autour du Président de la République. La mise au pas des collectivités locales constitue une rupture démocratique au profit de l'exécutif et de son chef, Nicolas Sarkozy. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Puisque votre motion s'appuie sur une analyse juridique, je relève une confusion entre le principe d'autonomie financière et l'autonomie fiscale, celle-ci n'ayant pas valeur constitutionnelle. On peut le regretter -je l'avais fait à l'époque- mais tel est l'état du droit : vous ne pouvez pas vous appuyer sur cet argument. Le Conseil constitutionnel sera d'ailleurs l'observateur vigilant et impartial de nos débats vers les fêtes de Noël.
L'égalité devant l'impôt, qui oblige de traiter de manière identique les situations identiques, permet ou oblige de traiter de manière distincte des situations différentes. L'égalité selon la jurisprudence est proportionnelle plus qu'arithmétique et elle n'est sûrement pas un égalitarisme. Enfin, la jurisprudence considère que l'intérêt général justifie, dans une certaine mesure, des différences de traitement malgré des situations a priori équivalentes.
Vos arguments sont inopérants et je propose de rejeter votre motion.
M. Eric Woerth, ministre. - Demandez-vous des nouvelles de la décentralisation ? (Dénégations à gauche) Elle sera consolidée, épanouie et clarifié. Le principe d'autonomie, financière et non fiscale, est respecté. En Allemagne, qui est un État fédéral, les recettes sont partagées et l'absence de liberté des taux n'empêche pas l'autonomie politique. On ne peut pas raisonner comme si l'autonomie dépendait de la fixation du taux des impôts.
La décentralisation sera renforcée car la réforme de la taxe professionnelle renforce l'autonomie des collectivités, ainsi que la justice, car la péréquation sera plus forte et la base de l'impôt plus juste et plus économique. La taxe professionnelle n'était d'ailleurs pas une ressource garantie : combien d'élus ne se sont-ils pas plaints du départ d'une entreprise ?
Consolidée, la décentralisation sera aussi clarifiée avec la réforme des collectivités déjà largement débattue, qui crée des pôles clairs, des compétences lisibles et rompt avec l'opacité actuelle.
Évitons les contre-vérités sur les compensations. Les transferts d'équipements et de personnels sont compensés mais vient un moment où les collectivités lancent des actions plus ambitieuses. (Exclamations à gauche) Les prestations sociales sont allées plus vite que le reste et c'est pourquoi le Gouvernement a maintenu les 500 millions du fonds dédié. Quant à la taxe carbone, le Premier ministre a annoncé aux maires l'intervention de l'Ademe. Pour toutes ces raisons et pour celles qu'a dites le rapporteur général, je propose de ne pas retenir cette motion.
Mme Nicole Bricq. - Le groupe socialiste votera la motion. Je veux rappeler la mise en garde du rapporteur général au sujet de la règle de l'autonomie financière. C'est sa théorie du « un temps, deux mouvements ». Le texte, tel qu'il arrive, contrevient au principe d'autonomie financière.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pas du tout !
Mme Nicole Bricq. - C'est l'argument que vous utilisez pour convaincre les collègues de la majorité qui restent réticents : dans un premier temps, la suppression de la taxe et le report à plus tard de l'examen du deuxième volet. Par une sorte de gesticulation intellectuelle, vous êtes obligés de proposer une configuration de ce que pourraient être, en 2011, la répartition et la compensation. Il y a donc bien un risque d'inconstitutionnalité. Si vous ne l'avez pas dit dans votre intervention, cela figure noir sur blanc à la page 11 de votre rapport.
Mme Marie-France Beaufils. - Votre rapport comporte des éléments très intéressants.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est un succès d'édition ! (Sourires)
Mme Marie-France Beaufils. - La taxe professionnelle a rapporté 32,4 milliards en 2009 alors que les deux nouvelles contributions sur l'activité économique ne rapporteraient que 15,8 milliards. Nous ne disposons pas encore de la liste complète des autres transferts, puisqu'on nous dit que nous verrons tout cela dans un deuxième temps, surtout pour les communes et les intercommunalités. Pour ces dernières, en restera-t-on aux 20 % de la cotisation complémentaire ou cette répartition évoluera-t-elle encore ?
En l'état, le projet ne permet pas aux collectivités de préparer leurs budgets. Nous sommes dans une situation où l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales n'est pas assurée.
Quand vous dites qu'il faudra revoir au premier semestre 2010 la définition de ces nouvelles impositions, c'est bien que rien n'est réglé. Nous vous invitons donc à voter notre motion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je remercie Mmes Bricq et Beaufils d'être des lectrices attentives de mon rapport. Mais je m'y contente de dire que l'on ne peut se borner dans cette loi de finances à traiter d'un aspect sans aborder l'autre. Il n'est pas possible de décider de ce qui est agréable aux entreprises sans traiter le sujet difficile de la contrepartie à trouver pour les collectivités territoriales.
Mme Nicole Bricq. - Le texte est muet sur ce point !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour qu'il ne le soit pas, il faut, dans un premier temps, rejeter cette motion et examiner les articles !
Pour respecter la Lolf, il doit y avoir un temps -la loi de finances- et deux mouvements -la première et la deuxième partie de cette même loi de finances ! Seule la première partie a des conséquences sur le solde de l'année qui vient alors que la deuxième partie comporte des mesures à effet différé qui ne se traduiront qu'à partir du 1er janvier 2011. Mais elles seront bien incorporées au corpus de la loi et devront être les plus précises possibles pour servir de base aux concertations mais aussi aux simulations indispensables qui auront lieu au cours de l'année prochaine. La méthode que nous vous proposons est strictement conforme à notre droit parlementaire. Dès lors, je ne comprends pas les objections que vous avez formulées, mais nous aurons l'occasion d'en reparler si votre motion est rejetée.
La motion n°I-135 est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°I-136 présentée par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à opposer la question préalable
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2010 adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
M. Gérard Collomb. - S'il est inhabituel pour l'examen d'un projet de loi de finances d'opposer la question préalable, c'est peut-être qu'aujourd'hui les circonstances ne sont pas habituelles. M. le rapporteur général l'indiquait implicitement en répondant à la motion d'irrecevabilité : nous allons aujourd'hui débattre en deux parties, l'une agréable pour les entreprises et l'autre particulièrement désagréable pour les collectivités territoriales.
Il faut que la rupture soit profonde pour que trois anciens Premiers ministres aient jugé bon de s'exprimer. Lorsque Jean-Pierre Raffarin estime que « l'actuelle proposition n'est ni claire, ni juste, ni conforme à nos convictions d'élus enracinés », il émet un jugement que beaucoup d'entre nous partageons. Pour Édouard Balladur, « Nous ne sommes pas dans le bon temps. On ne peut pas faire une véritable réforme fiscale avant de savoir quelles sont les compétences de chacun des niveaux des collectivités territoriales. Il faut d'abord fixer la règle du jeu avant de savoir comment on va leur affecter ce qui va remplacer la taxe professionnelle ». Mon collègue Alain Juppé, qui sait comment fonctionnent les collectivités locales, notamment les communautés urbaines, estime, quant à lui, que « la réforme de la taxe professionnelle en l'état...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En l'état !
M. Albéric de Montgolfier. - Oui, en l'état !
M. Gérard Collomb. - ...me parait difficilement acceptable ». Certes, monsieur le rapporteur général, en l'état ! Mais je ne suis pas sûr que même après le passage au Sénat de ce projet de loi de finances, la communauté urbaine de Bordeaux retrouve la totalité de ses capacités actuelles. J'en reviens à M. Juppé : « Pour ne prendre que l'exemple de la communauté urbaine de Bordeaux, elle y perdrait une grande part de ses ressources fiscales propres et donc de l'autonomie que lui garantit la Constitution ».
On ne sait pas comment évoluerait la compensation de l'État. Tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont tendance à oublier les compensations au fil des ans. Alain Lambert, avec qui j'en ai longuement discuté au sein de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf), sait de quoi je parle.
L'inquiétude qui se manifeste actuellement au congrès de l'Association de maires de France (AMF) face à la suppression de la taxe professionnelle, à la création de deux nouvelles taxes et à leur répartition, est profonde. Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'AMF, considère que cette réforme marquera un recul de l'autonomie locale et aura d'immenses conséquences sur l'investissement public. Ce texte marque une profonde rupture : le Gouvernement sacrifie l'investissement des collectivités territoriales après l'avoir réclamé en soutien du plan de relance. Et cette position n'est pas idéologique puisque des élus de toutes les sensibilités partagent cette préoccupation.
Le rapporteur général a dû nous proposer de scinder le débat en deux parties : l'une sur la fiscalité des entreprises, l'autre sur les implications pour les collectivités territoriales des mesures prises. Le malaise est profond, et nous craignons que la potion soit particulièrement amère après que nous aurons goûté, dans un premier temps, aux délices des félicitations de certains amis entrepreneurs.
La taxe professionnelle a été créée en 1975, et tout le monde a en mémoire les propos de François Mitterrand qualifiant cet impôt d'imbécile. Ce n'est pas parce qu'on envisage une nouvelle fois de la réformer que les élus s'inquiètent : dès 1976 ont été décidés un écrêtement de la base et le plafonnement de la cotisation. La part salariale a été réduite en 1983, puis supprimée entre 1999 et 2003. La part de la valeur ajoutée a été plafonnée en 1991, etc. Depuis trente ans, la taxe professionnelle a connu près de 70 modifications législatives.
M. Albéric de Montgolfier. - Soixante-huit !
M. Gérard Collomb. - L'actuel projet de réforme, radical, suscite une bronca car il bouleverse l'architecture des rapports économiques entre l'État et les collectivités locales, ces dernières étant condamnées à s'affronter entre elles sans qu'aucune catégorie ne soit pleinement satisfaite.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est un procès d'intention, une vision politicienne !
M. Gérard Collomb. - Toutes les collectivités locales vont perdre leur autonomie fiscale avec une cotisation complémentaire, dont le taux sera fixé au niveau national, et une cotisation locale d'activité plafonnée et totalement liée par l'évolution des taxes des ménages. Cela va à l'encontre du développement économique, comme le montre le tableau réalisé par l'Association des maires des grandes villes de France et l'Acuf. Les villes les plus industrialisées y perdront le plus. Ainsi les recettes propres de Fos-sur-Mer, Dunkerque et Montbéliard baisseront de 69 %. A l'inverse, Nice-Côte d'Azur gagnera 23 %.
J'ai fait réaliser une estimation par les services de la ville de Lyon, que je suis prêt à confronter avec celle effectuée par les services de l'État. Les recettes de taxe professionnelle pour l'agglomération lyonnaise s'élèvent actuellement à 523 millions d'euros. Si ce texte était voté en l'état, Lyon recevrait 229 millions de la cotisation complémentaire, auxquels s'ajouteraient 29 millions de taxes économiques, 125 millions d'impôts ménages et 139 millions de compensation de l'État. Quelles en seraient les conséquences sur le tissu économique lyonnais ? L'industrie, qui contribuait à 38 % de la ressource, n'en verserait plus que 26 %. La part des services augmenterait de 55 à 59 % et celle des professions libérales de 3 à 11 %.
J'ai rencontré, avant de participer à ce débat, un consultant pour de grandes entreprises. Il m'a confirmé que les entreprises de services souffriraient de cette réforme. Madame la ministre, vous vous trompez quand vous nous dites que les autres vont y gagner. Sur le territoire de l'agglomération lyonnaise se trouve la vallée de la chimie : cette source de nuisances ne rapportera demain plus de recettes. J'ai, lors de l'affaire AZF, été un des rares maires à défendre le maintien de ces activités sur nos territoires. Comment, demain, les habitants supporteront-ils ces industries polluantes sans la contrepartie que constitue le financement par la taxe professionnelle d'équipements collectifs ? Et nous ne pourrons plus tenter de transformer ce secteur dans le cadre d'un pôle de compétitivité.
Cette réforme incitera à la désindustrialisation ainsi qu'à la délocalisation des services, dues à l'augmentation des taxes. Notre tissu économique sera touché, dont les petites entreprises de services qui en constituent une part importante. Plutôt que de revoir ces mesures dans six mois, il vaut mieux ne pas examiner un texte qui ne peut être adopté en l'état. Si cette réforme est essentielle, assurons-nous de ses qualités avant de l'appliquer, plutôt qu'après.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je suis surpris que vous conseilliez au Sénat de ne pas délibérer sur un texte. En outre, vos critiques portent sur la version initiale présentée par le Gouvernement et non sur le texte adopté par l'Assemblée nationale. (M. Gérard Collomb le conteste) Vous vous ferez votre opinion d'après nos délibérations, à moins que vous ne considériez le bicamérisme comme vide de sens... En l'honneur du Sénat, il nous faut prendre nos responsabilités.
Je respecterai vos positions, mais il vous faut participer à la discussion qui apportera les aménagements nécessaires à ce texte, déjà amendé par la commission. La question préalable ferait tomber brutalement le couperet et empêcherait chacun de s'expliquer et de faire évoluer cette réforme. La taxe professionnelle a été créée quand Jean-Pierre Fourcade était ministre des finances. Elle n'a cessé d'être revue depuis. Au cours de ce débat, nous pourrons semer des petites graines là où il faut afin que le dispositif puisse évoluer.
Voilà ce que nous vous proposons, sur la première et la deuxième partie ; voilà pourquoi le fonctionnement normal du bicamérisme appelle le rejet de cette question préalable. (Applaudissements à droite)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je vous invite également à participer au débat sur ce texte, que nous sommes très désireux d'enrichir. M. Collomb s'est inquiété de la communauté urbaine de Bordeaux. Je l'invite à se reporter au tableau de simulations tel qu'il est ressorti de l'Assemblée nationale : on y retrouve les mêmes soldes pour les mêmes montants. Nous aurons un débat sur les questions qui vous intéressent, sur le panier du transfert, la dotation, le montant des cotisations mais, je le répète, il n'y a pas de manque à gagner. Le tableau présenté au congrès des maires, auquel j'ai participé hier, avec M. Juppé, présentait des chiffres inexacts puisque n'y figurait pas le montant de la taxe foncière. Or, elle fait partie du panier qui doit remplacer la taxe professionnelle. Certains nous ont accusés de hold-up. Faire l'impasse sur un élément du calcul, c'est cela le hold-up. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Collomb. - Vérifiez plutôt vos chiffres !
Mme Nicole Bricq. - La loi de finances ne peut être une simple loi d'orientation ou d'expérimentation. Or, c'est bien ce que vous nous proposez en nous demandant de légiférer à l'aveugle. Nous savons les efforts méritoires du rapporteur général, mais on n'arrivera à rien sans modifier l'assiette. La preuve, c'est qu'il nous a proposé en commission d'émettre des options à partir d'une préfiguration de la répartition, afin que le Gouvernement puisse faire des simulations et boucler la question quand nous aurons débattu de la réforme des collectivités locales.
Que dit M. Collomb sinon que nous ne pouvons pas débattre sur une expérience non chiffrée ? Le 9 septembre, vous nous avez dit, madame la ministre, que vous ne feriez rien sans simulations. Or ces simulations, nous ne les avons pas !
M. Bernard Vera. - Merci à nos collègues socialistes d'avoir déposé cette motion, que nous déposons tous les ans pour dire notre opposition de fond aux projets de loi de finances qui nous sont soumis.
Le premier budget de la législature était destiné, nous avait-on dit, à soutenir le travail, l'emploi, le pouvoir d'achat. Ce budget se résume en une équation simple : tout pour alléger les impôts des entreprises et des ménages les plus aisés, tout pour accroître ceux du plus grand nombre. Aux uns la suppression de taxe professionnelle, l'exemption de taxe carbone, toujours moins d'ISF et d'impôt sur le revenu ; aux autres la taxe carbone, la mise en cause de la prime pour l'emploi, la hausse des impôts locaux et la hausse de l'impôt sur le revenu. C'est proprement caricatural.
M. Alain Fouché. - Et vous donc ?
M. Bernard Vera. - Après avoir rendu 24 milliards sous prétexte de relance, des milliards de remboursement anticipé de TVA, le crédit d'impôt recherche, vous ajoutez 11,7 milliards de taxe professionnelle. Et pour quel résultat ? Plus de chômage, plus de déficit public.
Les salariés et leurs familles sont mis à rude épreuve. L'évolution du barème de l'impôt ne suffira pas à éviter la hausse de la cotisation moyenne, tandis que certaines dispositions correctrices sont amoindries.
Le détournement de l'accord Bino va reprendre plus de 100 millions d'euros dans la poche des salariés d'outre-mer et la mise en oeuvre du RSA en métropole va permettre à l'État d'économiser tant sur la prime pour l'emploi que sur les allégements de fiscalité locale. Et pendant ce temps, la compensation aux départements ne cesse de se réduire.
Ce ne sont là que quelques exemples des choix qui sont ici opérés et qui culminent avec la taxe carbone, le plus mauvais tour que l'on puisse jouer à la cause de l'environnement. Le groupe CRC-SPG votera cette question préalable.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je vais tenter, avec les quelques lueurs que je possède, d'apporter la contradiction à M. Collomb.
Il ne faut pas croire que les bases de la taxe professionnelle vont continuer d'augmenter comme avant la crise. Au point qu'il fallait chaque année trouver des parades pour freiner l'augmentation des bases. A l'heure où l'on s'emploie à faire redémarrer l'investissement, on ne va tout de même pas le taxer, ce qui serait le cas avec la taxe professionnelle.
Il faut aller au fond du texte, pour en tirer les conséquences. En reprenant dans l'assiette la valeur ajoutée, on retrouve ce qu'était l'assiette initiale de la taxe professionnelle, à laquelle s'ajoutent les bénéfices des entreprises. Voilà donc un impôt qui progressera plus vite que depuis quelques années.
Le vrai problème est celui de la territorialisation des cotisations sur la valeur ajoutée. C'est ce qui permettra aux communautés urbaines, aux grandes villes, aux départements et aux communautés de base d'en bénéficier. De 1945 à nos jours, la base de la taxe valeur ajoutée, c'est-à-dire au fond le PIB, a progressé plus vite que les bases de la taxe professionnelle. (Applaudissements à droite)
Le scrutin public ordinaire est de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Renvoi en commission
M. le président. - Motion n°I-137 rectifiée, présentée par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des finances le projet de loi de finances pour 2010 adopté par l'Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).
M. François Marc. - M. Collomb nous a engagés à mettre fin à la discussion, je vais tâcher de vous persuader de travailler plus.
M. Gérard Longuet. - Pour gagner plus ! (Rires)
M. François Marc. - M. le rapporteur général nous a invités tout à l'heure, dans son discours de la méthode, à fractionner le problème de la fiscalité locale ; il faut aussi se donner le temps de le résoudre. Il a dit qu'il fallait appeler un chat un chat : eh bien, ce texte n'est que l'ébauche d'une loi de finances. Il serait dangereux de légiférer dans le brouillard.
Ce texte souffre d'abord d'insuffisances formelles. Nous ne disposons pas des simulations nécessaires pour adopter une réforme aussi importante que la suppression de la taxe professionnelle. Contrairement à ce que disait Mme la ministre, le parallélisme des formes n'a pas été respecté : les simulations relatives aux effets de la réforme sur les entreprises ont été établies depuis des mois, mais pas sur les collectivités, sauf quelques indications transmises récemment. (Mme le ministre le conteste) De multiples ajustements sont à prévoir dans les mois à venir. Comme le disait un de nos collègues de la majorité, la clause de revoyure ne suffit pas : il aurait été beaucoup plus logique d'inverser le calendrier et de réformer la fiscalité locale après avoir redéfini les missions des collectivités, comme le soulignait la commission des lois elle-même dans un communiqué du 29 octobre.
Il est irréaliste de mener une réforme aussi importante dans un délai si court. Au Sénat, il a été décidé, conformément à la Lolf, de distinguer les règles applicables dès 2010 -c'est-à-dire la suppression de la TP- de celles qui n'entreront en vigueur qu'en 2011 -la réforme des finances locales. Nous devrons donc légiférer à nouveau avant le 30 juin.
Cette procédure en deux temps n'est qu'un rideau de fumée destiné à faire taire les admonestations de la majorité : les sujets sensibles sont renvoyés à plus tard. Le Sénat ne peut tolérer ces petits arrangements entre amis, ni la modification des règles en cours de partie ! Nous ne pouvons nous prononcer sur le seul volet de la réforme relatif aux entreprises : il faut indiquer dès à présent aux élus quelles recettes de substitution ils peuvent escompter. Mais l'improvisation et la confusion règnent au sein de la majorité et du Gouvernement.
Seules les injonctions de Bercy ont été entendues. La discrétion du ministre de l'intérieur, en charge des collectivités locales, ne manque pas d'étonner. Il est vrai qu'il s'agit, pour son ami Président de la République, d'honorer une de ses promesses de campagne... Tout cela illustre les dérives du quinquennat et les dysfonctionnements du parlementarisme en France.
Ces raisons pourraient suffire à exiger le renvoi du texte en commission. Je ne critique pas le travail de la commission (M. le rapporteur général s'en félicite) mais elle a encore besoin de plusieurs mois pour approfondir le sujet.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est bien pourquoi nous procédons en deux temps !
M. François Marc. - Mais on peut aussi avancer des raisons de fond pour justifier cette motion. De nombreuses critiques ont été émises ces dernières semaines par d'anciens Premiers ministres et d'anciens ministres de la majorité : certains vont jusqu'à dire qu' « on se fout du monde »...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous ne variez guère vos citations...
M. François Marc. - Les élus sont inquiets : leur détresse fut palpable lors du congrès des maires. Il est à craindre que les collectivités, faute de ressources suffisantes et assurées, rognent sur leurs investissements alors même que le Gouvernement compte sur elles pour remplir les objectifs du plan de relance et que les entreprises reconnaissent l'importance de leur action.
L'autonomie fiscale des collectivités est remise en cause car si elles bénéficieront de la création de nouveaux impôts et du transfert de certains impôts d'État, elles ne pourront en fixer ni le taux, ni l'assiette. De même que les dotations, ces ressources seront aléatoires : or les élus n'ont plus confiance dans la parole de l'État, quelques années après le vote de la loi relative aux libertés et responsabilités locales... En ce qui concerne les dotations de substitution, c'est le brouillard complet : les mécanismes de garantie restent flous et les compensations de l'État diminuent au fil des années : elles sont en baisse de 6 % dans ce PLF, qu'en sera-t--il par la suite ?
Nous refusons le basculement des impôts locaux sur les ménages. Actuellement, ces impôts pèsent à peu près également sur les particuliers et les entreprises ; après la réforme, 70 % des recettes proviendront des ménages. En outre, les collectivités n'ont une pleine latitude que sur les impôts pesant sur les ménages : il est donc à craindre qu'elles cherchent des ressources de ce côté là.
Nous déplorons aussi l'absence de péréquation et de solidarité entre les territoires, qu'illustrent le maintien des inégalités actuelles, le gel du montant des fonds départementaux de péréquation de la TP et du fonds de solidarité de la région Ile-de-France.
Ce cadeau aux entreprises coûtera 11 milliards d'euros à l'État en 2010 et plus de 5 millions les années suivantes. L'ensemble des Français en subiront la charge car malgré les promesses du Gouvernement, les impôts locaux augmenteront immanquablement. L'État laissera aux collectivités le sale boulot !
Mme Nicole Bricq. - Eh oui !
M. François Marc. - Étant donné la configuration politique actuelle, la manoeuvre est claire...
Parmi les autres effets pervers du dispositif prévu par le projet de loi, le barème progressif va à l'encontre du principe d'égalité devant l'impôt : la cotisation reposera davantage sur le chiffre d'affaires des entreprises que sur la valeur ajoutée, qui fonde pourtant leur capacité contributive. Le lien entre les entreprises et les territoires s'atténuera.
Deux visions de la décentralisation, du rôle des collectivités locales et de leur capacité à incarner l'intérêt général s'opposent. (Mme Nicole Bricq approuve) Hostiles à une conception libérale qui met en péril les services publics locaux, nous pensons que la réforme des finances locales est l'occasion de renforcer la citoyenneté locale, de consolider l'égalité républicaine et de légitimer les 500 000 élus locaux.
Voilà pourquoi nous demandons le report de la réforme. Oui, il faut réformer, mais pas n'importe comment ni à n'importe quel prix. Nous ne voulons pas que nos concitoyens subissent les effets de l'entêtement du Gouvernement et d'une réforme inaboutie. Le Parlement ne doit voter ni des mesures qui relèvent du domaine réglementaire ni des lois expérimentales.
« L'ensemble des actions menées par les collectivités territoriales ne sont pas aujourd'hui clairement financées ; il faut savoir comment elles le seront avant de voter ». Voilà ce qu'a déclaré un sénateur de la majorité...
Il est nécessaire de repousser la réforme de la taxe professionnelle jusqu'après l'adoption du texte relatif aux compétences. Si l'on s'en tient aux propos du Président de la République, selon lequel on ne réforme pas la France contre les élus locaux, nous devrions être entendus. Si la décentralisation mérite d'être améliorée, la Parlement a toute légitimité à refuser de voter un projet de loi inabouti. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission des finances, à laquelle M. Marc appartient, estime avoir fait tout son possible depuis que le sujet est sur la table. Un rapport entier de 130 pages, sans les annexes, est consacré à la taxe professionnelle. Grâce au président Arthuis, et pour la première fois depuis que j'exerce les fonctions de rapporteur général, trois réunions consécutives ont été consacrées à des débats d'orientation, qui ont débouché sur les mandats que la commission a bien voulu me donner. Des pans entiers du sujet ont été disséqués. Tout cela permet d'envisager une réunion de la commission demain matin, au cours de laquelle seront examinés les amendements dits extérieurs ainsi que les quelques rectifications que je lui soumettrai.
On ne peut escompter de progrès substantiels d'un renvoi en commission dans les jours ou semaines qui viennent, ni de méthode, ni sur le fond. Si la motion est rejetée, nous entrerons dans l'examen de la première partie, et je vous proposerai en seconde partie un dispositif qui est déjà largement avancé et qui porte plus particulièrement sur la répartition de la nouvelle cotisation entre les différentes strates de collectivités territoriales. Ce sujet doit être traité en toute transparence.
Je préconise que le Sénat poursuive ses travaux. On sait que le diable se niche dans les détails ; comme la réforme a beaucoup de détails, il y a beaucoup de diables à pourchasser... La seule façon de le faire, c'est de prendre le texte à bras-le-corps, de le malaxer comme il convient et d'entrer avec le Gouvernement dans une meilleure compréhension du dispositif.
M. Eric Woerth, ministre. - Avis défavorable à la motion.
La motion n°I-137 rectifié n'est pas adoptée.
Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle
M. le président. - Comme l'a décidé la Conférence des Présidents, nous abordons l'examen par priorité des dispositions relatives aux collectivités locales, et notamment l'article 2 relatif à la suppression de la taxe professionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Je souhaite présenter au Sénat le dispositif que propose en première partie la commission, avant de lui livrer quelques éléments de réflexion pour préparer l'examen de la seconde. Dans la mesure où nous avons procédé à une réécriture de l'article, les contributions des collègues et des groupes devront se traduire par des sous-amendements. Notre rédaction ne fait que 35 pages, contre les 135 du texte issu de l'Assemblée nationale ; c'est dire que nous avançons prudemment.
Nous préconisons d'abord de créer un montant minimum de cotisation sur la valeur ajoutée, soit 250 euros, qui serait acquitté par toutes les entreprises du barème, soit à partir de 500 000 euros de chiffre d'affaires. Nous n'avons pas proposé de modifier le barème, même s'il est imparfait, estimant que nous devions pour cette année nous donner des objectifs réalistes.
Nous proposons ensuite de modifier, pour les entreprises disposant de plusieurs établissements, le critère de ventilation de la valeur ajoutée dite territorialisée, pour accorder une prime aux communes qui accueillent des établissements industriels, tout en remédiant aux déséquilibres qu'engendrait le texte de l'Assemblée nationale.
Nous proposons de retenir, pour l'ensemble des entreprises, un plafonnement de la valeur ajoutée taxable à 80 % du chiffre d'affaires afin de réduire le nombre des entreprises perdantes, notamment dans le secteur des services. Nous avons également prévu des dispositions diverses au titre de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau, éoliennes, centres de stockage de déchets radioactifs ou unités de production électrique.
Quant aux effets de la réforme pour les collectivités territoriales, nous proposons que la compensation versée en 2010 soit le produit des bases de la taxe professionnelle 2010 multipliées par le taux voté en 2009, et non plus en 2008, sans que ce taux puisse dépasser de plus de 3 % celui voté l'année d'avant...
M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ...afin d'éviter de retenir des références non significatives ou de récompenser des comportements que nous pourrions considérer comme peu vertueux. Nous proposons également d'appliquer en 2010 au vote de la cotisation foncière par les communes et intercommunalités les règles existantes -en d'autres termes de maintenir les règles de déliaison votées au Sénat ces dernières années dans le régime transitoire.
Nous estimons que le régime transitoire doit être à droit constant : rien ne justifie que la cotisation foncière des entreprises échappe aux règles de l'ex-taxe professionnelle. Dans le même esprit, nous proposerons de geler le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
S'agissant de la deuxième partie de la loi de finances, nous avons déjà pris une orientation pour le calcul des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises.
Le projet initial du Gouvernement comportait une clé de répartition macro-économique, reprenant une logique de dotation. Les cotisations auraient été calculées au niveau de l'entreprise -et non au niveau des différents établissements- et leur produit aurait été réparti entre les collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale a mis en cause ces constructions, contre l'avis du Gouvernement dont je salue au passage l'ouverture d'esprit. Les députés ont renversé la perspective pour combiner un barème progressif national et une détermination communale de l'assiette en fonction des effectifs et des locaux. Ce système a le mérite de la clarté mais il présente les inconvénients induits par la concentration des bases sur certaines parties du territoire. Particulièrement propice à l'autonomie financière des collectivités territoriales, voire demain à leur autonomie fiscale, ce montage a l'inconvénient d'imposer un système complexe de péréquation.
Voulant concilier les avantages des deux dispositifs, votre commission des finances propose d'attribuer un impôt territorial aux communes et à leurs groupements mais de mutualiser les ressources départementales et régionales.
En effet, les communes sont les collectivités les plus proches des entreprises, notamment pour ce qui est des bénéfices, mais aussi des contraintes, des charges, voire des nuisances subies. La territorialisation de leurs recettes est la formule la plus motivante afin que les élus de terrain continuent à se battre pour accueillir des entreprises.
En revanche, nous préférons mutualiser les ressources des départements et des régions, la stabilité des ressources revêtant une importance primordiale pour ces collectivités. Le dispositif n'est pas encore finalisé mais la commission des finances estime que les recettes des départements devraient être partiellement assises sur la valeur ajoutée des entreprises concernées par cette cotisation et implantées sur le territoire, le reste provenant de l'ensemble de la valeur ajoutée au plan national. En effet, l'excellent professeur Fréville nous a fait constater qu'un département avec un grand nombre de PME n'aurait que peu de ressources territorialisées par rapport à celles obtenues avec un faible nombre de grandes entreprises. Il y a d'autres aspects, que nous n'avons pas encore traités. Il nous faut finaliser le dispositif et les quelques jours dont nous disposerons ne seront pas inutiles.
Je me bornerai aujourd'hui à la répartition des nouvelles cotisations entre les niveaux de collectivités territoriales.
En 2008, la taxe professionnelle a rapporté 29 milliards d'euros, dont 59 % sont allés au bloc communal. D'après le texte de l'Assemblée nationale, le montant prévisionnel des trois nouveaux impôts économiques atteindrait 18,6 milliards d'euros en 2010, dont 47,2 % seraient attribués au bloc communal. Alors que les départements ont perçu 30,8 % de la taxe professionnelle collectée, ils recevraient 33,7 % des nouvelles cotisations en 2010. Enfin, la part des régions passerait de 10,6 % à 19,1 %.
Faut-il maintenir ce dispositif ? La commission en débat. (M. Jean Arthuis, président de la commission, confirme) A titre personnel, j'estime plus logique et plus conservateur, à compétences inchangées, de ne pas changer la structure des recettes et donc de maintenir les pourcentages actuels.
M. Adrien Gouteyron. - C'est l'idéal !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est peut-être arbitraire, mais rien n'empêcherait de revenir ultérieurement sur ce choix. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. - Ce débat traditionnel prend un relief particulier avec la suppression de la taxe professionnelle, la réforme des collectivités territoriales et la révision des valeurs locatives. Fort heureusement, ces chantiers considérables n'entrent pas tous dans le projet de loi de finances mais le débat d'aujourd'hui est déterminant pour connaître parfaitement l'évolution des dotations de l'État. A cet égard, 2010 sera une année de transition. Le Parlement, a fortiori le Sénat, devra prendre toute sa place et rassurer les élus locaux.
Je commencerai pas un rappel général des dispositions relatives aux finances locales dans le projet de budget pour 2010.
A périmètre constant, l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités atteindra 97,5 millions d'euros en 2010, contre 96 milliards en 2009. Cette somme inclut les dotations, les prélèvements sur recettes, la dotation transférée, les dégrèvements d'impôts et les diverses subventions ministérielles. J'aurai l'honneur de rapporter en seconde partie la mission Relations avec les collectivités territoriales, dont les crédits s'élèvent à 2,5 milliards d'euros. Le débat d'aujourd'hui constitue donc le moment privilégié de se faire une idée globale des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Pour le reste, je vous invite à consulter l'excellent jaune budgétaire Effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales.
Cette année, la suppression de la taxe professionnelle conduit à présenter une vision à périmètre constant et une évaluation prenant en compte l'incidence de cette réforme. Ainsi, le budget de l'État devra financer en 2010 presque 32 milliards d'euros au titre de la compensation relais, en sus des 97,5 milliards que j'ai mentionnés. Avec la disparition des 3 milliards de dégrèvements de taxe professionnelle, l'effort financier consolidé en direction des collectivités territoriales atteindra 126,8 milliards d'euros.
J'en viens aux faits marquants de ce projet budgétaire pour les collectivités territoriales.
D'abord, les dotations dites « sous enveloppe » progresseront de 1,2 % en 2010, soit le taux de l'inflation prévisionnelle. Ce rythme est comparable à celui des dépenses de l'État hors plan de relance. Les transferts financiers aux collectivités territoriales s'inscrivent donc dans le redressement des finances publiques.
Parmi ces concours financiers, la dotation globale de financement évoluera deux fois plus lentement, soit une hausse de 0,6 %, comme pour l'ensemble des prélèvements sur recettes.
Mais le nouvel impact du recensement et de l'évolution de l'intercommunalité doit être soustrait de cette variation. En conséquence, le complément de garantie des communes, qui représente environ 22 % de la DGF des communes, baissera de 2 % en 2010 et non, comme prévu par le Gouvernement, de 3,5 %. Cette réduction permettra néanmoins de dégager 131 millions en faveur de la péréquation. Compte tenu de cette modification apportée par les députés, les variables d'ajustement dans la dotation forfaitaire baisseraient de 6,8 %, et non de 3,6 %. Il faut donc s'attendre à une faible progression, voire une baisse de la DGF pour de nombreuses collectivités.
Le fonds de compensation de la TVA augmentera de 6,4 % par rapport à 2009. Son versement anticipé, décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, est un succès : les 20 000 conventions ont permis de verser 3,8 milliards de compensations supplémentaires en 2009 pour une commande publique de 55 milliards. Certaines collectivités ne pouvant pas payer leurs dépenses avant le 31 décembre 2009, le Gouvernement a accepté que l'on prenne en compte non seulement les paiements effectifs mais aussi les engagements de dépenses. Il faut maintenant traduire cette avancée significative dans le projet de loi, plusieurs amendements ont été déposés en ce sens. Lors du congrès des maires, le Premier ministre a également proposé de prolonger le versement anticipé du FCTVA en 2010 et le groupe UMP a proposé un amendement sur ce point qui constitue une bonne nouvelle pour les collectivités dans cette période de morosité.
La péréquation, érigée par la révision constitutionnelle de 2003 au rang d'objectif à valeur constitutionnelle, est particulièrement importante pour l'équilibre budgétaire des collectivités les plus fragiles dans ce contexte budgétaire tendu. La majoration de la dotation de solidarité urbaine de 70 millions en 2010, votée à l'Assemblée nationale, va dans le bon sens. Elle entraînera, si le comité des finances locales reste fidèle à sa doctrine de liaison entre les taux de la DSU et de la dotation de solidarité rurale, une progression de la DSR identique de 6 %. La péréquation départementale, réformée en 2005, ne profite pas suffisamment aux départements historiquement éligibles, les plus en difficulté...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Faux !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - ...dont la dotation stagne. Cette situation est préoccupante en période de crise...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Certainement pas ! Cette espèce de rente est scandaleuse !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Je plaide donc pour la reprise de l'évolution de cette dotation pour 2010. J'en viens à la péréquation régionale, sujette à débat l'an dernier. Mon rapport a permis d'en dresser un bilan nuancé : si sa performance est satisfaisante au regard des sommes engagées -3,15 % de la DGF régionale-, il faut corriger certains dysfonctionnements pour mieux prendre en compte la réalité des territoires, en rapprochant notamment les critères d'éligibilité des règles de calcul de la répartition des dotations. L'amendement adopté par la commission des finances mérite d'être affiné. Le Gouvernement souhaite-t-il remédier à ces imperfections, parfois fatales aux régions les plus fragiles ?
Concernant la taxe carbone, les élus s'inquiétant de l'absence de contrepartie aux collectivités (Mme Nicole Bricq s'exclame), j'ai alerté le Gouvernement avec quelques collègues. Le Premier ministre, à l'occasion du congrès des maires, a proposé la création d'un fonds placé auprès de l'Ademe, dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités et qui contribuera au financement de leurs investissements en économies d'énergie. Cette proposition accélérera la mise aux normes énergétiques du patrimoine immobilier des collectivités. Comment le Gouvernement compte-t-il traduire cet engagement dans ce texte ?
Je souscris aux propositions du rapporteur concernant la réforme de la taxe professionnelle. Le calendrier proposé a déjà fait couler beaucoup d'encre : nous sommes, en effet, quelques-uns à penser que le débat ne saurait être figé avant que les compétences des collectivités soient définies. Notre rapporteur général a entendu le message et propose un nouveau rendez-vous législatif en 2010.
M. Pierre Hérisson. - Très bien !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Le Sénat doit apaiser les légitimes inquiétudes des élus ; le rapporteur général l'a, d'ailleurs, reconnu. Le travail de notre commission des finances va dans ce sens. (M. Jean Arthuis, président de la commission, acquiesce) Le principe d'une mutualisation des recettes sur le bloc départements et régions avec des critères physiques de répartition est péréquateur, j'y suis favorable. La territorialisation des recettes sur le bloc communal renforce le lien entre l'économie et le territoire, j'y suis favorable. Je veux, néanmoins, insister sur trois points. Tout d'abord, la nécessaire affectation d'une fraction plus importante de la cotisation sur la valeur ajoutée au bénéfice du bloc communal. Pas moins de 90 % des recettes fiscales des EPCI à taxe professionnelle unique proviennent de la taxe professionnelle. Ensuite, le dispositif actuel, concernant la contribution sur la valeur ajoutée affectée au bloc communal, pénalise fortement les territoires ruraux. Répartir la cotisation sur la valeur ajoutée sur la base d'un taux unique prenant en compte la valeur ajoutée de toutes les entreprises du territoire serait donc plus juste.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'ai déposé un amendement en ce sens !
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Enfin, cette réforme ne doit pas sanctuariser les inégalités avec une compensation pérennisée. Saisissons-nous de cette occasion pour mieux répartir les fruits de ce nouvel impôt. Le Premier ministre s'est montré sensible à la proposition, faite par la commission Belot et soutenue par les députés Balligand et Laffineur, d'un fonds de péréquation alimenté par une fraction du produit de la future contribution sur la valeur ajoutée.
Puissions-nous trouver un consensus pour faire de ce texte, qui crée des tensions quand nous avons plus que jamais besoin d'une grande cohésion territoriale, une loi d'apaisement qui réaffirme l'administration décentralisée de notre territoire et l'autonomie fiscale de nos collectivités ! (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 20 h 25.
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance reprend à 22 h 15.
M. Jean Arthuis, président de la commission de la commission des finances. - La réforme de l'impôt local prélevé sur le secteur économique n'est pas un sujet anodin mais bien un acte majeur pour redonner de la compétitivité aux entreprises. La commission des finances a joué son rôle pour défricher ce sujet en y associant la délégation aux collectivités locales ainsi que la mission présidée par Claude Belot. Je souhaite que notre débat facilite la compréhension de ce sujet dense et complexe.
Je ne reviens pas sur l'opportunité de cette réforme pour lutter contre les délocalisations d'activités industrielles à haute valeur ajoutée. Loin de moi aussi la tentation d'interférer dans le travail gouvernemental mais l'absence du ministère de l'intérieur est frappante. Cette réforme est conduite par Bercy, c'est votre honneur mais nous souhaiterions que l'intérieur l'accompagne plus visiblement. En laissant penser qu'elle a été conçue sous l'angle économique, cela entre peut-être dans l'inquiétude des élus territoriaux. Le dispositif aurait été enrichi par l'expérience de la Direction générale des collectivités locales.
Il eût été plus confortable de discuter en connaissant la répartition des compétences entre collectivités, mais je reconnais qu'une grande partie de cette objection tombe dès lors que les discussions sur les ressources et sur les compétences iront de pair dans les prochains mois.
Enfin, la réforme aurait pu faire l'objet d'un texte spécifique, comme cela avait été le cas pour la taxe professionnelle. Son inscription en loi de finances a pour effet d'empêcher une vraie navette, de dramatiser les enjeux tout en vampirisant le budget. (On approuve sur les bancs socialistes)
Les 1 200 alinéas de l'article 2 couvrent quelque 135 pages, contre 3 ou 4 pages pour la taxe professionnelle. Voici une partie des modalités de calcul de la compensation. Je m'en tiendrai au premier terme. Il comprend « la somme des compensations versées au titre de l'année 2010 en application des dispositions mentionnées aux I, II, III, IV et V du 9.2.5 de l'article 2 de la loi précitée, ainsi que du montant versé pour l'année 2010 au titre de la compensation des exonérations prévues par les dispositions, dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009, de l'article 1465 A, des 1 quinquies et sexies de l'article 1466 A et de l'article 1466 C du présent code dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, diminuée de la diminution -quelle formule ! (sourires appréciatifs)- prévue en application du 1 du III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999, opérée au titre de l'année 2010, minorée du produit de la différence, si elle est positive (mêmes mouvements), entre la base imposable de taxe professionnelle de France Télécom au titre de 2003 et celle au titre de 2010, par le taux de taxe professionnelle applicable en 2002 » ! (Marques de soulagement sur plusieurs bancs)
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - C'est clair ! (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Quoique court, cet extrait est bien représentatif des 135 pages de l'article. Or, il y a trois ans, le Conseil constitutionnel a censuré un travail d'orfèvre que le Sénat avait peaufiné pendant un dimanche entier, au motif qu'il n'était pas intelligible à un citoyen équilibré.
La position de la commission est un sage compromis. Elle permet l'entrée en application immédiate du volet entreprise de la réforme sans laisser les collectivités dans l'incertitude en fixant une ligne claire de compensation et de réorganisation de leurs ressources. Le débat sera repris en deuxième partie, la commission des finances se réunissant une ou deux demi-journées pour l'examen des articles non rattachés. Cette façon de discuter devrait vous permettre de nous donner des simulations complémentaires et je me réjouis que vous ayez permis cet examen en deux temps. Un retour devant le Parlement avant juin 2010 permettra des ajustements.
On a évoqué la territorialisation au profit des collectivités locales et le rapporteur général a déjà donné son point de vue. Si l'on doit aller au-delà de 20 % pour tendre vers les pourcentages antérieurs, alors la part de taxe d'habitation prélevée au département devra revenir au département et celle prélevée sur la région à la région. Mais il faudra revoir les bases foncières. Il serait en effet bien difficile d'avoir des bases homogènes si l'impôt est prélevé au niveau de la région : comment procéder sans injustice avec le même taux sur tout le territoire régional ? Il est plus aisé d'avoir des bases homogènes au niveau de la commune ou de l'intercommunalité qu'à celui du département, et au niveau de ce dernier qu'à celui de la région. Quelles procédures avez-vous prévues ?
Nous proposons la voie d'une réforme acceptable et acceptée car lisible, claire et compréhensible. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Jacqueline Gourault, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois. - M. Saugey étant empêché, j'ai l'honneur de m'exprimer au nom de la commission des lois.
L'organisation d'un tel débat était plus que jamais indispensable. La crise économique fragilise les finances locales et révèle les faiblesses des modes de compensation actuels tandis que l'article 2 du projet de loi de finances, plus personne ne l'ignore, supprime la taxe professionnelle. Cette dernière, qui représente en moyenne le tiers des ressources des collectivités, sera remplacée par une contribution économique territoriale qui ne compense que partiellement sa suppression.
La conjoncture économique a provoqué une diminution importante des recettes fiscales locales. Sous l'effet du retournement du marché immobilier, le rendement des droits de mutation à titre onéreux diminuera de 10 % en 2010 après avoir doublé entre 2000 et 2006. Les collectivités ont donc dû s'endetter pour investir.
Le montant de leurs emprunts a ainsi augmenté de 8 % entre 2007 et 2008.
Les collectivités territoriales, même si elles sont bien gérées et parfois mieux que l'État lui-même, sont fragilisées par la crise. C'est tout particulièrement vrai pour les départements. Sous l'effet de la crise, ils sont confrontés à la fois à une diminution de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses : cet effet de ciseaux peut avoir, à long terme, des conséquences dévastatrices.
Dans ce contexte, et bien qu'il soit nécessaire d'associer les acteurs locaux à l'effort de maîtrise des finances publiques, l'enveloppe normée est-elle vraiment légitime ? Comment justifier que les concours financiers de l'État évoluent comme l'inflation, tandis que les charges découlant des compétences transférées croissent, en moyenne, de 3 % par an ? Dans une période de crise qui fragilise les finances locales, comment justifier que la dotation globale de fonctionnement n'augmente que de 0,6 %, c'est-à-dire moins vite que l'inflation ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. - J'en viens à l'article 2.
Tout d'abord, le Gouvernement a accepté de modifier le calendrier de la réforme de la taxe professionnelle : il a en effet décidé de maintenir la suppression de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010 pour les entreprises, mais de prévoir une clause de revoyure pour mieux tenir compte des intérêts des collectivités. Deux rendez-vous sont prévus : le premier aura lieu avant le 31 juillet 2010, afin de corriger la réforme à la lumière de simulations précises et chiffrées ; le second sera organisé dans les six mois qui suivront la réforme territoriale, afin de garantir la cohérence entre les compétences exercées par les collectivités et les ressources fiscales qui leur seront attribuées.
En outre, votre commission des lois s'attache, de longue date, à préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Elle avait clairement pris position sur ce sujet à l'occasion de la loi organique du 29 juillet 2004 en proposant que l'appellation de « ressources propres » soit réservée, selon l'expression du rapporteur Daniel Hoeffel, aux « recettes dont les collectivités territoriales ont la maîtrise ». Toutefois, votre commission est également consciente des limites et des effets pervers de l'autonomie fiscale : celle-ci doit être un levier de libre administration mais ne saurait être une fin en soi.
A l'occasion de nos débats récents, certains membres de la commission, notamment le doyen Patrice Gélard, ont rappelé que la France était l'un des rares pays d'Europe à promouvoir le concept d'autonomie fiscale et à le considérer comme un élément indissociable de la libre administration.
Parallèlement, Jean-Jacques Hyest a rappelé que l'autonomie fiscale pouvait entrer en contradiction avec l'objectif constitutionnel de péréquation car une telle autonomie pourrait enrichir les collectivités territoriales qui sont déjà les plus favorisées tout en privant les collectivités les plus pauvres des moyens nécessaires à leur développement. De ce fait, l'autonomie fiscale peut être un facteur d'accentuation des inégalités.
Le Sénat devra mener ces débats en vue de la réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement, dont la suppression de la taxe professionnelle n'est que la première étape.
J'en viens aux dispositifs de péréquation prévus dans ce projet de loi de finances. En 2010, les dotations de péréquation sont en forte croissance : malgré un contexte budgétaire très contraint, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) augmentent de 3,4 % chacune. Votre commission salue cet effort. Cependant, la dotation de développement urbain est, quant à elle, gelée.
En dépit de ces initiatives, l'effet péréquateur des dotations de l'État baisse sensiblement depuis plusieurs années : éparpillées et trop rigides, elles ne parviennent plus à résorber les inégalités entre les collectivités. Ce problème devra, lui aussi, être pris en compte lorsque nous examinerons la réforme de la fiscalité locale.
Enfin, un débat sur les ressources des collectivités territoriales doit évoquer la structure des concours financiers de l'État. Votre commission souligne, depuis plusieurs années, la complexité de ces concours, qui sont éclatés entre une mission ad hoc, un compte de concours financier, la fiscalité transférée, des prélèvements sur recettes, et j'en passe. Dans ces conditions, ils ne sont ni lisibles ni prévisibles pour les acteurs locaux. Le volume et la technicité du jaune consacré à « l'effort financier de l'État en faveur des collectivités » témoignent d'ailleurs de cette opacité qui pose problème alors que le Gouvernement entend inciter les collectivités à gérer leurs budgets de manière plus stratégique. Or, cet objectif ne saurait être atteint dès lors que « les mécanismes de financement de la décentralisation » sont, comme l'affirme la Cour des comptes, opaques, sédimentés et complexes.
La réforme des collectivités ne peut pas être détachée de celle de l'État. Il importe ainsi, en parallèle de la refonte de la fiscalité et des structures locales, de nous interroger sur la structure des concours financiers de l'État, qui doit elle aussi être modernisée. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Les collectivités territoriales sont aujourd'hui au coeur de l'actualité puisqu'elles vont bientôt connaître des réformes de structures avec le projet de loi de MM. Hortefeux et Marleix.
L'ampleur des réformes engagées est sans précédent, son calendrier est serré. Il est donc bien naturel que cela fasse débat, provoque de l'incertitude et de l'inquiétude chez les élus, malgré les nombreuses assurances qui ont pu être données, confirmées, renouvelées à maintes reprises, notamment par le Premier ministre devant le congrès des maires de France.
Les réformes proposées sont faites pour les collectivités : elles permettront de conforter leur place dans notre démocratie locale.
Avec cette réforme, on nous fait un mauvais procès : d'ailleurs, lorsque Christine Lagarde prend la parole, elle emporte l'adhésion générale car les gens n'avaient pas compris jusque-là les enjeux réels : il y a beaucoup de désinformation, d'instrumentalisation, de mensonges et d'arrière-pensées politiques. (Exclamations à gauche)
M. Yvon Collin. - C'est vrai, nous sommes idiots !
M. Eric Woerth, ministre. - J'assume mes propos : on ment beaucoup aux élus locaux !
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est bien connu, nous ne comprenons rien à rien !
M. Eric Woerth, ministre. - Il revient donc au Gouvernement de faire toute la lumière sur le sujet.
Un mot sur le plan de relance. Les mesures prévues dans le plan de relance apportent une preuve supplémentaire de l'engagement de l'État aux côtés des collectivités locales. Plus de 3,8 milliards, qui pèseront sur le déficit budgétaire en 2009, amélioreront la trésorerie mais aussi les comptes des collectivités locales. Nous aurons l'occasion de préciser les modalités du remboursement du FCTVA, notamment pour éviter une année blanche.
Mme Nicole Bricq. - On vous l'avait dit l'année dernière !
M. Pierre-Yves Collombat. - Vous auriez pu vous en dispenser, si vous nous aviez écoutés !
M. Eric Woerth, ministre. - Il faudra tenir compte de la réalité des engagements réalisés en 2009 et pas uniquement des dépenses effectuées, comme l'a précisé le Premier ministre il y a deux jours. D'ailleurs, un amendement en ce sens sera porté par le groupe UMP.
Mme Nicole Bricq. - Ne laissez surtout pas le groupe socialiste le défendre alors qu'il vous avait prévenu il y a un an !
M. Eric Woerth, ministre. - Les collectivités locales qui n'ont pas perçu le remboursement anticipé de la FCTVA pourront bénéficier de cette mesure en 2010.
Le Gouvernement prévoit une progression des concours de l'État aux collectivités locales de même niveau que ses propres dépenses, c'est-à-dire au niveau de l'inflation prévisionnelle, soit 1,2 %. Ce chiffre s'entend hors réforme de la taxe professionnelle : la compensation de la perte de la taxe professionnelle aux collectivités conduira, comme l'a souligné M. le Rapporteur général, à inscrire une dotation relais de 31,6 milliards sous forme de prélèvement sur recettes, qui s'ajoutera à ces concours financiers.
Ainsi, l'ensemble des concours financiers aux collectivités locales augmentera d'environ 680 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. L'État consacrera ainsi 57 milliards aux collectivités locales en 2010.
Cette évolution, moins favorable que par le passé, ne doit pas surprendre : chacun doit prendre sa part dans la maîtrise des dépenses publiques. Nous nous sommes fixés une règle simple dans la loi de programmation des finances publiques : les dépenses de l'État ne doivent pas augmenter plus vite que l'inflation. Je viens d'évoquer une progression des concours financiers de 1,2 % : le chiffre a son importance. Si nous étions restés à l'ancienne enveloppe normée, les dotations auraient beaucoup moins progressé du fait de la récession.
Contre l'avis des collectivités, nous avons pris en compte le FCTVA dans le calcul de la norme d'évolution. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Pour que les choses soient claires, l'augmentation du FCTVA se montera à 6 % et le solde sera à 0,6 %. A l'intérieur de cette enveloppe, la progression de la DGF est fixée à 0,9 %.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien !
M. Eric Woerth, ministre. - L'Assemblée nationale a voté une répartition légèrement différente de celle initialement proposée dans le projet de loi de finances.
J'en viens à la taxe carbone : le Premier ministre a annoncé la création d'un fonds destiné à financer les investissements en faveur des économies d'énergie des collectivités locales. Nous travaillerons à sa mise en oeuvre.
Enfin, M. Arthuis s'est interrogé sur les bases. Le Gouvernement mènera une concertation approfondie avec les parlementaires et les associations des élus locaux. Nous ferons des simulations pour avoir une vision précise. Bien évidemment, un calendrier sera défini. Le Président de la République s'est engagé à évoquer ce dossier en souffrance depuis de nombreuses années : il s'agit d'équité fiscale entre collectivités mais aussi entre citoyens. Peut être faudra-t-il faire une différence entre les locaux commerciaux et les locaux d'habitation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Eric Woerth, ministre. - En tout état de cause, cette concertation débutera bientôt. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je vous remercie pour cette réponse. Une question demeure quant à la révision des bases, qui se fera séparément pour le foncier bâti à usage professionnel et le foncier bâti à usage résidentiel. La cotisation foncière pour le bâti des entreprises se fera donc sur des bases révisées. En revanche, le taux de l'autre impôt foncier bâti sera fixé sur des bases révisées pour le bâti professionnel, mais pas pour le bâti résidentiel. Comment pourra-t-il, dans ces conditions, être le même pour les entreprises et les ménages ?
M. Eric Woerth, ministre. - Nous en reparlerons au cours de ce débat car cette question est effectivement délicate. Il est logique de commencer par la révision des taux des cotisations foncières pour les locaux commerciaux, pour ensuite effectuer celle des locaux d'habitation. Il ne s'agit que d'un exemple parmi les multiples difficultés créées par la révision des bases, qui expliquent que l'on ne s'y soit pas attelé plus tôt. La concertation nous aidera à inventorier les problèmes, pour lesquels nous chercherons de solutions.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Les propositions faites par le rapporteur général pour la première partie de ce texte sont tout à fait bienvenues. Les remarques sur la seconde partie relèvent d'orientations générales. Je remercie les membres de la commission des finances, et son président, pour le temps considérable qu'ils ont passé à étudier ce texte ardu, complexe et qui touche à un édifice composé de strates successives.
Nous devons préserver les grands équilibres du texte, au premier rang desquels le barème, qui a été pesé au trébuchet. L'objectif est d'alléger les charges fiscales pesant sur les entreprises localisées en France sans pénaliser les PME. Je comprends l'intérêt d'une cotisation minimale de 250 euros afin que toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 000 euros cotisent malgré l'exonération de 1 000 euros.
La liaison des taux est également un grand principe de ce texte. Les règles doivent être suffisamment strictes pour éviter certains abus, constatés depuis 2003 et qui créaient un écart important entre les taux applicables aux entreprises et aux ménages. Nous devons enfin veiller à fixer la compensation relais de l'État pour 2010 à un niveau raisonnable. Le mécanisme retenu est soit le minimum de la taxe professionnelle de 2009, soit les bases de 2010 avec les taux de 2008. Vous proposez un plafonnement de l'augmentation des taux de 2009 à 3 points de plus que les taux de 2008. Le Sénat saura trouver une règle juste et cohérente au sein de l'ensemble des finances publiques de l'État.
Je ne suis pas étonnée des solutions proposées pour la seconde partie. Pour le mécanisme de péréquation, le Gouvernement a proposé une clé macro et l'Assemblée nationale a retenu une clé micro. J'avais imaginé que nous arriverions à une clé méso telle que la présente le rapporteur général, c'est-à-dire un principe de mutualisation pour les départements et les régions et un principe plus innovant pour les intercommunalités, avec un taux progressif puis proportionnel afin de ne pas pénaliser les territoires ruraux et les petites entreprises.
M. François Marc. - C'est un travail de commission !
Mme Christine Lagarde, ministre. - La formule est simple mais innovante. J'y vois la perspective d'un équilibre entre les deux objectifs que sont le maintien du lien fiscal entre les territoires et les entreprises et l'adéquation des recettes aux dépenses, qui garantit une bonne dose de péréquation.
Pour ce qui est de la répartition des ressources fiscales entre les niveaux de collectivités territoriales, le texte du Gouvernement concentrait les assiettes foncières sur les communes et les intercommunalités, avec une répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée entre les départements et les régions. L'Assemblée nationale a voté l'affectation aux EPCI de 20 % du produit de la valeur ajoutée en contrepartie d'une fraction de taxe foncière attribuée aux départements. Le rapporteur général nous a indiqué que des débats avaient eu lieu sur ce sujet au sein de votre commission, certains souhaitant maintenir la clé de répartition actuelle, d'autre souhaitant la modifier en anticipant sur de nouvelles répartitions des compétences. Il nous faut préserver un équilibre satisfaisant pour le financement des régions, des départements et des communes. La solution retenue sera réexaminée en juin et des ajustements pourront alors être apportés à la marge en fonction des dispositions de la loi sur les collectivités territoriales.
Le président de la commission a regretté l'absence à ce débat de représentants du ministère de l'intérieur. La DGCL a activement participé à nos travaux et nous continuons à collaborer activement avec ses services. Jean Arthuis a également souligné le caractère complexe de ce texte, notamment de l'article 2 : soyez certains que les ordinateurs de la DGCL sauront les appliquer, même si la logique du dispositif vous semble parfois obscure. (Applaudissements à droite)
M. Yves Détraigne. - Depuis la suppression de la part salariale et depuis l'annonce par le Président de la République de la non-imposition des investissements nouveaux, nous savions que la taxe professionnelle était en sursis. Malheureusement, nous avons reçu le faire-part de décès sans que la succession ait été étudiée. Cela ne nous surprend pas puisque ce mode de gouvernance semble de plus en plus utilisé. En témoignent la suppression de la publicité sur la télévision publique ou le grand emprunt, décidés sans concertation et sans étude préalable sur la meilleure façon de procéder.
La suppression de la taxe professionnelle et la réforme de l'impôt local sur les entreprises sont prévues indépendamment de la nécessaire refonte globale de la fiscalité locale que réclament depuis des années les associations d'élus. En outre, cette réforme doit fixer pour la fin de l'année les ressources fiscales et les compensations pour les collectivités territoriales alors que la répartition des responsabilités entre ces dernières ne sera déterminée que l'an prochain, voire en 2011. On a un peu l'impression de marcher sur la tête !
Si on n'y prend pas garde, nous risquons d'imposer aux collectivités un marché de dupes et de remplacer une usine à gaz maintes fois modifiée par une autre usine à gaz qu'il faudra également modifier sans cesse. Nous ne devons donc pas éluder les questions que se posent les élus locaux. Tout d'abord, comment maintenir un lien fiscal entre les collectivités et les entreprises qu'elles accueillent ? Cette préoccupation est partagée par tous les élus locaux, pour les entreprises déjà installées sur leur territoire comme pour les nouvelles venues.
Sinon, on risque de voir la crainte des nuisances nouvelles liées à l'installation d'entreprises -comme la circulation de poids lourds- l'emporter sur l'intérêt d'accueillir des entreprises nouvelles pour contribuer à relancer notre industrie.
Quid des ressources de nombreuses collectivités qui n'ont, sur leur territoire, que des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions d'euros si elles ne bénéficient plus d'une ressource évolutive ? Comment répartir la cotisation sur la valeur ajoutée entre des entreprises accueillant chacune un établissement d'une même société, sachant que la valeur ajoutée se définit au niveau de la société mère ? Comment assurer la péréquation entre des collectivités aux charges comparables mais qui ne disposent pas, sur leur territoire, des mêmes moyens ? Comment voter un système dont chacun reconnaît la complexité sans simulations préalables sur les différentes hypothèses de répartition et de péréquation, avec leur évolution prévisible ?
Je me réjouis de voir la commission des finances aborder avec pragmatisme l'examen de l'article 2. Il est indispensable de ne pas boucler une réforme si lourde de conséquences dans la précipitation. Dès lors que les ressources sont garanties pour 2010, il n'y a pas d'urgence à figer la répartition dès la fin de l'année. Mieux vaut remettre cela à un collectif budgétaire, l'an prochain, en se contentant ici d'arrêter les principes selon lesquels il tranchera et d'en mesurer les conséquences. Cela nous laissera le temps du dialogue avec les élus et nous aidera à nous approprier la réforme. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite ; M. le président de la commission applaudit aussi)
M. François Marc. - « Il n'y a pas de fronde des élus locaux » déclariez vous le 14 novembre à la presse, madame la ministre. L'assemblée générale des conseillers généraux et le récent congrès des maires vous ont apporté un large démenti.
L'enjeu est de taille. Il ne s'agit de rien moins que de déplacer 29 milliards de recettes des collectivités, avec les incidences que l'on sait en matière de décision, d'autonomie, de services de proximité.
En réclamant la préservation d'une autonomie financière garantie par la Constitution depuis 2004, aucun élu ne cherche à « organiser la féodalité », comme vous le laissez entendre dans votre réponse à la presse. Ils sont tout simplement inquiets. Les témoignages des maires de mon département sont éloquents. L'un déclare que, ne pouvant compter sur le même niveau de ressources en 2010, il prévoit déjà des coupes dans de nombreux projets ; l'autre, qui envisageait de transformer une friche industrielle en logements sociaux, qu'il devient plus frileux ; le troisième, qui anticipe une diminution des recettes de fonctionnement, qu'il renonce à plusieurs projets d'animation ; le quatrième, président d'une communauté de communes, qu'il suspend toute nouvelle décision d'investissement, ses ressources n'étant plus assurées sur le long terme, et qu'il n'est pas question pour lui d'augmenter encore la pression fiscale sur les ménages, déjà très fortement sollicités.
Ces inquiétudes sont parlantes. Elles viennent de l'incertitude sur les recettes mais surtout du fait que votre réforme confond la fin et les moyens. Elle est le sous-produit d'une promesse du Président de la République qui vous contraint à imaginer en urgence un système de redistribution des recettes.
Cette réforme mériterait d'être replacée dans une perspective de réforme globale dont nous avons, depuis quelques années, tracé les lignes : respect de l'esprit de la décentralisation et de la nécessaire autonomie fiscale des collectivités, qui doivent rester en capacité de voter des taux ; respect de l'équilibre actuel proche de 50/50 entre ressources fiscales provenant des entreprises et des ménages ; réévaluation générale des bases d'imposition de valeurs locatives, entachées d'injustices criantes ; meilleure prise en compte du revenu des contribuables locaux pour la détermination de l'impôt sur les ménages -nous proposons depuis plusieurs années que les départements se voient attribuer une part additionnelle de CSG pour le financement de leurs comptes sociaux- ; accentuation de l'effort de péréquation verticale en consacrant une part accrue de la DGF à la composante péréquation ; lutte contre la cristallisation des inégalités de ressources territoriales par la péréquation horizontale.
Depuis trois ans, vous avez rejeté toutes ces propositions, au prétexte qu'elles viendraient trop tôt, seraient inabouties, que nos simulations ne seraient pas fiables... Mais en fait d'improvisation, vous êtes aujourd'hui les champions. Au point que le Sénat se voit contraint, pour l'une des premières fois de son histoire, de préconiser le report à un an de l'examen d'un article de ce texte.
Votre proposition de réforme des finances locales ne s'inscrit dans aucune logique d'ensemble : ni redéfinition claire des compétences territoriales, ni décentralisation clairement assumée. Les marchandages auxquels il nous est donné d'assister depuis quelques semaines sur le partage des affectations de ressources illustrent l'esprit purement boutiquier d'un projet qui manque de souffle et d'ambition et laisse les 500 000 élus locaux de France totalement démotivés. Vous prenez le risque de mettre à mal les équilibres de notre République décentralisée. (Mme Nicole Bricq le confirme) Cette crainte est de plus en plus largement partagée.
Reste une question essentielle : le jeu en vaut-il la chandelle ? Votre réforme a-t-elle un sens économique ? Vous nous dites, le Premier ministre nous dit qu'elle est nécessaire à la compétitivité de notre pays. Discours incantatoire. Car rien n'est démontré. Et il serait plus juste de dire que votre réforme sert de masque à une perte considérable de recettes fiscales qui va accroitre encore un peu plus le déficit public et la dette abyssale de la France. (Applaudissements à gauche)
M. Yvon Collin. - Depuis près d'un an, la suppression de la taxe professionnelle occupe les esprits. Alors que cet impôt ne représente pas moins de 44 % de l'ensemble de la fiscalité locale, cette réforme annoncée mécontente les élus, et en particulier les maires qui se posent de nombreuses questions sur l'opportunité de la réforme. Le rapporteur général lui-même ne nous a-t-il pas dit qu'il n'était pas demandeur ?
Pourquoi perturber la fiscalité locale dans un contexte de récession, alors que les collectivités locales sont des amortisseurs de crise. Nous avons besoin d'une fiscalité intelligible. Or, c'est loin d'être le cas de votre réforme, ainsi que l'on assez montré les citations du président Arthuis. Le Conseil constitutionnel devra, le cas échéant, se prononcer...
La pertinence des objectifs ? Le remède miracle contre les délocalisations ? La politique de baisse de la fiscalité a bien abouti à une décrue des prélèvements obligatoires mais sans retenir pour autant les sites de production sur notre territoire. Le rapporteur général rappelait ce matin que la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, en 1999 et en 2003, n'avait pas freiné les délocalisations.
Las, après l'annonce brutale du chef de l'État, voici votre réforme improvisée.
Je souhaite que vous entendiez la colère des élus, qui s'est exprimée lors du congrès de l'AMF. Tous ces maires qui donnent de leur temps à la République, qui sont au coeur de l'action publique et au service des citoyens méritent d'être écoutés et assurés de pouvoir continuer à exercer leurs missions de proximité. Le Sénat est la maison des collectivités locales. Il suffisait d'arpenter hier les couloirs du Palais du Luxembourg pour se rendre compte que les élus locaux sont ici chez eux. Nous devons répondre à leurs attentes.
Pour cela, il faudra tenter de supprimer l'article 2 du PLF et de trouver une autre solution : tout reste à faire. Sachons dépasser les clivages partisans. Le Président de la République détruit, à nous de reconstruire et d'inventer un système qui garantisse l'avenir de la décentralisation. Les prochains jours seront décisifs.
La commission des finances a proposé que nous nous donnions du temps : je m'en réjouis car il faudra satisfaire les revendications des élus. Les ressources des collectivités doivent être sécurisées, dynamisées et mieux partagées. Cela suppose d'abord que leurs rapports avec l'État soient clarifiés, dans le respect du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités. Le dispositif prévu pour compenser la perte de la TP, qui prévoit 9,8 milliards d'euros de dotations, contrarie ce principe. En outre, les dotations distendent le lien entre les collectivités et leurs administrés, ce qui n'encourage ni l'initiative ni le sens des responsabilités.
Plusieurs mécanismes réduisent le dynamisme de la fiscalité locale : la nouvelle contribution économique territoriale prévoit des règles de liaison plus strictes entre le taux des taxes sur les ménages et celui de la cotisation locale d'activité. S'agissant des nouvelles règles d'affectation des ressources, les députés ont transféré aux communes et intercommunalités 20 % de la cotisation complémentaire. Pourquoi ne pas aller plus loin ? Cela permettrait aux communes de mieux équilibrer les impôts sur les ménages et sur les sociétés et renforcerait le lien entre l'impôt et le territoire.
Enfin, l'équité suppose de revenir sur la progressivité du barème de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Très bien !
M. Yvon Collin. - En concentrant la charge sur certaines entreprises en fonction de leur taille ou de la nature de leurs activités, vous risquez de bouleverser la répartition des ressources entre les collectivités, sauf à mettre en place une véritable péréquation. Hélas, celle-ci est une nouvelle fois la grande oubliée de la réforme, malgré les recommandations de la commissions Belot. Le Gouvernement ne propose rien, laissant au Parlement la responsabilité politique de décider. Si l'on voulait dresser les collectivités locales les unes contre les autres, on ne s'y prendrait pas autrement ! (Mme Nicole Bricq approuve) A nous de ne pas tomber dans ce piège.
La taxe professionnelle n'est pas l'impôt idéal mais au fil des réformes successivités, les collectivités s'en étaient accommodées. La loi Chevènement avait permis d'instaurer un équilibre fiscal profitable à la fois aux communes et à leurs communautés. En bouleversant ce fragile équilibre, le Gouvernement suscite la panique des élus, ces hommes et ces femmes passionnés dont l'enthousiasme ne doit pas être altéré par le doute et l'approximation.
Soucieux de répondre aux attentes de ces artisans de la République, le groupe RDSE prendra toute sa part au débat afin que les articles concernés soient réécrits. Faisons confiance aux élus : il y va de l'avenir de la République décentralisée si chère aux radicaux. (Applaudissements à gauche et au centre ; M. le rapporteur général applaudit également)
M. Philippe Adnot. - Je vais voter... le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Sourires) Cela montre que je ne pratique pas l'ostracisme à l'égard du Gouvernement : j'ai donc toute liberté pour dire ce que je pense du texte qui nous est soumis.
M. le rapporteur général nous a proposé de procéder en deux parties, et je suivrai sa suggestion. En ce qui concerne les entreprises, chacun sait que la taxe professionnelle frappait excessivement notre outil industriel tout en épargnant les entreprises de service. Il était donc judicieux de la réformer. Fallait-il en profiter pour alléger la charge globale des entreprises de 4 milliards d'euros ?
Mme Nicole Bricq. - Non : là est l'erreur.
M. Philippe Adnot. - Je ne le crois pas en effet, d'autant que cet allégement sera financé par l'emprunt et l'aggravation du déficit de l'État. Fallait-il donner à quelques centaines de milliers d'entreprises le sentiment qu'elles peuvent s'exonérer de toute participation aux charges communes ? Non.
Il n'est pas bon d'avoir laissé croire que l'on allait supprimer purement et simplement la taxe professionnelle : il y a longtemps déjà que la part salariale n'existe plus ; on supprime aujourd'hui la part portant sur l'investissement, mais la part foncière subsistera et sera complétée par deux nouvelles taxes. Certaines entreprises risquent de payer plus qu'avant, car si la taxe carbone sera remboursée aux citoyens, les entreprises devront se contenter pour toute compensation de l'allégement de la TP. En outre, le Gouvernement veut rendre payante pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes la circulation sur les routes nationales ; craignant un transfert sur les routes départementales, il a sollicité, il y a une dizaine de jours, notre accord pour que certaines de ces routes soient également classées comme routes à péage. Le produit des péages -1,5 million d'euros dans mon département pour 40 kilomètres- ne reviendra pas aux départements mais à un fonds national. (M. Albéric de Montgolfier le conteste) Imaginez ce que cela représente pour des petites entreprises, par exemple les sociétés agro-alimentaires de mon département ! Quand les comptes seront faits, on se rendra compte que les entreprises qui utilisent le plus la logistique, c'est-à-dire les entreprises industrielles, paieront plus qu'avant !
Le Gouvernement nous explique que cette taxe nuit à la compétitivité de nos entreprises ; je ne le crois pas. (Mme Jacqueline Gourault se dit du même avis) Jamais on n'a vu des sociétés perdre des parts de marché ou délocaliser leurs emplois à cause de la taxe professionnelle. Ce sont les charges pesant sur les salaires qui entravent nos entreprises : M. le président de la commission des finances le sait mieux que quiconque, qui propose depuis longtemps de les remplacer par une TVA sociale. On se rendra compte dans six mois de l'inefficacité de la réforme. (M. Pierre-Yves Collombat approuve)
M. Eric Woerth, ministre. - On se tromperait donc depuis vingt ans ?
M. Philippe Adnot. - J'en viens à la question des finances locales. Fallait-il profiter de la suppression de la TP pour mettre fin à l'autonomie fiscale des collectivités, au premier chef des départements et des régions ? Je vous accorde que la rédaction actuelle pénalise moins les communes que le projet de loi initial. Mais les ressources propres des départements seront réduites de 15 à 7,5 milliards d'euros. Pour l'heure, les collectivités bénéficient de conditions d'emprunt avantageuses car elles empruntent auprès des banques sans que celles-ci soient assujetties aux normes Bâle 2. Si une collectivité peine à rembourser ses dettes, elle augmente les impôts ou l'État reprend la main. Mais si demain, les collectivités perdent leur autonomie financière, leurs créanciers devront se soumettre aux normes Bâle 2. Je m'en suis ouvert aux banques et aux institutions financières, qui m'ont confirmé que si une collectivité se révélait incapable de rembourser sa dette, cela lui vaudrait une pénalité de 100 points de base, soit une augmentation d'un point du taux d'intérêt. S'agissant d'emprunts à 4 %, cela représente une hausse de 25 % des frais financiers.
Si l'autonomie fiscale des départements disparaît, ils ne pourront plus, comme aujourd'hui, cautionner les emprunts du monde HLM, qui continuera à construire, certes, mais devra supporter des frais financiers supplémentaires.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Philippe Adnot. - Vous avez déclaré, madame la ministre, que votre réforme allait simplifier les feuilles d'impôt. Mais aujourd'hui, elles ont trois colonnes, nos concitoyens s'y retrouvent ; demain, dans la colonne département, il y aura encore la part foncière, mais plus la TSCA, ni la Tipp, ni la valeur ajoutée. Le panier de recettes est maintenu pour les communes mais pas pour les départements ; c'est bien dommage car on ne pourra plus impliquer tous les acteurs. Le risque est grand que les gens ne se sentent plus concernés par l'impôt, ni ne s'intéressent à ce qu'il finance.
Je ne voterai pas l'article 2 si la participation du monde économique n'est pas augmentée -je déposerai un amendement pour abaisser le seuil de 500 000 euros parce qu'il n'est pas sain que tout le monde ne se sente pas concerné ; je ne le voterai pas si on ne restaure pas l'autonomie fiscale et le droit au retour sur investissement ; je ne le voterai pas si le panier de recettes n'est pas amélioré. Je proposerai que la moitié de la valeur ajoutée soit territorialisée. Je vous invite à faire en sorte que demain, les départements ne deviennent pas des sortes d'entités aux responsabilités obligatoires, auxquelles un robinet extérieur donnera ou ne donnera pas les moyens de les financer. Ce ne serait pas une belle évolution de la décentralisation. (Applaudissements à gauche, au centre et sur les bancs du RDSE)
M. Charles Guené. - Au lendemain du congrès des maires, ce débat nous donne l'occasion de rétablir certaines vérités et de tracer quelques perspectives. Il est aussi l'occasion, pour le groupe UMP, de réaffirmer ses convictions au service de nos territoires et de nos concitoyens.
Notre première ambition est de conforter le pôle commune-intercommunalité dans son rôle de proximité, tout en ouvrant une réelle perspective de solidarité et de mutualisation au sein du pôle département-région. Les communes conserveront leur clause de compétence générale et l'intercommunalité restera leur émanation, grâce à une élection des délégués communautaires en 2014 par fléchage sur les listes municipales. L'élection la même année de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional permettra d'éviter les interventions concurrentes et de clarifier les compétences des deux échelons. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, les communes, notamment en milieu rural, pourront continuer de bénéficier du soutien des autres collectivités territoriales pour financer leurs projets. La pratique des financements croisés sera simplement précisée.
Afin de soutenir l'investissement local, le groupe UMP a déposé un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du fonds de compensation de la valeur ajoutée (FCTVA) pour les dépenses prévues en 2009 mais qu'elles n'ont pu réaliser ou mandater avant le 31 décembre. Le Premier ministre nous a donné son accord. Nous nous réjouissons en outre de la reconduction en 2010 du dispositif de remboursement anticipé du FCTVA. Le groupe UMP a déposé un autre amendement pour soutenir les collectivités locales qui n'auraient pas pu s'engager en 2009. L'investissement continuera ainsi d'être encouragé. Nous approuvons également l'annonce de la création, auprès de l'Ademe, d'un fonds abondé par la taxe carbone versée par les collectivités territoriales, qui contribuera à financer leurs investissements d'économie d'énergie.
La suppression de la part investissements de la taxe professionnelle fait l'unanimité dans le monde économique ; personne ne conteste plus son apport de compétitivité. Ce qui fait débat, c'est son remplacement. Notre fiscalité est à bout de souffle et le moment est venu de remplacer la taxe professionnelle, dont une large moitié était réglée par l'État, par un impôt moderne et plus en phase avec l'économie nouvelle. La valeur ajoutée est le moins mauvais des critères à notre disposition car elle reflète la richesse produite et proportionne la ressource à l'évolution naturelle de l'assiette. Elle a aussi l'avantage de permettre une nouvelle répartition de la ressource entre collectivités. Surtout, en remplaçant les actuelles contreparties versées par l'État par un transfert d'impôts, la nouvelle contribution économique territoriale (CET) renforcera l'autonomie financière des collectivités. Elle met aussi en évidence la cristallisation de la richesse sur certains territoires : c'est là que résident les enjeux de la réforme de la fiscalité locale qu'elle sous-tend.
Le bouleversement qu'entraîne le remplacement de la taxe professionnelle, conçue il y a un demi-siècle, impose d'en fixer immédiatement les principes et le cadre. Il faut aussi rassurer les élus, mais la perspective des réformes à venir comme la nécessité de procéder à des simulations imposent de disposer de temps. Réussir cette conjonction délicate n'est cependant pas hors de notre portée. Ainsi la difficile question de la répartition de la valeur ajoutée peut-elle être surmontée par la mutualisation que proposait l'avant-projet du Gouvernement. Elle permet une péréquation directe de la richesse des territoires, assortie d'une pondération en fonction de critères adaptés aux compétences des collectivités. On peut imaginer de ne retenir cette mutualisation que pour les départements et les régions et de recourir à la territorialisation pour les seules communes et EPCI, comme l'a souhaité l'Assemblée Nationale ; il conviendrait toutefois de territorialiser par l'assiette et non par le produit, de façon à ne pas être contraint de modifier un barème qui fait consensus. Le rapporteur général nous a indiqué les pistes qu'il explorait.
Communes et EPCI ne seront pas pénalisés par la réforme. Ils bénéficieront en 2010, comme l'ensemble des collectivités territoriales, d'une compensation de ressources au moins égale au produit perçu en 2009. Surtout, ils disposeront à partir de 2011 d'un panier diversifié de recettes fiscales, avec un large pouvoir d'en fixer les taux, ce qui préservera leur autonomie financière. Pourquoi le bloc communal devrait-il disposer d'une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée, au risque de le rendre plus vulnérable aux aléas économiques ? Dans l'avant-projet gouvernemental, il disposait de la seule part de la cotisation locale d'activité, basée sur le foncier de l'ancienne taxe professionnelle, qui lui assurait une meilleure autonomie financière. Est-ce pertinent, comme l'a proposé l'Assemblée nationale, de lui affecter 20 % de la cotisation complémentaire ? Le Sénat doit apporter une réponse en s'appuyant sur les travaux de la commission des finances.
A titre personnel, je considère qu'il faut, chaque fois que nécessaire, préférer la mutualisation à la territorialisation, qui ne correspond pas à l'esprit du nouvel impôt et exigerait la création ultérieure d'une péréquation aux résultats aléatoires. Je sais que le Sénat ne faillira pas à son rôle de gardien de l'équité des territoires.
Nous devrons également être attentifs au sort des départements : leurs ressources n'étaient plus assurées ; il était urgent de leur permettre de faire face à leur compétence sociale. La mutualisation de la valeur ajoutée peut être l'occasion de leur assurer une ressource corrélée à leurs risques sociaux, même s'il faudra la compléter, notamment pour faire face au cinquième risque. Ce qui impose de ne pas trop réduire leur part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée et de veiller à mutualiser le risque social au plan national. La solidarité entre les territoires est pour nous, sénateurs UMP, une priorité.
J'en viens à la question du calendrier. Nous approuvons la proposition du rapporteur général de l'examen en deux temps. Un dispositif précis doit être voté dans le cadre de cette loi de finances afin de répondre aux questions légitimes des élus locaux et de définir les orientations pour 2011 et les années suivantes, qui permettront de faire des simulations précises. Le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement qui prévoit deux rendez-vous législatifs pour tenir compte des simulations complémentaires et de la future répartition des compétences.
Organisé avant le 31 juillet 2010, le premier permettra de préciser la répartition des ressources entre les structures locales, sur la base des simulations que le Gouvernement devra remettre avant le 31 mars 2010. Et dans les six mois suivant la promulgation de la loi redéfinissant les compétences des collectivités territoriales, le second rendez-vous permettra d'en tirer les conséquences financières. Nous avons déposé un amendement sans attendre la seconde partie, afin de préciser clairement le cadre et le calendrier de la réforme. Le Premier ministre nous a donné son accord, ce qui nous laisse le temps de répartir les ressources de façon cohérente avec les compétences.
Ce chantier ambitieux s'étalera jusqu'en janvier 2014, sans précipitation ni faiblesse car nous devons avoir le courage de regarder en face une réalité qui évolue, donc d'adapter notre organisation locale au service de nos concitoyens, en évacuant tous les conservatismes. Tel est l'esprit pragmatique, constructif et responsable dans lequel nous abordons la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - On ne peut comprendre la suppression de la taxe professionnelle sans la situer dans le projet de société mis en oeuvre par le Président de la République, en lien étroit avec les politiques libérales européennes. Comme l'a déclaré en 2007 l'ancien n°2 du Medef, Denis Kessler : « Le modèle social français est un pur produit du conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s'y emploie ». En effet, les innovations à la base des politiques de solidarité gênent le pouvoir en place et le Medef. C'est vrai même du nouveau secteur public développé par les collectivités territoriales grâce à la décentralisation : communes, départements et régions deviennent un obstacle à la croissance du capitalisme, le transfert de services au secteur privé procure seul des dividendes supplémentaires aux actionnaires.
Si les services publics nationaux sont dans le collimateur de ce Gouvernement, les services publics locaux ne sont pas épargnés. La politique libérale frise la caricature et s'affirme encore un peu plus avec la suppression de la taxe professionnelle, ce nouveau bouclier fiscal qui touche la contribution des entreprises à la dynamique de nos territoires.
Toutes ces politiques aggravent les conditions de vie et de travail de nos concitoyens. La suppression de la taxe professionnelle pèsera sur les investissements des collectivités territoriales, donc sur les marchés publics et les 800 000 emplois ainsi maintenus ou créés chaque année.
Cette pression financière tend à mettre les collectivités sous tutelle de l'État. A quoi pourront bien servir les élections si les projets ne sont plus élaborés avec les citoyens ?
La disparition des services publics suscitera des difficultés supplémentaires pour les habitants. Et le moment est mal choisi pour supprimer encore des emplois publics !
L'Insee a dressé un tableau très inquiétant de l'emploi dans l'édition 2009 de France, portrait social. Et 2010 sera pire. Où sont passées les envolées lyriques du candidat Sarkozy sur la valeur travail et le « travailler plus pour gagner plus » ? Après les 100 000 de 2008, plus de 270 000 emplois ont encore disparu au cours du premier semestre 2009. En un an et demi, le nombre de chômeurs a augmenté de presque 30 % et 320 000 personnes sont touchées par le chômage partiel, dix fois plus qu'il y a un an !
Les inégalités sociales s'amplifient : les très hauts salaires correspondent à 8,5 fois le salaire médian en 2007, contre 6,6 fois en 1996.
La suppression de la taxe professionnelle participe de cette politique inégalitaire car vos prétendues réformes ne sont qu'une tornade dévastant tout sur son passage, surtout les principes solidaires. Les banques et les assurances ont quadruplé leurs profits en 2009, grâce au soutien que vous leur avez apporté sans contrepartie. Vous avez plus d'exigences envers les collectivités et leurs élus !
Aider les financiers et détruire nos services publics, tout cela va de pair. La suppression de la taxe professionnelle va vous servir à mettre fin aux services publics locaux, alors que tous les services publics sont de véritables amortisseurs sociaux en temps de crise. Mais votre politique est aux antipodes des principes de solidarité qui les fondent : vous privilégiez l'intérêt privé contre l'intérêt général, la rentabilité financière contre l'efficacité sociale, la loi du marché contre une organisation politique et sociale démocratique et planifiée.
Ce n'est pas une réforme de plus mais un bouleversement profond souhaité par le grand patronat ! Dans leur grande majorité, les élus de droite et de gauches sont inquiets. « On ne peut pas improviser la gestion fiscale » et « nous manquons de visibilité sur les moyens d'assumer nos compétences » : voici quelques propos glanés ici ou là, auxquels vous répondez seulement qu'il faut restaurer la compétitivité des entreprises.
Mais pourquoi ce nouveau cadeau fiscal serait-il efficace ? Au cours des vingt dernières années, la part salariale est restée stable dans la valeur ajoutée, celle des investissements a baissé alors que les dividendes ont augmenté. Ainsi, les exonérations de taxe professionnelle sur les salaires et cotisations sociales n'ont pas eu l'effet espéré.
Certains représentants de PME espèrent que la nouvelle mesure fiscale permettra d'améliorer leur quotidien, mais beaucoup d'autres s'interrogent sur le refus d'accorder des prêts bancaires.
Les entreprises, en particulier dans le bâtiment, ont bénéficié de la dynamique des collectivités locales, qui réalisent plus de 80 % des investissements publics. Ignorer que les collectivités créent indirectement des emplois et tabler sur un allégement fiscal pour soutenir les entreprises relève d'une analyse à courte vue.
Lorsqu'une entreprise s'installe dans une commune, elle est motivée par les services et les infrastructures, bien avant la fiscalité.
Le lien économique indispensable entre les collectivités et les entreprises a forgé le développement de notre territoire. En supprimant la taxe professionnelle, vous allez rompre ce partenariat privilégié, vous transférerez sur les ménages les impôts dus par les entreprises et l'on peut craindre pour l'avenir des services actuellement rendus à la population. La taxe professionnelle est un instrument dynamique. Qu'en sera-t-il de la contribution économique territoriale ? On peut justement craindre moins de tonus, surtout avec le barème progressif.
Nous estimons indispensable de réformer la taxe professionnelle en étendant ses bases d'imposition aux actifs financiers de toutes les entreprises.
Les milliards que vous avez accordés au secteur bancaire lui ont permis de quadrupler ses profits. Au lieu de financer la reprise, les liquidités accumulées retournent à la spéculation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre à bon droit que seule la crise soit relancée. Il est vrai que la taxe professionnelle pèse plus sur les industries, moins sur les secteurs financier et bancaire, les services et la grande distribution.
Le Gouvernement perçoit des signes de reprise, mais il vaudrait mieux revoir l'assiette de la taxe pour déterminer les voies et moyens d'une réforme assurant aux collectivités locales les moyens de leur action et rétablissant un traitement équitable des entreprises en matière fiscale. Une taxation des actifs financiers alimentant un fonds de péréquation nationale ferait disparaître tout risque de perte de recettes. Les collectivités gagneraient en lisibilité de leurs ressources. Mais vous leur proposez de naviguer dans le brouillard !
Les seuls qui y voient clair sont les grandes entreprises, surtout du secteur financier : vous leur offrez sur un plateau 11 milliards d'euros en 2010 et 5,8 milliards en vitesse de croisière pour les années suivantes ! Cet argent retournera à la spéculation, si bien qu'au lieu de relancer l'économie, vous relancerez la crise !
La suppression de la taxe professionnelle est symbolique d'orientations aventureuses sur le plan économique et social. Vous n'écoutez pas les élus de terrain qui savent ce que représente l'intérêt de la population. Ce projet est dangereux pour les collectivités, inquiétant pour l'emploi et facteur d'inégalités entre les habitants car nous ne pourrons plus assurer les services publics.
Vous préemptez le débat sur la réforme des collectivités : quand vous aurez asséché leurs ressources, elles n'auront plus guère de choix.
Au lieu de nous cantonner dans le rejet de votre politique, nous vous proposons d'autres orientations permettant aux collectivités territoriales de répondre aux besoins de nos concitoyens tout en améliorant leur efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)
Mme Jacqueline Gourault. - Au risque de répéter ce que vous avez déjà entendu, je reviens sur la méthode : de nombreux élus ont été perturbés par l'ordre des opérations quant à la réforme territoriale.
Dans l'esprit des élus, la réforme territoriale devait aborder l'architecture, les compétences et les finances. Or la loi territoriale est limitée à l'architecture ; entre-temps, on nous annonce la suppression de la taxe professionnelle ; et enfin, la question des compétences sera traitée ultérieurement. Ce manque de vision globale angoisse les élus. En fait, on met la charrue avant les boeufs ! (Marques d'approbation à gauche)
J'en viens à la méthode de la commission des finances. Je pense avoir fini par comprendre qu'elle se décomposait en deux temps...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Bravo !
Mme Jacqueline Gourault. - ...mais c'est plutôt une valse à quatre temps : la suppression de la taxe professionnelle, la répartition des ressources entres les collectivités territoriales dans quinze jours -pour quoi donc ?...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Les simulations !
M. Thierry Foucaud. - Elles ne sont mêmes pas élaborées !
Mme Jacqueline Gourault. - ...une clause de retour avant juillet 2010 et la nouvelle réforme territoriale. Autrement dit, rien sur les compétences dans ce calendrier avant fin 2010, voire 2011.
M. Pierre-Yves Collombat. - Aucune importance ! (Sourires)
Mme Jacqueline Gourault. - Je fais confiance à la commission...
Mme Nicole Bricq. - Quel soulagement !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Merci !
Mme Jacqueline Gourault. - ...mais j'aimerais disposer dans quinze jours d'une vision de ce qu'apporte la réforme aux collectivités territoriales, aux entreprises et à l'État...
M. Jean-Pierre Chevènement. - Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. - Nous ne sommes pas seulement les défenseurs des collectivités territoriales ; en tant que parlementaires, nous devons avoir une vision nationale du budget de l'État ! Avec tous ces transferts, je n'ose pas dire ces tours de passe-passe...
Mme Nicole Bricq. - Il fallait le dire !
Mme Jacqueline Gourault. - ...nous aurions grand besoin de lisibilité.
Ensuite, n'essayez pas de nous faire croire que les collectivités territoriales conserveront le même degré d'autonomie fiscale, M. Adnot l'a dit.
Mme Marie-France Beaufils. - Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault. - Communes et intercommunalités seront moins touchées que départements et régions. Mais avec 70 % des recettes sur lesquelles les collectivités ne pourront plus faire jouer le taux, nous n'avons pas vraiment affaire à une réforme à la marge ! La compensation pour 2010 ne sera pas intégrale. D'une part, elle sera fondée sur le taux de 2008, et non celui de 2009, pour éviter, dit-on, les effets d'aubaine. Cet argument ne tient pas : les collectivités, ne pouvant pas imaginer que l'on supprimerait la taxe professionnelle aussi rapidement, n'ont pas augmenté leur taux. D'autre part, même si les bases ont progressé moins vite en 2009 à cause de la crise, comme l'a expliqué M. Fourcade, elles ont augmenté -c'est le cas dans ma communauté d'agglomération. Le fonds de garantie, si j'ai bien compris, serait figé. Autrement dit, une commune qui aurait gagné au nouveau système puis perdrait des entreprises devrait continuer à contribuer au fonds quand celle qui aurait perdu à la réforme mais accueillerait de nouvelles entreprises continuerait à percevoir de l'argent. Ce serait une injustice sociale comparable à celle subie par les communes bénéficiaires de la taxe payée par France Télécom à qui l'on retirait la DGF. Concernant le transfert de la taxe d'habitation et de l'impôt sur le foncier non bâti, je m'interroge : le taux pourra être augmenté sur la part initiale, mais non sur la part transférée ? Autre question : les communes non membres d'un EPCI toucheront-elles la cotisation complémentaire ? Un membre du Gouvernement m'a assuré que les communes et les intercommunalités pourraient déterminer leur taux...
M. Eric Woerth, ministre. - Donnez-moi son nom !
Mme Jacqueline Gourault. - Je vous le dirai, mais ensuite... Tout le monde peut se tromper.
M. Edmond Hervé. - Les collectivités territoriales donnent tout leur sens à cette décentralisation, consacrée à l'article premier de la Constitution, qui appartient à notre pacte républicain. L'État a besoin d'elles. Alors, à la stigmatisation, préférons la confiance ! Aujourd'hui, il y a rupture dans le processus de décentralisation qui, quoique perfectible, a porté ses fruits. Rupture dans la critique systématique de la dépense publique appliquée aux collectivités : trop de collectivités, trop d'élus, trop de ressources, d'où suppression de la taxe professionnelle ! Rupture dans les déclarations précipitées qui mêlent une fidélité idéologique contestable et une improvisation technique surprenante. Pour ma part, je ne suis pas surpris de l'absence du ministre de l'intérieur, puisque la réforme de la taxe professionnelle n'est pas faite pour les collectivités. Je note également des relations difficiles au sein de la majorité, entre la majorité parlementaire et l'exécutif. (M. Alain Fouché maugrée) Et on nous donne tous les jours des leçons de gouvernance ! Cela dit, ces divergences expliquent les précautions oratoires de certains collègues concernant l'insoutenable lourdeur de la dette et du déficit. Cette rupture entraîne la régression. Régression avec atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. Prenons pour seul exemple la contribution économique territoriale : le taux national ne favorise pas l'autonomie, non plus que des seuils élevés qui déclenchent l'imposition et de fortes exonérations -vous proposerez des modifications sur ce point. Atteinte à l'autonomie, encore, avec les transferts d'impôts et les dotations qui échappent aux collectivités territoriales, la limitation du taux de 3 % de valeur ajoutée par rapport au taux de 3,5. Avec la contribution économique territoriale, les communes perdront 35 % de l'autonomie dont elles disposaient avec la taxe professionnelle. Et je sais la différence entre autonomie financière et fiscale ! Comment les départements pourront-ils faire face à leurs dépenses sociales si on les prive de leur autonomie fiscale ?
Permettez-moi de faire quelques propositions. J'apprécierai, au nom de l'autonomie fiscale, qu'un taux local de valeur ajoutée soit accepté au bénéfice des collectivités territoriales dans le cadre d'une limite générale.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - C'est tout un débat !
M. Edmond Hervé. - Le taux national devrait être légitimé par une forte péréquation. Pour que les départements honorent leurs dépenses, on pourrait imaginer qu'ils bénéficient d'une part de la CSG ou, mieux encore, d'un nouvel impôt constitué de la CSG et d'une part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
L'impôt sur le revenu est encore progressif, même si vous y portez atteinte.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Sur le plan local ?
M. Edmond Hervé. - Il est justifié, dans une logique cartésienne, de définir les compétences avant les ressources et il l'est tout autant que la nature de celles-ci soit adaptée à la définition de celles-là. Mais ne nourrissez pas d'illusions : on ne nous proposera pas, dans quelques mois, un bouleversement général des compétences.
Tout en nous fixant deux nouveaux rendez-vous, vous nous plongez dans l'incertitude et cela tient à votre conception des prélèvements obligatoires : pour vous, il faut absolument les faire baisser. Ce système de pensée doit être critiqué et corrigé car j'attends qu'on me démontre la corrélation entre le niveau des prélèvements obligatoires et celui du chômage. Comparez la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Japon depuis trente ans : il n'y en a aucune. Il faut en revanche considérer la composition des prélèvements obligatoires. Nous ne sommes pas au somment de l'échelle pour la part de l'impôt sur les sociétés mais bien pour celle des impôts sur la consommation !
Il convient également de prendre en compte le contexte : le déficit, la dette, l'emprunt, tout cela devrait inciter à modérer les critiques. Regardons plutôt à quoi servent les prélèvements obligatoires. Le rapport du conseil national des prélèvements obligatoires note quelques points positifs : qualité de la main-d'oeuvre et de l'encadrement, communications, transports, logement... Tout cela profite très directement aux entreprises. D'où ces services viennent-ils ? Des prélèvements obligatoires !
Lorsque vous avez lancé le plan de relance, tous les élus se sont investis avec civisme -le Gouvernement l'a d'ailleurs remarqué. Vous avez besoin des collectivités locales pour avancer et pour vaincre le défi du chômage. Vous ne pouvez pas vouloir une grande industrie du logement, des transports, de l'énergie et laisser les collectivités dans l'incertitude.
J'avoue être très étonné de la structure générale de votre projet de budget avec un coût de 11 600 millions pour l'État mais 4 milliards en vitesse de croisière. Vous nous parlez de l'impératif de compétitivité mais dans vos tableaux, tous les secteurs sauf un sont gagnants, même si je m'interroge sur certaines professions libérales : ici, 11 700 millions pour les entreprises mais 4,3 milliards en vitesse de croisière. Les perdants, ce seront les collectivités territoriales et les ménages. Chacun le sait bien, eux qui payaient 48 % de la fiscalité locale en supporteront 70 %. (M. le ministre le conteste) Ces chiffres ont déjà été démontrés et ils seront répétés ! Voyez ce que vous avez fait pour l'APA au détriment des départements... (M. Alain Fouché s'exclame)
J'ai été également étonné que la plupart des documents gouvernementaux intéressant la décentralisation ne mentionnent pas les principes constitutionnels. Lorsqu'il est venu devant la commission, M. Balladur a dit en termes très diplomatiques qu'il ne serait peut-être pas insensible de modifier le principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Edmond Hervé. - Nous y sommes : ce principe est aujourd'hui malmené. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Il est paradoxal de commencer la réforme des collectivités locales par la suppression de leur principale recette. Est-il bien adroit de mettre ainsi la charrue avant les boeufs ? Il eût été plus logique de commencer par les règles d'organisation et de conclure par les ressources et si cette inversion suscite les critiques des élus, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes.
Le Conseil économique et social avait proposé, il y a deux ou trois ans, un vaste plan de remise en ordre pour restaurer la rationalité de l'impôt local ; vous nous proposez une réforme bâclée, sans simulations mais non sans dissimulations. Quelle sera la compensation, sera-t-elle déductible et des exonérations jusqu'à 90 % pour des entreprises intégrées dans les bases ne sont-elles pas contraires à la territorialisation ?
M. Adrien Gouteyron. - C'est la péréquation !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Quel sera le coût pour les finances publiques, 12 milliards ou 4 milliards ? Nous sommes dans le bleu. Je ne veux pas faire l'éloge de la fiscalité locale actuelle, c'est un fouillis... auquel vous substituez un autre fouillis.
Mme Nicole Bricq. - C'est farfouillis !
M. Jean-Pierre Chevènement. - L'argument du Président de la République à Saint-Dizier ne tient pas la route. Vous pouvez renoncer à l'alibi de la compétitivité, comme Mme la ministre l'a dit elle-même : la taxe professionnelle n'arrive qu'au sept ou huitième rang des motivations des entreprises. Au demeurant, que sont les 4 milliards d'allégements au bénéfice des entreprises en regard des 400 milliards des exportations ? Quid de la dévaluation compétitive du dollar, du yuan ou de la livre sterling ? Elle atteint 30 % et l'on crie au protectionnisme ? On ne peut prétendre lutter contre les délocalisations sans y remédier sinon, nos entreprises investissant dans des pays à bas coûts, la France est de moins en moins leur horizon. C'est le cas de Peugeot, qui produit les deux tiers de ses voitures à l'étranger, ou de Renault, qui vient d'annoncer des licenciements, deux entreprises qui ont reçu sans contrepartie 3 milliards avec le plan automobile, soit bien plus qu'avec la suppression de la taxe professionnelle. On ne rétablira pas la compétitivité sans lutter contre le dumping social !
Le président de la République revendique une décision personnelle, mais j'ai un peu de mémoire et je ne suis pas né de la dernière pluie : j'y reconnais surtout une revendication du Medef. (Marques d'approbation à gauche) Il n'est pourtant pas très judicieux de substituer à la taxe professionnelle une contribution qui aura un lien plus ténu avec les territoires. Les entreprises ont surtout besoin de services publics de qualité. Est-il opportun de pénaliser de la sorte les territoires et la création d'emploi ?
Il n'est pas convenable de supprimer la taxe professionnelle sans avoir assuré aux collectivités un juste système de remplacement et il est trop facile de remettre les règles fiscales à plus tard en laissant au Parlement le soin de définir la répartition des attributions. Vous avez dit, monsieur le ministre, que la répartition des compétences n'est pas arrivée à son terme, que la loi sur ce sujet viendra après et qu'il faudra alors faire jouer le curseur des compétences. Comment mieux établir que le projet marche sur la tête ? Le Gouvernement prend le gage, laisse le Parlement dire à quelle sauce seront mangées les collectivités qui ne veulent pas l'être. Elles se déchireront et vous vous frotterez les mains. (« Très bien ! » sur les bancs du RDSE) Ce n'est pas très respectueux des collectivités non plus que du consensus prôné par le Président de la République.
C'est pourquoi, comme nous l'ont suggéré deux anciens Premiers ministres, MM. Juppé et Raffarin, nous voterons contre cette réforme en l'état.
M. Eric Woerth, ministre. - Il s'agissait de l'ancien état !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Faut-il associer, comme le suggère le Président de la République, les collectivités territoriales à l'effort de maîtrise budgétaire entrepris par l'État ? Laissez-nous rire, madame, monsieur les ministres ! Parler d'effort de maîtrise budgétaire avec 140 milliards de déficits, vous repasserez ! La dette des collectivités locales ne représente que 10 % de la dette publique globale. Faut-il casser, pour un si médiocre résultat prévisible, l'investissement des collectivités, c'est-à-dire 75 % de l'investissement public ? Investissement qui contribue à la compétitivité du territoire français...
M. Eric Woerth, ministre. - N'oubliez pas la DGF, quand même !
M. Jean-Pierre Chevènement. - ...à la qualité de la vie et même à la natalité, grâce aux crèches et haltes garderies... La suppression de la taxe professionnelle ne sera pas intégralement compensée : M. Juppé l'ayant répété, je m'abrite derrière son autorité.
L'intercommunalité a donné aux communes les moyens d'exercer des compétences stratégiques. Le Président de la République s'est curieusement étonné, dans son discours de Saint-Dizier, que le nombre d'EPCI ait cru de 64 % en dix ans. Mais c'est la preuve de leur réussite ! A l'époque, l'intercommunalité n'existait quasiment pas. Depuis, 174 communautés d'agglomération et trois communautés urbaines de plus de 500 000 habitants ont vu le jour ! Ces communautés exercent aujourd'hui, dans des domaines stratégiques comme le développement économique, l'habitat et les transports, les compétences que les communes adhérentes n'exerçaient pas ou mal. Or, vous allez les priver de la taxe professionnelle unique qui représente la quasi-totalité des ressources de cette intercommunalité très intégrée. Les recettes qui vont la remplacer seront notablement inférieures. Comment imaginer que les dynamiques actuelles puissent se poursuivre sinon par un recours accru à la fiscalité pesant sur les ménages ? Ces derniers seront les grands perdants de votre réforme. Il est donc légitime de s'interroger sur la pertinence de ces cadeaux faits aux entreprises. Pourquoi avoir voulu substituer au taux unique un taux progressif laissant 90 % des entreprises en dehors du champ d'application du nouvel impôt, en les réintégrant par la suite à l'assiette ? Pourquoi ne pas vouloir abaisser le seuil d'exonération de la cotisation complémentaire à 152 000 euros comme l'avait proposé l'Assemblée nationale pour élargir l'assiette ?
Mme Nicole Bricq. - Le Medef !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Pourquoi plafonner à 3 % de la valeur ajoutée le montant de la cotisation économique ? Pourquoi plafonner l'assiette taxable à 80 % du chiffre d'affaires ? Pourquoi refuser l'amendement de notre commission des finances qui diminue de 15 % la valeur locative des immobilisations industrielles ? Toutes ces dispositions sont autant de cadeaux fiscaux arbitraires faits à certaines catégories. Oui à l'effort, mais à l'effort équitablement partagé !
Mme Nicole Bricq. - Oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Comme l'a très bien dit M. Collin, cette suppression de la taxe professionnelle n'est pas opportune. En début d'année, nous avons eu le plan de relance...
M. Eric Woerth, ministre. - Vous y étiez opposé.
M. Jean-Pierre Chevènement. - ...et maintenant c'est un formidable coup de frein ! Il est paradoxal de voir le Gouvernement et sa majorité proposer à la fois un budget en déséquilibre massif et prononcer des voeux de continence à perpétuité à l'usage des collectivités locales. Seule la droite pouvait oser cela !
M. Eric Woerth, ministre. - Vous n'avez pas bien examiné cette réforme !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le péché et la contrition se donnant en spectacle simultané, les prédications en chaire de MM. Arthuis et Marini couvrant les dérèglements affreux, au regard de l'orthodoxie, de Mme Lagarde et de M. Woerth, vous nous offrez du grand Mauriac ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste)
M. Alain Chatillon. - L'organisation d'un tel débat juste après la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2010 montre tout l'intérêt que nous attachons aux finances locales alors que s'achève le congrès des maires.
Nous nous félicitons qu'un accord ait été trouvé afin de séparer la suppression de la taxe professionnelle du financement des collectivités territoriales dont nous débattrons ultérieurement. De même, nous nous réjouissons que le président de notre groupe ait accepté qu'un amendement fixe une période probatoire avant l'adoption définitive du texte : la simulation, l'évaluation et la correction des données sont en effet indispensables.
Le Gouvernement nous propose donc la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par deux nouvelles cotisations pour les entreprises. En outre, la compensation transitoire pour les collectivités en 2010 sera examinée en décembre. La réforme de la taxe professionnelle ne sera donc définitive qu'après la réforme des collectivités et de leurs compétences. Avec nombre de mes collègues, nous attendions ces décisions logiques et indispensables.
La réforme de la taxe professionnelle allégera les charges des entreprises d'environ 4,3 milliards. Mais il ne s'agit que de l'un des éléments qui permettra d'améliorer la compétitivité des entreprises. La suppression de la taxe professionnelle n'évitera pas les délocalisations ! Il y a quelques mois, Carlos Ghosn indiquait que la fabrication d'un nouveau modèle coûtait 1 400 euros de plus en France que dans un pays de l'est de l'Union. Les charges sociales représentent la quasi-totalité de ce montant et la taxe professionnelle seulement 140 euros !
Depuis l'après-guerre, la France a fait supporter l'excès des charges sociales et fiscales sur les entreprises. Ce faisant, elle a plombé leur croissance. L'autofinancement de nos entreprises représente à peine la moitié de celui des entreprises allemandes et anglaises, soit un manque de 120 milliards ! Les prélèvements obligatoires, par rapport au PIB, s'établissent à 44 % pour les entreprises françaises, alors qu'ils sont respectivement de 37 % et de 36 % pour celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Contrairement à certaines idées reçues, ce sont les entreprises et non pas les ménages qui assurent l'essentiel des prélèvements. Voila pourquoi nos entreprises, depuis un demi-siècle, n'ont pas la croissance de leurs voisins ; d'où un parc d'entreprises vieillissant et atteint de nanisme. Nous n'échapperons pas, si nous voulons rétablir leur compétitivité, à une opération vérité sur les charges sociales. Le président Arthuis avait évoqué à juste titre une TVA sociale. Il faudra bien y revenir !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Certes !
M. Alain Chatillon. - De plus, je m'inquiète de la suppression du lien entre le taux de la cotisation foncière des entreprises basée sur les valeurs locatives foncières et le taux des impôts locaux des ménages. Ce lien est un élément indispensable de la réforme car la déliaison des taux a conduit dans le passé récent à des augmentations substantielles de l'imposition locale des entreprises.
Si les collectivités locales devaient pouvoir augmenter plus fortement les taux sur les entreprises, l'allégement procuré par la réforme serait réduit dès 2010 et conduirait rapidement à effacer les effets de cette réforme.
J'en viens aux recettes des collectivités territoriales. Je tiens tout d'abord à réaffirmer mon attachement au principe de la décentralisation et à son corollaire, l'autonomie financière des collectivités locales. J'ai écouté avec attention le Premier ministre il y a deux jours et j'ai pris bonne note de ses propos rassurants : éligibilité au FCTVA des investissements 2009 non réalisés à la fin de cette année ; reconduction en 2010 du remboursement du FCTVA ; compensation intégrale de la taxe carbone versée par les collectivités, avec la création d'un fonds géré par l'Ademe ; aide aux territoires ruraux pour la couverture numérique à 100 %.
Mais ces mesures conjoncturelles ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel. Pour le bloc communal, il faut absolument maintenir le lien avec les entreprises et continuer à voter localement les quatre taxes, et notamment la cotisation locale d'activité et la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Alain Chatillon. - Vivant au coeur du Lauragais, berceau du catharisme, vous comprendrez que je sois opposé au pouvoir central. Il faut poursuivre la décentralisation, ce qui n'exclut pas le contrôle et l'animation par le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Alain Chatillon. - Au vu des premières simulations dans ma région, il convient de donner 35 % de la cotisation complémentaire au bloc communal. La cotisation complémentaire sera une recette dynamique et un bon levier fiscal pour accompagner les investissements du bloc communal en faveur des entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. Yvon Collin. - Je suis d'accord !
M. Alain Chatillon. - De même, le parc d'activités du bloc communal en milieu rural est constitué le plus souvent de PME et de TPE : une cotisation complémentaire de base s'impose, puis, au-delà de 500 000 euros, une cotisation progressive, et non en paliers, pour assurer la progressivité en fonction du poids des entreprises.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Alain Chatillon. - Que se passera-t-il si l'État décide seul de répartir cette ressource ? Au-delà d'une recentralisation difficile à accepter, nous souhaitons le strict respect du principe constitutionnel de l'autonomie financière des collectivités territoriales et la reconnaissance de la primauté du bloc communal avec l'attribution d'une part très significative de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée. A défaut, ce serait nier le lien indispensable et historique entre les entreprises et leur territoire.
Je fais confiance au Gouvernement mais nous devons prendre ensemble les bonnes décisions pour nous éviter de cuisants regrets dans quelques mois. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Bernard Vera. - Comme l'a dit M. Pébereau, PDG de BNP Paribas : « La taxe professionnelle est un impôt efficace et intelligent dans son principe puisqu'il pousse à l'utilisation efficace des facteurs de production ». Contrairement à ce qu'affirment une certaine presse et la plupart des grands médias audiovisuels, la suppression de la taxe professionnelle ne fait nullement consensus. Seule la majorité parlementaire fait encore semblant d'y croire !
Nous pouvons nous entendre sur le fait que la suppression de la taxe professionnelle va rapporter 11,7 milliards d'euros aux entreprises, soit 0,5 à 0,6 point de PIB, mais va coûter beaucoup plus aux collectivités locales. Nous pourrions aussi comparer ces 11,7 milliards donnés aux entreprises aux perspectives de croissance d'environ 15 milliards d'euros. Cette mesure n'exercerait donc qu'un faible effet levier et ces 15 milliards pourraient aussi bien provenir de la consommation des ménages grâce à une baisse du taux d'épargne.
La vraie question consiste à se demander ce que les élus locaux, dans leurs pratiques quotidiennes, dans leurs politiques d'investissement, dans leur dévouement bénévole, ont fait pour mériter d'être si maltraités. En plaçant la majeure partie des ressources des collectivités locales hors du champ de l'autonomie financière, ce texte rompt le pacte fondateur de la décentralisation. L'annonce de la réforme des collectivités territoriales paraît vouloir ranger les lois de décentralisation au rayon des souvenirs.
Cela fait déjà quelque temps que l'État se défausse sur les collectivités locales. Ainsi, les départements les plus confrontés au vieillissement démographique rencontrent de plus en plus de difficultés pour financer l'allocation pour l'autonomie des personnes âgées, alors même qu'il aurait fallu créer un cinquième risque au sein de la sécurité sociale. De même, le revenu de solidarité active est devenu une source d'économies pour l'État par la réduction du coût de la prime pour l'emploi et la diminution des remboursements d'allégements de taxe d'habitation, ce qui ne profitera ni au fonds de développement pour l'insertion ni aux départements mais contribuera uniquement à la réduction du déficit de l'État. (Mme Marie-France Beaufils approuve)
La défausse de l'État s'accompagne d'une contrainte renforcée qui vise à encadrer toujours davantage le montant des concours et dotations. Tout est prévu pour que l'État puisse réduire les financements apportés aux collectivités locales, y compris pour les mesures qui découlent de ses propres choix politiques. La situation des finances locales ne peut manquer d'inquiéter les élus locaux. J'ai eu l'occasion de le vérifier encore récemment, dans l'accomplissement de mon mandat. Les élus de mon canton, toutes sensibilités politiques confondues, m'ont fait connaître leur inquiétude, leurs interrogations et leur colère devant le mauvais tour joué à la décentralisation et à leurs efforts pour la collectivité et le développement de leurs territoires.
L'indispensable dialogue républicain n'a, hélas, pas présidé à la préparation de cette loi de finances. Le pacte républicain est pourtant essentiel à l'identité nationale. II faut rendre toute faculté pour proposer, agir et construire aux élus locaux qui, dans leur très grande majorité, ne font pas de la politique un métier mais de l'accomplissement de leur mandat une mission de service public. Dans le cadre d'une véritable réforme des collectivités locales, nous devons réfléchir à leurs compétences et à leurs moyens, consulter le plus largement possible la population, effectuer des choix de gestion au plus près des besoins réels et faciliter la mise en oeuvre des mesures adoptées. II est temps de faire le bilan réel de la décentralisation, de la pertinence des compétences dévolues à chacun et des dispositions financières en vigueur.
Le sort des dotations, dont la DGF, est éclairant. Que représente-t-elle aujourd'hui pour un budget communal par rapport à 1979 ? Le premier concours de l'État n'est le plus souvent qu'une recette accessoire, en baisse constante. Ne faudrait-il pas décider d'une réelle politique d'allégement des contraintes financières pesant sur les collectivités locales ? D'autant que le regroupement des Caisses d'épargne et des Banques populaires comme les difficultés de Dexia rendent illusoire l'espérance de financements peu coûteux.
La réforme de la fiscalité locale devrait intégrer la double dimension de la justice et de l'efficacité. Nous n'en prenons pas le chemin ! Il ne faut pas faire du revenu la base d'imposition de la fiscalité locale. Remplacer des impôts locaux reposant sur une base surannée par une poll tax à la française ne serait pas un bon signe pour les citoyens. L'apport aux budgets locaux doit dépendre de la capacité contributive et le revenu doit rester la variable d'ajustement des contributions. Une véritable réforme de la taxe professionnelle, telle que Marie-France Beaufils nous l'a présentée, donnerait aux collectivités locales, dans le respect des principes républicains, les moyens de répondre aux besoins des populations et de participer au développement du pays.
La feuille de route de ce débat budgétaire devrait prévoir de rendre leur autonomie et leur efficacité aux concours et aux dotations et de réformer durablement et justement la fiscalité locale. Ce n'est pas sur cette route que nous nous trouvons, à moins que la raison ne l'emporte sur les considérations de court terme. Le groupe CRC-SPG votera contre le volet Collectivités territoriales de ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Maurey. - La suppression de la taxe professionnelle est la mesure emblématique de cette loi de finances. Qualifiée d'imbécile par le Président Mitterrand il y a plus de vingt-cinq ans, cette imposition pénalise l'investissement et la compétitivité. Elle a été réformée vingt fois en trente-cinq ans, mais personne n'a eu le courage d'aller au-delà. Nous ne sommes donc pas opposés à sa suppression mais cette mesure engendrera une perte de 22,6 milliards d'euros pour les collectivités, soit la moitié de leurs recettes fiscales. Ce n'est pas négligeable !
En annonçant, en février dernier, la suppression de la taxe professionnelle sans indiquer par quel dispositif elle serait remplacée, le Président de la République a créé une immense inquiétude chez les élus de gauche, de droite et du centre, qui s'est exprimée notamment au congrès de l'AMF. Les propositions du Gouvernement en ce sens n'ont été connues qu'en août. L'Assemblée nationale les a beaucoup modifiées, dans le bon sens, en donnant une part de la cotisation complémentaire aux collectivités et en territorialisant cet impôt. Pour autant, je ne crois pas que le dispositif puisse être voté maintenant, même après l'examen de la seconde partie de cette loi de finances, car personne ne mesure l'impact du dispositif proposé.
Est-il envisagé d'indexer les dotations de compensation sur l'évolution des autres dotations, dont la hausse de 0,6 % est très inférieure à celle des charges ? Quelles seront les conséquences financières d'un impôt assis sur une assiette très variable, la valeur ajoutée ? Le seuil de 500 000 euros ne défavorisera-t-il pas, une fois de plus, les territoires ruraux ? La répartition de la cotisation complémentaire entre les différentes collectivités est-elle pertinente ? Le curseur entre territorialisation et mutualisation est-il bien positionné ?
Surtout, qui financera le coût de la réforme ? Selon la ministre, ce sera l'État, mais compte tenu de l'ampleur des déficits publics, ce seront les entreprises, les ménages ou les collectivités. Ne cherche-t-on pas aussi à encadrer les ressources des collectivités territoriales pour maîtriser leurs dépenses ? Ne veut-on pas réduire l'autonomie financière des collectivités locales, et plus généralement leur autonomie ? Si tel est le cas, mieux vaudrait nous le dire franchement.
Beaucoup de questions se posent encore, et nous ne pouvons pas voter à l'aveuglette. Nous sommes nombreux à penser qu'il aurait été plus logique de réformer les ressources des collectivités après avoir modifié leurs compétences, et non l'inverse. En outre, l'ensemble de notre fiscalité locale doit être revue pour faire de la DGF un véritable instrument de péréquation. S'il n'est plus possible d'attendre que la loi sur les compétences soit adoptée -sans doute en 2012-, au moins pouvons-nous attendre le premier semestre 2010. Nous pouvons voter dans le cadre de cette loi de finances la suppression de la taxe professionnelle et le système mis en place pour 2010, et adopter le dispositif destiné à la remplacer à la fin du premier semestre 2010 dans une loi de finances rectificative. Seuls les principes seraient inscrits dans ce texte et non le dispositif lui-même.
Je crains qu'il n'y ait ambigüité sur ce point et que nous ne soyons pas en phase avec le rapporteur général et le Gouvernement. Nous avons besoin de quelques mois pour voir quelles dispositions sont envisageables et quelles conséquences elles auront sur les collectivités, sachant qu'il faudra en tout état de cause revoir le dispositif en 2012, après la réforme des compétences. Nous pourrons travailler sur les simulations que nous aura fournies le Gouvernement, dans la transparence et la sérénité... Nous ne voulons pas jouer les apprentis sorciers. J'espère, madame la ministre, que vous pourrez répondre à notre demande pour que nous puissions vous apporter notre soutien. (Applaudissements au centre)
M. François Patriat. - J'ai bien peur que mes propos n'entament pas votre détermination, madame la ministre et monsieur le ministre, tant le procès en dogmatisme que vous nous faites vaut en réalité pour vous. La réforme que vous nous proposez, loin d'être sur la ligne du progrès, constitue un recul : vous instaurez une recentralisation punitive contre les « féodalités régionales ». Mais où est donc leur péché ? Est-ce d'avoir assumé leurs compétences en matière d'enseignement supérieur, de recherche, d'avoir travaillé à l'extension du haut débit, d'avoir aidé à lutter contre la désertification médicale, payé pour les TGV... Quand on leur reproche d'avoir trop dépensé, veut-on parler des 54 milliards qu'elles ont mis dans le plan de relance, contrepartie exigée à la participation de l'État ? Quand on leur reproche d'avoir créé trop d'impôts, sait-on que ces impôts ne représentent que 6 % de la fiscalité nationale, soit 4 % de moins que ce que l'État dépense pour seulement prélever l'impôt, que ces 6 % ne représentent pas plus de 30 euros par habitant...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous auriez pu prendre 60...
M. François Patriat. - Que leur reproche-t-on, enfin ? D'avoir embauché pour prendre le relais des emplois innombrables transférés par l'État, en respectant les indices et les carrières ? D'avoir augmenté la Tipp pour mettre en place le plan climat ?
On les punit en prévoyant un mode de scrutin inique et en les asphyxiant. Où sera l'autonomie des régions, demain ? Leur autonomie fiscale est aujourd'hui de 30 %. Demain, il n'en restera rien et tout tiendra dans la dotation de l'État, qui occupe déjà une place considérable. Mais le Premier président de la Cour des comptes n'a-t-il pas rappelé que lorsque l'État verse 93 milliards de subventions d'investissement, les collectivités mettent 427 milliards au pot ? Demain, il ne leur restera que deux ressources, dont le taux est voté par l'État. Elles n'auront à voter que deux impôts, celui sur les permis de conduire, qui pénalise les jeunes, et la Tipp, qui servira à payer les lignes à grande vitesse que l'État devrait financer. Paris-Clermont : 15 milliards. Car n'est-ce pas l'État qui nous demande de payer la future autoroute Centre-Europe-Atlantique, ou le contournement des grandes villes, toutes choses qui ne sont pas de la compétence des régions ?
Un tel cynisme n'est pas supportable ! Nous allons bientôt en revenir à l'EPR, à l'établissement public régional, car nous n'aurons bientôt plus qu'un budget affecté.
Des « féodalités », dites-vous, quand les présidents de région sont élus par des centaines de milliers de votants ! La vérité est que vous cherchez à museler, parce qu'elles sont acquises à la gauche, des collectivités jeunes, modernes, qui répondent aux aspirations d'aménagement du territoire.
La taxe carbone ? 650 millions d'euros. On ne s'étonnera pas, après cela, que les régions n'aient plus les moyens d'investir. Même chose pour la hausse mécanique des salaires. Comment passer de 75 à 79 millions sinon au détriment des investissements dans les lycées, les trains, la formation professionnelle, l'économie ?
Vous qui avez récemment reçu, madame la ministre, la distinction de meilleur ministre de l'économie, savez-vous qu'entre la mi-2008 et la fin de cette année, la Bourgogne aura perdu 20 000 emplois, dans la plus grande indifférence des pouvoirs publics. Car pendant que nous allons sur le terrain, que nous rencontrons les chefs d'entreprises, les salariés, l'État reste aux abonnés absents.
M. Eric Woerth, ministre. - Ce que vous dites n'est pas sérieux !
M. François Patriat. - Ces 12 milliards de taxe professionnelle à compenser, ce sont les ménages qui les paieront. Nous demandons que soit préservée une part de l'autonomie fiscale des régions ; que le foncier reste un impôt à leur disposition pour secourir les territoires que vous abandonnez chaque jour un peu plus à leur sort. (Applaudissements à gauche)
M. Albéric de Montgolfier. - Le débat sur la répartition ne doit pas nous faire oublier ce qui est à l'origine de la réforme. Y avait-il urgence à supprimer la taxe professionnelle ? Deux fois oui : oui pour les entreprises, oui pour les collectivités. Ce que nous a dit M. Patriat ne fait que le démontrer : la crise se traduit par des licenciements, dramatiques pour les salariés et pour les collectivités. La réforme est donc urgente, nécessaire, même si elle est difficile. La taxe professionnelle n'a fait que se complexifier au fil du temps : depuis 1975, pas moins de 68 réformes ! Sans doute parce que l'on a toujours reculé devant sa suppression. Il fallait le courage de ce gouvernement pour aller jusqu'au bout.
Pourquoi la supprimer ? Parce que c'est un impôt fondé sur l'investissement, qui nuit à la productivité des entreprises et favorise les délocalisations. Il n'est d'ailleurs pas le seul...
Mme Jacqueline Gourault. - Allons bon !
M. Albéric de Montgolfier. - ...le niveau des salaires et d'autres éléments de notre fiscalité jouent aussi. Les prélèvements sociaux méritaient d'être réformés dans leur ensemble. Après les allégements de charges sur les bas salaires, le crédit impôt recherche, voilà la suppression de la taxe professionnelle, qui allégera de 300 millions la fiscalité des entreprises.
Cette taxe, la commission des finances l'a montré, est une spécificité bien française. La France est le seul pays à prélever un impôt sur l'investissement, payé par les entreprises, qu'elles soient ou non bénéficiaires, sur les investissements, qu'ils soient anciens ou trop neufs pour être encore productifs. Vous l'avez constaté, madame la ministre, à Anet, dans une entreprise dont les outils industriels sont anciens, comme vous l'avez vu dans une autre qui a récemment investi : l'une et l'autre sont requises de payer. Les investisseurs étrangers ne le comprennent pas.
Il fallait donc s'attaquer à cette taxe qui désavantage notre pays dans la compétition internationale. Fallait-il la réformer sans la supprimer ? Non, car elle est assise pour 80 % sur l'investissement ; elle était plus équilibrée jusqu'à ce que M. Strauss-Kahn en retranche la part salariale. Or la part de l'industrie dans notre économie est passée de 21 % en 1988 à moins de 14 % aujourd'hui ; ce secteur a perdu 500 000 emplois en quinze ans. Les bases de la taxe professionnelle se réduisent donc comme peau de chagrin. Il était inopportun de réformer un impôt voué à disparaître, dont l'État est aujourd'hui le premier contributeur.
Mme Nicole Bricq. - Il fallait donc l'achever !
M. Albéric de Montgolfier. - Pour le remplacer, il fallait créer un impôt économique local moderne, assis sur les activités contemporaines. L'économie est de plus en plus immatérielle ; or les services, les banques, les assurances ne payaient jusqu'ici presque pas de taxe professionnelle. Au sein du groupe de travail associant des élus et des représentants du monde économique, un consensus s'est fait jour sur la nécessité d'asseoir le nouvel impôt pour une part sur le foncier, pour une autre part sur la valeur ajoutée, comme le recommandait la commission Fouquet, avec un barème progressif en fonction du chiffre d'affaires qui favorise les PME. Certes, les collectivités ne pourront pas en fixer le taux ; mais l'essentiel me paraît être de les doter d'une ressource dynamique. Depuis cinq ans, la valeur ajoutée a progressé de plus de 4,1 % par an, tandis que le produit de la taxe professionnelle n'augmentait chaque année que de 3 %.
Nous traiterons du produit de cet impôt pour les collectivités lors de l'examen de la deuxième partie du PLF. On ne peut qu'approuver les orientations définies par la commission des finances. Pour le bloc communal, elle a fait le choix de territorialiser l'impôt afin de maintenir le lien entre entreprises et territoires ; mais la difficulté tient à la répartition des richesses inégalement réparties et à la progressivité du taux. Il serait donc judicieux de fixer un taux moyen national : ainsi la base de l'impôt sera territorialisée, non son taux. Pour ce qui est des départements et des régions, la répartition au niveau national s'impose. Les départements ont des charges incompressibles, essentiellement imputables aux dépenses sociales ; seule la création d'un cinquième risque pourrait leur permettre de faire face à leurs difficultés en faisant appel à la solidarité nationale. La répartition au niveau national du nouvel impôt économique local constituera l'amorce d'une péréquation. Pour la première fois dans l'histoire de la fiscalité locale en France, la péréquation s'opérera non pas par écrêtement mais par le taux même de l'impôt.
Je me réjouis également des garanties apportées au sujet des ressources des collectivités, ainsi que de la clause de revoyure qui permettra de tenir compte de l'évolution des compétences.
Le Gouvernement a exprimé clairement sa volonté de laisser le Parlement légiférer. Ce projet de loi est l'occasion de créer un impôt économique à la fois moderne et dynamique, bon pour les entreprises comme pour les collectivités. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bravo !
M. Jean-Claude Frécon. - A cette heure avancée, je ne répéterai pas les critiques formulées contre l'impréparation de cette réforme et le manque de concertation préalable. J'aborderai d'emblée le problème des relations financières entre les collectivités locales et l'État. Monsieur le ministre, vous dites avoir perçu lors du congrès des maires un certain apaisement des esprits. Il est vrai que le Premier ministre leur a apporté mardi des assurances au sujet du FCTVA et de la ristourne partielle de taxe carbone. Mais ils ont adopté cet après-midi, à l'unanimité moins une abstention, une résolution générale très critique à l'égard du Gouvernement.
M. François Marc. - Ils sont tous contre la réforme !
M. Eric Woerth, ministre. - Dans deux ans, ces craintes auront été dissipées.
M. Jean-Claude Frécon. - Les dotations de l'État aux collectivités sont, dites-vous, en hausse de 1,2 % par rapport à l'année dernière ; mais si l'on en soustrait les versements au titre du FCTVA, cette hausse se réduit à 0,6 %.
M. Eric Woerth, ministre. - C'est ce que j'ai dit.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je m'en porte témoin.
M. Jean-Claude Frécon. - Ce dernier chiffre est sans doute lui-même surévalué.
M. Eric Woerth, ministre. - Pas possible !
M. Jean-Claude Frécon. - Car il faut prendre en compte l'augmentation de la population. Nous disposons depuis l'année dernière d'un nouvel outil de comptabilisation ; les hausses constatées ne seront pour une part prises en compte que cette année, comme le sait bien M. Dallier. Quant aux résidences secondaires, pour lesquelles nous nous fondions jusqu'ici sur une estimation de 1999, leur nombre sera réévalué cette année. Ainsi, la population moyenne devrait augmenter de 0,7 ou 0,8 %. Cela réduit à néant la hausse de la DGF par habitant !
A cela s'ajoute le problème de la révision des bases : le comité des finances locales, sous la présidence de M. Fourcade, a souligné dès 1996 sa nécessité.
J'en viens à la question de la taxe professionnelle. Les notions d'autonomie financière des collectivités locales et de ressources propres ont été inscrites dans la Constitution en 2003, lors de ce qu'il est convenu d'appeler « l'acte II de la décentralisation » ; elles sont venues s'ajouter au principe de libre administration des collectivités, entériné depuis 1982. On nous a promis alors que le taux de ressources propres de chaque catégorie de collectivités serait maintenu. En 2005, la France a ratifié la charte européenne de l'autonomie locale, qui définit les fonds propres d'une manière légèrement différente.
Qu'est-ce que le pouvoir fiscal ? Que signifie ce droit de lever l'impôt propre à toute assemblée politique ? Dans notre pays, où il n'y a pas d'impôt perçu au niveau national et partagé ensuite, ce pouvoir donne à toute collectivité les moyens de mettre en oeuvre à son niveau l'intérêt général. C'est la condition des libertés locales, de la libre administration des collectivités mais aussi de leur responsabilisation : celui qui décide des dépenses doit porter la responsabilité des recettes.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Encore faut-il avoir des assiettes.
M. Jean-Claude Frécon. - Certes, mais la réforme de la TP réduira de 30 % les ressources propres du bloc communal et de 70 % celles des collectivités dans leur ensemble. Depuis des mois, toutes les associations d'élus ont constitué un front commun pour y résister.
Vous avez dit, madame la ministre, que votre système respectait le principe d'autonomie financière ; en droit français, peut-être, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas en droit européen.
Il semble que le texte continue d'évoluer, et c'est heureux parce que le seuil de 550 000 euros de chiffre d'affaires laissait de côté 90 % des entreprises ; je pense qu'un seuil à 152 500 euros serait convenable. Il faudrait aussi relever la cotisation forfaitaire : 250 euros, c'est vraiment très peu. (Applaudissements à gauche ; M. Yvon Collin applaudit aussi)
M. Christian Poncelet. - Permettez-moi tout d'abord, madame la ministre, de vous adresser mes chaleureuses félicitations pour votre désignation au premier rang des ministres des finances européens.
Vous nous proposez de supprimer la taxe professionnelle et les modalités de son remplacement. Il fallait mettre fin à un impôt jugé absurde, qui pèse essentiellement sur l'investissement productif. Plus on investit, plus on est imposé... Un atelier de tissage qui a douze métiers à 1 000 euros pièce, coût 12 000 euros, doit les renouveler, mais les nouveaux matériels étant à 10 000 euros pièce, il n'en achète que six -coût 60 000 euros. Sa taxe professionnelle aura été multipliée par cinq et il sera pénalisé par rapport à ses concurrents étrangers, peut-être contraint à la délocalisation en Slovaquie, ce qui affaiblira notre tissu industriel.
La taxe professionnelle a remplacé en son temps la patente, devenue si impopulaire qu'elle a été à l'origine du poujadisme et de l'élection à l'Assemblée nationale de ses 52 députés.
M. Pierre-Yves Collombat. - Le Pen !
M. Christian Poncelet. - La taxe professionnelle pesait à l'origine de façon équilibrée sur deux bases, l'investissement et les salaires. Depuis 1975, pas moins de 68 textes l'ont modifiée. Elle s'est trouvée déséquilibrée après la suppression de la part salaires par M. Strauss-Kahn : tout a alors pesé sur l'investissement, ce qui a conduit au décrochage de notre industrie par rapport à ses concurrentes européennes, notamment allemandes.
Tenant compte des critiques tant des agents économiques que des élus, conscient cependant que la taxe professionnelle est une ressource essentielle des collectivités territoriales, le Gouvernement propose de la supprimer en 2010 et d'en assurer la compensation -vous allez certainement nous le confirmer- collectivité par collectivité. De quelles ressources les collectivités territoriales disposeront-elles à compter de 2011 ? Comment pourront-elles continuer à investir ? Je rappelle qu'elles sont à l'origine de près des trois quarts de l'investissement public. Leur permettre de conserver la liberté mais aussi la responsabilité de recueillir par l'impôt les ressources dont elles ont besoin, c'est s'assurer qu'elles continueront.
J'ai noté avec satisfaction l'accord du Premier ministre à notre proposition de permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA pour les dépenses qu'elles se sont fermement engagées à réaliser en 2009, mais que les délais de procédure de la commande publique les ont empêchées de réaliser ou de mandater avant le 31 décembre de cette année. Confirmez-vous en outre que ce dispositif de remboursement anticipé est prolongé en 2010 ? (M. Éric Woerth, ministre, le confirme)
Les collectivités territoriales sont aujourd'hui victimes de la crise financière, mais aussi d'un manque à gagner lié à la décentralisation. Aucun gouvernement, depuis les lois Defferre de 1982, n'a respecté la compensation intégrale des transferts de compétences. Dans mon département des Vosges, ce manque à gagner atteint à chaque exercice 45 millions d'euros. Et, comme l'a relevé la Cour des comptes, la péréquation est devenue pour l'État un objectif très marginal... Bien que ses marges de manoeuvre se soient réduites, mon département a continué à investir -+14% cette année- en diminuant ses frais de fonctionnement ; un tiers de son budget est de l'investissement. Nous avons réussi à maintenir le lien entre les entreprises et le territoire. Qu'en sera-t-il demain ? Sur quelles bases la compensation de taxe professionnelle sera-t-elle fondée en 2010 ?
On nous dit que pendant cette année, considérée comme neutre, elles recevront l'équivalent de ce qu'elles auraient perçu avec la taxe professionnelle. Mais comment les calculs seront-ils effectués ? Dans l'incertitude, nous ne pouvons organiser le débat d'orientation budgétaire que la loi nous impose : ne connaissant pas les recettes, nous ne pouvons prévoir les dépenses.
Nous ignorons aussi comment la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée confortera le lien entre la collectivité et l'économie. Comment fonctionnera le curseur du prélèvement si le nouveau système fiscal pénalise fortement des entreprises où lèse une collectivité ?
Avec un certain nombre de collègues, il nous a semblé utile de renforcer les garanties par amendement : nous voulons que les charges nouvelles pesant sur les départements soient intégralement compensées, mais aussi que l'État rétrocède le produit de la taxe carbone aux collectivités territoriales, aux intercommunalités, enfin aux services départementaux d'incendie et de secours.
Je vous remercie d'avance pour les réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)
M. Pierre-Yves Collombat. - Tout ou presque ayant été dit, je m'en tiendrai à trois questions. Faut-il modifier les bases de l'impôt économique territorial ? Faut-il réduire cet impôt, voire le supprimer ? Faut-il redistribuer les impôts locaux entre collectivités ?
Sur le premier point, un consensus était possible puisqu'on pouvait prévoir la chute d'une taxe professionnelle reposant sur deux pieds de longueur très inégale -la valeur locative des immobilisations et l'investissement-, même avec le support d'une béquille de dotations d'État.
Le rapport Fouquet avait fourni les grandes lignes de la réforme, avec un impôt assis sur le foncier bâti et sur la valeur ajoutée, sans liaison entre les taux. Si le projet de budget s'en était tenu là, nous n'aurions plus à débattre que de détails, mais le Gouvernement veut supprimer la taxe professionnelle pour retenir la promesse du candidat Nicolas Sarkozy.
Sa disparition pure et simple ayant quelques inconvénients budgétaires, on l'a réduite de 9 milliards d'euros, accordant en définitive aux entreprises une ristourne de 4 à 4,5 milliards d'euros après l'augmentation prévisible de l'impôt sur les sociétés et la création de l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau.
La version pour enfants habituellement fournie prétend qu'il s'agit de doper la compétitivité de nos entreprises.
Mme Nicole Bricq. - Un comble !
M. Pierre-Yves Collombat. - Nul ne le croit, pas même les chefs d'entreprise -en dehors de leurs meetings syndicaux ou au Sénat-, mais il est impossible d'échapper au moulin à prières tournant pour la fin de l'impôt « stupide ».
La taxe professionnelle arrive pourtant en queue de liste dans les décisions d'implantation des chefs d'entreprise, ce qui est confirmé par un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « La localisation d'un investissement dépend principalement de critères économiques, géographiques et humains ».
La baisse de la taxe professionnelle n'affectera que marginalement les entreprises subissant la concurrence internationale. En 2008, seules 95 500 entreprises étaient exportatrices, soit 3,2 % de celles acquittant la taxe professionnelle. Leurs exportations ont représenté 410 milliards d'euros, soit 100 fois plus que la baisse de la taxe professionnelle pour l'ensemble des entreprises ! Avec une telle disproportion, il est permis d'émettre un doute sur la pertinence de la méthode.
L'indice des prix industriels sortie d'usine pour les produits exportés n'a été que faiblement sensible à la suppression progressive de la part salaires entre 1999 et 2002, puis au plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée à partir de 2007. D'après l'étude d'impact, la réforme cible les secteurs exposés à la concurrence internationale, notamment les activités industrielles, tout en soutenant l'investissement. On nous explique également que le maintien dans l'assiette des bénéfices non commerciaux, qui échappent à la concurrence internationale, illustre la même volonté de cibler les secteurs exposés. Pur verbiage : d'après le Conseil des prélèvements obligatoires, la valeur ajoutée, particulièrement élevée dans le secteur industriel, ne permettra pas d'alléger les coûts de production.
Il est amusant de constater sur le tableau de l'étude d'impact que l'impôt économique baisse principalement non pour le secteur industriel mais pour la construction, l'agriculture et les services aux particuliers, des secteurs pas particulièrement exposés à la concurrence internationale !
La compétitivité n'est qu'un cache-misère invoqué pour faire payer par les collectivités les promesses du candidat Nicolas Sarkozy. Comme vous diminuez le poids de l'impôt économique, l'essentiel de la contribution économique est étatisé, la part des dotations et des impôts sous maîtrise étatique augmente dans les recettes des collectivités ; un lien est rétabli entre le taux de l'impôt sur les ménages et celui de la contribution économique ; les ajustements budgétaires des collectivités sont transférés à terme sur les ménages.
Plus encore que la spécialisation des impôts par collectivité -type même de la fausse bonne idée-, vous proposez une complexe tuyauterie de redistribution avec ses vases d'expansion, ses siphons et son by-pass.
Mme Nicole Bricq. - Il faut être plombier !
M. Pierre-Yves Collombat. - C'est parce qu'il manquait 9 milliards de taxe professionnelle et qu'il fallait ôter aux irresponsables locaux toute velléité d'augmenter la contribution économique des entreprises que cette redistribution alambiquée s'imposait.
Vous avez accepté l'essentiel : la baisse de la contribution économique ? Que reste-t-il à discuter ? Le pourcentage des recettes allouées à chaque type de collectivité ?
Mme Nicole Bricq. - Des cacahuètes !
M. Pierre-Yves Collombat. - Le mode de redistribution macro ou micro, pour utiliser le jargon dont notre rapporteur général nous a donné un avant-goût tout à l'heure ? Il a d'ailleurs fourni quelques pistes. A dire vrai, le débat sur la péréquation n'a pas de sens, faute de recettes. On nous proposera bien sûr des rustines, mais les questions perdent beaucoup de leur intérêt quand l'essentiel manque.
Un sénateur de la majorité m'a dit : « Ils vont réussir l'exploit de nous faire battre devant un râtelier vide. » Impossible de dire mieux ! (Applaudissements à gauche, où l'on s'interroge sur l'auteur de la phrase)
M. Philippe Dallier. - Au moment d'aborder ce texte qui va bouleverser le financement de nos collectivités territoriales, je salue l'état d'esprit qui prévaut depuis quelques jours du côté gouvernemental. Nous devrions parvenir à un compromis acceptable pour le Gouvernement, permettant de supprimer la taxe professionnelle dès le 1er janvier, comme l'a souhaité le Président de la République. Et le Parlement aura le temps nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions.
L'exercice sera difficile, d'autant plus que le Gouvernement souhaite à cette occasion redistribuer les cartes. Je n'y vois que des avantages, à condition de faire preuve d'humilité, de mesurer l'ampleur de la tâche et les risques inhérents à l'exercice. Surtout, il faut tout prévoir, y compris la péréquation.
Difficile par nature, la réforme sera encore plus compliquée puisque le contexte économique et budgétaire nous contraint fortement. Raison de plus pour prendre le temps de la réflexion.
Ce temps, nous l'avons, puisque la réforme des collectivités locales entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2011. Je salue donc la proposition formulée par le rapporteur général de repousser en seconde partie du budget les dispositions de l'article 2 relatives aux collectivités territoriales.
Dix jours supplémentaires seront, certes, bienvenus mais insuffisants pour évaluer des dispositions presque définitives parce que détaillées et établir une véritable péréquation. Je soutiendrai donc l'idée que l'on s'en tienne, dans la seconde partie, à formuler des hypothèses de travail qui feront l'objet, courant 2010, de simulations précises afin de trouver la meilleure solution.
Est-ce l'incertitude qui créée l'angoisse perceptible chez les élus locaux ? Non ! Au contraire, les élus craignent qu'une réforme aussi importante soit bouclée rapidement sans que l'on ait mesuré ses effets. L'idée me semble donc judicieuse d'inscrire dans ce texte deux clauses de revoyure pour corriger le tir, lorsque nous disposerons des simulations, et tirer les conséquences éventuelles de la prochaine réforme des collectivités locales. Le Sénat, en ne bouclant pas définitivement le débat, montrera aux élus locaux son souci d'adopter un texte clair, compréhensible et équitable.
Mme Nicole Bricq. - Oh la la !
M. Philippe Dallier. - En l'état actuel, qui pourrait soutenir que les 135 pages de l'article 2 sont claires et compréhensibles par tous ? Personne ! M. Arthuis l'a montré encore tout à l'heure et, pour reprendre sa formule, cela reviendrait à prendre le risque d'acheter un lapin dans un sac. Si un texte était adopté, aucun gouvernement ne serait pressé d'ouvrir la boîte de Pandore. Et tant pis pour les collectivités victimes des inévitables effets de bord ! Raison de plus pour ne pas trancher ce débat avant de disposer de simulations fiables.
Pour ma part, j'avais obtenu, par la bande, certes, mais assez facilement, les simulations sur le texte du Gouvernement. Cela a été autrement difficile pour les simulations sur le texte sorti de l'Assemblée nationale. Après avoir acquis celles concernant mon département, je me suis vu répondre, madame la ministre, alors que je réclamais pour la énième fois à un membre de votre cabinet celles des communes d'Ile-de-France : « On ne va tout de même pas donner à tous les sénateurs les simulations pour toutes les communes, et puis d'abord, il y a le secret fiscal ». Le secret fiscal opposable aux sénateurs sur la fiscalité locale, les bras m'en sont tombés ! Madame la ministre, j'ai mis cette réponse étonnante sur un écart d'humeur lié à la fatigue du moment, mais j'espère que vous donnerez rapidement les consignes nécessaires pour remédier à cette situation. Le risque de transfert de bases d'imposition entre, d'une part, les territoires accueillant des entreprises à caractère industriel ou de transports et, d'autre part, les territoires accueillant plutôt des banques, des assurances et des entreprises de services, est bien réel et risque d'entraîner l'appauvrissement de certaines collectivités. Sans simulations, comment veiller au respect du principe constitutionnel de la péréquation ? La DGF ne joue plus son rôle péréquateur : les écarts, à collectivités semblables, varient du simple au double en Ile-de-France selon, parait-il, que la commune se trouvait dans l'ancien département de la Seine ou celui de la Seine-et-Oise avant 1964. Cette réforme nous donne l'occasion de revenir sur la sédimentation des situations acquises qui a marqué les réformes précédentes de la fiscalité locale et des dotations.
Cette réforme difficile et naturellement anxiogène peut, si le Gouvernement l'accepte, être l'opportunité de refonder le financement de nos collectivités sur des bases justes, équitables et durables. Pour ce faire, il nous faut un peu de temps, des simulations et la volonté politique de mettre un terme aux situations acquises. Il n'y a pas forcément de lien direct entre le niveau de richesse de certaines collectivités et le talent, forcément hors norme, de leurs édiles. Contrairement à ce qu'osent affirmer certains, les élus qui réclament une réforme des mécanismes de péréquation ne sont pas tous des incapables. Il y a de bons gestionnaires dans les villes pauvres et, à l'inverse, toutes les villes riches ne sont pas forcément bien gérées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exact !
M. Philippe Dallier. - On connait de fameux exemples à droite comme à gauche, que chacun s'en souvienne ! Le temps est venu de redéfinir une péréquation conforme aux valeurs républicaines. Cette réforme devra porter non pas seulement sur le flux de création de richesse, comme l'a affirmé M. Fourcade, mais également sur le stock -cas du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France et de la dotation de solidarité urbaine. Si ses effets doivent être progressifs, la réforme ne doit plus être différée. Puissent nos travaux ouvrir la voix à cette réforme nécessaire pour prendre effet au 1er janvier 2011 en même temps que la nouvelle distribution des cartes de la fiscalité locale ! C'est ainsi que le Sénat aura pleinement joué son rôle ! (Applaudissements à droite et sur certains bancs socialistes)
M. Alain Fouché. - L'État, pour faire accepter les programmes nucléaires auprès de l'opinion publique, a parlé d'avancées énergétiques, de créations d'emplois, d'énergies propres, mais aussi de taxe professionnelle. Le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, auquel contribuent les entreprises nucléaires, permet aux communes du département, voire d'un autre département, de bénéficier des retombées de l'installation d'un site nucléaire. Indispensable aux petites communes, il profite, dans mon département de la Vienne, à plus de 250 communes sur 283. Les sommes sont ventilées par le conseil général qui détermine les pourcentages accordés aux communes d'accueil et aux communes défavorisées. Monsieur le ministre, la suppression de la taxe professionnelle sera-t-elle intégralement compensé par l'État en 2010 ?
M. Eric Woerth, ministre. - Oui !
M. Alain Fouché. - Pour 2011 et les années suivantes, nous savons qu'EDF sera ponctionnée au titre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau. Le conseil général pourra-t-il continuer de ventiler ces sommes ? Les élus sont inquiets, de nombreux chantiers ont été interrompus, les entreprises nous appellent. Il est urgent qu'une décision soit prise. Merci de me répondre ! (Applaudissements à droite)
M. Adrien Gouteyron. - A mon tour de dire que nous n'avons pas le droit de rater cette occasion de réformer la péréquation, ce terme que nous employons si souvent mais qui, hélas !, est dénué de portée réelle aujourd'hui. Le Gouvernement laisse au Parlement le soin d'affiner le dispositif, de trouver l'équilibre difficile entre péréquation et territorialisation -le lien qui attache une réalité économique au territoire- et la commission des finances y travaille. Il ne faut pas que le barème progressif du nouvel impôt sur la valeur ajoutée et l'exclusion des PME pénalisent les territoires les moins favorisés. Prenons garde à ce risque mortel ! Le dispositif, aussi affiné soit-il, doit s'accompagner d'un mécanisme extérieur, d'un véritable fonds de péréquation. Nous devons tenir compte de tous les niveaux de collectivités. Pour ma part, je veux parler des départements qui ne sont pas les plus favorisés.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Ah !
M. Adrien Gouteyron. - Le système de la dotation de fonctionnement minimale a perdu beaucoup de sa vigueur depuis que la liste des départements bénéficiaires a été allongée. La situation budgétaire de nos départements est parfois, disons le mot, catastrophique. Mon département de la Haute-Loire a un budget de 245 millions, dont 24 millions de dépenses pour l'APA compensées à hauteur de 8 millions.
M. Christian Poncelet. - Hélas ! Je connais une situation similaire...
M. Adrien Gouteyron. - A une certaine époque, il investissait 50 % de son budget.
Les conséquences sont dramatiques sur le taux d'investissement des départements. En 1999, ce taux était de 42 %, de 31 % en 2005 ; il est de 23 % en 2009 et je crains qu'en 2010, il soit inférieur à 20 %. Ces pourcentages illustrent bien mon propos : si nous ne saisissions pas l'occasion de remédier à cette situation, nous manquerions à notre devoir de parlementaires. Je sais bien qu'on ne peut pas tout régler par un texte, qu'il faut penser à d'autres mesures, que le cinquième risque doit être et, je l'espère, sera prochainement institué, mais faisons avancer les choses.
L'Assemblée nationale a prévu un taux de 20 % pour la part des communes dans le prélèvement de la valeur ajoutée. J'ai trouvé la référence à l'actuelle répartition de la taxe professionnelle très intéressante : 60 % pour les communes, 30 % pour les départements et 10 % pour les régions. A compétences constantes, pourquoi s'éloigner par trop de ces chiffres ?
Une question enfin sur les communes appartenant à des EPCI à fiscalité additionnelle. J'ai interrogé plusieurs fois Mme Lagarde sans obtenir de réponse satisfaisante. J'ai entendu dire que des communes ne bénéficieraient pas de la cotisation complémentaire.
M. Eric Woerth, ministre. - C'est l'EPCI.
M. Adrien Gouteyron. - Ce serait inadmissible. Elles ont fait l'effort d'investir, elles ont attiré des entreprises. Je comprendrais mal une injustice criante, insupportable.
Le doute s'introduit dans l'obscurité. La commission des finances a accompli un effort considérable pour introduire de la clarté. Je la félicite de sa démarche. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Eric Woerth, ministre. - Je ne répondrai pas sur tout car nous allons poursuivre le débat dans les deux jours qui viennent. Le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation territoriale, c'est la territorialisation, la péréquation, la compensation et le dynamisme. Je veux dénoncer une désinformation et l'emploi d'arguments brutaux comme si une bombe atomique était tombée sur la décentralisation. Dans certains départements, on écrit aux maires pour dire qu'on ne pourra plus les aider. Mais comment expliquer le dispositif avant que le Sénat l'ait adopté...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Eric Woerth, ministre. - ...et que les bases aient évolué et se soient améliorées au fil du débat ?
Oui, monsieur Guené, le Gouvernement soutient les deux amendements en faveur de l'investissement des collectivités. J'indique aussi au président Poncelet l'assouplissement de la mesure 2009 pour prendre en compte les délais nécessaires pour investir, comme le Premier ministre l'a acté. Il y aura d'ailleurs là-dessus un amendement UMP de nature à rassurer les maires. La reconduction de cette mesure en 2010 est également importante pour la relance.
Un mot de l'affaire des bases et des taux. Le choix fait par l'Assemblée nationale est celui des bases 2010 ou du produit 2009 et des taux 2008. C'est une bonne manière de faire. On ne se méfie nullement des élus : on devait choisir quelque chose de récent et d'incontestable. Les bases 2010 sont très dynamiques et l'investissement avait augmenté de 5 % en 2008. C'est une bonne base pour les dotations 2010 et les compensations ultérieures. En outre, le mécanisme de garantie sera indexé, comme l'a dit le Premier ministre devant le congrès des maires.
Je remercie M. Dallier d'avoir montré que nous avions bougé. Le chemin qui reste à parcourir le sera dans les jours qui viennent.
Je le dis à MM. Marc et Hervé, je ne suis pas favorable à l'attribution de CSG aux départements. Je ne méconnais pas leurs difficultés face aux dépenses sociales mais la CSG ne suffit déjà pas à la sécurité sociale et il n'est pas question de l'augmenter. Cette solution n'est pas bonne.
M. Fouché m'a interrogé sur l'industrie nucléaire. L'Assemblée nationale a adopté un dispositif de remplacement mais j'ai cru comprendre que la commission des finances avait envisagé un retour à une rédaction améliorée du Gouvernement.
Ce sont les EPCI à fiscalité additionnelle qui toucheront la cotisation complémentaire, monsieur Gouteyron : les communes ne perçoivent pas la valeur ajoutée. Je précise que l'Assemblée nationale a voulu le taux de 20 % de cotisation complémentaire et a précisé la répartition selon le type d'EPCI. Voilà l'état du débat que vous allez reprendre pendant deux jours. (Applaudissements à droite)
Le débat est clos.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission des finances se réunira ce matin à dix heures pour examiner les sous-amendements à son amendement à l'article 2 pour lequel elle demandera la priorité.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 20 novembre 2009, à 14 h 30.
La séance est levée à 2 h 30.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du vendredi 20 novembre 2009
Séance publique
A 14 HEURES 30 ET LE SOIR
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010). Examen des articles de la première partie.
Rapport (n°101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.