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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décisions du Conseil constitutionnel

Organismes extraparlementaires (Appel à candidature et candidature)

Questions orales

Logement social dans les petites communes

Transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en décharge

Conseil de prud'hommes de Fougères

Gratification des stagiaires en formation et recherche en travail social

Tarification des établissements pour personnes âgées

Variations dans l'interprétation d'une loi

Sécurité en Seine-Saint-Denis

Publicité pour le tabac

Assistants de vie scolaire

Éducation civique

Enseignement du créole réunionnais

Centre de tri postal de Limoges

Restructuration de Sanofi-Aventis à Montpellier

Logements de fonction

Application des nouvelles BCAE herbe

Avenir du haras national d'Aurillac

Directive européenne et profession d'architecte

Visas de court séjour des titulaires d'un Pacs

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Rappels au Règlement

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen

Questions cribles sur I'immigration

Service civique

Discussion générale

Discussion des articles

Articles additionnels

Hommage à une délégation parlementaire de Singapour

Service civique (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article premier B (nouveau)

Article additionnel

Article 4

Article 4 bis (nouveau)

Article 4 ter (nouveau)

Article 5

Article 8

Articles additionnels

Article 11

Article additionnel

Article 12 (non modifié)

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du mardi 27 octobre 2009

11e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une décision en date du 22 octobre 2009, par laquelle le Conseil constitutionnel sursoit à statuer sur la requête du ministre d'État, garde des sceaux, tendant à faire constater la déchéance encourue par M. Gaston Flosse de son mandat de sénateur.

En outre, M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 22 octobre 2009, les textes de décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi tendant à garantir la parité de financement entre écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence et de la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ; lois dont il avait été saisi par plus de soixante députés.

Acte est donné de ces communications.

Organismes extraparlementaires (Appel à candidature et candidature)

M. le président.  - Je vous informe que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires étrangères à présenter une candidature.

En outre, je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en remplacement de M. Christian Gaudin, démissionnaire. La commission de l'économie propose la candidature de M. Daniel Soulage. Cette candidature sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Logement social dans les petites communes

Mme Nicole Bonnefoy.  - Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement sur les difficultés que connaissent aujourd'hui certaines communes à faible potentiel fiscal en raison de pertes de recettes liées à la construction de logements sociaux. Pour exemple, la petite commune de Cellettes dans mon département de la Charente s'est fortement engagée dans les politiques d'aide aux plus démunis : elle a racheté d'anciennes maisons d'habitation en ruine que leurs futurs occupants ont réhabilitées dans le cadre d'un chantier de réinsertion par le travail et le logement. Cette commune eut ainsi l'honneur d'être la première à mettre en oeuvre la loi Besson en Poitou-Charentes. Elle compte aujourd'hui 21 logements sociaux, dont 12 logements dits « Besson » pour une population de 445 habitants. Les revenus apportés par ces logements ne sont pas source d'enrichissement : les loyers, dont le prix a été fixé dans les conventions signées avec l'État, permettent à la commune d'entretenir les logements et de rembourser ses emprunts. Or, à cause de la crise économique, certains occupants, frappés par le chômage, ne peuvent plus acquitter leurs loyers. Résultat, Cellettes est pour la première fois dans l'obligation d'inscrire en créances irrécouvrables une somme de 10 000 euros en effacement des dettes des différents foyers surendettés. Face à cette situation préoccupante, qui fragilise la crédibilité des politiques sociales menées par les collectivités, le Gouvernement ne peut-il pas envisager des mesures compensatoires ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - M. Benoist Apparu, dont je vous prie d'excuser l'absence, salue l'engagement de la commune de Cellettes et sa contribution aux politiques sociales. La crise économique, qui atteint certains de nos concitoyens de plein fouet, montre toute l'importance des « filets sociaux » tels que les aides personnelles au logement, qui sont revalorisées dès que le bénéficiaire est au chômage, et les garanties accordées par Action logement, qui peut prendre en charge jusqu'à 18 mois de loyers impayés, ou celles octroyées par les fonds de solidarité pour le logement. En tant que bailleur social, Cellettes a intérêt à mobiliser ces aides publiques pour garantir ses revenus locatifs. Enfin, si la garantie n'existe pas ou est épuisée, les FSL, sous la responsabilité des conseils généraux depuis 2005, peuvent également être sollicités. Bénéficiaires d'une compensation annuelle de l'État de 93,5 millions, ces fonds aident chaque année 500 000 ménages, dont 60 000 au titre des impayés locatifs. Faut-il prévoir un dispositif supplémentaire ? Compte tenu de l'ensemble de ces aides, le Gouvernement ne le pense pas d'autant que ce dispositif, lié à la personnalité du bailleur poserait un problème de justice sociale et de validité constitutionnelle. Il serait plus judicieux d'informer la commune de toutes les aides existantes. Madame la sénatrice, je sais que vous vous y emploierez et M. Apparu a également demandé au préfet et aux services locaux du ministère d'accompagner le maire dans ses démarches. Il serait vraiment dommage que cette commune soit pénalisée alors qu'elle a fourni un travail remarquable !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Cellettes connaît ces dispositifs : la garantie est déjà épuisée... Reste le problème des pertes de recettes. J'espère que le préfet veillera à ce que l'endettement de la commune ne s'accentue pas. C'est une question de justice au regard de la politique sociale volontariste de cette petite commune !

Transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en décharge

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je regrette l'absence de M. Borloo car la transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en une décharge concerne directement son domaine : l'écologie. De nombreux habitants du Val-d'Oise ne comprennent pas que le préfet ait autorisé la transformation de ce site en une décharge, gérée par une société privée, qui accueillera des déchets de gravats et déblais des bâtiments et travaux publics. En effet, ce lac de 27 ha est un site d'exception : on y dénombre 700 espèces, dont 180 classées « remarquables » et une soixantaine d'espèces d'oiseaux protégées, la présence de trois habitats relevant de la directive Natura 2000 sans compter son fort intérêt floristique. Au reste, une partie du site est classée en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique. En dépit de ces éléments qui militent pour une protection renforcée du site, le préfet du Val-d'Oise a autorisé la transformation de ce site en décharge.

Le 1er août 2008, une ordonnance de suspension de l'arrêté préfectoral qui avait autorisé la mise en décharge du lac est prise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Soutenu par le ministère de l'écologie, le préfet du Val-d'Oise et la société Calcia, bénéficiaire de la décision, ont formé un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a confirmé, le 29 juin 2009, la suspension de cet arrêté, reconnaissant la réalité des espèces protégées et des habitats d'intérêt communautaire.

La pugnacité des associations a permis, jusqu'à présent, la suspension du projet. Mais pourquoi le ministre soutient-il celui-ci, qui n'est pas grenello-compatible, contre le jugement de la plus haute juridiction ? Quelles mesures entend-il prendre pour protéger ce patrimoine naturel ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je vous prie d'abord d'excuser le ministre d'État qui m'a transmis sa réponse.

La société Ciments Calcia a exploité le terrain de ce lac à partir de 1913 pour extraire la craie destinée à la cimenterie de Beaumont-sur-Oise. En 1968, cette carrière a été fermée conformément à la réglementation en vigueur qui ne prévoyait pas, à l'époque, de remise en état du site. Au fil du temps, un lac artificiel s'est donc créé et la nature a progressivement enrichi la faune et la flore de ce milieu sans toutefois donner au lac un caractère exceptionnel.

En 2004, Ciments Calcia a vendu ce terrain à la société Valoise sous réserve qu'elle remette le site en état, et qu'elle dispose donc des autorisations nécessaires au remblaiement. Cette société a déposé, au titre de la police de l'eau, une demande d'autorisation qui a été considérée comme complète le 11 septembre 2006.

S'agissant d'une procédure de réhabilitation d'un ancien site industriel, le projet a consisté à garantir le maintien de la faune et la flore présentes sur le site et à améliorer la sécurité de ce dernier où se sont produits plusieurs accidents mortels ces dernières années. La zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique située à proximité a également été prise en compte notamment pour éviter son enclavement et sa dégradation actuels.

L'instruction du dossier au titre de la police de l'eau visait à apporter des garanties notamment sur l'impact du projet sur les nappes phréatiques et les eaux superficielles. Plusieurs études ont été réalisées pour mieux prendre en compte le fonctionnement hydrologique du lac et des captages les plus proches. L'instruction du dossier a aussi apporté des garanties sur le milieu aquatique et son éco-système -un inventaire faunistique et floristique a été demandé avant tout commencement du remblaiement- et sur la prise en compte du lac dans les phénomènes de crues, celui-ci n'étant pas inscrit dans le plan de prévention des risques d'inondation.

Aussi, l'arrêté d'autorisation au titre de la police de l'eau prévoit des prescriptions obligatoires afin de limiter l'incidence du projet. Cette autorisation ayant été annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, les services de l'État ont récemment fait appel et se pourvoient en cassation car ils estiment que le projet présenté par la société Valoise respecte la réglementation en vigueur et permet la mise en sécurité du site tout en préservant la biodiversité locale. Ces services d'État interviennent ici pour faire respecter le droit et non pour favoriser telle ou telle opération.

Toutefois, le ministère reste ouvert à l'examen de tout projet alternatif que porteraient les collectivités locales en accord avec le propriétaire du site et qui garantirait la mise en sécurité et la préservation du site.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La remise en état proposée à la société privée n'a pas été faite : le site a plutôt été détruit avant sa transformation en décharge. Le Conseil d'État a dénoncé « l'insuffisance des études d'impact » et notamment l'absence de diagnostic sur l'état du fond du lac. Et on ne peut invoquer les atteintes à l'économie locale, s'agissant d'un projet qui n'est pas encore réalisé.

Conseil de prud'hommes de Fougères

Mme Virginie Klès.  - Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux et concerne le présent et l'avenir du conseil des prud'hommes de Fougères en Ille-et-Vilaine.

Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire mise en oeuvre par Mme Dati, ce conseil a été supprimé par décret du 29 mai 2008. Au motif d'un vice de forme relatif à une irrégularité dans la concertation préalable à la décision, le Conseil d'État a annulé ce décret le 8 juillet 2009.

Cet arrêt a contribué à installer une situation absurde pour les justiciables de Fougères et Vitré : la juridiction de Fougères, dont la suppression est effective depuis le 1er janvier 2009, se retrouve sans juge puisqu'aucun conseiller prud'homal n'y a été élu lors du dernier renouvellement, privant ainsi d'accès à la justice les salariés qui travaillent sur son territoire. La juridiction rennaise devient de fait incompétente et les salariés ne peuvent pas la saisir puisque le Conseil d'État considère que le conseil des prud'hommes de Fougères est la juridiction compétente. Ce vide juridique est un avantage certain pour les employeurs dont les avocats ne manquent pas d'invoquer systématiquement l'incompétence territoriale pour faire obstacle aux dossiers fougerais plaidés devant le conseil des prud'hommes de Rennes.

Face à une telle impossibilité de fonctionner, la cour d'appel peut prendre une ordonnance pour désigner, le temps de régulariser la situation, la juridiction compétente : le tribunal d'instance ou bien le conseil des prud'hommes le plus proche. Or, toujours dans le cadre de cette même réforme de la carte judiciaire, le tribunal d'instance de Fougères a aussi été supprimé, rayant du coup totalement la ville, pourtant sous-préfecture, de la carte judiciaire et imposant de fait la compétence de Rennes.

Devant une telle confusion et une telle incohérence, je voudrais connaître les raisons qui ont présidé à de tels choix dans la réforme de la carte judiciaire. Quelles dispositions ont été et seront prises pour clarifier la situation née de la suppression du conseil des prud'hommes et du tribunal d'instance de Fougères, et pour restaurer le droit fondamental d'accès à la justice ? En tout état de cause, je me permets de rappeler que la meilleure solution reste la justice de proximité.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - L'annulation du décret du 29 mai 2008 portant sur une question de forme et non sur le fond, un nouveau projet de décret, est actuellement soumis pour avis aux instances consultatives. Le conseil de prud'hommes de Fougères, tout comme le tribunal d'instance, a une activité insuffisante pour être maintenu. Son activité -92 affaires nouvelles hors référés, soit moins de trois dossiers par an par conseiller- ne permet pas de maintenir la technicité et la spécialisation requises pour une justice de qualité. Ce conseil de prud'hommes n'étant pas en état de fonctionner, puisqu'aucun conseiller n'y a été élu lors du dernier renouvellement général, Mme la garde des sceaux a demandé aux chefs de la cour d'appel de Rennes d'appliquer l'article L. 1423-8 du code du travail afin d'assurer la continuité de la justice prud'homale. Le Premier président de la cour d'appel de Rennes a désigné, par ordonnance, le conseil de prud'hommes de Rennes pour connaître du contentieux relevant de la compétence de celui de Fougères.

Le tribunal d'instance de Fougères avec moins de 500 affaires par an, ne peut employer un magistrat à temps plein. Et c'est pourquoi cette juridiction, comme le conseil de prud'hommes, a vocation à être regroupée avec celle de même nature siégeant à Rennes.

La réforme de la carte judiciaire vise à améliorer le fonctionnement des juridictions et à moderniser la justice dans l'intérêt du justiciable. Les implantations judiciaires doivent avoir une activité suffisante pour garantir la qualité de la réponse judiciaire, tout en assurant dans des conditions optimales la continuité du service public de la justice, et la sécurité des personnels et des justiciables.

Mme Virginie Klès.  - L'intérêt des justiciables n'est pas préservé puisqu'il leur faut désormais parcourir 50 kilomètres pour atteindre la juridiction compétente et, cela, en l'absence de transports publics aux heures d'audience. Alors qu'on ne parle que de développement durable, ils sont obligés d'utiliser leurs voitures particulières. Le nombre d'affaires traitées n'est pas synonyme de qualité puisque 90 % des décisions prises à Fougères étaient confirmées en appel.

Votre réponse ne me satisfait donc pas. L'accès à la justice doit être un droit pour tous qu'il faut défendre, ainsi que, dans un avenir proche, l'indépendance de la justice qui, avec la démocratie, est de plus en plus mise à mal.

Gratification des stagiaires en formation et recherche en travail social

Mme Christiane Demontès.  - Le secteur du travail social a été confronté l'année dernière à d'importantes difficultés budgétaires puisque, en application de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances, les établissements et services sociaux et médico-sociaux de droit privé doivent verser une gratification aux étudiants qui y effectuent un stage de plus de trois mois.

Si personne ne conteste cette disposition -et je pense notamment à Jean-Pierre Godefroy qui a déposé une proposition de loi très progressiste sur l'importante question des stages- son application a été rendue extrêmement difficile puisque l'État, malgré les engagements réitérés du ministre des affaires sociales d'alors, n'a jamais daigné verser les montants correspondant à cette gratification. Si certains conseils généraux ont subventionné ces établissements, d'autres ont choisi de ne pas le faire. Si la responsabilité de la gratification devait revenir aux organismes de formation, cela ne ferait que déplacer le problème vers les conseils régionaux qui ont la responsabilité, depuis 2004, d'organiser les formations sanitaires et sociales. Il devrait donc revenir à l'État d'abonder leur financement en conséquence, mais une telle proposition serait tombée sous le coup de l'article 40...

La situation devient inquiétante : le 24 avril, le Président de la République a présenté un plan d'urgence visant à favoriser la formation et l'accès à l'emploi de 500 000 jeunes d'ici à 2010 et il a fait part de sa volonté de voir les stagiaires désormais gratifiés dès deux mois de stage. Lors des débats sur l'article 8 bis de la proposition de loi visant à « faciliter le maintien et la création d'emplois » adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 9 juin, la question de ce financement a été soulevée à de nombreuses reprises.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'une position gouvernementale qui renvoie la responsabilité de ce financement aux seuls organismes de formation ou, à défaut, aux collectivités territoriales.

Je rappelle que cela concerne la formation de conseiller en économie et social, d'éducateur spécialisé, d'éducateur technique spécialisé, d'éducateur de jeunes enfants, d'assistant de service social. L'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social a chiffré le coût de cette gratification dès deux mois de stage pour plus de 28 320 ayants droit à 25 millions d'euros par an. Gageons que si les difficultés ont pesé pour la gratification des stages de trois mois, il en sera de même pour ceux de deux mois.

Aussi, je vous demande quelles dispositions vous comptez prendre afin que les organismes accueillant les stagiaires les gratifient et que l'État ne procède pas à un nouveau transfert de charges sur les collectivités territoriales.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - La loi du 31 mars 2006 a en effet prévu la gratification obligatoire des stages étudiants en entreprise d'une durée supérieure à trois mois et le décret du 31 janvier 2008 a fixé le montant de cette gratification. Le Gouvernement a veillé à faciliter les stages dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux et dans les structures d'accueil collectif de la petite enfance.

La gratification obligatoire est une dépense qui s'impose aux structures d'accueil et qui a vocation à être couverte par les tarifs. C'est pourquoi le Gouvernement a fait en sorte de neutraliser, pour les financements relevant de l'État, de l'assurance maladie ou de la branche famille, le coût de la gratification obligatoire à la charge des structures accueillant des étudiants en stage. Il a sensibilisé les conseils généraux à l'importance d'adopter une position similaire pour que l'accueil de stagiaires ne se heurte pas à un obstacle financier, fût-il minime.

Les départements sont chefs de file de l'action sociale et médico-sociale ; ils sont associés à l'élaboration des schémas régionaux des formations sociales. Il leur revient de faire en sorte que les formations conduisant à ces métiers s'effectuent dans de bonnes conditions.

Mme Christiane Demontès.  - Je n'ai pas dit que nous étions hostiles à cette gratification. Il y a effectivement eu des abus, dont il faudra tenir compte.

Mais les organismes sociaux qui accueillent des personnes âgées ou des jeunes en difficulté judiciaire ou sociale sont financés uniquement par de l'argent public. A suivre votre raisonnement, les gratifications devraient donc être payées par la tutelle, c'est-à-dire les conseils généraux. C'est le chat qui se mord la queue ! Les conseils généraux ont eux-mêmes de grandes difficultés financières dont ils ne sont pas prêts de sortir, si bien que ce sont les formations mêmes au travail social qui risquent d'être mis en cause.

Tarification des établissements pour personnes âgées

M. Yves Daudigny.  - La mission d'information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance fait apparaître que 80 % des personnes hébergées en institution disposent d'un revenu inférieur au coût de leur séjour. Dans l'Aisne, je vois un phénomène inquiétant : certaines personnes âgées, qui ne peuvent pas payer les 1 600 euros par mois que représente en moyenne l'hébergement dans le département, renoncent à entrer en établissement et certains lits sont inoccupés.

Selon l'Insee, le nombre des plus de 75 ans devrait passer de 8 à 16 % d'ici 2050. En 2015, près de 2 millions de personnes auront plus de 85 ans. La progression du nombre de personnes âgées dépendantes devrait connaître un premier pic d'ici 2012. Nombre de ces personnes ne disposeront pas des moyens nécessaires pour financer leur hébergement en établissement spécialisé. Quel niveau d'équipement et de protection sociale la société sera-t-elle en mesure de leur apporter ? Aborder la question de la tarification, c'est aborder ce sujet majeur.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit qu'au 1er janvier 2010 les tarifs d'hébergement fixés par le président du conseil général ne seront opposables qu'aux bénéficiaires de l'aide sociale. Pour les autres résidents, le tarif à l'entrée en établissement sera fixé librement par le gestionnaire et augmentera ensuite annuellement en appliquant un taux d'évolution arrêté par Bercy. Le premier projet de décret d'application a suscité de très vives réactions. Le ministre du travail l'a retiré en septembre et vient d'en présenter une nouvelle mouture. Si l'on ne peut qu'approuver votre volonté d'atténuer les prix de journée, ce nouveau texte ravive l'inquiétude. La question du coût réel des charges de fonctionnement et de leur financement reste posée, ces coûts dépasseront vraisemblablement les enveloppes forfaitaires du soin et de la dépendance que vous avancez et se répercuteront inévitablement sur la section d'hébergement. La convergence tarifaire que vous proposez pourrait aussi accentuer cette tendance.

Ni les conseils généraux, ni les résidents ne peuvent à eux seuls supporter cette prise en charge. Dans ce nouveau décret, le président du conseil général fixe un prix de journée « au seul flux des nouveaux entrants ». Comment ne pas s'inquiéter de cette inégalité de traitement entre anciens et nouveaux résidents ? Ne faut-il pas y voir une sélection à l'entrée en établissement ? La question de la modernisation des établissements reste posée, sachant que tout investissement est répercuté sur le prix de l'hébergement. Ne va-t-on pas freiner le développement d'un hébergement de qualité, au risque de voir se multiplier les établissements vétustes ?

Des enjeux fondamentaux de politique sociale sont posés par cette question de la tarification, enjeux humains, enjeux financiers, enjeux économiques. Les conséquences peuvent être dramatiques pour les personnes âgées dont les revenus ne dépassent pas le minimum vieillesse. Elles concernent tout autant leurs obligés alimentaires. Quelle est exactement l'intention du Gouvernement en matière de tarification des établissements ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État, secrétaire d'État chargée des aînés.  - L'article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 réforme en profondeur la tarification des établissements et services pour personnes âgées afin d'introduire à la fois plus d'efficacité et plus d'équité. Je souhaite lever vos craintes, exprimées également par certaines associations, sur la possible libéralisation des tarifs d'hébergement pour les résidents qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale. Il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement de libéraliser ces tarifs. Ce texte prévoit, lorsqu'un établissement est habilité à l'aide sociale, que l'ensemble de ses places bénéficient de tarifs hébergement fixés par les conseils généraux dans le cadre de la convention d'aide sociale. Ce sont donc les conseils généraux qui ont la maitrise des tarifs acquittés par les usagers.

Vous craignez que le tarif hébergement devienne la variable d'ajustement des autres forfaits relatifs au soin et à la dépendance. Là aussi, je souhaite vous rassurer : le forfait global soin continuera à financer les prestations relatives au soin, le forfait global dépendance à financer les prestations relatives à la dépendance et le tarif hébergement les prestations d'hébergement. Les mécanismes d'approbation initiale des budgets et d'allocation des ressources aux établissements vont évoluer vers une tarification à la ressource, plus simple et plus lisible. Cependant chaque tarif continuera à ne couvrir que les prestations qui lui correspondent. Les ARS continueront à contrôler les budgets des établissements pour veiller à la bonne application de ces règles.

Nous effectuons cette réforme pour que les crédits qu'accorde l'assurance maladie soient répartis équitablement, en fonction des soins requis par l'état des personnes accueillies. Vous pouvez compter sur moi pour être particulièrement attentive à ce que ni les résidents, ni leurs familles, ni les gestionnaires d'établissements ne soient pénalisés par son application.

M. Yves Daudigny.  - Vous pouvez compter sur la vigilance des conseils généraux pour que ces engagements soient tenus. J'insiste sur la situation des départements, qui financent l'action sociale : ils sont confrontés à une crise de ciseaux entre des recettes qui diminuent et des besoins d'aide sociale qui augmentent. Le Gouvernement doit en être conscient.

Variations dans l'interprétation d'une loi

Mme Nicole Bricq.  - Le maire d'une des plus grandes villes de mon département, Chelles, m'a saisie sur l'iniquité qui résulte d'un vide juridique.

Les lois du 6 février 1992 et du 27 février 2002 ont apporté des avancées significatives en rendant obligatoire la création de comités consultatifs ou de conseils de quartiers dans les communes. Mais elles n'ont pas prévu l'ouverture des commissions municipales aux citoyens. Malgré ce vide juridique, des communes de toute la France ont pris le parti d'ouvrir leurs commissions municipales à leurs habitants sans que les autorités préfectorales de leur département ne s'en émeuvent. C'est par exemple le cas à Ercé, en Ile-et-Vilaine, à Ouzouer-sur-Loire et aux Ifs, dans le Loiret ou à Yvré l'Evêque, dans la Sarthe.

En revanche, le représentant de l'État a demandé le retrait d'une délibération du conseil municipal de Chelles visant à ouvrir aux habitants les commissions municipales. Devant ce refus de renforcer la démocratie locale, le maire a transformé les commissions municipales en comités consultatifs afin de créer une coexistence paritaire entre les élus et les citoyens ; cela l'a contraint à supprimer les commissions municipales.

Cette situation absurde ne peut pas durer. Le Gouvernement compte-t-il adapter le droit existant et entend-il le faire par voie législative ou réglementaire ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Vous évoquez de prétendus freins à la démocratie locale. Mais le conseil municipal, lorsqu'il crée des groupes de travail, peut choisir la forme de la commission municipale, qui ne comprend que des élus, ou celle du comité consultatif, ouvert à des non élus, par exemple à des représentants d'associations. C'est le conseil municipal qui fixe, sur proposition du maire, la composition du comité, lequel est présidé par un membre du conseil municipal. La jurisprudence interdit qu'un comité consultatif soit instauré en lieu et place d'une commission municipale, mais rien ne s'oppose à ce qu'un maire propose de transformer une commission en comité par intégration de membres extérieurs. Il n'y a donc pas lieu de modifier le droit existant, qui distingue clairement les groupes de travail selon qu'ils sont composés exclusivement d'élus ou non.

Mme Nicole Bricq.  - Je ne suis pas certaine que cette réponse comble le vide juridique, pourtant manifeste... Elle n'explique pas la différence de traitement d'un département à l'autre. La loi ne règle pas le problème et nous serons donc obligés de déposer une proposition de loi, si le Gouvernement ne veut pas recourir à un véhicule réglementaire.

Sécurité en Seine-Saint-Denis

Mme Éliane Assassi.  - Après les incidents dramatiques de Saint-Ouen qui ont causé la mort de deux jeunes gens, les élus de la Seine-Saint-Denis ont tiré la sonnette d'alarme. Ils demandent que soient revus les moyens et les missions des forces de police, face à l'échec de la politique de sécurité menée ces dernières années, essentiellement axée sur la répression, sans aucun moyen pour la prévention. Plus de vingt lois sur la justice et la sécurité depuis 2002 ont réussi à stigmatiser certaines catégories de la population mais n'ont eu aucune efficacité contre les trafiquants de drogues et d'armes ; ceux-ci profitent des zones de relégation, ces quartiers populaires délaissés par l'État. Politique du chiffre et culture du résultat ne sont pas ce qu'attendent les habitants -ni les policiers du reste, qui voudraient pouvoir remplir leur mission.

Lors de la réunion qui a eu lieu entre les élus et le préfet de la région Ile-de-France, des pistes ont été exposées : assurer une meilleure répartition des effectifs de police, généraliser les unités territoriales de quartiers (Uteq) pour retisser les liens entre population et police, ouvrir des moyens d'investigation hors du commun et associer les différentes composantes de la police, notamment la brigade financière, pour en finir avec les trafics et les « gros bonnets ». Il faut aussi allouer des moyens ambitieux à la prévention, en particulier à l'éducation nationale, à la brigade des mineurs, à la PJJ et à la Ddass. Au-delà, l'État doit garantir le maintien et le développement des ressources des collectivités locales. A ce jour, la réunion n'a pas été suivie d'effets. Monsieur le ministre, que pensez-vous de ces propositions ? Le Gouvernement compte-t-il doter la police nationale de moyens importants et redéfinir ses missions de service public, afin de lutter efficacement contre l'insécurité et les trafics de drogues et d'armes en Seine-Saint-Denis ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le Président de la République a annoncé d'importantes mesures pour renforcer la lutte contre la délinquance et garantir l'autorité de l'État et la sécurité de tous les citoyens, notamment dans les quartiers sensibles. Il a demandé que 200 fonctionnaires de police supplémentaires soient affectés dans votre département -ils sont presque tous en place, depuis le mois de septembre. Le ministre de l'intérieur, M. Brice Hortefeux, suit la situation de votre département avec attention. Le 29 septembre, à l'occasion d'une rencontre avec les élus de Saint-Ouen, suite aux dramatiques événements survenus dans cette commune, il a fermement réaffirmé qu'il ne saurait y avoir de territoire oublié ou négligé. L'État déploie des moyens très importants dans la Seine-Saint-Denis. Les effectifs de police y ont augmenté de 15 % depuis 2002 et s'élèvent à 4 700. Des modes d'actions nouveaux sont mis en oeuvre : les premières Uteq ont été créées à Saint- Denis, Clichy-sous-Bois, Montfermeil et La Courneuve ; c'est dans ce département que la première compagnie de sécurisation a été installée en octobre dernier. Le groupe d'intervention régional (GIR) lutte contre les trafics de stupéfiants et l'économie souterraine. Les chiffres témoignent de la mobilisation des forces de police : la délinquance générale a diminué en 2008, elle est contenue également cette année.

Cependant, certains faits très graves exigent une réponse énergique. Nous avons donc mis en place une police d'agglomération unifiée à l'échelle de Paris et des départements de la petite couronne. D'importants renforts parisiens peuvent désormais être employés. La gare de Saint-Denis fait l'objet d'une sécurisation renforcée, objectif prioritaire et permanent du programme de lutte contre les stupéfiants. Le plan drogue de Paris est étendu, depuis le 2 octobre, à la Seine-Saint-Denis. D'autres actions ont été décidées pour renforcer la sécurité des établissements scolaires, la lutte contre les bandes, contre les cambriolages. Nous entendons aussi créer de nouveaux rapports entre les habitants -notamment les jeunes- et leur police.

Cette mobilisation de l'État ne doit pas faire oublier que les collectivités territoriales ont un rôle fondamental à jouer dans la sécurité, notamment en investissant dans la vidéo-protection, qui a fait ses preuves partout. L'État apporte une aide à cette fin.

Mme Éliane Assassi.  - Je connais les chiffes. Mais la réalité est là aussi : sur le terrain, rien n'est visible et si la police d'agglomération mutualise du moins et du moins, cela ne fera jamais que du moins. Les élus de Seine-Saint-Denis, toutes appartenances confondues, sont fort préoccupés. Ensemble ils ont tiré la sonnette d'alarme, ensemble ils espèrent des réponses.

Publicité pour le tabac

Mme Jacqueline Gourault.  - Mme Payet souhaite interroger le Gouvernement sur les méthodes publicitaires douteuses utilisées pour promouvoir le tabac. L'article 13 de la convention cadre de l'OMS interdit toute publicité, promotion et parrainage en faveur du tabac et la loi Évin interdit la publicité en France. Mais une publicité indirecte très efficace a été orchestrée par l'industrie du tabac pour contourner cette interdiction. Le paquet de cigarettes est le premier agent publicitaire ! Présentation, couleur, logo jouent un rôle important. Les données scientifiques montrent l'intérêt d'une standardisation : les paquets génériques seraient tous de même couleur, sans logo, les noms de marque inscrits en caractères identiques. Cette présentation uniforme permettrait aussi d'identifier immédiatement les paquets provenant d'un autre pays.

Avant qu'on atteigne cet objectif, il faudrait réduire l'effet incitatif des paquets grâce à des avertissements textuels qui occuperaient plus de la moitié de la surface du paquet dans sa partie supérieure. De plus, il faudrait envisager une vente sous le comptoir, comme l'ont fait l'Irlande ou l'Australie.

L'article 13 de la convention cadre de l'OMS interdit la publicité sur les lieux de vente ; la loi Evin autorise des affichettes mais selon un format qui n'est pas respecté chez les buralistes.

La politique de santé publique ne doit pas être influencée par les intérêts commerciaux, d'où l'interdiction du mécénat. Tout cofinancement public - industrie du tabac est interdit ; toutefois, le soutien de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière par un industriel du tabac est un exemple flagrant de violation de cette règle.

Les films et la télévision constituent un puissant outil de promotion du tabac. Or certains films sont cofinancés par l'État. Le CSA doit créer un logo qu'on apposerait sur les films trop enfumés et faire diffuser un message anti-tabac quand une marque ou un produit du tabac apparaît. Il est également indispensable de mettre en garde producteurs et réalisateurs. Tout financement direct ou indirect d'une production par un industriel du tabac doit être proscrit. Voir un acteur fumer est une promotion très efficace alors qu'il faudrait donner du fumeur l'image d'un faible qui ne résiste pas à la tentation et s'est enfermé dans un esclavage coûteux.

La propagande pour le tabac est omniprésente sur le net. Or plus de la moitié des jeunes Français y surfent chaque jour. Ils peuvent ainsi voir des formules 1 sponsorisées par des industriels du tabac. Il importe de sensibiliser les fournisseurs d'accès et les hébergeurs de site. Il est enfin nécessaire d'utiliser toutes les possibilités de communication en diffusant des messages anti-tabac sur des sites sociaux comme Facebook et en mettant en place des campagnes de marketing viral.

Alors que l'industrie entretient l'image positive du tabac, il est essentiel de faire respecter la loi Evin et la convention cadre de l'OMS afin d'empêcher la manipulation de l'opinion. Toutes ces mesures sont préconisées dans le rapport Tubiana. Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Je vous remercie d'avoir relayé la question de Mme Payet dont nous connaissons l'engagement pour les grandes causes de santé publique. Nous ne restons pas les bras ballants devant le tabac car il représente 60 000 morts par an : nous agissons contre la tabagie comme nous le faisons contre les accidents de la route. J'ai moi-même institué l'interdiction de fumer dans les lieux de convivialité et cette mesure qui avait fait tant couler d'encre est maintenant bien acceptée. De même, la loi Hôpital, santé, patients, territoires comporte en son titre III d'importantes mesures. Et nous allons poursuivre cette lutte.

La publicité est faite pour inciter à la consommation. Son interdiction a prouvé son efficacité. L'article L. 35-11 du code de la santé publique interdit toute publicité et, sauf quelques exceptions très encadrées, toute opération de parrainage. Sa rédaction très large permet une jurisprudence protectrice des plus jeunes. Pour autant, la suppression de la cigarette sur des portraits d'acteurs ou de personnages relève d'une conception par trop intégriste.

Le paquet de cigarettes constitue le dernier socle de la communication pour des industriels soucieux de fidéliser les jeunes. Toute mesure réduisant son attractivité doit donc être évaluée. Nous envisageons la mise en place d'avertissements graphiques, les photos-chocs, de paquets neutres, de la vente sous le comptoir, l'interdiction de publicité sur les lieux de vente. Il faut souligner le rôle des associations de lutte contre le tabac qui font condamner les infractions. Nous expertisons l'ensemble de ces mesures ; soyez sûrs de notre engagement pour la santé publique.

Mme Jacqueline Gourault.  - Je vous remercie de cette réponse. Mme Payet y sera très sensible.

Assistants de vie scolaire

M. Jacques Mézard.  - Mme Escoffier m'a prié de vous interroger sur l'accompagnement des élèves handicapés. En effet, une collaboration constructive s'était développée de puis 2005 entre l'Éducation nationale et les fédérations de parents et d'assistants. Le nombre d'enfants accueillis a augmenté avec le concours d'assistants de vie scolaire (AVS). Malgré des résultats incontestables, le décret du 20 août dernier a annihilé l'engagement pris en 2005 d'un plan des métiers pour les AVS et créé une insécurité juridique et sociale : comment garantir l'équilibre contractuel de la relation entre l'association et le personnel mis à la disposition de l'Éducation nationale et comment concrétiserez-vous le plan des métiers que Mme Létard a réaffirmé le 20 juin dernier ? Enfin, comment rembourserez-vous aux associations les avances de trésorerie qu'elles ont consenties ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - M. Chatel, retenu à l'Assemblée nationale par une audition budgétaire, m'a prié de vous transmettre la réponse qu'il a préparée à l'intention de Mme Escoffier. La scolarisation des élèves handicapés répond à un engagement pris par le Président de la République et à une priorité du Gouvernement. A la rentrée 2009, on en a accueilli à l'école 185 000, soit 10 000 de plus qu'à la rentrée précédente et 40 % de plus qu'il y a cinq ans. On a recours, pour les accompagner, à des AVS. Nous créons 5 000 postes supplémentaires : le nombre total des AVS atteint désormais 22 000.

Dès son arrivée, M. Chatel a fait introduire un amendement à la loi sur la mobilité des fonctionnaires : les AVS en fin de contrat peuvent être recrutés par les associations ayant conclu une convention avec le ministère. Le 1er septembre, trois fédérations ont signé une convention cadre permettant le recrutement de 1 500 AVS. L'Éducation versera à ces associations une subvention égale au salaire brut majoré de 10 %.

La collaboration avec les associations est une préoccupation constante de l'Éducation nationale, d'où la convention destinée à assurer la professionnalisation des AVS. Un suivi personnalisé leur permettra d'accéder à une qualification reconnue et la convention cadre entre l'Éducation nationale et le Centre national de formation de la fonction publique territoriale leur offrira des perspectives de carrière.

Mais il faut aller plus loin. L'article 79 de la loi de 2005 impose au Gouvernement de présenter un plan des métiers, avec pour ambition de « favoriser la complémentarité des interventions médicales, sociales, scolaires au bénéfice de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte présentant un handicap ». Les ministères de l'éducation nationale et du travail ont donc choisi de favoriser la professionnalisation des métiers de l'accompagnement : il s'agit de définir les contours d'un nouveau métier d'accompagnant de vie scolaire et sociale, pour assister les enfants handicapés pendant le temps scolaire et en dehors de celui-ci, mais aussi les personnes âgées ou dépendantes. Un groupe de travail commun au ministère de l'éducation nationale et au secrétariat d'État à la famille et à la solidarité a été mis en place en septembre, avec pour objectif de créer d'ici septembre 2010 un nouveau métier offrant des perspectives de carrière et de mobilité. M. le ministre de l'éducation nationale y veille personnellement.

M. Jacques Mézard.  - Merci de ces éclaircissements, que je communiquerai à ceux qui m'ont exprimé leurs inquiétudes. La réussite scolaire des enfants handicapés dépendait jusqu'à présent de la présence des auxiliaires de vie. Espérons que la création d'ici 2010 d'un nouveau métier ira dans le bon sens.

Éducation civique

Mme Catherine Troendle.  - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'opportunité d'instaurer un cours d'enseignement civique donnant lieu à une épreuve au baccalauréat. Nous sommes nombreux à constater que la notion de citoyenneté a perdu de sa signification auprès d'un grand nombre de Français. Combien sont-ils à connaître ne serait-ce que les rudiments du fonctionnement de nos institutions, les valeurs fondamentales de notre République ou les paroles de notre hymne national ?

M. Besson veut lancer un vaste débat sur l'identité nationale. Il compte organiser à titre expérimental dans quelques départements une opération consistant à offrir à tout adulte qui le souhaite quatorze séances d'instruction civique, ce qui témoigne de l'inefficacité des cours dispensés depuis de nombreuses années dans les écoles primaires et les collèges.

On ne naît pas citoyen, on le devient. Je suis convaincue que c'est pendant l'éducation, et avant tout à l'école, que se joue l'acquisition de la citoyenneté et du sentiment d'appartenance à une Nation. Les cours d'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) doivent être l'occasion pour des élèves prêts à exercer leur droit de vote d'apprendre quelles sont les institutions politiques françaises et européennes, ainsi que les droits et les devoirs inhérents à la citoyenneté. Cet enseignement ne devrait-il pas être sanctionné par une épreuve écrite ou orale au baccalauréat ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Je vous prie une nouvelle fois d'excuser l'absence de M. Chatel. L'éducation civique est au coeur des programmes scolaires. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 a réaffirmé qu'« outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République », et précisé que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ».

L'instruction civique et morale apparaît en tant que telle dans les programmes de l'école élémentaire entrés en vigueur à la rentrée 2008, ce qui est récent, j'en conviens. Les élèves apprennent la responsabilité de leurs actes et de leur comportement, le respect des valeurs partagées, l'importance de la politesse et du respect d'autrui. Ils apprennent aussi à reconnaître et à respecter les symboles de la République française. Au collège, on leur enseigne un comportement responsable dans la classe et l'établissement et dans la vie quotidienne et on exerce leur esprit critique. Le diplôme national du brevet validera lors de la session 2011 « les compétences sociales et civiques », considérées comme une partie intégrante du socle commun. Au lycée, les cours d'éducation civique, juridique et sociale visent à favoriser l'apprentissage du débat et de la capacité à argumenter.

La responsabilisation des lycéens est aussi l'un des axes de la future réforme du lycée. Il s'agit de favoriser l'engagement et l'esprit d'initiative chez les jeunes et de renforcer le rôle des instances représentatives de la vie lycéenne.

Mais le Gouvernement n'envisage pas d'introduire de nouvelles épreuves au baccalauréat, ce serait aller à l'encontre des recommandations formulées en 2005 par les inspections générales missionnées sur le sujet. C'est plutôt dans le cadre du futur livret de compétences expérimenté par le ministère en collaboration avec le Haut commissariat à la jeunesse que ces compétences pourraient être validées.

Mme Catherine Troendle.  - Merci infiniment. J'ai voulu apporter ma modeste contribution, au moment où M. Besson lance un débat sur l'identité nationale. Il est vrai que le nombre d'épreuves au baccalauréat augmente presque chaque année ; l'éducation civique pourrait sans doute être sanctionnée par le livret de compétences. Mais je souhaite que MM. Chatel et Hirsch ne se contentent pas de bonnes intentions : cet enseignement est fondamental dans la construction d'un être humain et d'un citoyen.

Enseignement du créole réunionnais

Mme Gélita Hoarau.  - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le problème de l'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises. Jusqu'en juin dernier, les compléments au programme étaient élaborés par un groupe de travail de l'académie de La Réunion. Le dernier programme a été présenté à la rentrée 2008 et validé pour deux années scolaires. Mais les travaux du groupe pour l'année 2009-2010 ont été interrompus, parce qu'un « programme de créole » doit être établi par les services du ministère de l'éducation nationale.

Selon les enseignants, cette évolution pourrait menacer l'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises si certaines précautions n'étaient pas prises. Tout d'abord, employer le mot « créole » au singulier laisse penser qu'il n'existe qu'une seule langue créole. C'est une fiction dont l'absurdité au plan scientifique est dénoncée par bon nombre de linguistes, parmi lesquels Robert Chaudenson, Marie-Christine Hazaël-Massieux et Lambert-Félix Prudent. Les créoles atlantique et réunionnais ont pris naissance en des lieux séparés par l'étendue des océans ; entre deux créolophones unilingues de ces deux régions la communication est impossible, même si ces langues ont une origine commune, le français. Ces idiomes sont enseignés dans le cadre de cours de langues et de cultures régionales, ce qui témoigne du fait que chaque créole est porteur de son histoire et de sa culture : c'est un ciment identitaire réductible à nul autre. Ce singulier pourrait empêcher l'élaboration d'un programme spécifique de langue et de culture réunionnaises, adapté à nos besoins.

En outre, les niveaux de langue exigés des élèves -niveaux A1 et A2 fixés en référence au cadre européen commun- ne sont pas adaptés à la réalité linguistique de l'île. On demanderait ainsi aux élèves de 14 ans ou plus de savoir donner des informations simples sur leur famille et faire des achats en créole, alors qu'ils en sont presque tous capables aujourd'hui dès le cours préparatoire ! Cela assimilerait le créole réunionnais à une langue étrangère, dans une société qui est pourtant créolophone à 90 %, et n'inciterait pas les jeunes à suivre cette option. Pourtant l'enseignement du créole est indispensable, car il s'agit d'une langue à part entière, dotée d'une grammaire propre et dont la survie doit être assurée.

Est-il envisageable que le programme académique provisoire de langue et de culture réunionnaises soit prorogé pour les cinq années à venir, ou du moins que lors de la rédaction du programme ministériel les éléments que j'ai mis en évidence soient pris en considération ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - L'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises n'est pas menacé, bien au contraire. Le nombre d'enseignants habilités bilingues dans le premier degré est passé de sept en 2002 à 110 en 2009, celui des classes maternelles bilingues de zéro en 2007 à seize en 2009 ! Les enseignants du second degré étaient vingt-et-un à la rentrée 2009, et les élèves 2 139 contre 1 206 en 2008 : leur nombre a presque doublé ! L'Académie s'est d'ailleurs dotée d'un Conseil académique de langue et culture réunionnaises.

Le singulier de l'expression « programme créole » ne menace nullement l'enseignement du créole réunionnais : chaque académie habilite ses propres enseignants.

Chaque candidat au Capes de créole expose dans la langue de son département.

Par ailleurs, la mise en place d'un programme national est un appréciable témoignage de reconnaissance. La réflexion menée ces deux dernières années à La Réunion sera utile pour la nouvelle rédaction nationale.

Enfin, toutes les langues sont traitées de la même manière au plan national, mais on peut aller au-delà du niveau A1 si les élèves peuvent suivre, comme c'est le cas pour l'oral à La Réunion.

Le groupe de travail chargé de préparer les programmes de 2010 prend donc en compte la spécificité du créole réunionnais.

Mme Gélita Hoarau.  - Je suis bien d'accord sur ces statistiques mais cette année, tous ces programmes ont été interrompus : il y a ce qui est annoncé et ce qui est fait sur le terrain, d'où l'angoisse des enseignants, que j'ai relayée ici.

Centre de tri postal de Limoges

M. Jean-Pierre Demerliat.  - A l'heure où le changement de statut à venir de La Poste suscite de graves craintes pour ses missions de service public, je souhaite évoquer la situation incertaine du centre de tri postal de Limoges.

Il n'existe actuellement aucun projet de « plate-forme industrielle courrier » en Limousin, ce qui menace la pérennité du centre de tri de Limoges. Sa fermeture mettrait fin à la distribution du courrier dite « à J + 1 ». Elle dégraderait les conditions de travail et la qualité du service rendu, un comble pour une entreprise mettant en oeuvre un programme intitulé « Cap qualité courrier » !

Le personnel, les usagers et les élus sont inquiets. Je souhaite donc avoir l'assurance qu'une « plate-forme industrielle courrier » sera créée en Limousin, comme dans toutes les autres régions de l'Hexagone. Cette région ne doit pas être la seule dépourvue de structures modernes pour la distribution du courrier. Pourquoi est-elle la seule tenue à l'écart du programme « Cap qualité courrier » ou pourquoi sera-t-elle la dernière à l'intégrer ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation.  - Vos inquiétudes sont légitimes, mais infondées.

Pour faire face à la libéralisation totale de ses marchés en 2011, La Poste a lancé un important programme de modernisation « Cap qualité courrier ». Lancé en 2004 sur l'ensemble du territoire, il conduit l'entreprise à investir 3,4 milliards d'euros d'ici 2010. La région du Limousin verra son service modernisé dans ce cadre. Il n'a jamais été question de fermer le centre de tri de Limoges !

Plusieurs actions de modernisation ont été conduites par La Poste dans cette région. Ainsi, une plate-forme de préparation et de distribution du courrier a été créée en Corrèze, à Ussac. Des plates-formes de distribution de courrier ont été créées dans les trois départements de la région, complétées par un nouveau centre de tri numérique à Guéret et par la modernisation des établissements qui le nécessitaient. A chaque fois, les agents ont été équipés avec du matériel plus ergonomique. Le Limousin a donc bénéficié d'améliorations significatives du dispositif, tout en modernisant le site de Limoges.

Tous les projets de La Poste conjuguent l'amélioration du service rendu, la qualité des conditions de travail et la maîtrise des coûts.

Engagée en étroite concertation avec les élus, cette démarche doit prendre en compte les évolutions rapides du marché du courrier. En effet, La Poste a accusé une baisse de 3 % du volume du courrier en 2008, et de plus de 6 % depuis le début de cette année. Ces évolutions rendent les réorganisations d'autant plus nécessaires.

Enfin, l'importance des services de proximité quotidiennement rendus par les facteurs dans le Limousin conduit la direction du courrier à envisager le test de nouveaux services dans cette région, ce qui en ferait un pionnier dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Demerliat.  - Vous ne m'avez pas rassuré.

Des améliorations sont intervenues au cours des cinq dernières années ? C'est la moindre des choses ! A défaut, vous auriez honte de vous présenter ici.

J'avais interrogé votre collègue sur l'absence de « plate-forme industrielle courrier » dans ma région. (L'orateur montre une carte de France) Sur cette carte des plates-formes, mise en ligne le 24 septembre, une tache blanche est visible : c'est le Limousin. Peut-être qu'elle apparaîtra bientôt en gris, mais vous ne m'avez pas répondu.

Restructuration de Sanofi-Aventis à Montpellier

M. Robert Navarro.  - Premier groupe pharmaceutique européen, le groupe Sanofi-Aventis a engagé un important plan de restructuration pour économiser 2 milliards d'euros d'ici 2013, alors même que le deuxième trimestre 2009 a dégagé un résultat net atteignant 2 milliards d'euros, en progression de 30 %.

Aujourd'hui, des sites sont menacés de fermeture en France et ailleurs, avec des suppressions de postes, des départs anticipés à la retraite et ce qu'une ironie de mauvais goût fait appeler « départs volontaires ». Prétextant une simplification, l'entreprise supprime.

Par exemple, le site de Montpellier est menacé malgré ses bons résultats. Un département devrait y être fermé, conduisant à 80 mutations et 200 retraites anticipées. Parmi les salariés qui resteront, 90 % n'auraient du travail garanti que pour deux à trois ans.

Avec 1 325 salariés à durée indéterminée, Sanofi-Aventis est le premier employeur privé de l'agglomération. Son plan aurait donc des conséquences catastrophiques. Parallèlement, le groupe va externaliser certaines activités. La mise en concurrence des chercheurs dans de petites unités perturbera la recherche. Ne risque-t-on pas d'aggraver ainsi la fuite des cerveaux ?

Que restera-t-il de la recherche et développement en France ? Cette activité donne à l'économie française sa place dans le monde et offre des débouchés à nos diplômés. J'ajoute qu'avant d'être des marchandises, les médicaments doivent soigner. Leur raison d'être n'est pas d'enrichir les dirigeants et les actionnaires des laboratoires.

Face à ces projets, que compte faire le Gouvernement ? Il a commandé à Sanofi-Aventis 28 millions de doses de vaccin contre le virus de la grippe A H1N1. Voilà qui lui confère un droit de regard sur une entreprise qui intéresse directement la France. Enfin, il a été question de découper la société en holdings dont les sièges sociaux seraient transférés à l'étranger. L'information n'a pas été confirmée, mais je crains une délocalisation fiscale, particulièrement grave dans le contexte actuel.

Il est indigne que des entreprises bénéficiaires lancent tranquillement pareille restructuration ; il est inadmissible que les salariés soient ballottés au gré d'objectifs financiers !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation.  - Avec 1 325 personnes en CDI, le site Sanofi-Aventis recherche et développement de Montpellier est l'un des plus importants du groupe, qui aura investi sur place 217 millions d'euros entre 2008 et 2010.

Il est vrai qu'un projet réorganisant la recherche et développement a été présenté le 30 juin au comité central d'entreprise. Il s'accompagne d'un plan d'adaptation exclusivement fondé sur le volontariat, combinant des cessations anticipées d'activité prises en charge par l'entreprise et des départs volontaires pour projets personnels. Au maximum, 170 personnes seraient concernées à Montpellier.

Le projet prévoit aussi de regrouper certaines activités. Ainsi, les équipes de recherches en oncologie actuellement basées à Montpellier seraient à terme localisées à Vitry-sur-Seine, ce qui pourrait concerner 80 personnes. Cependant, la direction de la recherche et développement s'est engagée à repositionner sur place les salariés qui ne seraient pas mobiles vers la région parisienne, visiblement la majorité d'entre eux.

Les autres départements du site trouveront leur place dans la nouvelle organisation en conservant leur localisation actuelle.

Ces précisions doivent vous rassurer sur la pérennité du site, qui n'est en aucune façon menacé et comptera, à terme, plus de 1 100 salariés et sera donc l'un des sites les plus importants de Sanofi Aventis.

M. Robert Navarro.  - Je prends acte de ces précisions. Nous resterons cependant vigilants.

Logements de fonction

M. Yannick Bodin.  - Ma question s'adresse à M. le ministre du budget. Elle porte sur la décision de réduire la liste des fonctionnaires qui pourront prétendre à un logement de fonction et de relever la redevance acquittée.

Il existe actuellement deux types de logements de fonction : ceux dont bénéficient les agents occupant une « fonction de nécessité absolue de service », et ceux dont bénéficient les agents occupant une « fonction d'utilité de service ».

Par amendement au projet de loi de finances pour 2010, vous limitez la liste des fonctionnaires de la première catégorie, et augmentez le loyer acquitté par ceux de la seconde catégorie. Tous seront donc pénalisés. C'est rompre le contrat par lequel l'État s'était engagé lors de la titularisation de ces fonctionnaires.

Alors que le point de la fonction publique n'augmentera que de 0,5 % pour 1,2 % d'inflation et que la baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires est évaluée entre 6 % et 7,3 % depuis 2000, ces agents, que l'État s'était engagé à loger, seront inévitablement confrontés à de sérieuses difficultés. Quelles compensations financières entendez-vous leur accorder ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation.  - Vous voudrez bien excuser M. Woerth, pris par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement a en effet décidé de réformer, enfin, le dispositif des logements de fonction. A l'heure actuelle, 95 000 sont affectés aux fonctionnaires logés par « nécessité absolue de service », tandis que 7 000, logés par « utilité de service », acquittent, en contrepartie, une redevance devenue obsolète.

Nous souhaitons préserver la première catégorie, celle des fonctionnaires dont l'exercice requiert réellement d'être logés. En revanche, tous les logements occupés sans réelle obligation de résidence ont vocation à disparaître. Ceux qui appartiennent aux domaines seront vendus, et pour les autres, les baux seront résiliés. Pour les logements qui n'auront pu être vendus, les occupants désireux de s'y maintenir paieront le loyer du marché réduit de 15 % pour tenir compte de la précarité de l'occupation.

Ces principes ont été présentés aux organisations syndicales. Leur mise en oeuvre fera l'objet d'une nouvelle information lorsque la liste des fonctionnaires pouvant bénéficier d'un droit au logement sera clairement établie.

Ces dispositions s'appliqueront aux prochains changements des titulaires de postes, si bien qu'aucun fonctionnaire ne sera affecté financièrement dans le cadre de ses fonctions actuelles, tandis que les nouveaux titulaires accepteront leurs fonctions en toute connaissance de cause.

Je précise enfin que ces dispositions concernent les logements mis à disposition par l'État, non par les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux. Elles ne concernent pas non plus les fonctionnaires qui bénéficient d'un logement tout au long de leur carrière, à titre statutaire, comme les gendarmes.

Pour le reste, je rappelle que les logements de fonction doivent rester un instrument de travail et ne sauraient en aucun cas être considérés comme des avantages en nature.

M. Yannick Bodin.  - Je vous remercie de ces précisions, dont certaines pourront rassurer, mais nous serons très vigilants sur l'application de ces nouvelles dispositions. L'État ne saurait renier ses engagements. Si le logement était prévu dans le contrat, fût-il considéré comme un avantage en nature, il ne saurait s'en dédire.

Application des nouvelles BCAE herbe

M. René-Pierre Signé.  - L'application brutale des nouvelles BCAE (bonnes conditions agro-environnementales) pour la gestion des surfaces en herbe pourrait avoir de fâcheuses conséquences. Ces nouvelles normes sont de nature à modifier le mode de régénération des prairies tel que pratiqué dans le Massif Central, donc dans la Nièvre.

Elles impliquent en effet un chargement minimal de 0,2 unité de gros bétail (UGB) à l'hectare; l'interdiction de retourner les prairies permanentes, toutes celles inscrites dans la référence 2008-2009 étant ainsi figées ; le remplacement hectare par hectare des prairies temporaires de plus de cinq ans qui seraient cultivées. La surface de prairie temporaire de référence ne devra pas être réduite de plus de 30 % et en cas de non-observance des contrôles, sévères et précis, les aides de la PAC pourraient être supprimées.

Outre que ces mesures pérennisent les prairies permanentes et limitent les possibilités de retournement des prairies temporaires, cette immixtion dans leur fonctionnement sera très mal ressentie par des agriculteurs qui pratiquent différemment la régénération des prairies sur ces territoires où l'élevage est essentiellement extensif. Ils se convertiront mal à ces nouvelles pratiques, beaucoup plus contraignantes, les enfermant dans un carcan réglementaire sans souplesse, peu rationnel et contre-productif.

Ces dispositions ne pourraient-elles être appliquées avec plus de discernement, aménagées et adaptées à chaque région ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation.  - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Lemaire, retenu auprès du Président de la République pour des annonces importantes en matière d'agriculture.

Le bilan de santé de la PAC a été ouvert il y a plus d'un an et conclu le 20 novembre 2008, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Un accord a été obtenu à l'issue d'une longue négociation ; il consolide la PAC à court terme et permet à chaque État membre d'orienter une partie des aides en fonction de choix nationaux. Les mesures annoncées le 23 février 2009, conformément aux orientations souhaitées par le chef de l'État et sous l'autorité du Premier ministre, conduisent à réorienter en 2010 près de 1,4 milliard d'euros, soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs.

Parmi les quatre objectifs poursuivis, l'instauration d'un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe mobilisera 700 millions afin d'attribuer des droits à paiement unique (DPU) aux agriculteurs ayant déclaré de l'herbe productive pendant une période de référence à définir. A la suite des travaux avec les organisations professionnelles agricoles, il a été décidé que l'octroi de cette dotation spécifique pour les surfaces en herbe devait s'accompagner du maintien de leur mise en valeur.

Ainsi, à partir de 2010, une nouvelle norme BCAE sera mise en oeuvre. Elle se compose des deux exigences : productivité minimale des surfaces herbagères ; maintien global des surfaces en herbe s'appliquant au niveau de l'exploitation.

Les exploitants agricoles, en particulier les éleveurs du Massif Central et de la Nièvre, ont fait part au ministre de l'agriculture des difficultés qu'ils rencontrent dans la mise en oeuvre des ces mesures. Vous avez raison de vous inquiéter du caractère trop rigoureux de ces exigences. Une souplesse sera donc introduite au niveau départemental, tout en restant en conformité avec les ratios européens, faute de quoi, en cas de détérioration par rapport à la référence 2005, pourraient s'imposer des obligations de réimplantation.

Le dispositif sera donc assoupli pour les jeunes agriculteurs qui s'installent et les exploitants qui ont engagé une reconversion de leur activité. Il sera de même tenu compte de la réalité du travail des agriculteurs sur le terrain, comme par exemple la gestion des prairies temporaires de plus de cinq ans.

Afin qu'elle ne conduise pas à une diminution systématique de ces prairies, la dérogation sera évaluée chaque année au niveau départemental avant toute reconduction de la dérogation départementale ; les surfaces qui étaient déclarées en prairies temporaires l'année de référence alors qu'elles étaient en gel l'année précédente ne seront pas retenues dans la référence ; les surfaces en prairies temporaires engagées dans une mesure agro-environnementale de reconversion des terres arables ne seront pas non plus comptabilisées.

Les souplesses que vous souhaitiez, monsieur Signé, existent donc et sont de nature à répondre aux attentes des agriculteurs.

M. René-Pierre Signé.  - Merci d'avoir admis que le caractère rigoureux de ces règles nécessite des adaptations. S'il peut y avoir des assouplissements à ces règles imposées parfois brutalement, les agriculteurs en seront satisfaits. D'autant que les BCAE ne concernent pas les seules prairies, mais comprennent également des règles en matière de gestion et de protection de l'eau, de maintien et d'élargissement des particularités topographiques si bien qu'il ne sera bientôt plus possible de toucher à une haie, un étang, un fossé ou à un arbre... Je remercie le Gouvernement d'avoir entrouvert une porte et souhaite que ces normes puissent être aménagées selon chaque région.

Avenir du haras national d'Aurillac

M. Jacques Mézard.  - Ma question porte sur le haras national d'Aurillac. Totalement reconstruit en 1985, ses installations consacrées à l'étalonnage trait ont été détruites le 29 juillet 2008 par un incendie. M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture, a annoncé le lendemain sa décision de les reconstruire et le directeur des haras nationaux, dans une lettre du 5 novembre suivant, a confirmé cette décision et son attachement au site d'Aurillac. Les collectivités territoriales soutiennent ce projet. Hélas, le dossier stagne et, autre motif d'inquiétude pour les personnels, les élus et les utilisateurs, la directrice des haras nationaux lors du CTP a indiqué qu'elle annulait une réunion avec les élus parce qu'elle « ne savait pas si le dépôt d'Aurillac serait encore là demain ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le calendrier des travaux de reconstruction et nous confirmer que les engagements de M. Barnier seront tenus ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation.  - Outre la question de l'incendie survenu en 2008 sur lequel vous avez insisté avec raison, il faut envisager la situation du haras national d'Aurillac en tenant compte de la décision du comité de modernisation des politiques publiques de juin 2008 de recentrer les haras sur leurs missions de service public et de l'objectif de leur regroupement le 1er janvier 2010, soit demain, avec l'École nationale d'équitation. Serait ainsi créé en sus d'un établissement public, regroupant les missions de service public des haras nationaux et de l'école, un autre établissement reprenant les missions des haras nationaux relevant du champ concurrentiel en association étroite, j'y insiste, avec les acteurs socioprofessionnels. Dans ces conditions, il est nécessaire d'élaborer un schéma territorial cohérent avec la mission de ces deux établissements. D'où le délai pour clarifier la situation du haras national d'Aurillac. Les installations d'Aurillac feront l'objet d'une concertation à laquelle seront associés les élus locaux et les acteurs socioprofessionnels, réflexion qui devra prendre place dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la nécessité d'une juste répartition des haras et de l'école sur le territoire.

M. Jacques Mézard.  - Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer l'enterrement du haras national d'Aurillac, quoique vous évitiez de le dire aussi précisément en raison des prochaines échéances électorales... Je déplore profondément que la parole du précédent ministre de l'agriculture soit ainsi remise en cause dans des conditions tout à fait inacceptables !

La séance, suspendue à 11 h 35, reprend à 11 h 55.

Directive européenne et profession d'architecte

M. Francis Grignon.  - J'appelle votre attention, monsieur le ministre de la culture et de la communication sur les risques de la transposition de la directive « services » de l'Union européenne pour les architectes. Cette transposition pourrait conduire à la constitution de sociétés dans lesquelles les architectes seraient des actionnaires minoritaires. Or, la déontologie de la profession lui impose d'être indépendante dans l'exercice de ses fonctions. L'ouverture du capital des sociétés d'architecture à des personnes morales n'appartenant pas à cette profession risque de générer d'importants conflits d'intérêts et de faire disparaître sa spécificité, des logiques purement économiques et des considérations conjoncturelles risquant de briser l'équilibre entre l'intérêt de l'usager et celui du maître d'ouvrage dont l'architecte est le garant. Le Gouvernement entend-il défendre l'indépendance et la capacité d'exercice des architectes en faveur d'un développement urbain durable au service de tous ? Je pose cette question non pas pour des raisons financières mais par souci de morale publique et d'équité.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Je suis particulièrement sensible à cette inspiration.

La directive « services » est un texte important dont l'un des objectifs est de dynamiser le marché intérieur européen. Sa transposition doit prendre en compte la spécificité du secteur de la culture, qui n'est pas un secteur comme les autres, et elle doit être particulièrement attentive à l'intérêt des usagers.

A cet égard, la loi de janvier 1977 consacre une approche, à laquelle le Gouvernement est attaché, selon laquelle l'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le cadre de vie constituent la dimension culturelle de notre environnement et sont, par ailleurs, d'intérêt public puisqu'elles participent directement à l'aménagement durable de nos territoires. L'indépendance, la capacité d'exercice et la responsabilité des architectes et des sociétés d'architecture, principes fondamentaux posés par la loi de 1977, sont donc essentielles.

Pour transposer la directive relative aux services, le Gouvernement, prenant en compte la spécificité de la culture, a exclu une loi unique de transposition et il a laissé à chaque secteur, dans le cadre d'une réflexion générale, le soin de proposer les adaptations nécessaires aux corpus législatif et réglementaire propres à chaque activité. Soyez assuré que, dans le cadre de cette transposition, je suis attentif au respect des enjeux culturels et des principes fondamentaux de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture.

M. Francis Grignon.  - Merci de cette position très claire. J'ai vécu des transpositions analogues et je ne doute pas que vous saurez cette fois encore tenir compte de la diversité des cas.

Visas de court séjour des titulaires d'un Pacs

M. Richard Yung.  - Ma question porte sur les conditions de délivrance du visa de court séjour aux ressortissants d'États tiers signataires d'un partenariat civil de solidarité (Pacs) avec un ressortissant français ou communautaire et résidant dans un État membre de l'Union européenne. Les personnes qui n'ont pas la nationalité française et qui sont mariées à un Français ou un ressortissant d'un État membre de l'Union sont exemptées de l'obligation obtenir un visa si elles possèdent une carte de séjour d'un autre État membre. En revanche, les ressortissants d'États tiers pacsés à un ressortissant français ou communautaire qui résident légalement dans un des 26 autres États membres de l'Union ne bénéficient pas d'un droit automatique d'entrée et de séjour en France car ils ne sont pas assimilés à un « conjoint » ou à un « membre de la famille » au sens de la directive de 2004. Pour cette même raison, ils ne sont pas exemptés des frais de visa.

Pour le Conseil d'État, le Pacs est un élément de la situation personnelle du demandeur de visa dont les autorités consulaires doivent tenir compte pour apprécier si le refus d'accorder un visa n'entraîne pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée du demandeur. Néanmoins, l'article 3 de la directive stipule que l'État d'accueil favorise l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. L'État est tenu d'entreprendre un examen approfondi de la situation personnelle et doit motiver tout refus d'entrée ou de séjour visant le partenaire du ressortissant communautaire. Or, dans les consulats français, la durée de traitement des demandes de visa est très longue. N'y a-t-il pas lieu d'améliorer les conditions d'attribution d'un visa de court séjour aux titulaires de Pacs, voire de les aligner sur les conditions d'octroi aux conjoints mariés ou aux membres de la famille ? Ce serait aller dans le sens d'une reconnaissance de tous les droits attachés au Pacs.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Les ressortissants résidant dans un État appliquant intégralement « I'acquis de Schengen », à savoir les États de l'Union européenne sauf le Royaume-Uni, l'Irlande, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre, ainsi que la Suisse, l'Islande et la Norvège, peuvent entrer et séjourner en France sans visa pendant des périodes n'excédant pas trois mois par période de six mois. Cette disposition s'applique aux signataires d'un Pacs. Quant aux ressortissants d'État tiers qui résident au Royaume-Uni, en Irlande, en Roumanie, en Bulgarie et à Chypre et dont la nationalité est inscrite sur la « liste 1 » européenne, ils sont soumis à un visa de court séjour.

La France favorise l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. Mais les partenariats ne sont pas assimilés par la législation française aux mariages. Les consuls ne peuvent traiter les demandes des titulaires de Pacs comme celles des conjoints. Néanmoins, ils procèdent à un examen attentif et diligent de la situation personnelle de chaque demandeur et prennent leur décision -sauf difficultés relatives à l'authenticité des actes produits- dans un délai de deux semaines, rarement plus.

Enfin, un arrêt récent du Conseil d'État a précisé que les partenaires liés par un Pacs ne relèvent pas des catégories d'étrangers à l'encontre desquelles un refus de visa doit être motivé.

M. Richard Yung.  - Je reste sur ma faim, car cette réponse botte en touche. Pourquoi traiter différemment les partenaires d'un Pacs et les conjoints mariés ? Nous continuerons à faire pression dans le sens d'une égalité. Les consulats instruisent les demandes parfois rapidement, parfois très lentement. Je connais plusieurs cas récents où des difficultés majeures sont survenues.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - La commission de l'économie a proposé la candidature de M. Daniel Soulage pour siéger comme membre titulaire du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Daniel Soulage membre titulaire du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 14 h 35.

Rappels au Règlement

M. Simon Sutour.  - La séance de questions cribles thématiques prévue aujourd'hui à 17 heures devait initialement porter sur la crise, le plan de relance et l'emploi. Or on nous a annoncé, il y a quelques jours, qu'aucun ministre ne serait disponible pour venir devant le Sénat ! Le secrétaire d'État à l'emploi a pourtant trouvé le temps de déclarer ce matin sur les ondes que le chômage augmentait, et qu'il ne fallait pas s'attendre à une amélioration en 2010 ! La représentation nationale et le Sénat en particulier doivent pouvoir débattre de cette question.

Le hasard fait toutefois bien les choses : la séance de questions sera finalement consacrée à l'immigration... sachant que le ministre de l'immigration et de l'identité nationale vient tout juste d'annoncer un grand débat sur le sujet ! Je regrette cet état de fait, qui doit interpeller l'opinion et qui est préjudiciable au travail de notre assemblée. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Yung.  - Bravo.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage cette remarque sur les questions cribles. Mon rappel au Règlement porte également sur l'organisation de nos travaux : je compte qu'il sera transmis au Président du Sénat. Nous avons appris vendredi après-midi que le ministre de l'intérieur serait auditionné par la commission des lois sur la réforme des collectivités territoriales mercredi, c'est-à-dire demain, à 21 heures. La réunion est ouverte à tous les sénateurs, mais avec un tel horaire, elle risque d'être peu productive !

M. Simon Sutour.  - C'est catastrophique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a beaucoup à dire sur l'organisation de nos travaux. La présidence doit comprendre que ce n'est pas acceptable !

Par ailleurs, nous avons acté il y a quinze jours la création d'une délégation aux collectivités territoriales. Or cette délégation n'a pas été saisie de la réforme des collectivités, ne serait-ce que pour avis. Quel est donc son objet ? Ces remarques sont peut-être désagréables, mais nul doute qu'elles sont largement partagées ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Acte est donné de ces rappels au Règlement.

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Le Président de la République et le Premier ministre participeront les 29 et 30 octobre à Bruxelles au Conseil européen. J'aurai l'honneur, avec M. Kouchner, de les accompagner. Ce Conseil comporte à son ordre du jour des sujets d'une importance particulière pour la France. C'est pourquoi, moi-même ancien parlementaire, je regrette que cette séance de contrôle soit aussi peu suivie... (Protestations à gauche ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)

M. Simon Sutour.  - Il faudra le dire au Président Larcher, qui est bien loin d'ici !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Tout le Gouvernement a oeuvré à la préparation du Conseil. La semaine dernière, Mme Lagarde et M. Borloo étaient aux conseils Ecofin et environnement pour préparer les points de l'ordre du jour portant sur la crise économique et le climat. J'étais moi-même hier à Luxembourg au conseil affaires générales ; Bernard Kouchner y était ce matin pour la partie « relations extérieures ».

Au-delà, ce Conseil a été préparé par de nombreux contacts politiques : j'ai effectué de multiples déplacements ces dernières semaines pour rencontrer nos partenaires, suivant l'exemple du Président de la République et du Premier ministre qui, avant la présidence française, s'étaient rendus dans le plus grand nombre d'États membres. Dans une Union à 27, cet effort est indispensable. Chaque relation bilatérale compte. J'étais d'ailleurs accompagné à chacun de ces déplacements par un parlementaire.

Ce Conseil européen intervient un an après la crise financière et au moment où se mettent en place nos institutions dans un contexte international lourd de défis. Ma conviction, c'est que l'Europe est à l'aube d'une ère nouvelle. Comme l'a dit le Président de la République, « l'Europe peut faire l'Histoire et contribuer à forger le XXIe siècle, au lieu de se contenter de le subir ». Ce qui se joue, c'est la place de l'Europe dans la gouvernance mondiale. Tout ici est affaire de volonté et de détermination.

Notre premier rendez-vous est celui des institutions. En 2007, le Président de la République et Mme Angela Merkel ont posé les bases du traité de Lisbonne. L'évolution de l'Europe vers de nouvelles institutions plus efficaces est en effet une nécessité. Il est temps aujourd'hui de nous servir du traité. Le vote sans ambiguïté du peuple irlandais le 2 octobre a levé la dernière hypothèque ; il est le résultat de l'engagement du Président de la République et des garanties énoncées en décembre 2008 sous présidence française. L'Irlande a déposé son instrument de ratification vendredi dernier, après que la Pologne l'a fait la semaine dernière. Nous attendons l'achèvement de la procédure en République tchèque.

La Cour constitutionnelle tchèque, qui a été saisie par un groupe de sénateurs, doit rendre son jugement aujourd'hui. Nous pouvons être confiants, dans la mesure où la Cour s'est déjà prononcée à l'unanimité l'année dernière sur la conformité du Traité de Lisbonne à la constitution tchèque. La présidence suédoise mène actuellement des consultations avec toutes les autorités tchèques sur la récente demande de M. Klaus relative à la Charte des droits fondamentaux ; elle dira au prochain Conseil les conclusions qu'elle en a tirées et ses recommandations. La France est disposée à rechercher une solution pourvu que celle-ci ne conduise pas à rouvrir la négociation et la procédure de ratification. Les deux chambres du Parlement et le gouvernement tchèque se sont prononcés en faveur de la ratification ; ce pays, comme ses 26 partenaires, s'est engagé en décembre 2008 puis en juin 2009 sous sa présidence, à tout faire pour que le traité de Lisbonne entre en vigueur avant fin 2009. Mon homologue tchèque me l'a encore confirmé jeudi dernier. Nous devons cependant avoir des garanties que le président tchèque signera bien l'acte de ratification ; c'est tout l'objet de l'action que mène actuellement la présidence suédoise.

Les travaux préparatoires à la mise en oeuvre du traité se sont accélérés depuis le référendum irlandais. Le Conseil fera le point et approuvera en particulier les grandes lignes du futur service européen d'action extérieure ; nous en attendons une meilleure mobilisation des moyens disponibles ainsi qu'un pilotage plus efficace de la politique extérieure de l'Union, plus cohérent aussi avec l'action extérieure des États membres. Je ne veux plus voir, comme il y a quelques années, un aéroport comme celui de Sarajevo, financé par l'Union mais inauguré par le Secrétaire d'État américain ; comme je regrette d'avoir vu, quand j'ai été représentant spécial de la France dans la région, que l'aide massive de l'Union au Pakistan n'ait pas été concertée avec les pays qui engagent des forces en Afghanistan. Nous devons très vite constituer un embryon de ce service de l'action extérieure de l'Union, et pour cela puiser ses membres au sein de la commission, du Secrétariat général et des 27 États membres.

Le Conseil ne décidera pas d'un paquet complet de nominations. En attendant l'entrée en vigueur définitive du traité, la Commission et le Haut représentant pour la PESC resteront en fonctions -comme cela a été fait pour la commission Prodi. Mais nous sommes dans la dernière ligne droite. Nous connaîtrons cet automne l'achèvement d'un très long processus qui a vu l'Union, depuis la chute du Mur, courir derrière ses institutions au point d'éloigner les citoyens de l'idée même de construction européenne. La querelle institutionnelle est derrière nous, c'est une excellente nouvelle ; il est temps de passer à l'essentiel, à ces questions qui intéressent la vie, la sécurité, l'emploi et l'environnement des Européens.

Les institutions n'ont de sens que s'il existe une vision et une volonté. La crise économique et financière a montré qu'aucun pays ne peut faire face seul ; elle a montré aussi que, lorsque l'Union est unie comme elle l'a été au G20 de Pittsburgh autour de la France et de l'Allemagne, elle sait peser sur les affaires du monde. J'ai été frappé de voir, dans toutes les capitales européennes, à quel point chacun est conscient du risque de marginalisation de l'Europe dans un monde multipolaire, de l'attente aussi vis-à-vis de cette force d'impulsion qu'est le couple franco-allemand. (Marques d'approbation à droite)

Trois autres points importants sont à l'ordre du jour du Conseil. Le climat est d'abord un enjeu majeur pour l'avenir de la planète ; nous préparons la conférence qui se tiendra à Copenhague en décembre. Les objectifs sont connus, issus des travaux du Giec : la réduction de 50 % des émissions mondiales de CO2 à l'horizon 2050 par rapport à leurs niveaux de 1990, afin de limiter le réchauffement à moins de deux degrés depuis l'ère préindustrielle. Il s'agit d'obtenir l'engagement des pays développés de réduire leurs émissions de 25 % à 40 % d'ici 2020 et celui des pays émergents à chiffrer les leurs à moyen terme. Le paquet énergie-climat adopté sous présidence française a montré quelles étaient les ambitions de l'Union, qui est en position de force ; nous devrons défendre à Copenhague une position commune. Il appartiendra aux chefs d'État et de gouvernement de la définir.

Quatre paramètres restent à préciser. Le plus délicat est la contribution financière de l'Union à l'effort des pays en développement ; il faudra définir les besoins de financement, la contribution elle-même, sa répartition entre les États et la possibilité de recourir à des financements innovants. Là encore, ce sera au Conseil de trancher. Nous pourrions ensuite porter notre taux de réduction d'émission de gaz à effet de serre de 20 % à 30 % si, comme en a décidé le conseil Environnement du 21 octobre, tous les pays développés prennent des engagements comparables aux nôtres. En troisième lieu, nous devons pouvoir mettre en oeuvre le mécanisme d'inclusion carbone, si certains de nos partenaires internationaux refusaient de jouer le jeu à Copenhague. Ce mécanisme, reconnu compatible avec les règles de l'OMC, fait partie des options retenues par le paquet énergie-climat ; dans une lettre commune adressée en septembre par le Président de la République et Angela Merkel à M. Ban Ki-Moon, la France et l'Allemagne ont rappelé leur détermination à en user si cela était nécessaire. Nous ne pouvons accepter d'imposer à nos industriels des obligations supérieures à celles de leurs compétiteurs. L'Europe ne sera pas la variable d'ajustement de la négociation. Les récents conseils Environnement et Affaires générales ont confirmé que cette option était sur la table.

Nous devons enfin mieux porter et faire connaître le message politique de l'Union. Elle a formulé à Bangkok les propositions les plus ambitieuses mais a été, davantage que les autres, mise en accusation. C'est tout l'enjeu d'une communication efficace ; lorsque le négociateur américain ou chinois quitte la salle des négociations, il organise immédiatement une conférence de presse. Qui incarne aujourd'hui la position de l'Europe ?

Les négociations sont aujourd'hui difficiles, tant au sein de l'Union qu'avec nos partenaires. Novembre sera décisif ; la prochaine session de négociation aura lieu à Barcelone du 2 au 6 novembre. II faudra mettre à profit tous les grands événements pour faire avancer nos positions -je pense au sommet intermédiaire des chefs d'État, que le Président de la République a appelé de ses voeux à Pittsburgh, mais aussi aux sommets Union - États-Unis du 3 novembre, Union - Inde du 6 et Union - Chine du 30. Nous avons besoin d'un engagement renouvelé de l'ensemble des partenaires de la négociation. L'accord est encore loin, mais l'espoir est permis, car des partenaires importants, comme le Japon ou le Brésil, ont déjà évolué.

S'agissant des États-Unis, un vote déterminant est attendu au Sénat américain sur le Clean Energy Act : les discussions entre républicains et démocrates portent sur le nucléaire, la taxe aux frontières et les énergies renouvelables.

La préparation de la sortie de crise fait partie de l'agenda du prochain sommet. La présidence suédoise a obtenu des résultats en matière de supervision financière. Un accord sur le volet macrofinancier prévoit la création d'un comité contre les risques systémiques et le volet microfinancier transforme les comités de superviseurs en autorités dotées de pouvoirs contraignants. Nous serons aux côtés des Suédois pour que cette nouvelle architecture soit opérationnelle en 2010.

Le Conseil européen est convenu d'apporter des réponses à l'urgence migratoire en Méditerranée. Le pacte européen sur l'immigration a posé des principes mais, comme l'a dit Jacques Barrot, il est temps de passer du pacte aux actes. Eric Besson a soumis des propositions à nos partenaires en septembre. Je les relaie en collaboration avec la Grèce, l'Espagne et, surtout, l'Italie. Le Président de la République et le Président du conseil italien ont demandé que le Conseil européen fixe des orientations concrètes. Les 29 et 30 octobre, les chefs d'État et de gouvernement auront l'occasion de prendre des décisions courageuses. Nous voulons qu'il s'agisse de décisions de substance car l'Europe ne peut plus attendre : il y a urgence à agir !

S'agissant de la crise du lait, le Gouvernement a pris l'initiative d'une nouvelle régulation en juillet. Bruno Lemaire a bâti une proposition franco-allemande et convaincu 21 États membres de son bien-fondé, ce qui garantit une majorité qualifiée. Au cours d'une réunion informelle, un signal fort a été envoyé pour une nouvelle régulation européenne. Le groupe des experts doit rendre son rapport en juin ; 22 États membres ont obtenu la mise en place de mesures supplémentaires pour le stockage et la distribution de lait dans les écoles. Le Conseil de novembre devrait également valider le rachat de quotas à titre national ainsi que la possibilité de prendre plus facilement des mesures d'urgence. La Commission proposera à Ecofin l'inscription au prochain budget d'une enveloppe de 280 millions. La situation des producteurs de lait est bien à l'ordre du jour (M. Jacques Blanc s'en félicite), ainsi qu'un nouveau cadre de régulation.

Voilà les défis que l'Europe doit relever. Le traité de Lisbonne peut nous y aider. Avec sa prochaine entrée en vigueur, le moment est venu de clore un chapitre institutionnel : l'Europe ne peut rester dans une phase d'entre-deux. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole car nous devons impérativement aborder les questions cribles à l'heure prévue.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Avec ce débat, nous imitons enfin nos homologues européens et je dois rappeler que nous avons obtenu ce débat de haute lutte : lorsque la France a dit non au référendum, en 2005, le Premier ministre de l'époque a estimé qu'il fallait prendre un certain nombre de mesures, dont celle-ci. Il serait donc souhaitable d'étoffer notre présence à ces échanges.

Le traité de Lisbonne est le premier point à l'ordre du jour du Conseil. L'horizon s'éclaircit et tout laisse espérer qu'il entrera bientôt en vigueur. Le prix à payer en est une nouvelle dérogation aux règles communes, qui s'ajoute à celles consenties à l'Irlande et au Royaume-Uni. On peut le regretter car comment la Cour de justice européenne assumera-t-elle l'unité d'application du droit de l'Union si les droits fondamentaux ne s'appliquent pas à tous ? L'Europe à 27, et bientôt plus, ne peut être une Europe uniforme. Elle comportera plusieurs niveaux d'intégration -c'est d'ailleurs déjà le cas. Des avancées pourront être réalisées par des coopérations spécialisées, selon la formule chère à Pierre Fauchon. L'Union ne sera ni à la carte ni à menu et prix fixes, et je ne suis pas sûr qu'il faille s'en lamenter : nous avons renoncé en France au jacobinisme (M. Jacques Blanc s'en réjouit) et je préfère une Europe qui avance en ordre dispersé à une Union uniforme mais immobile. L'essentiel est de résoudre les problèmes qui se posent au niveau européen !

Le traité de Lisbonne nous donne des outils sur les grandes questions de politique étrangère. Cependant, alors que nous avions essayé de dépasser les conflits de compétence entre Commission et Conseil, il est préoccupant que le Parlement européen cherche de nouveau à s'octroyer des pouvoirs que les traités ne lui attribuent pas. Quelle est la position de la France à cet égard et veillera-t-on à ce que l'on respecte bien la lettre et l'esprit du traité de Lisbonne ?

La présidence suédoise a souhaité qu'on se concentre sur quelques sujets politiques, dont le réchauffement climatique. La seule chance pour que ses positions soient entendues est que l'Europe se présente unie à Copenhague. Le mandat doit donc être ambitieux sans être déraisonnable. L'Union est peut-être la seule puissance à avoir pris la mesure de l'enjeu, mais elle ne parviendra à rien si elle ne définit pas un équilibre délicat en son sein afin de conserver un rôle d'aiguillon. Les 27 se sont déjà dotés d'outils contraignants. Le paquet énergie-climat a été un succès de la présidence française. Marquant la réalité de son engagement, il a donné à l'Europe une expertise. Nous voulons donc fixer des objectifs chiffrés et ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans que ce soit interprété comme une position moralisante à l'égard de la Chine, de l'Inde ou de la Russie.

Le seul point d'achoppement est le partage des responsabilités en Europe, les pays d'Europe centrale et orientale estimant être dans une situation proche de celle des pays émergents. Comment aider ces derniers ? La Commission estime l'effort public à 15 milliards l'an jusqu'à 2020. S'il est de bonne stratégie de négociation de ne pas définir trop précisément ces montants, certains États d'Europe centrale souhaitent des clefs de répartition. Une compensation financière devra être prévue pour la Pologne qui ne pourra strictement assumer sa part, en raison de la part du charbon. Envisage-t-on de permettre à ces États de bénéficier après 2012 des quotas d'émission qu'ils n'auraient pas encore utilisés ?

Pensons très fort à un mécanisme d'inclusion du carbone aux frontières, à une taxe carbone sur les importations. Sans en faire une arme dans les négociations, il faut en discuter dès à présent.

Comment préparer la mise en place des quotas en 2012 ? Le paquet climat-énergie 2008 a profondément changé les règles et aucune régulation n'est encore prévue. Or de tels marchés se développeront dans le monde en cas d'accord à Copenhague.

La perspective d'un marché global intégré de carbone, appelé de ses voeux la semaine dernière par le conseil Environnement, doit nous conduire à définir des standards européens élevés, car il serait dommage que les Européens paraissent en retrait après avoir été des précurseurs : le Congrès des États-Unis examine en ce moment un projet de loi ambitieux, le projet Waxman. Quelles sont, sur ces thèmes, les grandes lignes de la position française ?

Le deuxième sujet majeur à l'ordre du jour du Conseil européen est la crise économique et financière.

La riposte concertée des États nous a épargné une nouvelle grande dépression, mais baisser trop vite la garde serait périlleux. En augmentant les prélèvements et en réduisant la dette dès aujourd'hui, nous risquerions de compromettre la reprise qui s'amorce. C'est pourquoi je me réjouis de voir l'Allemagne engagée dans une baisse durable des impôts, bien au-delà d'une loi Tepa si décriée. L'Allemagne ne sera plus un passager clandestin profitant des efforts de relance consentis par d'autres. (M. le président invite l'orateur à conclure)

La bonne démarche consiste à faire chaque chose en son temps : il faudra utiliser les périodes de croissance pour réduire les déficits, mais nous devons aujourd'hui combattre encore la crise. Si nous nous croyons trop vite tirés d'affaire, nous retrouverons les causes de la crise, après avoir tant dépensé pour en limiter les conséquences. Pour éviter la rechute, allons jusqu'au bout du traitement !

A mon avis, celui-ci devrait maintenir des fluctuations monétaires raisonnables. L'euro valait 1,18 dollar quand il a été lancé il y a dix ans ; deux ans plus tard, il était tombé de 40 % pour atteindre 0,8 dollar, avant de remonter de 90 % pour dépasser 1,5 dollar. A quoi servent les négociations commerciales multilatérales portant sur une fraction des droits de douane quand les fluctuations du cours peuvent à ce point affecter les échanges ? En ce domaine, l'Europe ne doit pas être une variable d'ajustement passive.

Nous attendons du Conseil européen des décisions concrètes à même de réconcilier les Européens avec l'Europe de Bruxelles ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Je vous prie tout d'abord d'excuser le président de notre commission, M. Josselin de Rohan, qui se trouve au siège de l'Organisation des Nations Unies à New-York. Cela me vaut le privilège de le remplacer aujourd'hui.

Après le propos fort intéressant de M. le ministre et l'intervention particulièrement étayée du président de la commission des affaires européennes, je vais aborder en premier lieu la mise en oeuvre du traité de Lisbonne, notamment la mise en place du service européen d'action extérieure.

Après le « oui » irlandais et la signature du président polonais, celle du président tchèque devrait intervenir dans les jours ou les semaines à venir. Je rends hommage au Président Sarkozy pour avoir déclaré, dès la campagne électorale, qu'il faudrait apporter une réponse institutionnelle pour que l'Europe soit plus légitime et plus opérationnelle, en particulier grâce à un accroissement des pouvoirs du Parlement européen et du Comité des régions, dont on ne parle guère.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Cela viendra.

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Nous devons aujourd'hui envisager l'application du traité de Lisbonne. Il est bon de créer une présidence stable du Conseil européen, d'ajouter un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de passer à la majorité qualifiée pour une cinquantaine de matières, d'étoffer les compétences parlementaires, mais des difficultés d'application se feront jour, car le traité de Lisbonne comporte des zones d'ombre et des ambiguïtés.

Ainsi, le président du Conseil européen ne sera-t-il que le président chairman souhaité par les pays du Benelux ou le leader voulu par la France ?

Qu'en sera-t-il de la présidence tournante du Conseil ? Contrairement à une idée répandue, le traité de Lisbonne a conservé cette présidence pour les formations spécialisées du conseil des ministres, à la seule exception du conseil Affaires étrangères. N'étant titulaire d'aucun mandat national, le président du Conseil n'aura plus d'autorité directe sur les ministres qui présideront ces formations spécialisées. Des mécanismes de coordination devront donc assurer la cohérence de l'action. A l'avenir distinct du conseil Affaires étrangères, le conseil Affaire générales pourra contribuer à cette coordination.

Le partage des tâches entre le président du Conseil européen, le président de la Commission et le Haut représentant en matière de politique étrangère n'ira pas de soi. Il faudra qu'un modus vivendi permette à chacun d'exercer la plénitude de ses pouvoirs sans empiéter sur les attributions des autres.

En outre, l'entrée en vigueur différée du traité de Lisbonne conduit à s'interroger sur le rôle de la Commission européenne, dont le mandat arrive à son terme le 1er novembre. Il semble qu'on s'oriente vers une prolongation de quelques mois. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

J'en viens au futur service européen d'action extérieure. Placé sous l'autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ce service institué par le traité de Lisbonne comportera des hauts fonctionnaires du Conseil ou de la Commission et des personnes détachées des services diplomatiques. Les contours sont envisagés de façon divergente par le Conseil, la Commission et le Parlement européens. Même sa localisation, quelque part entre le Conseil et la Commission, est discutée ! Son périmètre n'est pas défini, mais la politique de voisinage ne semble pas devoir entrer dans ses compétences et demeurer dans celles du Conseil.

Grâce au président de la commission des affaires étrangères, nous avons réalisé un rapport sur cette importante politique, destinée à modifier les relations entre l'Europe et ses voisins.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - C'est exact !

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Quelles que soient les conséquences de Gaza, ne renonçons pas à l'Union pour la Méditerranée, car ce projet sera un élément majeur de la politique extérieure de l'Union européenne ! (M. le président invite l'orateur à conclure)

J'aurais voulu évoquer la situation en Afghanistan et au Pakistan, deux pays dont vous avez remarquablement parlé devant la commission, monsieur le ministre. Même regret pour le Moyen-Orient, cette zone géographique à laquelle nos collègues Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga ont consacré un rapport d'information. Je n'ai pas le temps d'aborder l'accord d'association entre l'Union européenne et la Syrie.

Mais je me réjouis que vous ayez rappelé, au moment où le Président de la République engage une grande politique destinée à résoudre les difficultés de notre agriculture, que notre ministre a réuni plus de vingt de ses homologues à Bruxelles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Un peu de pommade...

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - .Je me réjouis que la France, par la voix du ministre des affaires européennes, soit en phase avec les attentes du monde agricole, auxquelles le Président de la République devrait répondre à l'instant même ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Je ne souhaite pas interrompre les orateurs, mais je vous invite à respecter strictement les temps de parole si vous voulez entendre les réponses argumentées du ministre, puisque je devrai impérativement interrompre ce débat à 17 heures.

M. Pierre Hérisson, en remplacement de M.Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie  - Le compte à rebours a commencé et 40 jours nous séparent désormais de la conférence de Copenhague : il faut saisir l'occasion de la crise actuelle pour passer à une économie durable à faible émission de CO2, qui stimulera l'activité et sera créatrice d'emplois. C'est d'autant plus nécessaire que le dérèglement climatique, plus rapide que prévu, a déjà commencé à produire ses effets.

Face à cette urgence climatique, nous devons défendre un accord ambitieux qui comporte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés comme pour les pays en développement, des engagements financiers en faveur de ces derniers, mais aussi des sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements. Il est de la responsabilité de l'Union européenne de tout mettre en oeuvre pour éviter un échec de la conférence de Copenhague. Sur ce point, monsieur le ministre, à quelles conditions peut-on trouver un accord, notamment sur la contribution financière de l'Union pour aider les pays à s'adapter au changement climatique ? Certes, c'est une bataille difficile que nous engageons, notamment pour rallier les pays en développement à cette cause. Mais l'Europe a fait la preuve de son engagement en acceptant de réduire ses propres émissions de gaz à effet de serre d'au moins 20 % d'ici à 2020 -par rapport à 1990- et jusqu'à 30 % en cas d'accord international.

Pour assurer la transition vers une économie éco-efficiente, la France a fait le choix de la taxation du carbone et nous sommes nombreux à souhaiter sa rapide mise en place aux frontières, car notre volontarisme ne doit pas conduire à détruire des emplois dans nos territoires parce que d'autres États ne seraient pas aussi vertueux. Il nous faut préserver, voire rétablir, la compétitivité des industries européennes. A cet égard, où en est la réflexion de l'Union sur l'utilisation de cet instrument économique ?

Par ailleurs, il faut agir à d'autres niveaux pour conforter cette transition vers une économie durable : formation, éducation et encouragement à l'utilisation de technologies propres. Et dans tous ces domaines, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle majeur. Comment comptez-vous agir, monsieur le ministre, pour faire prendre en compte, au niveau de l'Union, le potentiel que représentent les collectivités dans la lutte contre le changement climatique ?

Le cours des cinquante prochaines années se décidera dans les semaines qui viennent. Mais il n'y aura pas de « plan B » pour la planète si nous échouons collectivement. Nous ne pourrons régler seuls la question du changement climatique puisque l'Europe ne représente aujourd'hui que 17 % des émissions mondiales de CO2. En outre, nous ne prendrons pas le risque de voir nos industries supporter des contraintes bien plus fortes qu'ailleurs et être pénalisées lourdement dans la compétition internationale. Chacun doit apporter sa contribution selon ses capacités et son niveau de responsabilités. Mais à la double peine -pas d'accord et des engagements unilatéraux pénalisants- la France doit préférer le double dividende : un accord international et une transition environnementale accélérée. (Applaudissements à droite)

M. Michel Billout.  - Le prochain Conseil européen se tiendra dans la perspective de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Beaucoup ici s'en satisferont tant il aura fallu d'acharnement pour y arriver. M. le ministre y voit même un traité qui « conduit à une Europe plus démocratique et plus proche des citoyens ». Curieux traité pourtant, qui prétend construire la démocratie tout en la piétinant par ses modalités d'adoption. Inquiétante Europe qui se construit sans les citoyens, loin de leurs préoccupations et malgré le rejet du projet de traité constitutionnel par les électeurs français et néerlandais en 2005. Loin de respecter le verdict des urnes, les dirigeants européens ont décidé alors de le contourner en rédigeant une sorte de plagiat du projet de traité. Ce n'est pas moi qui le dit mais un expert en la matière qui a décrit ainsi le traité de Lisbonne, il y a deux ans, jour pour jour : « Les propositions institutionnelles (...) se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérées dans les traités antérieurs (...) Ainsi l'expression « concurrence libre et non faussée », qui figurait à l'article 2 du projet, est retirée à la demande du Président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité qui stipule que « le marché intérieur, tel qu'il est défini à l'article 3 du traité, comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée » (...) Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles et au renoncement au vocabulaire constitutionnel ». Vous avez certainement reconnu l'analyse de Valéry Giscard d'Estaing, dans Le Monde, et là, malheureusement, il ne s'agit pas d'un roman...

La ratification du traité de Lisbonne aura été une parodie de démocratie. Les chefs d'États, M. Sarkozy en tête, ont de concert choisi de passer outre les avis des peuples tout simplement en ne les consultant pas. Seule l'Irlande a invité ses électeurs à s'exprimer, sa Constitution imposant cette démarche. Résultat ? Les Irlandais ont rejeté le traité de Lisbonne ! Ce traité devait donc être caduc le 12 juin 2008. Pourtant, les chefs d'État et de gouvernement ont de nouveau piétiné cette décision en poursuivant le processus de ratification et en faisant pression sur les Irlandais jusqu'à ce qu'ils revotent, puisqu'ils n'avaient pas fait le bon choix. Ainsi les Irlandais ont-ils revoté le 2 octobre dernier pour accepter le traité de Lisbonne. Les partisans du « oui » peuvent remercier les médias et les puissances de l'argent dont les grands patrons d'Intel et de Ryanair. La diabolisation du « non » et les mensonges sur les risques d'isolement de l'Irlande ont fini par payer. Étrange conception du référendum, où finalement nous n'aurions le choix qu'entre « oui » ou « oui ».

Ce résultat est aussi la conséquence de bas arrangements de coulisses. Les artisans du traité, pour assurer son adoption, sont allés jusqu'à donner satisfaction aux mouvements anti-avortement irlandais. C'est ainsi que l'Union européenne s'implique courageusement pour l'évolution du droit des femmes ! Plus récemment, pour arracher la signature du Président Klaus, on s'est accordé sur une solution enterrant les revendications des Allemands expulsés des Sudètes entre 1945 et 1946, et prévoyant la non-application de la Charte des droits fondamentaux en République tchèque.

La crise démocratique que traverse l'Union européenne n'est donc pas près d'être résolue. Après le vote « raisonné » des Irlandais, le Conseil européen est donc, selon la volonté de la présidence suédoise, l'occasion d'accélérer la mise en oeuvre du traité en se mettant d'accord sur le nom du futur président stable du Conseil européen. Je n'épiloguerai pas sur ce qui risque d'être un curieux casting pour décerner la couronne à la personnalité la plus européenne...

Il me semble qu'une Europe porteuse de paix pourrait, elle, être un symbole fort au moment où devrait se mettre en place le futur service européen d'action extérieure. Choisir un président du Conseil européen dont l'action en faveur de la paix dans le monde est incontestable pourrait être un signe positif pour les habitants de notre planète.

Ce Conseil européen sera marqué par la faiblesse de la réponse de l'Union face à la crise financière et économique, une réponse essentiellement marquée par l'action individuelle des États, souvent peu cohérente, rarement efficace. Loin d'une sortie de crise, c'est la prolongation d'une situation économique atone qui se profile, dans laquelle une croissance molle cohabiterait avec un taux de chômage durablement élevé. Le Président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que l'Union ne connaîtrait au cours des dix prochaines années qu'une croissance annuelle moyenne de 1,5 %, tout au plus. Non seulement la croissance ne sera pas au rendez-vous, mais le chômage va progresser et les déficits continuer d'exploser. La plupart des pays européens n'ayant plus de marges de manoeuvre, le tableau est sombre.

Pour sortir de la crise, l'Union doit agir au moins sur trois leviers : un véritable budget avec des recettes propres qui pourraient reposer sur une taxation des mouvements spéculatifs ; une véritable politique industrielle basée avant tout sur la coopération; une Banque centrale européenne, placée sous le contrôle du pouvoir politique et qui utiliserait efficacement le crédit en faveur de l'emploi et de la recherche. Cette banque doit agir aussi sur l'équilibre monétaire international car l'Europe ne peut durablement s'offrir le luxe d'une monnaie surévaluée par rapport au dollar, ce qui pénalise lourdement l'économie européenne. Enfin, elle doit être une Europe protectrice de ses citoyens et de leurs droits sociaux.

Le traité de Lisbonne n'apportera aucune arme à l'Union pour affronter la crise. C'est un outil au service des règles qui ont prévalu jusqu'à maintenant dans la construction européenne : celles de la financiarisation de l'économie et du dogme de la concurrence entre les hommes et les territoires. La crise laitière l'illustre bien : une crise mondiale de surproduction a entraîné l'effondrement des prix payés aux producteurs, désormais inférieurs aux coûts de production. La réunion extraordinaire des ministres européens de l'agriculture, le 5 octobre dernier, a été « une réunion pour rien », elle n'a abouti qu'à la demande d'un rapport de la Commission pour juin 2010. La mise en place d'une nouvelle régulation du marché après la disparition des quotas laitiers n'est pas à l'ordre du jour. De manière plus générale, c'est tout le secteur agricole qui pâtit des conséquences désastreuses du capitalisme.

L'Europe poursuit indéfectiblement sa route vers une plus grande libéralisation des échanges agricoles et l'absence d'une véritable politique des prix pour les producteurs. Comment donner aux citoyens européens le sentiment d'appartenir à une même communauté lorsque l'on soutient une concurrence aussi féroce entre les membres de cette même communauté ? Les institutions européennes doivent au contraire abandonner les mécanismes libéraux aujourd'hui en faillite, et d'abord la libre circulation des capitaux, le pacte de stabilité et la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Face à la crise il faut mettre en oeuvre un vrai bouclier social au plan européen, qui s'oppose aux plans de licenciement comme aux délocalisations, augmente les salaires, les minimas sociaux et les pensions. Il faut s'appuyer sur des services publics européens développés, soutenir une politique industrielle créatrice d'emplois de qualité et respectueuse de l'environnement.

A ce sujet, le sommet de Copenhague devra instaurer un cadre international de lutte contre le changement climatique et nous sommes très inquiets face à un possible échec de ce sommet en raison du refus possible des États-Unis de s'orienter résolument vers une économie décarbonnée, ce qui donnerait un signe très négatif à l'Inde ou à la Chine. Pour parvenir à un accord suffisamment ambitieux à Copenhague, les pays industrialisés devront prendre des engagements contraignants pour leurs économies, mais ils devront également apporter un soutien financier et technologique aux pays en voie de développement afin qu'ils puissent atteindre leurs propres objectifs et, cela, du fait de la responsabilité historique de ces pays industrialisés. A cet égard, l'Union européenne doit jouer un rôle essentiel. Elle doit également s'engager davantage dans la réduction d'émission de gaz à effet de serre et prévoir d'atteindre l'objectif de 30 % de réduction tout en créant une taxe carbone à ses frontières, pour éviter qu'au dumping social s'ajoute le dumping environnemental. Cependant, combattre sérieusement le réchauffement climatique et préparer une révolution énergétique, c'est avant tout s'attaquer aux logiques de rentabilité qui caractérisent le capitalisme financier mondialisé. Nous devons par exemple proscrire tout marché des « droits à polluer » et lutter contre les spéculations qui les accompagnent. Des politiques publiques fortes sont nécessaires pour réduire les émissions de CO2, par exemple dans le bâtiment ou les transports publics. Et enfin, il faut donner un caractère contraignant aux décisions de Copenhague, afin que les paroles, enfin, se transforment en actes. Parce que le bien commun de l'humanité qu'est notre planète ne peut attendre, nous ne pourrons nous satisfaire d'un simple contrat d'objectifs. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG. M. Pierre Fauchon applaudit aussi)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - La ratification probable du traité de Lisbonne par la République tchèque devrait permettre à l'Europe de sortir de l'ornière institutionnelle. Espérons que cela annonce la sortie de la crise économique. Hélas, si les États agissent chacun pour soi, le défaut de coopération entre les membres de la zone euro, notamment la France et l'Allemagne, menace l'euro lui-même. Les options stratégiques diffèrent des deux côtés du Rhin : là on baisse les prélèvements obligatoires, ici on s'apprête à lancer un grand emprunt. En Allemagne, malgré la baisse importante de la pression fiscale, les déficits publics mesurés par rapport au PIB devraient être deux fois inférieurs à ceux de la France en 2010 et 2011 : ce décrochage ne manque pas d'inquiéter.

Les Européens se sont concertés pour réagir dans l'urgence à la crise, mais ils ont accru leur déficit : vingt pays sur vingt-sept sont sous le coup d'une procédure pour déficit excessif de la Commission européenne. Il faut tracer les sentiers du retour vers l'équilibre, dans le cadre d'une stratégie commune.

Plus généralement, l'Union est à la croisée des chemins. Comme le demandait le Président de la République, l'Europe voudra-t-elle faire ou subir le XXIe siècle ? Quel président du Conseil européen voulons-nous, un arbitre ou un animateur susceptible d'entraîner l'Europe comme Jacques Delors ou Nicolas Sarkozy, et de lui donner une voix audible comme dans l'affaire géorgienne ? Sans leadership volontariste, l'Europe est condamnée à la cacophonie et au manque de crédibilité. J'assistais jeudi à une conférence sur l'architecture de sécurité européenne ; je suggérais à nos interlocuteurs russes la création d'un conseil Union européenne-Russie, à l'image du conseil Otan-Russie, mais cette idée leur a paru surréaliste ! Les mêmes questions se posent pour le futur Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et ses services.

Il ne peut y avoir de politique étrangère sans politique de défense. Sur ce plan également, la France a donné un coup de fouet aux projets européens. Le retour de notre pays dans les structures de commandement intégré de l'Otan a rendu à nos plaidoyers en faveur de la défense européenne un accent de sincérité. Nous souhaitons que le processus de Corfou aboutisse bientôt à des résultats concrets. Cela seul nous évitera de nous laisser distancer par les États-Unis, dont l'avance s'est accentuée suite à la crise. Pourtant l'Europe a su développer une approche originale et efficace de la gestion des crises en coordonnant ses actions civiles et militaires : les opérations en Bosnie-Herzégovine et au large de la Somalie en sont l'illustration. Loin d'affaiblir l'Otan, la défense européenne sera complémentaire avec cette dernière si elle se spécialise dans la gestion des crises.

Où en sommes-nous ? Comme le remarquait le général Bentégeat, nos capacités militaires et de conduite des opérations ont récemment progressé : l'Europe dispose à présent de cinq quartiers généraux opérationnels. La mise en place d'un centre de commandement civil et militaire pourrait nous faire faire un immense pas en avant. La France est-elle favorable à ce que le dossier de la défense échoie au futur Haut représentant ? C'est un élément indispensable de la crédibilité de la politique internationale de l'Europe.

Il ne peut y avoir de puissance sans croissance durable. Défense et sécurité, croissance et compétitivité, énergie et climat : tout est lié. C'est pourquoi je vous propose de prendre de la hauteur, et de considérer l'Europe vue de l'espace. Le dossier spatial n'est pas à l'ordre du jour du prochain Conseil ; il condense pourtant tous les enjeux que je viens de mentionner. L'enjeu économique d'abord : face à la Chine ou à l'Inde, l'Europe ne tiendra son rang qu'en misant sur les nouvelles technologies ; or la recherche spatiale est essentielle au développement des industries de pointe, comme le sait bien M. Jacques Blanc. Pas moins de 600 produits issus de ce type de recherche fondent aujourd'hui notre compétitivité.

L'enjeu de défense ensuite : j'en veux pour preuve le système d'alerte avancée Spirale, le démonstrateur satellite Essaim et les progrès du renseignement électromagnétique.

L'enjeu de développement durable enfin : c'est grâce à l'espace que nous pourrons mieux maîtriser les énergies renouvelables, éolienne ou solaire. L'indépendance énergétique de l'Europe est à ce prix. Hier encore j'ai pu le vérifier en participant à une conférence sur le sujet.

Pourtant le budget de l'Agence spatiale européenne n'est que de 4,5 milliards de dollars, contre 17 milliards pour la Nasa, malgré leur égal niveau de compétitivité : nous sommes au coude à coude avec les Américains pour l'exploitation robotique de la planète Mars.

Il n'existe pas aujourd'hui d'arène politique où traiter de cette question. Si les Européens ne prennent pas les décisions qui s'imposent, d'autres le feront à leur place. C'est pourquoi je souhaite que la France oeuvre pour que ce dossier figure plus souvent à l'ordre du jour du Conseil européen. (Applaudissements à droite ; M. Pierre Fauchon applaudit aussi)

M. Roland Ries.  - Nous sommes aujourd'hui réunis pour concourir à la définition de la position française lors du prochain Conseil européen. La situation économique de l'Europe sera bien évidemment à l'ordre du jour. Mais les discussions porteront principalement sur la mise en oeuvre du traité de Lisbonne et l'élaboration d'une position commune en vue de la conférence de Copenhague sur le changement climatique. Je vais m'efforcer d'exposer la position du groupe socialiste sur ces deux questions.

L'Union européenne fonctionne au ralenti depuis plusieurs mois. Les nouvelles institutions tardent à se mettre en place et le projet européen souffre d'une désaffection croissante, comme en témoigne le taux d'abstention de 55 % lors des dernières élections européennes. L'Europe de la dérégulation et de la sécurité a plusieurs longueurs d'avance sur l'Europe des droits sociaux et des libertés. Sur la scène internationale, l'Union a toutes les peines du monde à s'imposer, faute de vision commune. Aujourd'hui, elle a deux défis à relever.

Tout laisse à penser que le traité de Lisbonne entrera bientôt en application : l'Irlande et la Pologne l'ont ratifié début octobre, et le président tchèque M. Klaus a laissé entendre qu'il le signerait bientôt. Ce n'est pas la fin de tous nos problèmes, tant s'en faut. Les États membres devront encore s'accorder pour définir le rôle et les pouvoirs du président du Conseil européen, du Haut représentant pour les affaires étrangères et du président de la Commission, afin d'éviter redondances et contradictions. Ils devront également fixer les priorités de la politique européenne. La distribution des portefeuilles au sein de la future Commission pourrait être l'occasion de remettre à l'honneur la dimension sociale de l'Europe : les socialistes souhaitent que soit nommé un commissaire chargé spécifiquement des services publics.

En revanche, il conviendrait que les dossiers de l'immigration et de la sécurité ne soient plus réunis aux mains d'un même commissaire : il est désolant de voir la question de l'immigration réduite aux seuls problèmes de sécurité. L'accord en cours de négociation entre l'Europe et la Libye tend à faire renvoyer vers ce pays ses ressortissants qui ont tenté de pénétrer illégalement en Europe, ainsi que les migrants qui y ont transité : l'Union se défausse ainsi de ses responsabilités en sous-traitant la gestion de l'immigration illégale et en refusant de reconnaître la légitimité du droit d'asile. L'Europe doit enfin sortir d'une logique purement défensive et cesser de se considérer comme une forteresse assiégée : elle doit s'accepter comme terre d'immigration et d'accueil pour les réfugiés.

Le Conseil devra également adopter une position claire en vue du sommet de Copenhague : la tâche n'est pas mince. En décembre dernier, l'Union a adopté le plan énergie-climat ; mais au vu des nombreux blocages constatés ces derniers mois, notre déception est à la mesure de nos ambitions passées. Certes, la définition des objectifs à atteindre progresse pas à pas.

La décision du conseil des ministres de l'environnement de l'Union du 21 octobre dernier d'adopter l'objectif fixé par le Giec pour les pays industrialisés -réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80 % au moins en 2050 par rapport à leur niveau en 1990- ne peut que nous satisfaire. Cependant, l'Europe pense encore la question environnementale de manière arithmétique -réduire les émissions dans le secteur des transports aériens de 10 % et dans le secteur maritime de 20 % pour 2020 par rapport à leur niveau en 2005- quand il conviendrait de l'articuler aux réalités sociales de chacun des États membres de l'Union et aux déséquilibres économiques mondiaux. La lutte contre le changement climatique va de pair avec la lutte contre la pauvreté, a souligné la Banque mondiale dans son dernier rapport. S'il est louable de fixer des objectifs chiffrés, encore faut-il apporter aux pays en développement, premières victimes du changement climatique, un soutien financier et technique suffisant pour leur permettre de participer à l'effort mondial de réduction des gaz à effet de serre. Or les États membres ne parviennent pas à s'accorder sur le montant de cette contribution financière car une seule question les préoccupe : la répartition de la charge financière...

L'Europe doit prendre ses responsabilités. Et quelle meilleure manière d'affirmer son leadership, sinon de proposer une assistance financière et technique suffisante aux pays en développement ? Alors que le Président des États-Unis ne peut pas afficher une position claire en vue du sommet de Copenhague à défaut d'avoir reçu l'aval du Congrès, l'Europe doit saisir la chance historique qui lui est faite de tenir le rôle de locomotive de ces négociations et faire en sorte que ce sommet ne se solde pas sur une simple déclaration de bonnes intentions. A cette heure, certains dirigeants de l'Union, dont le Président de la République, menacent déjà, en cas d'échec du sommet de Copenhague, de surtaxer les produits provenant de pays tiers peu regardants quant aux émissions de gaz à effet de serre. Si cette solution peut faire figure de recours, il faut trouver dans l'immédiat des méthodes moins comminatoires pour parvenir à un accord à Copenhague.

L'Europe a une lourde responsabilité, j'y insiste. Pour être entendue, elle doit parler d'une seule voix. Les pays développés doivent faire preuve d'une générosité suffisante envers les pays en développement pour sortir les négociations de l'impasse dans laquelle elles risquent de s'enliser. C'est ce message que la France doit faire entendre à l'occasion du Conseil européen et que l'Europe doit porter sur ces questions si sensibles pour l'avenir de notre planète ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jacques Mézard applaudit également)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je souhaite intervenir sur deux des six points à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. Tout d'abord, les problèmes institutionnels liés à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, après que les hérétiques auront tous abjuré leur coupable refus du dogme. Les « non » français et hollandais ont été contournés par un vote au Parlement, marquant le traité de Lisbonne d'un soupçon d'illégitimité qui le suivra toujours comme un défaut de naissance. Rien n'a été négligé, enfin, pour convaincre les Irlandais de revenir sur leur vote. La démocratie européenne est comme le crocodile : elle marche, mais la marche arrière lui est inconnue ! (Sourires)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Il n'y a pas que le crocodile !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le traité de Lisbonne entre donc en vigueur vaille que vaille, les difficultés peuvent commencer... Un service diplomatique commun doit être créé sous l'autorité d'un Haut représentant qui n'a pas encore été désigné, non plus que le futur « président stable » du Conseil européen. On discerne déjà les conflits de compétences à venir entre ces deux personnalités d'abord, avec le président de la Commission ensuite. Ce dernier entendant préserver ses compétences acquises -le commerce, la politique de voisinage, l'élargissement-, le « président stable » devra conquérir ses pouvoirs, des pouvoirs que les textes ne lui donnent pas. Comment le Président de la République entend-il accommoder « ce mille-feuille » ? (Sourires) Comment pourrait-il imposer une « présidence forte » dès lors que ni l'Allemagne ni la Grande-Bretagne n'en veulent ? Plutôt qu'un homme politique de second ordre, un grand intellectuel comme Umberto Eco ferait mieux l'affaire. Et s'il faut un Français mondialement connu, je n'en vois qu'un : Zinedine Zidane ! (Sourires)

Revenons au service européen pour l'action extérieure. Quelles sont ses compétences dès lors que le traité de Lisbonne précise qu'elles « n'affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités et les compétences de chaque État membre » ? A la bonne heure, nous voilà rassurés ! Ainsi, l'idée de partager notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité avec l'Allemagne, évoquée par l'Institut Montaigne, n'est pas encore à l'ordre du jour... (M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État, le confirme) Elle serait, au reste, tout à fait contraire à l'organisation prévue dans les textes.

Cela dit, quelle sera l'activité du service commun pour l'action extérieure ? Outre que ses services géographiques ou thématiques feront doublon avec les services de la Commission et avec ceux du secrétariat général du Conseil, il passera essentiellement son temps à consulter le Conseil, la Commission, les États membres et, bien sûr, le Parlement comme le suggère le rapport d'Elmar Brok. Une cellule dédiée est déjà prévue à cet effet. Le service diplomatique commun pourra faire appel aux moyens du Conseil et de la Commission pour la traduction. Une chose est sûre : l'avenir des interprètes et des traducteurs est assuré dans la Babel européenne. C'est l'une des rares bonnes nouvelles pour l'emploi qui nous vienne de Bruxelles !

Quelle sera la composition de ce service ? Il sera formé de fonctionnaires issus de la Commission, du Conseil et des diplomaties nationales, nous dit-on. Quel sera le régime des primes ? La question est essentielle car il y a fort à craindre qu'on choisisse l'alignement sur le régime le plus favorisé. Comment nos diplomates nationaux qui, pour avoir choisi de servir l'État n'en sont pas moins hommes et femmes, pourront-ils résister à l'attrait de gratifications qui, pour une heure de TGV entre Paris et Bruxelles, doubleront leurs traitements ? M. Kouchner, que j'ai interrogé en commission à ce sujet, m'a assuré que le ministère des affaires étrangères garderait la haute main sur les nominations. Mais comment le pourra-t-il alors que les textes prévoient que le Haut représentant choisira son personnel et que les candidatures seront libres ? Enfin, comment la politique de ce service diplomatique commun n'entrera-t-elle pas en concurrence avec notre diplomatie ? Bref, ce mille-feuille d'autorités superposées et de bureaucraties concurrentes nous garantit conflits et blocages. Je suggère, pour sa prochaine mise en place, que l'on s'en tienne à une ambition minimale, au format le plus modeste et aux primes les plus réduites. Ce serait conforme à la récente décision de la Cour constitutionnelle allemande selon laquelle l'Europe, en l'absence de peuple européen, est une organisation internationale qui doit respecter la démocratie qui vit dans chacune des Nations qui la composent. Ne faites pas comme si l'Union européenne pouvait devenir une fédération. Cette ambition est depuis longtemps dépassée. Nous n'avons pas besoin d'une bureaucratie supplémentaire qui affaiblirait la diplomatie de la France dont M. Kouchner se flatte qu'elle soit encore la troisième du monde -et pourquoi pas la deuxième ? Nos diplomates, réduits à la portion congrue avec un budget des affaires étrangères toujours plus étriqué, ont d'ailleurs du mérite de soutenir cette réputation !

J'en viens au deuxième point : les suites données au G20. Il me paraît tout à fait prématuré d'évoquer les stratégies de sortie de crise et l'assainissement des finances publiques pour 2011, comme l'a fait le conseil des ministres de l'économie et des finances du 20 octobre. Chassez le naturel, il revient au galop : nos élites libérales n'ont décidément rien appris et rien oublié ! On ne peut pas à la fois se féliciter de la réactivité des pouvoirs publics à la crise et appuyer sur la pédale du frein comme le fait le commissaire à l'économie et tous ceux qui proposent un retour rapide à l'application stricte des critères de Maastricht.

Aujourd'hui rien n'est acquis, à commencer par l'assainissement financier du système bancaire. Celui-ci demeure extrêmement frileux dans ses prises de risques. Sans l'intervention des États, l'activité économique se serait effondrée. Les déséquilibres macro-économiques à l'origine de la crise n'ont pas disparu, bien au contraire. On a combattu une crise née de l'endettement privé avec de l'endettement public... De nouvelles tensions sont déjà perceptibles, notamment sur le marché des changes avec un euro qui a dépassé la barre de 1,50 dollar. L'Europe, et plus particulièrement la zone euro, est prise dans un étau entre la concurrence déloyale des pays à bas coût salarial, telle la Chine, et celle des États-Unis qui, laissant filer leur dollar, proposent des produits plus compétitifs. D'autant que cette politique monétaire contribue également à rendre les produits chinois moins coûteux puisque les États-Unis ont accepté le rétablissement d'un lien fixe entre le yuan et le dollar.

C'est une stratégie concertée et la France est prise en tenailles ! Que compte faire le Président de la République pour sortir la France de cet étau où elle a été placée par les politiques conjuguées de tous les gouvernements depuis vingt-cinq ans ? Il faut à mon sens inscrire les parités des principales monnaies dans des bandes de fluctuation tolérables sur le modèle des fourchettes instituées en 1985 par les accords du Louvre

Je ne suis pas hostile à un grand emprunt...

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Tant mieux !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - ...s'il est bien ciblé et privilégie les secteurs d'avenir. La mauvaise dette est celle qui finance les dépenses de fonctionnement, la bonne, celle qui soutient l'investissement dans les filières rentables pour l'avenir. Vous allez vous heurter aux frileux, aux ratiocineurs, aux éternels tenants de l'orthodoxie, toutes obédiences confondues, mais souvenez-vous que ce sont eux qui nous ont mis dans cette situation ! Après Maastricht, la dette a bondi, de 32 à 58 % entre 1992 et 1998, parce que nous nous sommes alors alignés sur les taux d'intérêt excessifs de la Bundesbank. Halte au suivisme ! Nous avons un taux de croissance supérieur à celui de l'Allemagne et il doit bien y avoir place pour une stratégie nationale au sein de l'Europe, n'en déplaise à M. Trichet.

Je déplore l'absence de vue à long terme et l'opportunisme déguisé en pragmatisme qui conduit à faire se succéder dans la précipitation les politiques contradictoires, au Conseil européen comme au G20. Il nous manque une réflexion stratégique qui privilégierait un nouveau modèle de développement, fondé sur une planification à long terme compensant la logique des marchés financiers. Que la France ne se laisse pas enfermer, au Conseil européen, dans des controverses biaisées et prématurées ; qu'elle élève le débat sur les vrais enjeux, car la crise n'est pas terminée et le temps du volontarisme inscrit dans la durée est devant nous, pas derrière nous. Avez-vous cette volonté politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Hugues Portelli.  - Le Conseil européen a été introduit au début des années soixante-dix par Georges Pompidou dans les institutions européennes alors que cette instance ne figurait dans aucun traité. Or dans le traité de Lisbonne il figure en place essentielle. Il est devenu le lieu d'impulsion et de conception politique ; c'est là que l'Union européenne se pense et se construit. Lorsque le Conseil fonctionne bien, l'Union avance ; quand il ne fonctionne plus, elle est paralysée.

Le groupe UMP est totalement d'accord avec la politique du Gouvernement : il ne souhaite donc pas ergoter sur les sujets à l'ordre du jour du Conseil, la politique d'immigration ou la lutte contre la crise mondiale. Il a toute confiance dans le Président de la République pour représenter la France au Conseil européen.

Sur la mise en oeuvre du traité de Lisbonne, je veux souligner que le changement de point de vue du peuple irlandais n'est pas dû à une terrible pression sur lui ; mais, confronté à la crise mondiale, il a constaté que le salut vient de l'Europe, alors qu'il y a un an il pensait pouvoir s'en sortir seul. (« Très bien ! » et applaudissements au banc des commissions) Quant au président de la République tchèque, il est élu par le Parlement et n'a en lui-même aucune légitimité pour choisir de ratifier ou non. Le Parlement est seul compétent et ratifiera tôt ou tard, le président peut seulement retarder le processus mais n'a pas le choix.

Le traité de Lisbonne avait surtout pour but l'efficacité, après les dix années de paralysie qui ont suivi le traité de Nice. Dans le nouveau traité, les règles de majorité et la représentation des États à hauteur de leur poids permettent enfin d'avancer. Il ne s'agit pas d'un copier-coller du traité constitutionnel, car le nouveau texte n'en reprend pas toutes les considérations théologiques, il contient uniquement des dispositions de droit et de politique. Que nous importe en effet la nature juridique de l'Union, si elle existe et fonctionne ! Le traité clarifie les compétences de l'Union et des États et précise les compétences partagées. Le souci est d'enfin progresser dans des domaines où rien n'a été fait depuis dix ans. Je pense au programme de Stockholm et au programme antérieur, appliqué à seulement 50 %. Le traité vise à sélectionner des priorités : l'Europe ne doit pas s'occuper de tout, mais s'occuper intégralement de ses domaines de compétence.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien.

M. Hugues Portelli.  - Hélas elle n'a guère de marges budgétaires, comme le montrent les crises de la PAC et des autres politiques publiques ; elle ne peut donc travailler correctement.

Appliquer le traité de Lisbonne, c'est choisir le réalisme. Nous sommes une fédération d'États qui fonctionne de façon contraire à tout ce que nous avons appris. Normalement, on met d'abord en commun une monnaie, une diplomatie, une défense. En cinquante ans de construction européenne, on a mis en commun d'abord ce qui relevait des États membres ; et la monnaie commune ne regroupe encore que la moitié des partenaires. Il faut progresser sur ces trois volets et faire reculer le poids de la zone dollar au profit de l'euro.

Enfin, le traité de Lisbonne accorde plus d'importance aux parlements nationaux. A nous de nous emparer des compétences que le traité nous donne dans le suivi des politiques et le contrôle de l'exercice des compétences : suivi des projets de directives, contrôle de la subsidiarité, possibilité pour les parlements de saisir la Cour de justice.

Je le répète, nous faisons confiance au Président de la République pour nous représenter au prochain Conseil européen. (Applaudissements à droite ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit aussi)

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Je comprends les inquiétudes exprimées par M. Haenel sur le rapport Elmar Brok et sur une possible sujétion du service européen d'action extérieure au Parlement européen. Nous serons vigilants car un tel contrôle par le Parlement européen est pour nous à exclure ! Le Haut représentant est membre du Conseil, il représente les États et il est le vice-président de la Commission. Il coordonne l'action extérieure de l'Union, à ce jour dispersée entre les commissaires et les représentants de l'Union pour les négociations commerciales, l'aide au développement, la PESC.

L'usine à gaz, monsieur Chevènement, c'est la situation actuelle : les compétences de l'Union sont dispersées, chaque commissaire fait sa politique étrangère dans son coin. Le Haut représentant fera la jonction, en liaison avec la Commission, dont il sera vice-président, et en synergie avec les États. C'est un travail difficile mais passionnant.

S'agissant du climat, la question de la compensation pour les État membres qui n'ont pas consommé tous leurs crédits est en cours de négociation. Le développement du marché du carbone repose sur l'échange des quotas, avec pour objectif une baisse de 20 % des émissions. La France est l'un des rares États à avoir atteint et même dépassé les objectifs de Kyoto. Nous sommes très attentifs à la question de la clé de répartition entre détenteurs ; là encore, la négociation est en cours.

Monsieur Jacques Blanc, la présidence tournante concernera les conseils techniques ; les affaires internationales relèveront du président stable et du Haut représentant. Certains parlent avec ironie de « mille-feuilles » ; d'autres, comme M. Portelli, d'un système de confédération inédit, entre des États qui ont pris la difficile décision de partager leur souveraineté. Le choix des personnes colorera les fonctions de président et de Haut représentant. Aurons-nous un président fort ou un simple coordinateur ? Aux chefs d'État de trancher.

Pour nous, le Haut représentant sera un multiplicateur de puissance, non un concurrent de la diplomatie nationale. Toute frilosité me paraît contre-productive. La personnalité qui sera choisie, la taille du pays dont elle sera le ressortissant seront essentiels. Il s'agit d'une mission très importante et ambitieuse.

Sur les grands enjeux, nous avons besoin de l'Union : 500 millions d'Européens pèsent plus que 65 millions de Français ! Jamais nous n'aurions emporté seuls l'implantation d'Iter à Cadarache. Je suis aussi patriote que vous, monsieur Chevènement, mais je suis européen par intérêt !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'avenir tranchera.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Nous verrons.

Le périmètre du service européen d'action extérieure sera ambitieux et englobera la politique de voisinage.

L'Union pour la Méditerranée (UPM) fait l'objet d'un suivi par mon cabinet, en liaison avec M. Guaino. Nicolas Sarkozy l'a dit dès son discours de Toulon en février 2007 : l'Afrique comptera bientôt deux milliards d'habitants ; il est impensable que l'Europe s'en désintéresse. Il faut une maison commune entre les 27 et le monde méditerranéen. Cette affaire est complexe, elle a été parasitée par Gaza, mais elle n'est pas morte : les sujets sont nombreux et les projets de développement concrets.

M. Ries a critiqué la politique de contrôle de l'immigration commune menée au niveau européen, qu'il s'agisse de l'harmonisation de la politique des visas ou de la protection de nos côtes. Écoutez donc le nouveau ministre grec des affaires européennes, qui est pourtant socialiste ! La Grèce est saturée de clandestins, au point que cela menace son équilibre interne. Elle a arrêté l'an dernier 150 000 clandestins, qui arrivent de Turquie par voie de mer, se déclarent réfugiés et se retrouvent ainsi dans l'espace Schengen.

« Il faut que l'Europe s'accepte comme terre d'accueil de tous les réfugiés », dites-vous. On parle ici de dizaines de millions de personnes ! Ce sont des centaines de milliers de clandestins qui rentrent chaque année en Europe, par la Grèce mais aussi Malte ou l'Italie. Tous les gouvernements méditerranéens reconnaissent l'urgence de la situation. Ce n'est pas être raciste ou xénophobe que de dire qu'il faut gérer et non subir l'immigration : des terres d'accueil comme le Canada, les États-Unis ou l'Australie ne font pas autrement.

Peut-on raisonnablement critiquer l'accord de réadmission avec la Lybie ou avec la Turquie ? Quant au soutien aux pays en voie de développement pour le climat, il représente 100 milliards d'euros ! Faut-il ne faire aucune distinction entre les grands pays émergents et ceux qui n'ont rien ? Les mêmes règles doivent-elles s'appliquer en matière de transferts d'argent et de technologies, indépendamment du niveau d'émission et du PNB ?

Sur la taxe carbone, vous parlez de « méthode comminatoire ». Mais qu'avez-vous d'autre à proposer ? D'une main, il y a la générosité, de l'autre, l'arme de dissuasion. Maire d'une grande ville, vous connaissez aussi bien les problèmes d'immigration que les problèmes de développement ! Sans règles communes, nous institutionnaliserions le dumping écologique.

M. Chevènement juge que le traité de Lisbonne est entaché d'un soupçon d'illégitimité. Mais l'assemblage de ceux qui ont dit non en France, à commencer par vos anciens amis politiques...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - 55 % des Français !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - ... ne porte-t-il pas un soupçon d'incohérence ? Vous moquez MM. Zinédine Zidane ou Umberto Eco, mais, quand l'orage grondait, Chamberlain ou Laval se sont-ils mieux comportés que des amateurs ? Les garde-fous sont là. Je préfère un système collectif pour prendre des décisions en cas de crise. Heureusement que nous avions un cadre européen pour gérer la crise financière, ou la crise géorgienne ! Il y a dans notre histoire des gens qui auraient mieux fait de jouer au football...

S'agissant du Conseil de sécurité, nous avons fait des propositions, l'Allemagne les a refusées. Le système actuel n'est pas si mauvais, avec le Conseil de sécurité en charge des affaires politico-militaires et le nouveau G20 en charge des affaires économiques. Un mot sur les suites du G20. Nous ne servirons pas de monnaie de réserve gratuite ou d'alibi aux dévaluations compétitives permanentes du dollar et du yuan. Vous avez eu raison de dire que c'est la grande affaire des années qui viennent. Construisons d'abord une Union économique solide puis nous gérerons la compétition entre les monnaies.

M. Pozzo di Borgo a bien voulu rendre hommage aux efforts que je déploie pour faire partager notre volontarisme dans les affaires de défense. Le futur Haut représentant n'aura pas moins de compétences dans ce domaine que l'actuel, étant entendu que nous n'entendons pas communautariser les mécanismes militaires. Quant à l'espace, l'article 189 du traité de Lisbonne fixe comme objectif l'élaboration d'une politique spatiale européenne qui déboucherait sur un programme spatial européen. Dans ce domaine, le budget européen est le quart du budget américain, mais notre bilan n'est pas médiocre, qu'il s'agisse de Galileo, des applications militaires ou des satellites. Il faut certes que les financements suivent, comme l'a relevé M. Portelli, mais les compétences sont là.

Je respecte le droit de M. Billout de critiquer le traité et la politique européenne, mais je ne peux lui laisser dire que le verdict des peuples a été bafoué ou qu'il y a eu une parodie de démocratie. Il est piquant que le parti communiste se retrouve sur la même ligne que les adversaires irlandais du traité, les adversaires acharnés du droit à l'avortement ou les représentants de la droite la plus extrême. Il l'est encore davantage de constater, pour qui connaît un peu son Histoire, que M. Billout s'est senti obligé de venir au secours de M. Klaus en évoquant les Sudètes à la manière des extrémistes allemands...

Je remercie enfin M. Hérisson de son soutien, qui s'est interrogé : comment aider les collectivités territoriales à entrer dans l'économie verte ? Je rappelle l'existence des fonds structurels et des aides budgétaires de l'Union. Je souhaite que les collectivités territoriales déposent des dossiers en nombre. Nous travaillons avec le Premier ministre à améliorer leur consommation du milliard et demi d'euros que l'Union met à la disposition de la France. Deux parlementaires en mission ont été nommés, qui feront des propositions en ce sens. (Applaudissements au centre et à droite)

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 17 heures.

Questions cribles sur I'immigration

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur l'immigration. Je suis persuadé que chacun aura à coeur de respecter son temps de parole ; des afficheurs de chronomètres ont été disposés à cet effet.

Mme Bariza Khiari.  - (Applaudissements à gauche) Vous venez d'expulser en charter trois Afghans. C'est incohérent avec l'engagement de la France dans leur pays. La défense du droit ne justifie pas une telle décision : nous avons su faire preuve d'humanisme pour les Kosovars. L'opinion n'a pas approuvé cette expulsion : les Français n'aiment pas rajouter du malheur au malheur. J'espère que le grand débat sur l'identité nationale que vous annoncez n'est pas destiné à faire diversion des problèmes quotidiens et qu'il ne fait pas partie d'une stratégie de zapping politique pour surmonter les difficultés du Gouvernement. Je constate en tout cas qu'aucune zone n'est sûre pour le ministère des affaires étrangères qui recommande aux Français de ne pas retourner dans ce pays. Ce qui est vrai pour les Français ne l'est-il pas pour les Afghans ? Vous êtes en contradiction avec le ministère des affaires étrangères et avec le Haut commissariat aux réfugiés qui a renoncé à ces critères. Pour satisfaire le Royaume-Uni, allez-vous établir un tri sélectif des humains à envoyer vers des zones sûres, mais définies de quel droit et avec quels moyens ? Pour eux et pour notre conscience, nous espérons qu'il ne leur arrivera rien. (Applaudissements à gauche)

M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Je réponds à la partie de votre question relative à l'Afghanistan ; j'aurai l'occasion de revenir sur le reste de votre intervention. (Murmures à gauche) S'agissant du retour forcé en Afghanistan, nous sommes les plus généreux au monde...

M. Bernard Piras.  - C'est faux !

M. Eric Besson, ministre.  - ...et en Europe.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne le sommes plus !

M. Eric Besson, ministre.  - Le nombre de demandes d'asile a augmenté ainsi que leur octroi ! La France n'a à recevoir de leçon de générosité de personne. Un fléau menace le monde et l'Europe, ce sont les réseaux mafieux qui font payer très cher aux Afghans pour venir jusqu'à Calais afin de passer au Royaume-Uni. La Suède, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie et d'autres encore pratiquent des reconduites à la frontière. La France ne peut pas être la seule à ne pas le faire. Nous avons donc choisi des personnes qui avaient épuisé toutes les voies de recours jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme et exclu un retour volontaire que 180 avaient accepté. Elles ont été reconduites dans la zone la moins insécure ou la plus sûre, c'est-à-dire à moins de 200 kilomètres de Kaboul. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - C'est immoral !

M. Richard Yung.  - Vous avez été surpris par le mauvais accueil que l'opinion a réservé à votre opération : une large majorité des Français y est tout à fait hostile. Alors vous avez battu en retraite en lançant un grand débat national sur l'identité nationale. Avez-vous espéré que cette bonne petite opération politique gênerait la gauche ? Alors, je vous le dis tranquillement, nous ne sommes pas gênés. Vous n'avez pas le monopole de la fierté nationale et nous la partageons. (M. le ministre s'en réjouit) Nous sommes prêts à débattre de nos valeurs et à ce qu'on sensibilise les jeunes -mais qui a supprimé 60 000 postes d'enseignants dont beaucoup de professeurs d'histoire ? En revanche, nous ne voulons pas que la France se ferme et qu'on caresse la bête jamais endormie. Si vous mettez le nationalisme en avant, nous ne serons pas avec vous. (Applaudissements sur les bancs socialistes ainsi que sur plusieurs bancs du CRC-SPG)

Mme Éliane Assassi.  - Le 22 septembre, vous avez détruit les abris de fortune des migrants dans la jungle de Calais et organisé avec la Grande-Bretagne un retour forcé en Afghanistan. Êtes-vous le seul à ignorer que ce pays est en guerre ? C'est indigne de la France et de ses valeurs comme de l'Europe. La situation mérite au contraire des solutions humaines, durables et conformes à la dignité des personnes. L'appel initié par France Terre d'asile a recueilli de nombreuses signatures. Il demande la suspension temporaire des renvois forcés en Afghanistan tant qu'y règne le chaos, ainsi que la recherche immédiate de protection.

Votre politique est dangereuse, contre-productive, inhumaine et coûteuse. Le grand débat que vous lancez à la veille des régionales masque mal votre échec. Il a aussi des connotations pétainistes et vise à faire le tri entre les bons Français et les autres. (Protestations sur les bancs UMP) Cela bafoue les valeurs fondamentales de la République. Plutôt que d'exacerber les nationalismes d'extrême-droite, la France et l'Europe n'auraient-elles pas intérêt à changer de politique et à instaurer un régime d'asile européen ? Allez-vous contribuer à la suspension du règlement de Dublin II ? (Applaudissements à gauche)

M. Eric Besson, ministre.  - La jungle, c'est ainsi que les migrants nommaient ce lieu de racket, de violence et d'exploitation. Aucun mineur isolé n'a été reconduit aux frontières, car la France ne pratique jamais ces reconduites. Nous proposons au contraire à ces jeunes un hébergement et les aidons à bâtir un projet professionnel. Nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons. Il y avait dans cette zone 1 500 migrants en situation irrégulière, contre 150 à 200 aujourd'hui : cette opération a été un succès. (Exclamations à gauche) Nous avons scrupuleusement respecté les critères du Haut commissariat aux réfugiés : ne vous inquiétez pas pour l'opération.

Pourquoi limiter le moratoire à l'Afghanistan ? Le Nigeria, la Guinée-Conakry, le Pakistan sont en guerre. Voulez-vous que tous les ressortissants de ces États puissent résider en France, même s'ils sont entrés irrégulièrement et déboutés du droit d'asile ? Alors notre pays devrait accueillir des dizaines de millions d'étrangers. (« Oh ! » à gauche) La référence à Pétain, enfin, était indigne, mais je comprends que le PCF n'ait pas complètement réglé la question. (On applaudit à droite)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est indigne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Votre réponse n'est pas appropriée. Si on fait le lien avec votre débat sur l'identité nationale, je ne peux que rappeler comment vous définissiez en 2006 la stratégie du candidat Sarkozy : « trouver des boucs-émissaires qui lui permettent sur un coup médiatique de capitaliser les suffrages. Il se pose en défenseur du peuple face à des étrangers assimilés à des délinquants ». Allez-vous délivrer une carte d'identité nationale en remplacement de la carte nationale d'identité et sera-t-elle à points comme le permis ?

Ce matin, le Président de la République a rendu hommage à la terre. Qui honorera-t-il par la suite ? Les chefs d'entreprise qui cachent leur fortune dans des paradis fiscaux avant de mettre la clé sous la porte ou les travailleurs immigrés qui payent cotisations sociales et impôts ? (Applaudissements nourris à gauche)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Chacun évoque la politique française d'immigration et d'asile, mais l'échelle nationale ne suffit plus.

Mon intervention porte donc sur le traitement communautaire de ces sujets, énoncé dans le pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté en octobre 2008 par le Conseil européen sur proposition de la présidence française. Ce texte réaffirme la nécessité d'une gestion harmonieuse et efficace de l'immigration légale, associée à une lutte commune contre les arrivées illégales. Je me réjouis que ces questions figurent à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. Un an après l'adoption de ce pacte, quelles mesures ont été adoptées ?

Enfin, je me demande si le grand débat lancé sur l'identité nationale ne devrait pas s'accompagner d'une interrogation comparable sur l'identité européenne. La question serait : « Qu'est-ce qu'être européen aujourd'hui ? » (Applaudissements à droite)

M. Eric Besson, ministre.  - Vous avez raison d'aborder la dimension européenne. Mon prédécesseur, Brice Hortefeux, a fait adopter le pacte européen sur l'immigration et l'asile par nos partenaires européens.

L'espace Schengen assure la libre circulation des personnes. C'est un des plus beaux acquis de la construction européenne, mais pour qu'il perdure, nous devons harmoniser les politiques d'immigration et d'asile. Actuellement, l'Europe est un vrai supermarché : selon le pays par lequel vous y entrez, vous avez plus ou moins de chances d'y obtenir l'asile et, je le répète, en ce domaine, la France est particulièrement généreuse. Nous militons à Bruxelles pour la création du Bureau d'appui européen.

L'identité nationale française est spécifique. Elle inclut un rapport particulier à la terre. Lisez Jaurès (exclamations à gauche.), Péguy, Braudel...

Sans s'opposer à l'identité européenne, l'identité française n'y est pas soluble. Par exemple, nous avons un rapport particulier à la laïcité. Les Français y sont attachés ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ce débat est très important. Il recouvre beaucoup de souffrance. Souhaitant qu'on l'aborde sans invectives, je regrette l'attitude de certains collègues. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Monsieur le ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises reprendre la politique que j'avais suivie comme ministre de l'intérieur et que vous approuviez à l'époque. (Sourires à gauche)

Il n'y a pas de politique idéale de l'immigration, bien qu'elle soit à la fois nécessaire et difficile. Mais êtes-vous disposé, comme je l'ai fait en 1997, à régulariser 80 000 demandeurs sur 140 000 ?

Si vous appliquez ma politique, pourquoi les ministres de l'intérieur qui se sont succédé depuis 2002 ont-ils modifié à plusieurs reprises la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile (Reseda) votée en 1998 ? Pourquoi avez-vous supprimé la clause de régularisation au fil de l'eau, qui permet précisément d'éviter les régularisations massives ? Pourquoi avoir fixé des objectifs chiffrés qui empêchent les préfets d'agir avec humanité ?

Pourquoi réunir immigration et identité nationale comme pour les opposer à la veille des élections régionales ? L'identité républicaine se définit non par opposition aux étrangers, mais par les valeurs d'humanité, de responsabilité et de droit ! (Applaudissements à gauche.)

M. Eric Besson, ministre.  - C'est un plaisir pour moi de vous répondre. (Vives exclamations sur les bancs socialistes)

Ma formule a été raccourcie, car je ne pense pas que nous menions la même politique. En fait, j'avais seulement dit que vous aviez fait du bon travail -j'espère que vous ne m'en voudrez pas- et que vous aviez été gênés par le manque de soutien du groupe majoritaire, auquel j'appartenais l'époque.

L'époque des régularisations massives est révolue, tout d'abord parce que le pacte européen les interdit, ensuite en raison du bilan de celle que vous avez décidée et de celle réalisée en Espagne par M. Zapatero, qui a reconnu après coup qu'il ne le referait pas si c'était à refaire...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Évidemment ! 600 000 régularisations !

M. Eric Besson, ministre.  - La France accueille généreusement chaque année 200 000 étrangers en long séjour et 2 millions pour un court séjour ; elle accorde en outre sa nationalité à 110 000 étrangers et pratique une politique d'asile très généreuse.

Nul n'a abrogé l'article 40 de la loi sur le séjour des étrangers, qui permet des régularisations.

Pourquoi opposez-vous immigration et identité nationale ? (On estime à gauche que cette opposition est le fait du ministre) Le Président de la République a dit ce que l'immigration avait apporté à notre pays et qu'il était à la tête d'une France métissée. Encore faut-il intégrer les personnes immigrées en leur faisant partager nos valeurs, ce qui ne doit pas choquer le grand républicain que vous êtes. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ma politique avait pour objet d'élargir les marges de manoeuvre d'un gouvernement de gauche, ce qui n'est pas exactement votre cas !

Depuis 1789, l'identité française est résumée par les principes républicains de liberté, d'égalité, de fraternité. Il n'y a pas lieu d'y revenir constamment, surtout à l'occasion de l'immigration, sauf à vouloir reprendre un débat sur l'origine citoyenne ou ethnique de la Nation, tranché en 1888 par Ernest Renan.

M. Eric Besson, ministre.  - Nul ne le propose.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il faut donc soustraire le sujet à l'opposition gauche-droite. C'est ce que j'ai fait, alors que votre surenchère sur le Front National aiguise de faux débats favorisant tous les extrêmes, de la xénophobie au sans-papierisme aveugle. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet.  - Vous avez annoncé dimanche à la télévision le lancement d'un grand débat sur l'identité nationale, un sujet de fond qui intéresse tous les Français. (On en doute vivement à gauche) A la radio et sur internet, j'observe des échanges importants, variés et productifs.

Ce sujet n'évitera ni les polémiques, ni les excès. Le parti socialiste estime que le sujet fleure le nationalisme. Le général de Gaulle a écrit : « Être patriote, c'est aimer son pays. Être nationaliste, c'est détester les autres ». (Applaudissements à droite) Loin d'être nationaliste, je suis profondément patriote, comme nous tous.

Monsieur le ministre, vous avez esquissé les modalités du débat sur l'identité nationale, qui doit s'achever avec une synthèse en janvier. Vous avez aussi proposé que quatre séances d'éducation civique soient organisées au profit d'adultes volontaires dans deux départements. Pourriez-vous être plus complet quant au déroulement de ces deux initiatives ? (Applaudissements à droite.)

M. Eric Besson, ministre.  - Pourquoi le débat sur l'identité nationale ? Parce qu'il avait été promis par le Président de la République pendant sa campagne électorale. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes) Il faut respecter les promesses.

Ce matin, j'étais en compagnie du ministre britannique de l'immigration. Répondant à des journalistes qui l'interrogeaient sur le débat que j'ai annoncé, mon homologue a répondu que l'initiative était légitime et qu'un débat semblable serait organisé en Grande-Bretagne. Je suis heureux que pareils propos aient été tenus par un travailliste. Du Mexique au Cameroun, tous les pays sont fiers de leur identité. Ce sujet ne pose problème qu'à une partie de la représentation nationale.

Je proposerai à tous les préfets, de même qu'aux parlementaires qui le souhaiteront, d'organiser des débats avec les citoyens, les associations et les forces vives du pays. Je suis heureux de constater, comme vous, que les Français s'en sont déjà saisis.

Les élites peuvent discourir, mais le peuple s'est emparé de cette question. N'est-il pas légitime de s'interroger sur ce qui constitue notre communauté nationale, notre héritage, nos valeurs, notre projet commun ? Nous n'avons pas à en rougir ! (Applaudissements à droite ; vives protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Avant les élections ?

M. François-Noël Buffet.  - A l'UMP, nous aborderons ce débat sereinement, simplement mais sans simplisme, mais je comprends que d'autres soient gênés. (Mêmes mouvements)

Mme Claudine Lepage.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je voudrais évoquer la question sensible des mineurs étrangers isolés. A leur arrivée en France, ces derniers peuvent être soumis par la police aux frontières à une expertise médicale, en cas de doute sur leur âge réel. Même ceux qui présentent un titre d'identité sont soupçonnés. Les services médico-judiciaires procèdent alors à un examen clinique qui, selon le corps médical, ne peut fournir qu'une estimation très approximative de l'âge : la marge d'erreur est de 18 mois. Comment admettre que le sort de ces jeunes gens puisse dépendre exclusivement d'un tel examen ?

Celui-ci est souvent pratiqué sans le consentement averti des mineurs qui ne bénéficient pas toujours de l'assistance d'un interprète. Jusqu'à 60 % des personnes maintenues en zone d'attente se déclarant mineures ont été considérées par la police comme majeures ! Cette procédure est indigne de la patrie des droits de l'homme. Tout mineur étranger isolé doit être présumé mineur en danger.

Que deviennent les mineurs « certifiés conformes » ? Tout se passe à peu près bien jusqu'à leur majorité : ils sont placés dans un centre d'accueil et scolarisés. Mais une fois majeurs, ils ne sont plus protégés par aucun statut juridique. Ils se retrouvent sans ressources ni papiers, devenus irréguliers dans le pays où ils espéraient vivre et travailler, et sont la proie facile de filières criminelles. Ils ne peuvent même plus avoir de contacts avec les éducateurs qui les ont suivis jusqu'à la veille de leurs 18 ans. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette situation indigne de notre pays ? (Applaudissements à gauche ; M. Jacques Mézard applaudit également)

M. Eric Besson, ministre.  - Je suis très surpris du ton de votre intervention. (On ironise à gauche) La France est l'un des rares pays du monde et d'Europe à ne jamais reconduire à la frontière les mineurs étrangers isolés. (On le conteste à gauche) Je serais heureux que l'on m'apporte la preuve du contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mme Lepage vous a posé une question précise !

M. Eric Besson, ministre.  - Devons-nous pour autant ignorer l'afflux auquel nous sommes confrontés ? C'est justement parce que la France a la réputation de ne jamais reconduire les mineurs à la frontière qu'elle est une destination privilégiée pour les passeurs. Ce problème se pose au niveau européen, et la présidence suédoise a l'intention d'en faire l'une des priorités du programme de Stockholm ; la présidence espagnole y sera également très attentive.

Certes, il existe une zone floue. Les mineurs arrivés à 14 ou 15 ans ne sont pas systématiquement régularisés lorsqu'ils deviennent majeurs : j'ai mis en place avec France Terre d'asile et des experts un groupe de travail pour réfléchir à ce problème. S'agissant de l'examen médical, contrairement à ce que vous avez suggéré, le doute profite toujours à l'intéressé. Mon ministère a débloqué pas moins de 700 000 euros pour subvenir aux besoins des 100 jeunes Afghans tirés de la « jungle » de Calais. Si ce n'est pas là une preuve irréfragable de la générosité de la France, que vous faut-il ? (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage.  - J'avais insisté sur le moment où ces jeunes deviennent majeurs. Du jour au lendemain, ils ne sont plus protégés, et pour certains d'entre eux versent dans la criminalité. Pourtant, s'ils ont suivi un cursus scolaire d'une ou plusieurs années en France, ils parlent français et sont mieux placés que personne pour être naturalisés ou, à défaut, pour se voir délivrer un permis de séjour ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Bernard-Reymond.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Les questions de fond ayant été abordées, vous me permettrez de soulever des problèmes d'organisation et de moyens.

Votre ministère est récent, puisqu'il a été créé en 2007. Depuis, votre prédécesseur et vous-même avez entrepris d'importantes réformes de structure : rattachement du Conseil national du droit d'asile au Conseil d'État, fusion des Agences nationales de l'accueil des étrangers et pour la cohésion sociale, regroupements de services, etc. Ces réformes vont-elles se poursuivre ?

En outre, votre ministère est loin de couvrir tout le champ de la politique de l'immigration, qui concerne dix ministères, quinze programmes et onze missions budgétaires, pour un total de 3,6 milliards d'euros alors que le budget de votre ministère ne se monte qu'à 560 millions. Ne serait-il pas opportun de rassembler ces moyens ? Sachant que le problème de l'immigration s'accentuera dans les années à venir, il est nécessaire de mieux coordonner nos actions.

Enfin, si l'on prend en compte les 60 000 naturalisations qui ont lieu chaque année, (on conteste ce chiffre à gauche) les 42 000 demandeurs d'asile accueillis en France en 2008 et les 100 000 contrats d'accueil et d'intégration signés en 2008, force est de constater que vous n'êtes pas seulement le ministre de la « jungle » de Calais ou du retour en Afghanistan. (De vives protestations à gauche couvrent un moment la voix de l'orateur) Pourquoi donc avoir attiré l'attention sur ce qui est le plus conflictuel et impopulaire ?

M. Eric Besson, ministre.  - Merci de vos questions. (On ironise à gauche) Je ne fais qu'appliquer la lettre de mission qui m'a été adressée par le Président de la République et le Premier ministre, et qui comprend environ 80 actions à mener à bien.

Vous avez bien voulu souligner l'ampleur des réformes de structures accomplies par mon ministère. (Même mouvement) Nos moyens ne sont pas illimités, puisque nous ne disposons que de 675 agents ; afin d'améliorer notre productivité, nous avons donc choisi de simplifier nos procédures et de rationnaliser nos actions. Le visa de long séjour valant titre de séjour permet de faire gagner du temps aux étrangers -auparavant contraints de s'adresser d'abord au consulat puis à la préfecture- et aux fonctionnaires, qui seront affectés à d'autres tâches, par exemple au traitement des demandes de naturalisation, domaine dans lequel nous avions du retard. J'ai fait récemment l'essai à Roissy des nouveaux sas automatiques qui nous permettront d'améliorer le contrôle de nos frontières tout en simplifiant les démarches des passagers, sur la base du volontariat. Il sera mis fin à la double instruction des demandes de naturalisation : désormais les préfectures instruiront seules les demandes, tandis que les préfectures s'assureront de l'homogénéité de traitement sur le territoire.

Mais je ne suis pas d'avis de rassembler dans un même ministère les moyens financiers et humains. Nous formons un ministère d'état-major, et notre collaboration avec les autres ministères comme celui de l'intérieur est satisfaisante. En ces temps de rigueur budgétaire, il faut veiller à la bonne utilisation de l'argent public et éviter les doublons.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Mes collègues ont insisté sur le caractère profondément cynique et révoltant du renvoi de trois Afghans vers un pays en guerre, au mépris de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette décision nous incite à nous pencher sur l'état du droit d'asile en Europe : il est temps d'apporter une réponse digne, humaine et cohérente à la situation catastrophique à laquelle nous sommes confrontés.

Pas plus que la fermeture de Sangatte, l'évacuation de la « jungle » n'a rien réglé. En quête de protection, les migrants reviennent et c'est bien normal. S'agissait-il pour vous d'un simple coup médiatique ? En ma qualité de co-rapporteur du paquet européen sur l'asile, je me suis rendue à Calais où j'ai rencontré de nombreux intervenants et fait des propositions, mais vous ne m'avez pas entendue.

En 2001, pendant la crise des Balkans, une directive européenne avait pourtant permis d'accueillir plus de 100 000 réfugiés de cette région.

Cette directive obligeait les États à ne pas renvoyer les réfugiés qui fuyaient la guerre, tout comme la France devrait s'engager, aujourd'hui, à ne pas expulser des Afghans vers Kaboul. Pour être efficace, cette protection temporaire doit procéder d'une action commune des États de l'Union car la solution est européenne avant d'être française. Ce que nous avons été capables de faire ensemble, hier, pour les Balkans, nous devrions être capable de le faire, aujourd'hui, pour les Afghans.

Ma question est simple : allez-vous enfin décider de régler, de manière concertée et digne, le sort des Afghans, ou allez-vous continuer dans la voie du cynisme et du mensonge en procédant à des expulsions contraires au droit européen et aux décisions de la Cour européenne ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Eric Besson, ministre.  - Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à ne pas entendre que la Cour européenne des droits de l'homme a validé nos procédures, que nous appliquons à la lettre les recommandations du Haut commissariat aux réfugiés. Et nous allons plus loin. Vous n'avez heureusement pas contesté le fait que nous ne reconduisons pas à la frontière des mineurs isolés, alors que le HCR permet une telle reconduite si le mineur dispose d'un abri acceptable sur place ! Nous ne le faisons pas !

S'agissant de l'asile, je redis que nous y consacrons des moyens importants : la moitié des 600 millions alloués à mon ministère. Et nous allons encore ouvrir des budgets supplémentaires pour les centres d'accueil pour demandeurs d'asile.

Les demandes d'asile avaient augmenté de 20 % en 2008, elles ont encore augmenté d'autant depuis le début de l'année. Et les octrois d'asile ont augmenté dans la même proportion.

Mais nous croyons à la nécessité de réguler les flux migratoires car immigration et intégration sont les deux faces d'une même médaille et nous ne pouvons permettre qu'une immigration incontrôlée empêche l'intégration des immigrés régulièrement installés en France.

L'asile est une trop noble cause pour qu'on se permette de la détourner, et c'est ce que certains sont en train de faire. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne reviendrai pas sur la Cour européenne qui a maintes fois condamné la France, ni sur le HCR qui a demandé qu'on trouve une autre solution.

Je vous demande que, lors du prochain Conseil européen des 29 et 30 octobre, la France, qui a pesé si lourdement dans la mise en place du Pacte européen sur l'immigration, pèse également de tout son poids pour la mise en oeuvre d'un instrument de protection européen spécifique. D'urgence, cette directive de 2001 doit être réactivée puisqu'elle fixe de manière précise les conditions d'octroi d'une protection spécifique temporaire. Chaque État membre, individuellement ou collectivement, a le pouvoir de reconnaître des protections, temporaires ou humanitaires. Relisez la Charte européenne des droits de l'Homme, c'est écrit dedans !

A long terme, nous devons construire une politique européenne d'asile, harmonisée, protectrice, respectueuse des droits humains et, donc, instaurer un régime d'asile européen commun, cela, de façon concertée, puisque vous aimez tant ce mot... (Applaudissements sur les bancs socialistes).

La séance, suspendue à 17 h 50, reprend à 18 h 5.

Service civique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au service civique, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - De nombreux jeunes sont en mal de repères et certains -pas assez hélas !- manifestent un fort désir de s'investir pour leur pays. Avec cette proposition de loi, le RDSE veut leur donner l'occasion de s'engager au service des valeurs de la République. Il n'est nullement question de rétablir la conscription universelle -point de nostalgie !- mais de lui trouver un substitut qui remplisse son rôle de creuset républicain et sa mission de brassage social. Lors de la suspension du service militaire en 1997, cette option avait été discutée avant d'être repoussée et la conscription remplacée par une simple journée d'appel de préparation à la défense. Il aura fallu attendre la crise des banlieues de 2005 et la loi sur l'égalité des chances pour qu'un service civil volontaire soit institué en 2006. Mal conçu, il est rapidement apparu comme une fausse bonne réponse aux seuls problèmes des banlieues d'autant que la complexité du dispositif a freiné son développement. Pour tirer les leçons de ce rendez-vous manqué, le RDSE a proposé un débat, qui s'est tenu au Sénat le 10 juin dernier, dont un consensus s'est vite dégagé : le service civil volontaire souffrant d'un un triple déficit -manque de visibilité, manque de reconnaissance et absence de valorisation de l'expérience acquise- il doit être rénové. Monsieur le haut-commissaire, vous aviez alors partagé notre diagnostic et souhaité en faire part au Président de la République et au Premier ministre. Le service volontaire doit être revu et même rebaptisé pour atteindre son objectif : donner à chacun l'opportunité de s'engager au service de l'intérêt général et, donc, renforcer les valeurs républicaines et la cohésion d'une société française fragilisée...

Notre proposition de loi, déposée le 14 septembre dernier, crée un service « civique », terme qui traduit mieux son lien avec le civisme -cette valeur si chère à mon groupe, le plus ancien de la République- et fait cruellement défaut à nos sociétés modernes, individualistes et consuméristes. Cette opportunité sera proposée à tous dès l'âge de 16 ans. Autrement dit, les jeunes ne seront pas seuls concernés. Au reste, quand cesse-t-on d'être jeune ? Le sociologue Pierre Bourdieu n'a-t-il pas écrit un article intitulé « la jeunesse n'est qu'un mot »? L'on sait ici qu'elle est autant un état d'esprit... (Sourires) Bref, pour atteindre notre objectif, il paraît essentiel d'ajouter à la mixité sociale la mixité générationnelle... Nous souhaitons une participation financière de l'État importante, surtout pour les jeunes de moins de 25 ans afin d'éviter que ce service ne crée une concurrence déloyale dans le monde de l'emploi... Parce que nous voulons promouvoir la mixité sous toutes ces formes, il faudra veiller à ce que ce service civique ne devienne pas une voie de garage réservée aux seuls jeunes en situation d'échec. Monsieur le haut-commissaire, nous comptons sur vous pour que ce service s'adresse à tous, son succès en dépend ! De même, nous souhaitons l'ouvrir aux étrangers, aux citoyens des États membres de l'Union, mais aussi aux ressortissants des pays tiers qui résident depuis au moins un an dans notre pays. J'ai déposé, à ce sujet, un amendement revenant à notre texte initial. Il s'agit du seul point de désaccord avec la commission dont je salue, à cette occasion, le travail remarquable. Considérant qu'une majorité se dégagerait au Parlement pour le seul service civique volontaire, nous avons pris le parti de ménager une transition et de « laisser le dispositif monter en puissance jusqu'à devenir obligatoire ». Nous ne voulons pas d'une politique du nombre : si l'objectif de 10 000 volontaires en 2010 n'était pas atteint, nous préférerions que la qualité prime, c'est-à-dire que les premiers volontaires soient le mieux accueillis et le mieux pris en charge possible. Ces volontaires seront les premiers à faire la publicité du dispositif, réussir leur accueil est donc fondamental.

Un service civique attrayant et valorisant trouvera son ancrage, jusqu'à devenir un jour obligatoire. Dans notre proposition, il bénéficie de toutes les garanties économiques et sociales. Le contrat écrit ne sera pas soumis aux règles du code du travail : nous décrivons donc précisément les règles légales applicables, les droits, les devoirs. Conclu avec un organisme sans but lucratif ou une personne morale de droit public agréés, le service civique portera sur des missions d'intérêt général, utiles -et non pas « occupationnelles », car sinon, nous aurions manqué notre but. L'agrément sera délivré pour une durée déterminée par l'État ou une personne morale de droit public désignée à cet effet. La durée du service sera comprise entre six et vingt-quatre mois, le temps hebdomadaire sera de 48 heures au plus sur six jours. Le service pourra être effectué en même temps que des études ou une activité professionnelle, mais il ne s'agit pas d'une distraction de quelques heures par semaine et la commission de la culture a raison de le porter à au moins 24 heures par semaine.

Autre précision importante : le volontaire ne prendra pas la place d'un salarié. Nous interdisons le recrutement d'un volontaire pour un poste occupé moins de six mois auparavant par un salarié. L'indemnisation sera ajustée en fonction des circonstances. Le volontaire engagé à l'étranger ou dans un département ou une collectivité d'outre-mer pourra percevoir des indemnités supplémentaires et des prestations nécessaires à sa subsistance, son équipement et son logement. Pour autant, le service civique doit rester un engagement désintéressé : l'indemnité sera plafonnée et les indemnités complémentaires toujours proportionnées aux missions. Nous ne rejetons pas l'idée d'un plancher fixé par décret. Enfin, l'indemnisation n'ayant pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération, elle sera non imposable et exclue de l'assiette de certaines cotisations sociales ; elle ne sera pas prise en compte pour la détermination des droits à certaines aides à la personne. Le versement des indemnités de chômage, suspendu au début du service civique, reprendra au terme de l'engagement. Et un salarié qui rompra son contrat de travail pour souscrire un engagement civique conservera ses droits à l'assurance chômage.

La proposition fixe les règles de congés et de couverture sociale ; nous renvoyons à un décret mais posons le principe de congés payés et les assurances sociales sont définies à l'article 4. Enfin, point fondamental et original de cette proposition de loi, le service civique sera valorisé dans les cursus des établissements d'enseignement supérieur et pris en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience. Ainsi l'engagement s'intégrera progressivement dans le parcours de tous les jeunes. L'État délivrera une attestation de service civique et une description des activités exercées et des connaissances et compétences acquises.

Nous avons jugé opportun de profiter de ce texte pour donner aux activités bénévoles, hors du cadre du service civique, une reconnaissance similaire. Sous certaines conditions de durée d'engagement et de formation, une activité bénévole pourra être sanctionnée par une attestation de l'État de même ordre. La commission a ajouté qu'un salarié ayant un minimum de douze mois d'ancienneté dans une entreprise pourra prendre un congé spécial pour effectuer un service civique. Celui-ci sera aussi une période d'apprentissage. Les organismes agréés qui recevront les volontaires seront donc soumis à des obligations de préparation aux missions, de formation civique et de tutorat.

Alors que la crise touche de plein fouet une jeunesse à la recherche de repères et en mal de citoyenneté, nous avons amélioré le dispositif existant, qui est inefficace et inopérant. Le service civique est un moment de sensibilisation à la Nation, à la citoyenneté, une occasion de parfaire son éducation civique. L'individualisme engendre incivilités et violence tout en diluant le sentiment d'appartenance à la collectivité. Le service civique recréera du lien social.

Il y a beaucoup à faire mais nous sommes sur la bonne voie. La communication sera cruciale. Une présentation lors de la Journée d'appel me semble une excellente idée ; et pourquoi ne pas envisager une information dès le collège ou le lycée ? Je me réjouis aussi que la commission ait fixé une date limite pour l'entrée en vigueur du texte.

Le but, je le redis, n'est pas de faire du chiffre mais de la qualité ; et ce, de toute urgence. J'espère que l'État donnera sa chance au service civique en accordant rapidement les financements nécessaires et en publiant les décrets d'application plus tôt qu'à l'accoutumée. Si la procédure parlementaire suit son cours et si les décrets d'application suivent sans tarder, peut-être verrons-nous le 14 juillet 2010 sur les Champs-Élysées la première promotion de jeunes volontaires ! Ce serait un bel outil de promotion pour que la proposition de loi du groupe RDSE, adoptée par le Parlement je l'espère à une très large majorité, rencontre auprès des jeunes Français le succès qu'elle mérite. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Christian Demuynck, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - L'histoire du service civique est celle des occasions ratées : la suppression du service militaire était légitime mais ses conséquences pour la cohésion sociale et la mixité n'ont pas été compensées ni même évaluées. La loi de 1997 comportait déjà le principe du volontariat, comme composante du service national universel. Mais rien n'est venu concrétiser cette idée. La loi du 14 mars 2000 a introduit de nouvelles formes de volontariat civil pour pérenniser les activités d'intérêt général du service national. Mais aucun cap n'a été donné, aucun cadrage précis. Les volontariats ont donc fleuri par décret : volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, volontariat civil à l'aide technique, volontariat de prévention, sécurité et défense civile, volontariat international en administration, volontariat international en entreprise... Avec autant de statuts différents, restés confidentiels, réservés aux connaisseurs... Le rapport de M. Luc Ferry sur le sujet dénonçait un dispositif « très complexe, voire illisible, resté confidentiel et méconnu ». Le recrutement n'a jamais dépassé 2 000 volontaires par an. Bref, l'esprit du service national universel a été détourné.

Après les émeutes dans les banlieues, la réflexion a été relancée et en 2006, le volontariat associatif était créé, répondant au souhait des jeunes de travailler dans les associations, auprès des plus démunis et dans les domaines culturel ou sportif. Ce dont on n'avait jamais douté s'est produit : les jeunes ont manifesté le souhait de s'engager pour la Nation. Les sondages réalisés dans le cadre du rapport Ferry ne laissent aucun doute à cet égard.

On a alors ajouté une nouvelle couche à l'empilement des volontariats. Le législateur a créé en 2006 le service civil volontaire : un même agrément chapeaute l'ensemble des volontariats. L'engagement financier de l'État était important. Le nouveau label aurait pu donner une notoriété au volontariat ; mais celui-ci a été miné par des démarches administratives d'une complexité inouïe, véritable défi même pour les esprits les plus sagaces. Procédure de double agrément, multiplicité des guichets, manque de moyens... C'est le constat établi à l'unanimité par notre mission commune d'information sur la jeunesse, menée en 2009 sous la houlette de Mme Le Texier. J'ai eu l'honneur d'en être le rapporteur. Je rends hommage à ceux qui oeuvrent en faveur du service civique, outil de cohésion sociale. Merci à M. Collin et au groupe RDSE pour cette proposition extrêmement pertinente. Bravo d'avoir donné le coup d'envoi et de porter ce texte avec talent. Saluons également le haut-commissaire, qui soutient cette initiative parlementaire grâce à des amendements portant engagement financier du Gouvernement. La discussion budgétaire montrera que l'investissement est conséquent et que le défi peut être relevé dès 2010.

Mes remerciements vont aussi aux associations qui défendent avec succès le service civil et souhaitent s'impliquer dans le service civique.

Lors de son discours du 29 septembre en Avignon, le Président de la République a annoncé l'objectif de 10 % d'une classe d'âge à moyen terme.

Le texte s'inscrit dans le code du service national. Le service civique doit être non seulement une forme du service national, mais son fer de lance. L'idée est simple : vous pouvez aider la Nation à travers un engagement civil et citoyen, avec le soutien de l'État. La commission a ainsi amendé le texte pour faire de la cohésion nationale un objectif majeur du service national universel et insister sur la mixité sociale. La journée d'appel de préparation à la défense nationale est par ailleurs renommée journée d'appel de préparation au service national.

Le service civique n'est pas un fronton unique pour différents volontariats mais un nouvel édifice qui se substitue aux dispositifs existants, les volontariats à vocation internationale restant hors du dispositif. Enfin, le nouveau dispositif harmonise les régimes vers le haut tant en matière de couverture sociale que de reconnaissance dans l'enseignement supérieur ou en validation des acquis de l'expérience. Il est ouvert à toute la population, sans condition d'âge.

La commission a imposé que le volontaire bénéficie, durant tout son volontariat, d'un accompagnement citoyen avec une formation sur le long cours et un tuteur permanent. Le Gouvernement devra s'engager à financer l'accompagnement par l'organisme d'accueil. Il faudra un accueil réel du volontaire et un bilan du volontariat, surtout pour les jeunes les plus défavorisés.

Elle a également imposé un nombre d'heures minimum par semaine, afin que l'on s'assure qu'il s'agit d'un véritable engagement au service de la Nation et non d'une activité accessoire. Enfin, elle a confié le pilotage du dispositif à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, renommé Agence du service civique.

Je suis ravi que le Sénat soit à l'origine d'une telle initiative et j'espère que les apports de tous les groupes nous permettront de l'adopter à l'unanimité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.  - Ce texte est de ceux qui marquent, qui influent à la fois sur le destin individuel et sur le destin collectif d'une Nation. Il s'agit de créer un cadre nouveau, d'assouvir un désir d'engagement chez certains jeunes, de le déclencher chez d'autres. Le besoin de service civique dépasse les clivages politiques, les remparts générationnels, les ségrégations sociales. Le service civique rassemblera, mobilisera, épanouira l'engagement.

Des personnalités de tous horizons en ont demandé la création, à commencer par d'éminentes figures de l'engagement le plus noble, qui ont su qu'à certains moments, engagement rimait avec résistance. Avec le service civique, engagement pourra résonner avec environnement, solidarité, développement, service de l'autre.

Je suis reconnaissant envers la Haute assemblée qui a permis que le débat ait lieu et que s'ouvre ce nouveau chapitre de notre code du service national. Le service national, ce sera demain la possibilité d'accomplir un service civique en faveur d'une noble cause.

Je suis aussi reconnaissant envers ceux qui ces dernières années ont porté, contre vents et marées, la flamme du service civil, ces associations qui ont engagé des volontaires, ces collectivités territoriales qui y ont cru, ces premiers volontaires qui se sont engagés. Cette flamme du service civil, qui a parfois vacillé mais jamais ne s'est éteinte, nous la transmettons aujourd'hui au flambeau du service civique. Nous n'avons pas le droit de décevoir les espoirs, de tarir cette soif d'engagement, ces élans de générosités. Il y a eu des déceptions ; il doit maintenant y avoir une réponse à la hauteur.

Souhaitons que le service civique soit vite débordé par son succès. Que le nombre de volontaires augmente chaque année. Que le service civique devienne un réflexe. Qu'il soit un atout, reconnu dans le parcours universitaire ou via la valorisation des acquis de l'expérience. Que l'on en apprécie l'impact à travers ses réalisations.

Cette proposition de loi crée le service civique que beaucoup appellent de leurs voeux. Vous êtes nombreux à avoir signé l'appel de La Vie il y a trois ans, à avoir associé votre voix à celles d'associations, de la société civile, de grandes figures, de jeunes qui nous ont demandé de permettre cet engagement.

Faudra-t-il aller plus loin ? Peut-être, mais la qualité devra être au rendez-vous. Le service civique ne pourra être une simple formalité, vide de sens.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - Très bien.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Aux premiers volontaires de montrer l'exemple !

Vous légiférez pour une oeuvre durable qui marquera peut-être des générations entières. Combien d'entre nous parlent avec des trémolos dans la voix de leur service militaire ? J'espère qu'ils seront encore plus nombreux à évoquer, avec la même fierté, le service civique comme une expérience unique, qui a influé sur leur vie. Les auteurs de cette loi pourront dire, comme Horace préfaçant ses Odes, « Exegi monumentum aere perennius ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-François Voguet.  - Je salue l'opiniâtreté du groupe RDSE et de son président, qui fut à l'origine d'un débat en séance l'été dernier sur cette question. Chacun ayant exposé sa position, un vrai travail législatif pouvait alors s'ouvrir pour créer un service national d'un type nouveau, s'appuyant sur l'aspiration de notre jeunesse à l'engagement et à la reconnaissance.

Malheureusement, cette proposition de loi est victime d'un double hold-up. Tout juste déposée, elle se retrouve annoncée par le Président de la République dans le cadre d'un plan « Jeunesse » qui manque singulièrement d'ambition. En outre, la mesure ne s'adresse pas à la jeunesse, mais à toute la population ! Ainsi, le service civique serait d'une part une mesure de placement conservatoire des jeunes de 16 à 18 ans en rupture scolaire, d'autre part une possibilité offerte aux adultes en rupture d'activité professionnelle de se consacrer à des missions d'intérêt général.

D'une idée généreuse et novatrice, on en arrive à un texte portant diverses mesures concernant le volontariat, avec notamment un nouveau contrat d'activité qui renforce la précarité. Le texte réécrit la loi sur le volontariat associatif que nous avions combattue. L'accès est élargi aux moins de 18 ans ainsi qu'aux personnes occupant un emploi. On nettoie les textes existants pour réduire les avantages sociaux du volontariat associatif, en supprimant notamment la cotisation aux caisses de retraite complémentaire. N'est-ce pas d'ailleurs cette économie qui a permis d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour ? La majorité fait d'ordinaire un usage strict de l'article 40 !

Deux de nos amendements ont ainsi été rejetés par le président de la commission des finances, alors qu'ils nous semblaient gagés. Comme je ne peux croire à une application différenciée de la Constitution, j'en déduis que cette proposition de loi n'engage aucune dépense supplémentaire... J'attends donc du débat des précisions...

Si nous sommes heureux que ce texte d'origine parlementaire soit débattu, nous exprimons de fortes réserves sur son contenu, et d'abord sur son intitulé. Penser qu'il faille inculquer les valeurs de la République aux jeunes, notamment ceux issus des milieux défavorisés est déjà critiquable ; viser toute la population est insupportable. Ni notre peuple, ni notre jeunesse ne le méritent. Nous plaidons à l'inverse pour un véritable service national de solidarité, attractif et souple, ouvert uniquement aux jeunes majeurs, qui leur permette de s'engager au service de la solidarité nationale ; un service qui leur soit utile comme à la Nation et qui ne soit pas considéré comme un instrument d'insertion sociale ou professionnelle -c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes favorables à la prolongation de la scolarité jusqu'à 18 ans. Il faut que le dispositif soit piloté et contrôlé nationalement, avec des guichets uniques territorialisés au contact des services publics et des associations ; il faut qu'il ouvre droit à toutes les couvertures sociales et soit reconnu comme une composante de la formation. Il ne saurait enfin être isolé dans le désert des politiques publiques en direction de la jeunesse, mais s'inscrire dans un ensemble de mesures qui favorisent une autonomie responsable et solidaire. C'est à ces conditions seulement qu'une large majorité de jeunes s'y retrouvera. Mais il y faut une ambition que le Gouvernement n'a malheureusement pas, qui continue en effet d'empiler des mesures catégorielles.

Il était possible d'élaborer un autre texte, qui ne laisse pas par exemple au décret le soin de définir les conditions de sa mise en oeuvre. Ce rendez-vous manqué est dû à la précipitation du Gouvernement et du Président de la République, qui veulent que nous légiférions toujours plus vite sur des textes qui au final soit manquent leur cible, soit sont inapplicables. L'important n'est pas de faire ni de bien faire, mais de faire savoir. Ainsi s'est refermé le piège sur cette proposition de loi, qui n'aurait pas été débattue sans son intégration au plan « Jeunesse » du Président de la République ; mais intégrée, elle est détournée de son objet. On sait que le volontariat associatif est loin d'avoir le succès escompté, mais on dit attendre de ce texte 70 000 volontaires... qui n'y seront pas, sauf si on exerce de fortes pressions sur les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans ou sur les jeunes adultes engagés dans des petits boulots ou allocataires du RSA. Nous craignons qu'il y ait plus de volontaires désignés que d'engagés volontaires...

Nous espérons encore du débat qui vient et de la navette. Nous avons déposé des amendements. Le Parlement doit prendre le temps de réfléchir à un véritable service national digne de son époque et répondant aux enjeux. En l'état, nous ne voterons pas ce texte.

Mme Éliane Assassi.  - Bravo !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Après le lycée, nous débattons d'un texte sur le service civique ; deux sujets qui concernent la jeunesse, à laquelle le Sénat a consacré une mission commune d'information. L'objectif de l'école est de transmettre des connaissances, de préparer à l'exercice d'un métier mais aussi d'aider les jeunes à se construire, à devenir des adultes épanouis et responsables. L'école est également le creuset de notre République, là où se transmettent les valeurs qui nous sont communes. Notre vision repose sur la construction d'une identité vivante. Et quel meilleur dispositif pour cela, au sortir de l'adolescence, qu'un service civique qui donne l'occasion d'un engagement au service des autres ?

Si la décision du Président de la République, en 1996, de supprimer le service militaire obligatoire était légitime, on sait que cette période était pour les jeunes hommes une occasion de brassage social et culturel, d'apprentissage de la vie en communauté et d'appartenance à la Nation. C'est pourquoi certains ont voulu recréer un dispositif qui permettrait de réunir les jeunes autour des valeurs fondatrices de notre société. Nous demandions dès 2001 la création d'un service civil obligatoire de six mois, qui concernerait les garçons comme les filles. L'idée a fait son chemin et s'est imposée après les émeutes de 2005. Un service civil volontaire a été institué par la loi du 31 mars 2006, qui permet aux jeunes de 18 à 25 ans d'accomplir des missions d'intérêt général de six à neuf mois pour une rémunération de 600 à 650 euros mensuels ; mais son bilan est décevant, à peine 3 000 volontaires ont été recrutés alors qu'on en attendait 50 000 en 2007. Comment l'expliquer, alors que tous les jeunes qui se sont engagés en sont satisfaits et que, selon un sondage de juin 2008, plus de 260 000 seraient prêts à accomplir un service de six mois ?

Le système souffre en réalité d'un déficit d'information, de la complexité et de l'opacité des procédures tant pour les volontaires que pour les structures d'accueil. Notre jeunesse passe ainsi à côté d'une opportunité et d'une aventure personnelle. C'est ce constat qui a conduit M. Collin à déposer sa proposition de loi, qui est un texte d'une portée philosophique certaine. Nous parlons enfin de service civique et non plus de service civil. Ce nouveau dispositif sera l'occasion d'un engagement au service des autres, d'une riche expérience humaine. Qui peut nier que l'échange, la confrontation, le brassage, le changement d'horizon sont utiles à qui veut construire sa personnalité, faciliter son entrée dans la vie active, sortir du cocon familial, briser les barrières ? Nombre de jeunes souffrent aujourd'hui d'un manque de repères. N'y a-t-il pas une forme de relation de cause à effet entre le délitement du lien social et un mal-être qui peut parfois être dramatique ? Les clés d'une société civile dynamique, ce sont l'aspiration à l'épanouissement personnel et l'adhésion à des valeurs collectives. L'affirmation de sa propre identité ne signifie pas l'indifférence aux autres. Le service civique doit être l'occasion de retisser du lien.

Le texte offre un cadre plus satisfaisant au dispositif. Il prévoit une indemnisation -c'est la condition du succès- au même niveau que précédemment ; le cadre juridique est précisé de sorte que le service civique ne puisse être assimilé au salariat ou à une forme déguisée de bénévolat. Il s'inscrira dans le parcours de formation des jeunes et permettra une validation des acquis de l'expérience, comme cela se pratique au Canada. Vont ainsi de pair valorisation de l'engagement personnel et juste reconnaissance de la Nation.

Enfin, je tiens à souligner que ce texte tend unifier les formes de volontariat, en harmonisant le régime par le haut.

Je salue la générosité de cette proposition de loi, tout en regrettant qu'elle ne fasse pas évoluer le dispositif plus en profondeur.

Ma première réserve porte sur la dimension européenne, affirmée dans l'exposé des motifs mais sans disposition concrète dans le corps du texte. Nous pourrions nous inspirer des réussites de nos voisins. Ainsi, le service civil volontaire italien mélange des jeunes de toutes classes sociales et attire deux fois plus de candidats qu'il n'y a de projets. Nous pourrions aussi songer à un statut européen pour le service civique, offrant aux jeunes de nouvelles opportunités de mobilité. La réussite des programmes Erasmus et Leonardo par exemple est encourageante.

J'en viens à mon dernier point. Ainsi que M. Zocchetto l'a rappelé le 10 juin, le service civique doit devenir obligatoire et universel, afin que toute une tranche d'âge puisse constituer un socle de valeurs communes fondées sur une même expérience. Je sais que la question reste posée, notamment en raison de son coût, qui devrait être compris entre 3 et 5 milliards d'euros. En outre, le contexte économique pourrait conduire les jeunes à y voir une occupation temporaire proposée faute de mieux en attendant le premier travail auquel ils aspirent. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Il faut donc attendre la montée en charge progressive d'un dispositif qui fera progressivement ses preuves. Nous souhaitons qu'une évaluation régulière permette d'apporter les ajustements nécessaires à la généralisation.

Reste que tout cela ne fonctionnera bien qu'avec une promotion volontariste et efficace. Ayons de l'ambition ! Comme l'a dit Léon Gambetta, « il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire ». (Applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Yannick Bodin.  - Le philosophe et écrivain Julien Benda déplorait que l'État moderne n'ait pas maintenu « une classe d'hommes, exempts des devoirs civiques, et dont l'unique fonction eut été d'entretenir le foyer des valeurs non pratiques ».

Alors que nous avons la chance de vivre dans un pays pétri de valeurs et d'histoire, notre jeunesse paraît avoir perdu les valeurs qui construisent l'homme ou la femme adulte vivant en société. L'harmonie du vivre ensemble devant être assurée, il revient au législateur d'aider la jeunesse à apprendre le civisme et la fraternité.

Nous sommes sans doute responsables de ne pas avoir bien transmis les valeurs que nos anciens nous avaient léguées, car notre jeunesse a désespérément besoin de valeurs auxquelles se raccrocher pour réussir sa vie.

Le service militaire obligatoire n'était pas sans défauts, mais nos concitoyens y voyaient en majorité un facteur de cohésion nationale, d'apprentissage de la vie en communauté et de brassage social. Il permettait aux jeunes une prise de conscience de leur devoir envers la communauté nationale, mais il fallait prendre acte des changements de notre société et des moyens de la défense nationale.

Au lieu de conserver les aspects positifs du service national, nous avons délaissé l'éducation au civisme et à la citoyenneté. Tous le déplorent ! Il est donc temps de remettre les valeurs de la République à l'ordre du jour. Nous avons la chance d'avoir un pays à l'histoire riche, sachant marier défense des droits et grandeurs des devoirs. Malgré quelques rappels sévères de la Cour européenne des droits de l'homme, la France doit rester le pays des droits de l'homme ; les enfants de la République doivent se le rappeler.

Apprendre à vivre ensemble, avec le respect réciproque que cela suppose, transcender les individualismes et s'ouvrir aux autres : tels sont les fondamentaux de la vie en collectivité.

La République a encore quelque chose à dire. Elle peut transmettre ses valeurs en transcendant les barrières de classe, de naissance et d'origine. Après la famille, il appartient à l'État de faire vivre le pacte républicain : c'est à lui de réinventer un système pouvant inculquer aux jeunes que le civisme est un devoir, et la citoyenneté un droit.

Je pense qu'il vaut mieux parler exclusivement de service « civique », car la terminologie est le premier élément du message.

Notre objectif à long terme doit être la création d'un service civique universel, mixte et obligatoire, assurant un brassage social et un brassage des cultures. Pendant une dizaine d'années, on n'a pas fait grand-chose dans ce but. Seules les violences urbaines de l'automne 2005 et l'image négative persistante de la jeunesse ont permis l'adoption en mars 2006 de la loi sur l'égalité des chances et la création du service civil volontaire. Or, ce dispositif est un échec, ce qui exclut malheureusement tout service civique obligatoire tant que ses conditions de réussite ne sont pas réunies.

La première est budgétaire. Je suis donc réaliste, même s'il faut toujours tendre vers l'idéal comme disait Jean Jaurès.

Obligatoire ou non, un service civique doit être attractif. Il faut donc laisser la version volontaire monter en puissance, ce qui n'est guère possible actuellement.

La mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes a fait le bilan, dont certains collègues ont tiré les conclusions dans cet hémicycle, notamment par la voix de Mme Le Texier, présidente de la mission. La loi devait attirer rapidement 10 000 volontaires et 50 000 à terme, mais seuls 3 134 ont été recrutés en quatre ans ! C'est donc un échec, dont les raisons sont parfaitement identifiées.

La première concerne les crédits, ridiculement faible au regard des objectifs. En effet, un jeune volontaire perçoit 652 euros par mois, mais coûte à l'État 14 232 euros par an avec les charges sociales et une partie des dépenses d'accompagnement. Les dotations actuelles ne permettent donc même pas de recruter 10 000 volontaires par an, loin des 50 000 annoncés ! En 2008, il manquait au premier trimestre 7 millions au budget de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui a dû demander aux structures d'accueil de cesser tout recrutement. Un comble ! Dans ces circonstances, comment atteindre les objectifs fondamentaux du service civil volontaire ? Le Gouvernement voulait-il véritablement refonder le lien entre citoyens et collectivité, voulait--il brasser toute une classe d'âge ? Le nouveau statut présenté aujourd'hui retiendra sans doute un peu mieux son attention.

Une autre raison du faible nombre de volontaires tient à un défaut de communication : ne connaissent le service civil que les jeunes faisant une démarche en ce sens. Il s'ensuit que les associations sont très majoritaires dans ce dispositif, où elles interviennent à plus de 95 %, ce qui réduit la diversité des missions et du recrutement.

L'objectif de mixité sociale ne semble pas atteint, car les catégories sociales ne sont guère mélangées : les jeunes sont isolés dans des dispositifs distincts. En outre, ceux issus de familles aisées s'orientent vers le volontariat international, alors que les jeunes provenant de milieux défavorisés vont vers des structures locales. Ils ne peuvent ni échanger, ni s'enrichir mutuellement de leur vécu, alors que la mixité sociale était un enjeu majeur du service civil.

Nous ne pouvons nous contenter de cette situation, mais il faut un minimum de concertation pour lancer un nouveau projet. Une association comme Unis-cités emploie plus de 900 volontaires chaque année. Elle peut donc nous aider à bâtir un véritable service civique, au plus près des besoins des jeunes et de leurs attentes, qui ne constitue pas une corvée, mais une superbe opportunité de rencontre, une occasion de découvrir des valeurs républicaines.

La proposition de loi de M. Collin est une étape nécessaire sur la route de l'idéal -le service civique obligatoire- dont la finalité tient à la rencontre entre l'engagement personnel et les services solidaires de la collectivité. Il appartient à la collectivité de permettre l'engagement de chacun. En plaçant l'obligation du côté de l'État, et non du côté de l'individu comme c'était le cas avec le service militaire, on rompt avec une tradition séculaire voulant que l'engagement citoyen soit subi.

La proposition de loi tend à unifier la dizaine de formes de volontariat civil qui existent actuellement, afin de simplifier les procédures administratives et de recentrer les missions confiées aux volontaires afin qu'elles répondent toujours à l'intérêt général. Les structures d'accueil pourront ainsi être diversifiées, afin que le service civique soit une expérience humaine enrichissante qui complète utilement le cursus académique des jeunes et, pour ceux qui ont décroché prématurément de l'école, serve de tremplin vers l'insertion professionnelle.

Des garanties économiques et sociales doivent être apportées afin que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre : une indemnisation ajustable et non imposable, un encadrement juridique des contrats. Il faudrait également prévoir d'évaluer le dispositif dans deux ou trois ans.

Les jeunes de notre pays crient leur besoin de cohésion, de compréhension et de découverte du monde. Rendons-leur l'espoir d'une vie plus sereine, menée non à côté du voisin mais avec lui.

Pour que le service civique soit à la hauteur de nos ambitions, il faut que l'État y consacre les moyens nécessaires, sinon il se résumera à quelques mots de plus dans le code du service national... J'attends de M. le haut-commissaire des assurances sur ce point. La prochaine discussion budgétaire sera l'occasion de vérifier la détermination de l'État.

Nous entamons donc cette discussion dans un état d'esprit plutôt favorable. Une quarantaine d'amendements ont été déposés, et nous serons attentifs au sort de ceux de notre groupe, qui visent à enrichir ou à préciser le texte. Il serait regrettable que d'autres amendements le vident de sa substance. Espérons qu'il ressortira de ce débat une loi qui permettra à la jeunesse de France de partager les valeurs qui constituent le ciment de notre communauté nationale et font rayonner à travers le monde nos idéaux nés des Lumières et de la Révolution française. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, RDSE et UC ; M. Christian Poncelet applaudit également)

M. François Fortassin.  - Parmi les actions promises en faveur de la jeunesse, l'une nous semble fondamentale : c'est la réforme du service civil. Lassés par les effets d'annonce, les membres du groupe RDSE ont décidé d'aller de l'avant, motivés par les aspirations et les difficultés des jeunes. Il est vital de recréer du lien social et de permettre aux jeunes d'assouvir leur sain désir de consacrer un peu de leur temps aux autres.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Très bien !

M. François Fortassin.  - Ce peut être une occasion privilégiée pour renforcer l'éducation civique et favoriser l'insertion. Notre objectif est de combattre l'individualisme qui conduit à la violence, aux incivilités, à la disparition du sentiment d'appartenance à une communauté nationale.

Il existe aujourd'hui plusieurs formes de service civil, mais les procédures sont excessivement lourdes, le financement complexe, et ces dispositifs manquent de lisibilité auprès des jeunes et de leur entourage, y compris professionnel. La réforme du service civil est attendue avec impatience depuis la crise des banlieues de 2005. Aujourd'hui la crise économique frappe durement les jeunes, et il est de notre devoir de mettre en place un nouveau service, que l'on appellera désormais « civique ».

Je me réjouis que le principe du volontariat soit préservé : les contraintes financières et matérielles, ainsi que la mauvaise réputation dont jouissait jusqu'à présent le service civil, ne permettaient pas qu'il en soit autrement. Il faut renforcer la visibilité du dispositif, afin que l'épanouissement des jeunes volontaires éclate aux yeux de tous. L'État doit quant à lui jouer un rôle incitatif.

Le nouveau service civique doit satisfaire le goût de l'engagement et de la solidarité, en France ou à l'étranger. Il pourra prendre la forme de missions humanitaires ou de coopération, attendues dans de nombreux pays africains, latino-américains et même asiatiques : ce que la France a de meilleur à donner, c'est son savoir et son expérience. Le service militaire de la coopération a disparu et n'a pas été efficacement remplacé. Il faut y remédier : il y va de l'image de la France dans le monde. Le service civique pourra également prendre la forme de missions d'éducation ou de défense de l'environnement.

Il durera entre six et 24 mois et sera ouvert à toutes les personnes de plus de 16 ans, sans limite supérieure d'âge, y compris les citoyens européens et les étrangers résidant régulièrement et continûment en France. Cette mixité est indispensable afin d'assurer le brassage social. Le service pourra s'accomplir dans un cadre institutionnel ou associatif.

Il est essentiel de valoriser le service civique auprès des établissements d'enseignement supérieur et des employeurs, par le biais de la valorisation des acquis de l'expérience. Une attestation doit être délivrée, ainsi qu'un document faisant la liste des activités accomplies et des connaissances et aptitudes acquises. Grâce à la préparation aux missions et à la désignation d'un tuteur chargé de former les volontaires à la citoyenneté et de faire avancer leur réflexion sur leurs projets d'avenir, ce dispositif favorisera l'insertion civique et professionnelle des jeunes. Il encouragera le don de soi à la collectivité et le brassage indispensable à la cohésion nationale. (M. Yvon Collin approuve) Le service civique sera le vent frais de l'espérance et de la générosité dont notre société a tant besoin.

Nous avons aujourd'hui l'occasion de faire un grand pas en avant dans notre politique en faveur des jeunes. Le Sénat est à l'origine de ce texte, que j'espère voir adopter dans la meilleure version possible. Il nous revient de sensibiliser les députés à ce sujet afin qu'ils l'inscrivent bientôt à leur ordre du jour : de la rapidité de mise en oeuvre de cette mesure dépend son succès. C'est ici que l'expression « chambre haute » prend tout son sens.

J'ajoute qu'il faudrait sans doute prévoir un dispositif spécifique pour les jeunes ayant eu maille à partir avec la police et la justice, afin de les faire souscrire au pacte républicain et de favoriser l'avènement de la société harmonieuse et pacifique dont nous rêvons tous. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Mlle Sophie Joissains.  - Je suis devant vous ce soir pour soutenir les avancées évidentes de ce texte. Une synthèse remarquable a été faite des différentes formes de volontariat, selon un schéma altruiste, avec un système d'équivalence des acquis séduisant et attractif. Le rapporteur l'a décrite et commentée avec le talent qu'on lui connaît. En partie fruit de la commission de la Jeunesse conduite par Martin Hirsch, dont les mérites ne sont plus à vanter, ces travaux ont été conduits avec rigueur, sérieux et esprit de consensus. Présenté par le RDSE, amendé et défendu par Christian Demuynck, rapporteur UMP, ce texte constitue une indéniable avancée par rapport à l'existant. Néanmoins, cette avancée qui fait l'unanimité ou presque, et à laquelle j'adhère moi aussi, doit n'être qu'un palier.

En effet, ce service civique dont les modalités ont été pensées profondément attractives demeure volontaire et ne présente pas encore de caractère universel. Je souhaite, à ce niveau, intervenir sur ce qui peut légitimement être attendu du service civique, son urgence, sa nécessité. Je le fais avec d'autant plus d'humilité que j'ai milité pour la suppression du service militaire. A l'époque, les traces de la Seconde guerre mondiale, de la guerre du Vietnam et de celle d'Algérie étaient vivaces. Mai 68 avait amené une prise de conscience aiguë des horreurs de la guerre. De plus, le service militaire, loin de la conscription glorieuse conçue par la loi Berteaux était devenu le lieu des injustices, où les exemptions se faisaient de plus en plus massives, où l'on avait le sentiment de perdre son temps. Tout cela avait galvaudé, miné de l'intérieur, le rôle citoyen qui, nonobstant l'empilement incessant des mesures sociales, n'a jamais été retrouvé.

Le rôle républicain du service militaire et son apport à la construction de la Nation par le brassage et le rapprochement des citoyens étaient majeurs. Il introduisait une coupure dans la vie ; chacun pouvait ainsi côtoyer des personnes qui seraient restées hors de son champ de vie quotidien. Il permettait à beaucoup de ne pas rester sur le bord du chemin : rattrapage des faiblesses scolaires, formation complémentaire, amélioration sanitaire, intégration professionnelle. Enfin, il apportait à la France l'évaluation d'une génération entière, tant en termes de compétences que de bilan sanitaire. Cela devait être intégré dans le programme de la journée d'appel à la défense. Mais, isolé, sans suivi réel ni contrôle, ce bilan ne pourra plus constituer le socle sur lequel mesurer les progressions et les améliorations.

Mon expérience d'élue à la politique de la ville m'incite à penser que ce ne sera qu'un bilan suivi d'une orientation considérée comme factice et non suivie. Combien de fois ai-je dirigé vers des structures compétentes des jeunes gens qui demandaient du travail, et que la collectivité ne pouvait embaucher ? Ces structures leur paraissaient tellement étrangères et dénuées de sens qu'ils n'essayaient même pas d'y mettre les pieds. Je ne parle pas de fainéantise, même si celle-ci existe, mais d'un phénomène bien plus grave : pour ces jeunes gens, le monde ne fait plus sens. L'information ne leur parvient pas car ils vivent totalement repliés sur leur environnement immédiat. J'ai eu la chance de pouvoir guider deux d'entre eux, ignorants de leurs propres compétences et de leur potentiel, vers l'armée. Celle-ci n'est pas la panacée et n'y prétend pas. Mais ces jeunes y ont trouvé la structure, la colonne vertébrale dont ils avaient besoin, et ce sont deux familles qui se sont redressées, prêtes à ne plus subir le monde qui les entourait.

Leur démarche était volontaire ? Certes. On ne peut qu'être sensible à la beauté de l'engagement volontaire. Mais, pour choisir, il faut avoir la capacité du choix. Or l'isolement social rend hermétique à tout ce qui vient du dehors.

L'obligation de proposer à tous le service civique est séduisante. Mais comment l'organiser ? Il ne peut s'agir d'une simple information. Ne souffre-t-elle pas aussi du problème constitutif qui touche le caractère obligatoire du service civique, le financement ? Veut-on réellement l'ouvrir à tous ? Le peut-on ? Cette formule du volontariat n'est-elle pas, malgré la séduction qu'elle exerce, le dévoiement de l'idée que chaque citoyen se fait à l'évocation de la formule : service civique ? Le terme de « service » renvoie à une nostalgie de la conscription, à l'idée d'un contrat avec la Nation, d'un devoir à accomplir envers la Nation, d'un rite de passage à la citoyenneté.

Servir son pays n'est plus forcément prendre les armes, bien qu'il ne faille pas dénigrer ce rôle et salir la mémoire de ceux qui sont morts pour la France, et auxquels nous devons la reconnaissance infinie de vivre dans un pays libre. Servir son pays, ce peut être s'engager dans ses forces de protection civiles ou militaires, ou aussi bien se former dans l'apprentissage des soins aux personnes, ou dans la protection de la nature et de l'environnement. Un tel apprentissage permet à notre pays de rayonner et d'être précurseur au sein de l'Europe et de la communauté internationale.

Le service civique a été conçu comme une mesure essentiellement, si ce n'est purement, sociale. Ne risque-t-on pas, s'il n'est appliqué à tous, que cet outil soit stigmatisé et accroisse ainsi les clivages que l'on se donne pour but de réduire ? Le service civil existe ; 50 000 volontaires étaient prévus, nous atteignons péniblement les 3 000. Ne créons pas une énième mesure, qui s'ajouterait aux autres et galvauderait ainsi ce mot « civique », évocateur de nos valeurs républicaines. Comment ces valeurs pourraient-elles s'exercer véritablement si ceux qui les ont à la bouche ne sont pas représentatifs de l'ensemble de la société française ? Celle-ci est diverse, tant en termes sociaux qu'ethniques, religieux et culturels. Si l'on désire qu'une richesse s'en dégage, c'est par la rencontre que cela pourra se faire.

Si la conscription n'avait pas existé, vous pourriez croire que je nage en pleine utopie ! Le cancer de la conscription a été l'exemption généralisée. Elle a conduit à la déliquescence du service miliaire. Le service civique, dans l'esprit de nos concitoyens, est obligatoire et universel. Faute de quoi, on ne prendra qu'une mesure de surface. Combien de jeunes et de moins jeunes sont au courant des mesures existantes ? Combien préfèrent rester dans un univers précaire à nos yeux mais rassurant aux leurs, parce qu'ils y ont leurs repères, et les partagent avec leurs frères, cousins ou voisins ? Le partage, la vie en commun, cette notion est au coeur du service civique obligatoire et universel.

Toute une jeunesse assiste en aveugle au mille-feuille de mesures qui fleurissent et se surajoutent au gré des angoisses légitimes du législateur. Nous avons besoin d'une mesure phare, qui soit l'athanor républicain du XXIe siècle. Et n'appartienne à aucune famille politique mais à la grande famille républicaine.

L'appel pour un service civique obligatoire et universel, lancé par Max Armanet, a été signé par 470 parlementaires de tout bord, et des personnalités aussi diverses que l'abbé Pierre, Valérie Pécresse ou Bernard Kouchner. Luc Ferry adhère aussi à l'idée d'offrir à tout Français l'occasion d'accomplir un service civique à toute époque de sa vie. Une véritable réserve citoyenne lui apparaît porteuse et exemplaire pour notre société et susceptible de faire l'objet d'une prochaine étude du Conseil d'analyse de la société.

Bien sûr, le financement est un obstacle grave, qui pourrait être tourné par une reventilation des crédits. Nombre de mesures coûteuses sont obsolètes... Pensons au gain formidable que serait une société de nouveau soudée, enthousiaste, à la générosité conquérante ! Si l'on n'a pas les moyens de sa politique, on doit construire la politique de ses moyens. L'Europe doit se construire avec l'idée d'une cohésion sociale et républicaine forte, autour des valeurs de liberté, d'égalité, et de fraternité.

Liberté : c'est d'abord la liberté de choix. Souvenez-vous de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ! La contrainte du service obligatoire, comme celle de l'école, est là pour affranchir. L'égalité : c'est d'abord l'égalité des chances. Elle exige que la République embrasse l'ensemble des citoyens d'un même regard. Le service civique obligatoire et universel doit être le lieu de l'égalité dans l'initiation citoyenne. Fraternité : seule la mise en situation de la fraternité pourra, si l'on reste vigilant sur les exemptions, refonder une cohésion républicaine réelle. La France a besoin d'un renouveau, d'une adhésion profonde à ce qui est, demeure, et doit perdurer : la patrie des droit de l'Homme.

Je vous demande donc de voter ce texte et je vous invite à vous prononcer pour le principe d'un service civique obligatoire et universel, ainsi que pour l'obtention d'un rapport effectué par le Gouvernement, en concertation avec un comité de suivi constitué de parlementaires, pour en prévoir les modalités et le calendrier. Votons ensemble pour la République et le renouveau de la citoyenneté ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Claudine Lepage.  - Le service civique : tout le monde en parle depuis des années. Il y a même, depuis la crise des banlieues de l'automne 2005, consensus sur son principe même. Pourtant où en est-on treize ans après la fin du service militaire ? Pas bien loin...

II n'y a pas lieu de remettre en question la loi du 28 octobre 1997 qui a suspendu l'appel sous les drapeaux des jeunes Français. Le service militaire était devenu obsolète, inégalitaire et vécu comme une insupportable contrainte. Mais sa disparition a engendré un vide en termes de lien social, de sentiment d'appartenance à la communauté nationale et de brassage social et culturel. Et ce n'est pas la simple affirmation, dans la loi, du volontariat pour le service national universel qui pouvait combler cette lacune.

Dans ces conditions, dès mars 2000 est votée la loi sur le volontariat civil. En mars 2006, la loi sur l'égalité des chances donne un statut officiel au service volontaire civil et rassemble les différents dispositifs existants en matière de volontariat associatif. L'objectif était de parvenir à 50 000 jeunes volontaires... Pourtant, après trois années, ce service civil volontaire peine toujours à démarrer et, à ce jour, seuls moins de 4 000 jeunes ont été recrutés dans le cadre de ce dispositif.

Pourquoi un tel échec alors que 90 % des jeunes volontaires sont satisfaits de leur service civique et le recommanderaient à leurs proches ? La raison en est essentiellement budgétaire : au printemps 2008, il manquait 7 millions d'euros pour boucler le budget et, devant ce constat, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a demandé aux structures d'accueil de « cesser les recrutements de volontaires associatifs »... Dans ces conditions, comment s'étonner de l'immense insuffisance de la communication ?

L'essentiel du recrutement a en effet lieu par le bouche à oreille et aucune campagne de communication n'a été financée pour promouvoir ce service. Or, cette belle idée ne peut vivre que si l'État manifeste clairement sa volonté de la soutenir et, donc, s'engage financièrement. Monsieur le haut-commissaire, votre détermination nous rassure !

Mais plusieurs dizaines de textes qui ont eu pour objet la création d'un service civil sont restés lettre morte. Les deux candidats à l'élection présidentielle de 2007 se sont aussi prononcés en faveur de ce service civique. Il est donc grand temps d'agir. Agissons donc, mais agissons bien !

L'exposé des motifs du texte que nous examinons aujourd'hui précise que le dispositif proposé, « basé sur le volontariat », constituerait une transition, préalable à la création d'un service civique obligatoire. A titre personnel, je veux le croire.

Bien sûr, l'engagement volontaire est une belle idée mais -cessons de rêver- difficile à porter au sein de notre société de plus en plus individualiste. N'oublions pas que l'un des objectifs de la proposition de loi est la mixité sociale et culturelle et que cette réforme sera en partie manquée si nous n'atteignons pas cet objectif. Dans ces conditions, le dispositif ne doit pas être envisagé comme une voie de secours pour les jeunes en échec scolaire. Comment empêcher le glissement vers l'idée que le service civique n'est qu'une expérience de « sous-emploi » pour certains, alors que, pour d'autres, ceux qui ont le privilège de faire des études et, en plus, de pouvoir les interrompre, ce service sera perçu comme un « bénévolat » à la puissance deux ?

Le service civique doit aussi favoriser, et même souvent initier, un véritable brassage social. II doit donner l'occasion « d'aller voir ailleurs » et « avec d'autres ». Les inégalités, les distances entre les jeunes issus de milieux socio-économiques différents ne cessent de s'accroître et c'était justement l'une des vertus du service militaire que de permettre à chacun d'appréhender « l'autre » différemment, c'est-à-dire non plus seulement socialement mais humainement. Ce brassage sera d'autant plus facile que ce service aura un caractère obligatoire. Lors d'une seconde étape, il semble donc indispensable de prévoir une période de formation collective avec les jeunes qui sont sur des lieux de missions différents. On peut aussi réfléchir à la possibilité de subordonner l'agrément à l'obligation, pour les organismes, d'accueillir au moins trois jeunes aux parcours scolaires différents.

Cette mobilité géographique, parce qu'elle peut engendrer des remises en question salutaires, serait positive dans la construction de notre jeunesse. Dans cette optique, je souhaite aussi évoquer ici le service civique à l'étranger. En qualité de sénatrice des Français de l'étranger, et comme l'avait déjà bien marqué notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga lors de la discussion du texte sur le contrat de volontariat de solidarité internationale, je suis sensible à l'enrichissement qu'apporte un séjour à l'étranger. La proposition de loi prévoit cette possibilité.

Mais la simple « possibilité » de percevoir une indemnité supplémentaire est insuffisante. Les frais engendrés sont plus élevés à l'étranger. Et, ici, l'idéal de mixité sociale s'éloigne encore davantage ! L'affectation à l'étranger, si elle n'est pas plus encouragée, ne bénéficiera qu'à « ceux qui savent », c'est-à-dire aux jeunes qui déjà ont la possibilité de partir loin de leur famille, que ce soit dans le cadre de séjour linguistique, d'Erasmus ou de Volontariat international en entreprise (VIE).

Pourquoi ne pas promouvoir un dispositif européen de service civique, permettant aux jeunes de tous les pays d'Europe d'effectuer leur service dans un autre pays avec l'assurance d'un brassage tant social que culturel ? Cela favoriserait, en outre, l'apparition d'une véritable citoyenneté européenne.

La création d'un service civique est très positive. Il serait dommage de manquer cette occasion et nous n'avons pas droit à l'erreur. Alors, mettons tout en oeuvre pour que ce texte tienne ses promesses et que le service civique soit réellement une occasion unique pour les jeunes de consacrer un moment de leur vie à la société et d'être utiles à cette société qui les stigmatise si souvent. (Applaudissements à droite et au centre et sur les bancs socialistes)

M. Christian Poncelet.  - En ce début du XXIe siècle, la conscience citoyenne, qui fut à la source de notre République, est menacée par la montée de l'individualisme et de l'incivisme. La multiplication des incidents et des incivilités dans les banlieues montre bien que la société française est affaiblie par de nombreuses fractures.

Je me réjouis de la création du service civil volontaire qui vise à redonner à nos jeunes concitoyens le sens de l'intérêt général et le respect de la collectivité. La proposition de loi offre aux jeunes la possibilité de se rencontrer et de se connaître, dans la richesse et la diversité de leurs différences. Ce service civique leur offrira la possibilité de s'investir dans une cause collective, au service de l'intérêt général, de découvrir ainsi de nouveaux intérêts, voire d'acquérir une formation.

Cependant, j'aurais souhaité que ce service civique soit obligatoire. En 1997, le service militaire a été supprimé après que le Président de la République eut décidé de professionnaliser les armées. Le service militaire était devenu inadapté aux besoins de la France et il retardait d'une année l'entrée sur le marché de l'emploi pour des dizaines de milliers de jeunes. Mais il possédait des vertus évidentes : c'était un moule parfait d'intégration, il permettait à de nombreux jeunes d'en rencontrer d'autres, différents d'eux par l'origine et l'expérience. Il leur offrait la possibilité de connaître une discipline et la vie en collectivité.

Au-delà de ce brassage social et culturel, il contribua à la cohésion nationale parce qu'il s'y transmettait les valeurs de la République où civisme et patriotisme intimement liés n'ont rien à voir avec un nationalisme dont l'Europe sait ce qu'il lui a valu. Je rappellerai à cet égard le mot de Romain Gary : « le patriotisme, c'est l'amour des siens, le nationalisme c'est la haine des autres ». Du temps du service militaire, civisme et patriotisme nous rassemblaient par-delà nos différences. C'est pourquoi, à l'époque, j'ai proposé de remplacer le service militaire par un service civique obligatoire mais je me suis heurté à beaucoup d'oppositions et d'incompréhension.

M. Yannick Bodin.  - Celle de Chirac d'abord !

M. Christian Poncelet.  - Relisez le Journal officiel ! On m'a même reproché de vouloir recréer les chantiers de jeunesse du maréchal Pétain !

Et cela fut même repris par les médias en première page...

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Quelle horreur !

M. Christian Poncelet.  - Les esprits ont évolué depuis, je m'en réjouis. C'est un grand tort d'avoir raison trop tôt, avait coutume de dire Edgar Faure... Aujourd'hui, selon un sondage Sofres de mars 2006, 91 % des Français, et 86 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans, approuvent l'idée d'un service civique obligatoire. L'aide aux personnes âgées, isolées, exclues y apparaît comme la meilleure façon d'exprimer une fraternelle dignité. Selon Saint-Exupéry, « tout acte est prière, s'il est don de soi ». L'environnement, le patrimoine, le soutien scolaire, la protection civile, la défense sont également des champs d'application fréquemment cités. D'autres sondages ont montré qu'il existe chez les jeunes un réel besoin d'engagement pour une cause collective.

Reste qu'en retenant le principe du volontariat, nous permettrons seulement à des jeunes qui sont déjà motivés de se rassembler. Pour les autres, rien n'est prévu, alors les élus constatent chaque jour la situation dans laquelle se trouve une partie de la jeunesse, hors de l'école, désoeuvrée et en perte de repères. Le service civique obligatoire pourrait se définir comme le temps que chaque citoyen donne à la communauté au nom des valeurs du contrat social et républicain. Les citoyens ont, certes des droits, mais également des devoirs. Et, ajouterons-nous, pour exiger le respect de leurs droits, ils doivent d'abord accomplir leurs devoirs. Nombreux sont les domaines, de l'humanitaire aux services sociaux et de santé, où pourra se réaliser ce service civique. Si l'on veut prendre sa part de vie collective, les sujets ne manquent pas !

On m'opposera le coût de ce service civique obligatoire, mais ne mesurons-nous pas chaque jour le prix de l'incivisme ? En fait, il s'agit d'une question de volonté politique -cette volonté qui s'exprime aujourd'hui au Sénat. Si la réforme est jugée prioritaire, des crédits seront débloqués. Nous financions le service militaire, nous devrions pouvoir assumer un service civique. A défaut, il faudra admettre que la France n'a plus les moyens d'éduquer sa jeunesse !

Cette proposition de loi constitue une première étape. Le volontariat civique proposé vient remédier aux insuffisances du service civil, instauré en 2006, en matière de souplesse et d'information. Il permettra d'évaluer les besoins avant la création d'un service civique obligatoire, seul capable de mobiliser tous les jeunes, j'y insiste, autour des valeurs de la République : liberté, égalité et fraternité ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

Mme Maryvonne Blondin.  - La France peine à faire fructifier son « atout jeunes », pour reprendre le titre du rapport d'information de la mission d'information du Sénat. Après le débat du 10 juin dernier, ce texte vise à substituer un service civique simple et incitatif au service civil volontaire, instauré en 2006, qui souffrait d'un manque de visibilité, de la complexité des procédures et d'un déficit évident d'information et de communication, mais aussi, et le groupe socialiste l'avait souligné dans sa contribution, d'une insuffisance de moyens. En ces temps d'individualisme croissant et de méfiance envers notre jeunesse, nous devons répondre à l'attente de ces nombreux jeunes qui ont exprimé en audition les difficultés qu'ils rencontrent pour concrétiser leur volonté de se rendre utiles. Le service civique, qui rassemble les différents volontariats existants dans un cadre commun, va donc dans la bonne direction. Nos jeunes représentent un réservoir de compétences et de savoir-faire souvent sous-estimés, qui ne demandent qu'à s'exprimer. En outre, le service civique, en donnant la possibilité de travailler aux côtés de personnes malades et de découvrir un environnement social et culturel différent, participera à la lutte contre la tendance au repli sur soi et à l'intolérance si caractéristique de notre société.

Mais, pour aussi enrichissant qu'il soit, ce service civique ne doit en aucun cas desservir le jeune en constituant un obstacle supplémentaire dans un parcours professionnel déjà parsemé d'embûches. Nous ne voulons pas d'un service civique au rabais, qui serait synonyme de main-d'oeuvre bon marché pour des associations en manque de salariés. Par nos amendements, nous demanderons donc que l'indemnité de service civique couvre l'ensemble des frais du volontaire et que soit fixé, par parallélisme avec la proposition de la commission de prévoir son montant maximal, son montant minimal. Le service civique doit également être valorisé, et son apport en terme de compétences et de formation officiellement reconnu. Là est toute l'importance de l'attestation d'engagement de service civique qui sera délivrée par l'État et de la prise en compte des compétences acquises, qu'il faudra renforcer, selon nous, en prévoyant un dispositif dérogatoire pour que le service civique entre dans le champ de la validation des acquis de l'expérience. Nous devons veiller à ce que le service civique devienne partie intégrante de la formation professionnelle. A cet égard, je tenais à souligner le caractère hautement formateur des engagements de service civique effectués à l'étranger par le biais des volontariats de solidarité internationale et leur complémentarité avec le dispositif des volontariats internationaux d'échange et de solidarité qui sera mis en oeuvre en janvier 2010 par le secrétariat à la francophonie. La dimension civique et citoyenne du volontariat doit être constamment reconnue et valorisée. Comment pourrait-il en être autrement ? Le volontariat associatif est une expérience unique au service de l'autre, qui apporte une meilleure connaissance de soi. Les jeunes y acquièrent des savoir-faire, mais aussi des savoir-être. En quelque sorte, c'est une école de vie in nuce qui donne tout son sens aux valeurs républicaines de tolérance, de laïcité et de fraternité.

La volonté citoyenne de nos jeunes est réelle, elle ne demande qu'à s'exprimer... A nous de faire en sorte que ce soit dans les meilleures conditions pour que le service civique soit source d'épanouissement personnel et d'insertion professionnelle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Serge Dassault.  - (Marques d'ironie sur les bancs socialistes) L'amendement que je vous propose...

Voix sur les bancs socialistes.  - Au boulot les jeunes !

M. Serge Dassault.  - ...est moins directif que celui de Mlle Joissains : je propose un service civique obligatoire pour les jeunes garçons de 18 ans...

M. Daniel Raoul.  - Et les filles ?

Voix sur les bancs de l'UMP.  - Et la mixité ?

M. Serge Dassault.  - ...qui n'exercent aucune activité professionnelle. Ces jeunes ne cherchent pas à travailler, ils ne font rien et deviennent rapidement de véritables délinquants vivant de trafics, comme celui de la drogue.

Quand le service militaire existait encore, les jeunes sortaient au moins de leur quartier et de l'inactivité pour connaître une nouvelle vie. Mais depuis qu'il a été suspendu, on ne s'occupe plus d'eux. Le service civique n'a de sens qu'obligatoire : s'il est facultatif, il ne sert à rien. Voyez l'échec du service civil de 2006. Lors du débat sur la loi de prévention de la délinquance, j'ai à nouveau réclamé un service civil obligatoire. En vain. Et ce qui a été mis en place n'a servi à rien. La délinquance et l'insécurité sont dues à l'inactivité des jeunes, elle-même résultat du manque de formation professionnelle, car l'éducation nationale n'a pas été capable de proposer un enseignement professionnel dès 14 ans.

M. Daniel Raoul.  - Ah !

M. Serge Dassault.  - Si l'obligation scolaire, intégrant une formation professionnelle, était portée de 16 à 18 ans, tout serait réglé. Car les délinquants seraient au travail. (Murmures sur les bancs socialistes) C'est le collège unique qui est responsable du chômage et de la délinquance des jeunes. On veut malgré tout le préserver et l'on dépense pour lui des milliards d'euros qui seraient mieux employés ailleurs. Débarrassons-nous de ce collège unique si néfaste, créé il n'y a pas si longtemps, sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, par M. Haby. Avant, tout allait beaucoup mieux ! Un enseignement professionnel pour les enfants de 14 ans qui ne sont pas doués pour les diplômes, il faudra bien y arriver.

Monsieur le haut-commissaire, si vous ne retenez pas l'amendement Joissains, retenez au moins le mien, appliquez le service obligatoire mais pour les garçons uniquement, (marques d'étonnement) car les filles n'en ont pas besoin, elles ne posent aucun problème. (Rires) Ce sont les garçons qui, lorsqu'ils ne font rien, sont dangereux et empoisonnent la vie de nos communes et de nos quartiers. Pour résorber l'insécurité, les forces de police ne suffiront jamais, ni la police, il faut de la formation. (On approuve à gauche) Apprenez à ces garçons, perdus dans ce qu'ils appellent leur « galère », à travailler. Seule l'obligation de formation conduira à la réinsertion dans une vie normale. Pensez à ces jeunes, ne les abandonnez pas ! J'en ai beaucoup dans ma commune, aux Tarterêts ou ailleurs. Je les connais et je leur parle, ils veulent que l'on s'occupe d'eux, ils sont perdus. Ils tournent en rond, ils sont pris par la drogue. Il faut les occuper et s'en occuper. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Charles Gautier.  - Au moins, c'était original.

Mme Maryvonne Blondin.  - Les filles resteront à la maison !

M. Jean-Paul Alduy.  - Je veux moi aussi remercier M. Collin ainsi que le rapporteur et le haut-commissaire. Ils mettent toute leur énergie dans un débat qui demain deviendra action concrète. Par rapport au service civil de 2006, qui fut un échec, les avancées sont nombreuses : indemnisation, accompagnement rémunéré, simplification des procédures d'agrément, validation des acquis et surtout, engagement de M. Hirsch à trouver un vrai budget, 40 millions d'euros aujourd'hui pour les 10 000 premiers volontaires mais 400 millions si l'on atteint l'objectif de 10 % de chaque classe d'âge. Cependant, si l'on trouve 3,5 milliards d'euros pour réduire la TVA sur la restauration, on doit bien pouvoir réussir à en dégager 400 millions pour sauver nos jeunes ! (Marques d'approbation) Je voterai sans états d'âme la proposition de loi.

C'est dans les quartiers éligibles à la politique de la ville que la réhabilitation du volontariat est le plus nécessaire. Il y a un élan de générosité et, dépassant la consommation, le souci du don. Or je crains que la loi, dans ces quartiers, ait moins de succès qu'ailleurs. Il serait bon par conséquent, dans les prochains contrats urbains de cohésion sociale, ceux de la période 2011-2014, que les préfets et les collectivités locales déterminent les associations susceptibles d'apporter un accompagnement solide et d'inclure des objectifs précis. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mlle Sophie Joissains.  - Très bien !

M. Jean-Paul Alduy.  - Je comprends le service civique comme un moyen de réhabilitation du volontariat...

M. Charles Gautier.  - Bien sûr.

M. Jean-Paul Alduy.  - ...et non comme un ersatz de service civil obligatoire.

M. Charles Gautier.  - M. Dassault est d'un autre avis !

M. Jean-Paul Alduy.  - Le volontariat est une valeur fondamentale de notre société. A mon sens, présenter ce service civil comme une petite étape vers le grand service civil obligatoire pollue la proposition de loi. Cela est contre-productif. Restons modestes. Ne répétons pas l'échec passé. L'objectif de 10 % d'une classe d'âge est déjà très ambitieux. Répondons déjà au besoin d'engagement des jeunes, sans prétendre régler tous les problèmes, lacunes de la formation professionnelle, délinquance, etc. Cela dit, je voterai ce texte sans états d'âme. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Les orateurs ont apporté des éclairages complémentaires. Vous avez fait tous progresser le débat, comme en juin dernier, et vous avez placé la barre très haut. Vous demandez au Gouvernement des garanties, si la proposition de loi prospère. Je veux bien vous les donner. M. Voguet s'inquiète de l'ouverture du service civil aux jeunes de 16 ans. Mais les volontariats associatifs le sont déjà, nous en tenons compte. Ne voyez pas là une réponse au décrochage scolaire, auquel nous apportons d'autres solutions. Ne diabolisez pas notre démarche. Un passage par le service civique peut du reste amener des jeunes à reprendre des études ensuite.

M. Voguet s'est également interrogé sur la constitutionnalité de la proposition, dont les dispositions augmentent les dépenses publiques.

Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit un budget de 40 millions ; c'est pourquoi je lève le gage.

Madame Morin-Desailly, je retiens votre idée de coopération avec les pays qui, comme l'Italie ou l'Allemagne, ont instauré ce système avec succès. L'organisme en charge du service civique devra mettre en place des échanges et préparer 2011, année européenne du volontariat.

Monsieur Bodin, le service civique devra être un atout pour le jeune. Parmi les avancées figure l'obligation pour les établissements d'enseignement supérieur de prévoir une équivalence en crédits académiques et de dégager des semestres pour permettre aux étudiants d'effectuer un service civique. C'est un moyen de valoriser cette période d'engagement -nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

M. Fortassin a parlé de l'esprit civique et proposé que le service civique soit ouvert aux jeunes qui auraient eu maille à partir avec la justice. Nous souhaitons avant tout qu'il joue un rôle de prévention : la journée d'appel de préparation à la défense sera une occasion de sensibilisation, et les enseignements à la vie collective seront rappelés dès les premiers jours du service civique.

Mlle Joissains et le président Poncelet ont souhaité que ce texte soit une étape vers l'instauration d'un service civique obligatoire, et il y a eu une pétition en ce sens. Ce n'est pas par pingrerie que nous ne proposons pas un dispositif obligatoire. Il faut d'abord que la première étape soit réussie, qu'elle suscite une envie, un désir, un besoin de service civique. Nous ne fermons aucune porte, nous ne préjugeons pas de la suite. Comme l'a dit M. Alduy, imposer d'emblée un service obligatoire risquerait de démobiliser les acteurs, collectivités territoriales ou associations. (Marques d'approbation à gauche) Le plus difficile n'est pas l'aspect budgétaire ou juridique, mais la définition des missions et l'encadrement. Si les premiers volontaires montrent l'exemple aux suivants, ce sera un succès ; s'ils sont perçus comme les cobayes d'un service civique obligatoire purement occupationnel, le système calera.

Nous ne bottons pas en touche ; nous croyons à la capacité de construire ces missions.

M. Christian Poncelet.  - Vous nous donnez donc rendez-vous ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous vous rendrons compte.

Madame Lepage, le brassage, le vivre-ensemble, le mélange, pratiqués par de nombreuses associations, seront des marques de réussite. Le service civique concernera autant ceux qui réussissent leurs études que ceux auxquels la société ne fait pas confiance, et qui y trouveront le moyen de reprendre confiance en eux.

Mme Blondin a souligné la complexité des différents statuts actuels de volontaires : ce texte opère une salutaire simplification.

Monsieur Dassault, la mixité entre garçons et filles a été un facteur du succès du dispositif en Italie. (Marques d'approbation à gauche) Nous proposerons une obligation de formation pour les 16-18 ans : aucun jeune ne sera laissé sur le bord du chemin, comme s'y est engagé le Président de la République le 29 septembre, à la suite de la mission Le Texier-Demuynck et du Livre vert sur la jeunesse.

Monsieur Alduy, trois fois oui à l'intégration dans les contrats urbains de cohésion sociale de l'agrément des associations. Il faudra aller chercher les jeunes qui n'auraient pas spontanément pensé à cet engagement.

Avec ce texte, le président Collin propose un service civique civil, à vocation universelle, qui marque l'attachement à la Nation. Faire défiler les volontaires le 14 juillet serait le meilleur signe envoyé à la Nation d'un engagement citoyen, pacifique et passionné ! (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La cohésion sociale et républicaine bénéficie d'un investissement important de l'État. La mise en oeuvre de cette politique publique se fait dans le cadre d'un plan de relance pour la cohésion sociale et républicaine, et s'attache à ce que le service civique, obligatoire et universel, en soit l'un des piliers à travers une mise en place dès 2012 pour toute personne âgée de moins de 25 ans.

Mlle Sophie Joissains.  - Cet amendement, comme les amendements nos2 rectifié bis et 3 rectifié, propose de rendre le service civique obligatoire au bout de quelques années. Le haut-commissaire nous demande de laisser au dispositif la chance de se mettre en place... Soit. Je maintiens toutefois ma demande d'un rapport du Gouvernement au 31 décembre 2010 et d'un comité de suivi chargé d'améliorer le système. Je crois au caractère obligatoire, et je ne suis pas convaincue par le dispositif, mais la ferveur du haut-commissaire m'impressionne ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Sous-amendement n°48 rectifié à l'amendement n°1 rectifié de Mlle Joissains, présenté par M. Dassault.

Alinéa 2 de l'amendement n° 1, seconde phrase

À la fin de cette phrase, remplacer les mots :

toute personne âgée de moins de 25 ans

par les mots :

tous les garçons inactifs, n'ayant suivi aucune formation professionnelle et âgés d'au moins 18 ans

M. Serge Dassault.  - J'invite le haut-commissaire à venir à Corbeil rencontrer ces jeunes de 18 ans qui traînent dans la rue à longueur de journée, et à leur proposer un service civique volontaire : vous verrez ce qu'ils vous répondront.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La défense de la cohésion sociale et républicaine française est portée au niveau des besoins correspondants et nécessaires à son maintien et son amplification par la création d'un service civique obligatoire et universel, applicable de manière progressive et par tranches d'âge, selon des modalités juridiques contraignantes précisées avant l'année 2012, où il s'applique à toute personne âgée de moins de 25 ans.

Mlle Sophie Joissains.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. J. Gautier, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant, après consultation des organismes, institutions et partenaires, l'état des lieux de la politique française en matière de cohésion sociale et républicaines, et le rôle qu'un service civique obligatoire et universel peut jouer dans sa préservation et son développement, à travers notamment l'analyse des coûts sociaux et économiques. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations et un calendrier propice à l'amélioration de la présente loi.

Un comité de suivi composé de députés et de sénateurs, désignés par leur assemblée respective, formule des recommandations et peut se prononcer sur les préconisations de ce rapport.

Mlle Sophie Joissains.  - Il est défendu.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Ces amendements ont le mérite d'engager le débat sur le service civique obligatoire. Je n'y suis pas favorable : il ne me paraît pas souhaitable qu'un jeune s'engage au service de la Nation sous la contrainte. Se posent également des problèmes techniques, à commencer par le coût, estimé à 3 milliards.

Il faudrait ensuite trouver 700 000 tâches, ce qui n'a rien d'évident, des tâches qui risquent en outre de concurrencer les contrats de droit commun. Et quelle sanction imposera-t-on à ceux qui refuseront ? Comment les associations feront-elles pour contraindre ceux qui se résigneront à s'investir pour l'intérêt général ? Sans compter que les volontaires rechigneront peut-être si le service devient obligatoire...

C'est un autre débat. Celui d'aujourd'hui est porté par le Sénat, par sa mission d'information, par le groupe RDSE. La proposition de loi est bonne, la commission a travaillé, le Gouvernement met 40 millions d'euros sur la table, une somme considérable en cette période de difficulté budgétaire. Pour le reste, nous verrons plus tard...

Avis défavorable aux amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis ainsi qu'au sous-amendement n°48 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°3 rectifié.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Ne perdons pas de vue l'objectif que nous poursuivons. L'idée de donner du temps à la Nation et aux autres me parle. J'ai eu la chance d'effectuer mon service national en coopération ; je sais ce que cela m'a apporté et j'ai toujours souhaité que la même opportunité soit offerte à d'autres. Je dis « offerte » : je ne crois pas à la contrainte. Ne devons-nous pas d'abord faire en sorte qu'un maximum de garçons et de filles trouvent en eux-mêmes le désir de se mettre au service des autres ? Si nous y parvenons, il faudra que le Gouvernement puisse répondre dans de bonnes conditions à toutes les demandes de volontariat. Mais nous n'épuiserons pas le débat aujourd'hui. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Je souhaite le retrait des amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis et suis favorable au n°3 rectifié, avec l'ajout d'un comité de suivi qui pourra être mis en place dès la promulgation de la loi.

Je suis prêt à venir à Corbeil, monsieur Dassault, voir comment proposer le volontariat à ces jeunes qu'on dit sans avenir, sans ambition ni envie. S'ils l'acceptent, ils pourront commencer dès janvier... Et je reviendrai devant le Sénat pour faire le point.

Hommage à une délégation parlementaire de Singapour

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence dans notre tribune d'une délégation de parlementaires de la République de Singapour, conduite par M. Zainudin Nordin. Cette délégation est accompagnée par M. Miquel, président du groupe d'amitié France-Asie du sud-est et Mme Des Esgaulx, présidente déléguée pour Singapour.

Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'ils portent à notre institution. An nom du Sénat de la République, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos deux pays. (Applaudissements)

Service civique (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Les amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis sont retirés.

Le sous-amendement n°48 rectifié devient sans objet.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Je suggère que l'amendement n°3 rectifié soit modifié pour faire référence au 31 décembre 2010.

Mlle Sophie Joissains.  - Et pour ajouter un paragraphe qui dirait : « un comité de suivi, composé notamment de parlementaires, est créé ». (M. le rapporteur donne son accord)

M. le président.  - Il s'agira de l'amendement n°3 rectifié bis.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Plusieurs membres de mon groupe ont cosigné les amendements présentés par Mme Joissains, parce que ne voulons pas écarter la question du service civique obligatoire. Nous convenons toutefois de la difficulté à mettre en place un dispositif qui ne doit rien, monsieur Alduy, à la nostalgie. Expérimentons donc le service civique volontaire, et nous ferons un point régulier grâce au comité de suivi.

L'amendement n°3 rectifié bis est adopté ; l'article additionnel est inséré.

L'article premier A est adopté.

Article premier B (nouveau)

Aux articles L. 111-2 et L. 113-3, dans l'intitulé du chapitre IV du titre 1er du livre Ier, aux articles L. 114-2 à L. 114-12 et L. 130-1 du même code, les mots : « appel de préparation à la défense » sont remplacés par les mots : « appel de préparation au service national ».

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

À la fin de cet article

Remplacer les mots :

« appel de préparation au service national »

par les mots :

« appel de préparation à la défense et au service national »

M. Jean-François Voguet.  - Nous sommes favorables au maintien du lien entre l'armée et la Nation, entre l'armée et la jeunesse. La référence à la défense doit être maintenue. Nous pensons en outre que la proposition de loi crée, non pas un service national, mais un nouveau type de contrat.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable, la préparation à la défense est partie intégrante du service national comme des autres formes de services civils.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Sagesse.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article premier B est adopté.

Les articles premier, 2, 3 et 3 bis sont adoptés.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon et César, Mme Descamps, MM. P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat et MM. de Montgolfier, Portelli et Nègre.

Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'organisme chargé du service civique, tant dans ses modalités financières, qu'administratives et politiques, est rattaché directement au Premier ministre.

Mlle Sophie Joissains.  - Cet amendement est inspiré par le système italien. Le service civique est en effet au confluent de plusieurs thématiques, le sport, la culture, la défense...

Il appartient au Gouvernement d'organiser ses services...

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Selon la commission, le service civique devrait être rattaché au ministère de la jeunesse, mais le Gouvernement est libre de répartir les compétences entre les ministres.

Nous examinerons tout à l'heure un amendement sur la gestion du service civique.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Même avis.

L'amendement n°39 rectifié est retiré.

Article 4

Après le titre Ier du livre Ier du code du service national, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

« TITRE IER BIS

« DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE CIVIQUE

« CHAPITRE UNIQUE

DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE CIVIQUE

« SECTION 1

« DISPOSITIONS GÉNÉRALES

« Art. L. 120-1.  - Toute personne remplissant les conditions mentionnées à la section 2 peut souscrire avec un organisme sans but lucratif de droit français ou une personne morale de droit public agréés dans les conditions prévues à la section 6 un engagement de service civique.

« SECTION 2

« LES CONDITIONS RELATIVES À LA PERSONNE VOLONTAIRE

« Art. L. 120-2.  - La personne volontaire doit posséder la nationalité française, celle d'un État membre de l'Union européenne, celle d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou justifier d'une résidence régulière et continue de plus de trois ans en France.

« La condition de durée de résidence ne s'applique pas lorsque la personne volontaire est bénéficiaire d'un contrat d'accueil et d'intégration tel que défini à l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

« Une visite médicale préalable est obligatoire.

« Art. L. 120-3.  -   La personne volontaire est âgée de plus de seize ans.

« Pour les personnes âgées de moins de dix-huit ans, une autorisation parentale est exigée.

« Les modalités particulières d'accueil du mineur sont fixées par décret.

« Art. L. 120-4.  - Supprimé

« Art. L. 120-5.  - Une personne ne peut réaliser son engagement de service civique dans un organisme dont il est salarié ou au sein duquel il détient un mandat de dirigeant bénévole.

« SECTION 3

« L'ENGAGEMENT DE SERVICE CIVIQUE

« Art. L. 120-6.  -  L'engagement de service civique est un contrat écrit qui organise une collaboration désintéressée et exclusive de tout lien de subordination entre l'un des organismes ou l'une des personnes morales agréés mentionnés à l'article L. 120-1 et la personne volontaire.

« L'engagement de service civique ne relève pas des règles du code du travail.

« Art. L. 120-7.  -  Les missions d'intérêt général susceptibles d'être accomplies dans le cadre d'un service civique doivent revêtir un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel.

« Ces missions sont précisées par voie réglementaire.

« Art. L. 120-8.  - L'engagement de service civique est conclu pour une durée de six à vingt quatre mois. Il peut se dérouler en complément d'études ou d'activité professionnelle assurée pour le compte de toute autre personne morale que l'organisme d'accueil dans lequel est effectuée la mission de service civique.

« Sauf dérogation accordée par l'État dans le cadre de la procédure d'agrément prévue à la section 4, l'accomplissement des missions afférentes à l'engagement de service civique représente en moyenne, sur la durée de l'engagement, au moins vingt-quatre heures par semaine.

« Art. L. 120-9.  -  Sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, le temps hebdomadaire passé à accomplir les missions afférentes à l'engagement de service civique ne peut dépasser quarante-huit heures par semaine, réparties au maximum sur six jours.

« Art. L. 120-10.  - Un engagement de service civique ne peut être souscrit auprès de l'un des organismes mentionnés à l'article L. 120-1 :

« 1° Lorsque les missions confiées à la personne volontaire ont été exercées par un salarié de l'organisme agréé ou de l'organisme d'accueil dont le contrat de travail a été rompu dans les six mois précédant la date d'effet d'engagement ;

« 2° Lorsque les missions confiées à la personne volontaire ont été exercées par un agent public moins de six mois avant la date d'effet d'engagement.

« Art. L. 120-11.  - La rupture de son contrat de travail, à l'initiative du salarié, aux fins de souscrire un engagement de service civique, ne peut avoir pour effet de le priver de ses droits à l'assurance chômage à l'issue de son service civique.

« Art. L. 120-12.  - Le versement des indemnités dues aux travailleurs privés d'emploi est suspendu à compter de la signature de l'engagement de service civique. Ni le montant ni la durée des allocations ne sont remis en cause et le versement des indemnités est repris au terme de l'engagement.

« Art. L. 120-13.  - Dans le cadre du projet d'intérêt général de l'organisme d'accueil, l'engagement de service civique mentionne les modalités d'exécution de la collaboration entre la personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 et la personne volontaire, et notamment la détermination ou le mode de détermination du lieu et du temps de sa collaboration ainsi que la nature ou le mode de détermination des tâches qu'elle accomplit.

« Art. L. 120-14.  - Le régime des congés annuels est fixé par décret. Pendant la durée de ces congés, la personne volontaire perçoit la totalité des indemnités mentionnées à la section 4.

« Art. L. 120-15.  -  Dans des conditions prévues par décret, la personne morale agréée assure à la personne volontaire, notamment à travers la désignation d'un tuteur :

- une phase de préparation aux missions qui lui sont confiées, au cours de laquelle il est précisé le caractère civique de celles-ci ;

- une formation citoyenne ;

- et un accompagnement dans la réalisation de sa mission et dans sa réflexion sur son projet d'avenir.

« Art. L. 120-16.  -  La personne volontaire est soumise aux règles des services de la personne morale agréée auprès de laquelle elle accomplit son volontariat. Elle est tenue à la discrétion pour les faits et informations dont elle a connaissance dans l'exercice de ses activités. Elle est tenue également aux obligations de convenance et de réserve inhérentes à ses fonctions.

« Art. L. 120-17.  - Il peut être mis fin de façon anticipée à un engagement de service civique sans délai en cas de force majeure, de faute grave d'une des parties, et moyennant un préavis d'au moins un mois dans tous les autres cas.

« Art. L. 120-18.  - L'État délivre à la personne volontaire, à l'issue de sa mission, une attestation de son engagement de service civique et un document qui décrit les activités exercées et recense les aptitudes, les connaissances et les compétences acquises pendant la durée du service civique. Si la personne volontaire le souhaite, ce document est intégré à son livret de compétences mentionné à l'article 11 de la loi n°  du relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie et à son passeport orientation et formation mentionné à l'article L. 6315-2 du code du travail.

« Selon des conditions, notamment de durée d'engagement et de formation, prévues par décret, cette attestation peut être délivrée dans les formes prévues à l'article L. 120-31 pour une activité bénévole d'une durée minimale de 624 heures s'inscrivant dans le cadre d'une mission d'intérêt général prévue à l'article L. 121-7, auprès d'un organisme sans but lucratif de droit français agréé.

« Le service civique est valorisé dans les cursus des établissements d'enseignement supérieur selon des modalités fixées par décret.

« L'ensemble des compétences acquises dans l'exécution d'un engagement de service civique en rapport direct avec le contenu d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification est pris en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience dans les conditions prévues aux articles L. 335-5 et L. 613-3 du code de l'éducation et L. 6411-1 et suivants du code du travail.

« SECTION 4

« INDEMNITÉ

« Art. L. 120-19.  -  Une indemnité est versée par la personne morale agréée à la personne volontaire.

« Son montant et les conditions de son versement sont prévus par l'engagement de service civique.

« Le montant maximum de cette indemnité est fixé par décret.

« Art. L. 120-20.  - Les personnes volontaires peuvent également percevoir les prestations nécessaires à leur subsistance, leur équipement et leur logement.

« Ces prestations doivent rester proportionnées aux missions confiées aux volontaires.

« Art. L. 120-21.  - Lorsqu'elle est affectée hors du territoire métropolitain, la personne ayant souscrit un engagement de service civique peut percevoir des prestations servies notamment sous forme d'une indemnité supplémentaire, dont le montant est fixé à un taux uniforme, pour chacun des pays ou régions de ces pays ou zones géographiques.

« Celle résidant dans un département d'outre-mer ou une collectivité d'outre-mer et affectée sur le territoire métropolitain peut recevoir des prestations servies notamment sous forme d'une indemnité supplémentaire, dont le montant est fixé à un taux uniforme.

« Art. L. 120-22.  - Les indemnités et les prestations mentionnées à la présente section n'ont pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération.

« Elles ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu et sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

« Elles ne sont pas prises en compte pour la détermination des droits de l'aide à l'enfance, de l'aide à la famille, de l'allocation personnalisée d'autonomie, de l'aide à domicile et au placement, du revenu de solidarité active, de l'allocation de logement familiale ou sociale, de l'aide personnalisée au logement, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

« Art. L. 120-23.  - La personne volontaire effectuant un engagement de service civique en France peut bénéficier de titres-repas pour lui permettre d'acquitter en tout ou partie le prix de repas consommés au restaurant ou préparés par un restaurateur.

« La personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 autre que l'État contribue à l'acquisition des titres-repas du volontaire à concurrence de leur valeur libératoire, dont le montant correspond à la limite fixée par le 19° de l'article 81 du code général des impôts.

« La contribution de l'organisme ou la personne morale de droit public agréés au financement des titres-repas de la personne volontaire est exonérée de toutes charges fiscales, cotisations et contributions sociales. L'avantage qui résulte de cette contribution, pour la personne volontaire, n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu.

« Art. L. 120-24.  - Le bénéfice de ces dispositions est maintenu durant la période de volontariat au profit du volontaire en cas de congé de maladie, de maternité ou d'adoption, ou d'incapacité temporaire liée à un accident imputable au service ou à une maladie professionnelle.

« Art. L. 120-25.  - Les conditions d'application de la présente section sont fixées par décret.

« SECTION 5

« PROTECTION SOCIALE

« Art. L. 120-26.  - Lorsque le service civique est effectué en métropole ou dans un département d'outre-mer, la personne volontaire est affiliée obligatoirement aux assurances sociales du régime général en application du 28° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et bénéficie des dispositions du livre IV du même code en application du 13° de l'article L. 412-8 dudit code.

« Art. L. 120-27.  -  Lorsque le service est accompli en France, la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail et maladies professionnelles, est assurée par le versement, par l'organisme ou la personne morale de droit public agréés, de cotisations forfaitaires fixées par décret dont les montants sont modulés à raison du nombre d'heures consacrées chaque mois aux missions accomplies dans le cadre du service.

« La personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 assure à la personne volontaire affectée dans un département d'outre-mer le bénéfice d'une couverture complémentaire pour les risques précités, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps. Le ministre chargé de l'outre-mer fixe par arrêté les modalités de cette couverture.

« Art. L. 120-28.  - La personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 assure au volontaire affecté à l'étranger, pour lui-même et ses ayants droit et sous réserve des engagements européens et internationaux de la France, le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité, invalidité et des prestations accidents du travail et maladies professionnelles, d'un niveau au moins égal à celles mentionnées à l'article L. 120-27.

« La personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 assure à la personne volontaire affectée à l'étranger, pour lui-même et ses ayants droit et sous réserve des engagements européens et internationaux de la France, le bénéfice d'une couverture complémentaire pour les risques précités, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps.

« Art. L. 120-29.  - La couverture du risque vieillesse est assurée dans les conditions prévues à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Les personnes volontaires ne sont pas soumises, au titre de leur engagement de service civique, à l'obligation d'affiliation mentionnée à l'article L. 921-1 du même code.

« Les cotisations à la charge de l'organisme d'accueil et de la personne volontaire sont dues par la personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 du présent code. Ce versement ne peut être inférieur à un montant fixé par décret.

« L'État prend à sa charge, dans des conditions fixées par décret, le versement des cotisations complémentaires nécessaires pour valider auprès du régime général un nombre de trimestres correspondant à la durée du service civique.

« Art. L. 120-30.  - La personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 assume, à l'égard de la personne volontaire, les obligations de l'employeur en matière d'affiliation, de paiement et de déclaration des cotisations et contributions de sécurité sociale.

« SECTION 6

« AGRÉMENT

« Art. L. 120-31.  - L'agrément prévu au deuxième alinéa ne peut être délivré qu'à des organismes sans but lucratif de droit français ou des personnes morales de droit public.

« Ces personnes morales sont agréées par l'État ou une personne morale de droit public qu'il aurait désignée à cet effet, pour une durée déterminée, au vu notamment des motifs de recours au volontariat, de la nature des missions confiées aux personnes volontaires, de l'âge des personnes volontaires et de leur capacité à assurer l'accompagnement et la prise en charge des personnes volontaires.

« Un décret fixe les conditions d'octroi et de retrait de cet agrément.

« SECTION 7

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. L. 120-32.  - L'engagement de service civique souscrit auprès d'un organisme sans but lucratif de droit français agréé peut prévoir la mise à disposition de la personne volontaire, aux fins d'accomplissement de son service, auprès d'une ou plusieurs personnes morales tierces non agréées, mais qui remplissent les conditions d'agrément prévues au premier alinéa de l'article L. 120-31.

« Dans ce cas, l'engagement de service civique mentionne les modalités d'exécution de la collaboration entre la personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31, la personne volontaire et la personne morale au sein de laquelle est réalisée la mission et notamment la détermination ou le mode de détermination du lieu et du temps de sa collaboration ainsi que la nature ou le mode de détermination des tâches qu'elle accomplit.

« Une convention est conclue entre la personne volontaire, la personne morale agréée en vertu de l'article L. 120-31 auprès de laquelle est souscrit l'engagement de service civique et la personne morale accueillant la personne volontaire.

« L'ensemble des prescriptions du présent titre est applicable au service civique accompli dans ces conditions.

« Cette opération est effectuée sans but lucratif.

« Art. L. 120-33.  - Pour l'accès à un emploi de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut défini par la loi ou le règlement, la limite d'âge est reculée d'un temps égal au temps effectif du service civique.

« Ce temps effectif est également pris en compte dans le calcul de l'ancienneté dans les fonctions publiques de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers et de la durée d'expérience professionnelle requise pour le bénéfice de la validation des acquis professionnels en vue de la délivrance d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou technologique ou d'un titre professionnel.

« Art. L. 120-34.  - Le présent titre est applicable sur l'ensemble du territoire de la République, sous réserve, pour les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises, des dispositions suivantes :

« 1° L'engagement de service civique peut être souscrit auprès de l'État ;

« 2° Une convention entre l'État, d'une part, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, d'autre part, fixe les conditions d'application du présent titre dans ces deux collectivités. Elle précise :

« a) Les conditions d'exonération d'imposition et de versement des taxes fiscales et sociales attachées à la perception de l'indemnité mensuelle et de l'indemnité supplémentaire ;

« b) Les conditions dans lesquelles les personnes volontaires affectées en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et leurs ayants droit bénéficient des prestations du régime local de sécurité sociale et de couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire et de rapatriement de corps lorsque l'engagement de service civique est accompli auprès d'un service de l'État ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association ;

« c) La prise en compte du temps du service accompli au titre du service civique par le régime de retraite de base ou spécial de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française auquel la personne volontaire est affiliée à titre obligatoire ou volontaire postérieurement à son service civique ;

« d) Les modalités d'adaptation de l'article L. 120-28 au regard des dispositions prévues par les b et c lorsqu'une personne volontaire engagée en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française est affectée à l'étranger ;

« e) Les conditions d'ancienneté et d'accès à un emploi relevant de la compétence de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie ou de ses provinces ainsi que de leurs établissements publics dont le personnel est soumis au statut réglementaire ;

« f) La prise en compte de l'expérience professionnelle acquise lors du service civique pour la délivrance d'un diplôme ou d'un titre professionnel par la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française ;

« g) Le cas échéant, les modalités de coordination lorsqu'une personne volontaire est affectée successivement en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française et dans une autre collectivité territoriale de la République.

« 2° bis (nouveau) Une convention entre l'État, d'une part, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et les îles Wallis-et-Futuna, d'autre part, fixe les conditions dans lesquelles l'indemnité mensuelle et l'indemnité supplémentaire prévues au présent titre sont exonérées d'imposition et de versement de taxes fiscales, parafiscales et sociales applicables localement.

« 2° ter (nouveau) Dans les Terres australes et antarctiques françaises, l'indemnité mensuelle et l'indemnité supplémentaire prévues au présent titre sont exonérées d'imposition et de versement de taxes fiscales, parafiscales et sociales applicables localement.

« 3° À Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, la protection sociale prévue au présent titre est assurée dans les conditions prévues par la réglementation applicable localement lorsque l'engagement de service civique est accompli auprès d'un service de l'État ou d'un organisme d'accueil public ou privé, y compris lorsqu'il s'agit d'une association. Lorsque l'organisme d'accueil assure à la personne volontaire une couverture complémentaire, notamment en cas d'hospitalisation ainsi que pour les risques d'évacuation sanitaire, de rapatriement sanitaire et de rapatriement de corps, le ministre chargé de l'outre-mer fixe par arrêté les modalités de cette couverture ainsi que les règles particulières lorsque la personne volontaire est affectée à l'étranger. La législation sur les accidents du travail est celle applicable localement.

« Art. L. 120-35.  -  Les litiges relatifs à un engagement de service civique relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

« Art. L. 120-36.  - Toute personne française âgée de seize à dix huit ans ayant conclu l'engagement de service civique mentionné à l'article L. 120-1 est réputée être inscrite dans un parcours lui permettant de préparer son entrée dans la vie active. »

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - La commission demande la réserve de l'amendement n°49 jusqu'après l'amendement n°50.

La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

trois ans

par les mots :

un an

Mme Claudine Lepage.  - Nous souhaitons retourner à la rédaction initiale de la proposition de loi, qui ouvrait l'accès au service civique même aux étrangers originaires ni de l'Union européenne, ni d'un État membre de l'espace économique européen, à condition qu'ils aient résidé pendant au moins un an sur le territoire français.

Un délai de trois ans reviendrait à une obligation de ne rien faire, peu conforme à l'intégration dans la société française. Le service civique permettra aux étrangers de se familiariser avec nos valeurs et de préparer leur avenir professionnel.

M. le président. - Amendement identique n°18, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Jean-François Voguet.  - Rétablir le délai d'un an est une question de justice.

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par M. Collin.

M. Yvon Collin.  - Il a déjà été défendu.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Ces arguments ont convaincu la commission et son rapporteur, qui sont favorables.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Avis très favorable.

Les amendements identiques nos4, 18 et 44 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 14

Remplacer les mots :

de plus de seize ans

par les mots :

de dix-huit à vingt-cinq ans

M. Jean-François Voguet.  - Il s'agit des conditions d'âge requises des candidats.

Très attaché à la scolarisation jusqu'à 18 ans, notre groupe ne veut pas que le service civique supplée à la défaillance du lycée. En outre, nous souhaitons que le dispositif reste spécifiquement destiné aux jeunes.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission souhaite vivement que le service civique soit accessible dès l'âge de 16 ans aux jeunes désoeuvrés, qui pourront être accompagnés et bénéficier d'un tutorat. Quelque 14 % des jeunes volontaires actuels du service civil sont issus des quartiers difficiles.

Quant à l'âge maximal, je rappelle que l'État ne verse aucune indemnisation après 25 ans.

M. Jean-François Voguet.  - Cela n'empêche pas une rémunération par l'association.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Ce dispositif unifie diverses formes existantes de volontariat, parfois utilisées par des adultes que nous ne voulons pas exclure.

Je suis donc défavorable à l'amendement, tout en rappelant que l'effort public est réservé aux jeunes de moins de 25 ans.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 15 et 16

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-François Voguet.  - Par cohérence, nous voulons supprimer les dispositions concernant les mineurs.

L'amendement n°20, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 21

Supprimer les mots :

désintéressée et

Mme Maryvonne Blondin.  - Sur un plan factuel, le volontaire perçoit une indemnité. Bien que faible au regard de l'investissement personnel demandé, elle doit lui permettre de vivre dans des conditions décentes. Il est donc inexact que l'engagement soit totalement désintéressé.

En outre, cette précision peut inciter certains organismes à faire comme si le volontaire devait éprouver une superbe indifférence envers les contingences matérielles, ce qui pourrait pousser l'employeur à se croire quitte en versant l'équivalent de l'indemnité sous forme de prestations en nature.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - La rédaction de la commission reprenait le droit existant, mais le terme « désintéressée » n'a guère d'utilité. Sagesse.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - La sagesse est partagée.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 23

Supprimer le mot :

environnemental

et remplacer les mots :

ou culturel

par les mots :

culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense des droits, à la protection des personnes, des biens ou de l'environnement, ou à la diffusion de la culture, de la langue française et des connaissance scientifiques

M. Jean-François Voguet.  - La rédaction actuelle s'en remet trop aux décrets d'application, ce qui pourrait compromettre certaines activités indispensables à la cohésion sociale, comme la défense des droits ou la protection des personnes.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Moins on est précis quant aux domaines, moins on est limitatif. En outre, la mise en valeur du patrimoine artistique se rattache à l'objectif culturel et la défense des droits présente un caractère social ou humanitaire...

Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - L'article L. 120-7 est clair et précis.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mlle Joissains, M. Jean-Claude Gaudin, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, César, Philippe Dominati et Faure, Mme Gisèle Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri et Mme Férat.

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par les mots :

ou participer à la prise de conscience de la citoyenneté européenne

Mlle Sophie Joissains.  - Ce texte doit être tourné vers l'Europe.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Le soutien à la citoyenneté européenne a un caractère éducatif.

Avis défavorable à l'amendement.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Il vaut mieux pour l'instant s'en remettre à la commission de suivi, qui travaille à l'extension du service civique au plan européen à l'horizon 2011.

Mlle Sophie Joissains.  - L'amendement va dans ce sens.

L'amendement n°38 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 120-8. - L'engagement de service civique est conclu pour une durée de six à douze mois fractionnables. »

M. Jean-François Voguet.  - La principale dérive que le service civique pourrait subir serait l'apparition d'une main-d'oeuvre à bon marché mise à la charge de l'État. S'engager pour 24 mois revient à exercer un véritable emploi, qui devrait être rémunéré dans les conditions de droit commun.

Il convient donc de limiter la durée du service à douze mois.

En outre il faut empêcher que ce service soit accompli en parallèle avec une activité professionnelle ou pendant l'année universitaire, en vue d'obtenir un complément de revenu ou de financer des études, ce qui alimenterait la précarité. En revanche il faut permettre de le fractionner afin que des étudiants puissent l'accomplir pendant leurs congés.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Limiter la durée du service à douze mois n'empêcherait pas qu'il serve à obtenir de la main-d'oeuvre bon marché... En revanche nous avons pris des précautions pour éviter la confusion entre emploi et volontariat : seules les associations agréées pourront accueillir des volontaires. Il serait dommage de se passer de ceux qui souhaitent accomplir un service civique de deux ans. Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Ni pour six mois, ni pour deux ans, je ne souhaite pas que le service civique soit un moyen d'obtenir de la main-d'oeuvre bon marché. Mais les précautions nécessaires ont été prises. J'ajoute que la période de référence pour les missions internationales est de deux ans. (M. Jacques Legendre, président de la commission, le confirme) Avis défavorable.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 27

Remplacer les mots :

quarante-huit heures par semaine, réparties au maximum sur six jours

par les mots :

trente-cinq heures par semaine, réparties au maximum sur cinq jours

M. Jean-François Voguet.  - Cet amendement tend à limiter le temps de travail dans le cadre du service civique à 35 heures en cinq jours au lieu de 48 heures en six jours : le service civique n'est pas un contrat de travail et n'a pas à se voir appliquer les dispositions du code du travail. Quarante-huit heures, c'est trop. Des organismes d'accueil manquant de moyens pourraient être tentés d'exploiter cette possibilité laissée par le texte.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 27

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans, le temps hebdomadaire passé à accomplir les missions afférentes à l'engagement de service civique ne peut dépasser trente-cinq heures, réparties au maximum sur cinq jours.

M. Yannick Bodin.  - L'article 4 fixe à 48 heures en six jours la durée maximale de travail dans le cadre du service civique, conformément au code du travail. Pourtant l'article L. 6222-25 de ce même code limite à 35 heures la durée de travail des apprentis de moins de 18 ans. Or des mineurs peuvent être concernés par le service civique et ne doivent pas être traités comme les majeurs.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Si nous avons fixé à 48 heures la durée maximale de travail, c'est pour répondre à la demande des associations d'aide aux malades. Il faut conserver de la flexibilité, même si tous les volontaires ne travailleront pas autant. Avis défavorable à l'amendement n°23. En revanche, avis favorable à l'amendement n°6.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Avis favorable à l'amendement n°6 qui encadre le temps de travail des mineurs, mais défavorable à l'amendement n°23, qui concerne aussi les majeurs. La référence au code du travail est infondée, puisque le service civique n'est pas un travail.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'amendement n°6 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon et César, Mme Descamps, MM. P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise les modalités d'information et de sensibilisation des jeunes, par les différentes structures et organismes d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes, pour assurer l'objectif de mixité sociale.

Mlle Sophie Joissains.  - Cet amendement est animé par la volonté de rendre la communication sur le service civique la plus large possible.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Retrait ou rejet : je me suis engagé à publier les décrets d'application de ce texte dans les plus brefs délais, mais cet amendement complique la tâche du Gouvernement puisqu'il lui impose un nouveau décret. Le texte prévoit déjà comment sensibiliser les jeunes.

Mlle Sophie Joissains.  - Si je comprends bien, cet amendement est satisfait... (MM. le président de la commission et le haut-commissaire le confirment) Dans ces conditions, je le retire.

L'amendement n°40 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon et César, Mme Descamps, MM. P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat et MM. de Montgolfier, Portelli et Nègre.

Après l'alinéa 38

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« La personne morale agréée pourra proposer au jeune volontaire une formation en relation avec les compétences mises en oeuvre dans le cadre du volontariat. Pendant sa formation, le jeune aura le statut de stagiaire de la formation professionnelle.

Mlle Sophie Joissains.  - Nous souhaitons que les jeunes volontaires se voient reconnaître le statut de stagiaires de la formation professionnelle, car l'expérience acquise lors du service civique leur sera utile dans leur vie professionnelle. Évitons-leur de perdre leur temps, et rendons le nouveau service aussi attractif que possible.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable : il convient de distinguer fermement le volontariat de l'emploi ou de la formation professionnelle.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Même avis. J'ajoute que cet amendement conduirait à accorder aux volontaires une indemnité inférieure à ce qui est prévu.

Mlle Sophie Joissains.  - Pouvez-vous m'apporter des éclaircissements sur ce point ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - L'indemnité des stagiaires de la formation professionnelle, d'environ 350 euros, est inférieure à celle que nous comptons offrir aux volontaires du service civique.

Mlle Sophie Joissains.  - Serait-il possible de rectifier l'amendement afin de prévoir une validation des acquis de l'expérience ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous verrons cela plus tard.

Mlle Sophie Joissains.  - Soit : je retire l'amendement.

L'amendement n°41 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 40

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 120-17-1. - En fin de mission, l'organisme ou la personne morale de droit public agréé garantit au volontaire un soutien technique et logistique ainsi qu'une aide à la réinsertion professionnelle.

Mme Claudine Lepage.  - Afin de créer un service civique digne de ce nom, qui favorise l'intégration des jeunes et leur donne la possibilité d'une validation des acquis de l'expérience, il faut établir des passerelles avec le monde du travail. Nous proposons que les organismes ayant accueilli les volontaires soient chargés d'assurer le suivi de leur insertion ou de leur réinsertion dans le monde du travail et de leur apporter un soutien technique et logistique, dont les jeunes les plus démunis ont le plus grand besoin. Ce service, d'un coût minime pour les services, sera inappréciable pour les anciens volontaires.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. J'ajoute qu'il ne faut pas charger la barque : les structures d'accueil ont déjà pour mission d'encadrer les volontaires et de contribuer à leur réflexion sur leurs projets d'avenir.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Avis défavorable. Il faut distinguer les rôles : les associations agréées seront chargées d'aider les jeunes à définir un projet d'avenir au lieu de les laisser partir sans préparation, mais c'est à l'État, et plus précisément à l'administration chargée de mettre en oeuvre le service civique, qu'il pourrait revenir d'assurer le suivi de l'insertion des anciens volontaires : voilà qui serait faisable et souhaitable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 42

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-François Voguet.  - Cet amendement tend à supprimer un alinéa qui relève de la cuisine législative, puisqu'il ne concerne nullement le service civique : il s'agit d'étendre aux bénévoles des associations la reconnaissance accordée aux volontaires du service civique. En outre les associations ne souhaitent pas que soient confondus le volontariat et le bénévolat. Enfin, elles doivent tenir d'ici peu avec les pouvoirs publics une conférence de la vie associative, qui abordera la question du bénévolat : attendons ses conclusions.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, M. Chatillon, Mme Descamps, MM. P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Hérisson, Milon, Thiollière, Vestri, de Montgolfier, Portelli, Nègre et Amoudry et Mme Morin-Desailly.

Alinéa 42

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'attestation de service civique peut également être délivrée dans des conditions prévues par décret aux pompiers volontaires.

Mlle Sophie Joissains.  - Cet amendement tend à autoriser la délivrance de l'attestation aux pompiers volontaires, qui le méritent bien et oeuvrent en faveur de l'intérêt général.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°24. Le texte qu'il veut supprimer n'est pas un cavalier et a été demandé par les associations. Favorable en revanche à l'amendement n°37 rectifié.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Mêmes avis. Il ne serait pas envisageable qu'un étudiant, qui s'est engagé auprès d'une association pour aider des élèves en difficulté et l'a fait cinq heures par semaine pendant trois ans, ne puisse bénéficier d'une attestation de service civique.

M. le président.  - M. Voguet est-il convaincu ?

M. Jean-François Voguet.  - Non.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

L'amendement n°37 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, César, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon et Vestri, Mme Férat et MM. de Montgolfier, Portelli et Nègre.

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le jeune pourra bénéficier d'un bilan de compétences à l'issue du volontariat, à sa demande. Ce bilan est à la charge de l'organisme ou de la personne morale de droit public agréé.

Mlle Sophie Joissains.  - Je tiens beaucoup à ce bilan de compétences mais comme je ne voudrais pas que cette charge pèse sur l'organisme ou la personne morale de droit public agréée, je suis disposée à rectifier mon amendement pour que ce bilan ait lieu à l'occasion de la JAPD.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Défavorable : le bilan de compétences est une démarche extrêmement lourde encadrée par le droit du travail. Il paraît donc excessif de l'imposer aux organismes d'accueil de volontaires qui ne jouent pas un rôle d'insertion professionnelle.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Ou ce bilan serait fait par l'organisme agréé, et l'on reprendrait d'une main ce qui aura été donné de l'autre comme subvention. Ou il serait fait lors de la JAPD mais celle-ci est censée se dérouler désormais vers l'âge de 16 ans, soit beaucoup trop tôt pour qu'un tel bilan ait du sens. Une telle disposition est d'autant moins utile que M. Carle a récemment fait voter l'instauration d'un livret de compétences destiné à suivre les jeunes.

L'amendement n°42 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 47, 48 et 49

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 120-19. - Une indemnité mensuelle est versée par la personne morale agréée à la personne volontaire.

« Le montant de cette indemnité, fixé par décret, ne saurait être inférieur au seuil de pauvreté. »

M. Jean-François Voguet.  - C'est clair.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 47

Après les mots :

est versée

insérer les mots :

, selon une périodicité mensuelle,

Mme Maryvonne Blondin.  - Tel que le texte est rédigé, on peut craindre que l'indemnité ne soit versée qu'en fin de contrat.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 48

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le montant minimal de l'indemnité ne peut être inférieur à l'ensemble des frais engagés par la personne volontaire en vue d'accomplir la mission qui lui est confiée, notamment en matière de transport, de logement et de restauration.

Mme Françoise Cartron.  - S'il ne nous appartient pas de décider à la place des volontaires de ce que doit être leur engagement, il faut tout de même les préserver de tout préjudice. Telle est la frontière infranchissable entre bénévolat et volontariat.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 48

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'indemnité ne peut faire l'objet d'une prestation en nature. 

M. Claude Domeizel.  - Comme le volontaire doit pouvoir disposer librement de son indemnité, celle-ci ne saurait être versée en nature.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 49

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Les montants maximum et minimum de cette indemnité sont fixés par décret.

Mme Claudine Lepage.  - Toute activité utile doit être gratifiée. Il faut certes plafonner l'indemnité pour éviter des surenchères qui casseraient le volontariat, mais aussi fixer un minimum qui pourrait être indexé sur le Smic et le coût de la vie.

M. le président.  - Amendement identique n°43 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, César, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Grignon, Hérisson, Milon et Vestri et Mme Férat.

Mlle Sophie Joissains.  - Il est défendu.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°25 : ce n'est pas l'indemnité qui fait participer au service civique ! D'autant que nombre de volontaires disposeront d'un revenu annexe.

Favorable à l'amendement n°8 ; défavorable au n°9 qui paraît inapplicable tant les situations des volontaires sont différentes. La logique veut que l'indemnité soit versée sous la forme d'un forfait et celui-ci doit être suffisant. Le soutien de l'État devra rester équivalent à ce qu'il est actuellement.

Il semble découler de la rédaction de la proposition de loi que l'indemnité est financière : défavorable à l'amendement n°10. Favorable aux nos11 et 43 rectifié.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Il serait difficile de fixer l'indemnité par rapport à une notion purement statistique comme celle de seuil de pauvreté. Défavorable donc à l'amendement n°25. Favorable en revanche au n°8. Défavorable au n°9 mais il va de soi que l'indemnité doit être supérieure aux frais ; elle n'a pas pour autant à être fixée en fonction de ceux-ci. L'amendement n°10 pourrait être contre-productif ; il peut y avoir indemnité et cantine offerte.

Sagesse sur les amendements identiques nos11 et 43 rectifié

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

L'amendement n°8 est adopté.

L'amendement n°9 n'est pas adopté, non plus que le n°10.

Les amendements identiques nos11 et 43 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 50

Remplacer les mots :

peuvent également percevoir

par les mots :

reçoivent également

M. Yannick Bodin.  - Nous avons déjà dit la nécessité d'un défraiement complet des charges supportées par le volontaire. La prise en charge de ses frais de subsistance, d'équipement et de logement par l'organisme ou la personne morale de droit public ne doit pas être facultative mais obligatoire.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Les prestations en nature -logement, équipement, repas- doivent rester adaptées aux caractéristiques particulières de chaque volontariat et ne peuvent pas être imposées dans tous les cas. Avis défavorable.

L'amendement n°12, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Demuynck.

Alinéa 55

I. - Remplacer les mots :

et sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale

par les mots :

ni assujetties aux cotisations et contributions sociales pour ce qui concerne la personne volontaire.

II - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Christian Demuynck.  - Amendement personnel que j'ai retiré en commission et que je dépose ici à nouveau. Il vise à exonérer de CSG et de CRDS les indemnités versées par l'association d'accueil. Il serait bon que le haut-commissaire nous donne des précisions sur le montant de ces indemnités.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Le Gouvernement est favorable à ce que ces indemnités soient soumises à la CSG, laquelle concerne tous les revenus et pas uniquement les salaires. Et c'est pour le volontaire un enseignement civique que d'apprendre que tout revenu doit être déclaré et donne lieu au versement de la CSG.

Sur le montant de l'indemnité, nous discutons encore et avons recherché ce qu'il est à l'étranger : 350 euros mensuels en Allemagne, 433 en Italie, 170 en Belgique et 27 euros par semaine en Suisse. En France, le maximum est de 656 euros mais la plupart des indemnités de volontariat sont inférieures à 600 euros. C'est à ce niveau que nous pensons placer le curseur, ce sera un peu moins que le maximum mais mieux que dans les autres pays. Nous n'aurons donc pas un service civique au rabais et nous préférons mettre la barre un peu haut pour mieux le développer. Avis défavorable.

L'amendement n°45 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 69, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-François Voguet.  - Il faut maintenir l'obligation d'affiliation à la retraite complémentaire et ne pas revenir sur un acquis social.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Les volontaires n'ont jamais été affiliés aux caisses complémentaires. Ils seront par ailleurs parfaitement couverts socialement. Avis défavorable.

L'amendement n°26, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Le vote des amendements nos13, 49 et 28 est réservé jusqu'à celui de l'amendement n°50.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 80 à 84

Supprimer ces alinéas.

Mme Françoise Cartron.  - Il n'est pas opportun de mettre à disposition des volontaires auprès d'une ou plusieurs personnes morales non agréées mais « qui remplissent les conditions d'agrément ». Cela ouvrirait la porte à tous les abus : il faut maintenir l'obligation ferme d'octroi de l'agrément ministériel pour pouvoir accueillir un volontaire.

M. le président.  - Amendement identique n°29, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Jean-François Voguet.  - Il est défendu.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Le système de tutorat et d'encadrement par une association qui met un volontaire à disposition d'autres associations non agréées fonctionne bien, comme le prouve l'expérience d'Unis-Cités. Pour un volontaire, il est intéressant d'avoir plusieurs expériences auprès de plusieurs associations. Il faut faire confiance à celles-ci. Avis défavorable.

L'amendement n°14, identique à l'amendement n°29, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 99, première phrase

Supprimer les mots :

ou privé

M. Jean-François Voguet.  - Le service civique, quel que soit le territoire sur lequel il s'exerce, ne peut être souscrit avec des entreprises privées. Cette disposition est contraire à l'esprit même de la proposition de loi et ce serait un dévoiement du volontariat.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable : le mot « privé » se réfère ici à des organismes associatifs.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - On reste dans le non-lucratif. Avis défavorable.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 101

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-François Voguet.  - Amendement de cohérence, les mineurs ne pouvant souscrire un engagement de service civique.

L'amendement n°31 est déclaré sans objet.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Demuynck, au nom de la commission.

Compléter cet article par dix alinéas ainsi rédigés :

« SECTION 8« AGENCE DU SERVICE CIVIQUE

« Art. L. 120-37. - L'établissement public « Agence du service civique », placé sous la tutelle du ministre en charge de la jeunesse, a pour mission :

« - de promouvoir la mise en place du service civique ;

« - d'agréer les personnes morales mentionnées à l'article L. 120-31 ;

« - de contrôler l'application des mesures du présent titre par les personnes morales accueillant des volontaires ;

« - d'évaluer le dispositif prévu au présent titre ;

« - d'observer et analyser les pratiques et les attentes des jeunes, les politiques publiques et les actions qui leur sont destinées ;

« - d'assurer une veille documentaire et constituer un centre de ressources pour les acteurs de la jeunesse et de l'éducation populaire.

« Il rend annuellement au Parlement un rapport d'activité. »

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Cet article précise quel organisme encadrera le service civique et il définit les missions de cette agence.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 76

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Ces personnes de droit moral sont agréées par l'État. Cet agrément est délivré par le ministre chargé de la jeunesse et de la vie associative ou par l'autorité administrative compétente pour une durée déterminée, notamment au vu des motifs du recours au volontariat, de la nature des missions confiées aux personnes volontaires et de la capacité de ces personnes morales à assurer l'accompagnement et la prise en charge des personnes volontaires.

Mme Maryvonne Blondin.  - L'amendement n°50 répond à nos questions sur l'identification de la structure d'encadrement. Mais pourquoi créer une nouvelle structure au lieu de confier ces missions au ministère de la jeunesse ?

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Demuynck, au nom de la commission.

Alinéa 76

Remplacer les mots :

par l'État ou une personne morale de droit public qu'il aurait désignée à cet effet

par les mots :

par l'Agence du service civique

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Amendement de conséquence du n°50.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 76

I. - Supprimer les mots :

ou une personne morale de droit public qu'il aurait désignée à cet effet

II. - Après les mots :

confiées aux personnes volontaires

insérer les mots :

des modalités d'exercice de ses missions,

M. Jean-François Voguet.  - L'amendement poursuit le même but que le n°13 présenté par Mme Blondin : l'État doit assure le pilotage du service civique.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - En toute honnêteté, la situation est la suivante : un établissement public doit à terme assurer le rôle de tête de pont du service civique et l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui comporte en son sein une agence de volontariat européen, pourrait, comme le propose la commission dans ses amendements nos49 et 50, remplir ce rôle si ce n'est que la concertation avec ses personnels est en cours dans le cadre d'une reconfiguration de ses missions et que d'autres organismes, telle l'Agence nationale de cohésion sociale, interviennent dans le dispositif du service volontaire. En tant que représentant du Gouvernement, je ne peux donc donner un avis favorable à cette proposition intéressante tant qu'elle n'a pas été discutée avec les personnels de l'Institut, mais je m'engage à y réfléchir. Retrait ?

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - L'essentiel, c'est de parler ! Je comprends l'embarras du Gouvernement... La commission souhaite l'aider en laissant prospérer le débat au cours de la navette. Sous l'amicale pression de cet amendement, le Gouvernement pourra mener à son terme la réflexion dont il a la responsabilité !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous ne nous déroberons pas !

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - J'irai dans le sens de notre président : nous avons besoin d'une structure de pilotage.

L'amendement n°50 est adopté, de même que le n°49.

L'amendement n°28 devient sans objet.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 4 bis (nouveau)

I. - L'intitulé de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par les mots : « ou de service civique ».

II. - Aux articles L. 3142-33, L. 3142-34, L. 3142-36, L. 3142-37, L. 3142-38, L. 3142-39 et L. 3142-40 du même code, après les mots : « solidarité internationale », sont insérés les mots : « ou de service civique ».

III. - L'article L. 3142-32 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le salarié ayant au moins douze mois consécutifs ou non d'ancienneté dans l'entreprise a droit à un congé de service civique pour accomplir une mission d'intérêt général au sein d'un organisme sans but lucratif ou d'une personne morale de droit public agréés dont la liste est fixée par l'autorité administrative.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - L'application du congé solidaire au service civique relève du dialogue social. Au nom d'une loi dont l'auteur est l'actuel président du Sénat, le Gouvernement peut difficilement approuver une disposition qui court-circuiterait les partenaires sociaux...

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Avis défavorable. Plutôt que de supprimer cet article, rédigeons-le comme suit : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport faisant état du résultat des négociations conduites avec les partenaires sociaux et tendant à la création d'un congé de service civique. »

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°52.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Non seulement cette rédaction nous convient, mais elle nous aide ! Nous n'avons pas l'intention d'attendre la Saint-Glinglin pour saisir les partenaires sociaux et reviendrons devant le Parlement en juin prochain !

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Je m'inquiète... Tout cela commence à ressembler furieusement à de la coproduction législative ! (Rires)

L'amendement n°52 est adopté et l'article 4 bis est ainsi rédigé.

Article 4 ter (nouveau)

Le dixième alinéa de l'article L. 6315-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« - le ou les emplois occupés, l'engagement de service civique et les activités bénévoles, ainsi que les connaissances, les compétences et les aptitudes professionnelles mises en oeuvre dans le cadre de ces emplois, de l'engagement de service civique et de ces activités.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

et les activités bénévoles

M. Jean-François Voguet.  - Amendement de cohérence.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Cette disposition sur le bénévolat ne fait qu'ajouter des éléments sur le service civique au droit existant : rejet.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Même avis.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'article 4 ter est adopté.

Article 5

I.  -  L'intitulé du titre II du livre Ier du code du service national est ainsi rédigé : « Dispositions relatives aux autres formes de volontariat ».

II.  - L'intitulé du chapitre II du titre II du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « Dispositions relatives aux volontariats internationaux ».

III.  - Le chapitre II du titre II du livre Ier du même code est ainsi modifié :

1° L'intitulé de la section 1 est ainsi rédigé : « Principes du volontariat international » ;

2° L'article L. 122-1 est ainsi modifié :

a) Á la fin du premier alinéa, les mots : « comme volontaires le service civil prévu aux articles L. 111-2 et L. 111-3 du présent code » sont remplacés par les mots : « un volontariat international » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Au début du troisième alinéa, les mots : « Ce service volontaire » sont remplacés par les mots : « Le volontariat international » ;

3° Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 122-2, le mot : « civil » est remplacé par le mot : « international »

4° L'article L. 122-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-3. - L'engagement de volontariat international en administration est conclu pour une durée de six à vingt-quatre mois et doit être accompli auprès d'un service de l'État à l'étranger ou d'une personne morale, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-8. Il peut être prorogé une fois sans que sa durée totale n'excède vingt-quatre mois. Son accomplissement ne peut être fractionné.

« L'engagement de volontariat international en entreprise est conclu pour une durée de six à vingt-quatre mois et doit être accompli auprès d'implantations et de représentations à l'étranger d'entreprises françaises ou d'entreprises liées à ces dernières par un accord de partenariat ou auprès de collectivités territoriales ou d'organismes étrangers engagés dans une coopération avec la France ou une collectivité territoriale française. Le volontaire doit passer au minimum deux cents jours par an à l'étranger. » ;

5° L'article L. 122-3-1 est abrogé ;

6° L'article L. 122-4 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont supprimés ;

b) Á la première phrase du dernier alinéa, le mot : « civils » est remplacé par le mot : « internationaux » ;

c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'il est effectué auprès de collectivités territoriales ou d'organismes étrangers engagés dans une coopération avec la France ou une collectivité territoriale française, le volontariat international en entreprise doit être accompli sous la forme de missions de coopération économique.

« Le volontariat international en administration constitue un engagement de service civique effectué à l'étranger qui obéit à des règles spécifiques définies au présent chapitre. » ;

7° L'article L. 122-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-5. - Le volontariat international est accompli pour des activités agréées par l'autorité administrative compétente. » ;

8° Aux articles L. 122-6 à L. 122-14, le mot : « civils » est remplacé par le mot : « internationaux » ;

9° Aux articles L. 122-7 à L. 122-9, dans l'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre II, aux articles L. 122-10 à L. 122-12, L. 122-14 à L. 122-18 et L. 122-20, le mot : « civil » est remplacé par le mot : « international » ;

10° La section 4 et son intitulé sont supprimés ;

11° L'article L. 122-21 est abrogé.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Jean-François Voguet.  - Le volontariat international en administration et en entreprise ne relèvent pas du volontariat de service civique. Leur toilettage n'a pas sa place dans cette loi et introduit de la confusion.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Ces dispositions, de pure coordination, permettent de prendre en compte le service civique : défavorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Également.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

L'article 6 est adopté, de même que l'article 7.

Article 8

I. - Les organismes et personnes morales de droit public agréés auprès desquels des personnes volontaires de moins de vingt-cinq ans ont souscrit un engagement de service civique, peuvent percevoir une aide, à la charge de l'État, aux fins de couvrir une partie des coûts exposés pour l'accueil et l'indemnisation du volontaire accomplissant son service.

L'aide de l'État, dont le niveau peut varier en fonction de la nature de l'organisme accueillant la personne volontaire et selon que l'engagement de service civique est effectué en France ou à l'étranger ainsi que les conditions de versement de cette aide sont définis par décret.

II. - Les articles L. 121-19 et L. 121-20 du code de l'action sociale et des familles sont abrogés.

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

en fonction de la nature de l'organisme accueillant la personne volontaire et

M. Jean-François Voguet.  - L'aide de l'État doit être identique pour tous les organismes, sauf en cas de service civique à l'étranger qui induit des coûts supplémentaires.

L'amendement n°35, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 est adopté, de même que l'article 10.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du I de l'article L.335-5 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée minimale requise au titre de la validation des acquis de l'expérience ne s'applique pas aux personnes volontaires ayant souscrit un engagement de service civique. »

Amendement n°16, présenté par Mme Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 613-3 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée minimale requise au titre de la validation des acquis de l'expérience ne s'applique pas aux personnes volontaires ayant souscrit un engagement de service civique. »

Mme Claudine Lepage.  - Avec ces deux amendements, nous proposons un dispositif dérogatoire afin que le service civique, d'une durée maximale de deux ans, bénéficie de la validation des acquis de l'expérience réservée dans le code de l'éducation à des expériences d'au moins trois ans.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Favorable.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Rejet ! Nous voulons qu'un aide-soignant qui aurait travaillé comme agent hospitalier pendant un an, puis aurait effectué six mois de service civique puisse ultérieurement valoriser son service civique. Mais nous refusons une validation des acquis au rabais : si ces amendements étaient adoptés, six mois de service civique équivaudraient à trois ans d'expérience ! Le service civique doit compter dans la validation des acquis, mais pas double !

Les amendements nos15 et 16 sont retirés.

Article 11

Les personnes physiques ou morales qui ont conclu un contrat ou un engagement de volontariat au titre :

- du volontariat associatif prévu par la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 précitée,

- du volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité prévu par le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national,

- du volontariat de coopération à l'aide technique prévu par le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national,

- du volontariat de prévention, de sécurité et défense civile prévu par le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national,

- du service civil volontaire prévu par les articles L. 121-19 et L. 121-20 du code de l'action sociale et des familles,

bénéficient jusqu'à leur terme, à l'exception des dispositions relatives à leur renouvellement, des dispositions qui les régissaient au moment de la conclusion de celui-ci et qui sont abrogées par la présente loi. Á l'issue de leur contrat ou de leur engagement, les personnes physiques reçoivent une attestation d'engagement de service civique.

Les droits et obligations nés des agréments et conventions octroyés au titre des volontariats susmentionnés prévus par le chapitre II du titre II du livre Ier du code du service national, le titre Ier de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 précitée ou les articles L. 121-19 et L. 121-20 du code de l'action sociale et des familles perdurent jusqu'à l'échéance des agréments et conventions susmentionnés, à l'exception des dispositions relatives à leur renouvellement.

Les personnes volontaires mentionnées à l'article 1er de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 précitée dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi, ne sont pas soumises, pour les périodes de volontariat antérieures à cette même date, au titre de leur contrat de volontariat, à l'obligation d'affiliation mentionnée à l'article L. 921-1 du code de la sécurité sociale.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-François Voguet.  - Nous sommes contre cette disposition qui supprime l'obligation d'affiliation aux caisses de retraites complémentaires, de surcroît, de manière rétroactive pour les volontaires.

L'amendement n°36, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Demuynck, au nom de la commission.

Après l'article 11

 Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement public « Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire » est dénommé « Agence du service civique ».

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Amendement de conséquence.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Je suis attaché aux mots « éducation populaire ». Celle-ci prépare à l'engagement civique et je ne voudrais pas laisser penser que nous voulons la mettre à la trappe à l'occasion de la transformation de l'établissement public.

M. Yannick Bodin.  - L'éducation populaire est aujourd'hui une notion historique et un élément consubstantiel à toutes les politiques menées en ce domaine depuis 1936. Si l'on n'a jamais changé cette dénomination, c'est que l'on sait parfaitement ce qu'elle signifie.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Je rectifie l'amendement pour ajouter, après les mots « du service civique », les mots « et de l'éducation populaire ».

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Sagesse.

L'amendement n°51 rectifié est adopté et devient article additionnel.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Il y a donc un problème de coordination avec les amendements nos49 et 50 mais cela pourra s'arranger.

Article 12 (non modifié)

Les conséquences financières résultant pour l'État et les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Il s'agit de lever le gage afin de vous rassurer sur les moyens d'application, dans le cas où la proposition de loi serait adoptée.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Avis très très favorable !

L'amendement n°47 est adopté.

L'article 12 est en conséquence supprimé.

L'article 13 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Françoise Laborde.  - Nous en étions tous d'accord, le service civil volontaire tel qu'il existait n'était ni attrayant ni adapté à l'objectif. Les membres de mon groupe auraient été heureux qu'une unanimité se fasse autour de leur proposition. Le service civique favorise la cohésion sociale, le brassage culturel, l'apprentissage de la vie en communauté, la prise de conscience de l'appartenance à la nation française, toutes choses essentielles au bon fonctionnement de notre communauté politique. Le service civique est aussi un substitut du service national, creuset des valeurs républicaines. Notre jeunesse en a besoin, notre société l'appelle de ses voeux. Le civisme est une valeur que notre groupe a toujours défendue. L'engagement de l'individu au service de la société est important, surtout en une période où la cohésion sociale est fragilisée. Le service civique, c'est la mixité sous toutes ses formes, non une voie de garage pour les seuls jeunes des milieux défavorisés en échec scolaire ou professionnel. Il doit être valorisant et non stigmatisant, afin de se développer au point de devenir un jour obligatoire. Le texte comporte toutes les garanties nécessaires ; le débat l'a enrichi. Il faut lutter contre l'individualisme et créer du lien social. Le groupe RDSE votera bien sûr la proposition et espère que tous feront de même. Monsieur le haut-commissaire, la proposition de loi sera-t-elle examinée par l'Assemblée nationale avant la fin de l'année ?

M. Yannick Bodin.  - Merci à M. Collin. Mon groupe votera sa proposition de loi. Depuis la suppression du service militaire, il manque quelque chose à la République et celle-ci veut faire quelque chose pour ses jeunes. Le service civique leur apprendra -comme le fait aussi l'école- le vivre ensemble, qui permet de mieux se connaître et se respecter, quel que soit le milieu d'origine, voire le pays d'origine.

Notre groupe reste favorable à l'idée que tous les jeunes profitent un jour de ce service civique, c'est-à-dire que celui-ci devienne obligatoire, comme l'école. (Melle Sophie Joissains applaudit) Nous faisons aujourd'hui un pas en avant. Une bonne part de nos amendements ayant été adoptés, ce texte qui était très bon est devenu excellent et nous le voterons. (Sourires)

M. Jean-François Voguet.  - Je suis désolé d'apporter la contradiction au sein de notre Haute assemblée, comme lors du vote de la loi sur le volontariat associatif. Le débat a été serein mais je ne suis toujours pas convaincu. Je regrette que la proposition de loi ait été transformée dés l'origine en projet gouvernemental. Si les conditions d'examen avaient été autres, et dépourvues de précipitation, notre position aurait pu être autre également. Mais ce bricolage gouvernemental tend à créer une étape occupationnelle pour les jeunes entre 16 et 18 ans en rupture de formation et pour les adultes en rupture professionnelle. Je crains que le contrat ne soit proposé -imposé- aux jeunes en difficulté, qui seront le plus souvent désignés d'office. Inculquer des principes républicains est de la responsabilité de l'éducation, de l'école, de la formation, de la société dans son ensemble ! Votre vision, déjà critiquable lorsqu'elle concerne les jeunes, devient insupportable quand toute la population est visée. Ni le peuple ni sa jeunesse ne méritent une telle approche. Je voterai, à regret, contre la proposition de loi. Si la navette parlementaire améliore le texte, nous pourrons y revenir car nous sommes passionnément favorables à un service civil national de solidarité. Hélas le présent texte n'a pas cette ambition.

M. Alain Milon.  - Le volontariat doit permettre à chacun de s'engager dans une action d'intérêt collectif, d'exprimer sa solidarité, de vivre la citoyenneté. Cet engagement est plus que jamais nécessaire à la cohésion de notre société.

Après la faible mobilisation suscitée par le service civil volontaire issu de la loi du 31 mars 2006, victime de sa lourdeur administrative, un nouvel élan est donné. La proposition de loi unifie les dispositifs existants et rend le système plus accessible et attractif. Le service civique devient le « fer de lance » du service national universel. Plusieurs apports sont venus encadrer le régime du service civique volontaire, et le valoriser. Nos débats ont également permis d'engager la réflexion sur la notion de service civique obligatoire, sur la gouvernance du dispositif, ou sur l'engagement financier de l'État.

Il faut maintenant que le volontariat soit porté à la connaissance des jeunes. Nous vous faisons confiance, monsieur le haut-commissaire, pour mener à bien ce travail de pédagogie et de sensibilisation. Le groupe UMP apportera tout son soutien à ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le groupe de l'Union centriste, profondément attaché aux valeurs que porte le service civique, votera ce texte. C'est une étape nécessaire dans un dispositif qu'il conviendra d'évaluer. Le texte n'est pas fermé : il offre des possibilités d'évolution. Dans un monde où tout paraît monnayable, il permet aux jeunes de réaliser que tout ne s'achète pas. La jeunesse est naturellement généreuse : demandez à un enfant ce qu'il veut faire plus tard, il vous répondra pompier ou médecin ! Il faut encourager cette capacité intrinsèque à se tourner vers les autres. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Il y a parfois de petits miracles républicains : le Gouvernement s'est empressé de soutenir la proposition de loi d'un groupe de l'opposition. Nous étions tous soucieux de répondre aux nombreux jeunes qui demandent à participer aux tâches collectives, persuadés, même s'ils sont parfois en difficulté, de pouvoir apporter quelque chose. C'est un devoir pour nous de permettre à ces jeunes d'entrer dans la voie de l'action.

Après avoir débattu, nous avons abouti à un excellent texte, qui va rencontrer une très large majorité : il y a lieu d'être heureux. Je remercie l'auteur de la proposition de loi, la commission, qui a travaillé dans un temps contraint, le haut-commissaire. Le travail ne s'achève pas aujourd'hui : l'état d'esprit qui a présidé à nos travaux impose au Gouvernement de veiller à ce que ce texte vienne rapidement devant l'Assemblée nationale, et devienne loi, au bénéfice des jeunes de notre pays. (Applaudissements à droite)

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Je remercie nos collègues pour la grande qualité de notre débat. Notre conception de la République, de la politique au quotidien, c'est de cultiver tout ce qui rassemble, d'oublier les divergences. Le texte était magnifique (sourires) ; enrichi, il est sans doute encore perfectible, mais nous avons fait de la belle ouvrage en apportant ce maillon qui manquait à la République. Merci au président Legendre, à la commission, au rapporteur, qui a travaillé dans un temps record, et à vous, monsieur le haut-commissaire : vous avez été magnifique. La balle est désormais dans votre camp. Il faut que l'Assemblée nationale soit rapidement saisie et que tous les moyens soient mis au service de ce texte qui porte tant d'espoirs. Nous vivons une belle journée, une belle soirée -républicaine ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Merci à tous pour votre implication, votre conviction : même M. Voguet ne demande qu'à être convaincu la prochaine fois ! La Haute assemblée a travaillé avec sincérité et compétence. Mes équipes réfléchissaient depuis longtemps au moyen de favoriser l'engagement des jeunes. Il y a un an, le service civil s'étiolait ; aujourd'hui, il va prendre son élan, avec un véritable budget et de réelles perspectives : nous avons renversé la vapeur ! Notre débat a été une leçon de civisme : il faudra expliquer aux futurs bénéficiaires du service civique comment ce projet est né, un soir d'octobre, à la Haute assemblée...

Je serai attentif au partage, au brassage qui vous tient à coeur. Le service civique ne sera pas réservé à quelques privilégiés : étendu à l'ensemble des jeunes, il sera privilège de servir. Nous ferons notre maximum pour que le texte soit rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais la force de son adoption ce soir le rend irrésistible ! J'ai d'ailleurs aperçu le député Bernard Lesterlin dans vos tribunes...

Le travail de M. Collin, du rapporteur et du président de la commission a porté ses fruits. On disait autrefois : « Noblesse oblige ». Si nous créons le service civique, « Civisme oblige » pourra devenir la nouvelle devise des futurs volontaires ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 28 octobre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 28 octobre 2009

Séance publique

À 14 HEURES 30,

- Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, présentée par M. Philippe Marini (n° 210, 2007-2008).

Rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 533, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 534 rectifié, 2008-2009).

Avis de M. Philippe Nachbar, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 52, 2009-2010).