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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décision du Conseil constitutionnel

Conférence des Présidents

Rappel au Règlement

Plan Autisme (Question orale avec débat)

Débat européen

Profils nutritionnels

Vin rosé

Questions d'actualité

Crise du lait (I)

Mme Françoise Férat

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur

Augmentation du chômage

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avenir de La Poste.

Mme Marie-France Beaufils

M. François Fillon, Premier ministre

Statut de la gendarmerie

M. Alain Gournac

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Formation des scientifiques

M. Jean-Pierre Chevènement

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Fonds de réserve des retraites

M. Claude Domeizel

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville

Crise du lait (II)

M. Jean-Claude Carle

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur

Antennes-relais

M. Louis Nègre

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Militaires français en Afghanistan

M. Jean-Louis Carrère

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants

Reclassement des salariés

M. Philippe Adnot

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville

Dépôt de rapports

Avenir du programme Airbus A400M (Question orale avec débat)




SÉANCE

du jeudi 11 juin 2009

117e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaire : M. Jean-Pierre Godefroy.

La séance est ouverte à 9 heures 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 10 juin, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel relative à la conformité à la Constitution de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Acte est donné de cette décision qui sera publiée au Journal officiel.

Conférence des Présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

JEUDI 11 JUIN 2009

A 9 heures :

1°) Question orale avec débat de Mme Bernadette Dupont à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur le plan autisme 2008-2010.

2°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat :

- Profils nutritionnels ;

- Vin rosé ;

A 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement.

4°) Question orale avec débat de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le Premier ministre sur l'avenir du programme de l'Airbus A400M.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 16 JUIN 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

MERCREDI 17 JUIN 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 heures 30 et le soir :

1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 18 et 19 juin 2009.

2°) Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

JEUDI 18 JUIN 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT ET D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

MARDI 23 JUIN 2009 (jour supplémentaire de séance)

A 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales.

A 15 heures :

2°) Débat sur les pôles d'excellence rurale.

3°) Question orale avec débat de Mme Claire-Lise Campion à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille sur la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

MERCREDI 24 JUIN 2009 (jour supplémentaire de séance)

A 14 heures 30 :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

A 15 heures 30 et, éventuellement, le soir :

2°) Débat sur l'éducation :

- Les moyens de l'éducation nationale ;

- La réforme des lycées ;

- La décentralisation des enseignements artistiques.

3°) Question orale avec débat de M. Ivan Renar à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'évaluation du crédit impôt recherche.

JEUDI 25 JUIN 2009 (jour supplémentaire de séance)

A 9 heures :

1°) Débat sur le volet agricole de la négociation OMC.

2°) Débat sur la crise de la filière laitière.

A 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement.

4°) Question orale avec débat de M. André Vantomme à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur le fonctionnement du Pôle emploi.

5°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat :

- Le congé de maternité ;

- La publication des données « Passagers » dans les vols internationaux.

SEMAINE D'INITIATIVE SÉNATORIALE

LUNDI 29 JUIN 2009 (jour supplémentaire de séance)

A 16 heures :

1°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi tendant à modifier le scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.

2°) Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et certains de ses collègues.

Le soir :

3°) Proposition de loi visant à renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, présentée par M. Jean Arthuis.

MARDI 30 JUIN 2009 (jour supplémentaire de séance)

A 15 heures et le soir :

1°) Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales.

2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

La séance, suspendue à 9 h 10, reprend à 9 h 15.

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Je me suis levé de très bonne heure ce matin, et voilà que l'on nous fait attendre ! (Sourires et exclamations) Nous savons que les horaires vont évoluer, mais nous siégeons parfois très tard : commencer de plus en plus tôt, dès 9 heures le matin ou 14 h 30 l'après-midi, c'est demander beaucoup aux parlementaires. En toute amitié, je m'étonne que Mme Dupont n'ait pas été à l'heure... (Sourires et exclamations) Mais c'est la faute de la SNCF ! (Sourires)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au règlement. Mme Dupont n'est pas en cause. Nous reparlerons du problème des horaires en Conférence des Présidents.

Plan Autisme (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de Mme Bernadette Dupont (UMP) à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur le plan Autisme 2008-2010.

Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.  - Je vous prie de bien vouloir excuser mon retard.

Le 18 mai 2008 était annoncé le plan Autisme 2008-2010. Où en sommes-nous aujourd'hui ? II y aurait en France plus de 100 000 personnes autistes, dont un quart a moins de 20 ans ; 75 % ont besoin d'établissements spécialisés. Si l'on peut espérer en intégrer un quart, 80 0000 personnes resteraient dans leurs familles, avec parfois une prise en charge en hôpital de jour.

On sait aujourd'hui que l'autisme n'est pas un trouble d'origine psychiatrique ni affective, mais un trouble neuro-développemental, entraînant des troubles envahissants du développement et du comportement. Les familles sont trop souvent seules à supporter la pénibilité d'un enfant incompréhensible, imprévisible, incontrôlable, l'impuissance s'accompagnant parfois d'une culpabilité dont on sait aujourd'hui qu'elle n'a pas lieu d'être.

Des études ont démontré la nécessité d'une prise en charge éducative spécifique, avec suivi médical. Des résultats très positifs sont obtenus sur les jeunes enfants : le diagnostic précoce reste le meilleur atout pour améliorer la vie des malades, à défaut de guérison. Notre pays est en retard, la médecine et les éducateurs spécialisés pas ou peu formés, et très peu informés des avancées. Le plan Autisme a suscité les espoirs les plus grands. Nous n'avons pas le droit de les décevoir. La solidarité nationale doit se transformer en actes. Ce n'est pas simple. Les propositions de pratiques éducatives sont diverses, parfois controversées. II faut travailler avec les associations, élaborer une prise en charge -hors champ psychiatrique- s'appuyant sur un socle commun.

Madame la ministre, les structures innovantes seront-elles offertes à un plus grand nombre de familles dès la rentrée 2009 ? Seraient-elles liées à la loi hôpital, patients, santé et territoires ? Comment l'éducation nationale pourra-t-elle assurer l'intégration en milieu scolaire ordinaire, très insuffisante aujourd'hui ? Les groupes de travail sont nombreux, mais leurs effets aléatoires. Les processus sont trop longs, les promesses ne suffisent plus à ces familles qui attendent dans la souffrance et sont victimes de leur discrétion. En leur nom, je vous prie de m'indiquer les moyens mis en oeuvre pour parvenir dans des délais acceptables à réaliser vos engagements. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Jacqueline Alquier.  - La table ronde organisée par la commission des affaires sociales du Sénat a révélé que la méconnaissance de l'autisme et le manque de formation des professionnels pouvaient entraîner des formes de maltraitance. Le film retraçant le parcours dramatique de la soeur de Sandrine Bonnaire illustre la méconnaissance de ce trouble, longtemps confié exclusivement à la psychiatrie. Ce n'est que récemment que l'on s'est tourné vers le secteur médico-social. L'état des lieux est préoccupant, tant au niveau de l'accompagnement et de l'accueil que du manque de formation des personnels. Si des progrès ont été réalisés sur les causes de l'autisme et l'intérêt d'un diagnostic précoce, la France est en retard en matière de prise en charge et n'offre pas aux familles un choix adapté à la situation de leur enfant.

L'autisme se caractérise par trois manifestations : troubles des interactions sociales liés à la difficulté à intégrer les codes sociaux et trouble de la communication verbale et non verbale ; comportements stéréotypés et intérêts sélectifs ; étroitesse des intérêts mais avec des compétences développées dans des domaines précis. Les symptômes associés sont très divers et plus ou moins handicapants : déficience intellectuelle, épilepsie, troubles de l'attention, anxiété, troubles alimentaires. Il n'y a pas un autisme mais des autismes.

Les professionnels insistent tous sur la nécessité d'une éducation structurée. Les apprentissages doivent se faire le plus tôt possible, car la plasticité cérébrale est d'autant plus importante que l'enfant est jeune. La récupération est possible si la rééducation est précoce. Pour cela, il faut une véritable intégration en milieu scolaire, des structures d'accueil adaptées et suffisamment nombreuses pour éviter d'avoir à recourir à l'hôpital psychiatrique. Nous avons besoin de personnel dans les Maisons départementales des personnes handicapées pour accueillir et orienter des familles très démunies, besoin de places d'accueil adaptées et diversifiées, besoin d'accès à des méthodes d'éducation, le plus possible en milieu ordinaire.

Depuis 2005, la loi prévoit la scolarisation de droit de tout élève handicapé dans l'école de son village ou de son quartier. Or les inscriptions sont parfois fictives, faute de moyens et de possibilités d'accueil dans des conditions satisfaisantes. Le rôle des assistants de vie scolaire, créés en 2003, est primordial pour accompagner ces enfants, mais quelle est leur formation, et quelles perspectives professionnelles leur offre-t-on ?

Nous avons souvent interpellé le ministre de l'éducation nationale sur la précarité de ces emplois. Cette année, les premiers embauchés vont arriver en fin de contrat.

Certains peuvent valider ces acquis professionnels et obtenir des équivalences dans des filières reconnues ; mais c'est loin d'être le cas de tous. Le plan Autisme devrait donc pérenniser ces emplois, prévoir une formation qualifiante et un statut de fonctionnaire. La politique menée actuellement est un véritable gâchis humain et financier : quel mépris pour les élèves et les accompagnateurs ! Comment afficher, avec le deuxième plan, une prise de conscience et maintenir un dispositif indigne ? Chacun sait que l'accueil en milieu scolaire ordinaire est une garantie de progrès et de qualité de vie, pour l'enfant comme pour son entourage. Après un an d'application du plan 2008-2010, les attentes demeurent et le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure de la situation. Seulement 4 100 places prévues, quand 5 000 à 8 000 cas de syndrome autistique se développeront chaque année. Environ 10 000 personnes sur 80 000 bénéficient d'un accompagnement -parfois partiel.

Les ressources existantes pourraient également être mieux utilisées. Des autistes sont pris en charge à l'hôpital et l'on dépense beaucoup en médicaments et soins psychiatriques, alors que l'autisme ne se soigne pas. Transférons les moyens vers des structures spécialisées ou vers les familles. Le Comité européen des droits sociaux observe que fin 2005, seules 38 % des 801 places financées cette année-là étaient effectivement créées. Arrêtons de promettre, réalisons ! Un effort considérable doit encore être fourni pour que les structures spécialisées ne soient plus des ghettos. Ce serait aussi montrer notre intérêt pour les personnes autistes que d'offrir à leurs accompagnants de vie scolaire un statut et une formation à la hauteur des enjeux.

Les familles ont besoin d'aide concrète pour remplir des dossiers complexes, obtenir des informations. Ce pourrait être le rôle des associations locales. Aujourd'hui l'aide à l'éducation d'un enfant handicapé est de 120 euros par mois, auxquels peuvent s'ajouter des aides compensatrices, au maximum 1 100 euros. C'est trop peu lorsqu'il faut s'occuper à plein temps d'un enfant qui réclame une attention constante. Cette allocation doit être revalorisée.

Nous suivrons avec vigilance l'avancée du plan.

M. Paul Blanc.  - Je salue la mobilisation du Gouvernement et votre volonté, madame la ministre, de faire bouger les choses. Un premier plan Autisme de 2005 à 2007 a permis la création de 2 600 places en établissements. Le second apporte des solutions quantitatives -4 100 places supplémentaires- mais également qualitatives : dépistage, accompagnement, prise en charge. C'est que la France accuse un dramatique retard dans la prise en charge de l'autisme, qui concerne plus de 100 000 personnes.

J'avais déjà évoqué les difficultés des familles lors de la présentation de mon rapport préalable à la loi du 11 février 2005. L'autisme peut être détecté dès l'âge de 18 mois, mais les médecins ne sont pas suffisamment formés, ce qui est très grave puisqu'une prise en charge précoce conditionne les progrès en matière d'apprentissage, de socialisation et surtout de langage. Un autre problème crucial est bien sûr le manque de places en établissements. Les résultats sont encore très insuffisants. Nombre de familles placent leur enfant en Belgique, malgré la distance : c'est indigne d'un pays comme le nôtre. En mars dernier, la députée Cécile Gallez a publié un rapport sur la question. Elle décrit un accompagnement belge bien plus efficace. L'orientation des enfants autistes vers des écoles spécialisées est beaucoup plus rapide. En France, les maîtres ne sont pas assez formés, les auxiliaires de vie pas assez nombreux et dépourvus de connaissances sur les spécificités de l'autisme. Si le nombre d'inscriptions à l'école a augmenté en France en application de la loi du 11 février 2005, la scolarisation effective reste trop rare. A Paris, ville de plus de deux millions d'habitants, le nombre d'enfants autistes scolarisés est le même qu'à Mons, en Belgique, qui ne compte que 97 000 habitants ! D'autres pays ont mieux aménagé que nous la scolarisation des enfants autistes : l'Italie a choisi de diviser par deux les effectifs des classes qui accueillent ces enfants. En Belgique, les classes sont au maximum de huit enfants. En Suède, tous les enfants autistes sont scolarisés.

Nous manquons également d'instituts médico-éducatifs. On sait l'importance cruciale de la famille dans les progrès de l'enfant. Or les institutions belges s'ouvrent aux familles. Et elles peuvent accueillir l'enfant en internat en période de crise puis soutenir un retour dans la famille quand cela va mieux. Elles tendent à assurer une prise en charge à long terme et recherchent une solution pour l'avenir de l'enfant. Inspirons-nous du système belge !

Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître qu'il n'existe pas une méthode unique. Du reste, existe-t-il un autisme ou des autismes ? Sur 100 adultes autistes, 15 mènent une vie normale, 30 à 35 peuvent exercer une activité dans un lieu protégé, 30 ont une activité non rentable et ont besoin d'aides ponctuelles, 20 sont très dépendants. Il faut pouvoir répondre à ces diverses situations. Il faut également que les parents soient rassurés sur la prise en charge de leur enfant quand ils ne seront plus là. Le plus grave est en effet, selon moi, les lacunes terribles de la prise en charge des autistes adultes. Il n'y a pratiquement pas d'établissement spécialisé pour eux en France ! Or, sans accompagnement éducatif et social, les autistes régressent. Moins de 10 % d'entre eux ont accès à des centres d'aide par le travail. Le dernier recours reste l'hôpital psychiatrique, inadapté. (« Tout à fait ! » sur les bancs UMP) Les traitements fondés sur l'apprentissage sont méconnus. L'OMS ne classe pas l'autisme dans les maladies psychiatriques mais dans les troubles d'origine neurobiologique. Pourquoi se priver des méthodes pratiquées avec des résultats à l'étranger ? Pourquoi refuser obstinément des méthodes de communication alternatives telles que l'ABA, ou « analyse appliquée du comportement », qui vise à modifier les comportements de la personne autiste ? La méthode du packing, cet enveloppement de la personne dans un linge froid pour lui rendre la conscience de son corps, sera bientôt l'objet d'une évaluation. Certaines associations s'indignent de son emploi sans le consentement des familles, dénoncent une maltraitance et attendent donc beaucoup de cette expertise. Quand les résultats seront-ils connus ?

Enfin, il est indispensable de mieux informer les parents sur l'autisme et les différentes structures d'accueil. Pour le moment, ce sont surtout les associations qui le font. Les familles attendent beaucoup de l'amélioration des connaissances médicales relatives à l'autisme, elles attendent beaucoup du plan Autisme. Aussi, nous vous écouterons attentivement, madame le ministre, présenter les récents résultats du plan et les avancées à venir. Il est de notre devoir de reconnaître la souffrance des familles et de tout faire pour les aider. (Applaudissements à droite)

Mme Gélita Hoarau.  - Les troubles envahissants du développement sont très difficiles à vivre, pour les enfants atteints comme pour les parents, brutalement plongés dans le désarroi lorsque s'impose la réalité du handicap. Or ce désarroi s'accentue lorsque débute la recherche d'une structure d'accueil : absence d'accueil et de concertation, refus implicite ou explicite d'appliquer la circulaire du 8 mars 2005, besoin d'accompagnement minimisé ou nié, ignorance ou refus d'appliquer des techniques qui ont pourtant fait leurs preuves ailleurs, violences sur les enfants faute de formation adaptée. Combien de portes fermées et de murs institutionnels !

Ces carences ne sauraient nous faire oublier le travail quotidien et la combativité des familles, associations, professionnels. Le plan Autisme 2008-2010 ambitionne de remédier à ces manquements. Et nous vous en félicitons. Le bilan du 28 mai dernier annonce une suite prometteuse. Toutefois, je voudrais formuler quelques interrogations. La Réunion compte environ 3 700 personnes atteintes ; et les structures pour accueillir les enfants, adolescents et adultes font cruellement défaut. Il n'y a pas non plus d'alternative en matière de prise en charge ; aucun traitement comportemental n'est proposé.

C'est pourquoi, en septembre 2008, l'association Autisme Bel Avenir a soumis au comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) de la Réunion un projet de structure mettant en oeuvre des méthodes de traitement comportemental, élaboré sur le modèle de celui de l'association Pas-à-Pas de Villeneuve-d'Ascq et en collaboration avec elle. Ce projet est cohérent avec le plan 2008-2010. Le président de l'université de la Réunion s'est dit prêt à plaider en faveur de la création d'une licence en analyse des comportements, en partenariat avec Lille III. En 2007, l'association a en outre exposé son projet au président des Seychelles, de passage à la Réunion, qui a dit son intérêt. Le CROSMS a émis un avis favorable -c'était une première en France- en s'interrogeant toutefois sur son coût. Il semble qu'il y ait une certaine inadéquation entre votre détermination, madame la ministre, à privilégier l'expérimentation et les moyens mis en place. Comment comptez-vous remédier à ce décalage ? Demander aux porteurs de projet de revoir à la baisse le coût de la prise en charge, c'est faire fi de celui de certaines méthodes expérimentales. L'enveloppe nationale mise en réserve vient-elle en complément du financement de la Ddass ? Selon quels critères pourra-t-on en bénéficier ? Toutes les régions pourront-elles y prétendre ?

La question de l'évaluation est enfin cruciale pour la pérennisation des traitements innovants. L'expérimentation de nouvelles méthodes n'a de sens que si on peut les comparer aux méthodes classiques, avec une grille d'évaluation unique prenant en compte toutes les données pertinentes.

Votre réceptivité à l'innovation et votre capacité d'écoute, madame la ministre, permettront, j'en suis convaincue, d'apporter des réponses satisfaisantes. Et j'espère que vous serez attentive aux projets présentés à la Réunion. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini.  - Le plan Autisme 2008-2010 marque un vrai tournant dans la prise en charge de ce handicap dans notre pays. Les familles l'ont perçu ainsi, car il apporte, enfin, des réponses à nombre de leurs attentes, alors qu'il y a encore un an le retard de la France était patent.

« Les personnes, enfants et adultes, atteintes de syndromes autistiques et leurs proches sont aujourd'hui encore victimes en France d'une errance diagnostique, conduisant à un diagnostic souvent tardif, de grandes difficultés d'accès à un accompagnement éducatif précoce et adapté, d'un manque de place dans des structures d'accueil adaptées, de l'impossibilité pour les familles de choisir les modalités de prise en charge des enfants, de la carence de soutien aux familles, et de la carence d'accompagnement, de soins, et d'insertion sociale des personnes adultes et âgées atteintes de ce handicap ». Tel est le cinglant constat que faisait le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans un avis du 8 novembre 2007.

Les choses ont heureusement évolué. Lors du lancement du plan, vous reconnaissiez vous-même, madame la ministre, que nous partions de très loin ; et vous souligniez l'ambition du Gouvernement. Le plan 2008-2010 est de fait marqué par une réelle volonté politique, ouvert, tolérant et sans a priori. Le professeur Jean-Claude Amelsen, rapporteur de l'avis du CCNE, a même évoqué un dispositif qui a le mérite « d'inscrire l'autisme dans une vision plus humaine et plus moderne et d'amorcer une véritable évolution culturelle ».

Lors de la table ronde sur l'autisme organisée par notre commission des affaires sociales, le 28 mai 2008, le professeur Catherine Barthélémy, chef de service de pédopsychiatrie du CHU de Tours, a relevé qu'un consensus était établi pour dire que l'autisme est un trouble neuro-comportemental, qui atteint la capacité des personnes à dialoguer avec leur entourage, une incapacité qui serait due à des anomalies de fonctionnement de certaines zones du cerveau. Un diagnostic précoce permet la mise en place, dès l'enfance, d'une rééducation, en un temps où le cerveau est encore malléable.

J'ai eu l'occasion de rencontrer le professeur Van der Gaag, professeur de pédopsychiatrie de l'Université de Radboud, aux Pays-Bas, enseignant à l'université du Mirail, qui conduit depuis de nombreuses années des travaux sur le dépistage très précoce et la stimulation de l'attention conjointe des enfants. La France a pris dans ce domaine beaucoup de retard, qu'il est urgent de rattraper. Pour ce faire, le plan met l'accent sur le développement de la recherche, l'élaboration d'un corpus des connaissances, la formation initiale et continue des professionnels de santé et du secteur médico-social.

Les spécialistes soulignent d'autre part que l'accompagnement doit être éducatif, comportemental et psychologique, individualisé, impliquant le plus possible la famille. Ce qui plaide pour la mise en place de méthodes dont l'efficacité est prouvée depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, mais peu reconnue en France où l'approche psychiatrique est encore privilégiée -je pense au programme éducatif Teacch et à la méthode ABA. Le plan répond à cette attente par la promotion et le financement d'expérimentations de ces méthodes comportementales.

Autre élément d'une prise en charge efficace, le développement de structures éducatives et d'accueil adaptées. En Suède, les internats destinés aux enfants atteints d'autisme ont été remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires ; et les résidences pour enfants et adolescents ont été fermées au profit notamment de petites structures de quatre enfants maximum. Le plan s'inspire de cet exemple.

Le dernier impératif, et non des moindres, est le soutien psychologique et social apporté aux familles. Le plan met l'accent sur l'information, l'orientation et l'accompagnement des proches.

Les demandes des familles ont ainsi été entendues. Mais, à mi-parcours du plan Autisme, elles s'impatientent et vous demandent, madame la ministre, de passer à la vitesse supérieure. Je sais que vous ne ménagez pas vos efforts, notamment pour financer l'ouverture de structures innovantes. D'avance nous vous remercions des réponses que vous nous apporterez. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Daudigny.  - Une évolution se dessine au travers du plan Autisme 2008-2010 dans l'approche de l'autisme et des troubles envahissants du développement. Cette prise de conscience doit nous permettre d'adopter, avec modestie, une approche plus transversale des différentes manifestations d'autisme, notamment par l'expérimentation. Encore faut-il que les mesures d'accompagnement suivent : or nous sommes encore loin du compte. Ni les moyens, ni l'implication des ministères concernés ne sont au rendez-vous.

Vous parlez d'insuffisances, madame la ministre ; cette lucidité vous honore, mais le mot est faible au regard du désarroi des familles. Vous évoquez la création de 1 158 places nouvelles autorisées et financées sur un programme de 4 100 places. Mais ce nombre apparaît dérisoire au regard des 180 000 personnes souffrant de trouble envahissant du comportement (TED) selon l'Inserm -600 000 selon le Comité national d'éthique- et aux 5 000 à 8 000 nouveaux-nés concernés.

Le plan 2008-2010 est certes ambitieux, mais nous nous interrogeons sur l'ampleur des recherches envisagées, nous nous inquiétons de la formation et nous ne trouvons pas les postes indispensables au dépistage précoce, à l'accueil, à l'information et à l'accompagnement des familles. Les maisons départementales des personnes handicapées manquent déjà de personnel et les postes vacants ne sont pas toujours pourvus.

L'importance de la scolarisation dans le processus de socialisation des enfants est avérée : la disparition des auxiliaires de vie scolaire ne peut que nous inquiéter. Pourquoi n'avoir pas anticipé le terme de leurs contrats ? Que vont devenir les enfants et leurs familles ? N'y a-t-il pas là une nouvelle « maltraitance par défaut » pour laquelle la France a déjà été condamnée en 2004 par le Conseil de l'Europe ? Pourquoi ne pas suivre l'exemple de l'Italie, où l'effectif d'une classe qui accueille un enfant handicapé est automatiquement divisé pax deux et où l'enseignant est assisté d'une personne spécialisée ?

Il y a peu, dans l'Aisne, l'ouverture d'un centre de prévention et de diagnostic, espérée de longue date, a été brutalement compromise faute de versement de la moitié du financement prévu. Le constat des familles, des associations et des professionnels est amer : la reconnaissance des droits n'a pas été suivie d'effet. Des projets aboutissent cependant grâce à la bonne volonté de tous ; j'ai eu ainsi le plaisir et l'émotion d'inaugurer un foyer d'accueil pour adultes autistes de 27 places à Villequier-Aumont le 16 mai dernier. Mais il est le seul de mon département.

Dans ce contexte de retard et d'urgence, que dire du plan Autisme ? Comment pouvez-vous agir sans les budgets nécessaires ni les moyens d'action sur ceux de vos collègues ? Il faudrait un calendrier des priorités et un échéancier des principales mesures. Pourquoi ne pas envisager la tenue d'états généraux ? Ils ne pourraient que favoriser auprès du plus grand nombre une meilleure acceptation de la différence.

Car la douleur, la solitude et le désarroi des familles viennent, bien sûr, de l'ignorance et de la peur que génère l'a-normal.

Les syndromes des TED heurtent nos schémas sociaux et les remettent directement en cause dès lors qu'ils n'y trouvent pas leur place. Nous ne savons pas encore ni en identifier les causes ni soigner ou accompagner les souffrances qu'ils génèrent. Mais, en plus, vous développez un modèle social qui porte en lui-même cette exclusion. Où trouverez-vous le temps, la patience d'accepter des bénéfices immédiatement inquantifiables dans un monde normé par la compétitivité et la performance, soumis aux grilles d'évaluation, conditionné par les primes au mérite... toutes règles érigées en instruments impérieux de la réussite sociale ? Comment intégrer ces besoins à la seule aune d'enveloppes financières fermées ? La dépense, là plus qu'ailleurs, n'est-elle pas pondérée par l'investissement qu'elle réalise ?

Serait-il envisageable, puisque nous travaillons à budget contraint, d'intégrer à l'évaluation du coût d'une décision -par exemple celle de reconduire tous les contrats d'AVS- non seulement les économies réalisées en termes d'Assedic, de formations, de stages, de subventions au travail précaire, mais aussi les économies que génère, pour les enfants handicapés et leurs familles, l'absence de souffrance et d'angoisse ? (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Il y a un peu plus d'un an, le 16 mai 2005, j'annonçai, avec Roselyne Bachelot, le plan Autisme 2008-2010. Je suis donc heureuse de cette question orale qui me donne l'occasion de faire le point sur sa mise en oeuvre.

Ce handicap encore trop méconnu et qui alimente encore trop de fantasmes, concerne au moins 400 000 de nos compatriotes si l'on se réfère aux statistiques de prévalence de l'OMS.

La création de places. Le premier centre spécialisé ne date que de 1984 ! Les besoins sont donc immenses et c'est pourquoi le Gouvernement a jugé bon de lancer ce deuxième plan Autisme. Le premier plan 2005-2007 avait prévu de créer 1 950 places : en réalité 2 600 ont été réalisées. Ce second plan en prévoit 4 100 en cinq ans. L'effort financier, monsieur Daudigny, est de 187 millions... Pour fixer ce volume de places, nous nous sommes fondés sur le recensement des besoins établi par les Priac. Sous-estiment-ils les besoins ? C'est possible : c'est pourquoi le nombre de 4 100 places est pour nous un plancher et, depuis 2008, les préfets ont autorisé la création de 1 200 places -dont 500 pour les adultes- au lieu des 900 prévues chaque année. Le rythme de croisière désormais atteint permet d'espérer que les 4 100 places seront réalisées en trois ans, et non en cinq, et, donc, de revoir à la hausse le nombre de places créées. Nous sommes ainsi en passe de dépasser l'objectif du plan dès la première année.En 2009, nous voulons poursuivre ce mouvement et tenir le même rythme qu'en 2008.

Au-delà des créations nettes de places, il est nécessaire de requalifier des places existantes parce que, aujourd'hui, la majorité des personnes autistes est accueillie dans des établissements non spécialisés, où leur prise en charge est inadaptée. Nous avons donné instruction aux Ddass d'accompagner ces structures pour qu'elles adaptent leurs prises en charge à la spécificité de l'autisme. Plusieurs d'entre vous ont souligné le grand nombre de familles obligées d'aller en Belgique pour trouver des solutions pour leurs enfants. C'est d'ailleurs l'un des enseignements du rapport que j'avais confié l'année dernière à Cécile Gallez, députée du Nord, et qui m'a été remis en février. Cet accueil en Belgique est dû au manque de places en France, mais aussi à des méthodes de prise en charge qui n'existent pas en France : les classes ABA ou Teacch, que les parents français souhaitent voir se développer dans notre pays. Nous y travaillons.

J'ai voulu répondre au problème spécifique des régions frontalières : plus de 70 % des autistes français accueillis en Belgique viennent de la région Nord-Pas-de-Calais. Un plan d'urgence pour cette région est appliqué depuis trois ans pour un montant de 6 millions, qui a porté à 1 400 le nombre de places créées dans la région -tous handicaps confondus- pendant cette période. Il faut poursuivre ce rattrapage de l'offre. Les besoins de créations de places dans le Nord-Pas-de-Calais vont être remis à plat. En attendant et dès maintenant, la région va bénéficier d'une prolongation d'un an du plan d'urgence, doté de 2 millions et je souhaite qu'il soit particulièrement orienté vers les besoins des personnes autistes et de leurs familles.

Plusieurs d'entre vous ont souligné les difficultés rencontrées par les familles pour faire admettre leur enfant à l'école ordinaire. C'est une préoccupation du Gouvernement. Pour améliorer la scolarisation, la priorité doit être la formation. C'est ce que prévoit le plan : sensibilisation des enseignants pendant leur formation initiale, formation continue pour les enseignants accueillant des enfants autistes dans leurs classes, formation aussi des auxiliaires de vie scolaire. L'accompagnement par des Sessad est également essentiel : le plan prévoit au moins 600 places supplémentaires dans ces services. Et, plus généralement, la parution, le 2 avril, du décret sur la coopération entre école ordinaire et établissements adaptés va permettre à l'éducation nationale de mieux mobiliser les compétences du monde médico-social pour intégrer ces enfants.

On compte actuellement 170 000 enfants handicapés scolarisés dans des établissements ordinaires, soit 30 % de plus qu'en 2005, et 10 000 de plus chaque année. C'est un grand acquis de la loi de 2005, un défi que l'éducation nationale a su relever en consacrant 570 millions chaque année aux Avsi dont le nombre a augmenté. Aux deux dernières rentrées, 4 700 ont été recrutés, soit plus de 50 %.

Mais, surtout, la mise en relief de l'exigence de qualité implique pour ces auxiliaires d'être formés et de savoir s'adapter aux situations particulières, toutes différentes. C'est pourquoi quasiment tous ont bénéficié d'une formation, alors que 30 % d'entre eux n'en avaient aucune en septembre 2007. Cette formation repose sur un cahier des charges et sur une convention conclue aves les associations de parents d'enfants handicapés.

La fin du contrat de nombreux AVS et Avsi en juin pose le problème de la création d'une véritable filière professionnelle, ce à quoi nous réfléchissons avec Xavier Darcos et les missions parlementaires spécialisées. Nous envisageons la mise en place d'un service d'accompagnement à l'école et à domicile qui ne se substituera pas à l'existant -Sessad et AVS- mais constituera l'outil manquant répondant au besoin de continuité dans l'accompagnement. Cela offrirait aux AVS en fin de contrat ainsi qu'aux personnels médico-sociaux une véritable filière et un véritable métier. Notre objectif quantitatif, c'est donc d'avoir, à la prochaine rentrée, comme la loi nous y oblige, un nombre de contrats au moins égal au nombre actuel, tandis que notre objectif qualitatif, pour la rentrée suivante, est de travailler sur des mesures législatives innovantes qui institueraient une telle filière, ce que nous ferons en concertation, notamment avec vos commissions.

Vous êtes plusieurs à m'avoir demandé pourquoi expérimenter des méthodes qui sont largement reconnues ailleurs. Ce ne sont pas les méthodes elles-mêmes que nous expérimentons puisqu'elles sont en effet pratiquées depuis longtemps hors de nos frontières, en Belgique notamment.

C'est leur transposition concrète au sein des structures médico-sociales avec les ajustements par rapport au droit commun que cela suppose. Tout ne sera pas possible sans contrôle. Les expérimentations seront encadrées et évaluées de manière à ne généraliser que les meilleures pratiques. Un cahier des charges sera publié d'ici l'été ; le suivi des enfants sera assuré par une équipe extérieure, hospitalière ou universitaire.

Cela a provoqué un foisonnement de projets. Le premier centre expérimental a été inauguré le 14 novembre à Villeneuve-d'Ascq et sept projets ont été déposés en Ile-de-France. Leur examen par le CROSMS du 14 mai a montré que des réticences demeurent quant aux nouvelles méthodes et à leur coût, ce qui a motivé les avis défavorables. Nous avons besoin de progresser sur la voie du dialogue. Tous les garde-fous ont été prévus et les Ddass sont très vigilantes. S'agissant du coût, l'expérimentation ne se fera pas au détriment des établissements actuels. Je n'ai pas souhaité retenir seulement un ou deux projets car, sans tomber d'un extrême à l'autre, il faut que les expérimentations atteignent une dimension significative, une masse critique. Je n'ai pas voulu que les projets pèsent entièrement sur les Ddass, et j'ai mobilisé des crédits supplémentaires de sorte que les 162 places concernées, soit 13 % des places autorisées, viennent bien en sus.

Les appels à projet seront la règle ; on sélectionnera ceux qui répondent le mieux aux besoins de chaque région, mais, dans cette diversification de l'offre, nous n'oublions pas les adultes, monsieur Blanc et travaillons avec le ministère du logement à des logements accompagnés pour des adultes autistes.

Comment les futures agences impacteront-elles la mise en oeuvre du plan autisme ? Elles permettront d'aller plus vite en sélectionnant d'emblée les projets répondant le mieux aux besoins, qui obtiendront autorisation et financement. Les promoteurs n'attendront plus et la fongibilité asymétrique facilitera la reconversion des lits là où c'est nécessaire - Mme Dini y a insisté. Nombre d'autistes occupent en effet des lits sanitaires faute de place en milieu médico-social.

Le plan Autisme ne se résume pas aux projets expérimentaux et au nombre de places. Vous avez évoqué la méconnaissance des dernières avancées de la médecine. Non, elles sont bien là, mais mal diffusées, elles souffrent de querelles de chapelle entre praticiens. Nous avons donc cherché à objectiver les connaissances sur l'autisme par l'élaboration d'un socle commun qui fasse enfin consensus. La Haute autorité de santé a arrêté son protocole et confié sa direction à deux personnalités de référence, M. Aussillou et Mme Bartélémy, que vous avez auditionnée. Nous voulons une triple approche, internationale, scientifique, pluridisciplinaire et un document sera arrêté avant la fin de l'année.

Il convient d'améliorer la formation des professionnels. C'est particulièrement vrai outre-mer pour l'accès aux nouvelles méthodes. Nous en avons fait une priorité et avons voulu anticiper sur le socle commun des connaissances. Les professionnels de santé ont reçu une plaquette résumant les recommandations de la Haute autorité de santé en matière de diagnostic. Les parents pourront également bénéficier d'une formation. Le premier appel à projets pourra être lancé en 2010 et les enseignants recevront à la rentrée un guide sur l'intégration des enfants dans leur classe.

Améliorer le diagnostic est le point central. Nous voulons faciliter l'accès au diagnostic, accroître sa qualité et renforcer l'accompagnement des familles. Trois millions iront au renforcement des équipes, ce qui permettra à chacune de recruter trois personnes et accélèrera les prises en charge. Nous lançons en septembre une expérimentation sur le diagnostic et son annonce. Nous avons déjà reçu 50 projets. Une classification franco-française inscrit l'autisme parmi les maladies psychiatriques, ce qui culpabilise les mères ; il faut donc recourir à la classification de l'OMS : l'autisme est un trouble d'origine neurologique.

Les bonnes pratiques permettront de lutter contre les dérives. Un référentiel sera publié d'ici la fin de l'été. Nous réfléchissons sur le packing que certains médecins emploient contre des troubles sévères du comportement afin d'éviter les médicaments psychotropes. Il faut l'évaluer. Un protocole de recherche impose des règles, à commencer par l'information des parents et leur accord exprès. L'on doit en rester là en attendant une évaluation. L'absence d'accord des parents peut donner lieu à un signalement voire à la saisine du juge. Mme Bachelot-Narquin considèrera s'il y a maltraitance et des instructions seront données aux Ddass pour qu'elles s'assurent que cette méthode n'est pas employée dans les établissements médico-sociaux. On ne laissera pas développer des pratiques contraires aux intérêts et au bien-être des personnes concernées.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner toute sa mesure au plan autisme. Malgré les difficultés, les mentalités changent, la prise de conscience est générale. Nous avons mis chacun autour de la table pendant six mois et, au-delà de ce premier succès, nous voulons construire l'établissement de demain, qui assure à chacun une prise en charge individualisée et sécurisée. Nous poursuivrons ce travail pour traduire dans les faits cette révolution et prolonger cette dynamique qui répond aux légitimes espérances de familles qui n'ont que trop attendu.

Nous en rencontrons tous sur le terrain, des familles qui ont la douleur de ne pas trouver de prise en charge. C'est pourquoi nous sommes tous convaincus de la nécessité d'avancer.

Je vous remercie pour votre contribution à la réflexion sur le plan que nous préparons. Je compte sur votre soutien et espère qu'à la fin nous aurons fait un grand pas. (Applaudissements)

Mme Bernadette Dupont, auteur de la question.  - Je remercie Mme Létard. C'est en général aux familles qu'il revient de faire bouger les choses en la matière ; cette fois, elles ont réussi à en faire prendre conscience à la ministre.

Il me semble toutefois que certains dossiers pourraient avancer assez vite. Requalifier les places existantes pourrait ainsi se faire sans délai. Il existe déjà des formations sur l'autisme à l'Unapéi ; il faut motiver les professionnels pour instaurer ce que j'appellerai la « bien-traitance ». Cela pourrait passer par la création, dans les écoles d'éducateurs spécialisés, d'un module sur l'autisme. Ce qui, là encore, ne prendrait pas beaucoup de temps. Il faudrait également inciter les établissements à une véritable coopération avec les familles demandeuses.

Pour le suivi extra-médical, il serait bon de créer des commissions paritaires car actuellement -c'est frappant dans les Yvelines- on se contente d'envoyer les autistes en hôpital psychiatrique, sans contact avec l'hospitalisation universitaire.

Il y a, dites-vous, 170 000 enfants handicapés dans les écoles, soit 10 000 par an depuis 2005. Fort bien, mais il ne faut pas se cacher que, pour certains d'entre eux, cette scolarisation ne représente qu'une ou deux heures par jour. Il y aurait lieu aussi de sensibiliser l'éducation nationale à la question car la plupart des professeurs des écoles concernés sont plus contraints que volontaires. Il faudrait les responsabiliser.

Pourquoi est-il si long de changer les contrats des AVS et des Avsi ? On pourrait le faire à l'occasion du RSA et prolonger le contrat des personnes qui s'occupent déjà des enfants en difficulté. Pourquoi attendre ? Les AVS sont pour la plupart des femmes qui ont autour de 50 ans or, si le contrat a été conclu avant leurs 50 ans, il ne peut pas être prolongé alors qu'il le peut dans le cas contraire. Ce n'est pas sérieux ! C'est l'enfant autiste qu'il faut mettre au coeur de la réflexion. (Applaudissements)

Le débat est clos.

Débat européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.

Le débat sera organisé autour des deux thèmes suivants : profils nutritionnels et vin rosé. Chacun de ces sujets donnera lieu à un échange. Compte tenu de l'organisation du débat décidée par la Conférence des Présidents, pour chacun des deux sujets, interviendront le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes, pour dix minutes ; le Gouvernement, pour dix minutes ; puis une discussion spontanée et interactive sera ouverte sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.

Profils nutritionnels

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.  - La commission des affaires économiques a adopté une proposition de résolution concernant les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires. Un règlement communautaire de décembre 2006 a établi un cadre destiné à garantir la loyauté des allégations nutritionnelles, c'est-à-dire la communication commerciale sur les caractéristiques nutritionnelles des produits alimentaires. Il s'agissait d'assurer la bonne information du consommateur en interdisant, par exemple, pour des produits très sucrés ou très gras, des mentions publicitaires du type « riche en fer » ou « apport en vitamines » ou encore « allégé en sel ». L'idée était d'éviter que les industriels de l'agroalimentaire n'induisent en erreur les consommateurs sur les caractéristiques nutritionnelles réelles des aliments en insistant sur un point positif et en restant très discrets sur les aspects plus négatifs, au sens sanitaire, des produits.

Pour rendre applicable cette réglementation, encore faut-il définir le profil nutritionnel de ces aliments, c'est-à-dire leurs proportions en nutriments que l'on juge acceptables. Cette définition doit faire l'objet d'un règlement communautaire d'exécution qui, en raison de son caractère essentiellement technique, est adopté par la Commission, sous le contrôle du Conseil et du Parlement européens, dans le cadre d'une procédure dite de « comitologie ». Sous l'égide de la direction générale de la santé et des consommateurs, la DGSANCO, un comité d'experts qu'on appelle le CPCASA, s'est réuni courant 2008 pour fixer, par catégories de produits alimentaires, les seuils de nutriments définissant leurs profils spécifiques.

Or, dans ce CPCASA, se sont affrontées deux philosophies correspondant à deux modèles alimentaires. Pour les Britanniques et les Nordiques, la bonne santé de la population est assurée par le contenu nutritionnel de chaque aliment. La France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas estiment que c'est l'équilibre alimentaire global qui est déterminant, et que celui-ci est assuré par le respect de bonnes habitudes, par exemple manger à heures fixes, varier la nourriture, avoir des apports quotidiens en fruits et légumes frais. Comme la DGSANCO est plus perméable au premier modèle, ses travaux ont abouti à un projet de règlement fixant des normes tellement strictes qu'elles interdisaient tout droit à allégation nutritionnelle à la biscuiterie, aux fromages et au pain. C'était absurde.

Les fromages produits de manière traditionnelle étant issus de la première transformation du lait, leur contenu nutritionnel ne peut pas être modifié ; dès lors, leur imposer des seuils très stricts en matière grasse et en sel leur interdirait d'alléguer sur leurs apports en calcium ; alors que n'importe quel soda ou jus de fruit enrichi en calcium pourrait vanter cet apport nutritionnel. En ce qui concerne la biscuiterie, il est naturellement possible à l'industrie agroalimentaire de réduire les teneurs en sel, en sucre ou en matières grasses, mais si on fixe des seuils trop stricts, ces industriels n'ont aucun intérêt économique à investir dans la recherche-développement car leur retour sur investissement sera beaucoup trop lointain dès lors qu'ils ne pourraient pas rapidement communiquer sur leurs efforts en la matière.

Bref, il y avait dans ce dossier un problème de proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis par le règlement de 2006. Cette situation a ému les professionnels, notamment ceux du secteur laitier, qui m'ont alerté au début de l'année. C'est ce qui a conduit à l'adoption, par la commission des affaires européennes d'abord, par celle des affaires économiques ensuite, de la résolution n°83 qui demande deux choses au Gouvernement.

D'abord, une méthode. Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, les assemblées françaises peuvent adopter des résolutions européennes sur tout document émanant d'une institution européenne, et non plus uniquement sur les seuls projets formalisés de directive ou de règlement transmis au Conseil et au Parlement européens. Cette extension est une anticipation du Traité de Lisbonne et c'est sur elle que je me suis appuyé pour faire intervenir le Sénat puisque le texte en cause n'est qu'un document de travail de la Commission européenne, et pas un véritable projet de règlement. Le problème, c'est que la Commission produit quotidiennement des dizaines de ces documents, et qu'il nous est matériellement impossible d'avoir connaissance de toute cette production. Si la plupart d'entre eux sont trop techniques pour justifier une intervention, certains, comme celui-ci, ont un caractère politique affirmé. Il faut donc que le Gouvernement nous transmette les projets présentant un intérêt politique.

Nous demandons d'autre part au Gouvernement de s'opposer à l'adoption de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certains produits.

Pour ce qui concerne les profils nutritionnels, nous refusons des seuils de nutriments qui favoriseraient la communication des produits standardisés issus de l'industrie agroalimentaire : il vaut mieux manger un peu de fromage, un peu de légumes et des fruits, que d'assurer ses apports quotidiens en calcium, en fer et en vitamines par la consommation de sodas enrichis par ces nutriments.

Plus généralement, il convient que nos représentants à Bruxelles fassent respecter la diversité des traditions alimentaires propres à chaque État. Il ne faudrait pas que, sous couvert de préoccupations sanitaires, la Commission européenne nous imposât un modèle alimentaire unique, qui plus est anglo-saxon.

Une partie de mon rapport fait état d'études scientifiques qui démontrent que ce modèle est probablement moins efficace pour lutter contre le surpoids et l'obésité que le modèle latin, représenté par les habitudes françaises. Notre opposition n'est donc pas simplement culturelle, mais aussi sanitaire.

Enfin, les pouvoirs d'exécution conférés à la Commission, que nous ne remettons pas en cause puisqu'ils sont indispensables, doivent cependant toujours respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité, principes auxquels la commission des affaires européennes du Sénat est tout particulièrement attachée.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Tout à fait !

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.  - Dans le cas qui nous préoccupe, les profils ne sont pas un instrument de santé publique, mais simplement un outil technique qui vise à garantir que l'information commerciale destinée aux consommateurs en matière nutritionnelle est loyale. Le règlement d'application doit donc s'attacher à satisfaire cet objectif, et pas un autre.

Depuis l'adoption de cette proposition de résolution par la commission des affaires économique, les choses ont heureusement évolué dans le bon sens ! Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous informer sur les démarches du Gouvernement avant et après l'adoption de la résolution du Sénat, et nous indiquer quel est l'état d'esprit de la Commission et ce qu'on doit attendre de ses décisions à venir. Le Sénat peut-il avoir le légitime espoir d'être aussi bien entendu sur ce dossier qu'il l'a été sur celui des vins rosés ? (Applaudissements à droite ; M. Roland Courteau applaudit aussi)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Votre question traduit une préoccupation majeure qui permet de démontrer à ceux qui en doutaient encore que les choix européens ont un impact sur la vie quotidienne des consommateurs.

La réglementation européenne sur les profils nutritionnels actuellement en discussion poursuit des objectifs de santé publique et de protection des consommateurs, que nous appelons tous de nos voeux. La réglementation part d'ailleurs de constats de bon sens : il est en effet choquant de voir des produits se flatter d'être riches en calcium quand, dans le même temps, ils contiennent une forte proportion de substances grasses, sucrées ou salées. Cette réglementation vise donc à éviter que n'importe quel produit puisse se prétendre bon pour la santé.

Outre ces enjeux nutritionnels, la Commission défend un autre objectif que nous partageons, à savoir la loyauté de l'information. Pour que la concurrence ne soit pas faussée, il faut empêcher que les producteurs puissent faire valoir auprès des consommateurs un avantage compétitif qui n'a pas lieu d'être.

Une fois ces principes posés, reste leur déclinaison concrète dans la législation. Et c'est là que le bât blesse : il ne faudrait pas que la défense d'objectifs qui nous sont chers allât à l'encontre d'autres principes tout aussi importants, à savoir la diversification de l'alimentation du consommateur, la protection de nos produits traditionnels, comme le fromage ou les produits céréaliers, et la compétitivité de notre filière agricole et agro-alimentaire. C'est pourquoi la France s'est opposée à la première mouture de la réglementation. Nous sommes encore dans une première phase de consultation des pays membres. Beaucoup partagent les positions de la France et je vous garantis que le nouveau projet de la Commission sera très éloigné du premier et tiendra compte des positions que nous avons défendues.

Pourquoi la France a-t-elle manifesté son désaccord ? L'objectif affiché par la réglementation européenne est de restreindre le nombre d'aliments portant des allégations nutritionnelles. Mais le premier projet de la Commission paraissait extrêmement sévère puisqu'il conduisait à une éligibilité moyenne aux allégations de 41 % de produits seulement, avec des écarts allant de 2 à 81 % selon les catégories de produits. En outre, la démarche de la Commission soulevait des questions : ainsi, l'établissement de critères objectifs de sélection relève de la gageure, car cela revient à faire un tri entre les bons et les mauvais aliments. Travail difficile, voire vain, quand on sait que les autorités scientifiques rappellent qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais aliments, mais seulement des combinaisons d'aliments permettant de parvenir ou non à un équilibre alimentaire.

Une autre limite évidente réside dans le fait que pour certains produits agricoles traditionnels peu transformés, les marges de manoeuvre en matière de reformulation s'avèrent très réduites, alors même que ces produits constituent la base de notre alimentation. Ces limites évidentes nous conduisent à être très vigilants sur le niveau de sévérité du dispositif que nous adopterons. Les exposés du règlement rappellent d'ailleurs que « les profils devraient prendre en compte les habitudes et les traditions alimentaires, ainsi que le fait que des produits, considérés individuellement, peuvent jouer un rôle important dans le cadre d'un régime alimentaire global »

Vous avez raison de souligner les risques d'une transposition trop rigoureuse du texte européen. Les critiques de M. Bizet rejoignent celles de M. Barnier que je tiens d'ailleurs à excuser car il est aujourd'hui retenu à Bruxelles. Vous demandez au Gouvernement, dans le cadre des discussions communautaires sur les profils, de s'opposer à de nouvelles propositions de seuils de nutriments qui seraient inadaptés pour certaines denrées ou qui tendraient à promouvoir la consommation des seuls produits standardisés issus de l'industrie agroalimentaire. C'est ce que nous faisons.

Vous nous avez également invités à examiner la question des profils dans une perspective d'équilibre alimentaire global. Là encore, vous êtes parfaitement en ligne avec la position que nous avons fait valoir auprès de la Commission. La position française repose sur quatre considérations importantes : d'abord la prise en compte des caractéristiques nutritionnelles globales de l'aliment, et pas seulement ses aspects négatifs. La direction générale de la santé et de la protection des consommateurs de la Commission a proposé un système de contrôle reposant sur trois nutriments : acides gras saturés (AGS), sucres et sel. Les autorités françaises ont accepté ce choix qui a le mérite de la simplicité. En revanche la France souhaite la mise en perspective de l'aliment dans le régime alimentaire global : il s'agit de distinguer, pour chaque produit, les apports en nutriments négatifs, mais aussi positifs, dans le cadre d'un régime alimentaire global. Ainsi, il est vrai que les fromages sont riches en acides gras saturés mais la majorité des consommateurs n'en mangent pas tous les jours. Avec une consommation de 30 grammes par jour en moyenne, le fromage n'est donc pas un contributeur majeur à l'apport total d'acide gras saturé. En revanche, il apporte une contribution majeure à l'apport calcique : plus de la moitié du calcium consommé quotidiennement est apporté par les produits laitiers, dont plus de 20 % par les fromages. Ce qui est vrai pour le fromage ne l'est pas forcément pour tous les produits. Ainsi, la demande des chocolatiers de création d'une catégorie pour leurs produits a été rejetée, ces produits n'étant pas des contributeurs majeurs en nutriments essentiels.

En deuxième lieu, la France souhaite une plus grande proportionnalité. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa) a indiqué les catégories d'aliments ayant une place importante dans le régime alimentaire. Des seuils adaptés ont été proposés pour ces catégories, mais leur définition est parfois contestable. Ainsi les biscuits et les produits de panification ont été associés aux féculents, comme les pâtes ou le riz, ce qui les a pénalisés dans les différentes propositions de la Commission. La France veut garantir une meilleure proportionnalité en améliorant la définition des catégories et en rehaussant certains seuils très pénalisants. Il faut aussi tenir compte des produits diététiques dont la composition répond à des besoins nutritionnels particuliers, comme pour les nourrissons ou les sportifs. S'agissant de ces produits spécifiques, le Gouvernement veut qu'ils soient exonérés des profils dès lors qu'un besoin nutritionnel particulier impose leur dépassement. Ainsi un produit pour sportif ne serait pas soumis aux teneurs maximales en sucres ou en sodium dès lors que les teneurs apportées seraient justifiées par les besoins nutritionnels de ces personnes. En revanche, des apports élevés en acides gras saturés élevés n'étant pas justifiés chez le sportif, les produits seraient soumis aux profils pour ce nutriment.

Troisième considération que défend le Gouvernement : l'incitation à la reformulation. Le plan national nutrition santé (PNNS) réunit l'État et les opérateurs afin d'inciter ces derniers à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits. Il paraissait dès lors inconcevable de défendre des seuils interdisant l'accès à toute forme de communication sur la qualité nutritionnelle des produits et de supprimer toute incitation à la reformulation.

Dernière considération qui sous-tend notre position : la cohérence avec la politique nutritionnelle et la culture alimentaire françaises. C'est pourquoi nous avons insisté sur la nécessaire diversification des aliments au sein du régime. L'exemple type est la communication que nous faisons en France sur trois produits laitiers différents par jour, y compris pour les fromages, quand la Commission prônait une satisfaction des besoins en calcium par le seul lait ou les yaourts. En outre, notre position tient compte de considérations plus culturelles, telles que la défense des produits traditionnels ou agricoles. Ceux-ci constituent la base de l'alimentation française. Leur marge de manoeuvre en matière de reformulation est évidemment faible. Le Gouvernement a ainsi considéré qu'il était plus pertinent de valoriser le calcium apporté par les fromages que celui ajouté artificiellement aux sodas, comme l'a évoqué M. Bizet. De la même façon, les autorités françaises ont défendu que les produits bruts non transformés, comme les viandes et les poissons, soient exonérés de l'application des profils.

La France a donc adopté une position à la fois proportionnée, respectueuse de la tradition culinaire française, et soucieuse des intérêts des consommateurs en matière de nutrition. Cette position rejoint très clairement les positions exprimées par M. Bizet dans sa résolution. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Le Cam.  - La tendance à une alimentation standardisée et diététique, contraire à notre culture gastronomique, est étroitement liée au développement de l'obésité. Pour la contrecarrer, le Gouvernement devrait lancer un vaste plan en direction des jeunes, des familles, des structures d'éducation et des filières de transformation et de communication associant la qualité, la connaissance, l'hygiène de vie, le sport et les plaisirs de la table -car, fort heureusement, l'esprit de Rabelais n'est pas mort ! Certes, nous ne partons pas de rien en la matière, mais ne pourrait-on pas faire mieux ?

Mme Colette Mélot.  - L'Union européenne, pour traiter certains sujets tels les profils nutritionnels ou le vin rosé, doit faire de la politique, soit mesurer avec bon sens la portée de ses décisions. Le projet de réglementation des profils nutritionnels, s'il part d'une bonne idée, disqualifierait, à cause de seuils trop élevés, nos fromages au lait cru et nos AOC du Sainte-Maure de Touraine en passant par le Saint-Nectaire jusqu'au Brie de Melun, que je défends en particulier en tant qu'élue de ce territoire... Ces produits de nos terroirs, qui appartiennent à notre patrimoine gastronomique, n'ont jamais tué personne et, grâce à leur richesse en calcium et ferments lactiques, ont aidé des millions d'enfants français au fil des siècles à développer leur masse osseuse.

Sans la vigilance du Sénat et de M. Bizet, en particulier, ce projet aurait été adopté en catimini par la Commission via un comité d'experts. Parce que la santé repose d'abord sur une alimentation équilibrée, gardons-nous de tout ce qui uniformise et aseptise notre alimentation.

Monsieur le ministre, le Gouvernement doit être plus vigilant et plus réactif sur ces dossiers. Pourquoi le Sénat n'a-t-il pas été informé en amont quand ce débat concerne tous les Français qui sont en droit de nous demander des comptes ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Dans ma réponse à M. Bizet, j'ai rappelé l'attachement du Gouvernement à défendre un modèle de nutrition et de filière agroalimentaire, que nous partageons tous au-delà des sensibilités politiques. A preuve, la position française sur le projet de réglementation des profils nutritionnels qui a illustré notre volonté de préserver la diversité alimentaire et les terroirs, le plan d'action qui découle du programme national nutrition santé pour mieux tenir compte des cultures alimentaires, l'action sur le Roquefort que nous avons entreprise auprès de nos amis américains pour défendre un label et une identité.

Madame Mélot, le Sénat n'a pas été saisi du dossier en amont car la Commission n'a toujours pas adopté de position officielle et le débat en est resté au niveau technique. Néanmoins, le Gouvernement, alerté par nos services, a transmis des observations à la Commission sur les difficultés que soulevait ce projet sur la base desquelles M. Barroso a demandé une modification de l'avant-texte. Le Gouvernement continue de travailler avec ses services pour orienter la position européenne.

M. Jean Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.  - Le nouveau projet de la Commission sera donc éloigné de sa première version. Je remercie le Gouvernement d'avoir entendu notre appel ! Cher président de la commission aux affaires européennes, la dernière révision constitutionnelle permet au Parlement d'être plus réactif, d'anticiper le traité de Lisbonne, de mettre en avant les principes de proportionnalité et de subsidiarité et, partant, de mieux faire accepter l'Europe par nos concitoyens. Enfin, je veux souligner l'importance de créer des passerelles, au sens noble du terme, entre le Parlement et le monde de l'entreprise. Si nous n'avions pas été alertés, nous ne serions pas intervenus et les conséquences de ce projet sur la filière de transformation laitière et, partant, sur celle de la production laitière, qui connaît actuellement certains troubles, se seraient fait sentir. Sans formaliser ces passerelles, les chefs d'entreprise, ces créateurs de richesse, doivent sentir que le Parlement se préoccupe de leurs soucis quotidiens. A l'avenir, c'est ainsi que nous devrons fonctionner ! Puisse le traité de Lisbonne devenir dans les prochains mois une réalité pour les entreprises et les consommateurs !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Ce sera le cas !

M. le président.  - Et le Sénat débattra de la situation de la filière laitière le 25 juin...

Vin rosé

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - (Applaudissements à droite) Une fois n'est pas coutume, nous nous réunissons, non pour critiquer l'action de l'Europe en matière agricole, mais pour nous féliciter que la Commission ait renoncé à autoriser la production de vin rosé par coupage de vin blanc et de vin rouge. Toute la question est : pour combien de temps ?

Mme Gisèle Printz.  - Ah ?

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Eh oui !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - En fait, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide (sourires) : nos producteurs ont eu gain de cause, mais le dossier révèle le degré d'incompréhension de la Commission sur les questions agricoles.

Le combat -osons le mot !- était pourtant mal engagé. Fin janvier, quand le Comité de gestion des vins vote à titre indicatif le projet de règlement sur les pratiques oenologiques, aucun des participants, dont la France, n'y voit rien à redire...

M. Roland Courteau.  - Exact !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - Pourtant, celui-ci lève l'interdiction, en application de la réforme de l'OCM vitivinicole de 2007, de produire des rosés de table par coupage afin, selon la commissaire à l'agriculture, que les producteurs européens jouent à armes égales avec leurs concurrents américains ou australiens.

La résistance s'organise. Après que notre ministre de l'agriculture s'est saisi du dossier, un compromis est concocté le 23 mars au sein du comité de gestion du vin : les rosés authentiques bénéficieront de l'appellation « vin traditionnel ». Il est repoussé par nos professionnels qui ne veulent pas que ce produit jeune, particulièrement consommé par les femmes, (murmures flatteurs) prenne un tour poussiéreux en raison de la mention « traditionnel ».

L'opposition est donc reconduite, mais la France ne dispose pas véritablement d'appui pour bloquer la mesure, dont l'adoption est renvoyée au conseil des ministres de l'agriculture du 19 juin. Notre assemblée se saisit alors du dossier. Avec mon collègue M. Sutour, en tant que président du groupe d'études « vigne et vin », je dépose auprès de la commission des affaires européennes une proposition de résolution. Chargé par la commission des affaires économiques -auprès de laquelle le texte a été renvoyé- de le rapporter, et en accord avec M. Courteau...

M. Guy Fischer.  - Ah ! Ils sont complices ! (Sourires)

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - ...j'auditionne les principaux acteurs du dossier. Le rapport et la proposition sont adoptés à l'unanimité par notre commission le 3 mai. Ce texte, devenu résolution du Sénat dix jours plus tard, invite le Gouvernement à « s'opposer fermement à la suppression de l'interdiction du coupage de vins ».

Parallèlement, les viticulteurs mènent des actions importantes de communication. Le 26 mai, ils organisent une conférence de presse à Bruxelles à laquelle les producteurs italiens et espagnols s'associent. La campagne « coupé n'est pas rosé » est lancée efficacement, la pétition sur internet recueille plusieurs dizaines de milliers de signatures. Et, d'après un récent sondage, 87 % des Français sont opposés à l'autorisation de coupage et 86 % n'en achèteraient jamais. Sont mis en avant les qualités et l'originalité du vin rosé authentique, ainsi que l'importance économique du secteur.

Ni blanc, ni rouge, ni mélange, le rosé « traditionnel » se singularise par sa couleur, sa texture, son goût et sa conservation.

Le marché du vin rosé se porte bien. La France est leader mondial, avec 38 % de la production européenne, provenant de Provence, de Loire, du Rhône et de Gironde. Le rosé, c'est 11 % de notre vignoble, un milliard de chiffre d'affaires, 11 000 personnes et 66 000 emplois induits. La demande ne cesse de croître : 24 % de la consommation française, contre 11 % en 1990, plus que le blanc. Facile d'accès, le rosé correspond aux attentes du public, d'autant que le produit a été rendu plus attractif, en termes de qualité, de prix ou de marketing.

Le coupage présente tout d'abord un risque de standardisation. Un ou 2 % de vin rouge dans du vin blanc suffisent à lui donner l'apparence d'un rosé, d'où la tentation de colorer du blanc de piètre qualité pour obtenir du vin « rosi ». La palette de goûts et de couleurs des rosés traditionnels aurait été perdue au profit d'un produit interchangeable. Deuxième risque : l'édulcoration. L'absence, dans les rosés coupés, des molécules donnant au vin sa rondeur peut être compensée par une macération plus longue, source de rugosité. On y pallie en ajoutant du sucre... Dernier risque : la confusion pour le consommateur, trompé par un vin ayant l'aspect chromatique du rosé, mais pas le goût.

Pour toutes ces raisons, il fallait nous opposer avec fermeté au projet de la Commission. Nos arguments ont porté puisque notre pays a su retourner suffisamment de partenaires potentiels pour s'assurer une minorité de blocage.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Absolument.

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - Cette reconfiguration du rapport de forces, alliée peut-être à la proximité des élections européennes...

M. Roland Courteau.  - Cela se pourrait bien !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - ...a entraîné le recul de la Commission. Dès lors, une seule interrogation demeure : l'OMC a-t-elle examiné le dossier qui lui avait été renvoyé pour avis ? Risque-t-on de se voir reprocher l'interdiction du coupage pour entrave à la libre concurrence ? Ce qu'a fait un commissaire, un nouveau peut le défaire...

M. Roland Courteau.  - Bien sûr !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - Ne pourrait-on inviter M. Lamy à venir s'exprimer sur les sujets abordés aujourd'hui ?

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - C'est comme si c'était fait !

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - Il faut rester vigilants sur tous les fronts. Je me félicite de l'effet de nos travaux sur cet heureux dénouement, preuve que l'union du Parlement, de l'exécutif et des acteurs économiques permet d'obtenir satisfaction lorsque la cause est juste, tel le mariage du fromage et du rosé ! (Applaudissements)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Barnier, qui a été un acteur majeur du dossier.

Le vin rosé a été ces dernières semaines au coeur de débats politiques et médiatiques passionnés. Dès que des décisions européennes touchent à notre patrimoine gustatif et oenologique, à notre culture, ainsi qu'à un secteur économique important, on attend une attention particulière des pouvoirs publics. Certains, non sans arrière-pensées auraient souhaité faire du rosé le symbole d'une Europe éloignée, technocratique, sourde à la défense des patrimoines nationaux. Ils en ont été pour leur frais.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - L'Europe ce n'est pas « eux », c'est « nous ». Pour obtenir des décisions favorables, il faut peser et faire valoir notre point de vue, avec détermination et volontarisme.

Lors du vote indicatif préalable à la consultation de l'OMC, le 27 janvier 2009, la France avait fait part de ses réserves sur la levée de l'interdiction de coupage, tout en se prononçant favorablement sur le reste du texte, compte tenu des réponses positives apportées à ses autres demandes.

M. Roland Courteau.  - Ce n'était pas très clair...

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Initialement soutenue par la seule Hongrie, la France a obtenu le report du vote à la fin juin, mettant à profit ce délai pour rechercher des soutiens. Michel Barnier a ainsi écrit à la Commissaire le 11 février et le 13 mars 2009 et porté ce sujet à l'attention de ses homologues à l'occasion des conseils des ministres de l'agriculture.

La Commission a indiqué qu'elle n'entendait pas modifier le règlement sur les pratiques oenologiques et a proposé de permettre aux États membres de distinguer le rosé « traditionnel » et le rosé de coupage sur l'étiquetage. La France s'est abstenue, soulignant que cette faculté ne garantissait pas un régime commun entre États. Les professionnels ont enfin insisté sur le décalage entre l'appellation rosé « traditionnel » et son image moderne. Devant la mobilisation des gouvernements, surtout français et italien, et des professionnels, la Commission a indiqué le 8 juin qu' « il n'y aura pas de changement dans les règles de production du vin rosé ».

Le Gouvernement a travaillé en lien étroit avec les professionnels, la Commission et les autres États membres dès cet automne. N'en déplaise à certains, cette méthode était la bonne. C'est la victoire d'un modèle alimentaire respectant les droits du consommateur, les savoir-faire des producteurs et les traditions qui nous sont chères. Il y avait urgence, car le règlement actuel prend fin au 1er août 2009. Cette proposition s'inscrit dans la réforme plus large de l'organisation commune de marché vitivinicole. La levée de restrictions telles que la désalcoolisation ou l'utilisation de copeaux est attendue par la profession. Cette réforme est essentielle pour la filière qui, vu la réduction de la consommation nationale, doit reconquérir des parts de marché à l'exportation.

Les producteurs ont fait part à Michel Barnier, le 14 janvier 2009, de leur opposition à la proposition de la Commission, qui aurait menacé l'équilibre économique de la filière des vins rosés français de qualité. Le Gouvernement est conscient des efforts réalisés par les producteurs et des enjeux en cause : avec 29 % de la production mondiale, la France est le premier producteur de rosé, lequel représente près de 9 % de la consommation mondiale. En outre, il était primordial qu'il n'y ait pas d'amalgame aux yeux du consommateur entre deux types de produits intrinsèquement différents.

L'interdiction du coupage ne concernant que les vins produits au sein de l'Union européenne, l'OMC -qui ne s'est pas prononcée sur la désalcoolisation ou l'utilisation de copeaux- n'a pas de motif de dénoncer cette décision au titre de l'entrave à la libre concurrence. La position défendue par le Gouvernement a répondu aux attentes que vous avez exprimées dans votre résolution. C'est une victoire partagée, après plusieurs mois de dialogue avec la Commission et les autres États membres. (Applaudissements)

M. Roland Courteau.  - La raison l'a emporté, et la Commission a fait marche arrière. Mais ce renoncement est-il définitif ? J'ai soutenu la proposition de résolution de MM. César et Sutour. Nos interventions et la réaction des professionnels ont permis de corriger ce qui était plus qu'une erreur, une faute. La Commission, avec l'aval des États membres, voulait libérer l'Europe de ses « entraves oenologiques » !

C'est grave pour l'avenir ! Ces règles, cette interdiction de faire n'importe quoi ont garanti la réputation des vins français. Plutôt qu'aligner nos pratiques sur celles du nouveau monde, mieux vaudrait renforcer la promotion de nos produits et de nos terroirs. Si nous ne controns pas la tendance ultralibérale de la Commission, il en résultera un nivellement par le bas. Comment les États membres ont-ils pu accepter une telle hérésie d'alchimiste, une telle contrefaçon alimentaire ? Si l'affaire n'était pas si grave, on rappellerait la proposition de Pierre Dac de greffer des rosiers sur les vignes pour produire du vin rosé...

Il n'y a eu aucune concertation avec les professionnels et l'on n'a aucunement mesuré les conséquences de cette décision. Comment la France a-t-elle pu se laisser entraîner dans si pitoyable entreprise ? Notre pays, en effet, a voté pour ! Exerçons désormais plus de vigilance, car ce qu'un commissaire européen a fait, un autre peut le refaire. (Applaudissements)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - C'est avec une grande satisfaction que j'ai appris que la Commission renonçait au coupage du blanc et du rouge, idée qui avait suscité un tollé parmi les producteurs de vin rosé mais aussi la population et les élus des territoires concernés. Projet dangereux pour les valeurs de nos terroirs ! Du reste, 87 % de Français y sont hostiles. Grâce à ses vins rosés obtenus par une macération spécifique, notre pays occupe le premier rang mondial pour la production des rosés de qualité. La filière représente 15 000 emplois directs et 70 000 emplois induits. La mobilisation a été sans faille et M. Barnier a mené une action admirable, si bien que le dialogue avec Mme Fischer Boel a porté ses fruits. Le Sénat a été au premier plan dans le combat ; sa commission des affaires européennes a notamment adopté une proposition de résolution. Les producteurs du Languedoc-Roussillon, qui ont accompli de gros efforts ces dernières années pour améliorer sans cesse la qualité de leurs vins, sont soulagés. Le coupage aurait été vécu comme une profonde injustice et la décision de la Commission est une excellente nouvelle, qui prouve aussi que l'Europe sait écouter et protéger ses producteurs.

La tradition l'a emporté, a dit le ministre italien. C'est bien cette Europe que nous voulons, fondée sur la sécurité alimentaire et le respect des identités et des traditions. Nous souhaitons quelques précisions sur cette interdiction : est-elle totale et irrévocable ? La composition de la Commission sera prochainement modifiée... Nous aimerions connaître les raisons de fond qui ont motivé le revirement bruxellois. Nous resterons vigilants sur la négociation du volet agricole à l'OMC. (Applaudissements)

M. Gérard Le Cam.  - Nous nous réjouissons du recul de la Commission. Malheureusement, il reste une exception, due à l'exceptionnelle mobilisation de tous les pays. L'aberration de ce projet illustre ce qui se passe à Bruxelles : les lobbies sont si puissants qu'ils rédigent eux-mêmes certaines directives, parfois votées sans qu'une virgule y soit changée ! Ce déplacement inquiétant du pouvoir du politique vers l'économique cause une inflation de directives défavorable aux peuples d'Europe. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Dès la présentation du projet de directive en janvier dernier, la France s'est dite opposée à la partie du texte qui autorisait le coupage.

M. Roland Courteau.  - Ce n'est pas ce qu'a affirmé le commissaire Fischer Boel.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Sur les autres aspects en revanche, comme la réintégration de copeaux, le gouvernement français soutient le projet. Vous m'interrogez sur la pérennité de la décision : nous avons connu une belle réussite grâce à une mobilisation totale et collective, Gouvernement, Parlement, -notamment votre commission des affaires européennes- professionnels. Nos arguments ont convaincu ; nous avons trouvé des alliés ; et nous avons pesé sur les choix de la Commission. Nous demeurerons vigilants afin que le texte qui sera soumis au vote fin juin reflète bien sa décision. Sans défendre les pratiques bruxelloises, je veux aussi vous répondre que si nous avons été forts sur ce sujet, c'est parce que nous étions en relations étroites avec les professionnels, qui nous alertent sur ce qu'ils vivent au quotidien. (Applaudissements)

M. Gérard César, au nom de la commission des affaires économiques.  - Je me réjouis de ce consensus et le ministre nous a rassurés, en partie, sur l'OMC. (Sourires) Je suis très prudent. Le projet de « vin rosi » a été bloqué : c'est une grande victoire pour le monde agricole, qui en avait bien besoin. Les fromages et le rosé sont des produits merveilleux, qui font honneur à la gastronomie française. (Applaudissements)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes  - Merci à M. le Ministre d'avoir répondu à ces questions sans langue de bois. Il est symboliquement important à mes yeux que ce soit le ministre de la consommation qui ait été notre interlocuteur ce matin. Merci à tous ceux qui ont participé à ces débats, ils contribuent au succès de la procédure créée lors de la réforme constitutionnelle. On m'a suggéré de convier M. Pascal Lamy : je le ferai bien volontiers et son audition sera ouverte à tous les collègues qui souhaiteraient y participer.

Le Parlement fait la loi. Mais il s'intéresse aussi de plus en plus aux questions européennes. Intervenir le plus possible en amont, c'est le rôle que se donne la nouvelle commission des affaires européennes que j'ai l'honneur de présider. Nous voulons que les industriels, les professionnels, se disent que le Parlement sert à quelque chose, qu'ils aient le réflexe de nous alerter sur ce qui se trame à Bruxelles. Durant la semaine de contrôle, est organisée une séance de questions européennes. Le 25 juin prochain, nous l'interrogerons sur le congé de maternité et la publication des données sur les passagers des vols internationaux.

Je me réjouis de l'issue de cette affaire, qui montre que l'Europe n'est pas toujours sourde et que nos interventions peuvent être utiles pourvu que nous sachions nous faire entendre.

Il faut tirer les leçons de cette controverse. Il est anormal que le représentant de la France -mandaté par qui ? On ne le saura jamais ...- ait donné son accord à cette mesure. Le travail des quelques 300 comités qui appuient la commission pour les mesures d'exécution de la législation communautaire, ce qu'on appelle la « comitologie », doit faire l'objet d'un contrôle politique. Dans la plupart des cas, 99 % peut-être, les mesures sont techniques et ne posent pas de problème particulier. Ces comités, composés d'experts des États membres, accomplissent un travail indispensable : on n'imagine pas que les centaines de décisions prises chaque année de cette manière suivent la procédure législative classique. Mais on sait que ce qui est technique peut aussi être politique. Dans cette affaire du vin rosé, on touche à la tradition, à la culture, à l'équilibre d'une filière : autant de questions politiques au sens noble du terme.

Je m'adresse donc au Gouvernement. Il faut que nous soyons mieux informés des projets examinés par ces comités. Sur un petit nombre de textes, nous devons pouvoir tirer la sonnette d'alarme quand il est encore temps. Les ministères suivent le travail des comités : à chaque fois qu'il y a un doute sur la portée politique d'une décision, ils doivent prendre la peine d'informer le Parlement. Nul besoin d'aller jusqu'à la séance publique : un coup de fil au président de la commission suffirait !

Je souhaite que nous restions vigilants dans cette affaire de vin rosé. Il ne faudrait pas que ce qui est sorti par la porte revînt par la fenêtre. (Applaudissements au centre et à droite)

M. le président.  - Je relève la belle unanimité de notre assemblée sur ces sujets.

Le débat est clos.

La séance est suspendue à 11 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement aux questions d'actualité.

Crise du lait (I)

Mme Françoise Férat .  - L'accord finalement trouvé le 3 juin après une négociation marathon prévoit trois prix moyens pour le lait, selon la part de l'entreprise de collecte dans sa valorisation, qui varient de 262 à 280 euros pour 1 000 litres : nous sommes loin des 330 euros du premier trimestre et du prix plancher de 290 euros fixé par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Les jeunes agriculteurs ont dénoncé cet accord, qualifié d'insatisfaisant par la FNSEA elle-même. Le Gouvernement l'a assorti d'un plan d'aide de 30 millions pour les éleveurs laitiers en difficulté. Madame la ministre, comment ces fonds seront-ils répartis ?

La bataille sur les prix s'étend aujourd'hui aux producteurs de fruits et légumes et de porcs. Les agriculteurs ont décidé de bloquer pendant 48 heures les plates-formes d'approvisionnement de la grande distribution afin d'obtenir la transparence sur les prix et les marges. Les consommateurs pâtissent eux aussi de ces pratiques. Un des objectifs de la loi de modernisation de l'économie, la transparence, n'est donc pas atteint et l'Observatoire des prix et des marges peine à se mettre en place. Les syndicats demandent à juste titre un arbitrage de l'État et l'intervention de la Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre ?

Enfin, le Sénat a inséré dans la loi pour le développement des territoires ruraux un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente de certains produits frais en période de crise. Ne serait-il pas temps de l'utiliser et de l'étendre à d'autres secteurs ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur .  - Madame Férat, je salue votre connaissance de ce dossier !

Le plan d'aide de 30 millions d'euros se composera d'allègements de charges, de reports ou de prises en charge de cotisations sociales et d'un renforcement du soutien à la modernisation des bâtiments d'élevage. Sa répartition précise fait l'objet d'une concertation avec les organisations professionnelles ; les jeunes agriculteurs feront l'objet d'une attention particulière.

Pour ce qui est de la transparence, la DGCCRF mène depuis avril une enquête sur les négociations commerciales et les pratiques abusives. La suppression des marges arrière décidée par la loi de modernisation de l'économie a permis de faire passer de 40 à 10 % la rémunération des services de coopération commerciale. Les consommateurs bénéficient désormais d'une plus grande variété de prix puisque l'écart entre le plus et le moins élevé s'établit désormais à 12 %. Le jeu de la concurrence a réduit l'inflation d'un point en 2008 et le prix moyen des produits de grande consommation a baissé de 0,6 point depuis décembre 2008.

L'Observatoire des prix et des marges s'est réuni hier. D'ici la fin du mois, il publiera sur son site internet des données sur les marges dans la filière porcine. Quant au coefficient multiplicateur, il n'est pas adapté pour les produits laitiers ou la viande. Les acteurs interprofessionnels ont défini des modalités de mise en avant des produits pour augmenter les ventes en cas de crise conjoncturelle pour certains fruits et légumes. Christine Lagarde, ministre de l'économie, a diffusé des circulaires en ce sens. (Applaudissements à droite et au centre)

Augmentation du chômage

M. Pierre-Yves Collombat .  - Le Premier ministre a récemment estimé ne pas avoir commis d'erreur dans la conduite de la politique économique gouvernementale.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est exact ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Pierre-Yves Collombat.  - A quelle aune mesurer cette réussite ? S'il s'agit des banques, vous avez raison. (Protestations à droite)

M. Alain Gournac.  - Et aussi dans les urnes !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les banques françaises pourront bientôt abandonner leur béquille étatique pour concocter la prochaine crise en toute liberté, et en toute impunité ! Mais si la réussite se mesure à l'état de l'emploi, c'est différent. Le nombre de chômeurs s'est accru de 186 000 au dernier semestre 2008 et de 300 000 au premier trimestre 2009. C'est du jamais-vu depuis la Libération : 2 455 000 personnes sont touchées, et plus particulièrement les moins de 25 ans, dont près du quart sont au chômage. Le taux de chômage partiel, qui a plus que triplé, concerne désormais 183 000 personnes ; 1 119 000 personnes percevaient le RMI en mars. En comptant les 955 000 travailleurs à temps partiel qui souhaiteraient travailler davantage, cela fait 5 millions de personnes en sous-emploi.

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Laissez-moi continuer : j'ai été souvent interrompu... (Protestations à droite) Environ 40 % des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à Pôle emploi et 337 000 seniors auraient besoin de travailler : le sous-emploi affecte donc près de 6 millions de personnes.

M. le président.  - Posez votre question.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On s'attend à 300 000 à 500 000 chômeurs de plus cette année. Or, selon le Premier ministre, il serait irresponsable de dépenser davantage alors que le déficit public double. Mme la ministre de l'économie, vous êtes aussi ministre de l'emploi : il ne serait pas moins irresponsable d'abandonner des millions de Français au bord du chemin ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Merci de votre question, (on apprécie à droite) puisqu'elle me permet d'indiquer quelle politique économique nous entendons, sous l'autorité du Premier ministre, mettre en oeuvre... en essayant de ne pas faire d'erreur : j'ajoute sciemment cette précision, car nous sommes, comme toutes les économies du monde, face à une crise financière, économique et sociale inédite, contre laquelle un certain nombre de vieilles recettes sont périmées.

Nous nous sommes tout d'abord employés à soutenir le financement de l'économie, sans lequel les entreprises, les petites comme les grandes, ne tournent pas. Parce que les PME sont les premières victimes de la crise, nous avons lancé un plan de soutien spécifique, autour duquel nous avons mobilisé tous les acteurs, et qui peut prendre la forme de garanties ou de financements directs. Nous avons mis en oeuvre un plan de relance, (exclamations à gauche) de la supervision duquel M. Devedjian a la charge, qui soutient non seulement l'investissement public, mais aussi les ménages, vers lesquels 14 milliards sont fléchés. Avec les collectivités locales...

M. Didier Boulaud.  - Il ne faudrait pas les oublier !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ...20 000 conventions ont été signées au titre du « FCTVA plus 1 euro ».

Sur les chiffres de l'emploi, personne ne peut se réjouir, car ils recouvrent bien des situations souvent dramatiques et durables.

M. Jean-Louis Carrère.  - Personne ne s'en réjouit.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous avons engagé une politique à trois niveaux, en prenant tout d'abord des mesures pour préserver l'emploi, en allongeant l'indemnisation du chômage, en encourageant les partenaires sociaux à augmenter l'indemnisation du chômage partiel ; en stimulant la création d'emplois, ensuite, avec le « zéro charges », qui a permis l'embauche de 200 000 salariés dans les entreprises de moins de dix salariés, ainsi qu'avec les chèques emploi service, diffusés auprès de plus d'un million et demi de ménages, pour qu'ils concourent aussi à la création d'emplois ; en facilitant, enfin, le retour à l'emploi, grâce aux contrats de transition professionnelle et au reclassement personnel. (On s'impatiente à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - La réponse n'est pas trop longue, monsieur le président ?

M. Jacques Mahéas.  - C'est « deux poids, deux mesures »...

M. le président.  - Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous engageons une réforme de la formation professionnelle, pour améliorer l'employabilité, et de la taxe professionnelle, pour soutenir la compétitivité des entreprises françaises. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Avenir de La Poste.

Mme Marie-France Beaufils .  - A la suite de l'élection européenne, vous avez affirmé, monsieur le Premier ministre, la volonté du Gouvernement de continuer les réformes et de moderniser la France, considérant que le succès de vos listes venait essentiellement des électeurs. Mais le succès dont vous vous targuez est un mirage, (vives exclamations à droite) car 28 % des suffrages exprimés, ce ne sont guère que 10,4 % des inscrits. (Même mouvement)

M. Alain Gournac.  - Parlez-nous donc de vos résultats...

Mme Marie-France Beaufils.  - Et les 60 % d'abstentions (nouvelles exclamations à droite) ne sont pas la marque d'une simple négligence, ou d'un désintérêt, mais bien, pour nombre d'électeurs, du rejet d'un certain type de construction européenne : l'Europe libérale, l'Europe de l'argent.

Vous n'avez pas voulu affronter les débats (vives exclamations à droite) car vous savez que la politique libérale qui sévit en Europe et que vous voulez poursuivre est à l'origine de la plus grande crise que celle-ci connaît depuis 1929, et que les conséquences sociales en sont dramatiques.

Pour sortir de cette crise l'heure est à la rupture. C'est ce que vous ont déjà exprimé les électeurs en 2005.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ne mélangez pas tout !

M. Alain Gournac.  - Et à vous, qu'ont-ils dit dimanche ?

Mme Marie-France Beaufils.  - M. le Premier ministre, allez-vous renoncer à l'intensification des réformes qui visent à faciliter les ajustements du marché du travail et à renforcer la concurrence dans le secteur des services, comme le recommande le Conseil européen du 28 avril 2009, dont vous vous êtes bien gardé de parler durant la campagne ? (Nouvelles exclamations à droite) Entendez-vous toujours casser le statut de La Poste et préparer sa privatisation ? Poursuivre des réformes et moderniser, est-ce donc pour vous détruire et déréguler ce qui fonctionne pour donner un nouveau marché en pâture au privé ? Vous dites que vous ne privatisez pas, mais vous transformez La Poste en société anonyme. Vous avez fait de même avec France Télécom et aujourd'hui, c'est aux collectivités que l'on demande de répondre aux besoins des habitants et à l'intérêt général.

Au nom de mon groupe, mais aussi des élus, des usagers, des milliers d'électeurs que j'ai rencontrés ces deux derniers mois, je vous demande, monsieur le Premier ministre, d'annoncer clairement le retrait définitif de votre projet, qui se traduirait par la casse du service public postal. (Applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements sur les bancs UMP.) Vous me demandez de tirer les enseignements du scrutin européen. Je le fais bien volontiers. (Rires à droite) La majorité présidentielle en sort confortée. (M. Jacques Mahéas se récrie) C'est la première fois depuis 1979 qu'une majorité en place arrive en tête. (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Deux ans après 1979, il y a eu 1981...

M. François Fillon, Premier ministre.  - Les listes qui ont rencontré le succès sont celles qui ont parlé de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs UMP). Celles qui ont cherché à sanctionner le Gouvernement ont été elles-mêmes sanctionnées. Preuve qu'il ne faut pas tout mélanger.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Parlez-nous de La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Le Gouvernement, comme la majorité, tire sa légitimité de l'élection présidentielle et des élections législatives. Il met donc en oeuvre les engagements qu'il a pris. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avez-vous donc, à gauche, des leçons à donner, vous qui avez perdu trois élections présidentielles de suite ? (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce doit être que vous nous prenez les meilleurs...

M. François Fillon, Premier ministre.  - Si vous persistez à ne pas en tirer les leçons, si vous ne changez rien, si vous n'agissez pas et vous contentez de jeter l'anathème, vous en tirerez les mêmes fruits que devant. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Oui, madame la sénatrice, nous continuerons à mettre en oeuvre nos projets. Vous aurez à connaître, dans les prochaines semaines, d'un projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, destiné à mettre en place la flexisécurité.

M. Didier Boulaud.  - Propagande ! 

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Vous examinerez prochainement le texte du Grenelle II. Nous débattrons de la sécurité, avec la loi sur la sécurité intérieure (Applaudissements à droite ; les exclamations couvrent la voix de l'orateur)

M. Robert Hue.  - Quand répondrez-vous à la question ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Si le Sénat ne souhaite pas que je poursuive, je m'arrête.

M. Jacques Mahéas.  - La réponse à la question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Poste !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Laissez-moi y venir.

Nous vous proposerons un grand projet de réorganisation des collectivités territoriales et la poursuite de la réforme de l'État. Enfin, nous vous proposerons une réforme sur les libertés publiques et la transformation de la procédure pénale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oh la la !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Pour ce qui est de La Poste (« Ah ! » à gauche), vous aurez à débattre très bientôt d'un projet qui modifie son statut tout en la laissant intégralement dans la sphère publique. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Voilà le cap. Nous n'avons pas l'intention d'en changer. Si quelqu'un doit en changer au vu des résultats électoraux, c'est l'opposition. (Applaudissements et « bravo » à droite et au centre)

Statut de la gendarmerie

M. Alain Gournac .  - Ainsi que le soulignait le président de Rohan en décembre 2008, les Français aiment leur gendarmerie, et nous aussi ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Boulaud.  - C'est pour cela que la loi n'est pas votée !

M. Alain Gournac.  - Elle s'inscrit dans nos traditions, elle fait partie de notre paysage, elle est ancrée dans le territoire, puisque sa responsabilité s'étend sur 95 % de la superficie et 50 % de la population. Les ruraux sont particulièrement attachés à cette arme qui assure leur sécurité dans la proximité.

Le texte dont nous avons débattu s'inscrit dans une évolution commencée en 2002 pour dégager des synergies entre police et gendarmerie et améliorer encore la sécurité.

M. Didier Boulaud.  - Où en est la loi ?

M. Alain Gournac.  - L'efficacité de la gendarmerie résulte avant tout de son identité singulière et nous avons le souci d'assurer la pérennité de son identité militaire (exclamations à gauche) et le maintien de ses effectifs sur le territoire, deux points sur lesquels nous vous disions notre vigilance. (Mêmes mouvements) Et j'assume aujourd'hui ce rôle. Depuis que circulent des informations sur un risque de fragilisation du statut militaire, l'inquiétude progresse et des syndicats de la police évoquent une absorption de la gendarmerie.

M. Didier Boulaud.  - On l'avait dit !

M. Alain Gournac.  - Nous l'avions rappelé le 16 décembre, la gendarmerie est un pilier de la République et la France a besoin d'une force de sécurité à statut militaire.

M. Didier Boulaud.  - Vous allez à Canossa !

M. Alain Gournac.  - Confirmez-le, madame. (Applaudissements à droite ; MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Michel applaudissent aussi)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Chacun connaît votre attachement à la gendarmerie, monsieur Gournac. Chacun le partage ici et nous le soutenons. Votre question porte d'abord sur le calendrier. J'aurais souhaité que le projet vienne à l'Assemblée à la suite du vote du Sénat...

M. Didier Boulaud.  - Le Château commande !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cela n'a pas été possible en raison du calendrier parlementaire mais la commission compétente s'est saisie du texte qui viendra très prochainement dans l'hémicycle. Sur le fond, le texte que vous avez voté...

MM. Didier Boulaud et Jean-Louis Carrère.  - Pas nous !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...est dans le droit fil de ce qui se fait depuis 2002 : le ministre chargé de l'emploi des gendarmes reçoit les moyens financiers nécessaires. Il n'est pas pour autant question de toucher au statut militaire des gendarmes. (Applaudissements à droite) Il fait leur spécificité et la valeur de leur engagement. Il n'y aura pas fusion et la gendarmerie gardera son identité parce qu'elle est une garantie démocratique, qu'elle s'inscrit dans la tradition française et qu'elle a été réaffirmée par le Président de la République. Chacune gardera sa direction générale, ses missions...

M. Didier Boulaud.  - Personne n'y croit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La gendarmerie ne sera pas affectée en zone urbaine, chacun garde son domaine, ce qui n'empêche pas une aide ponctuelle en cas de besoin. Enfin, j'ai tenu à ce que la gendarmerie conserve des missions militaires dans le cadre des opérations extérieures. Tout cela conforte le statut auquel nous sommes attachés. (Applaudissements à droite et au centre)

Formation des scientifiques

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Nous avons pris connaissance des préconisations du rapport Descoings. Je suis surpris par l'absence d'analyse des besoins du pays dans les prochaines décennies : il ne mentionne pas le déclin des études scientifiques, surtout dans le supérieur, alors qu'elles seront décisives dans un monde dominé par la compétition entre les grands pays émergents, notamment avec les élites asiatiques. Le nombre de bacheliers S qui s'inscrivent dans les disciplines scientifiques est passé de 65 à 51 %. Ce serait une erreur de mettre en cause les études scientifiques comme le fait Le Monde d'aujourd'hui à propos du bac S, qualifié de « bourgeois » au motif que cette filière d'excellence draine les meilleurs. Ce serait une erreur de la dévaloriser sous prétexte d'effacer la perception des inégalités, à défaut de lutter contre les inégalités réelles. On peut augmenter la part des matières littéraires dans cette filière, on doit surtout revaloriser les autres filières et donner à l'enseignement technologique et professionnel plus de moyens et de meilleures conditions. Cela implique un plan d'ensemble établi avec les régions -c'est aux moyens que se reconnaîtra une orientation progressiste.

M. le président.  - Votre question.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - On peut aussi introduire des matières scientifiques dans les autres filières.

Supprimer les bacs A et C a été une erreur.

Les classes populaires ont besoin d'une école structurée et de qualité car elles n'ont pas les moyens de recourir à des cours privés ; il ne suffit pas de réserver un quota de bacheliers technologiques dans les filières sélectives post-baccalauréat, quand la question est non de souscrire à un égalitarisme niveleur mais de savoir comment former en grand nombre les élites scientifiques et technologiques dont la France a besoin. (Applaudissements sur divers bancs de la gauche à la droite)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Il y a d'un côté les filières technologiques qui offrent un très fort taux d'insertion mais manquent de candidats, et de l'autre les filières générales, dont la série S qui attire les meilleurs lycéens, dont la plupart ne se dirigeront pas vers des études scientifiques mais vers des écoles de commerce, voire des classes préparatoires littéraires. Il faut donc renforcer les filières technologiques, comme l'a rappelé hier encore le Président de la République en dialoguant avec des lycéens.

Le Gouvernement a d'ores et déjà engagé cette réforme. Le baccalauréat professionnel en trois ans devrait produire un effet d'appel vers les filières professionnelles : nous y augmentons le nombre de places de 70 000 à la rentrée prochaine et prévoyons leur rénovation, puisque c'est un domaine en constante mutation. Tout ceci porte un nom : l'orientation, que le Gouvernement entend totalement renouveler, grâce notamment aux recommandations de Richard Descoings. Il s'agit d'allier la découverte de l'environnement professionnel, l'information sur les offres et les lieux de formation et le diagnostic sur les projets personnels.

C'est une question économique parce qu'une nation sans ingénieurs s'appauvrit -nous en avons besoin, nous avons besoin de savants. C'est aussi une question de justice sociale, car la politique du gouvernement Fillon est d'abord une politique d'équité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Fonds de réserve des retraites

M. Claude Domeizel .  - Le Fonds de réserve des retraites, créé en1999, est chargé de mobiliser les fonds nécessaires pour faire face aux difficultés financières que connaîtra notre régime par répartition. L'objectif de mobiliser 150 milliards d'ici 2020 paraît compromis : l'actif détenu aujourd'hui n'est que de 27 milliards.

Le fonds est certes victime de la crise des marchés de capitaux ; mais cette situation est essentiellement due au fait que, depuis 2002, les gouvernements successifs l'ont très peu alimenté. Ces dernières semaines, la presse a évoqué un laisser-aller dans la gestion des contrats d'assurance vie en déshérence, ceux pour lesquels aucun bénéficiaire ne se manifeste. Les compagnies d'assurance devraient verser au fonds de réserve les encours des contrats non réclamés, soit, pour plus de 100 000 contrats de ce type, 2 milliards d'euros. Or ce n'est que partiellement fait. Le Médiateur de la République, a pu déclarer que ni les assurances, ni les pouvoirs publics ne jouent le jeu.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, qu'en vertu d'une loi de décembre 2007, le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement un rapport sur cette question avant le 1er janvier 2009. Êtes-vous prêt à nous le remettre ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour atteindre l'objectif des 150 milliards en 2020 ? Quelle est votre conception de l'avenir de ce fonds, indispensable pour la consolidation de notre régime par répartition ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville .  - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux, retenu. (Rires à gauche)

M. Yannick Bodin.  - A Strasbourg ?

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.  - La stratégie du fonds de réserve des retraites est définie par son conseil de surveillance où sont représentés les partenaires sociaux. Ses choix ont été confirmés en 2003 et 2006. Il est vrai qu'il y a eu des pertes, du fait de la crise financière, mais le fonds recevra cette année 1,7 milliard. Il adapte sa stratégie au contexte.

L'existence de cet outil a été confirmée ; les partenaires sociaux y sont attachés. Après la réforme Fillon, le Gouvernement a pris l'an dernier des mesures de consolidation. A la demande du Parlement, une réflexion est en cours au sein du Conseil d'orientation des retraites, qui remettra ses conclusions au premier semestre 2010. Mais personne ne peut raisonnablement croire que ce fonds suffira à financer les retraites. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Crise du lait (II)

M. Jean-Claude Carle .  - La brutale crise du lait est née d'une baisse soudaine du prix du lait, à laquelle les premières réponses ont été apportées. Le ministre de l'agriculture nous en a fait part.

Le mouvement perdure et tend à bloquer les plates-formes logistiques des grandes surfaces. On peut regretter que les difficultés de l'amont de la filière ne soient pas prises en compte par l'aval. On peut aussi regretter que le remplacement de la loi Raffarin de 1996 par la loi de modernisation de l'économie de 2008 ait donné le sentiment d'un laxisme vis-à-vis des grandes surfaces.

L'opacité des marges des distributeurs fait désormais débat dans une grande confusion, au risque d'une stigmatisation qui n'est souhaitable pour personne ! Nous avons, d'un côté, les producteurs qui peinent à vivre de leur travail en raison du faible prix d'achat du lait ; de l'autre, des prix à la consommation qui ne baissent pas, industriels et distributeurs se renvoyant la balle !

L'Observatoire des prix et des marges, récemment créé par le Gouvernement pour répondre à l'augmentation des prix alimentaires, avance rapports et propositions mais des interrogations demeurent sur l'efficacité du dispositif. La loi de modernisation de l'économie, mes collègues sénateurs et moi-même le constatons, n'est pas appliquée de manière satisfaisante dans le secteur laitier où les mécanismes de contournement sont bien rodés.

M. Didier Boulaud.  - Loi LME, loi Michel-Édouard Leclerc !

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas que dans le secteur laitier !

M. Jean-Claude Carle.  - Madame la ministre, n'est-il pas temps de modifier le fonctionnement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et celui de l'Observatoire des prix et des marges afin de garantir une répartition équitable de la valeur ajoutée ?

M. Didier Boulaud.  - Vous avez voté la loi LME, vous étiez au courant !

M. Jean-Claude Carle.  - Pour que nos agriculteurs puissent vivre de leur activité plutôt de devenir des cantonniers de l'espace, il faut reconnaître le principe de préférence communautaire. Que comptez-vous faire pour répondre aux attentes des consommateurs et des producteurs...

M. Didier Boulaud.  - Une table ronde !

M. Jean-Claude Carle.  - ...afin d'éviter le risque d'une radicalisation ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur .  - Le Gouvernement est totalement engagé pour faire la transparence des prix et trouver un équilibre entre acteurs de la filière et consommateurs. Depuis une semaine, la DGCCRF a entrepris une vaste enquête de relevé des prix afin de connaître la répartition des marges aux différentes étapes. Les résultats en seront examinés dans le cadre de l'Observatoire des prix, afin de donner plus de transparence.

En outre, à la demande de Mme Lagarde et de M. Chatel, la DGCCRF a lancé en avril son plan de contrôle des distributeurs et des fournisseurs dans le cadre des nouvelles règles de la LME, qui couvre largement le secteur alimentaire : la viande, le lait, les produits alimentaires, les huiles, les céréales ou encore le sucre et l'alcool. Celui-ci permettra d'apprécier les conditions de la négociation de 2009 ; les relations manifestement déséquilibrées et les contournements dommageables donneront lieu à une saisine du juge, y compris en référé, et les abus avérés à des sanctions. Nous sommes donc loin du laxisme dénoncé par certains.

M. François Marc.  - La loi LME est votre loi !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - L'Observatoire des prix a maintenant trouvé ses marques. Il a décidé hier de publier avant la fin juin ses travaux, notamment sur la formation des prix dans la filière porcine. L'investissement en temps et la nécessité de trouver un consensus sur la méthode explique la mise en place tardive du dispositif. Mais celui-ci en sera d'autant plus efficace et, surtout, crédible !

Bref, les pouvoirs publics sont fortement mobilisés sur ce dossier ! (Applaudissements à droite)

Antennes-relais

M. Louis Nègre .  - Madame la secrétaire d'État à l'écologie, vous n'ignorez pas les inquiétudes de la population concernant les effets des antennes-relais et des téléphones portables sur la santé...

M. Didier Boulaud.  - Les mauvaises ondes !

M. Louis Nègre.  - ...puisque vous avez déclaré, après une table ronde sur les radiofréquences, que le Gouvernement est prêt à faire des modélisations, et le cas échéant, « des expérimentations des conséquences d'une modification des différents référentiels de seuils afin d'en évaluer l'impact sur la couverture du territoire, la qualité du service et le nombre d'antennes ». Cette première avancée fait bouger les lignes...

M. Didier Boulaud.  - ...téléphoniques ! (Sourires)

M. Louis Nègre.  - ...mais je souhaiterais que vous vous engagiez fermement sur des expérimentations nationales de référentiels de seuils. La ville de Cagnes-sur-Mer, dont je suis le maire, se porte volontaire. (Exclamations à droite)

L'objectif serait de maintenir une excellente qualité de service et de couverture de l'ensemble du territoire tout en appliquant le principe « Alara », soit, en français, « aussi bas que raisonnablement possible ». Ainsi serait confirmée la volonté du Gouvernement de s'inscrire dans une démarche, sans doute d'efficacité, mais aussi de précaution. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Nous avons, effectivement, organisé une table ronde sur les radiofréquences avec Mme Bachelot et Mme Kosciusko-Morizet. Les élus y ont participé avec pragmatisme, ce dont je les en remercie, car le sujet suscite de nombreuses polémiques et incertitudes.

M. Christian Poncelet.  - Juste !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Je me suis engagée sur des modélisations et des expérimentations. Le comité opérationnel, qui réunira élus, acteurs de la filière, consommateurs et experts de l'État, sera mis en place fin juin.

Pourquoi des expérimentations ? Parce que, malgré les conclusions des études scientifiques sur l'absence de risques avérés, la demande de la population est forte d'autant que dix régions ou États européens ont adopté des seuils d'émission inférieurs aux nôtres. Réduire les seuils tout en conservant une bonne qualité de service, tel est l'objectif de ces expérimentations. Il appartiendra au comité opérationnel de déterminer les villes d'expérimentation.

Sur ce dossier, nous devons avoir les idées claires et attendre la publication en septembre de la nouvelle étude de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail. De plus, le débat sur les antennes-relais ne doit pas occulter la question des téléphones portables et, en raison de nombreuses incertitudes, de l'application du principe de précaution pour les enfants ! (Applaudissements à droite)

Militaires français en Afghanistan

M. Jean-Louis Carrère .  - La guerre en Afghanistan -et au Pakistan, devrais-je dire- est en train de changer de nature. Les Américains doublent leurs effectifs et changent leurs chefs militaires. Ils changent également les chefs militaires de l'Otan -sans concertation avec les alliés. Quand on nous avait enjoints de revenir dans le commandement intégré, vous étiez nombreux dans la majorité à nous rassurer en disant que nous codirigerions l'Otan ! Belle codirection : on ne tient pas compte de notre avis !

M. Jean-Louis Carrère.  - Plus grave, malgré les déclarations du Président de la République, le nombre de soldats engagés en Afghanistan augmente : 150 gendarmes ont été envoyés pour former la gendarmerie afghane -à moins que pour la majorité, ils ne soient plus sous statut militaire... (Protestations sur les bancs UMP)

M. Alain Gournac.  - Personne n'a dit ça !

M. Jean-Louis Carrère.  - On envoie également en Afghanistan du matériel supplémentaire, hélicoptères Tigre ou Cougar et drones, qui requièrent du personnel.

Quel est le nombre réel de militaires français dans cette zone, et dans l'océan Indien ? Quel sera leur nombre à l'été ? A-t-il augmenté ou non ? N'aurait-il pas été bienséant et nécessaire d'informer la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, voire le Parlement dans son ensemble ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants .  - Nous sommes parfaitement associés aux décisions du commandement intégré de l'Otan, dans lequel nous allons d'ailleurs recevoir des postes importants.

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas vrai ! Le général McKiernan a été limogé sans que vous soyez consultés !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - La sécurité de la région de Kaboul a été confiée à l'armée afghane. Cette afghanisation, à laquelle la France a largement participé et que vous avez pu constater sur le terrain, nous permet de concentrer nos efforts sur d'autres zones, en l'espèce la région Est, homogène, où sont regroupées nos unités de combat terrestre, sous commandement français...

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Nous pourrons y mener notre action militaire mais aussi notre action civile, que vous n'avez pas mentionnée. Quid du développement économique du pays, des efforts en matière de gouvernance ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien de militaires ? Combien ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - J'y viens. Je vous parle du fond !

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous êtes perdu dans le maquis !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Notre budget en matière de développement va plus que doubler. Nos 150 gendarmes ont été envoyés pour former les forces de sécurité. Leur participation, avec d'autres pays européens, est importante pour un retour durable de la paix et de la sécurité.

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien ? (La question est reprise en choeur sur les bancs socialistes)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Quant au matériel, il s'agit d'hélicoptères qui vont se substituer à d'autres, moins adaptés.

M. René-Pierre Signé.  - Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - L'adaptation de notre dispositif militaire se fera à effectifs constants. (M. Jean-Louis Carrère fait non de la main)

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - Elle s'inscrit dans la continuité de ce qui a été présenté au Parlement le 22 septembre dernier.

M. Didier Boulaud.  - C'est faux ! Le Parlement est bafoué !

Reclassement des salariés

M. Philippe Adnot .  - Ma question s'adressait au ministre du travail, mais je suis honoré que Mme Amara me réponde. Le fabriquant de chaussettes Olympia, entreprise chère au département de l'Aube, a été condamné le13 mai dernier par la cour d'appel de Reims à verser 2,5 millions d'euros à 47 salariés licenciés -soit en moyenne 32 mois d'indemnité par salarié- pour ne pas leur avoir proposé un reclassement en Roumanie, à 110 euros par mois. Chacun se souvient du tollé provoqué par une offre de reclassement de salariés à Bangalore, pour 60 euros par mois... Or ici, l'entreprise est condamnée, alors que le comité d'entreprise et les syndicats étaient pourtant d'accord pour qu'un tel reclassement ne soit pas proposé !

Sans sursis à l'exécution de la condamnation pendant le délai de recours en cassation, qui devra corriger ce jugement inique, ce sont 280 emplois qui sont menacés, car l'entreprise, engagée dans la modernisation, n'y survivra pas. Ne pourrait-on renforcer la portée de l'instruction du 23 janvier 2006, qui n'a pas empêché la condamnation par la cour d'appel ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Il faut poser la question au conseil général !

M. Philippe Adnot.  - Seriez-vous prêts à compléter l'article L. 1233-4 du code du travail en prévoyant que l'offre de reclassement à l'étranger ne doit pas être obligatoirement proposée par l'employeur dès lors que le salaire proposé est inférieur de 10 % au Smic ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que cette décision ne débouche sur le licenciement de 280 personnes ? (Applaudissements à droite)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville .  - Sur le plan juridique, le code du travail prévoit que le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque le salarié ne peut être reclassé dans une entreprise du même groupe, sur un emploi de même catégorie ou équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord du salarié, de catégorie inférieure. L'employeur est donc obligé de proposer une solution de reclassement. La jurisprudence n'est toutefois pas stabilisée.

Sur le plan éthique, il n'est pas acceptable que des entreprises proposent un reclassement dans des conditions indignes. Nous avions tous été choqués par cette entreprise qui proposait à neufs salariés un reclassement en Inde, à 69 euros par mois !

Le Gouvernement accueille avec grand intérêt les réflexions conduites par les parlementaires. Il a ainsi pris connaissance de votre proposition de loi, comme de celle déposée par MM. Sauvadet et Folliot, laquelle a reçu un avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Le ministre du travail souhaite que les partenaires sociaux soient consultés en amont sur ces propositions de loi. En effet, les organisations syndicales et patronales ont engagé un cycle de négociations sur l'emploi et il est indispensable, avant de modifier les modalités de reclassement figurant dans le code du travail, de les consulter, afin de parvenir sur cette question à un consensus social. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 16 h 20.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi visant à prolonger l'application des articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôle frontaliers ; et le rapport sur les conditions de mise en oeuvre des procédures de rescrit, de promotion du dispositif et de publication des décisions de rescrit.

Acte est donné du dépôt de ces rapports. Le premier sera transmis à la commission des lois et le second à celle des finances.

Avenir du programme Airbus A400M (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le Premier ministre sur l'avenir du programme de l'Airbus A400M.

M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.  - Ma question a une certaine actualité. L'avenir du programme d'avion de transport militaire A400M est déterminant pour nos ambitions industrielles et de défense, au niveau national mais surtout européen. On comprendra que l'élu de Haute-Garonne que je suis y soit attentif.

Nous sommes à quelques jours de décisions cruciales. Je salue le travail remarquable et équilibré de MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier, dont le rapport a été apprécié tant par les élus que par les personnels d'EADS et de Latécoère que j'ai pu rencontrer. Mon département s'est profondément investi dans un programme emblématique de la politique de défense de l'Union européenne ; de très nombreux emplois sont tributaires de sa pérennité et de sa réussite. C'est dire que s'il venait à s'arrêter, ce serait pour toute la région un véritable traumatisme économique et social. Nous avons déjà appris avec stupeur, à l'automne 2008, la fermeture totale de la base aérienne 101 de Francazal à l'horizon 2010, dans le cadre de la refonte de la carte militaire, une des raisons avancées étant qu'elle ne pouvait accueillir l'A400M, sauf au prix d'un aménagement au coût prohibitif. Cette décision touchera 1 000 personnes et autant de familles. La région subirait une double peine si l'A400M ne se faisait pas. Je rappelle que la Haute-Garonne a récemment souffert des difficultés du couple EADS-Airbus ; le plan Power 8 qui s'est ensuivi a conduit à supprimer 10 000 emplois sur quatre ans, dont 3 200 en Europe et 1 100 au siège d'Airbus à Toulouse.

A cela s'ajoutent les effets de la crise sur l'industrie aéronautique. Il faut donc tout faire pour éviter le choc que serait l'arrêt de l'A400M à l'échelon de mon département comme pour la politique industrielle, de défense et de recherche de l'Europe.

Sans doute les négociations avec les pays clients sont-elles difficiles. Les gouvernements, dont certains font face à des échéances électorales proches, doivent procéder à des arbitrages que la crise rend plus complexes. Sept États doivent s'entendre sur la production de 180 appareils. L'Allemagne, qui s'est engagée pour 60 A400M, dénonce les quatre ans de retard qui ont déjà coûté 1,8 milliard d'euros à EADS. Mais qu'est-ce que quatre ans au regard de la vie d'un programme qui s'étalera sur plusieurs décennies ? Selon la presse, la Grande-Bretagne envisagerait d'annuler sa commande initiale de 25 exemplaires pour se tourner vers Boeing. Elle n'est semble-t-il pas la seule à chercher des solutions de remplacement.

La France, deuxième plus gros client, qui a commandé 50 appareils, n'a pas exclu le 17 mars dernier de revoir ce chiffre à la baisse, arguant à son tour du retard pris. Notre pays est pourtant un important bénéficiaire des programmes d'Airbus. Des solutions d'attente lui permettraient de faire face à ses besoins de transport logistique et tactique jusqu'à la livraison des A400M. Je pense au renforcement de la voilure des Transall les plus récents, à un recours accru aux appareils Casa ou encore à la location d'heures de vol sur Antonov. Il faut explorer ces pistes. L'achat d'avions Boeing pour faire face aux besoins immédiats de l'armée serait évidemment contraire à toute logique.

L'un des modèles en question serait presque aussi cher et deux fois moins performant que l'A400M. Et nous ne sommes pas sûrs que la livraison pourrait avoir lieu aux mêmes dates que les Airbus, même en tenant compte du retard. Cette solution est donc en quelque sorte mort-née.

L'A400M, autrefois nommé « ATF » (avion de transport futur), offre des avantages qu'aucun autre appareil n'est en mesure de proposer. Il se caractérise par une polyvalence sans précédent et sera en outre le seul avion militaire disposant d'une certification civile. Sa technicité et sa fiabilité se situeront donc bien au-delà de tout ce qui existe. C'est fondamental. (M. Yvon Collin approuve)

Ces données techniques justifient les efforts consentis par les États européens engagés dans ce programme. Les conflits contemporains, polymorphes, et éclatés à l'échelle du globe, plaident pour que les armées européennes disposent de capacités de projection de forces. Monsieur le ministre, vous avez défini ces dernières, dans l'annexe au projet de loi de finances pour 2009, comme la capacité de faire intervenir, jusqu'à plusieurs milliers de kilomètres, avec leur soutien et leur logistique associés, des groupements de forces interarmées dans un cadre national ou multinational. Il est impensable que l'Europe s'en prive dans un contexte international de plus en plus instable.

L'A400M répond à des besoins nettement identifiés par les États signataires. Il revient à chacun de redéfinir son positionnement vis-à-vis d'un projet qui permet de répondre à des impératifs politiques, de défense, de recherche-développement, et garantit des savoir-faire de qualité. L'Europe de la connaissance pourra reposer sur une expertise qui renforce le tissu économique, social et industriel des États membres et de leurs partenaires.

La pérennité du programme doit être assurée afin d'éviter que la Haute-Garonne ne soit sinistrée par une décision qui toucherait le Grand Toulouse de plein fouet. Certes, EADS est contrainte de rediscuter les modalités du contrat de 20 milliards d'euros passé avec les sept clients concernés. Les premières livraisons n'étant pas prévues avant fin 2012, la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie pourraient renoncer à leurs ambitions industrielles et de défense, mais cette démarche serait à plus d'un titre onéreuse. Dans un contexte économique très dégradé, Airbus est quasiment le seul avionneur qui conserve des performances satisfaisantes. (M. Yvon Collin approuve)

Ce fleuron de l'industrie aéronautique européenne travaille avec de nombreux sous-traitants qui ont considérablement investi. J'ai visité récemment l'entreprise Latécoère : ses bureaux d'études ont accompli des avancées technologiques en matière de meubles et de câblages. Si le programme était abandonné, ces investissements humains et économiques auraient été réalisés en pure perte. En outre, les effets de la crise qui frappe le secteur en seraient accrus.

EADS souhaite une nouvelle répartition des risques industriels, avec un calendrier de livraison plus réaliste qui permettrait de réaligner les pénalités. Si responsabilités il y a, elles doivent être partagées. Or les mêmes États qui renâclent à payer des pénalités ont poussé à la réalisation rapide du programme en faisant l'impasse sur son caractère novateur et sur d'inévitables incertitudes technologiques. Cette solution serait raisonnable et nécessaire, mais les États européens hésitent à prendre en charge le surcoût induit. Aussi la France doit-elle s'engager aussi fermement que l'Espagne et la Turquie, qui ont annoncé le 4 avril à Strasbourg qu'elles maintiendraient leurs commandes quoi qu'il advienne et quel que soit le délai.

M. Yvon Collin.  - Quelle belle confiance !

M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.  - Je vous rappelle que l'Espagne a commandé 27 A400M et la Turquie 10.

Le PDG d'Airbus a beaucoup surpris en affirmant dans l'hebdomadaire Der Spiegel le 29 mars dernier : « Dans les conditions actuelles, nous ne pouvons pas construire l'appareil... » Ce type d'intervention intempestive a ajouté de la confusion à la confusion. EADS a dû réaffirmer son engagement total à mener à bien le programme sans minimiser pour autant les difficultés. Cette péripétie a inutilement aggravé un contexte déjà tendu. Il faut en sortir par le haut.

Le programme de l'A400M est stratégique à plus d'un titre : il est grand temps de lever l'ambiguïté entretenue par des propos contradictoires et d'affirmer clairement les intentions et la détermination de la France. Monsieur le ministre, vous avez rappelé qu'il s'agit d'un programme européen phare, majeur pour l'industrie, extrêmement bien placé et unique dans le monde. Nous sommes nombreux sur ces bancs à partager ce point de vue. Le 14 mai dernier, vous avez indiqué que la France faisait tout pour sauver cet avion. Cette déclaration peut être interprétée dans un registre optimiste aussi bien que pessimiste, car s'il faut tout faire pour le sauver, cela signifie qu'il y a danger...

Faute d'une information claire de la représentation nationale, la détermination du Gouvernement à garantir la pérennité de l'A400M reste confidentielle. Cela ne peut rassurer les acteurs de ce projet, qui souhaitent avoir des certitudes ou, à tout le moins, des indications leur permettant d'espérer. Certes, des négociations avec les autres pays clients sont en cours, mais je fais confiance à la représentation nationale pour utiliser ces renseignements à bon escient et avec discernement. Il est regrettable que nous ne soyons guère plus informés que le simple lecteur de journal.

Début avril, une période décisive s'est ouverte dans le cadre de négociations qui doivent aboutir avant le 1er juillet 2009. Monsieur le ministre, vous avez rencontré à plusieurs reprises, et notamment à Prague le jeudi 2 avril, les ministres européens concernés par ce projet. D'autres rencontres ont certainement eu lieu. Qu'en résulte-t-il ? Des décisions ont-elles été prises ? La stratégie arrêtée garantit-elle la poursuite du programme et le maintien des nombreux emplois qui y sont liés ? (Applaudissements sur divers bancs)

M. Claude Biwer.  - L'A400M représente un défi pour la coopération entre États, un défi industriel et un défi militaire. Il est le fruit d'un long -trop long- processus de concertation au terme duquel sept États disposeront du même avion de transport militaire. Nos forces armées ont commencé à réfléchir à un projet d'avion de transport stratégique à longue distance au début des années 1980. Ce projet constitue un bel exemple de coopération dans le domaine industriel, mais d'abord et avant tout pour la défense européenne.

Malheureusement, le groupe EADS a annoncé un retard d'au moins trois ans pour la première livraison de l'A400M. Cette entreprise a non seulement été soumise à des tensions internes, mais aussi à de nombreux desiderata de ses donneurs d'ordre qui ont compliqué sa tâche, et retardé sa conception et sa réalisation.

C'est ainsi que la première livraison de cet appareil, initialement prévue pour octobre 2009, est donc désormais prévue au mieux pour fin 2012, plus probablement 2013. Ce retard sera lourd de conséquences. D'abord parce qu'il remet en cause l'avenir même du projet. Ensuite parce qu'il provoquera, en l'absence de solution de substitution, une grave remise en cause des capacités de projection de nos forces armées : la flotte actuelle de transport tactique française, constituée de C160 Transall et de C130 Hercules, est vieillissante. Le rapport de MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier rappelle que, dans l'hypothèse où l'A400M n'entrerait jamais en service et où rien ne serait fait pour retarder ou compenser le retrait des C160 Transall, la capacité de projection tactique à 1 000 km en cinq jours serait réduite de moitié d'ici à 2012. Ces perspectives sont très préoccupantes. Car si l'A400M est un avion militaire, ses missions ont une vocation autant stratégique qu'humanitaire.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement sur l'avenir du projet, et surtout sur les palliatifs que vous pourriez mettre en oeuvre ? Un achat éventuel d'avions américains de type C130 me semblerait très regrettable. Qu'en est-il ?

L'Airbus A 400M doit nous permettre d'équiper nos forces armées avec un matériel innovant et performant, à la pointe de la technologie, sans recours à des constructeurs hors d'Europe.

Le projet A400M, comme tout projet industriel d'envergure, fait appel à un grand groupe industriel, EADS. Mais derrière lui, c'est une multitude de petits équipementiers qui travaillent quotidiennement à l'avancement du projet. Vous comprendrez que je sois tout particulièrement sensible au sort de nos PME françaises. Je m'interroge d'ailleurs sur ce point car si le principe de préférence communautaire, que je ne remets nullement en cause, semble bien respecté, je constate que certains sous-traitants français ont perdu des marchés au profit d'autres entreprises européennes -je pense à la fabrication de certains missiles. Or, nos PME disposent d'un réel savoir-faire technique, gravement menacé en cas de défaut de commandes. C'est l'expertise française qui est en jeu.

La situation de ces entreprises sous-traitantes est d'autant plus délicate qu'elles sont déjà victimes de la faiblesse du plan de charges de la construction du Rafale, dont les commandes publiques ont été réduites, et par l'incertitude relative à la modernisation des Mirages 2000D, pourtant prévue par le Livre blanc de la défense et dont notre force aérienne tactique a impérativement besoin.

En cette période de crise économique mondiale, l'A400M, comme la modernisation du Mirage 2000D font partie de ces grands projets industriels qui pourraient très utilement participer à la relance. Il faut s'assurer à tout prix que le maximum de nos entreprises participent à cet élan. Je sais que le ministre de la défense et vous-même êtes très sensibles à ce sujet. Ce magnifique projet européen doit se poursuivre dans l'intérêt de l'Europe mais aussi de la France. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Demessine.  - Comment sauver du fiasco le programme européen de nouvel avion de transport militaire A 400M ? La question est à la taille des enjeux. Il y va des capacités opérationnelles de nos forces armées, des menaces qui pèseraient sur de nombreux emplois dans notre pays, du savoir-faire de milliers d'ingénieurs, cadres, techniciens et ouvriers de nos industrie aéronautiques, mais aussi de la capacité des industries aéronautiques européennes à construire un avion de transport militaire.

Les dernières informations parues dans la presse, qui font état d'une nouvelle demande de moratoire d'EADS aux gouvernements participant au programme, ne sont pas de bon augure. Comment interpréter ce nouveau délai ? A quoi servira-t-il ? Lorsqu'au début de cette année, EADS a annoncé qu'il serait incapable de tenir les délais de livraison de l'avion, ses spécifications, et bien sûr son coût, les gouvernements européens ayant rapidement considéré qu'il fallait renégocier les contrats, EADS avait bénéficié d'un moratoire pour présenter de nouvelles propositions, ce qui permettait d'éviter que certains pays n'annulent leurs commandes et ne demandent l'application de pénalités qui auraient signé l'arrêt de mort de ce nouvel appareil. Je crois ainsi comprendre que le ministre de la défense cherche à trouver un compromis sur un nouveau calendrier, sur le partage des surcoûts et sur les solutions de remplacements temporaires pour les différentes armées. Nous attendons donc des éclaircissements sur ces points.

Mais pour ne pas commettre de nouvelles erreurs, il faut tirer quelques enseignements de cette malheureuse opération, présentée par la ministre qui vous a précédé comme le nec plus ultra de l'économie de marché au service des industries de défense. Résultat, les forces armées d'Europe et de Turquie n'auront cet avion ni dans les délais, ni aux coûts sur lesquels EADS s'était engagé. Les raisons avancées par l'entreprise pour expliquer les retards ont été essentiellement techniques : difficulté à faire réaliser un moteur entièrement nouveau par quatre constructeurs européens différents, difficulté à satisfaire les exigences particulières de chaque pays à partir d'un modèle de base.

Mais il est d'autres raisons, plus profondes. Les responsabilités sont partagées entre les industriels et les gouvernements, dont le vôtre. Tout d'abord, ce contrat de type purement commercial était totalement inadapté aux exigences et aux spécificités d'un programme d'équipement militaire. Ensuite, les quatre constructeurs du moteur, concurrents dans le civil, n'ont pas su trouver les formes de coopération nécessaires. Il est également incontestable qu'EADS a connu des problèmes de gouvernance motivés par des rivalités nationales entre notre pays, le Royaume-Uni et l'Allemagne, chacun défendant les intérêts purement financiers de ses industriels. Enfin, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'Occar, chargée de gérer le programme, n'a pris aucune décision et s'est contentée d'accumuler les demandes des armées de l'air.

Nous avons besoin, en matière de défense, d'une coopération industrielle en Europe respectant l'identité de chacun. Ce n'est pas votre conception, ni celle de vos homologues, car vous préférez à cela des alliances capitalistiques qui privilégient le profit sur les critères industriels, militaires et stratégiques, ainsi que l'illustrent assez les exemples de Giat-industries, de DCN, et bientôt de la SNPE.

Au-delà, cet échec fait peser de lourdes menaces sur l'existence d'une politique européenne de défense réellement autonome. Il est révélateur des réticences d'un certain nombre de nos partenaires européens à aller dans ce sens.

La renégociation des contrats ne doit pas se faire à n'importe quelles conditions. Mais il n'y aurait rien de pire que l'abandon de ce programme avec son cortège de conséquences désastreuses pour l'emploi, les savoir-faire technologiques, la crédibilité des avionneurs européens, l'économie. Ce serait abandonner pour longtemps encore aux industriels américains le transport militaire aérien.

Les dysfonctionnements du programme ont d'ores et déjà des répercussions négatives sur les capacités opérationnelles des forces armées en Europe. Et les gouvernements devront trouver des solutions onéreuses, et pas toujours satisfaisantes, pour pallier ce déficit de capacités.

Nous souhaitons donc vivement, monsieur le ministre, que dans l'intérêt bien compris de notre pays, vous fassiez preuve, dans les discussions en cours, de fermeté pour qu'EADS respecte ses engagements, sans céder au chantage à l'emploi d'industriels qui n'ont que trop tendance à mettre en avant, pour partager les risques, les seules conséquences financières des dérives du programme de l'A400M. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gautier.  - Courageux ou passionnés : merci à tous ceux qui ont répondu présent à ce débat.

Je veux tout d'abord saluer la décision de la France, de l'Allemagne et de l'Espagne d'apporter 3 milliards d'euros à la société Airbus-EADS qui, en raison de la crise, doit faire face à l'annulation ou au report de commandes d'appareils de la part de nombreuses compagnies aériennes. Cet engagement fort illustre bien la volonté du gouvernement français de soutenir les industriels et l'emploi et nous rassure quant à l'avenir du programme A400M.

Il s'agit là d'un programme primordial pour notre pays, pour nos forces armées, pour l'Europe de la défense, pour les industriels et avionneurs et pour les 33 000 emplois, enfin, directement concernés par l'A400M.

Compte tenu du moratoire en cours et des négociations confidentielles entre les sept États, l'Occar et EADS, il est évident que le Gouvernement ne pourra répondre dans le détail à la question telle qu'elle est formulée. Il est en revanche permis à la représentation nationale, qui n'est pas partie prenante dans les discussions, de faire le point sur ce dossier et d'en évoquer les perspectives.

Le 4 décembre 2008, les présidents Arthuis et de Rohan désignaient M. Masseret et moi-même pour conduire, au nom des deux commissions des finances et de la défense, une étude sur le programme d'avions de transport militaires stratégique et tactique Airbus A400M dont les retards et les incertitudes ne pouvaient que nous inquiéter.

Après deux mois d'un travail passionnant et acharné, nous avons présenté notre rapport, que les commissions ont décidé à l'unanimité de rendre public, tout en nous missionnant pour suivre ce programme. Il ne s'agissait pas pour nous de nous ériger en juges du contrat ni de rechercher des coupables, mais d'essayer de comprendre pour formuler des propositions. L'A400M s'inscrit dans une démarche commerciale : il est vecteur de richesses mais il faut combler le trou capacitaire que vont en ce domaine rencontrer nos forces armées. Nous avons donc demandé une renégociation afin que chacun porte sa juste part de responsabilité dans la vérité d'une culture du résultat, et avancé des recommandations pour que de telles difficultés ne se reproduisent plus.

Que savons-nous avec exactitude ? Le 21 avril, les sept pays qui ont commandé 180 appareils pour un montant de 20 milliards ont signé un contrat stand still ajournant de trois mois l'application du contrat actuel avec EADS Airbus. Les parties se sont ainsi donné trois mois pour jeter les bases d'un nouvel accord sans remettre en cause les clauses de l'actuel. Je tiens à témoigner de l'engagement personnel de M. Hervé Morin pour que les Britanniques ne sortent pas du programme.

La méthode la plus rigoureuse a aussi été la plus lente. Si le choix du représentant d'un État chef de file a été retenu, je regrette que la proposition espagnole de voir la France prendre le leadership ait été refusée par les Britanniques. C'est donc un Belge qui conduit avec efficacité les négociations.

EADS a provisionné 2 milliards et dès le 16 décembre dernier, M. Gallois a mis un terme à une organisation managériale complexe destinée à reconnaître la prééminence espagnole en matière militaire. L'intégration de la partie militaire comme division d'Airbus donnera plus d'efficacité, de réactivité et de cohérence. Le consortium des motoristes, qui avait connu, faute de hiérarchie, quelques problèmes de coordination, s'est recentré autour de Snecma et de Rolls Royce.

S'agissant du trou capacitaire, un consensus semble se dégager pour apporter une solution sur les transports stratégiques à longue distance et forte capacité ainsi que sur le poser d'assaut. Le contrat qui lie les quinze pays nous permet d'affréter des Antonov 124-100, qui ont l'avantage de transporter des blindés. Il faut poursuivre ces affrètements. Une opportunité complémentaire consiste en l'achat ou la location de trois MRTT A 330-200, appareils dont la France doit se doter à partir de 2015 pour remplacer les KX 13-5.Voilà une réponse intelligente et rapide. En revanche, je me félicite qu'on n'achète pas des Boeing C17, coûteux et complexes d'entretien.

Les choses sont plus délicates pour le volet tactique. Une solution s'impose, prolonger le cycle de vie de dix Transal C160 pour un coût de 100 millions. Ce choix s'accompagnera de l'allègement de l'utilisation des C160 et C130, ainsi que de l'achat de Casa 235 dont on sait l'efficacité pour le brouettage et le largage des parachutistes. Cela sera de toute façon nécessaire car l'A400M n'assure pas ces missions. Enfin, les Looked C13 OJ ne seraient disponibles que d'ici trois ou quatre ans et ils nécessiteraient une formation de nos pilotes ; de plus, la multiplication des types d'appareils ne facilite pas la maintenance.

Où en est l'avion ? Le banc d'essai volant a déjà effectué 35 heures sur les 50 prévues. Le moteur de 11 000 chevaux, le plus puissant en occident, ne rencontre pas de problème majeur. Le fadec, système numérique de régulation du moteur et des hélices, qui avait connu des retards, fonctionne de manière satisfaisante et devrait recevoir sa certification en septembre. La date du premier vol devrait être confirmée pour l'automne 2009 ou le tout début 2010.

Où en est le moratoire ? Les différents partenaires veulent trouver un accord et les députés turcs viennent de nous dire qu'ils soutiennent totalement le programme. Tout porte à penser que les négociations sont conduites dans deux domaines complémentaires. Les livraisons, à partir de 2013, comporteraient deux modèles, le basique et le complet ; il y aurait suppression de certaines spécifications, telle que le TRN, difficile à réaliser aujourd'hui, ou le TMLLF demandé par les Allemands.

Le volet le plus délicat concerne le report des pénalités, la révision du prix à l'unité, l'abandon du PIB pour l'indexation -la crise est passée par là- ainsi que la réduction potentielle des commandes. Il faut trouver des solutions intelligentes, quitte à repousser le moratoire à fin août.

Le groupe UMP apporte un soutien sans faille au A400M et à l'action du Gouvernement. L'abandon de ce programme, emblème de l'Europe de la défense et de notre savoir-faire, aurait des conséquences catastrophiques.

M. Yvon Collin.  - Absolument !

M. Jacques Gautier.  - La France et l'Europe renonceraient à maîtriser ces technologies pour plusieurs décennies et s'obligeraient à acheter du matériel américain. Je souhaite donc qu'au-delà du groupe UMP, des sénateurs pionniers d'une véritable Europe de la défense soutiennent ce programme. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yvon Collin.  - Débattre de l'avenir de l'A400M, c'est évoquer des enjeux colossaux. Il est inutile de le rappeler, le programme ambitieux engagé en 1992 symbolise la volonté des États européens de s'équiper ensemble. Même si l'on peut l'accuser de pécher par excès, cet avion est l'avion de défis que nous devons tous relever. Pour les sénateurs RDSE, à commencer par M. Plancade, qui a plusieurs fois attiré l'attention du Gouvernement, ce programme doit aboutir sans tarder.

Il n'est plus possible de tergiverser. Bénéficiant des synergies d'Airbus et de matériaux composites, cet avion innovant peut évoluer en milieu hostile ; équipé des turbopropulseurs les plus puissants en occident, il se distingue de ses concurrents américains par son autonomie de vol comme par sa capacité d'emport.

Oui, l'A400M constitue un défi et les industriels de pointe européens participent à ce projet, sans que leurs compétences soient freinées par la clause du juste retour. L'intérêt stratégique est évident : ne pas être dépendant de l'industrie américaine. Le pari gagnant-gagnant est devenu un challenge audacieux dont certains demandent l'abandon. La commande initiale avait probablement été surévaluée ; les délais de livraison réduits à l'excès pour répondre aux Britanniques ; mais EADS devrait rembourser les avances gouvernementales.

Un renoncement au programme est tout simplement inconcevable. Ce serait donner au monde le visage Europe qui a plus d'appétit que de compétences. Quelle serait alors votre stratégie ? Nous attendons des réponses précises.

Ne cédons pas au pessimisme, l'A400M est un bon programme, son aboutissement doit être une priorité, mais le temps nous est compté. Les Britanniques ont accepté de revenir à la table des négociations. Leur capacité stratégique n'étant pas menacée, leur petite commande les conduira probablement à abandonner le projet. Les États peuvent en effet contractuellement abandonner le programme depuis avril 2009, puisque le premier vol accuse quatorze mois de retard. Nous bénéficions d'un moratoire de trois mois, mais le couperet tombera le 1er juillet. Qu'en est-il des tractations menées ces derniers mois ? N'y a-t-il pas urgence à réunir les exécutifs responsable du programme ?

L'aboutissement du programme est de la responsabilité du Gouvernement. Le ministre de la défense a dit vouloir trouver des solutions palliatives, l'une d'entre elles étant l'achat de C130J. Nous ne pourrions l'accepter. On ne peut revenir au débat initial tranché en 1998 à la suite du rapport Lelong. L'alternative américaine n'est pas plus qu'hier envisageable. Pouvez-vous nous le garantir ? Trop chers, trop lourds, achetés sous prétexte qu'ils pourraient être livrables avant l'A400M, ce qui n'est rien moins que sûr.

En cette période de crise, on ne peut investir dans l'industrie aéronautique américaine et abandonner 7 500 emplois européens, 33 000 avec les sous-traitants. J'en mesure d'autant plus les conséquences que je suis élu d'un territoire directement concerné par cette industrie.

La réaction aurait dû être anticipée, reprendre les négociations dès les premiers retards, dégager un chef de file. Le calendrier est maintenant connu, reste à agir, engager la renégociation, améliorer la coordination. Il n'est pas trop tard. Les atermoiements liés à l'obtention de la certification civile doivent être rapidement tranchés. Cette question oppose le ministère de la défense à EADS. L'entreprise qui contribue à notre vitrine européenne ne doit pas être pénalisée mais EADS doit être mise devant ses responsabilités. Les défauts d'organisation et de coordination internes lui incombant ne doivent pas être renouvelés. II faut mandater l'Occar pour renégocier le contrat sur des aspects techniques en échange d'un calendrier précis. Le moteur et son système informatique jouent les prolongations mais gardons-nous de signer un contrat indépendant avec le motoriste qui reviendrait à déplacer le risque pour les États sans augmenter la pression. Le projet doit être enfin piloté. II n'est pas trop tard pour désigner un État pour ce faire, qui puisse régler au fur et à mesure les détails techniques et mener à bien le programme dans le respect du cahier des charges.

Le défi demeure européen. Le Livre blanc sur la défense préconise la dynamisation de l'industrie de défense européenne. Le 17 juin 2008, le Président de la République disait que les défis actuels appellent des réponses collectives et coordonnées ; l'A400M en est une. La volonté politique doit permettre de relancer le projet et de le mener à bien. II est temps que l'Europe et la France s'en donnent les moyens, et pas seulement budgétaires.

Nous attendons beaucoup de vos réponses. L'A400M a trop longtemps été synonyme d'un formidable espoir déçu. Voici un dossier qui nécessite la rupture ! Le RDSE souhaite la concrétisation la plus rapide possible de l'A400M, et j'ai cru comprendre que ce désir est partagé sur tous les bancs de cet hémicycle. (Applaudissements)

M. le Président.  - C'est effectivement le cas.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Quelle excellente idée d'avoir ce débat en ce moment ! Il est bon que le Sénat puisse conforter la démarche, forcément difficile, dans laquelle nous sommes engagés. L'excellent rapport de vos collègues Masseret et Jacques Gautier fournit une bonne base de discussion : il est particulièrement complet et bien documenté. Il montre que ce programme a été d'emblée très complexe avec une réduction des commandes des États entre la phase de définition de besoins et le lancement effectif. La cible est passée de 291 à 180 unités, ce qui a fait s'envoler les prix unitaires. Depuis fin 2007, le programme traverse de fortes turbulences mais d'aucuns parmi vous se souviendront qu'il en a été de même en son temps pour l'hélicoptère NH-90 qui a failli passer à la trappe. Le programme a dû sa survie aux clauses contractuelles très pénalisantes pour les États parties en cas de retrait.

Il ne faudrait donc pas dans le cas de l'A400M prendre prétexte des clauses contractuelles défavorables à l'industriel pour commettre l'irréparable et dénoncer le contrat à ses torts, enterrant ainsi le programme le plus emblématique de l'Europe de la défense. Le besoin de trouver un successeur au C130 de Lockheed est réel : en dépit des nombreux liftings subis par ce bon avion depuis son premier vol au début des années 1950, il est aujourd'hui dépassé.

Il nous faut donc trouver une solution gagnant-gagnant et nous sommes tous convaincus ici de la nécessité de soutenir les efforts faits par la France pour rechercher les meilleurs compromis possibles avec nos partenaires et avec l'industriel. Il y va de la crédibilité de l'Europe de la défense de mener à bien son plus important programme jamais passé en matière d'armement.

Dans le cadre de la négociation actuelle avec nos partenaires pour trouver les compromis permettant la poursuite du programme, nous avons quelques sérieux défis à relever. Notre besoin de reconstituer notre capacité de transport est urgent et les solutions sur l'étagère peu attractives. Toutefois, je ne puis préjuger l'issue des négociations que mène Hervé Morin à Bruxelles.

Il a répété au président Gallois l'attachement du Gouvernement à ce que le programme A400M aboutisse. Il en est un ardent défenseur, comme le Premier ministre, qui connaît bien ce dossier. Mais il faut que les conditions du dialogue ne rendent pas impossible la mise en oeuvre de cette volonté. La discussion est à la fois avec l'industriel et avec nos partenaires européens. Il est difficile de discuter à sept avec des pays qui n'ont pas forcément la même volonté de poursuivre ce programme et qui n'ont pas non plus les mêmes problématiques budgétaires.

Fin juin, à Séville, nous devrions renégocier les termes précis du contrat autour de quatre problématiques : la prise en charge du risque industriel ; la réactualisation du coût du programme ; les clauses de révision de prix et les pénalités. Si tout le monde y met de la bonne volonté, on devrait y arriver. La question de la pertinence de ce programme ne se pose pas : vous l'avez tous dit, l'A400M est moins cher que le C130 américain avec des capacités d'emport nettement supérieures et de réelles chances à l'exportation. Nous avons de bons échos de la Délégation générale pour l'armement concernant les essais. La question est maintenant de savoir si les Européens ont assez de volonté et EADS assez de souplesse pour que nous puissions trouver un terme qui permette à l'industrie de continuer le programme sans que les budgets nationaux en pâtissent trop.

Avec l'industriel, l'accord de trêve signé en avril dernier suspend la possible dénonciation aux torts d'AMSL du contrat. Les dernières nouvelles données par Louis Gallois sont satisfaisantes : il escompte un premier vol de l'A400M avec ses turbo-pulseurs de 11 000cv en décembre 2009 ou au tout début 2010, ce qui permettrait les premières livraisons en 2013.

Reste à régler la période intermédiaire. Pour le transport stratégique, le contrat d'affrètement Salis nous permet de continuer, voire d'intensifier, le recours à des Antonov 124. L'étude de la commande anticipée de trois Airbus A330-200 MRTT se poursuit et cette piste me semble la plus intéressante. Pour le transport tactique, la décision de rénover dix C160 Transall et de les prolonger en service au-delà de 2015 est prise, ce qui répond à la question soulevé par M. Biwer. Nous étudions l'acquisition ou le leasing de quelques avions Casa en complément de ceux dont nous disposons déjà.

La réflexion actuelle tend avant tout à éviter la multiplication des types d'avions de transport en service dans l'armée de l'air pour une double raison de formation des équipages et de bonne gestion de la maintenance.

M. Mirassou a regretté la fermeture de la base de Francazal. Je veux rappeler que des unités de l'armée de terre continueront d'y stationner et que sera créé en 2011 un régiment du commissariat à Toulouse. Je vous rejoins totalement sur l'A400M : le Gouvernement n'abandonnera pas ce projet emblématique pour l'Europe. Pour assurer la jointure entre la fin du Transall et l'arrivée de l'A400M, l'achat de C17 est exclu, rassurez-vous ; j'explore actuellement la piste de location d'heures de vol sur les C17 dans le cadre de la structure Otan SAC.

Monsieur Biwer, le retard qu'a pris le programme A400M menace, certes, notre capacité de projection des troupes mais nous sommes déterminés à poursuivre ce projet et à trouver des solutions en attendant la livraison. Comme tous les projets aéronautiques civils et militaires, il est également stratégique pour nos emplois et nos entreprises, comme le prouve l'exemple des hélicoptères NH90. Au reste, l'abandonner maintenant coûterait plus cher, poursuivons-le donc avec volontarisme.

Madame Demessine, même si vous l'avez sévèrement qualifié de fiasco, je crois comprendre que vous soutenez ce projet. Il est important que, sur ce sujet si important pour la France et l'Europe, il y ait des éléments de consensus. La prorogation des délais, annoncée aujourd'hui par M. Sarkozy et Mme Merkel, est une bonne nouvelle qui illustre la détermination de nos deux pays.

Votre sévérité envers l'Occar est injuste : c'est la défense européenne qui est en jeu.

Enfin, monsieur Collin, vous avez satisfaction puisque, je le répète, le moratoire de trois mois est prolongé, signe qu'il y a la volonté de réussir le programme de l'A400M ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question.  - Merci au ministre de ses explications et aux intervenants, qui représentent les différents groupes du Sénat, de leur soutien à ce programme. Il faut maintenant trouver une solution de sortie par le haut. Sans chercher la polémique -je n'ai pas d'arrière-pensées et j'ai la faiblesse de dire ce que je pense, mais en prenant la précaution de penser au préalable à ce que je vais dire- (sourires), la difficulté est aujourd'hui davantage politique que technique. De fait, les problèmes techniques sont résolus puisque l'on est capable de fixer une première date de vol et de livraison. Or je m'interroge sur la décision de M. Sarkozy et de Mme Merkel de prolonger le moratoire, annoncée aujourd'hui. Est-ce la bonne solution quand on invoque une démarche fédérative, portée par l'ensemble des pays européens ? Quelques jours avant les élections européennes, ces deux personnalités ont signé une lettre dont l'impact a été important, les voici aujourd'hui placés devant leurs responsabilités. On ne peut à la fois souligner les résultats de la présidence française de l'Union et cosigner des missives avec Mme Merkel... Cette décision prise par Mme Merkel et M. Sarkozy lèvera peut-être les obstacles politiques et financiers mais elle n'est peut-être pas de nature à rassurer nos partenaires européens.

Pour conclure, le groupe socialiste a la volonté que le programme de l'A400M aboutisse et attend avec impatience de voir quel rôle jouera le Président de la République et le Gouvernement pour lever les obstacles. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le débat est clos.

Prochaine séance, mardi 16 juin 2009, à 15 heures.

La séance est levée à 17 h 40.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 16 juin 2009

Séance publique

A 15 HEURES ET LE SOIR,

- Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (n° 364, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 325, 2008-2009)

Proposition de loi présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes (n° 255, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Charles Revet et plusieurs de ses collègues renforçant l'encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement (n° 173, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Claude Biwer et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement (n° 114, 2008-2009).

Proposition de loi présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement (n° 94, 2008-2009).

Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission spéciale (n° 447, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 448, 2008-2009).