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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Délais de paiement des OPCA

Qualification des auto-entrepreneurs

Activité vétérinaire dans les parcs zoologiques

Formation des salariés en chômage partiel

Éoliennes

Zones de revitalisation rurale

Haut débit pour tous

Situation de l'enseignement agricole public dans l'Aveyron

Situation de l'hôpital de Juvisy

Situation financière du CHU de Tours

Situation de l'élevage en Charente-Maritime

Prison de Versailles

Traitement inégal des fonctionnaires des impôts

Fonctionnement d'une agence postale communale

Personnels des maisons départementales des personnes handicapées

Surcharge de travail dans les caisses d'allocations familiales

Violences au sein du couple

Dépôt de rapports

Semaine de contrôle

Débat sur l'avenir de la presse

Rappels au Règlement

Lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement relative à la politique étrangère

Débat sur l'avenir de la presse (Suite)

Conseil européen des 19 et 20 mars (Déclaration du Gouvernement)




SÉANCE

du mardi 17 mars 2009

80e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Anne-Marie Payet.

La séance est ouverte à 9 h 40.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-sept questions orales.

Délais de paiement des OPCA

M. Jean-Claude Carle.  - Afin d'améliorer la situation économique des entreprises, la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a réduit les délais de règlement au bénéfice des PME, qui varient désormais de 45 à 60 jours. Or, selon la Fédération de la formation professionnelle (FFP), ils s'élèvent pour ses adhérents entre 75 et 120 jours. En outre, la facture ne peut être adressée aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qu'une fois les prestations effectuées, ces dernières s'étalant souvent sur plusieurs mois -voire plusieurs années. Les organismes de formation, souvent des PME, doivent donc consentir d'importants efforts de trésorerie et limiter leurs investissements en recherche et développement. En outre, ils sont tenus d'appliquer à leurs fournisseurs les nouveaux délais de paiement.

Les organismes de formation souhaitent savoir quel régime leur est applicable en tant que prestataires de services des OPCA. Madame la ministre, entendez-vous demander à votre administration de confirmer que les délais de paiement prévus par la loi de modernisation de l'économie leur sont applicables ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Votre question est parfaitement pertinente. En l'état actuel des textes, les OPCA, intermédiaires entre l'organisme de formation et l'entreprise, ne sont pas soumis aux nouvelles règles concernant les délais de paiement. Le Gouvernement considère cependant que leur intervention ne doit pas fragiliser la trésorerie des organismes de formation. De leur côté, les partenaires sociaux ont recommandé le 7 novembre dernier aux OPCA « de réduire les délais de paiement des actions de formation, qui ne devraient pas excéder un mois ». Ce sujet pourra être de nouveau abordé dans le cadre du débat parlementaire qui va prochainement s'engager sur la réforme de la formation professionnelle, auquel vous pourrez, monsieur le sénateur, apporter votre contribution.

M. Jean-Claude Carle.  - Le Gouvernement et les partenaires sociaux souhaitent réduire les délais de paiement, tant mieux ; mais ne nous contentons pas de recommandations et fixons les délais dans la loi, par exemple celle que nous présentera M. Wauquiez.

Qualification des auto-entrepreneurs

Mme Nathalie Goulet.  - Lorsque nous avons voté la loi LME et le statut de l'auto-entrepreneur, nous avons évoqué le risque de concurrence déloyale vis-à-vis des artisans. Or la loi n'a pas abrogé le décret du 2 avril 1998 relatif à la formation professionnelle et au répertoire des métiers. On peut craindre une utilisation abusive de la qualification d'artisan. Les chambres des métiers sont inquiètes.

Il est possible de demander aux services de l'État de vérifier les qualifications professionnelles des auto-entrepreneurs. Il est possible également de saisir la justice de l'usage irrégulier du terme « artisan ». Quoi qu'il en soit, on ne peut laisser des gens exercer sans les qualifications requises. Une politique de communication active est-elle prévue pour défendre la qualification dans le secteur de l'artisanat, premier employeur de France, comme l'on sait ? Prendrez-vous des mesures pour protéger les artisans qualifiés ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Le nouveau régime a rencontré un très grand succès : 90 000 auto-entrepreneurs à ce jour ! Ils sont tenus aux obligations de droit commun en matière de qualification et d'assurance professionnelles, sans aucune dispense. Il y a seulement une dispense d'immatriculation.

Pour les artisans, le contrôle de la qualification n'intervient pas au moment de l'immatriculation mais a posteriori. Il est effectué par les agents de la concurrence et de la répression des fraudes ou des officiers et agents de police judiciaire. Bien évidemment, les auto-entrepreneurs qui souhaitent se prévaloir de la qualité d'artisan doivent impérativement respecter les conditions de droit commun prévues par le décret du 2 avril 1998.

Le site www.lautoentrepreneur.fr ainsi que les brochures d'information diffusent la liste des activités artisanales réglementées et rappellent cette obligation légale de qualification. Le Gouvernement continuera à veiller à une communication claire sur les obligations de qualification et les modalités selon lesquelles les autorités administratives les font respecter.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous nous félicitons du succès de ce statut très souple. Reste à organiser le contrôle a posteriori dans l'intérêt des clients.

Activité vétérinaire dans les parcs zoologiques

M. Alain Fouché.  - La directive de 1992 relative à l'activité vétérinaire dans les parcs zoologiques n'a toujours pas été transcrite en droit français ; or elle énonce les conditions de police sanitaire régissant les échanges intracommunautaires d'animaux et prévoit la mise en place d'un agrément sanitaire pour les établissements. Cet agrément est une reconnaissance de qualité. Il facilite les échanges d'animaux, indispensables pour la gestion des espèces menacées. Le Gouvernement envisage-t-il la transposition de la directive 92-65 ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - M. Barnier est à Bruxelles ce matin...

La transposition est en cours. Le 5 mars dernier, le texte a reçu un avis favorable de l'Afssa. Il est en cours d'examen par les services juridiques du ministère de l'agriculture ; les organisations professionnelles seront ensuite consultées. La publication interviendra alors très rapidement.

M. Alain Fouché.  - C'est parfait !

Formation des salariés en chômage partiel

Mme Mireille Schurch.  - Avec plus de 28 % de chômeurs supplémentaires en six mois, la crise a foudroyé l'emploi dans mon département. Les chiffres sont très mauvais en France, ils sont catastrophiques dans l'Allier et les entreprises recourent massivement au chômage partiel : CGR à Saint-Yorre, Halberg Précision à Cusset, Potain Manitowoc à Moulins, PSA Peugeot à Dompierre sur Besbre, et pour le bassin montluçonnais, Diamecans, Brealu, Goodyear Dunlop, etc. Soit plus de 2 000 salariés concernés par des mesures de chômage partiel, avec une baisse de salaire mensuel d'environ 200 euros. Il y a urgence à réfléchir à un changement radical de l'économie et chacun s'accorde à dire que la relance ne peut venir que de la formation, la recherche et l'innovation. C'est le moment de réorienter la production pour la mettre au service des besoins de la population, dans le respect de l'environnement.

Tout doit être fait pour que le temps de chômage partiel ne soit pas du temps perdu et moins rémunéré mais un temps de production intellectuelle. Les dirigeants d'entreprise ont trop longtemps délaissé l'investissement dans l'outil de travail, la formation des salariés, la recherche. Ils ont contraint les salaires pour satisfaire des actionnaires toujours plus exigeants. Voyez le cas de Continental...

Pourtant, la formation, qu'elle concerne la technique, la qualité, la sécurité ou les modes de production, est bénéfique pour les salariés et pour les entreprises. Une meilleure adaptation aux postes de travail aurait sûrement évité à Goodyear Dunlop de Montluçon une bonne part des rebus qu'elle chiffre à plus de 4 millions d'euros en 2008. Mais aujourd'hui, une heure chômée coûte cinq fois moins cher à l'entreprise qu'une heure de formation. Voilà le frein !

Se former plutôt que chômer, telle est la demande forte et justifiée des salariés. Pourquoi le Gouvernement n'aiderait-il pas les entreprises qui privilégient la formation ? Les crédits du plan de relance seraient utilement consacrés, sous le contrôle de la direction du travail, à la mise en place de formations. Il faudrait rendre plus attractif pour les entreprises le recours à la formation durant le chômage partiel. La rémunération serait maintenue pour le salarié.

Comment comptez-vous soutenir, dans l'immédiat, la montée en puissance du droit individuel à la formation ? Les salariés qui ont fait des demandes n'ont pour l'instant pas reçu de réponse.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Des améliorations sont intervenues récemment. Le niveau de l'indemnisation a été porté de 50 % à 60 % de la rémunération brute. Le plancher d'indemnisation a été relevé. L'État a augmenté de près de 50 % le montant de son aide financière, en prenant mieux en compte la situation des PME. L'accès à la formation professionnelle a été assoupli. Quant à l'articulation entre activité partielle et formation, elle a été organisée selon deux modalités. Les salariés en activité partielle peuvent suivre des formations dites hors temps de travail telles que le droit individuel à la formation ou le plan de formation pour le développement des compétences. Dans ce cas, le salarié perçoit en complément de son indemnité de chômage une allocation de formation et l'entreprise continue à percevoir les allocations versées par l'État au titre du chômage partiel. Une autre possibilité est offerte aux entreprises à la place du chômage partiel : les formations tendant à développer l'employabilité au titre du plan de formation ou de la période de professionnalisation. La rémunération est maintenue et l'entreprise préserve les compétences de son personnel pour préparer la reprise économique.

S'agissant des financements, une convention entre l'État et le Fonds unique de péréquation géré par les partenaires sociaux sera signée dans les jours prochains et 130 millions d'euros débloqués.

Parallèlement, l'État mobilisera 75 millions supplémentaires pour des actions de formation au profit des entreprises ou dans les secteurs les plus touchés par la crise.

Sur les modalités opérationnelles, nous travaillons en lien étroit avec les partenaires sociaux parce qu'au moment où ceux-ci viennent de conclure, à l'unanimité, un accord sur la formation, il est important que nous puissions collectivement, État, organisations syndicales et patronales, discuter et trouver des solutions innovantes.

Mme Mireille Schurch.  - Merci de cette réponse dont je ferai part aux salariés qui attendent d'occuper ce temps chômé. Nous resterons attentifs à l'application de ces dispositions innovantes.

Éoliennes

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Depuis quelques années, les paysages de la France commencent à changer du fait du développement massif des éoliennes qui, comme en Europe du nord, se multiplient un peu partout et notamment dans une zone de sites sévères et sauvages qui va de l'Auvergne au Languedoc. Ma région et, plus particulièrement, mon département de l'Aveyron n'échappent pas à cette règle, ce qui conduit à se poser des questions relatives d'abord à la santé des humains et des animaux -compromise par le bruit et les vibrations-, ensuite à la protection des paysages, enfin à l'intérêt énergétique de ces éoliennes sur des sites où d'autres formes de production non polluante ont depuis longtemps fait leur preuve. Je pense, pour l'Aveyron, à l'hydro-électricité et à son importante contribution à la production nationale, puisqu'elle correspond à peu près à la moitié de celle d'une centrale nucléaire. Qu'on le veuille ou non, une éolienne ne fonctionnant que 90 jours par an sera toujours moins efficace qu'un barrage.

J'ai bien noté que le Grenelle de l'environnement de même que le paquet « Climat-énergie » prévoient une forte augmentation de la production d'énergie renouvelable à l'horizon 2020, qui doit atteindre 20 à 23 % de la consommation totale d'énergie française, et je m'en félicite. J'ai bien noté aussi que l'éolien doit jouer un rôle important dans ce plan. Mais, d'une part, la France ne fabriquant pas d'éoliennes, il faut les acheter à l'étranger, ce qui n'est pas bon pour notre balance commerciale. D'autre part, le Conseil d'État ayant annulé le prix de rachat de l'électricité éolienne, on ne sait pas de combien, à l'avenir, sera la facture globale, ni quelle sera la charge pesant sur le contribuable avec un taux de retour sur investissement allant jusqu'à 40 %. Si bien que je reste dubitative quant à l'ambition affichée par certains de voir tourner, à l'horizon 2020, de 15 à 20 000 éoliennes en France !

Quoi qu'il en soit, avec aujourd'hui pour le seul département de l'Aveyron 98 éoliennes déjà autorisées, 169 en instruction et 350 en projet, mes compatriotes se disent que « trop, c'est trop ». D'où mes trois questions. De quelle manière les pouvoirs publics pourraient-ils encourager la création de « fermes » d'éoliennes, de préférence au mitage hélas trop répandu de nos jours ? De quelle manière est-il encore possible de classer les éoliennes en installations classées pour la protection de l'environnement ? Enfin, comment maîtriser leur implantation par un schéma départemental et régional auquel prendraient part les associations d'usagers et de défenseurs de l'environnement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Le Grenelle de l'environnement prévoit une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d'énergie renouvelable à l'horizon 2020. Cet objectif ne pourra être atteint sans un fort développement de l'éolien, qui représente entre un quart et un tiers du potentiel d'énergie renouvelable dans notre pays. Il s'agit donc de passer à environ 20 000 MW à l'horizon 2020, ce qui suppose de multiplier par dix le parc existant, c'est-à-dire d'installer environ 8 000 éoliennes.

L'énergie éolienne est une des énergies renouvelables les plus compétitives, et dont les perspectives sont très prometteuses. Elle contribue à la réduction des émissions de CO2 mais aussi à notre indépendance énergétique. Le parc éolien français devrait réduire les émissions françaises de 1,65 million de tonnes en 2008 et de 16 millions en 2020. C'est pourquoi le Gouvernement soutient son développement.

Pour autant, il souhaite respecter la qualité environnementale des énergies renouvelables. Aussi le développement des éoliennes doit-il être réalisé de manière ordonnée, en évitant le mitage du territoire, de façon à prévenir les atteintes aux paysages et à la qualité de vie des riverains. Le Gouvernement entend donc améliorer la planification territoriale de la production de cette énergie et favoriser la construction de parcs éoliens de taille plus importante qu'actuellement, dans des zones préalablement identifiées. Et, compte tenu de l'accroissement de la taille de ces parcs, il faudra aussi améliorer la concertation locale et l'encadrement réglementaire.

Ces orientations ont été confirmées par l'Assemblée nationale et le Sénat, lors du vote à la quasi-unanimité, en première lecture, du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Et les mesures d'application seront présentées dans le projet de loi d'engagement national pour l'environnement. Mais, d'ores et déjà, M. Jean-Louis Borloo a adressé une circulaire aux préfets de région afin d'entamer cette planification, en concertation étroite avec toutes les parties prenantes, selon la méthode du Grenelle de l'Environnement.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci de cette réponse, rassurante au regard de l'anarchie qui a prévalu jusqu'à présent. Je demeurerai vigilante, notamment sur le fait que ces éoliennes soient des installations classées pour la défense de l'environnement, sujet sur lequel vous n'avez pas répondu.

Je vois se développer des installations d'énergie photovoltaïque de façon tout aussi désordonnée. Il faut veiller à aménager le territoire dans la concertation.

Zones de revitalisation rurale

M. Jean-Jacques Lozach.  - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a supprimé l'exonération de charges sociales instituée par la loi de février 2005 en faveur des associations et organismes d'intérêt général ayant leur siège dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). La loi a maintenu le bénéfice de ce dispositif pour tous les contrats de travail conclus avant le 1er novembre 2007. Pour les nouvelles embauches, l'exonération est moins favorable que celle dont bénéficiaient les organismes d'intérêt général en application du dispositif spécifique. Or, ce dernier répondait à l'objectif d'inciter à la création ou au maintien d'emplois et de favoriser les activités associatives en milieu rural. Son coût n'était pas disproportionné au regard de la situation de l'économie et de l'emploi. Cette suppression d'exonération affecte les hôpitaux, les maisons de retraite, les structures d'accueil pour handicapés, les associations d'aide à domicile situés en ZRR, alors que ces organismes ou établissements devraient, au contraire, bénéficier d'un soutien accru. Des mesures correctives de compensation ou de soutien peuvent-elles être mises en place ?

De même, les zones de revitalisation rurale sont exclues du bénéfice de la prime d'aménagement du territoire (PAT) et des zonages AFR, aides à finalité régionale destinées à favoriser le développement économique de portions géographiques réduites. Par exemple, la Creuse est classée en totalité ZRR et est traversée par un mince zonage AFR, ce qui aboutit à mettre le territoire départemental en concurrence et suscite l'incompréhension, voire la colère de nombreux maires des communes les plus fragiles confrontées au cumul des handicaps. Ils ont le sentiment d'être poussés sur le bord de la route. Les ZRR exclues du bénéfice de la prime d'aménagement du territoire et non éligibles aux AFR ne doivent pas être marginalisées. Ces zones de revitalisation, qui sont par définition des territoires prioritaires d'intervention économique, ont-elles encore un sens et demeurent-elles au coeur de la politique de développement du territoire de votre Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Si vous doutiez que les zones de revitalisation rurale demeurent au coeur de notre politique, je vous rappellerai qu'un tiers des communes de France est classé en ZRR et que 5,3 millions de nos concitoyens y vivent. Au 31 décembre 2008, la totalité du département de la Creuse était classé en en ZRR.

Les mesures fiscales, qui en font de véritables zones franches - que le président Gaudin connaît bien puisqu'il en a pris l'initiative lorsqu'il était ministre de l'aménagement du territoire-, sont très importantes, même si elles sont mal connues. En matière d'impôts sur les sociétés, elles peuvent aller jusqu'à une exonération totale ou partielle pendant quatorze ans pour une entreprise qui s'installe. C'est aussi grâce aux ZRR que 8 000 entreprises ont bénéficié, en 2007, d'une exonération de taxe professionnelle compensée par l'État. L'objectif est d'attirer et de maintenir des entreprises créatrices d'emplois, mais aussi des professions libérales, des professionnels de santé en particulier, sur les territoires éligibles. La loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux a d'ailleurs renforcé le dispositif d'exonérations fiscales.

II faut aller plus loin dans l'information des bénéficiaires et la qualité de l'instruction locale des demandes par les services de l'État.

A cette fin, j'ai envoyé le 27 mai 2008 une circulaire aux préfets leur demandant « d'être particulièrement vigilants sur la publicité et la mise en oeuvre effective de ces dispositions ».

Au-delà, j'attends beaucoup de l'évaluation complète que les inspections vont mener cette année pour mettre en évidence les points à revoir, conformément à la loi du 23 février 2005.

L'exonération sociale au profit des employeurs situés en ZRR a été maintenue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Valable pour les contrats conclus avant le 1er novembre 2007, elle s'applique en 2008 et 2009. Il est sage de ne pas modifier ces dispositions avant de connaître les conclusions de l'évaluation globale.

Enfin, vous m'avez interrogé sur le zonage des aides à finalité régionale de la Creuse pour la période 2007-2013.

Comme vous le savez, la carte des AFR a été élaborée dans des conditions particulièrement épineuses, la Commission européenne ayant notamment imposé de réduire la population éligible à concurrence de 55 %.

Conscient des difficultés induites par l'étroitesse du zonage, le Gouvernement a constitué une réserve nationale pour faire face à d'éventuels sinistres économiques importants. C'est ainsi que l'inclusion de vingt nouvelles communes creusoises dans le zonage AFR a été notifiée à la Commission européenne début janvier, dans cadre du plan d'accompagnement des restructurations de la défense. Cette notification est en cours d'examen à Bruxelles.

Je tiens en outre à souligner que d'autres dispositifs soutiennent les entreprises en dehors des zonages AFR, notamment les aides de minimis, attribuées par l'État ou les collectivités locales, pour un montant dont le plafond vient d'atteindre 500 000 euros par entreprise pour les années 2008 à 2010.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Je vous remercie pour cette réponse, mais la loi de février 2005 perd de sa substance par suite de décisions n'émanant pas, il est vrai, de votre ministère.

Le zonage AFR, qui n'a pas été déterminé par la Commission européenne, n'appréhende pas de façon satisfaisante la situation des départements ruraux.

Enfin, nous attendons encore l'appel à candidatures, annoncé fin 2008, pour la création de nouveaux pôles d'excellence rurale.

Haut débit pour tous

M. Gérard Bailly.  - Je suis heureux que le ministre de l'aménagement du territoire puisse répondre à cette question majeure pour l'avenir des territoires ruraux.

Les collectivités territoriales sont sollicitées pour augmenter les débits et étendre l'accès au très haut débit, ce qui nécessitera une mutation technique des réseaux.

Afin d'éviter une nouvelle fracture numérique et pour conserver l'équilibre entre villes et campagnes, tous les acteurs publics doivent se mobiliser. Les techniques modernes de communication jouent un rôle de premier plan pour le développement et la satisfaction des besoins sociaux, y compris dans les ZRR. Nous nous réjouissons que le Gouvernement se soit fixé des objectifs ambitieux à brève échéance.

Les collectivités territoriales, qui ont le plus grand mal à résorber leurs zones blanches, éprouvent des difficultés pour offrir à leurs citoyens des services innovants pour un prix juste. Les territoires les moins denses, où les investissements sont rares et coûteux, disposent de ressources fiscales insuffisantes pour financer des programmes ambitieux de développement. Les handicaps liés à l'absence du haut et du très haut débit aggraveront encore les déséquilibres.

La stratégie France Numérique 2012 a enfin reconnu que le haut débit avait une importance comparable à celle de l'eau ou de l'électricité. Dans cet esprit, je propose qu'un mécanisme de solidarité permette aux collectivités de financer la montée des débits pour tous. Un fonds de péréquation accompagnerait ainsi les collectivités qui se mobilisent. Il serait utile pour les ruraux, mais aussi pour les citadins lorsqu'ils viennent à la campagne. Cette proposition figure dans l'avis sur le développement numérique des territoires, adopté le 11 février par le Conseil économique et social.

Pour électrifier les campagnes, la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR) avait contribué à créer, en 1936, une caisse de compensation devant apporter « une aide de la distribution urbaine prospère à la distribution rurale ». D'où la création du fonds d'amortissement des charges d'électricité (Face), qui couvrait 20 % à 30 % des travaux d'électrification rurale. Cette expérience satisfaisante pourrait être transposée au développement numérique des territoires. Dans l'immédiat, un tel fonds contribuerait au plan de relance.

Monsieur le ministre, êtes-vous favorables à cette idée ? Quand peut-on espérer l'appliquer, sachant qu'il faut intervenir très vite pour anticiper la demande inéluctable de débit accru ? C'est capital pour le devenir des territoires ruraux !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Vous avez raison : le numérique participe à la compétitivité des territoires et à la cohésion sociale.

Le Gouvernement en avait saisi le Conseil économique, social et environnemental. Celui-ci vient d'adopter l'excellent avis, présenté par M. André Marcon, plébiscitant le bénéfice du haut débit pour les particuliers et les entreprises. Le Conseil a également proposé une péréquation, c'est-à-dire une nouvelle taxe. Cette idée pourra être appliquée, à condition d'être au service de projets.

Au demeurant, elle ne sera pas nécessaire pour l'accès de tous à internet, que le Président de la République souhaite concrétiser d'ici 2012. Dans cet esprit, le plan France Numérique 2012 du Gouvernement permettra l'apparition à brève échéance d'offres internet de plus de 512 kilobits pour moins de 35 euros par mois, matériel inclus, pour tous les Français. Le seuil de débit minimum évoluera, conformément au plan, mais les offres seront bientôt labellisées par ma collègue Mme Kosciusco-Morizet.

La véritable question concerne donc la montée en débit et l'équipement généralisé en fibre optique. Comme vous le savez, il faudrait investir 40 à 50 milliards d'euros pour raccorder 90 % des foyers. Par réalisme, n'espérons pas avoir tout, tout de suite. Fort naturellement, les opérateurs commenceront par les zones les plus rentables.

La loi de modernisation de l'économie a récemment créé le cadre juridique régissant le déploiement de ces nouveaux réseaux. Instaurant un droit à la fibre optique, elle impose le pré-équipement de tous les immeubles construits à partir de 2010.

Pour préparer l'avenir et encourager les collectivités qui se mobilisent autour de projets, le Gouvernement mettra en place des instances locales de concertation. Il accompagnera la réalisation du schéma directeur du numérique, l'objectif étant que 75 % des zones d'activité d'intérêt communautaire de chaque département soient irriguées en très haut débit et que la fibre optique soit disponible d'ici 2014 dans toutes les communes de plus de 1 000 habitants. Le délégué à l'aménagement du territoire conduit jusqu'en avril une concertation en ce sens avec les opérateurs et les collectivités.

Oui à la péréquation à terme, mais les financements publics ne doivent pas précéder les projets.

M. Gérard Bailly.  - Je vous remercie pour cette réponse détaillant les mesures prévues pour éviter la fracture numérique, mais plus vite le fonds de péréquation sera institué, plus vite nous trouverons les financements.

Vous avez mentionné les communes de plus de 1 000 habitants. Il y a des PME et des PMI en zone rurale, et les agriculteurs aussi ont besoin du haut débit !

Autrefois, les conseils généraux étaient sollicités pour construire des routes ; aujourd'hui, on leur demande les voies de la modernité, car même les cultivateurs en ont besoin.

Situation de l'enseignement agricole public dans l'Aveyron

M. Alain Fauconnier.  - Comme d'autres, et sans doute plus que d'autres, le département de l'Aveyron est une terre d'excellence agricole et agro-alimentaire ; c'est aussi le premier département de France pour l'élevage de moutons. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous y rendrez dans quelques jours : vous pourrez vous rendre compte de la qualité de nos produits, comme le Roquefort, le veau de l'Aveyron et le Laguiole pour ne citer que les plus connus.

Les trois établissements d'enseignement agricole public que compte le département jouent donc un rôle central dans son économie. Il s'agit des lycées d'enseignement général et technologique agricole (Legta), de La Roque à Rodez et Beauregard à Villefranche-de-Rouergue, et du lycée d'enseignement professionnel agricole (Lepa), La Cazotte à Saint-Affrique. Ces établissements ont reçu depuis plusieurs années des aides considérables de la région Midi-Pyrénées afin de préparer l'avenir : le seul lycée de Saint-Affrique s'est vu attribuer 25 millions d'euros en quinze ans.

Or la réforme du baccalauréat professionnel et la révision générale des politiques publiques menacent gravement l'enseignement agricole. De nombreuses classes sont vouées à disparaître, ce qui compromet l'existence même des trois établissements et provoque l'émoi des enseignants, des élèves, des parents d'élèves et de tous les acteurs de la filière agricole.

La réduction de quatre à trois ans de la durée du cycle de préparation au baccalauréat professionnel aura pour conséquence d'exclure certains lycéens qui, faute de pouvoir suivre convenablement, quitteront cette filière pour entrer en apprentissage ou, pis, pour cesser toute scolarisation.

On a annoncé la fermeture de la classe préparatoire au BTS agro-alimentaire option « viande » au lycée de La Roque, qui a perdu 39 élèves à la rentrée de 2008, et de la classe de quatrième au lycée Beauregard, qui a perdu 16 élèves. Qu'adviendra-t-il des filières consacrées à l'élevage ovin et à l'agriculture biologique au lycée La Cazotte, qui compte 10 élèves de moins cette année ?

En outre, la réforme du baccalauréat professionnel entraînera une dégradation des conditions de vie des élèves et une diminution progressive des cours de 2 % en moyenne par an jusqu'en 2012.

Quels aménagements pédagogiques sont-ils prévus ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour que l'enseignement agricole continue à jouer le rôle fondamental qui est le sien dans un contexte de bouleversement des politiques agricoles nationales en prévision de l'après 2013 ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - C'est avec grand plaisir que je me rendrai jeudi prochain dans l'Aveyron, ce beau département qui a su rester authentique, et je serai à vos côtés pour examiner les atouts et les faiblesses de ce monde rural qui nous est cher.

M. Barnier, retenu à Bruxelles, vous prie de l'excuser. Il m'a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

L'enseignement agricole est un enseignement spécifique, implanté au coeur des territoires ruraux et d'une très grande qualité. Ses résultats en termes d'insertion sociale et professionnelle sont reconnus et souvent cités en exemple de ce qu'il faudrait faire pour que les jeunes réussissent mieux. Mais cette filière, qui contribue pour une part essentielle à notre politique agricole, doit évoluer. Ses missions doivent être réaffirmées : contribuer à la compétitivité économique et au développement de notre agriculture ; favoriser l'insertion culturelle, sociale et professionnelle grâce notamment aux enseignements généraux ; participer au développement du monde rural sur l'ensemble du territoire national.

La réforme de la voie professionnelle, qui doit entrer en vigueur à la rentrée 2009, vise à permettre à davantage de jeunes d'accéder au baccalauréat tout en garantissant la qualité de la formation et de bons résultats en termes d'insertion. Actuellement, seuls 60 à 65 % des jeunes qui intègrent une classe de première année préparant au brevet d'études professionnelles agricoles (Bepa) obtiennent un diplôme de niveau IV en quatre ans. Cette rénovation vise à faire de la voie professionnelle une filière d'excellence, dans laquelle le plus grand nombre pourra se révéler, et à faciliter l'accès aux études supérieures tout en permettant aux élèves en difficulté de combler leurs lacunes.

Toutefois, la maîtrise des dépenses publiques, plus que jamais nécessaire dans le contexte économique actuel, s'impose à tous les secteurs de l'administration. L'enseignement agricole doit contribuer à cet effort, notamment en termes d'emploi public. Après avoir consulté les partenaires locaux, le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche de la région Midi-Pyrénées, agissant en tant qu'autorité académique, a formulé les propositions suivantes.

Le lycée professionnel agricole de Saint-Affrique offre uniquement des formations professionnelles : il dispose de trois cycles préparant au baccalauréat professionnel « Conduite et gestion de l'exploitation agricole » (CGEA), option « systèmes à dominante élevage », et d'un cycle conduisant au brevet d'études professionnelles agricoles « activités hippiques » suivi de la filière préparatoire au baccalauréat professionnel CGEA « élevage et valorisation du cheval ». Les quatre classes de Bepa doivent être maintenues à la rentrée 2009.

Au lycée d'enseignement général et technologique agricole de Villefranche-de-Rouergue, deux classes fonctionnent avec des effectifs inférieurs au seuil requis dans la filière préparant au baccalauréat professionnel CGEA « systèmes à dominante élevage ». A la rentrée 2008, le recrutement a chuté de plus de 63 % à l'entrée de la filière, dont la viabilité est en cause. Toutefois, il est proposé de maintenir la classe à faible effectif à la rentrée 2009 mais de fermer une classe de quatrième.

Quant à la formation conduisant au brevet de technicien supérieur agricole « industries agroalimentaires » pour la spécialité « industries des viandes » du Legta de Rodez, elle sera maintenue malgré un fléchissement dans son recrutement à la rentrée scolaire 2008.

Comme vous pouvez le constater, malgré un contexte budgétaire contraint, tout est mis en oeuvre pour maintenir et conforter l'enseignement agricole qui demeure une priorité du Gouvernement.

M. Alain Fauconnier.  - Voilà de bonnes nouvelles : certaines fermetures annoncées sont reportées ou annulées.  Je suis sûr que les familles des élèves et les acteurs de la filière s'en réjouiront.

Cependant, je m'interroge toujours sur la réduction de quatre à trois ans de la durée du cycle de préparation au baccalauréat professionnel. Jusqu'à présent il était possible de faire transiter les élèves pendant deux ans en BEP avant de les réorienter vers la préparation au baccalauréat moyennant une année supplémentaire. Ce système, propre à des établissements de petite taille, n'était pas comparable avec ce qui se pratique dans l'éducation nationale. Je souhaite que vous demandiez de ma part à M. Barnier s'il n'est pas possible de maintenir des passerelles entre les deux formations et des classes d'adaptation.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Volontiers.

M. Alain Fauconnier.  - Cela me paraît être un objectif important de notre politique agricole.

Situation de l'hôpital de Juvisy

M. Bernard Vera.  - Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la santé sur la situation de l'hôpital de Juvisy, dans l'Essonne. Il est prévu d'y fermer les services de chirurgie et de maternité et de supprimer 170 postes.

Or cet hôpital joue un rôle de première importance. Dans son périmètre se trouvent deux sites classés Seveso « seuil haut », à Grigny et Athis-Mons, où sont stockées de grandes quantités d'hydrocarbures destinées à l'approvisionnement des stations-services du sud de la région parisienne et des aéronefs de l'aéroport d'Orly. Cet hôpital répond également à des besoins sociaux : 70 % des femmes de la ville de Grigny accouchent dans sa maternité. En 1998, cet établissement comptait 80 lits de chirurgie, des urgences et une maternité ; dix ans plus tard, il ne reste que 24 lits en chirurgie et les trois services sont menacés de fermeture. Pas moins de 900 accouchements et 2 000 actes chirurgicaux par an seraient donc radiés de l'offre de soins alors que les besoins des 200 000 habitants du territoire ne cessent de croître.

L'insolvabilité des patients, évoquée dans le rapport de la chambre régionale des comptes pour 2006, est de 5,2 % au lieu de 3 % en moyenne, ce qui montre la fragilité des populations concernées et la nécessité de conserver à Juvisy l'ensemble de ces services. En cas de fermeture, vers qui les habitants pourront-ils donc se tourner ? Les onze hôpitaux publics de l'Essonne sont saturés, le département manque de lits et l'hôpital le plus proche, à Longjumeau, connait lui aussi des difficultés et se trouve contraint de renvoyer des patients vers l'hôpital d'Orsay.

Comment oublier le cas de cet homme de 57 ans, décédé faute d'avoir pu trouver une place dans un établissement après des heures d'errance ? Victime de troubles respiratoires à Massy, il fut pris en charge dans la nuit du 26 au 27 décembre par une équipe du Samu de l'Essonne avant d'être conduit vers l'hôpital de Longjumeau où il fit plusieurs arrêts cardiaques, maîtrisés par un réanimateur des urgences. Mais cet hôpital ne disposant pas de lit disponible en réanimation, les régulateurs du Samu de l'Essonne cherchèrent une place dans les hôpitaux de la région pendant plusieurs heures : 24 établissements furent sollicités avant que l'hôpital Bichat ne consentît à accueillir ce patient à 5 heures du matin. Je crains, hélas !, que la politique de santé du Gouvernement ne conduise à la multiplication de tels drames.

C'est pourquoi je souhaite que vous fassiez droit à la demande d'un moratoire qui laissera aux différents partenaires le temps de la concertation, afin que la décision finale prenne en compte les besoins et les réalités sociales locales et ne repose pas sur la seule logique économique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - L'hôpital de Juvisy, qui dessert une population fragile, joue un rôle social important qu'il convient de conforter en renforçant les services d'urgences, de soins médicaux et de soins de suite. Une restructuration est à cette fin nécessaire, qui passe par la fermeture du service de chirurgie et de la maternité. Est-il plus utile, près d'un site Seveso, de disposer d'un service d'urgences performant ou d'une maternité ? Ces fermetures obéissent de surcroît à des exigences de qualité et de sécurité des soins et résultent d'un choix de la communauté médicale elle-même. L'activité du service de chirurgie, extrêmement faible, le place en effet largement en deçà des normes retenues par la profession : il n'accueillait, en 2007, que 3,3 % des patients résidant sur son territoire de santé hospitalisés plus de 48 heures. Quant à la maternité, qui assure moins de 800 accouchements, elle ne pouvait fonctionner, en l'absence de chirurgie, dans des conditions de sécurité suffisantes. Ce ne sont pas, monsieur le sénateur, 70 % des femmes de la ville de Grigny, mais seulement 19 %, puisque 80 % de la patientèle se répartit sur les centres hospitaliers proches, dont les services de chirurgie et de maternité seront parallèlement renforcés.

Cette opération améliorera, pour les habitants de Juvisy, l'accès aux soins en même temps que leur qualité, exigences auxquelles je suis fermement attachée.

Vous avez cité le cas d'un homme en détresse cardiaque pris en charge par le Samu. Les premiers éléments de l'enquête de l'Igas font apparaître qu'il a été parfaitement pris en charge par les urgences de Longjumeau et que si existaient de nombreuses possibilités d'accueil en région parisienne, le patient était difficilement transportable. Attendons, avant de juger, que toute la lumière soit faite.

M. Bernard Vera.  - Je vous remercie de votre réponse mais n'en partage ni le contenu ni le sens. Je regrette que vous n'entendiez pas donner suite à la demande de moratoire. Les problèmes de restructuration et de sécurité que vous évoquez masquent mal le manque de moyens matériels et humains, dénoncé par les professionnels de santé et les usagers. Votre décision conduira, je le crains, à une médecine à deux vitesses, écartant peu à peu les plus fragiles du système de santé. Les habitants en ont bien conscience, puisqu'ils sont déjà 10 000 à avoir signé un appel pour sauver leur hôpital. Le droit à la santé et à l'accès aux soins est inscrit dans la Constitution. Nous ne pouvons accepter qu'il soit sacrifié pour enrichir le secteur privé à but lucratif.

Situation financière du CHU de Tours

Mme Marie-France Beaufils.  - La situation financière de l'hôpital de Tours est hélas représentative de celle de notre service public de santé. Vous connaissez l'attachement des Françaises et des Français à notre hôpital public : plus de neuf Français sur dix jugent que le personnel est compétent, 89 % estimant que l'hôpital manque de moyens financiers et humains.

Alors qu'il traverse d'énormes difficultés, une étude publiée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques fait apparaître que le taux de rentabilité financière des cliniques privées à but lucratif a été de 16 % en 2005. Le résultat net du groupe Générale de santé, leader du marché français, a augmenté de plus 91 % entre 2007 et 2008 ; 420 millions ont été versés aux actionnaires. C'est sur le dos de notre sécurité sociale et des malades, alors qu'ils sont de plus en plus nombreux à ne pouvoir se soigner correctement, que ces millions d'euros sont gaspillés.

Vous avez introduit en 2004 la tarification à l'activité (T2A) qui devait, d'après ses concepteurs, apporter de l'efficience au système. Mais l'hôpital public a le devoir de soigner tous les patients, quels que soient leur pathologie, leur âge et l'heure à laquelle ils se présentent. Les coûts ne sont donc pas comparables.

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de 2007 constate que « les dépenses des établissements sous dotation globale sont inférieures de 187 millions à l'objectif, alors que celles des cliniques privées dépassent l'objectif de 168 millions d'euros ».

Le CHU de Tours rencontre de graves difficultés L'application de la T2A met à jour une situation financière qui ne fait que s'aggraver au fil des ans. Le déficit, de 3 millions en 2006, est passé à 5 millions en 2007 et devrait atteindre 9,5 millions cette année. Je vous demande, madame la ministre, de répondre au voeu du dernier conseil d'administration, en apportant au CHU une aide qui lui permette de continuer à jouer le rôle qu'il a toujours tenu, non seulement pour Tours et son agglomération mais pour l'ensemble du département et les départements voisins.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Il n'est pas inutile de resituer les choses dans leur contexte. Alors que nos dépenses hospitalières sont les plus élevées du monde, les ressources accordées à l'hôpital public sont en constante progression. En dépit des circonstances difficiles nées de la crise, elles augmenteront cette année de 3,1 %. Nous menons un plan d'investissement doté de 10 milliards jusqu'à fin 2011. Parmi les établissements publics, 54 % sont en excédent budgétaire, tandis que 7 % seulement concentrent 90 % des déficits.

Plusieurs mesures vont contribuer à améliorer la situation financière du CHU de Tours, établissement important pour l'offre de soins dans la région Centre.

Au niveau national, la réforme du financement des établissements de santé a eu sur lui un impact favorable. Il bénéficie, avec la T2A, d'une dotation supérieure à celle qui était la sienne dans le cadre de la dotation globale. La modulation que j'ai apportée à son calcul, liée à la gravité des affections et à la situation de précarité des patients, et qui est entrée en vigueur le 1er mars 2009, lui est également favorable. Il en va de même de la réforme du financement des missions d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation. Les difficultés de l'établissement ne sont donc pas dues au modèle de financement.

Un processus de reconstruction des bâtiments est en cours, qui s'achèvera en 2011. Cette politique, ambitieuse et nécessaire, a pour effet un accroissement très sensible de ses charges d'amortissement et de ses frais. Un plan de retour à l'équilibre a donc été voté par le conseil d'administration et a fait l'objet d'engagements contractuels avec l'agence régionale de l'hospitalisation. Le CHU s'est engagé dans un processus de réorganisation de ses services, en particulier des blocs opératoires, de la réanimation médicale et de la chirurgie orthopédique et des activités de pédiatrie. Il doit également être en mesure de développer son activité en cancérologie compte tenu de l'extension des capacités d'accueil du service d'oncologie médicale.

Ces efforts font l'objet d'un accompagnement financier. Au-delà des aides accordées pour le financement des investissements, une aide reconductible de 2 millions destinée au financement des charges d'amortissements a été accordée en 2008. Des aides exceptionnelles, à hauteur de 5 millions, lui ont également été attribuées sur les trois exercices 2005-2007 et 5 millions à nouveau pour le seul exercice 2008.

Vous voyez que le Gouvernement porte une grande attention à cet établissement et l'accompagne dans ses efforts de redressement et de rationalisation.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je vous remercie de votre réponse mais ne partage nullement votre point de vue sur la répartition des coûts de santé entre hôpital public et secteur privé. Les obligations de l'hôpital, requis de répondre à des traitements lourds qui accroissent ses charges financières alors que le secteur privé se réserve les actes les plus lucratifs, ne sont pas suffisamment prises en compte.

Le CHU, qui a supporté un plan de reconstruction, est aussi affecté par des charges plus importantes. Quoiqu'en pointe en certains domaines comme la cancérologie, il n'arrive pas à répondre à tous les besoins -je pense au cas douloureux de cet enfant leucémique qu'il a fallu transférer dans une autre région. Le conseil d'administration de l'hôpital a émis un voeu, c'est bien parce que les moyens ne suffisent pas. Vous avez bien apporté des crédits supplémentaires l'an dernier, mais les difficultés financières persistent.

Situation de l'élevage en Charente-Maritime

M. Michel Doublet.  - Le plan d'urgence lancé fin 2008 après la conférence sur la situation économique de l'agriculture comporte des allégements de charges ; pour aider principalement les élevages à passer le cap difficile de l'année 2009, 60 millions de crédits ont été mobilisés à cette fin sur le fonds d'allégement des charges, dont 348 846 euros pour la Charente-Maritime. La communication réalisée auprès des organisations professionnelles a conduit 410 éleveurs à déposer une demande auprès de la direction départementale de l'agriculture, qui a servi de guichet unique. Il faudrait, pour satisfaire les 360 demandes éligibles, 1 680 000 euros, soit cinq fois l'enveloppe disponible. On ne pourra traiter qu'une cinquantaine de dossiers prioritaires, ceux de jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans. Un complément permettrait d'en financer davantage mais, par circulaire du 12 décembre, le ministère de l'agriculture a déjà annoncé qu'il ne modifierait pas les dotations attribuées. Cependant, la situation extrêmement délicate des éleveurs justifierait qu'on traite un plus grand nombre de dossiers.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - M. Barnier, retenu à Bruxelles, m'a prié de l'excuser auprès de vous et je suis ravie d'avoir l'occasion de vous répondre. Permettez-moi de vous rappeler l'ampleur des moyens débloqués dès le 12 décembre avec la mutualité sociale agricole : 250 millions d'euros ! Plus de la moitié sont consacrés à des allégements de charges avec, pour le second semestre, un remboursement de la TIPP et de la TICGN auquel tous les agriculteurs ont accès, ainsi que 90 millions d'allégements de charges sociales et financières, priorité étant donnée aux départements d'élevage en raison de la forte dégradation des revenus dans ce secteur depuis deux ans. Des comités départementaux ont défini les critères d'attribution.

Vous demandez une enveloppe complémentaire. Cependant, les allégements de charges sont fongibles à l'intérieur des départements et la réponse aux difficultés de trésorerie d'une exploitation agricole peut passer par des allégements de charges financières ou sociales. En outre, 50 millions ont été dégagés en faveur des éleveurs ovins.

Votre département n'a pas consommé la totalité des crédits disponibles : le reliquat atteint 35 000 euros sur les crédits d'action sanitaire et sociale et 15 000 euros sur ceux du plan d'urgence. Aucune demande d'enveloppe supplémentaire du Fonds d'allégement des charges n'émane de Charente-Maritime.

Il resterait néanmoins des dossiers répondant aux critères du comité départemental. Le ministre de l'agriculture est conscient des difficultés auxquelles les agriculteurs sont confrontés et il est prêt à revoir la situation de votre département en hiérarchisant les dossiers et à condition que l'on vérifie au préalable la possibilité de mobiliser les aides sociales qui bénéficieront en 2010 d'une réorientation de la politique agricole commune.

M. Michel Doublet.  - Je vous remercie de ces précisions. J'ai noté la possibilité d'une rallonge et je vais prendre contact avec les organisations professionnelles et la direction départementale de l'agriculture afin de formuler rapidement des propositions.

Prison de Versailles

Mme Catherine Tasca.  - J'ai visité, le 8 décembre, la maison d'arrêt de Versailles qui accueille pour moitié des détenues et pour moitié des hommes en aménagement de peine au titre de la semi-liberté. M'y étant déjà rendue il y a quelques années, j'ai pu mesurer le grand délabrement d'un établissement privé des travaux de rénovation et d'entretien les plus élémentaires. Construit en 1750, il n'a pas bénéficié de travaux substantiels depuis 1985. Le fonctionnement quotidien n'est rendu possible que par la grande conscience professionnelle du personnel confronté à un manque d'effectifs. Même l'encadrement supérieur est très réduit, ce qui n'est pas sans conséquence sur la sécurité des gardiens et des détenus, sur les parcours d'exécution des peines et sur la prise en charge des détenus dont beaucoup demandent un suivi difficile à assurer en l'état.

Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement : veut-il abandonner cet établissement, auquel cas il n'est pas admissible d'y laisser des détenus ? Ou bien le rénover, et alors il y a urgence ? Avec 146 places, il s'agit d'une petite structure, un type d'établissement bien préférable aux usines pénitentiaires de 500 à 600 places car on y répond mieux à la mission première de ces établissements, la réinsertion.

Un récent rapport du contrôleur général des prisons dénonçait des parcours d'exécution des peines sans contenu et des promenades livrées à la violence des détenus. Il rejoignait en cela le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Les rapports alarmants s'accumulent ; il faut en tirer les conclusions et les traduire en actes. Les suicides de détenus, qui sont la manifestation la plus douloureuse de l'état de nos prisons, vous imposent d'agir. Au-delà de ce cas, sur lequel j'attends des réponses précises, quelles mesures comptez-vous prendre pour que les prisons cessent d'être des lieux de privation de dignité ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - L'établissement de Versailles a été construit en 1750. Situé en centre-ville, il a été rénové en 1981 afin d'aménager une maison d'arrêts pour femme de 87 places et un centre de semi-liberté de 79 places. Elle fait l'objet de travaux d'entretien réguliers. (Mme Catherine Tasca marque son étonnement) Les locaux de consultation et de soins ambulatoires ont fait l'objet de 36 000 euros de travaux, la mise aux normes des cellules disciplinaires a représenté 37 000 euros et le cloisonnement des sanitaires 23 000 euros.

Le plan de relance du Gouvernement a accéléré les travaux. Le collectif prévoit 30 millions d'euros à cette fin. Le diagnostic technique du bâtiment recevra 25 000 euros ; 2 000 euros seront affectés au câblage informatique de la salle ANPE et 18 000 euros à la sécurité incendie.

Si ces travaux amélioreront les conditions de vie des détenus et les conditions de travail des personnels, ils ne modifieront pas la structure de l'établissement. Or les locaux communs y sont de petite taille, les ateliers n'y permettent pas de développer des activités de formation, les parloirs sont peu adaptés à l'accueil des visiteurs et, surtout, l'établissement est organisé en dortoirs. Comme nous l'avons annoncé durant le débat sur le projet de loi pénitentiaire, l'objectif est de fermer tous les établissements comptant des dortoirs, qui figurent parmi les plus vétustes. Nous sommes actuellement en train de déterminer les projets de construction prioritaires pour 2009. Une décision sera prise au plus tard à la fin du deuxième semestre 2009.

Mme Catherine Tasca.  - Qu'une enveloppe soit dégagée dans le collectif budgétaire pour l'entretien de ces établissements extrêmement vétustes me donne quelque espoir. En revanche, madame le garde des sceaux, vous semblez mal informée par vos services sur les travaux réalisés ces dernières années à la prison de Versailles : l'entretien minimum n'y a pas été assuré si bien que les blocs de la façade menacent de s'abattre dans la cour...

En outre, je veux insister sur deux aspects essentiels s'agissant d'une prison de femmes. Tout d'abord, le local dédié à l'accueil des familles est indigne : une surface d'à peine 6 à 8 m², un mobilier lamentable et aucun moyen mis à disposition pour que puisse s'établir ce lien si fondamental mère-enfant. Si vous le visitiez, madame le garde des sceaux, vous en auriez le coeur serré... Puissions-nous remédier à cette situation rapidement grâce aux crédits nouvellement dégagés !

Ensuite, la prison de Versailles souffre d'un manque récurrent de personnels, partiellement compensé par le fait que deux personnes de Bois-d'Arcy renforcent actuellement l'équipe, ainsi que d'un taux de rotation trop élevé des personnels qui rend quasiment impossible une politique de suivi des détenues. Au nom de celles-ci, je vous ai d'ailleurs récemment écrit pour vous demander le maintien d'une personne qui a fait progresser sensiblement la qualité des relations entre surveillants et détenues. Madame le garde des sceaux, si vous alliez à Versailles, vous ne seriez pas fière de l'état de nos prisons !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Madame la présidente, avant de donner une réponse aux parlementaires, je m'assure toujours que les éléments communiqués par mes services sont exacts. Je vous certifie que les travaux ont été réalisés et que les crédits que je viens d'évoquer ont été consommés. La difficulté, s'agissant d'établissements aussi vétustes que la prison de Versailles, c'est que ces travaux permettent seulement de remettre aux normes en l'absence de programmes de réhabilitation depuis 1996. Sans vouloir polémiquer, permettez-moi de rappeler que 4 % des places ont été fermées entre 1997 et 2002 et qu'aucune n'a été créée. Ne vous en déplaise, pour une prison digne, il faut en passer par la construction de nouveaux établissements.

J'en viens aux personnels. Les règles de la fonction publique ne nous permettent pas d'empêcher les demandes de mutation et d'offrir un traitement préférentiel à certaines catégories. Quant au cas particulier que vous avez soulevé et sur lequel je viens de vous répondre, rien n'empêche cette surveillante de soumettre une demande de maintien qui sera étudiée par la commission administrative paritaire.

Traitement inégal des fonctionnaires des impôts

Mme Odette Terrade.  - L'application du décret n°2006-1827, dit « décret Jacob », a entraîné une inégalité de traitement entre les fonctionnaires des impôts du cadre B promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007 et ceux promus après cette date. A toutes les démarches entreprises par une trentaine de parlementaires depuis deux ans, il a été opposé le principe de non-rétroactivité des textes juridiques. Sauf que les agents concernés, parfaitement conscients de ce principe, demandent seulement l'adoption de mesures statutaires transitoires. Le Médiateur de la République, autorité indépendante dont la compétence est incontestable, reconnaît le bien-fondé de cette démarche dans la Revue du Médiateur de février 2009 pour éviter des inégalités en matière de mutation et d'avancement, de rémunération et de pension vieillesse. Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez-vous-même admis, dans des réponses écrites adressées aux parlementaires, la réalité du désavantage subi par les agents promus avant le 1er janvier 2007. Que comptez-vous faire pour corriger cette situation ? La délégation des agents des impôts présente en tribune attend avec impatience votre réponse !

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Après avoir excusé l'absence de M. Woerth, ministre de la fonction publique, je veux rappeler que le décret du 23 décembre 2006 a permis de faire gagner aux agents promus sur liste d'aptitude au grade d'inspecteur une cinquantaine de points d'indice, contre 25 auparavant. J'assume cette volonté réelle de valoriser les agents les plus méritants, d'autant que le Conseil d'État, dans une décision du 10 décembre 2004, a jugé qu'une mesure s'appliquant aux agents recrutés à compter de son entrée en vigueur n'est pas contraire au principe d'égalité des fonctionnaires d'un même corps.

De surcroît, l'administration des impôts a pris, en concertation avec les représentants des personnels, des dispositions pour lisser les effets du décret en faveur des agents promus avant le 1er janvier 2007. En ce qui concerne les mutations, un suivi a été mis en place pour s'assurer qu'un agent issu d'une promotion antérieure ne serait pas devancé par un agent promu après le 1er janvier 2007, ce dont ont bénéficié quatre agents en 2008. S'agissant de l'avancement, le statut prévoit un nombre d'années de services effectifs en catégorie A pour accéder au grade supérieur, ce qui neutralise les effets du décret. Enfin, les agents promus avant le 1er janvier 2007 ont été autorisés à se porter candidats, même s'ils n'ont pas atteint l'échelon requis ; 54 d'entre eux en ont profité en 2008.

Ainsi, madame le sénateur, nous valorisons les mérites individuels tout en veillant à traiter avec équité les agents promus avant le 1er janvier 2007.

Mme Odette Terrade.  - Monsieur le ministre, je prends acte de cette réponse qui ne satisfera en rien les agents. Plutôt que de vous en tenir aux mesures prises, ne vaudrait-il pas mieux traiter ce dossier dans son entier ? Cela serait d'autant plus facile qu'il ne concerne que 500 fonctionnaires.

Sans revenir sur le principe de non-rétroactivité, il me semble que le règlement de cette question est conditionné par la révision générale des politiques publiques (RGPP) et par des enjeux budgétaires. Pourtant, étant donné le faible nombre de fonctionnaires concerné, le coût du rétablissement des grades serait inférieur à celui de certains reclassements que vous avez décidé de financer.

Le médiateur, que j'ai saisi personnellement de plusieurs dossiers, m'a lui aussi renvoyé à la jurisprudence constante du Conseil d'État. Toutefois, ce dernier a indiqué que l'exercice du pouvoir réglementaire implique la possibilité de revenir à tout moment sur les normes que celui-ci définit et qu'il lui revient d'édicter des mesures transitoires. Le règlement de cette question dépend donc de la seule volonté politique, d'autant que ce type de décision ne serait pas sans précédent.

Dans une entreprise privée, on aurait tranché selon le principe « à travail égal, salaire égal ». Il serait d'une meilleure administration de suivre les recommandations du médiateur plutôt que de laisser grandir le ressentiment des agents. J'espère que le dossier ne traînera pas encore deux ans !

Fonctionnement d'une agence postale communale

M. Claude Domeizel.  - Certaines communes, confrontées au désengagement de La Poste et aux menaces de fermeture de leur bureau, acceptent de signer une convention visant à créer une agence postale communale. Soit elles confient cette mission à un personnel recruté spécifiquement, soit elles font appel au personnel titulaire.

Quelle est l'attitude à tenir en cas refus du personnel d'exercer ces tâches ? L'agence postale est-elle considérée comme un service public communal pour lequel le personnel en place est tenu d'assurer les missions qui lui sont confiées ? Dans ce cas, il me semble que l'avis préalable du comité technique paritaire est nécessaire puisqu'il s'agit de nouvelles compétences prises en charge par la commune. S'il s'agit, au contraire, d'un service public dépassant la compétence communale, ces missions ne peuvent être confiées qu'à du personnel en place sur la base du volontariat ou à du personnel recruté à cet effet.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - A question importante, réponse détaillée.

La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom prévoit que La Poste contribue « à l'aménagement et au développement du territoire en complément de ses obligations de service universel ». Elle dispose ainsi de près de 17 000 points de contact avec le public.

Les agences postales communales concourent à l'exercice de cette mission. Leur création fait l'objet de conventions entre La Poste et les communes, à partir d'un protocole d'accord signé le 28 avril 2005 entre cet établissement public et l'association des maires de France. Les communes ou communautés de communes souhaitant s'engager dans un tel partenariat disposent donc d'un cadre précis ainsi que d'un financement, parfois prévu pour neuf ans. Toutefois, elles restent libres de créer ces agences : il ne s'agit pas d'un service public communal.

La convention-type prévoit que les communes fournissent le local et qu'un ou plusieurs agents communaux assurent les prestations postales et les services financiers de dépannage. La Poste verse en contrepartie une indemnité compensatrice. Ces conventions sont prévues par l'article 29-1 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 et par l'article 30 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration du 12 avril 2000, qui permettent notamment à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale de mettre ses personnels à la disposition d'une agence postale.

La loi relative à la fonction publique territoriale du 19 février 2007 a complété l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 par les dispositions suivantes : « Les conditions dans lesquelles les agents titulaires ou non titulaires de la fonction publique territoriale exercent tout ou partie de leurs fonctions dans le cadre de ce partenariat sont définies par une convention passée entre La Poste et la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale dont relève l'agent. Cette convention précise notamment la nature des activités que l'agent est appelé à exercer. »

La mise à disposition des fonctionnaires est prévue par la loi relative à la fonction publique territoriale du 26 janvier 1984. Son article 61 définit la mise à disposition comme « la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d'emploi ou corps d'origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir [...]. Le fonctionnaire peut être mis à disposition auprès d'un ou de plusieurs organismes pour y effectuer tout ou partie de son service ». Cette affectation « ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil ». Un fonctionnaire territorial ne peut donc être mis à disposition d'un organisme extérieur sans avoir donné expressément son accord. Pour un agent non titulaire, la signature d'un contrat mentionnant explicitement l'exercice des missions de gestion de l'agence postale communale vaut approbation.

S'agissant de la consultation des instances de dialogue social, le comité technique paritaire n'a pas vocation à traiter de questions individuelles. En revanche, l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 précise qu'il doit être consulté sur les questions relatives à l'organisation et aux conditions générales de fonctionnement des administrations concernées. Il doit donc être avisé du projet de convention entre la commune et La Poste. L'article 30 de la même loi précise que la commission administrative paritaire connaît des questions d'ordre individuel résultant de la mise à disposition des fonctionnaires territoriaux. Elle doit donc bien être consultée avant la prise de l'arrêté individuel de mise à disposition.

M. Claude Domeizel.  - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette réponse très complète, qui sera utile aux collectivités. J'ai bien noté que l'on ne peut imposer à un fonctionnaire territorial une tâche pour laquelle il n'a pas été recruté spécialement.

Personnels des maisons départementales des personnes handicapées

M. Yves Daudigny.  - Le 11 février dernier, nous avons salué avec une grande inquiétude la quatrième année d'existence des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Vous avez vous-même reconnu à cette occasion, madame la ministre, qu'il « restait des attentes et de vraies marges de progrès possibles, notamment dans le fonctionnement » de ces établissements.

Cette loi fondatrice, qui a porté les espérances des personnes handicapées et de leurs familles, a déçu. Les MDPH ont fédéré la volonté de tous les acteurs, et particulièrement celle des conseils généraux, mais tous tirent maintenant la sonnette d'alarme. Leurs représentants, réunis récemment par la commission des affaires sociales et familiales de l'Assemblée des départements de France (ADF), ont décrit des situations préoccupantes. Non seulement elles manquent de moyens pour répondre aux demandes, mais elles sont chargées de nouveaux domaines de compétences.

Le problème, essentiellement financier, provient de la non-compensation par l'État des postes qu'il ne met pas à disposition, en dépit des engagements pris lors de la constitution du groupement d'intérêt public. Certains départements se sont engagés dans une procédure contentieuse contre l'État. En outre, la question du statut des personnels et des MDPH elles-mêmes n'est toujours pas tranchée. Tous les rapports relèvent la lenteur des mises à disposition volontaires d'agents relevant anciennement des Cotorep et des CDES : la perte de compétences et de savoir-faire, de la mémoire des dossiers et des procédures est en jeu. La coexistence de statuts différents -jusqu'à six !- handicape la gestion quotidienne des maisons départementales.

Les nombreux changements de directeurs depuis 2005 témoignent de ces difficultés. Et les postes mis à disposition sont pour la plupart de catégorie C, alors que des qualifications spécifiques sont désormais requises. Enfin, de nouvelles missions sont régulièrement confiées aux MDPH. Je pense à la prime de compensation du handicap (PCH) pour les enfants, à la PCH en établissement, au financement du transport des enfants et des adultes... Ces dossiers réclament une expertise technique que les MDPH, les services départementaux et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) assument. Mais il s'y s'ajoute, depuis le 1er janvier dernier, les dossiers de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). De nouvelles coordinations sont indispensables avec le service public de l'emploi et les services spécialisés de « Cap emploi ».

Non encore stabilisées, fragilisées par le manque de moyens, les MDPH se trouvent ainsi confrontées à un champ d'activité très spécifique. A trop charger la barque, on risque de la couler ! Les MDPH peuvent pourtant être le vecteur d'une autre culture du handicap fondée sur une prise en charge individualisée. L'État honorera-t-il ses engagements financiers ? A-t-il l'intention d'ouvrir le dossier du statut institutionnel des MDPH ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Vous avez raison : trois ans après leur création, les maisons départementales connaissent des difficultés de fonctionnement dont le Gouvernement est bien conscient. Elles sont en partie liées aux difficultés de constitution et de gestion des équipes, notamment aux conditions de la mise à disposition de personnel par l'État. Mais ne dites pas que ce dernier ne s'est pas investi dans ce dispositif ! Au-delà du millier d'agents mis à disposition par l'ensemble des ministères, 245 millions d'euros ont été consacrés par l'État et la CNSA au fonctionnement des maisons, élément central de la réforme de 2005. L'État respectera les engagements pris dans les conventions constitutives. Des solutions sont en discussion et nous espérons aboutir dans les toutes prochaines semaines. Mais les MDPH ne fonctionneront pas correctement sans un investissement des conseils généraux. Or la situation, de ce point de vue, est très inégale.

Concernant les compétences nouvelles, nous étudions comment mieux accompagner les équipes. Depuis 2005, 150 décrets d'application ont été publiés pour mettre en oeuvre une ambitieuse loi. Quant au statut des MDPH et des agents, l'évolution se fera en concertation avec les conseils généraux, qui sont en droit de demander plus de souplesse dans la gestion.

Mais quelle que soit la solution retenue, l'État continuera de jouer son rôle de garant de l'équité territoriale et préservera l'innovation que constitue la participation des associations de personnes handicapées à la gouvernance des MDPH. Une mission conjointe Igas et IGF a remis ses conclusions, elles seront la base de nos propositions.

La politique en faveur des personnes handicapées exige une mobilisation déterminée de l'État ou des collectivités locales. Les handicapés sont en effet en droit d'attendre un service de qualité de la part de ces maisons qui sont les leurs et qui les aident dans leurs projets de vie. C'est une révolution par rapport aux anciennes Cotorep. Depuis 2005, 5 milliards d'euros supplémentaires ont été débloqués et nous entendons aller plus loin et améliorer les outils de gestion. Nous irons jusqu'au bout de notre démarche.

M. Yves Daudigny.  - Je me réjouis de penser que la solution est proche. Du reste, je n'ai pas mis en cause l'engagement financier de l'État. Je veux vous assurer ici de la volonté et de l'engagement des conseils généraux pour mieux accueillir les familles, traiter plus rapidement les dossiers et surtout développer cette nouvelle culture issue de la loi de 2005. L'enjeu en est le progrès de la solidarité, car il existe un droit à compensation de la perte d'autonomie. Mais nous avons quelque inquiétude sur le plan financier, car tout nouveau transfert de financement de la PCH sur les départements serait insupportable pour ces derniers.

Surcharge de travail dans les caisses d'allocations familiales

M. Jean Boyer.  - Les caisses d'allocations familiales connaissent une surcharge de travail liée au déséquilibre entre les missions et les moyens. Il s'y ajoute en 2009 le décalage dans le calendrier de renouvellement des droits, les mesures nouvelles et les exigences accrues en matière de maîtrise des risques. En Haute-Loire, la situation se dégrade depuis novembre dernier : 35 000 déclarations complémentaires sont parvenues à la caisse dans le cadre de la campagne de renouvellement des droits. Malgré les mesures prises, il faut aujourd'hui un mois pour traiter un dossier, contre quinze jours auparavant. Et le nombre de contacts a augmenté de 85 %. Une attention particulière est bien sûr apportée aux bénéficiaires de minima sociaux. Les autres sont donc pénalisés par le retard accumulé. La situation est la même dans de nombreux autres départements.

Je sais qu'il y a le vouloir et le pouvoir. Mais le RSA va être mis en place. Il en résultera encore une fois un surcroît de travail. Et les caisses réduisent leur aide aux collectivités pour les crèches et les haltes-garderies. Quelles mesures envisagez-vous ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Depuis novembre 2008, effectivement, des tensions sont apparues sur la charge d'activité, essentiellement liées à la politique de maîtrise des risques, avec la mise en place du répertoire national des bénéficiaires ou encore la concentration en fin d'année de la campagne de ressources. Or la mise en oeuvre de ces nouvelles réformes a coïncidé avec les congés de fin d'année. La Cnaf étudie donc comment mieux répartir la charge de travail, au profit des caisses les plus en difficulté ; elle s'efforce de généraliser les pratiques des CAF qui se sont organisées plus efficacement.

Le Gouvernement partage votre souci que l'entrée en vigueur du RSA, en juin prochain, se déroule correctement. Les CAF qui seront désormais chargées, avec les caisses de mutualité sociale agricole, de l'affiliation des nouveaux allocataires, de l'instruction des droits, du versement des prestations et de l'information et l'orientation des usagers ont besoin de moyens adéquats. C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité affecter 1 621 emplois dans les CAF à la gestion du RSA, dont 614 pourvus par redéploiements internes et 1 007 par des recrutements en 2009. Ces charges de personnel, ainsi que les coûts informatiques, s'imputeront sur les 100 millions d'euros réservés à cet usage au sein du Fonds national des solidarités actives. Si un écart entre les charges induites par la réforme et les moyens alloués apparaissait, l'État s'assurerait que la branche famille dispose des ressources nécessaires pour faire face à l'ensemble de ses charges.

Des rendez-vous devront être prévus fin 2009 et fin 2010 pour faire le point sur la réalité des charges supportées par les caisses et mesurer leur conformité aux prévisions.

Fortes de ces nouveaux moyens, nos caisses d'allocation rempliront mieux leur mission et sauront relever le défi de la généralisation du RSA. S'agissant de la petite enfance, Mme Morano et M. Hortefeux ont rappelé la volonté du Gouvernement d'accroître de 200 000 le nombre de places d'accueil sur le quinquennat. Les collectivités locales continueront donc de bénéficier d'un accompagnement ambitieux au service des familles françaises, de l'égalité professionnelle et sa bonne articulation avec la vie familiale.

M. Jean Boyer.  - On sent à votre réponse, madame la ministre, que vous êtes une élue sociale, qui connaît les problèmes de la France d'en bas et sait répondre avec son coeur. La volonté, nous en avons conscience, est là, et c'est essentiel. Même si nous nous sentons parfois désarmés, dans nos permanences, pour proposer des solutions, l'important reste que les personnes puissent être écoutées.

Violences au sein du couple

M. Roland Courteau.  - Avec le soutien du groupe socialiste et de Mme Michèle André, j'avais pris l'initiative, en novembre 2004, de déposer une proposition de loi visant à lutter contre les violences au sein du couple et à l'encontre des mineurs. Modifiée par le Parlement, elle est devenue la loi du 4 avril 2006, qui introduit de nombreuses dispositions touchant à la prévention, à l'éloignement des auteurs de violences et à leur prise en charge sanitaire et sociale, modifie l'article 212 du code civil pour introduire la notion de respect, fixe l'âge du mariage à 18 ans, pose le principe de l'aggravation de la peine et de l'extension des circonstances aggravantes aux anciens conjoints et introduit plusieurs mesures pour lutter contre les mariages forcés.

L'article 13 de cette loi, qui résulte d'un mien amendement, prévoyait qu'un rapport du Gouvernement serait déposé sous deux ans sur le bureau des assemblées faisant le point sur les politiques publiques en cette matière -conditions d'accueil et de réinsertion des victimes, modalités de prise en charge sociale et psychologique des auteurs de violences. J'ai, en novembre 2008, interrogé le ministre du travail sur les raisons du retard de ce rapport, qui aurait dû être déposé depuis le 4 avril 2008 ; on m'avait alors répondu qu'il le serait d'ici à la fin de l'année 2008. J'attache de l'importance à ce rapport, qui doit permettre de faire le point sur les violences conjugales, dont il n'est pas inutile de rappeler qu'elles augmentent plus vite que l'ensemble des violences contre les personnes. Depuis l'adoption de la loi, des progrès ont certes été enregistrés, ainsi que le relèvent les associations. Ainsi, les victimes déclarent plus volontiers les faits. (Mme la ministre le confirme) Avant les campagnes de sensibilisation que vous avez eu, madame la ministre, la responsabilité de mettre en oeuvre, un grand nombre d'entre elles renonçait en effet à déposer plainte. De telles campagnes méritent d'être renforcées, encore et encore. Je me réjouis, à ce propos, du courrier du Premier ministre, auquel je suppose que vous n'êtes pas étrangère, m'annonçant qu'il a décidé de leur attribuer le label « intérêt général » pour 2009, lequel ouvre la voie à la reconnaissance de cette question comme grande campagne nationale pour 2010.

Reste que le Parlement doit être régulièrement informé sur le bilan des politiques menées contre ce fléau trop longtemps sous-estimé et ramené au rang de simple querelle de ménage. Nous ne relâcherons pas notre vigilance.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Je puis vous rassurer, ce rapport a été transmis depuis peu. J'aurai l'occasion de revenir devant vous sur ses conclusions le 19 mars prochain, à l'occasion d'une question orale avec débat.

Ce rapport est important : il constitue un tournant dans un domaine où il est difficile de mesurer l'efficacité de l'action publique. Il nous a paru nécessaire, au risque d'un dépôt retardé, d'y intégrer des mesures attendues récemment mises en oeuvre.

D'abord, le Gouvernement souhaitait disposer du rapport d'évaluation du premier plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes, que j'avais demandé aux inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l'administration, lesquelles se sont adjoint le concours de la police nationale. Il a été rendu à l'automne. En outre, il paraissait essentiel de pouvoir inclure certaines mesures phares du plan de lutte contre les violences faites aux femmes mises en oeuvre à la fin de l'année 2008 et au début 2009 -mise en place des référents départementaux, recrutement des familles d'accueil. Enfin, vous savez combien la question difficile du cadre juridique reconnaissant les violences psychologiques est importante. Nous faisons sur cette question des progrès importants. Il nous a également paru indispensable d'intégrer au bilan de ces deux ans une avancée aussi attendue.

Comme vous le savez, nous avons accompagné la constitution d'un collectif d'associations qui ont, comme le suggérait le Premier ministre François Fillon dans son discours du 25 novembre dernier à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, sollicité le label « campagne d'intérêt général 2009 ». Ce label a été attribué le 7 mars dernier et nous nous réjouissons d'une initiative qui témoigne, s'il en était besoin, de l'engagement du Gouvernement sur ces questions essentielles.

C'est donc à partir d'un document que nous avons voulu le plus complet possible que nous réévoquerons ce sujet le 19 mars. Sur la question de l'information, le Gouvernement est plus que jamais mobilisé. Il faut entrer dans chaque foyer pour briser la loi du silence. Nous poursuivrons donc les campagnes, tant particulières -sur les violences coutumières, les mariages forcés, l'excision- que plus générales. Des spots télévisuels sont prévus. Nous réfléchissons d'ores et déjà aux campagnes 2010. Il s'agit de travailler sur un projet global, avec l'ensemble des ministères et des associations, pour une mobilisation au quotidien. Car je suis consciente qu'il faut chaque jour remettre l'ouvrage sur le métier et c'est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous remercie de votre investissement.

M. Roland Courteau.  - Je vous remercie de cette réponse circonstanciée et vous donne rendez-vous au 19 mars.

Dépôt de rapports

M. le président.  - Votre souhait, monsieur Courteau, est exaucé. J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 13 de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur l'application de la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat et de la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports. Ils seront transmis respectivement à la commission des lois et à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.

Semaine de contrôle

M. le président.  - Nous entamons notre première semaine réservée par priorité au contrôle, dans le cadre des nouvelles dispositions de l'article 48, entrées en vigueur le 1er mars dernier, selon lesquelles « une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques ».

Ainsi que l'a proposé la Conférence des Présidents, nous avons commencé ce matin par une séance de questions orales, comme c'est habituellement le cas un mardi sur deux. Mais, pour cet après-midi et les deux jours à venir, nous n'aurons pas moins de cinq débats donnant suite aux travaux de nos missions, commissions ou délégations, ainsi qu'à des demandes de groupes politiques : débat sur l'avenir de la presse, débat préalable au Conseil européen, débat sur l'évolution des collectivités territoriales, questions orales avec débat sur les universités puis sur les violences faites aux femmes, sans oublier, cet après-midi, la lecture de la déclaration du Gouvernement et, jeudi, après les questions d'actualité, la communication du Médiateur de la République sur son rapport annuel.

C'est donc un ordre du jour exclusivement réservé au contrôle qui nous attend pour cette semaine, et je donne acte à l'ensemble des acteurs de la prouesse que constitue l'application intégrale dès la première semaine du nouveau dispositif constitutionnel -je ne fais aucune comparaison... (Sourires) Je remercie le Gouvernement d'avoir pu assurer la disponibilité des ministres compétents.

M. Ivan Renar.  - Nous allons en baver !

M. le président.  - L'expérience nous dira le profit que nous pourrons tirer de ces semaines de contrôle, et je forme le voeu que leur élaboration, dans le cadre de notre Conférence des Présidents, soit aussi collective que possible.

En attendant, place au débat sur la presse.

Débat sur l'avenir de la presse

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Trop longtemps, les pouvoirs publics ne se sont préoccupés que de la survie de la presse. Dans un pays où la pluralité des opinions conditionne la vitalité du débat démocratique, c'est insuffisant. Colmater des brèches, procéder à des ajustements partiels, tout cela relève plus de l'attentisme que d'une véritable réponse aux difficultés structurelles de la presse écrite.

Tous les acteurs du secteur ont leur part de responsabilité dans cette crise durable de la presse. Malgré des aides publiques qui représentaient, en 2008, 13 % du chiffre d'affaires de la presse payante, les pouvoirs publics sont devant un cruel constat d'échec dont ils ne sauraient se dédouaner. C'est pourquoi l'État assume pleinement sa part de responsabilité, ce dont je suis le premier à me réjouir.

En tant que garant du pluralisme démocratique et au regard du soutien financier qu'il consent à ce secteur, l'État a raison d'intervenir dans la refondation du modèle économique de la presse. En réunissant des états généraux de la presse écrite, le Président de la République a ouvert la voie et donné à tout le secteur de la presse du grain à moudre. Les difficultés structurelles ont été abordées dans leur globalité, pour établir un diagnostic partagé et élaborer une stratégie commune. Une dynamique s'est déclenchée, comme en témoigne l'ouverture de négociations sur la définition d'un nouveau contrat social dans les imprimeries. Il nous appartient de l'entretenir.

Notre commission s'est de longue date mobilisée en faveur d'une presse indépendante et dynamique, comme l'illustre le rapport d'information établi par notre ancien collègue de Broissia. Ce débat sera l'occasion d'en réexaminer les propositions à la lumière des conclusions des états généraux.

Le système d'aides publiques, censé garantir le pluralisme de la presse, ne remplit plus ses objectifs. Il représente une gestion dans l'urgence qui multiplie les efforts dispersés sans jamais pouvoir associer la profession à une vision de long terme, ce qui donne l'inconfortable impression d'une presse maintenue sous perfusion. Une presse survivante qui se raccroche désespérément à des aides aussi insuffisantes qu'inadaptées, c'est tout sauf une presse indépendante !

Je me réjouis donc que le Président de la République ait annoncé que les mesures d'urgence et le plan d'aide à la presse, d'un montant de 600 millions sur trois ans, seront subordonnés à un engagement ferme du secteur à mettre en oeuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux. L'État honorera ses promesses dès le prochain collectif budgétaire, à hauteur de 150,75 millions, afin de garantir à la presse un environnement financier suffisamment solide pour développer des stratégies de long terme.

Pour faire écho aux recommandations de notre groupe de travail, je souhaite vous interroger sur la manière dont le Gouvernement compte évaluer l'efficacité des dispositifs d'aide aux entreprises de presse. Devant le risque de saupoudrage, il est impératif de mesurer l'effet de levier exercé par ces aides.

Le développement du portage étant souvent présenté comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution, il faut se féliciter que l'État fasse passer l'aide au portage de 8 à 70 millions cette année. Il faudra étudier les modalités d'octroi de l'aide au portage, comme nous y invitait le rapport de Broissia. Dans les zones peu denses, il y a peu de chances que le portage des seuls quotidiens d'information politique et générale constitue la panacée. Le portage ne permet de réaliser des économies substantielles qu'à condition de banaliser l'exemplaire distribué : pourquoi pas un portage multititres, associant tous les quotidiens ainsi que les magazines ?

Il est également indispensable de mettre le réseau de vente de la presse quotidienne régionale à la disposition de la presse quotidienne nationale. Cette mutualisation des réseaux est-elle en bonne voie ?

Je salue l'empirisme qui a présidé au déroulement des états généraux. Pour la distribution, l'idée est de poursuivre sur six mois des expérimentations, comme ce fut le cas pour le plafonnement des invendus ou l'assouplissement des règles d'assortiment, sans toucher pour autant aux équilibres subtils de la loi Bichet. C'est ce que recommandait le rapport d'information de notre groupe de travail en 2007 avec les périodes transitoires.

Notre commission a consacré une table ronde au métier de journaliste afin de recueillir les avis de personnalités compétentes sur la meilleure façon de mettre en avant la valeur ajoutée d'une information professionnelle de qualité et certifiée comme telle.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Affirmer les droits et les devoirs propres aux journalistes, c'est renforcer le crédit de la profession. L'annexion d'un code de déontologie à la convention collective des journalistes constitue donc une première réponse à la désaffection du lectorat. Toutefois, l'adossement des normes déontologiques aux seules conventions collectives supposerait de faire de la juridiction prud'homale l'instance compétente en la matière, ce que certains jugent insuffisant. Quelle sera la portée juridique de ce futur code de déontologie et quelles autorités compétentes en sanctionneront le respect ?

Je souhaite que les parlementaires puissent suivre de près les travaux du comité de sages chargé de le rédiger. Comme pour la protection du secret des sources, il revient à la représentation nationale de protéger les garanties fondamentales qui s'attachent au métier de journaliste et à la liberté de l'information.

La modernisation de la presse passe par l'univers numérique, ce qui pose la question des droits d'auteur. Journalistes et éditeurs se sont accordés sur le principe d'un droit lié à un temps d'exploitation et non plus à la publication sur un support déterminé.

La commission souscrit à la volonté du Gouvernement de donner force juridique aux conclusions du « Blanc » élaboré sur le sujet en 2007. Mon prédécesseur M. Valade et M. de Broissia s'étaient déjà penchés sur la question en déposant un amendement au projet de loi sur la modernisation de l'économie ; cette initiative avait alors été jugée prématurée faute de concertation. La profession est désormais mûre ; la commission souhaite que soit garanti dans les plus brefs délais, le cas échéant dans la loi « Création sur internet », le principe de la neutralité du support d'exploitation. Les professionnels discuteront ensuite des questions relevant de la négociation collective. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions sur le rôle et la composition de la commission de conciliation qui doit arbitrer les différends non résolus par la négociation collective en matière de droits d'auteur ?

Je m'inquiète en outre de l'ambiguïté du droit en vigueur en matière de publicité sur l'alcool. Un article évoquant de façon informationnelle la production viticole court aujourd'hui le risque d'être sanctionné pour publicité indirecte. Ne faut-il pas distinguer plus clairement l'information et les insertions publicitaires, afin de mieux concilier le combat contre l'abus d'alcool et la liberté d'expression des journalistes ?

Il importe enfin d'aider la presse écrite payante à s'adapter aux nouveaux modes de lecture. Le renforcement de l'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, portée à 20 millions d'euros dans le prochain collectif, lui permettra d'aborder dans les meilleures conditions le virage d'internet. Je me félicite que le Gouvernement ait décidé d'encourager l'investissement privé dans le développement de la presse numérique ; la création d'un statut de l'éditeur de presse en ligne permettra en particulier de distinguer la presse en ligne des autres sites de communication et de certifier la qualité de l'information produite en ligne par des professionnels.

Combattre la désaffection du lectorat suppose également de conquérir les jeunes. La participation de l'État à la mesure permettant à tout jeune de bénéficier d'un abonnement gratuit à un quotidien de son choix à ses 18 ans va dans le bon sens ; l'expérience montre que les titres sont généralement conduits à se rapprocher de leurs jeunes lecteurs. Ne faudrait-il pas cependant privilégier l'abonnement gratuit à un seul numéro par semaine, sauf à risquer de lasser les jeunes lecteurs ? La mesure se limitera-t-elle aux seuls quotidiens d'information politique et générale ? Pourquoi ne pas étendre l'abonnement gratuit à d'autres publications plus à même d'intéresser les jeunes ?

Je me permets enfin de vous interroger sur l'avenir de l'Agence France-Presse, fleuron français du journalisme professionnel et indépendant auquel notre commission et le Parlement sont très attachés.

Les états généraux ont montré que les professionnels étaient prêts ; la commission leur fait confiance pour s'engager dans la voie de la modernisation. La presse écrite a un avenir : comme le rappelait Marcel Gauchet, l'expertise du journaliste est plus que nécessaire pour guider le citoyen dans le dédale d'une information démultipliée par la révolution numérique. L'analyse rigoureuse de l'information, seule capable de susciter un débat démocratique de qualité, ne sera jamais gratuite. Elle est un bien d'intérêt général que nous devons défendre. Il n'y plus de temps à perdre. La progression de 2,3 % en 2008 de l'audience de la presse quotidienne témoigne d'un intérêt croissant pour la lecture de la presse. Il est donc de notre devoir de refuser toute fatalité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de la mission média (presse).  - La presse écrite doit se rénover profondément à tous les niveaux, de la rédaction à la diffusion. Après les états généraux convoqués par le Président de la République, l'enjeu, pour les acteurs du secteur, est désormais de s'affranchir de cette pesante tutelle pour réfléchir ensemble à des solutions communes.

Aux termes de l'article 34 révisé de la Constitution, il revient désormais au législateur de fixer les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Le régime des aides publiques à la presse doit répondre à ces objectifs. Mais la France se caractérise encore aujourd'hui par une hyper-concentration de ses médias, particulièrement en province où les quotidiens survivants sont en situation de monopole dans les trois quarts des départements. Ce symptôme de l'extrême fragilité financière de nos entreprises de presse est inquiétant : notre système d'aides publiques ne garantit plus le pluralisme de la presse. Avec des organes de presse soupçonnés d'être inféodés au pouvoir politique ou à des groupes industriels, la confiance que le citoyen prête à une information de plus en plus uniformisée est altérée. La défiance est le danger économique le plus préoccupant pour la presse écrite. Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point sur l'état des négociations bilatérales avec la Suisse tendant à supprimer l'interdiction faite à un investisseur non communautaire de détenir plus de 20 % du capital d'une entreprise de presse ?

Améliorer l'information du public sur l'actionnariat des entreprises de presse va dans le bon sens, de même que l'idée d'un recours accru au mécénat pour consolider leur assise financière. Un fonds adossé à la Caisse des dépôts pourrait collecter les dons de particuliers, lesquels dons ouvriraient droit à des réductions d'impôts à hauteur de 66 %. Ce mécanisme devrait encourager l'investissement dans les entreprises de presse, y compris en ligne. Comment cependant les dons seront-ils fléchés vers les entreprises de presse ? Leur distribution sera-t-elle contrôlée par une autorité indépendante chargée de veiller à la transparence et à l'équité ?

Devant l'effondrement attendu du marché publicitaire en 2009, après le mauvais exercice 2008, deux mesures d'urgence recommandées par les états généraux ont été reprises dans le prochain collectif : la compensation, à hauteur de 25,4 millions d'euros, du manque à gagner pour La Poste du report d'un an de la mise en oeuvre des accords sur l'augmentation des tarifs postaux ; et la mise en place d'une aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse pour 27,6 millions d'euros. Il est cependant probable que la presse ne pourra pas, dans un an, supporter la revalorisation des tarifs postaux décidée en juillet 2008 ; les tarifs de distribution de la presse par La Poste devront être renégociés avant la levée du moratoire.

Ces aides d'urgence complètent des mesures de soutien à des réformes d'ordre structurel. Une partie importante de l'effort devrait porter sur la modernisation de notre système de distribution ; si ses coûts se situent dans la moyenne européenne, la distribution de la presse n'est pas aussi efficace que ce qu'on pourrait espérer. L'État s'est engagé à investir dans trois grands chantiers. Le Chef de l'État a dit vouloir replacer le diffuseur au centre du circuit de distribution, afin d'en faire « un métier de vendeur » et non pas de « manutentionnaire des invendus », ce qui passe notamment par une revalorisation de sa rémunération. Si le collectif prévoit d'autre part un renforcement de l'aide à la modernisation de la diffusion et à l'informatisation du réseau des diffuseurs de presse à hauteur de 11,3 millions d'euros, je m'interroge : s'agit-il d'une aide à la formation continue, aux techniques du merchandising, aux investissements informatiques ? Ses effets seront-ils évalués ? Au-delà d'une aide dont le montant paraît encore insuffisant, il faut organiser le sursaut de la profession dans la durée, ce qui passe, à mon sens, par un rééquilibrage du rapport de forces entre messageries, dépositaires et marchands de journaux.

Une mission a d'autre part été mise en place pour réfléchir aux obstacles à la création de nouveaux points de vente. La réponse est encore trop timorée, il faudrait privilégier la lutte contre la disparition des magasins de presse en centre-ville -350 ont fermé ces deux dernières années. L'ouverture de kiosques est une solution, mais les procédures sont aujourd'hui si lourdes qu'on peut s'interroger sur la volonté réelle du Gouvernement de faire avancer les choses. Comment l'État compte-t-il concrètement accélérer le développement des magasins de presse de proximité ?

La réforme du système de distribution doit prendre en compte la situation actuelle, préjudiciable aux distributeurs indépendants et aux marchands de journaux. Elle doit se mettre en place dans le cadre de la loi Bichet et des équilibres voulus par le législateur d'alors, respecter les principes fondamentaux, la liberté de diffusion et l'égalité de traitement de tous les titres. A quelle date le président de l'autorité de la concurrence remettra-t-il ses conclusions sur le sujet ?

Autre chantier capital, la réhabilitation du métier de journaliste. La déontologie est une préoccupation très ancienne des journalistes, qui n'ont pas attendu les états généraux pour demander la reconnaissance juridique de leur statut. Les états généraux ont décidé l'annexion d'un code de déontologie à la convention collective ; s'il faut saluer ce pas en avant, des incertitudes juridiques demeurent. Il faut aller plus loin, notamment au niveau législatif. Je me félicite de la validation par le Conseil constitutionnel du fondement législatif donné, dans la loi « Audiovisuel », à une disposition garantissant à « tout journaliste d'une société nationale de programme (...) le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d'émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle ». Des normes déontologiques analogues pourraient être consacrées par le législateur au profit des journalistes de presse ; il est des garanties fondamentales relatives à l'exercice de la profession de journaliste qui doivent relever de la loi. Les états généraux comme le Président de la République ont d'autre part écarté l'idée, portée par les assises du journalisme le 20 janvier dernier, d'une reconnaissance juridique des rédactions.

Le Président de la République estime qu'on pourrait décourager d'éventuels investisseurs en donnant l'impression de vouloir déterminer la ligne éditoriale en maintenant à l'écart les éditeurs et les actionnaires. Donner une identité aux équipes rédactionnelles constituerait au contraire un rempart contre les rachats par des groupes extérieurs à la presse, ce qui serait particulièrement utile dans le climat de suspicion croissante qui pèse sur les relations entre le politique, les grands groupes industriels et les titres de presse. Les rédactions pourraient être consultées sur l'évolution de la structure du capital afin de préserver leur indépendance et d'éviter la valse incessante des responsables.

A l'heure où chacun peut s'imaginer journaliste sur internet, à l'heure où les sites de communication en ligne tendent à banaliser l'information, il faut redéfinir le métier et certifier la production professionnelle sur le web. La scandaleuse interpellation subie par M. de Filippis montre qu'il faut clarifier la responsabilité d'un éditeur de presse poursuivi pour ce qu'un lecteur écrit sur le site internet de la publication. Nous attendons encore la « procédure pénale plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes » réclamée à cette occasion par l'Élysée.

Quand le statut d'éditeurs de presse en ligne verra-t-il le jour ? Quel sera son régime de responsabilité ?

Comme il me paraît indispensable d'associer les parlementaires au suivi des états généraux, je souhaite entendre le Gouvernement confirmer que nous serons régulièrement consultés par le comité de suivi dont la création a été annoncée le 23 janvier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Lagauche.  - Quel crédit accorder à des états généraux de la presse où la représentation journalistique est réduite à la portion congrue et où l'on retrouve des patrons de presse à la tête des quatre groupes de travail ? Les lecteurs et les associations de journalistes ont été totalement absents.

Rien de surprenant à ce que le Président de la République satisfasse les revendications des patrons de la presse écrite, après avoir satisfait celles de l'audiovisuel privé.

Et les journalistes dans tout cela ?

Ce sont eux qui font l'information, c'est leur métier qui est mis en question par la révolution numérique. Or, la seule mesure qui les concerne directement remplace le droit d'auteur lié à la publication par un droit lié à la durée d'exploitation : ils se verront imposer gratuitement la polyvalence et la mise en commun des pages. C'est une cession de droits, alors que droit patrimonial et droit moral sont indissociables.

Le simulacre de discussion a courageusement ignoré l'uniformisation de la presse et sa mise sous tutelle par la rentabilité économique. Après le leurre de la commission Copé pour l'audiovisuel, les états généraux servent à légitimer les revendications récurrentes des patrons de presse.

Le constat est unanime : la publicité se détourne de l'information. La crise technique et économique est également culturelle et sociologique, avec les nouveaux usages de la lecture et de l'information, surtout par les jeunes. En se concentrant sur les coûts de fabrication et sur la distribution, les états généraux de la presse sont passés à côté du problème de fond, mais pouvait-il en aller autrement ?

Une tendance lourde se profile : l'information de masse, rapidement faite par des précaires. On voit ainsi les dépêches en continu triompher sur le net. A l'opposé, le succès éclatant des blogs est celui de la subjectivité personnelle. On trouve ainsi des positions très affirmées, face à des organes de presse en perte de repères idéologiques. Les blogs permettent de relayer des informations négligées par les médias traditionnels et de confronter les points de vue. Il est vrai que la frontière entre blogs et organes de presse est floue, puisque les journaux sont toujours plus nombreux à intégrer des blogs sur leur site.

Internet a donc fait exploser nos modèles traditionnels d'intermédiation, mais l'information peut-elle exister sans journalistes ? Est-ce encore de l'information ou seulement de la communication ? Si le journalisme évolue vers l'agrégation de contenu, la démocratie sera menacée.

Cette transformation conduit à envisager le statut de l'intermédiation. En contrepoint, viennent la qualité, la légitimité ou la défiance envers les produits élaborés par la société civile. Pour certains, internet permet l'expression de toute communauté qui ne se sent pas représentée. Il y aurait là une revanche sur le pouvoir économique de classes moyennes en voie de déclassement et de professions intellectuelles en voie de marginalisation. Cette interprétation est accréditée par le radicalisme de la blogosphère contre l'establishment.

Il faut également aborder la collecte de l'information, jusqu'à présent structurée autour des grands organes de presse. Tous les médias ferment peu à peu les bureaux entretenus à l'étranger, les correspondants sont rapatriés. Et la crise économique risque de conduire de grands quotidiens reconnus internationalement à mettre la clé sous la porte.

Malgré la diffusion d'internet à l'échelle planétaire, tous les pays ne sont pas encore couverts. La presse écrite est bien plus répandue ! Nous sommes ainsi confrontés aux risques de réduire la couverture des événements.

Dans ce contexte, nous sommes très inquiets pour l'avenir de l'AFP, seule agence de presse francophone. Là encore, le désengagement de l'État se profile à l'horizon. L'appel des enseignants-chercheurs à soutenir l'AFP n'est pas anodin. J'acquiesce à leur vision d'un « même combat fondamental pour l'indépendance de ceux que l'on appelle aujourd'hui les travailleurs du savoir et de l'information. La garantie de l'indépendance des universitaires constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la république. Une loi de 1957 garantit l'indépendance de l'AFP ». Soulignant que l'AFP doit rechercher partout les éléments d'une information complète et objective, les enseignants-chercheurs s'associent au combat « contre le renoncement à l'ambition au profit de réussite gestionnaire immédiate, contre le renoncement à la création et à la diversité au profit de la standardisation et de la banalisation par le marché, contre le renoncement à l'indépendance au profit de la privatisation du financement ». Nous sommes toujours dans la même ligne avec le mépris du Président de la République pour l'indépendance des chercheurs, des magistrats et des journalistes !

Un des enjeux de l'ère numérique porte sur la construction d'une économie de l'information qui ne soit pas inféodée à l'industrie des télécoms, ni réduite à une production individuelle -donc précaire- de l'information. A ce titre, la mainmise de Google sur l'information et la publicité diffusées sur internet n'aurait pas été tolérée dans l'économie traditionnelle. Quelque 85 % des sessions utilisent le moteur de recherche Google, qui capte 90 % de la publicité contextuelle.

Internet permettra-t-il de financer une industrie de la presse, alors que prédomine aujourd'hui le modèle publicitaire fondé sur le seul audimat ? Le revenu publicitaire fourni chaque année par un visiteur mensuel unique varie de 1 à 3 euros sur internet, contre 20 à 60 euros pour la presse écrite.

La coexistence de modèles gratuits et payants montre que nous sommes en pleine période de tâtonnements, certains plaidant pour la fusion des rédactions sur papier et web, d'autres défendant la solution inverse. Dans ce nouveau contexte, il faut envisager la constitution d'un pôle public de l'information sur le net, autour de l'AFP, de France Télévisions, de Radio France, de l'Ina, d'Arte, des chaînes parlementaires et de l'audiovisuel extérieur.

L'information est de plus en plus mobile, pensons à l'actualité par l'envoi de SMS.

Pour le papier, même la presse gratuite n'a pas trouvé un nouveau modèle économique, puisque les budgets publicitaires sont les premiers touchés en période de crise.

Un autre sujet essentiel guère abordé pendant les états généraux concerne la moindre crédibilité de la presse écrite, pour partie parce qu'elle appartient à de grands groupes industriels contrôlant le pouvoir économique et en connivence étroite avec le pouvoir politique. Le club présidentiel du Fouquet's en est une fameuse illustration. Lorsqu'il a racheté L'express et Le Figaro, M. Serge Dassault a déclaré qu'un journal permettait « de faire passer un certain nombre d'idées saines ». Dans un autre registre, il faudrait ajouter les fausses affaires médiatiques, comme l'agression du RER D ou le bagagiste d'Orly. Et que dire du traitement médiatique de l'affaire d'Outreau ?

Nos concitoyens prennent toujours plus de distance avec le journalisme de complaisance. Le simulacre de la récente émission télévisée du Président de la République participe de ce mouvement.

Dans cette perspective, on peut s'interroger sur le salut que les pouvoirs publics pourraient apporter. Le fait que le Président de la République ait déterminé l'issue des propositions des états généraux atteste l'allégeance des médias au pouvoir présidentiel, alors que la révolution de la presse doit venir des journalistes. Ainsi, après avoir annoncé que les dépenses de communication institutionnelle seraient doublées, Nicolas Sarkozy a ironisé en ajoutant : « j'espère que personne n'y verra d'atteinte à son indépendance ». Bien sûr, un média peut librement critiquer un annonceur, sans que cela porte à conséquence !

Les états généraux ont émis des propositions précises pour le numérique, mais pas pour la presse papier, ce qui risque de retarder encore sa réinvention.

Toutefois, le pire a été évité puisque Nicolas Sarkozy n'a pas joué au jeu de chamboule tout !

Une seule demande des syndicats de journalistes a été retenue : l'inclusion d'un code de déontologie dans leur convention collective. Mais rien pour les pigistes, ni pour l'indépendance des équipes rédactionnelles, à l'heure où les journaux appartiennent à des groupes industriels qui vivent de la commande publique, donc d'un pouvoir politique ne concevant l'information qu'au service de sa communication. Pourtant, l'indépendance rédactionnelle pourrait rétablir la confiance du public.

Au final, le discours du Président de la République a illustré l'écart entre l'enjeu -sauver la presse écrite- et un catalogue de petites mesures. Le pire a été évité mais nous serons vigilants quant à la traduction législative des états généraux. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur certains bancs au centre)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La presse écrite traverse depuis plusieurs années une crise structurelle, qu'aggrave encore la crise économique mondiale. Tous les titres de la presse d'information politique sont pris en tenaille entre la baisse continue des recettes et des coûts de production élevés. Leurs difficultés proviennent notamment du développement de l'information sur internet et de l'essor des journaux gratuits.

Lors des récents états généraux de la presse écrite, les participants ont souligné que ce secteur connaissait la pire crise de son histoire et formulé 90 propositions pour y remédier. Le 23 janvier dernier, le Président de la République a annoncé des mesures de soutien. L'aide de l'État représentera une somme de 200 millions par an pendant trois ans, répartie entre le soutien aux marchands de journaux et au portage à domicile et l'abonnement gratuit de chaque jeune Français à un quotidien de son choix l'année de ses 18 ans. Un statut d'éditeur de presse en ligne sera créé et l'aide de l'État au développement des journaux sur internet augmentée. Le régime des droits d'auteur des journalistes sera modifié pour s'adapter à l'ère numérique, ce qui me semble indispensable tant pour les journalistes que pour les photographes. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été déposé à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi « Création et internet ». Enfin, il est prévu d'expérimenter pendant six mois, sans toucher à la loi Bichet, des formes alternatives de distribution, par exemple la distribution des quotidiens nationaux par le réseau de la presse régionale ou celle par les éditeurs eux-mêmes de leurs titres dans des enseignes spécialisées.

Les sénateurs centristes sont attachés à l'existence d'une presse écrite indépendante et de bonne qualité pour la construction de l'opinion publique et d'une culture partagée ; c'est pour cette raison qu'elle doit être pluraliste et indépendante, vivre de ses propres moyens et reposer sur des rédactions puissantes ; c'est aussi pour cela qu'il faut se préoccuper de l'écart croissant entre ceux qui lisent régulièrement la presse et ceux qui la lisent peu.

Les causes de cette crise ont été identifiées depuis longtemps : investissements trop faibles, offre éditoriale inadaptée, baisse de la diffusion, vieillissement du lectorat, diminution du nombre des points de vente, déclin des recettes publicitaires, fuite des petites annonces sur internet, média global, interactif et gratuit et, par voie de conséquence, pertes d'exploitation. Le rapport de M. de Broissia constatait l'érosion du lectorat de la presse écrite payante : notre pays ne se classe qu'au 31e rang mondial et au 12e rang européen pour la diffusion des quotidiens, avec moins de 160 exemplaires diffusés pour 1 000 habitants.

La situation morose de la presse quotidienne payante contraste avec la bonne santé de la presse gratuite. Il n'y a donc pas diminution de la demande d'information mais crise d'un modèle.

Pour en sortir, il est indispensable de rationaliser les coûts de production à tous les niveaux de la chaîne de production. Outre la réduction des coûts d'impression, les plus élevés d'Europe, il faut prendre en compte les besoins nouveaux de formation, pour permettre notamment au personnel de fabrication de s'adapter au nouvel environnement numérique.

Il faut aussi développer de nouveaux modes de diffusion. La presse gratuite, grâce au portage, est très facilement accessible à ses lecteurs, contrairement à la presse quotidienne payante. Les initiatives lancées dans le cadre du plan Défi 2010 doivent être encouragées. M. Sarkozy a affirmé sa volonté de « mettre le diffuseur au centre de tout », en améliorant ses conditions de travail, en développant l'assortiment et en plafonnant les invendus, mais aussi en développant le réseau sous toutes ses formes. Ces propositions répondent en grande partie au problème de l'accessibilité. Mais comme M. le rapporteur le soulignait dans son rapport budgétaire pour 2009, il faut également réfléchir à la revalorisation du métier de porteur, qui pourrait être transformé en service à la personne. Le système actuel d'aide au portage, insuffisamment incitatif, doit être rénové afin de pérenniser les réseaux de portage multititres dans lesquels d'autres acteurs du secteur, comme la presse magazine, pourraient être intégrés.

En outre, un renouvellement de l'offre éditoriale s'impose. Face à la concurrence d'internet et des chaînes d'information en continu, les quotidiens doivent se montrer plus réactifs et mettre en évidence leur valeur ajoutée, qui consiste à ne pas se contenter d'une information brute mais à proposer une analyse critique des faits.

Cette réflexion sur les contenus, l'éthique du métier, le traitement de l'information, le fonctionnement et les pratiques des rédactions est indispensable pour restaurer le lien de confiance entre la presse et ses lecteurs. Cela passe par le renforcement de la formation initiale et continue : une quasi-unanimité s'est dégagée lors des états généraux pour demander la mise en place d'une formation minimale obligatoire aux spécificités de la profession, notamment dans les domaines du droit et de l'éthique, au cours des deux premières années d'exercice. Cette mesure doit être mise en oeuvre aussi rapidement que possible.

Il faut également investir les nouveaux supports, en particulier internet, car il n'y a d'avenir que dans le « bimédia ». Le passage à l'ère numérique n'implique pas que la presse écrite se conforme aux codes de lecture en vigueur sur la toile mais qu'elle diffuse sur internet sa propre identité : afin de se distinguer des autres sites à caractère informatif comme les blogs, elle doit certifier ses informations et permettre aux lecteurs de faire la différence entre une information professionnelle de qualité et le reste.

Enfin, il est indispensable d'initier les jeunes à la lecture de la presse écrite. Je salue l'initiative qui consiste à abonner chaque jeune Français à un quotidien de son choix l'année de ses 18 ans, même si, comme l'a souligné M. Legendre, les modalités d'application de cette mesure doivent être précisées. Il faudrait également garantir le libre accès aux quotidiens dans les collèges, favoriser l'installation de points de vente dans les lycées et encourager les enseignants à former leurs élèves à la lecture des médias. Le citoyen, et en particulier le jeune citoyen, doit être remis au centre de notre réflexion sur la presse car, selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, « la liberté de la presse n'est pas un privilège des journalistes mais un droit des citoyens ». (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Ivan Renar.  - Depuis plusieurs années la presse écrite se porte mal, en particulier la presse quotidienne d'information et la presse dite d'opinion -comme si toute la presse n'était pas d'opinion ! Ce phénomène concerne tous les pays occidentaux, y compris les États-Unis où l'on a assisté ces dernières semaines à des faillites en cascade. La crise économique et financière mondiale ne fait qu'aggraver cette situation et nombre de titres sont aujourd'hui en danger de mort. Les journaux en ligne ne sont pas épargnés. Il serait paradoxal que la « révolution informationnelle », comme on dit, aboutisse à la « mal-info », à un recul du pluralisme et, partant, de la démocratie !

La presse écrite remplit une fonction civique essentielle : elle demeure indispensable à la vie et à l'échange des idées. A l'heure où se répandent l'intégrisme et l'obscurantisme, une intervention publique résolue s'impose pour défendre le pluralisme, d'autant qu'il s'agit d'un secteur économique important.

Les problèmes structurels qui entravent le développement de la presse écrite sont bien connus : vieillissement du lectorat, baisse des ventes, augmentation des coûts de production et du prix du papier, insuffisance du nombre des points de vente, migration des ressources publicitaires vers internet, faiblesse du portage à domicile, perte de confiance des lecteurs, effondrement du marché des petites annonces, concurrence des journaux gratuits, disparition de nombreux titres locaux et modification des modes de vie. A cela s'ajoutent des difficultés conjoncturelles liées à la crise, et ce n'est pas jouer les Cassandre que de prévoir la mort de nombreuses entreprises de presse si nous ne faisons rien.

Le Livre vert publié lors des états généraux souligne la nécessité d'une mesure exceptionnelle d'urgence en faveur de la presse écrite d'information générale. Car avant de songer à renforcer le réseau de distribution ou à aider les journaux à se développer, il faut garantir leur survie. Aller au chevet d'une presse qui souffre ne suffit pas : un traitement de choc s'impose. C'est une question de vie ou de mort pour de nombreux titres : demain, il sera trop tard. En 1993, dans une situation moins alarmante, le Gouvernement avait déjà consenti une aide en faveur de la presse nationale et locale d'information politique et générale afin de compenser les effets de la récession économique. Le Gouvernement est accouru à la rescousse des banques et de certains secteurs économiques en danger : il se doit à présent d'apporter un secours financier à la presse écrite.

Le Président de la République a annoncé quelques mesures qui vont dans le bon sens : le moratoire sur l'augmentation des tarifs postaux, l'amélioration de la rémunération des marchands de journaux, la création d'un statut d'éditeur en ligne, le développement des points de vente et du portage à domicile afin que le journal aille au lecteur et non l'inverse. Il faudrait également défiscaliser les dons. Mais ces mesures n'ont de sens que si l'on sauve d'abord les journaux. Une aide financière immédiate et exceptionnelle est indispensable pour permettre à certains titres de traverser la tourmente. Les citoyens, attachés à l'existence d'une presse pluraliste, à l'abri des aléas du marché et de la rentabilité, ont volé au secours de Politis, de La Croix et de L'Humanité hier, de Témoignage chrétien aujourd'hui, et manifesté leur solidarité à Libération. Dans une société en panne de repères, plus l'info low cost se développe sous couvert de modernité -excusez l'anglicisme-, plus nous avons besoin de la rigueur d'analyse, de la distance critique, de la pertinence et de l'impertinence de la presse d'opinion. Celle-ci ne peut être considérée uniquement comme une activité marchande, soumise au caprice d'actionnaires qui n'ont pour seul credo que la rentabilité financière. D'ailleurs cette activité de moins en moins profitable ne les attire plus guère, ce qui n'est pas seulement un mal puisque l'actionnariat alimente les soupçons d'intervention sur les contenus et entretient la méfiance des citoyens.

Différentes formules sont expérimentées sur internet où la gratuité est perçue comme une norme, ce qui complique l'émergence de modèles économiques viables. Les sites des journaux nationaux en ligne attirent de plus en plus d'internautes et le lectorat global est nettement plus important qu'il y a quelques années. Mais ce succès d'audience ne se traduit pas en succès financier car la publicité ne suffit pas. Les supports papier et électronique sont complémentaires, et l'avenir passe par les deux à la fois. Les recettes publicitaires qui constituaient un apport déterminant à l'équilibre financier des journaux n'en finissent pas de s'écrouler ; aucun site d'information ne parvient à en vivre.

Cela ne devrait pas s'améliorer : Google News, site d'information sans journaliste qui puise dans des centaines d'autres sites, s'ouvre aux annonceurs sans partager ses gains avec les journaux. Quand les moteurs de recherche vampirisent le marché publicitaire, il y a abus de position dominante.

Si les remèdes sont incertains, il est temps de repenser le modèle économique de la presse en méditant les analyses de Jürgen Habermas. Face à un flux ininterrompu d'immédiateté, on a besoin d'une information de qualité. Dans La fin de la presse, le patron de L'Expansion propose d'imaginer un service public de l'information indépendant des pouvoirs publics -c'est L'Expansion et je suis d'accord... (Sourires) Aux États-Unis, Michael Schmidt suggère dans le New York Times de s'inspirer du financement des universités, avec des fondations : les Américains réfléchissent à un journalisme du non-profit.

La meilleure arme de la presse, c'est la qualité, qui suppose de recourir à de nombreux professionnels. Le métier de journaliste est en effet de plus en plus nécessaire. Or les plans qui se succèdent aboutissent à moins de journalistes, partant, à la fuite des lecteurs. Si un service public est la meilleure solution pour assurer le pluralisme sous la protection du Parlement, il est incompréhensible de privatiser l'AFP. Le Gouvernement veut ouvrir son capital et remettre en cause un statut qui fait son succès. Avec sa dimension planétaire, l'Agence est au service du droit de savoir des citoyens. Il est indispensable de conforter son troisième rang mondial en sauvegardant son statut.

La représentation nationale a le devoir éthique de soutenir la presse écrite et le financement public constitue une réponse à une situation dramatique. Il est important de redonner le plaisir de lire le papier qui noircit les doigts et qui éclaire l'esprit. Comment perpétuer les rites de la lecture gourmande ? L'abonnement d'une année au dix-huitième anniversaire est une excellente mesure mais, pour donner le goût du pluralisme, ne faut-il pas faire découvrir aux jeunes une large palette et expérimenter les différentes offres sur les lieux de vente ? Ne peut-on s'inspirer de la semaine de la presse à l'école organisée par l'Éducation nationale avec les professionnels ? Les journaux sont des réserves de matière première pour l'enseignement du français, de l'histoire, de l'économie...

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - C'est vrai !

M. Ivan Renar.  - Ils offrent la meilleure pédagogie de la citoyenneté. Il conviendrait de renforcer le nombre et la fonction des documentalistes, tout en développant l'esprit critique des élèves.

Les défis de la presse sont l'affaire de tous parce que chaque journal qui disparaît, c'est un morceau de démocratie qui meurt. La liberté de la presse n'est pas un privilège des journalistes mais est un droit du citoyen, pour citer la Déclaration universelle des droits de l'homme. Comment comprendre son époque sans le miroir que nous tendent les journaux ? Ne laissons pas la démocratie s'appauvrir mais valorisons l'intelligence au service de l'émancipation humaine. La véritable ambition est de remettre le citoyen au coeur de l'enjeu démocratique que représente la presse. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

Mme Colette Mélot.  - Je me réjouis que nous ouvrions cette semaine d'évaluation et de contrôle des politiques publiques par ce débat sur l'avenir de la presse. Le sujet est important tant sur le plan démocratique, car nous avons besoin d'une information complète, indépendante et pluraliste, que sur le plan économique, puisque ce secteur connaît une situation difficile. Notre commission des affaires culturelles a engagé la réflexion depuis longtemps et les nombreuses auditions de son groupe de travail ont abouti au rapport de M. de Broissia, « Chronique d'une mort annoncée », qui fait référence.

Bien que la presse totalise 35 % de la publicité globale en France, les annonceurs se tournent vers internet et l'audiovisuel, tandis que la presse payante est concurrencée par internet et par les gratuits. Quel peut être son avenir ? La crise actuelle est mondiale mais la France l'aborde avec des retards : manque d'adaptation du réseau de distribution ; disparition de nombreux points de vente ; coûts de production et de distribution parmi les plus élevés. Leur diffusion situe les quotidiens français au 58rang mondial et au 20rang européen : elle atteint 8 millions d'exemplaires contre 16 millions au Royaume-Uni et 24 millions en Allemagne ! Il faut relativiser la progression des ventes en 2008 que Le Monde révélait hier, car elles ont reculé de 15 % depuis le début de l'année.

La presse française est la plus chère en Europe. Des dispositifs vieillissants se traduisent par une augmentation des prix de vente plus rapide que la hausse des prix, d'où une désaffection du lectorat populaire et des jeunes, les lecteurs de demain. Les invendus encombrent les points de vente et, selon le Livre vert, on ne peut plus transporter des journaux faisant de 40 à 90 % d'invendus. Nos quotidiens abordent la crise actuelle avec des handicaps qu'on connaissait depuis longtemps.

Les états généraux ont permis une consultation exemplaire. Le plan annoncé par le Président de la République comporte des mesures d'urgence.

Le Gouvernement a su cibler ses priorités. Le plan s'attaque aux racines du mal, ainsi pour les coûts de distribution, en augmentant les aides au portage de 8 à 70 millions et en supprimant les charges sociales pour tous les porteurs au niveau du Smic, mais aussi en développant les points de vente ou en revalorisant le métier de diffuseur.

« Si la presse ne prend pas le virage d'internet, elle n'aura pas de réponse à offrir aux générations du numérique », a prévenu le Président de la République, d'où le statut d'éditeur en ligne et l'adaptation du régime des droits d'auteur. Mais quelles actions allez-vous entreprendre pour la recherche-développement et de quels moyens la culture dispose-t-elle pour une plate-forme nationale sur la recherche médias ?

Il faut encourager les jeunes à lire des journaux. Ils les lisent peu mais estiment que la presse est le média le plus utile pour comprendre le monde. Nous espérons qu'avec l'abonnement offert au dix-huitième anniversaire, la presse retiendra l'attention des jeunes. Envisagez-vous d'autres mesures ?

L'État débloque une aide importante : 200 millions l'an sur trois ans. L'essentiel, toutefois, dépendra de la presse elle-même et de sa capacité à renouveler son offre éditoriale en l'adaptant aux besoins de ses lecteurs. Le chemin est encore long, mais l'élan est donné. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 20.

Rappels au Règlement

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Mon rappel au Règlement concerne l'événement somme toute assez étonnant qui va se dérouler dans quelques instants au Parlement. Tandis que l'Assemblée nationale est invitée à se prononcer sur une déclaration de politique générale, seule façon qu'a trouvée ce gouvernement de rallier une majorité autour de la réintégration de notre patrie dans le commandement intégré de l'Otan, le Sénat devra se contenter d'écouter la lecture de la déclaration avant de vaquer à des occupations autres que celles qui nous ont été confiées puisque nous exprimons la volonté du Souverain tout autant que les députés. Pourtant, le Gouvernement aurait pu recourir aux dispositions de l'article 49-4 de la Constitution, qui l'autorisent à demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale, ou encore au dispositif de l'article 50-1 de la Constitution révisée, entrée en vigueur le 1er mars dernier, qui prévoit que le Gouvernement peut faire une déclaration suivie d'un débat et, éventuellement, d'un vote sans engager sa responsabilité. Vous avez choisi de n'en rien faire. Nous en prenons acte. Cette position est cohérente avec le choix que vous avez fait de ratifier le traité de Lisbonne qui dispose, en son article 27, que l'Union européenne pourra avoir recours à une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens civils et militaires dans les missions en dehors de l'Otan. Soit. Reste que nous sommes nombreux à refuser de renoncer à l'indépendance de la défense européenne. Conscients de l'honneur que représente le mandat de parlementaire et des devoirs qu'imposent la sécurité de notre continent (exclamations à droite), les sénateurs CRC-SPG n'ont d'autre possibilité que de marquer leur absolue et totale opposition à cette capitulation sans condition devant les décisions militaires de l'Empire...

M. Dominique Braye.  - Bonjour la nuance !

M. Didier Boulaud.  - La droite est gonflée !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - ...que de quitter l'hémicycle ! (Vifs applaudissements sur les bancs CRC-SPG et les bancs socialistes)

M. Yvon Collin.  - Mon rappel au Règlement est fondé sur les articles 29 et 66 du Règlement du Sénat. Monsieur le Président, lors de la dernière Conférence des Présidents, le groupe du RDSE, par la voix de M. Fortassin, a protesté contre les conditions dans lesquelles le Sénat débattra, ou plutôt ne débattra pas véritablement, de la réintégration de la France au sein du commandement intégré de l'Otan. Dès l'organisation de nos travaux connue, je vous ai fait part, dans un courrier également adressé au Premier ministre, de notre vive déception de voir le Parlement ainsi traité. De fait, une semaine après que le Président de la République a annoncé, à l'occasion de la clôture d'un colloque à l'École militaire, sa décision, l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer de façon globale sur la politique étrangère du Gouvernement et non, comme cela devrait être le cas dans une véritable démocratique parlementaire, sur la question du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan après quarante ans d'absence. Quant au Sénat, il devra attendre deux semaines pour tenir un débat d'une heure et demie sur cette question stratégique, soit huit minutes de temps de parole pour mon groupe...

M. Didier Boulaud.  - C'est rien comparé à Sarkozy !

M. Yvon Collin.  - Avouez que cette manière de procéder est bien peu conforme à l'ambition affichée de la dernière révision constitutionnelle de revaloriser les droits du Parlement, et du Sénat en particulier. Dans ces conditions, la majorité du groupe RDSE n'assistera pas à la suite de la séance ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Eh bien ! Nous nous passerons de vous !

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous sommes de ceux qui sont toujours prêts à voir l'avenir, si j'ose dire, en rose. (Marques d'ironie sur quelques bancs à droite) Bien que nous n'ayons pas voté la dernière révision constitutionnelle, nous pensions qu'elle permettrait de nouvelles relations entre le Parlement et l'exécutif. Or, dès la première occasion, le Gouvernement en revient de manière caricaturale aux bonnes vieilles habitudes. En ôtant au Sénat la possibilité de s'exprimer sur une question aussi cruciale que la place de la France dans le monde et sa politique d'alliances militaires, vous muselez l'opposition, mais aussi la majorité.

M. Didier Boulaud.  - Bien fait ! Elle l'a pas volé !

M. Jean-Pierre Bel.  - Oui, chers collègues de droite, vous m'avez bien entendu. Je prends votre défense car, à en croire les discussions que j'ai pu avoir avec certains d'entre vous, le risque était grand que le Sénat s'oppose à cette décision.

M. Jacques Gautier.  - Vous n'êtes pas notre confesseur !

M. Didier Boulaud.  - La trouille !

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le Président, il y va de votre responsabilité de refuser pour le Sénat ce rôle de muet du sérail.

M. Didier Boulaud.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Bel.  - Contrairement à ce qui m'a été répondu en Conférence des Présidents, nous disposions des outils constitutionnels avec les articles 49-4 et 50-1 de la Constitution pour obtenir que le Sénat se prononce. Comment s'étonner de l'image déformée de notre institution auprès de l'opinion publique, que vous déploriez le 14 octobre 2008, si le Sénat ne peut accomplir l'acte élémentaire démocratique de débattre et voter ?

M. Didier Boulaud.  - C'était des paroles verbales.

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le Président, pour éviter de donner raison aux ennemis du bicamérisme et de confirmer l'image d'une assemblée secondaire...

M. Josselin de Rohan.  - Une anomalie !

M. Jean-Pierre Bel.  - ...soutenez la demande officielle, que je formule de nouveau, de l'organisation d'un débat suivi d'un vote, conformément aux dispositions de l'article 50-1 de la Constitution. En attendant, chacun le comprendra, nous ne pouvons cautionner ce déni de démocratie.

M. Didier Boulaud.  - Eh oui, nous savons lire ! Nous ne sommes pas des élèves de CP !

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous ne participerons pas à cette caricature de débat parlementaire ! (Applaudissements à gauche ; les sénateurs des groupes CRC-SPG et socialiste se lèvent et quittent l'hémicycle ainsi que la plupart des membres du groupe RDSE, à l'exception de MM. Gilbert Barbier et Aymeri de Montesquiou ; marque d'ironie à droite))

Lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement relative à la politique étrangère

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère. Cette déclaration, sur laquelle le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa premier de la Constitution, est actuellement prononcée à la tribune du Palais-Bourbon par M. François Fillon. Elle va être lue à notre tribune par M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La parole est à M. le ministre d'État. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Pierre Fauchon applaudit aussi)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - Durant ces derniers mois, notre politique étrangère et de défense a fait l'objet de plusieurs débats au sein de cette assemblée. Nous avons débattu à plusieurs reprises de la question afghane, et vous avez dû, pour la première fois sous la Ve République, vous prononcer sur la prolongation de nos opérations militaires extérieures.

Sous l'impulsion du Président de la République, le domaine autrefois réservé est devenu plus ouvert et plus partagé. Nous l'avons voulu ainsi parce que les frontières entre les affaires intérieures et extérieures sont de plus en plus imbriquées. Je rappelle à l'opposition que par le passé, le pouvoir régalien du Président s'affirmait pleinement, et François Mitterrand l'utilisa sans réserve. De son soutien à l'installation des missiles Pershing américains en RFA à l'interruption brutale de nos essais nucléaires en 1992, de l'intervention au Tchad en 1983 à celle en ex-Yougoslavie en 1992, jamais le vote du Parlement ne fut sollicité.

Seul notre engagement en Irak, en 1990, fit l'objet d'un vote de confiance à l'Assemblée nationale, mais il intervint alors même que les hostilités étaient déjà engagées. Ce bref rappel du passé nous dispense des leçons de démocratie que certains se plaisent à nous donner aujourd'hui. Parce que notre politique étrangère et de défense est l'affaire de la Nation, le Gouvernement a décidé de solliciter la confiance de la majorité à l'Assemblée nationale pour servir une certaine idée de la France dans le monde. Car ce débat ne peut se résumer à la seule question de l'Otan, qui ne constitue qu'un des volets de notre diplomatie et de notre sécurité.

Si l'Alliance atlantique était autrefois une réponse des démocraties face à la menace soviétique, et de ce fait l'un des symboles idéologiques et militaires de la guerre froide, elle n'est désormais qu'une structure parmi d'autres. Elle n'est plus et elle n'est pas l'expression d'une politique globale ! En 1966, en plein coeur des tensions Est-Ouest, notre retrait de l'organisation constitua un choc. En 2009, notre retour ne constitue qu'un ajustement qui, de ce fait, ne provoque aucun émoi dans le concert international. Notre pleine participation aux structures de l'Alliance n'est qu'un moyen parmi d'autres de permettre à notre pays de répondre aux défis de son temps.

La France n'est grande que lorsqu'elle est grande pour le monde. Notre Nation se sent investie d'une responsabilité universelle, et les circonstances géopolitiques en élargissent les horizons. L'interdépendance des enjeux sécuritaires, économiques, écologiques constitue la césure historique du XXe siècle. Elle est la conséquence de la disparition de la bipolarité d'hier, de l'extension de l'économie de marché et du développement accéléré des technologies de l'information et de la communication. Elle signe la fin du monopole de la puissance et du progrès si longtemps détenu par les seuls Occidentaux. La spectaculaire émergence de la Chine et de l'Inde est le point saillant de ce rééquilibrage politique et économique.

Ce monde globalisé et complexe ne rend que plus légitime et nécessaire notre vocation internationale. Pour elle, nous croyons à l'égale dignité des nations et à la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes. Face aux tyrannies, nous sommes l'avocat des droits de l'homme. Devant l'uniformité rampante, nous défendons de Dakar à Québec la diversité des héritages culturels et linguistiques. Face aux tentations hégémoniques, nous opposons la légalité internationale et le multilatéralisme. Devant les grands enjeux actuels, nous militons en faveur d'une mondialisation réorganisée, plus équitable et mieux maîtrisée.

Cet universalisme français prolonge la défense de nos intérêts nationaux. N'en déplaise aux esprits angéliques qui négligent les rapports de forces et aux idéalistes qui prophétisent la fin des nations, la France demeure une puissance qui a des objectifs propres. Nous les orchestrons de façon collective. Nos intérêts se conjuguent avec ceux de l'Europe, ils s'articulent avec ceux de nos alliés les plus fidèles, dont font partie les États-Unis, mais aussi avec ceux de nos partenaires qui entretiennent des relations de confiance avec nous. Au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, en Russie, il y a là des grands peuples avec lesquels nous partageons une estime réciproque qui s'enracine dans les profondeurs de nos mémoires et de notre Histoire.

La promotion de nos valeurs et de nos intérêts constitue notre permanence politique, servie par notre indépendance. Notre Nation ne reçoit d'ordres de personne ! Elle doit être libre de décider par elle-même et pour elle-même. L'autonomie de notre politique est complète sur le plan stratégique avec notre force de dissuasion nucléaire, qui protège nos intérêts vitaux. Elle l'est aussi sur le plan diplomatique. De notre engagement armé en Yougoslavie à celui en Afghanistan, de notre refus catégorique de nous associer à la seconde guerre en Irak à l'initiative franco-égyptienne en faveur de Gaza, la France agit et agira toujours selon ses convictions. Lorsque nous relançons le dialogue avec la Syrie ou la Libye, lorsque nous demandons, avant la conférence de Bali, des engagements contraignants de réduction du CO2, lorsque nous prenons l'initiative d'intervenir dans la crise russo-géorgienne, nous décidons et oeuvrons selon nos vues.

Cette indépendance de ton et d'action s'inscrit dans notre choix résolu de la solidarité. Solidarité d'abord avec l'Union européenne, pour laquelle tous les Présidents de la République se sont engagés de façon continue, avec un objectif identique : faire de l'Europe non seulement un espace économique, mais une force politique. Sous la conduite de Nicolas Sarkozy, la présidence française de l'Union a révélé l'Europe sous un jour nouveau. Oui, l'Europe a le pouvoir d'influer et de peser sur les affaires du monde ! Elle a un destin singulier dès lors qu'elle s'en saisit avec courage. Elle mérite, avec le traité de Lisbonne, une organisation institutionnelle plus stable. La France a la conviction que l'Europe ne peut être un géant économique sans prétendre au premier rang diplomatique et militaire.

Solidarité ensuite avec nos alliés, notamment américains. De la crise de Cuba à la première guerre en Irak, de la crise des euromissiles au 11 septembre 2001, la France ne s'est jamais départie de son amitié à l'égard du peuple américain. Alliée mais pas vassale, fidèle mais insoumise, toujours fraternelle mais jamais subordonnée : voilà la nature de notre relation avec l'Amérique. L'Amérique est une puissance globale, et la sagesse comme les réalités géopolitiques nous commandent de juger sa diplomatie sur ses actes et non sur ses intentions. L'amitié ne se confond pas avec la naïveté ! L'élection de Barack Obama ouvre pourtant des perspectives que nous devons saisir. La gauche a applaudi à tout rompre cette élection américaine, mais n'hésite pas à marquer sa défiance vis-à-vis de l'Amérique dès lors que l'on évoque l'Alliance atlantique. Entre fascination et appréhension, il existe pourtant une voie pragmatique pour renouveler les instruments et les objectifs de la relation franco-américaine et euro-américaine.

Plusieurs sujets cruciaux réclament une nouvelle dynamique commune. En premier lieu, l'Iran. Notre devoir absolu est d'éviter la contagion nucléaire et, pour cela, il nous faut défendre le régime international de non-prolifération. Nous avons renforcé les sanctions du Conseil de sécurité et poursuivi nos offres de dialogue avec Téhéran. Les États-Unis nous rejoignent aujourd'hui sur cette approche ferme mais ouverte, et sur l'idée que nous défendons depuis longtemps d'un dialogue franc et direct avec Téhéran. Avec la Corée du Nord, la crise iranienne a fait ressurgir la question nucléaire, aggravée par le développement des missiles balistiques de moyenne portée.

La question nucléaire doit être résolue par le partage encadré du nucléaire civil ainsi que par une attitude responsable de la part de ceux qui détiennent la dissuasion. Dans cet esprit, nous demandons aux États-Unis comme à la Chine de ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires comme nous l'avons fait nous-mêmes il y a onze ans. Nous soutenons la relance d'une négociation entre les États-Unis et la Russie afin d'aboutir, de part et d'autre, à une dissuasion strictement minimale. Nous souhaitons enfin l'ouverture sans délai de la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.

En Afghanistan, le Gouvernement a défendu la nécessité de l'engagement de la France dans un pays qui fut la base arrière du terrorisme international. Je veux ici saluer la mémoire du caporal Belda, du 27e bataillon de chasseurs alpins, qui a trouvé la mort samedi dernier au cours d'un accrochage dans la province de Kapisa. Le courage et le professionnalisme de nos soldats font l'honneur de la France. Sécuriser le pays, reconstruire ses infrastructures, réconcilier le peuple afghan, transmettre aux autorités légitimes les moyens d'exercer la pleine souveraineté de cet État : voilà notre stratégie. Pour tout cela, nous voulons rompre avec une gestion exclusivement militaire de la crise afghane. Une approche politique d'ensemble s'impose et il semble que les États-Unis y soient désormais sensibles.

Se pose enfin, avec nos partenaires américains, la question centrale de la lutte contre le changement climatique. Sous l'impulsion de la France, l'Europe est parvenue à un accord ambitieux, mais elle ne peut agir seule. Les États-Unis semblent enfin prendre la mesure de leurs responsabilités vis-à-vis des prochaines générations.

Avec le sommet de décembre 2009, il va falloir maintenant passer aux décisions et aux actes.

La solidarité de la France s'exprime aussi avec l'espace méditerranéen. Le projet de l'Union pour la Méditerranée marque notre ambition de dessiner les contours d'une étroite collaboration euro-méditerranéenne. Nous entendons désavouer et désarmer ceux qui appellent au choc des civilisations. Nous refusons la logique des fanatiques. Nous refusons de nous laisser enfermer dans des schémas manichéens. Entre l'Occident et l'Orient, la France est et restera une médiatrice. En toute indépendance, et malgré les critiques, elle a pris le risque de renouer avec Damas, dans la conviction que la Syrie peut apporter une importante contribution à la paix dans la région : elle l'a montré au Liban, avec l'accord de Doha ; elle peut nous aider à convaincre le Hamas de faire le choix de la raison, celui de la réconciliation inter-palestinienne et de la négociation avec Israël. Dès le premier jour de la crise de Gaza, le Président de la République a cherché une issue au conflit dans un esprit d'équilibre et de justice. Cette crise, et son bilan dramatique, montrent qu'il n'y aura pas de solution militaire. La France affirme qu'Israël doit pouvoir vivre en paix à l'intérieur de frontières reconnues et que la Palestine doit pouvoir vivre libre, en jouissant de sa pleine souveraineté. Dans cette région, seul le courage des compromis politiques permettra de sortir de l'impasse. Le Président de la République a proposé la tenue, au printemps, d'un sommet de relance du processus de paix.

Solidarité aussi de la France avec l'Afrique. Nous croyons en l'avenir de cet immense continent, et c'est pourquoi nous demeurons l'un des principaux pourvoyeurs d'aide publique au développement. Nous nous sommes engagés au Darfour en sécurisant les camps à l'est du Tchad. Nous avons amené nos partenaires européens à nous appuyer dans la mise en oeuvre de l'Eufor, la plus grande opération militaire de l'Union européenne. Signe de son succès, les Nations Unies viennent de prendre le relais de cette force européenne.

Solidarité enfin avec l'Organisation des Nations Unies. Pour la France, le droit international est l'expression d'une morale universelle. Il est la source d'un ordre légal face à la violence. En l'espace d'un demi-siècle, les interventions successives de l'ONU ont couvert les échecs de la SDN.

Pour autant, la France estime que la gouvernance internationale, issue de l'après-guerre, ne répond que partiellement aux enjeux d'aujourd'hui. Nous soutenons le processus de réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies et militons en faveur de son élargissement. Nous avons proposé l'extension du G8 en G14. Nous avons joué un rôle moteur dans la réforme des droits de vote au sein du FMI. Enfin, nous nous sommes fait les inlassables avocats d'une meilleure représentation de l'Afrique au FMI et à la Banque mondiale.

Avec l'Union européenne, la France a pris la tête des efforts pour bâtir une véritable régulation financière internationale. Nous voulons corriger les causes de la crise actuelle. Le Conseil européen du 19 mars définira une position européenne pour le sommet du G20, à Londres, le 2 avril. La France exigera des changements clairs en matière financière : régulation des hedge funds et des agences de notation ; encadrement des rémunérations ; réforme des normes comptables ; lutte contre les centres offshore. Pour nous, l'économie mondiale n'est pas un vaste casino sans règles et sans éthique qui ne peut que sombrer dans la catastrophe.

S'il est une leçon que nous devons retenir du Général de Gaulle, c'est bien celle qui exhorte à ne jamais regarder l'avenir avec les yeux du passé. (Marques d'approbation à droite) La politique étrangère, c'est une action régie vers un idéal à travers des réalités changeantes : dès lors, rien n'est plus contreproductif et plus dangereux que de sacraliser le statu quo. Nous ne devons jamais hésiter à rénover nos politiques dès lors que les faits et nos buts nous le recommandent. A cet égard, la gauche a l'art d'être en retard d'une révolution stratégique. (On le confirme à droite)

En 1966, elle s'opposa violemment à la décision du Général de Gaulle de nous retirer des structures intégrées de l'Otan. Cette décision trahissait aux yeux de l'opposition d'alors « une position hargneuse à l'égard de nos alliés américains... et une sorte de poujadisme aux dimensions de l'univers ». (On s'amuse à droite) Ce prétendu poujadisme d'hier est devenu votre code de bienséance d'aujourd'hui ! (On apprécie à droite)

Puis la gauche s'opposa frontalement à notre force de frappe, et ce n'est qu'en 1978 que les socialistes acceptèrent du bout des lèvres notre dissuasion nucléaire, après même le parti communiste ! Enfin, comment ne pas citer les terribles hésitations de certains de nos hauts responsables devant la chute du mur de Berlin et la réunification allemande ? A cet instant, l'Europe échappait à l'ordre binaire auquel ils s'étaient accoutumés, mais auquel de Gaulle n'avait pu, lui, se résoudre.

Il est toujours piquant de voir l'opposition faire appel aux mânes du Général, elle qui le combattit sans relâche !

Quarante ans après les faits, la gauche célèbre un héritage qu'elle a tant contesté : épilogue heureux mais au fond assez conformiste. Atlantiste quant il fallait être gaulliste, attentiste lorsqu'il convenait d'être réactif, nostalgique lorsqu'il s'agit d'être pragmatique : la gauche ne s'est jamais distinguée par son audace stratégique. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre ; M. Gilbert Barbier applaudit aussi)

Il y a dix-huit ans de cela, le Premier ministre publiait dans un journal du soir une tribune provocante en faveur du retour de la France dans l'Otan. Avec la chute du mur de Berlin, il estimait que nous devions profiter de l'occasion pour rééquilibrer l'Alliance au profit de l'Europe et convaincre nos partenaires de renoncer à la tutelle américaine. A la lecture de cette tribune, le Président Mitterrand l'invita à venir s'entretenir avec lui de ce sujet. Il garde en mémoire son verdict : « Vous voyez, lui dit-il, nous avons eu tellement de mal à faire venir les Américains en Europe, qu'il ne faut rien faire qui puisse les en faire partir ». A l'évidence, François Mitterrand ne voulait pas d'une initiative qui aurait risqué d'entraîner le désengagement des américains.

Il ne nous appartient pas de juger de l'analyse d'un homme dont la pensée reflétait toute une époque, mais aussi toutes les ambivalences d'une posture oscillant entre indépendance et alliance, défiance et attirance vis-à-vis des États-Unis. Mais il nous revient, en revanche, de souligner que les termes du débat ont radicalement changé.

Notre sécurité ne se joue plus à nos frontières et le spectre de la destruction mutuelle assurée ne pèse plus sur notre continent. La bipolarité d'antan a laissé place à la multiplicité des acteurs et à la dissémination des risques. La France et l'Europe ne sont plus menacées d'envahissement. Leur sécurité n'est pas pour autant acquise. De nouvelles menaces exacerbées par les conflits en cours au Proche et Moyen-Orient ont surgi : le terrorisme global qui instrumentalise et détourne l'islam, la prolifération des armes de destruction massive.

L'URSS est devenue la Russie et s'est ralliée à l'économie de marché. L'empire soviétique disloqué, ses États satellites se sont libérés et ont rejoint l'Union européenne et pour certains d'entre eux l'Alliance atlantique. Les États-Unis ont retiré 80 % de leurs forces de notre continent qu'ils ne jugent plus comme une priorité au regard des intérêts que recouvrent l'Asie et le Moyen-Orient. L'ONU s'est renforcée et l'Europe s'est affermie.

A la lisière de toutes ces transformations, l'Otan n'est plus l'organisation dont certains parlent. Il y a quarante ans, le général de Gaulle se retirait d'une organisation compacte, dressée face au pacte de Varsovie, et exclusivement dirigée par les États-Unis. Depuis, c'est la notion de coalition d'États volontaires à participation variable qui s'est imposée au détriment des schémas rigides de la guerre froide.

En 1966, la logique des blocs réglait la géopolitique mondiale. Rester dans les structures intégrées de l'Otan, c'était aliéner les choix politiques de la France à cette logique binaire que le général de Gaulle voulait transcender. En 1966, les États-Unis imposaient la doctrine de la riposte graduée à l'Otan et ils n'y prévoyaient aucun partage des responsabilités. Rester dans les structures intégrées, c'était prendre le risque de nous retrouver engagés dans des conflits qui n'étaient pas les nôtres. En 1966, il y avait 26 000 soldats américains sur le sol français, et aucune perspective de réorganisation de l'Alliance. En 1966, la France disposait, depuis deux ans, d'armes nucléaires opérationnelles et notre stratégie de dissuasion et d'action nous portait à repenser les termes de notre autonomie.

Cette autonomie ne fut cependant jamais conçue comme une marque de neutralité ou de défiance vis-à-vis de l'Alliance atlantique dont nous sommes toujours restés membres. A peine le retrait décidé, nous confirmons par plusieurs accords notre volonté de continuer à travailler avec l'Otan : l'accord Ailleret-Lemnitzer, en 1967, l'accord Valentin-Ferber, en 1974. En 1983, se tient à Paris un Conseil atlantique, une première depuis 1966. En 1991, la France participe à la rédaction du nouveau concept stratégique de l'Alliance. Dans les années 1990, nous sommes de toutes les opérations en Bosnie, où la France, pour la première fois, participe à une opération de l'Otan. A partir de 1993, toujours sur décision de François Mitterrand, le chef d'état-major des armées est autorisé à intervenir au comité militaire de l'Otan, sur les questions de maintien de la paix. Il l'est, à partir de 1994, sur l'adaptation des structures de l'Alliance, la coopération avec l'Est et la non-prolifération. En 2004, plus d'une centaine de Français sont affectés aux commandements de Mons et Norfolk. Aujourd'hui, nos troupes sont engagées avec l'Otan au Kosovo et en Afghanistan. Nous sommes le quatrième contributeur de l'Otan en termes de forces. Nous sommes présents dans quasiment tous les comités de l'Otan.

Insensiblement, les faits et la volonté politique recréaient donc notre participation croissante aux structures de l'Otan. Il s'agit aujourd'hui de franchir une dernière marche. Cette dernière marche, prétend l'opposition, affaiblira notre indépendance, ce qui est naturellement faux. Il faut avoir peu confiance en la France pour penser un instant qu'elle puisse être ligotée par sa présence dans un comité. Et c'est au surplus bien mal connaître le fonctionnement de l'Otan. Depuis la déclaration d'Ottawa de 1974, rien ni personne ne vient contester l'autonomie de notre stratégie nucléaire, qui n'est pas négociable. Chacun sait que la participation à l'Otan n'entraîne aucune automaticité politique et que les décisions du Conseil atlantique sont prises à l'unanimité. Devons-nous rappeler que l'Allemagne a refusé de s'engager en Irak aux côtés des Américains et que la Turquie a refusé de servir de base arrière ? Devons-nous souligner que même dans le cadre de l'article 5 de la charte -qui prévoit la défense collective en cas d'agression d'un de ses membres- chaque nation décide des moyens qu'elle entend employer. Nous conserverons l'indépendance de notre dissuasion nucléaire et notre liberté d'appréciation sur l'envoi de nos troupes. Nous ne placerons pas de contingent en permanence sous commandement allié en temps de paix. Ces trois principes sont posés par le Livre blanc, et personne au sein de l'Alliance n'y voit rien à redire.

Nous invitons l'opposition, qui joue sur la corde nationale, à aller dire, les yeux dans les yeux, à Angela Merkel, Gordon Brown ou José Luis Zapatero, que leurs nations ne sont pas souveraines dans leurs choix !

La question de l'indépendance et de l'autonomie qu'agite l'opposition n'en est pas une. La vraie question est : pourquoi prendre cette décision maintenant et pour quoi faire ?

Pourquoi maintenant ? Nous sommes là au coeur d'un des principes clés de la politique étrangère : l'art d'utiliser les circonstances.

Quatre événements nous poussent à réinvestir l'Otan.

Premièrement, la présidence française de l'Union européenne a redonné du sens à l'action politique et à l'autonomie diplomatique de l'Europe, comme l'a montré la crise géorgienne. Deuxièmement, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne doit servir de levier pour accentuer l'efficacité et le rayonnement de l'Union européenne. Troisièmement, l'arrivée d'une nouvelle administration américaine dont il faut saisir au plus vite les potentialités, avant que les habitudes ne reprennent le dessus. Quatrièmement, la redéfinition du concept stratégique de l'Otan, qui date de 1999.

Voilà les circonstances qui militent en faveur d'une initiative française.

Que voulons-nous faire dans l'Otan et que voulons-nous faire de l'Otan ? C'est la seconde question qui importe.

Notre Nation entend faire partager ses convictions. Pour la France, l'Otan doit d'abord être un instrument de défense destiné à la protection de ses membres. Elle doit être avant tout une alliance militaire, fondée sur des valeurs communes, et non une sorte de fer de lance occidental agissant partout et sur tout. En dehors de cela, elle est au service du droit international et ne peut être l'outil d'un interventionnisme unilatéral. Nous voulons défendre la règle du consensus au Conseil atlantique, dont dépend la prise en compte de nos positions. Nous voulons alléger et simplifier les structures actuelles. Nous voulons, dans le cadre des accords « Berlin plus », donner à l'Union européenne le pouvoir d'utiliser réellement les moyens de l'Alliance. Nous voulons, en réinvestissant l'Otan, permettre à notre pays d'influer plus largement sur la définition des stratégies et la conduite des opérations. Nous voulons que la Russie soit traitée en partenaire.

C'est à Paris, en mai 1997, que fut signé, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, l'acte fondateur sur la coopération et la sécurité mutuelles entre l'Otan et la Russie. La France, avec son partenaire allemand, croit à la nécessité de respecter la Russie. Cette grande nation européenne doit être amenée à contribuer aux équilibres du monde. Depuis le XVIIIe siècle, ce pays immense a toujours été au centre des équilibres européens. Comme avec les États-Unis, nous avons des liens particuliers avec le peuple russe qui, par deux fois, en août 1914 et en 1944, contribua à sauver la France.

Le dialogue et la collaboration avec Moscou sont parfois difficiles mais indispensables. Ils ne peuvent se limiter à un face à face avec les États-Unis. L'Europe doit y avoir sa place. Nos relations avec la Russie ne doivent pas être bousculées par des élargissements précipités de l'Alliance atlantique. En retour, la Russie doit respecter l'indépendance des pays qu'elle a elle-même acceptée. Nous avons en partage la stabilité et la sécurité de notre continent. Nous sommes communément menacés par les risques de dissémination nucléaire et le développement des armes balistiques de moyenne portée. Face à cette menace potentielle, c'est ensemble que nous pourrions imaginer un système de défense anti-missile compatible, étant entendu que pour la France ceci ne peut être qu'un complément à la dissuasion sans s'y substituer. De l'Atlantique à l'Oural, c'est ensemble que nous devons définir un nouveau pacte de sécurité continental !

La France rejoint l'Otan pour donner à l'Europe de la défense sa véritable dimension. Pourquoi l'Europe reste-t-elle encore en ce domaine, et malgré les progrès accomplis, en deçà de ce qu'elle devrait être ?

La raison en est simple et elle n'est pas nouvelle : pour nos principaux partenaires européens, un pas de plus vers l'Europe de la défense fut longtemps considéré comme un pas en arrière dans l'Otan. Cette crainte inhibe les initiatives. Nous voulons la dissiper. Nous voulons stopper ce jeu à somme nulle qui consistait à monter l'Europe de la défense contre l'Otan et l'Otan contre l'Europe de la défense. Nous voulons sortir l'Europe de cette impasse en allant convaincre nos partenaires là où ils sont, c'est-à-dire à l'Otan. Voilà le sens de l'initiative du Président de la République.

Pour audacieuse qu'elle soit, cette initiative n'est pas totalement inédite. En 1990, alors que le débat sur l'architecture européenne post guerre froide battait son plein, François Mitterrand s'interrogea sur la façon de résoudre la triple équation que nous avons décidé de trancher. Comment réconcilier le statut particulier de la France et sa participation croissante dans les nombreuses activités de l'Alliance ? Comment peser sur les évolutions de l'institution atlantique ? Et enfin, comment du même coup, faire émerger une défense européenne digne de ce nom ?

Le Président Mitterrand tenta de résoudre cette équation, sans y parvenir. Entre 1995 et 1997, Jaques Chirac lança, très officiellement, une initiative destinée à replacer la France dans l'Otan avec, pour contrepartie, l'attribution du commandement de la zone sud et le renforcement du pilier européen de défense. L'initiative, on le sait, échoua.

Aujourd'hui, le Président de la République renouvelle les termes de cette ambition, avec la conviction que les conditions s'y prêtent et qu'il faut agir maintenant. Elles s'y prêtent car les États-Unis reconnaissent enfin l'utilité et la légitimité d'une Europe de la défense plus solide. Elles s'y prêtent, car l'Europe prend chaque jour un peu plus ses responsabilités.

Sous la présidence française de l'Union européenne, plusieurs décisions ont été actées. Une direction de la planification civile et militaire sera créée au mois de juin prochain. Elle disposera d'une composante déployable. Des projets capacitaires à géométrie variable, tels que la création d'une flotte de transport aérien stratégique et le lancement d'un programme de satellites d'observation militaire, sont lancés. Les 23 opérations civiles ou militaires prouvent que l'Europe est en mesure de faire entendre sa voix et sa force.

C'est le cas dans le Golfe d'Aden face aux pirates. C'est le cas au Tchad où nous avons permis le retour de 40 000 réfugiés. C'est le cas en Géorgie où l'Europe surveille la situation. Ce pourrait être enfin le cas pour sécuriser les frontières de Gaza. Au coeur de toutes ces opérations, il y a la France, bien décidée à donner à l'Union européenne l'audace qui lui fit, par le passé, trop souvent défaut.

Nous connaissons les critiques de l'opposition. Et nous les croyons peu convaincantes. Notre indépendance et notre autonomie, dit-elle, seront réduites. Nous avons répondu à cette contrevérité qui ignore le fonctionnement de l'Alliance atlantique. En toute hypothèse, le destin de la France ne se décide pas dans des comités ! D'autres, dans l'opposition, prétendent que notre réintégration -dont ils conviennent qu'elle est déjà très largement engagée- est inutile. Mais si elle est inutile comme ils le disent, notre pleine participation à l'Otan n'a donc pas la gravité qu'ils tentent par ailleurs de démontrer ! Nous avons répondu qu'il fallait sortir du statu quo pour provoquer au sein de l'Alliance et de l'Europe une nouvelle donne.

En mal d'arguments solides, l'opposition évoque enfin la question du symbole. C'est un argument que nous ne balayons pas d'un revers de main. Notre histoire est traversée de symboles. Quarante ans après la décision de 1966, que nous soyons encore là à évoquer l'héritage du général de Gaulle, cela soulève en nous une fierté et une immense gratitude pour l'homme du 18 juin. Mais, toute sa vie, le Général s'est défié des situations acquises. Les circonstances dictent les actes. Les actes doivent anticiper les situations de demain et non reproduire celles d'hier. Seuls comptent le rang et l'intérêt de la France. Or rien n'est plus contraire à notre rayonnement que la nostalgie. La donne géopolitique a changé, nous prenons l'initiative ! Nous la prenons en Europe, à l'ONU, au G20, dans l'Alliance atlantique. Nous sommes en mouvement, l'opposition est à l'arrêt. Nous regardons le monde, l'opposition s'observe. Nous tentons de saisir le cours de l'Histoire, l'opposition tente vainement de la freiner.

Pour tous les peuples qui se font une certaine idée de notre République, la France reste la France ! Les circonstances évoluent, les structures changent, mais notre axe demeure : c'est celui de la grandeur. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre ; M. Gilbert Barbier applaudit aussi)

M. le président.  - Acte est donné de la déclaration du Gouvernement sur la politique étrangère de la France dont il vient d'être donné lecture au Sénat.

La séance, suspendue à 17 h 10, reprend à 17 h 15.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Débat sur l'avenir de la presse (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons le débat sur l'avenir de la presse.

M. Yvon Collin.  - Dès sa naissance, la presse est apparue comme un formidable outil démocratique -ce qui lui a valu d'être souvent malmenée... En France, la Monarchie, l'Empire et même la République balbutiante ont imposé le cautionnement et la censure. Comme le disait Napoléon, « la presse est un arsenal réservé à ceux qui ont la confiance du Gouvernement ». Tout était dit. En 1881, la IIIe République a mis fin au débat : désormais, la presse serait libre, pluraliste et indépendante.

Mme Nathalie Goulet.  - Normalement !

M. Yvon Collin.  - Elle doit aujourd'hui faire face à de nouveaux défis. La crise qu'elle connaît aujourd'hui n'épargne personne : la presse quotidienne est rejointe dans la tourmente par les magazines et la presse scientifique et culturelle. Même la presse gratuite, qui a triplé sa diffusion en cinq ans, pourrait avoir atteint les limites de son développement. Tous les chiffres convergent, le support écrit, mine d'informations et reflet d'une culture, est gravement menacé. Entre 1994 et 2004, la presse quotidienne nationale (PQN) a vu sa diffusion chuter de 7,2 %, la presse quotidienne régionale (PQR), de 14 %. Le chiffre d'affaires de la presse écrite payante devrait baisser en 2010 ou 2011. Au regard des chiffres mondiaux de diffusion, la presse hexagonale est dans une situation critique. Cinquième puissance économique mondiale, la France hisse péniblement un de ses quotidiens au 76e rang mondial ; le temps est hélas révolu où le Petit Parisien se vantait en 1916 d'être au premier rang mondial avec ses trois millions d'exemplaires. Plus aucun de nos quotidiens ne dépasse le million tandis que cinq titres anglais l'atteignent ou le dépassent.

Beaucoup de journaux se battent pour leur survie, la PQN et la PQR font face à des difficultés toujours plus nombreuses, conjoncturelles mais aussi structurelles. La contraction des ventes et des recettes publicitaires, l'augmentation des coûts du papier, la concurrence des gratuits et l'apparition d'internet perturbent leur équilibre financier. Sur le plan structurel, les blocages sont connus, le manque d'investissement, une industrie de l'impression surdimensionnée, l'inadaptation de l'offre éditoriale, le vieillissement du lectorat, l'insuffisance du nombre des points de vente ; le monde de la presse est ainsi constamment sur la défensive. Dans la situation actuelle de crise économique, il est urgent d'aider le secteur. Si les pouvoirs publics ont naturellement un rôle à jouer, et le jouent, la presse est un monde d'entreprises logiquement attaché à son indépendance. Les solutions viendront aussi de sa capacité à se remettre elle-même en cause pour mieux rebondir.

Les états généraux de la presse écrite ont montré que celle-ci voulait aller de l'avant. Certaines des recommandations du Livre vert peuvent contribuer à améliorer la situation. Le 23 janvier dernier, le Président de la République a pris des engagements ; le groupe du RDSE veillera à ce qu'ils soient tenus, notant cependant que la loi de finances pour 2009 n'a pas pris la mesure du problème dès lors que les aides à la presse ont été simplement reconduites...

Les états généraux ont mené une réflexion globale, de la production à la diffusion aux lecteurs. Le Gouvernement a annoncé le report d'un an de l'augmentation des tarifs postaux ; cette sage décision répond à l'attente de la profession. Cette aide permanente au transport postal ne cantonne-t-elle pas cependant la presse, notamment la PQN, dans un système de distribution qui a perdu de sa pertinence ? Le portage mériterait d'être encouragé. Avec 70 millions d'euros, le Gouvernement n'opère qu'un rattrapage ; des aides significatives au portage devraient être pérennisées. La vente au numéro a fait l'objet de larges débats lors des états généraux, ce qui a sans doute suscité l'initiative gouvernementale en matière de rémunération du niveau 3. Il faut simplifier l'installation des points de vente, parce que les journaux sont davantage qu'un produit commercial ; informatifs et pédagogiques, ils doivent être facilement accessibles sur tout le territoire -à l'instar des services publics.

S'agissant du processus industriel, l'effort doit d'abord porter sur les coûts de fabrication qui restent trop élevés ; pour les réduire de 30 à 40 %, éditeurs et syndicats sont invités à négocier un nouveau contrat social dans les imprimeries. L'adaptation des savoir-faire et la mutualisation de l'impression devront être discutées.

En réponse à la baisse des recettes publicitaires des journaux, le Gouvernement prévoit de réorienter une partie de sa communication institutionnelle vers la presse écrite. Cet effort mérite d'être salué même si les tendances lourdes demeurent, comme le captage de la publicité par la télévision ou le poids important de la publicité hors média.

Parce qu'il n'y a pas de journaux sans journalistes, les droits et les devoirs de la profession méritent d'être précisés. L'annexion d'un code de déontologie à la convention collective des journalistes permettra de restaurer le lien de confiance entre les lecteurs et les journaux.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Dans un secteur où la concurrence s'exacerbe, les journaux devront en outre repenser les conventions collectives ; la formation des journalistes doit être améliorée sans pour autant être uniformisée : la diversité des parcours est un gage de richesse des contenus. Le lectorat est particulièrement âgé en France ; les initiatives en direction des jeunes sont tout à fait nécessaires, car la jeunesse délaisse volontiers la culture de l'écrit au profit du numérique. Or il a été démontré que la compréhension et l'assimilation d'une information est meilleure à partir d'un support papier. Reste qu'internet est partie intégrante de la vie des jeunes générations : tenter de revenir en arrière serait vain. Si tout le monde s'accorde pour définir un statut de l'éditeur en ligne, ce statut doit définir des droits mais aussi des obligations.

Tels sont les enjeux du débat sur l'avenir de la presse. Parce que celle-ci doit conserver sa liberté, son pluralisme et son indépendance, les pouvoirs publics ne peuvent être les acteurs principaux de la refondation de son modèle économique. Ils doivent cependant en prendre leur part, sauf à prendre le risque de voir disparaître de nombreux titres, ce qui mettrait précisément en péril le pluralisme. La démocratie ne peut pas se passer de la diversité des opinions. Le groupe du RDSE soutiendra les initiatives publiques tant que celles-ci s'inscriront dans une démarche de soutien politiquement désintéressée et économiquement prometteuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RDSE et au centre)

M. David Assouline.  - M'exprimant au nom du groupe socialiste, je le ferai avec moins de retenue que tout à l'heure...

Les internautes, dont je suis, peuvent assister actuellement, sur le site internet de l'excellente émission de Radio France Internationale -antenne de service public dont je salue les personnels qui vivent un plan social douloureux- L'Atelier des médias, aux dernières heures d'un quotidien, le Rocky Mountain News de Denver, aux États-Unis ; j'ai appris aussi ce matin la disparition de l'éditorial papier du Seattle Post-Intelligencer, un quotidien vieux de 150 ans... A l'heure de la révolution numérique, il est de bon ton de condamner les éditeurs qui continuent à publier des journaux ou des magazines papier.

Le raccordement accéléré des ménages à internet depuis le début des années 2000 a modifié l'accès à l'information, surtout chez les jeunes de moins de 25 ans pour qui le web est une source inépuisable et gratuite de contenus écrits ou audiovisuels sans cesse renouvelés. Dans mon rapport d'octobre 2008, consacré à l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse, j'ai souligné qu'internet était le média préféré pour 61 % des 15 à 25 ans, les jeunes Britanniques, par exemple, consacrent plus de temps à naviguer sur la toile qu'à regarder la télévision. J'ai rappelé que la génération digitale passait globalement 800 heures par an à l'école, 80 heures à discuter avec sa famille et 1 500 heures devant un écran. La désaffection parallèle des jeunes générations pour la presse écrite ne serait pas inquiétante si ce public connaissait mieux les contenus mis en ligne. Or, les jeunes de 15 à 25 ans naviguent en majorité de lien en lien au gré de leur inspiration, au lieu d'effectuer une recherche précise ou d'utiliser des sites connus. C'est pourquoi j'ai mis en garde dans mon rapport contre le risque de manipulation ou de désinformation via internet.

Dans ce contexte, l'avenir des journaux quotidiens, et même de la grand-messe du 20 heures télévisé, semble bouché. Le Monde, Libération et La Tribune ont subi de graves difficultés économiques entraînant de douloureuses réductions d'effectifs, alors que L'Humanité ou France-Soir semblent en perpétuelle convalescence. Cette macabre impression a récemment été confirmée par la brutale descente aux enfers du Los Angeles Times et du Chicago Tribune, alors que le New York Times hypothéquait son siège en plein coeur de Manhattan pour compenser la chute des recettes publicitaires.

Parallèlement, des éditeurs majeurs de la presse européenne -l'allemand Bertelsmann et l'italien Mondadori- pensent que 2009 sera une annus horribilis pour ce secteur, les recettes publicitaires chutant de plus de 10 %. Bertelsmann a déjà interrompu la publication de trois magazines en Europe.

Que des groupes de médias soient significativement victimes de la crise n'est pas surprenant, mais journaux et magazines imprimés avaient déjà été fragilisés par la révolution numérique. Or, les investissements publicitaires réalisés sur internet progresseront sans doute cette année, d'autant plus au détriment des autres supports que le marché global se contractera. En 2008, internet captait 15 % des dépenses publicitaires, contre 9,6 % deux ans plus tôt. Ces recettes ont représenté 516 millions d'euros l'an dernier, soit une hausse annuelle de 12,6 %, contre 316 millions pour les quotidiens nationaux, qui ont ainsi perdu 4,4 %. Cette évolution structurelle est significative de l'intérêt grandissant des annonceurs pour des supports permettant de cibler les publics.

On pourrait déduire de ces considérations que notre débat d'aujourd'hui s'apparente à la chronique d'une mort annoncée -celle de la presse écrite. Pourtant, si nos journaux sur papier doivent relever des défis nombreux et complexes, ils pourraient encore vivre de longues années de bonheur avec leurs lecteurs.

Quels sont nos raisons d'espérer ? A quelles conditions pourrait-on envisager sans inquiétude l'avenir de la presse écrite ?

Tout d'abord, la presse quotidienne a, contre toute attente, gagné des lecteurs en 2008 : les quotidiens régionaux étaient lus par 17,8 millions de personnes, soit 2,6 % de plus ; les quotidiens nationaux ont enregistré 8,8 millions de lecteurs, soit une hausse de 0,9 % ; les gratuits ont progressé de 4 % pour atteindre 4,4 millions de lecteurs.

Ensuite, selon l'institut MRCC, les lecteurs de la presse écrite la choisissent parce que journaux et magazines sont des supports indispensables à la démocratie et les plus riches en informations de toute sorte.

Ces mêmes lecteurs jugent toutefois que la presse écrite est trop chère, que les journalistes sont moins indépendants et objectifs que ceux d'autres supports. Nos concitoyens souhaitent donc une presse riche, proche et agréable, moins chère et crédible. Les Français sont attachés à une presse de qualité, généraliste et accessible.

Or, les principaux groupes de médias ont opté pour des orientations susceptibles de décevoir leurs attentes.

L'AFP est concernée au premier chef. Évoluera-t-elle vers un statut analogue à celui de La Poste ?

Recherchant la rentabilité, les patrons de presse n'hésitent pas à licencier des journalistes. Parallèlement, ils développent des stratégies multimédia en multipliant les éditions spécialisées animées par des rédactions bis reproduisant des dépêches d'agences. Cette perte de substance a conduit le sociologue Jean-Marie Charon à proposer que les journalistes « assis » soient moins bien rémunérés que les journalistes « debout ». L'auteur de cette provocation veut interpeller ainsi les éditeurs sur l'importance de fournir une information originale de première main « obtenue dans un rapport direct avec les acteurs de l'actualité ».

La mutation accélérée du métier de journaliste préoccupe la profession. Ainsi, Bernard Poulet a conclu dans un essai paru récemment que le journalisme disparaîtrait dans sa forme actuelle, car le travail d'enquête n'est pas assez rentable pour être adapté aux nouveaux modes d'information. Contradictoire avec les attentes de la société, cette tendance pourrait approfondir le fossé entre les lecteurs et des journaux d'information générale au contenu appauvri.

L'abîme s'agrandira autant que la concentration s'accroîtra. En effet, nos concitoyens veulent une information libre, traitée par des rédactions indépendantes. Or, selon une enquête récente réalisée pour La Croix, 63 % des Français pensent que les médias subissent des pressions politiques économiques. Nos concitoyens sont lucides, la grande majorité des titres de presse et des chaînes de télévision de radio appartenant à des conglomérats dont le revenu dépend principalement de commandes publiques.

En regrettant une concentration insuffisante des éditeurs, le Président de la République ne rassure pas les lecteurs sur l'indépendance éditoriale des titres. Au contraire, en multipliant les interventions directes et les critiques à l'emporte-pièce envers les journalistes, le Chef de l'État montre une tentation mal réprimée de contrôler l'information, alors que les Français veulent que la presse contribue au débat démocratique. La récente loi bouleversant le paysage audiovisuel, pour mettre sous tutelle le service public de la radio et la télévision, ne rassure pas quant aux projets de M. Sarkozy pour la presse d'information.

Dans ce contexte, les états généraux ont permis un débat, mais ils ont aussi manifesté un manque de maturité de notre société, le recours à l'État étant appelé de leurs voeux par les contre-pouvoirs ! En France, l'aide à la presse dépend traditionnellement du ministère quasi régalien créé par Malraux il y a cinquante ans, mais le fondateur de la Ve République n'imaginait certainement pas que l'hôte de l'Élysée jouerait les rédacteurs en chef !

Les états généraux ont surtout souffert d'avoir été organisés à l'initiative du Président de la République et d'avoir été pilotés par ses collaborateurs. Difficile de faire croire à l'indépendance de la presse, lorsque Bolloré, Dassault et Lagardère détiennent les leviers économiques du secteur, les journalistes ayant été quasiment exclus des états généraux. Enfin, le temps imparti pour un tel enjeu de société fut bien court.

Les résultats des états généraux suscitent donc une légitime suspicion, même si l'idée de créer un statut d'éditeurs de presse en ligne va dans le bon sens. Le catalogue de mesures catégorielles dont ils ont accouché n'est pas digne du défi à relever : rétablir la confiance entre la presse écrite et les citoyens. Certaines propositions du Livre vert sont inquiétantes à cet égard, comme celle de doubler les investissements publicitaires de l'État dans la presse. Comment les Français percevront-ils l'insertion massive de campagnes de communication gouvernementale dans leur quotidien préféré ?

Plus fondamentalement, la concentration des médias n'a pas été débattue. Connaissant la position du Chef de l'État, on n'en est pas surpris. C'est pourtant une anomalie dans les démocraties occidentales, que la concentration de nombreux titres de la presse écrite et d'importantes chaînes de radio ou de télévision aux mains de puissants groupes dont les patrons sont généralement proches du Président de la République et dont la plupart ont besoin des commandes publiques. Il est donc temps d'interdire la détention de médias d'information aux groupes dont le chiffre d'affaires est substantiellement assuré par l'État.

J'en viens au rôle des rédactions. Notre assemblée s'est honorée en adoptant un amendement, présenté par notre groupe au projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, pour obliger les chaînes de la télévision publique à se doter de rédactions propres dirigées par un journaliste. Hélas, les députés de l'UMP à la commission mixte paritaire ont vidé cette disposition de son contenu. Que craignent-ils ? Les foudres élyséennes ?

En tout état de cause, l'élaboration de la charte rédactionnelle ne suffira pas à garantir l'intégrité des rédactions, car elle est conditionnée par la reconnaissance juridique de ces dernières. On attend donc beaucoup de la Conférence nationale des métiers du journalisme, puisqu'on ne peut guère envisager une rédaction sans journalistes, même à l'âge numérique. Elle devra formuler des propositions pour le futur code de déontologie annexé à la convention collective et chercher comment reconnaître les pigistes, souvent déconsidérés malgré leur apport indispensable à la presse régionale.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

L'évolution du régime des droits d'auteur des journalistes ne doit pas conduire à l'aligner sur celui du copyright : un amendement de Mme Blandin à la loi relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information de 2006 a permis d'éviter que les photographes soient victimes d'une telle dérive.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - Je conclurai en rappelant les propositions que j'ai formulées dans un rapport rédigé pour la commission des affaires culturelles : il est impossible de revaloriser la presse sans prendre à bras le corps le problème de l'éducation aux médias. (M. Jacques Legendre, président de la commission, approuve) Malgré d'heureuses initiatives, la diminution continue du nombre de postes dans l'éducation nationale rend vains nos efforts. La commission unanime souhaite que le Gouvernement et le Parlement mettent en place rapidement une telle formation. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - En trois minutes, je ne puis vous présenter qu'un témoignage. Il faut aider la presse, j'en conviens. Mais en cette période de crise, peut-on continuer à verser plus de 175 millions d'euros d'aides directes à la presse sans en exiger la moindre contrepartie ? Je ne suis pas liberticide, mais la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres. Or cela fait bien longtemps que la presse a dépassé les bornes.

Notre droit de la presse est inadapté, tant sur le fond que sur la forme, aux médias du XXIe siècle ; les victimes de diffamation doivent attendre des années pour voir leur préjudice réparé dans des proportions ridicules...

L'aide publique à la presse doit s'accompagner d'un code de bonne conduite. Pourquoi avoir exigé la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'AFP et non avec la presse écrite ?

Je passe rapidement sur internet et les blogs anonymes ; l'adresse IP ne doit pas servir à protéger les infamies balancées sur internet ni être le gage de l'impunité ! J'applaudis des deux mains à la récente décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation : certains y voient une mesure limitant la liberté de télécharger, mais c'est aussi une voie ouverte aux victimes de diffamation. (M. Jacques Legendre, président de la commission, approuve ainsi que M. Jean-Pierre Plancade) Je ne partage pas les idées de Mme Morano, mais j'approuve sa démarche contre Dailymotion : jusqu'où doit-on accepter de se faire critiquer jusqu'à l'humiliation ?

De Salengro à Pierre Bérégovoy, beaucoup d'hommes politiques n'ont pas supporté de voir leur honneur « livré aux chiens », pour reprendre les mots de François Mitterrand. Prenons l'exemple d'une plainte contre X qui n'avait pas été consignée, autrement dit qui n'avait pas d'existence juridique ; un grand journal du soir lui a consacré une page entière ! (L'oratrice brandit une page comportant un article et au milieu de laquelle figure, en énormes caractères, « Les mystères des sénateurs Goulet ») L'affaire a abouti à un non-lieu. Il faut en finir avec ces instructions médiatiques et ce mélange des genres capable d'anéantir un être humain et sa famille ! Je pense à M. Baudis, à l'affaire d'Outreau, à cet homme dénoncé par son ancienne compagne comme l'auteur des lettres anonymes envoyées au Président de la République, qui fut soumis à une campagne de presse délirante.

Nous devons obtenir que les déclarations du syndicat des journalistes, qui promettait de remettre la déontologie au coeur du métier, soient suivies d'effet. La Charte des devoirs professionnels des journalistes date de 1918 et fut modifiée en 1938 ; elle énonce que la calomnie et l'accusation sans preuves sont les plus grandes fautes du métier : les états généraux n'ont rien inventé de mieux ! Il faut être plus vigilant dans l'attribution des cartes professionnelles.

Je vous le dis d'expérience, mes chers collègues : ce genre de mésaventure n'arrive pas qu'aux autres ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme la présidente.  - Merci d'avoir respecté votre temps de parole.

M. Michel Teston.  - L'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme reconnaissent le droit à l'information, composante essentielle des libertés d'opinion et d'expression. Dans une démocratie, l'exercice de ce droit suppose que l'État assure le pluralisme de l'information sur tout le territoire et dans tous les médias.

Malgré la progression des moyens électroniques de communication, la presse écrite reste un support d'information essentiel, particulièrement dans les zones rurales où les habitants ne bénéficient pas tous, loin s'en faut, du haut ou du très haut débit.

Le rôle primordial du transport et de la distribution de la presse est d'ailleurs reconnu en France puisqu'il s'agit d'une des quatre missions de service public confiées à La Poste, garantie en principe par la loi du 21 mai 2005.

Qu'en est-il dans les faits ? Le transport et la distribution de la presse coûte 1,2 milliard d'euros par an et connaît un déficit structurel qui s'est élevé à 414 millions d'euros en 2007, compte tenu d'une contribution de l'État de 242 millions d'euros. Alors que le marché du courrier doit être totalement ouvert à la concurrence à compter du 1er janvier 2011, il faut permettre à La Poste de continuer à accomplir convenablement cette mission de service public.

Un protocole d'accord État-Presse-Poste a été signé le 23 juillet 2008 pour la période 2009-2015. Selon ses signataires, il devrait permettre de couvrir au terme de la période les coûts complets du transport de la presse, les éditeurs acceptant des hausses tarifaires comprises entre 1,5 et 4 % par an, La Poste s'engageant à réduire ses coûts nets de 200 millions d'euros et l'État réduisant progressivement sa contribution annuelle de 242 à 180 millions d'euros.

Que faut-il en penser ? L'optimisme affiché laisse dubitatif. Je constate d'abord que l'État va réduire sa contribution. Ensuite, comment ne pas s'interroger sur les conséquences de la hausse des tarifs postaux, à l'heure où les entreprises de presse sont en difficulté ? Faut-il se satisfaire de l'affirmation selon laquelle les tarifs de presse de La Poste demeureront parmi les plus abordables d'Europe ?

Enfin, que penser de l'engagement pris par La Poste de considérer cette question comme définitivement réglée dès lors que le protocole sera intégralement appliqué et, le cas échéant, de combler par ses propres moyens les déficits résiduels ? Nous risquons de voir La Poste, confrontée à la concurrence, réduire le champ de sa mission. L'État doit donc s'engager à augmenter, si besoin est, sa contribution au transport de la presse afin de garantir l'exercice de ce droit fondamental qu'est le droit des citoyens à l'information. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Pierre Fauchon.  - J'aborderai le problème de la déontologie de la presse, évoqué en termes émouvants par Mme Goulet il y a un instant.

Est-il compatible avec l'idée même de démocratie et d'équilibre des pouvoirs que le pouvoir de la presse, dont nul n'ignore qu'il est considérable, se développe au gré de ceux qui le détiennent sans aucune espèce de contre-pouvoir ?

Les procédures pénales pour diffamation et le droit de réponse ne sont que des palliatifs rarement efficaces, étant donné les subtilités de procédure dont les juges sont friands et l'habileté des rédacteurs en chef dans l'application du droit de réponse.

L'opinion est ainsi la proie désarmée d'un journalisme qui oublie trop souvent les obligations que lui imposent la liberté d'informer et les aides financières publiques, et pèche tantôt par commission, tantôt par omission. Les journalistes s'écartent de leur devoir d'informer, profitant de la liberté de commenter qui n'est pas un devoir mais un privilège. Que dire d'internet, où l'on publie des informations durables sans aucune garantie et souvent à l'abri de pseudonymes, variante moderne et redoutable des lettres anonymes !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre Fauchon.  - Je mets toutefois en garde contre le risque qu'un contrôle extérieur sur la presse porte atteinte à sa liberté d'expression, aussi sacrée que la liberté d'opinion et qui en est indissociable.

On ne saurait se contenter de créer un observatoire des problèmes de déontologie : il n'est plus temps d'observer, il faut agir et remédier ! Il ne suffit plus d'édicter des chartes mais il faut faire en sorte que le respect des règles déontologiques ne soit pas laissé à la discrétion de ceux-là même qu'elles sont supposées régir, ou d'autorités professionnelles généralement contraintes de s'en tenir à une prudence embarrassée...

Je suggère la mise en place d'un système d'autodiscipline, c'est-à-dire d'une instance auprès de laquelle tout citoyen ou groupe de citoyens pourrait trouver audience. Aux juridictions doivent être réservées les offenses les plus graves. Je songe plutôt à un organisme paritaire de médiation, sur le modèle des procédures de médiation qui se développement actuellement et paraissent très prometteuses. Cela permettrait d'apporter à ces problèmes des solutions plus délicates et mieux adaptées, depuis la confrontation des parties -qui constituerait déjà un remarquable progrès- jusqu'aux recommandations et aux avertissements dont la seule publication suffirait le plus souvent à garantir ce qu'il faut d'efficacité sans compromettre ce qu'il faut de liberté.

La liberté de la presse est sacrée, mais elle doit être exercée avec civisme et sens des responsabilités. C'est le seul moyen de remédier à la crise de confiance évoquée par M. Assouline, qui est une des causes des difficultés actuelles du secteur. Ce n'est pas celle dont les journalistes s'inquiètent en général ! (Applaudissements au centre, sur divers bancs à droite et sur quelques bancs à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Oui, la presse traverse une crise grave. Aux causes internationales, que sont l'émergence des gratuits, la montée en puissance d'internet et la crise, qui a des répercussions sur le marché publicitaire, s'ajoutent des causes propres à la France : des coûts d'impression de 30 à 40% plus élevés que dans le reste de l'Europe, un système de distribution inadapté et un métier de distributeur mal mis en valeur.

Le Gouvernement s'est mobilisé et le Président de la République a convoqué les états généraux avant d'annoncer un plan ambitieux de 600 millions sur trois ans, les 150 millions inscrits au collectif s'ajoutant aux 277 millions prévus par la loi de finances pour 2009.

La première des mesures d'urgence est un moratoire des accords presse-poste de juillet 2008. Certes, ils avaient le grand avantage de confirmer la mission de service public de la poste et de confirmer l'engagement financier de l'État pour sept ans -240 millions allant à la résorption du déficit résiduel de La Poste. Ils présentaient en outre des tarifs différenciés. Cependant la crise rendait urgent de différer leur mise en application et de prévoir une compensation intégrale du manque à gagner : 24,9 millions d'euros ont été inscrits dans le projet de loi de finances rectificative du 4 mars 2009.

Deuxième mesure d'urgence, les dépenses publiques de communication sont massivement redéployées, la part de la presse passant de 18 à 36 millions.

Enfin, certains quotidiens n'ont que de faibles ressources publicitaires ; nous envisageons de doubler l'aide pour la porter à 14 millions.

Le plan comporte aussi des mesures structurantes. Il faut en effet avancer sur le sujet des coûts d'impression. Le Président de la République a souhaité une mutualisation des imprimeries. Nous allons encourager la décentralisation et les regroupements. Nous souhaitons également la négociation d'un nouveau contrat social avec le syndicat du livre. Elle est déjà engagée pour la presse quotidienne nationale. S'agissant de la presse quotidienne régionale, sa diversité impose de procéder préalablement à un audit, mais il faudra ouvrir le chantier.

Comment moderniser le réseau des distributeurs et encourager la vente au numéro ? La rémunération des marchands de journaux n'est que de 15 à 18 % en France contre 21 à 26 % au Royaume-Uni. Nous souffrons également d'un déficit de points de vente : un pour 2 000 habitants en France contre un pour 1 000 au Royaume-Uni et un pour 700 en Allemagne -et cela représente une énorme différence !

Le premier objectif prioritaire est donc de réorganiser le réseau. L'accord entre les messageries de presse est acquis sur le plafonnement dans les points de vente. Attendu pour septembre, un accord sur la gestion de l'assortiment laissera plus de liberté aux vendeurs. Enfin, un groupe de travail est consacré au réseau.

Afin de revaloriser la rémunération des diffuseurs, ils bénéficieront dans une phase transitoire d'une exonération de charges pour 16 000 distributeurs grâce à un fonds de 16,8 millions d'euros.

L'augmentation du nombre de points de vente représente un enjeu essentiel. Arnaud de Puyfontaine est chargé de porter ces objectifs. Des expérimentations hors des contrats d'exclusivité sont en cours. Pourquoi ne trouve-t-on parfois que les quotidiens régionaux ? La réflexion sur l'implantation des nouveaux points de vente doit se situer dans le prolongement de la loi Bichet. Nous attendons enfin pour fin avril les conclusions de la réflexion sur la composition et les missions du Conseil supérieur des messageries de presse.

Avec un taux de portage de 14 %, la presse quotidienne nationale conserve d'importantes marges de progression. Le plan du 23 janvier comporte des exonérations totales de charges sociales patronales et fait passer l'aide directe de 8 à 70 millions. Le nouveau dispositif a donné lieu à concertation, il est prêt ; en revanche, la réflexion se poursuit sur la mutualisation du portage qui ne fait pas l'objet d'un accord généralisé.

Les aides, qui représentent une partie du financement de la presse, ont beaucoup contribué à son évolution. Leurs modalités doivent cependant être revues afin de favoriser l'innovation et l'investissement. Leurs critères donneront ainsi lieu à une expertise des projets. Nous essayons de favoriser l'investissement : le fonds d'aide aux services en ligne verra ainsi les dotations passer de 0,5 à 20 millions.

S'agissant des fonds propres, l'accès au mécénat est élargi et l'on peut ouvrir le droit des associations à apporter du numéraire. Dans un premier temps, le dispositif fiscal sera aménagé de manière à élargir le droit des associations de participer au financement des entreprises de presse -le rescrit est visible sur le site de l'administration fiscale ; dans un second temps, on adaptera le mécénat sous le contrôle de la Caisse des dépôts, selon des modalités à déterminer d'ici la loi de finances.

Quant aux investisseurs suisses, le Président de la République s'est dit ouvert à une remise en question des plafonds de participation en capital au profit de pays francophones, mais au cas par cas dans le cadre d'accords internationaux conclus par le ministère des affaires étrangères.

J'en viens à l'exigence, exprimée par de nombreux orateurs, d'une déontologie renforcée. De fait, nous avons tous en mémoire des articles dont les conséquences ont été terribles pour les personnes visées. L'histoire nous enseigne que la profession a toujours assumé cette tâche avec l'élaboration de deux chartes en 1918, puis en 1971. Les travaux menés lors des états généraux sous l'égide de Bruno Frappat et François Dufour ont conclu à la nécessité d'annexer un code de déontologie à la convention collective des journalistes, ce qui lui confèrera une valeur plus contraignante que la charte précédente ; code dont l'élaboration sera confiée à un comité des sages en cours de constitution et à propos duquel les organisations professionnelles sont déjà saisies.

Sur la question des droits d'auteur des journalistes, les états généraux, s'inspirant de travaux qui les ont précédés, ont recommandé d'inscrire dans la loi le principe de cession automatique des droits lors de la première exploitation pour définir ensuite, au-delà d'une période de référence et d'un périmètre de cession déterminés, le montant de la rémunération complémentaire perçue par le journaliste. Une commission ad hoc, composée à parité de représentants des éditeurs et des journalistes et présidée par un magistrat de la Cour de cassation, est chargée de mettre au point ce dispositif que nous pourrions retenir au plus tôt dans le projet de loi « création et internet ».

De même, le statut d'éditeur en ligne, dont les états généraux ont proposé des éléments de définition tels que la mise à disposition d'un contenu original, devra être gravé dans la loi pour que ces éditeurs puissent bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les autres. Leur régime de responsabilité devra être également adapté, atténué, comme en témoigne l'affaire de M. de Filippis.

La formation professionnelle doit être effectivement encouragée quand moins de 20 % des journalistes sortent des écoles reconnues par l'État. Pour autant, elle ressort de la responsabilité de la profession. Celle-ci a pour projet une formation obligatoire d'une à deux semaines sur le droit de la presse, le Gouvernement s'en réjouit.

Concernant le renouvellement du lectorat, le Gouvernement s'attache à le favoriser en offrant un abonnement aux jeunes de 18 ans, suivi d'un abonnement à tarif préférentiel durant un ou deux ans. Ce dispositif, fondé sur le volontariat des jeunes et des éditeurs de presse, suppose une action volontariste de l'éducation nationale. De plus, nous lançons une réflexion plus globale sur le lectorat avec la création au sein du ministère d'un programme de recherche et développement rassemblant des acteurs privés et publics tels que l'ANR ou encore le CNRS.

En matière de publicité sur l'alcool, nous devons trouver un équilibre entre protection de la santé du consommateur et liberté d'expression des journalistes. L'amendement distinguant information et promotion, qui a été rejeté à l'Assemblée nationale, constitue une piste à explorer que nous travaillons avec Mme Bachelot.

Enfin, l'AFP est l'une des trois grandes agences mondiales, avec 30 % du chiffre d'affaires mondial ; la seule francophone face à deux agences anglophones. Présente dans 165 pays, où elle propose des services d'information en six langues, elle fait la fierté de la France. Pour prendre le tournant du numérique, elle doit néanmoins se moderniser. Résultat du nouveau contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'État, elle n'est plus en déficit et pas moins de 30 millions, dont 20 de l'État et 10 en autofinancement, seront consacrés dans les prochaines années à sa modernisation. Pour que l'agence dispose des moyens nécessaires à cette évolution, son statut unique d'entreprise commerciale sans capital et sans actionnaires devra être modifié. Aussi ai-je demandé au président de l'AFP de faire des propositions visant à ouvrir le capital de l'agence à des acteurs publics et parapublics. Notre objectif n'est donc pas de privatiser, mais de donner à l'agence les moyens de l'indépendance qui a fait son succès ! (Applaudissements à droite et au centre)

Conseil européen des 19 et 20 mars (Déclaration du Gouvernement)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - L'ordre du jour du Conseil européen de printemps, que je suis heureux de vous présenter, sera, comme de tradition, consacré aux questions économiques avec la préparation du sommet de Londres le 2 avril, un rendez-vous historique durant lequel nous tenterons de trouver une réponse internationale à la crise qui continuera d'affecter durement l'économie mondiale et européenne, comme le montrent les dernières projections.

Durant sa présidence de l'Union, la France s'est attachée à favoriser une réponse concertée et coordonnée à la crise avec la mise au point de mesures d'urgence en faveur du secteur financier et bancaire en octobre -mesures qui se sont révélées essentielles pour les entreprises- et d'une boîte à outils pour soutenir l'activité économique en décembre. Au plan international, l'appel de la France et de l'Union à une réforme du système financier international a porté ses fruits et conduit au sommet de Washington du 15 novembre.

Les mesures de garantie et de recapitalisation préventive arrêtées conformément au plan d'octobre ont permis d'éviter une débâcle financière. Une forte impulsion budgétaire a été donnée : au total, l'effort de soutien à l'économie engagé représente plus de 400 milliards d'euros, soit une contribution comprise entre 3 et 4 % du PIB. Le jeu des stabilisateurs automatiques, puissants dans les pays européens, y est inclus. En effet, pourquoi des pays dont le système social est coûteux et participe à la relance ne comptabiliseraient-ils pas ces sommes dans ce cadre ?

Nous devons poursuivre cet effort et préserver le rôle d'impulsion de l'Union : c'est l'enjeu assigné au prochain Conseil européen, comme l'a rappelé le Président de la République il y a quelques jours à Berlin, en accord avec la chancelière fédérale d'Allemagne. Cela a demandé du travail, mais la France et l'Allemagne sont convenues de renforcer et réorganiser le système financier international.

Nous attendons de ce Conseil l'expression de trois volontés. Tout d'abord, une volonté d'action, pour poursuivre et renforcer nos efforts communs en réponse à la crise. Des mesures nouvelles sont indispensables pour assurer la stabilité et la surveillance du système financier. C'est une condition nécessaire au retour de la confiance et à un assouplissement durable des canaux de crédit. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions et nos régions : les efforts fournis par les banques sont insuffisants pour garantir aux PME et aux TPE un bon financement, et donc une relance forte de l'activité économique.

Dans cette perspective, nous souhaitons d'abord que le Conseil fixe une orientation et un calendrier précis pour la mise en oeuvre du rapport Larosière sur la supervision en Europe. Les premières décisions devront être prises en juin. Dans la communication présentée en vue du Conseil européen, la Commission a confirmé y être prête : nous nous en félicitons et jugerons les actes.

Votre commission des finances a entendu Jacques de Larosière aujourd'hui même : je ne reviendrai donc pas sur le détail du rapport qu'il a présenté le 25 février dernier. Nous en appuyons les recommandations sur la supervision : leur mise en oeuvre rapide doit permettre de combler les graves lacunes que la crise financière a révélées dans nos mécanismes de régulation et de supervision.

Par ailleurs, la Commission a annoncé la présentation prochaine de nouvelles propositions réglementaires fortes dans le domaine financier : sur les rémunérations, sur l'encadrement des fonds d'investissement, sur les échanges de produits dérivés, sur l'encadrement de la prise de risque dans les établissements financiers. Derrière chacun de ces termes techniques, une question politique se dessine : la volonté de réorganiser le système financier français. La Commission a aussi approuvé le 25 février des lignes directrices sur le traitement des actifs dépréciés auxquelles il appartient désormais aux États membres de se conformer.

Nous sommes aujourd'hui au-delà des objectifs que le Conseil européen s'était fixés en décembre pour la relance -soit 1,5 % du PIB et 175 millions d'euros. Il ne s'agit donc pas aujourd'hui d'échafauder de nouveaux plans de relance mais de poursuivre la mise en oeuvre des mesures prises et de mieux orienter les efforts vers les secteurs structurants de nos économies. Nous estimons ainsi important que des voies soient tracées pour de nouvelles initiatives, notamment de nature sectorielle, dans le domaine de la recherche et de l'innovation, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises.

De façon plus générale, des progrès sont nécessaires dans la coordination de nos politiques économiques. Le 12 mars dernier, lors du conseil des ministres conjoint, l'Allemagne et la France sont convenues de « renforcer la coordination de leur politique économique contre la crise économique et financière ». Je souhaite que cet accord soit l'amorce d'une évolution plus large en Europe. Pour bâtir une politique économique européenne commune, la France et l'Allemagne doivent renforcer la coordination de leurs actions contre la crise.

Nous attendons ensuite de ce Conseil européen la confirmation de la volonté de solidarité que nous devons aux pays européens les plus vulnérables, en particulier nos partenaires d'Europe centrale et orientale. Le débat s'est parfois concentré ces derniers jours sur la question de l'assouplissement des critères ou du calendrier d'entrée dans la zone euro : il paraît difficile pour le moment d'aborder ces sujets, par ailleurs réglés par les traités. En revanche, nous devons identifier les mesures supplémentaires, en particulier financières, qui peuvent être prises pour assister nos partenaires en difficulté et pourraient s'ajouter aux 25 milliards déjà débloqués en ce sens.

Enfin, le Conseil européen doit exprimer une volonté d'unité dans la perspective du prochain sommet du G20 à Londres. Comme l'a dit le Président de la République, cette rencontre doit permettre d'aboutir à des résultats forts, substantiels et concrets dans la mise en oeuvre du plan d'action de Washington. Tous les acteurs financiers, tous les produits doivent être soumis à des procédures de surveillance et de contrôle, voire à des sanctions, comme dans le cas des paradis fiscaux. Nous attendons des avancées concrètes sur la transparence et la régulation financières, l'intégrité des marchés, la coopération internationale et le renforcement des institutions financières internationales, tel le FMI.

J'évoquerai brièvement les autres sujets qui seront évoqués par les chefs d'État et de gouvernement. Le Conseil européen approuvera un ensemble d'orientations en matière de sécurité énergétique, concernant en particulier l'amélioration de l'efficacité énergétique, la diversification des sources et des routes d'approvisionnement, le dialogue avec les principaux partenaires énergétiques. Il arrêtera les lignes directrices de l'Union en vue de la préparation de la Conférence des parties sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague en décembre prochain. Dans cette perspective, l'Union européenne doit confirmer le message ambitieux délivré lors de la présidence française.

Au titre des relations extérieures, le Conseil européen saluera le lancement du partenariat oriental en vue du sommet qui réunira, à Prague, le 7 mai, les Vingt-Sept et les six pays concernés. Nous appuyons cette initiative qui vient enrichir la politique de voisinage dans laquelle elle s'inscrit. Parallèlement, le Conseil européen réaffirmera son soutien à l'Union pour la Méditerranée, en appelant tous les partenaires à travailler à la mise en oeuvre des projets et à la mise en place rapide de ses structures.

Enfin, le Conseil européen évoquera le processus de ratification du traité de Lisbonne et les travaux conduits pour assurer la traduction juridique des engagements pris en décembre dernier à l'égard de l'Irlande. II ne s'agira pas d'une discussion de substance -celle-ci interviendra au Conseil européen de juin- mais d'un point d'information. Naturellement, la France rappellera son attachement au traité de Lisbonne et son espoir qu'une nouvelle consultation sera bien organisée en Irlande pour autoriser son entrée en vigueur d'ici la fin de l'année.

Tels sont les principales attentes pour le prochain Conseil européen. Ces questions économiques et financières ont fait l'objet d'une feuille de route esquissée lors de la présidence française, qui a progressé lors des rendez-vous de janvier et février. Un conseil des ministres franco-allemand fondateur a scellé une nouvelle union qui nous permettra d'avancer plus forts au prochain Conseil et au G20.

Notre objectif est de conforter le rôle de l'Europe, qui doit être politique, et de rendre plus efficace le modèle de régulation qui la caractérise. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Ce Conseil européen sera essentiellement consacré à la situation économique et financière qui affecte profondément et durablement l'économie mondiale et les économies nationales. Depuis l'automne dernier, l'Europe a pris des mesures pour y faire face en réformant le secteur financier et en relançant l'économie réelle et l'emploi. Toutefois, les conséquences géopolitiques de cette crise me paraissent encore insuffisamment évaluées.

Certes, il est tout à fait compréhensible que le Conseil européen confirme la volonté des États membres d'agir dans le cadre de l'Union. Le rétablissement des équilibres et de la confiance des investisseurs, des consommateurs et des PME sont des éléments fondamentaux de la relance et de la résolution collective de la crise mondiale. Il est néanmoins significatif que le projet de conclusions sur les capacités de l'Union européenne à surmonter la crise ne mentionne que dans une annexe la nécessité de prendre en compte l'assistance aux pays en développement et de promouvoir le développement global. Ce document appelle également au respect de nos engagements d'accroissement de l'aide au développement dans le cadre des objectifs du millénaire.

L'approche économique et financière du Conseil européen, complétée par celle du G20, doit mieux appréhender l'ampleur de la crise et ses conséquences géopolitiques. A cet égard, deux rapports récents devraient être pris en compte. Le rapport annuel d'évaluation des menaces que les seize agences de sécurité et de renseignement américaines ont transmis au Sénat américain en février dernier, présenté par l'amiral Dennis Blair, identifie comme première menace pour la sécurité des États-Unis la crise économique mondiale et son impact déstabilisateur sur leurs alliés et leurs adversaires. Pour la première fois, ce risque est placé avant même le terrorisme international. Outre le recours d'un nombre croissant de pays à l'aide internationale ou au FMI, le rapport s'inquiète d'une éventuelle vague destructive de protectionnisme et d'une forte instabilité politique dans certains pays d'Amérique latine, de l'ancienne Union soviétique et d'Afrique sub-saharienne. Il met également l'accent sur les risques de flux de réfugiés fuyant les conséquences de la crise économique. Seul aspect positif, la baisse des prix du pétrole profite non seulement aux consommateurs mais limite l'aventurisme des États producteurs comme l'Iran ou le Venezuela.

Beaucoup font porter la responsabilité de cette crise aux États-Unis et aux pays développés, ce qui nuit évidemment à l'image de l'Occident dans le monde. L'amiral Blair a ainsi déclaré : « Le temps est probablement notre plus grande menace. Plus il faut de temps pour amorcer la reprise, plus il existe un risque d'effets graves pour les intérêts stratégiques des États-Unis. » L'Europe est elle aussi indiscutablement confrontée à une situation d'urgence.

Le second rapport, élaboré par le FMI, constate que la crise « remet en question les progrès considérables accomplis par de nombreux pays à faibles revenus au cours de la décennie écoulée ». Il estime à plus de 25 milliards de dollars le besoin de financement urgent pour répondre en 2009 aux besoins de ces pays. Selon Dominique Strauss-Kahn, « une baisse de la croissance pourrait avoir des conséquences graves pour la pauvreté et, peut-être, pour la stabilité politique ».

Les conséquences de cette baisse des revenus peuvent être extrêmement importantes non seulement en termes économiques, avec les répercussions que l'on peut en attendre sur l'immigration, mais aussi en termes de sécurité dans la mesure où l'extrémisme et le terrorisme trouvent un climat favorable dans la fragilisation des structures étatiques et dans la misère. Cette déstabilisation d'États structurellement fragiles peut conduire à un accroissement des conflits internes, voire interétatiques.

On peut se féliciter que la réunion des ministres des finances du G20, qui s'est tenue le 14 mars, ait souligné la nécessité d'augmenter substantiellement les ressources du FMI pour qu'il accroisse son aide aux pays en difficultés.

L'ONU est en train de préparer, avec certaines difficultés, la tenue d'une conférence sur les conséquences de la crise en matière de développement.

L'Europe et le G20 doivent adresser aux pays en développement un message clair : maintien de l'effort en faveur du développement, poursuite des objectifs du millénaire. J'observe que la conférence qui s'est tenue la semaine dernière à Londres à l'initiative des autorités britanniques tient un langage très clair sur ces questions. Gordon Brown veut faire du G20 l'occasion d'un « global New Deal », réaffirmant l'engagement du Royaume-Uni en matière d'aide au développement et la pleine actualité des objectifs du millénaire. Il reprend même à son compte l'idée française de créer un fonds fiduciaire pour aider les plus pauvres à faire face à la crise et les pays en développement à assurer une couverture sociale aux plus vulnérables.

Il conviendrait également, sans faiblesse ni complaisance, d'envisager une relance des négociations commerciales internationales engagées dans le cadre de l'OMC. La conclusion des accords de Doha devrait avoir un impact d'un à deux points sur la croissance mondiale.

Les conséquences économiques et géopolitiques du changement climatique, également à l'ordre du jour du conseil, sont elles aussi porteuses d'insécurité. La multiplication des catastrophes naturelles, la montée du niveau de la mer, l'accès à l'eau et la gestion de cette ressource et l'aggravation éventuelle de la crise alimentaire mondiale du fait de la sécheresse, qui s'ajoutent à la baisse des ressources étatiques permettant de financer les importations nécessaires, se traduiront inévitablement par des conflits et des mouvements de population.

La diminution des ressources des pays en développement ne manqueront pas d'avoir des effets écologiques, en particulier sur leur capacité à prendre des engagements conformes au protocole de Kyoto.

C'est dans cet esprit que les conclusions du Conseil appellent l'Union européenne à apporter « une attention spéciale aux besoins des pays développés les plus vulnérables » -phrase qui n'est sans doute pas à la hauteur du message politique qu'il faudrait envoyer.

Pour reprendre les propos du Président de la République lors de sa visite d'État au Mexique, pour faire face à cette crise, « la coopération n'est pas une option, c'est une absolue nécessité ». « L'histoire nous a montré », ajoutait-il, « que le protectionnisme et le repli sur soi ne sont jamais des solutions, qu'ils ne font qu'aggraver les problèmes ». C'est cette communauté d'intérêts face à la crise qui a conduit à ouvrir le G20 de Washington aux grands pays émergents. II convient de poursuivre dans cette voie et d'affirmer la solidarité de l'ensemble des pays du monde et des grands blocs économiques face à une crise globale. Je ne doute pas que ce ne soit l'intention de la France et de l'Europe. Il serait opportun que cela fût exprimé lors de la réunion du Conseil. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Ce qui apparaît un peu plus chaque jour, c'est l'incertitude quant à la gravité et à la durée de la crise. Bien sûr, on nous livre sans cesse de nouveaux pronostics, mais il suffit de regarder ce que disaient les mêmes prévisionnistes il y a un an pour conclure que leur marge d'erreur est assez large.

Dans cette grande ignorance, il est prudent de s'en tenir à la maxime de Descartes, qui rappelait que pour sortir d'une forêt, il faut avancer toujours dans la même direction. Or, ce n'est pas l'impression que donne aujourd'hui l'Europe. A l'automne dernier, nous avons eu le sentiment que l'Union, après quelques atermoiements, résistait et réagissait de concert. Mais aujourd'hui, on ne sent plus la même détermination commune.

Si nous voulons que les citoyens croient en l'Europe, c'est pourtant en de telles circonstances que cette dernière doit faire ses preuves. Nous ne sortirons pas de la crise sans rétablir la confiance. Pour cela, il faut une Europe unie et efficace, guidée par des valeurs de solidarité et de responsabilité.

La solidarité entre Européens suppose d'abord que chacun prenne sa part de l'effort de relance, sans se comporter en passager clandestin. On ne peut se contenter d'une relance en trompe-l'oeil, avec l'espoir de bénéficier à bon prix des efforts de relance des autres. L'effort conjugué doit être clair, et pleinement commun si l'on veut donner le sentiment que l'Europe appuie sans réserve sur l'accélérateur.

Car ce serait une erreur que de minorer la relance au nom de la dette. La récession n'en serait que plus marquée et in fine, le rapport entre la dette et le PIB se détériorerait tout autant. Dans un contexte de récession, l'inaction dégrade davantage les finances publiques que la relance : les recettes fiscales baissent davantage et les dépenses sociales augmentent plus vite.

Nous aimerions tous que notre dette soit moins élevée, mais gardons-nous d'être alarmistes. Elle ne l'est pas plus que celle de l'Allemagne ou des États-Unis, où elle approche, comme la nôtre, 75 à 80 % du PIB, tandis qu'elle dépasse, au Japon, 180 % du PIB, et 110 % en l'Italie. Ne compte pas, en outre, son seul niveau. Ainsi, si l'endettement de l'Espagne reste inférieur à 50 % de son PIB, les caractéristiques structurelles de l'économie espagnole inquiètent les investisseurs, avec cette conséquence que ses titres d'emprunt lui sont plus coûteux.

En tout état de cause, nécessité fait loi. Quand seul l'État peut emprunter à bon compte, il lui revient d'utiliser cette capacité pour soutenir l'investissement. Personne ne jouera ce rôle à sa place. Les États membres doivent donc se garder de paraître incertains ou fuyants et s'engager clairement et solidairement dans la voie de la relance.

La Commission européenne doit aussi donner le sentiment qu'elle est concentrée sur la lutte contre la crise. Je suis parmi ses défenseurs mais je dois reconnaître qu'il lui arrive de prendre des initiatives qui laissent pantois. Quelle image donne-t-on de l'Europe en pleine crise, à trois mois des élections européennes, en proposant de créer un vin rosé barbare issu d'un mélange de vin rouge et de vin blanc ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre) Quelle image donne-t-on en voulant faire passer, presque en catimini, un règlement qui rendrait impossible la publicité pour la plupart des fromages français, comme s'ils étaient des produits dangereux ?

Je l'ai souvent dit à cette tribune, lorsque les fonctionnaires occupent le terrain, c'est que les politiques l'ont déserté. (M. Paul Blanc approuve) Un technocrate, c'est un fonctionnaire qui n'est pas commandé. Ce n'est guère le moment, alors que nous traversons une crise sans précédent, de laisser la bride sur le cou aux fonctionnaires. (M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, approuve)

La notion de responsabilité est au coeur de la crise. Des techniques financières de plus en plus élaborées ont conduit à diluer toujours davantage la sanction du risque, créant les conditions d'une crise globale.

Pour que l'économie de marché fonctionne, il faut que les agents économiques supportent les conséquences de leurs erreurs. On ne pourra une nouvelle fois faire assumer ces conséquences par la collectivité. Pour établir la confiance, il faut aussi donner le sentiment que la dilution des responsabilités ne sera plus tolérée. Cela suppose des règles prudentielles plus strictes, dont tout le monde semble enfin reconnaître la nécessité, et qui devront à mon sens tenir compte de la taille et du rôle des établissements. Nous avons vu la FED vouloir faire un exemple avec Lehman Brothers -et beaucoup le regrettent aujourd'hui-, puis tout a été fait pour qu'aucun établissement important ne fasse plus faillite. Cette impunité assurée doit avoir pour contrepartie l'astreinte de règles adaptées à la position de chacun. On ne doit pas pouvoir gagner sur tous les tableaux.

Des contreparties doivent, de même, être demandées aux banques qui bénéficient de l'aide publique. La limitation des rémunérations des dirigeants reste un symbole. Il serait plus utile encore que les banques qui bénéficient, aujourd'hui, de la forte baisse du loyer de l'argent, la répercutent entièrement sur leurs clients, au lieu d'en profiter pour augmenter leurs marges. (M. Paul Blanc approuve)

Je me réjouis que le Conseil, malgré une actualité économique et financière si pressante, ait conservé à son ordre du jour un point sur l'énergie et le changement climatique. Car rien ne serait pire que de laisser croire que tout se ramène désormais au niveau d'activité, comme si l'envolée du prix de l'énergie, des matières premières, des produits alimentaires et les inquiétudes face au réchauffement de la planète étaient déjà oubliées.

Au-delà des fluctuations économiques, c'est notre conception du développement qui doit changer. Ce n'est qu'en conjuguant lutte contre la crise et développement durable que nous sortirons par le haut des graves difficultés que nous traversons. Et nous n'y parviendrons pas si le couple franco-allemand ne joue pas pleinement son rôle irremplaçable. Bien sûr, nos amis britanniques peuvent être des partenaires essentiels sur certains sujets importants : mais c'est avec l'Allemagne que nous aurons une force d'entraînement suffisante pour faire progresser la construction européenne dans son ensemble. C'est pourquoi je me réjouis de constater que les relations franco-allemandes semblent repartir du bon pied : nous savons, monsieur le ministre, que vous faites beaucoup pour cela.

On peut toujours tirer un bien d'un mal. La crise nous invite à changer nos comportements, au plan européen, au plan national mais aussi au plan individuel. Non point que mon intention soit ici d'entamer un sermon de carême, mais la crise nous a montré combien nous nous sommes éloignés des valeurs européennes. Nous voyons aujourd'hui où tout cela conduit.

J'ai participé à la convention qui a élaboré la charte des droits fondamentaux, puis à celle qui a préparé le traité constitutionnel. Nous nous sommes référés au plus bel héritage de l'Europe ; nous avons proclamé notre attachement aux principes de solidarité, de justice entre les générations, de développement durable, de dignité humaine. Mais peut-être n'était-ce là que des mots. Peut-être la réalité n'était-elle que la course au profit, l'indifférence à l'avenir comme au passé, le culte de la consommation. On voit où cela nous a menés.

Il faudrait en tirer les conséquences dans les politiques que nous menons et prendre au sérieux les valeurs européennes que nous proclamons. Si tel était le cas, cette crise pourrait, à long terme, se révéler salutaire pour l'Europe. (Applaudissements)

M. Roland Ries.  - La réunion du G20 qui se tiendra à Londres le 2 avril pourrait avoir l'importance historique des accords de Bretton Woods. Cette réunion devrait en effet définir pour les prochaines décennies des règles propres à éviter que de telles crises financières ne se reproduisent. L'Europe doit donc peser de tout son poids dans la décision. Tel est l'enjeu du Conseil des 19 et 20 mars. Encore faudrait-il, pour cela, ne pas être en total décalage avec nos partenaires.

Les États-Unis souhaitent que le G20 se concentre sur une politique de relance économique ; ils se sont montrés réservés sur l'instauration de nouvelles règles financières. C'est, en somme, la position inverse des pays européens ! La voix de la raison est exprimée par les socialistes européens, qui veulent voir traiter conjointement régulation financière et relance économique. La Commission vient d'établir un calendrier de présentation de mesures destinées à favoriser une régulation financière sur le sol européen. Je rappelle que les socialistes européens avaient estimé dès 2007 qu'il était indispensable d'adopter une législation européenne pour encadrer les fonds spéculatifs. D'un autre côté, on ne peut donner tort aux États-Unis lorsque ceux-ci critiquent l'insuffisance des plans de relance européens : la seule contribution financière de l'Europe à la relance économique portait sur 5 milliards : une mesurette au regard du désastre et des centaines de milliards investis par l'ensemble des pays, et qui ne fait même pas l'unanimité de États membres après six mois de concertation.

Quel bilan faire de la gestion de la crise par l'Union européenne depuis six mois ? Nous avons dû nous contenter d'une réévaluation de la mission de la Banque européenne d'investissement, d'un plan de relance des banques et de la perspective d'un accord sur les paradis fiscaux. C'est maigre et je ne suis pas sûr que les citoyens y trouvent leur compte. L'Union européenne s'est contentée d'encourager des plans de relance nationaux qui n'ont fait l'objet que d'une coordination limitée. Puissent-ils ne pas déboucher sur une cacophonie généralisée ! Nouvelle démonstration a été faite de l'impuissance de l'Union à organiser une véritable réponse collective. On a mesuré cette impuissance lors du Conseil du 1er mars, où aucune décision d'envergure n'a été prise.

Il est à craindre que le sommet extraordinaire sur l'emploi prévu le 7 mai à Prague ne se résume lui aussi à un simple échange d'expériences. Pourquoi avoir isolé la question de l'emploi et réduit la question sociale à la portion congrue ? La crise économique pourrait accroître de 7 millions le nombre de chômeurs d'ici 2010.

Les socialistes français et européens estiment qu'une autre relance est possible. Nous proposons le lancement d'un grand emprunt européen pour investir dans des travaux d'infrastructure continentaux, dans les TGV notamment. L'émission d'euro-obligations avait été évoquée début mars par le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia ; cette proposition a été aussitôt enterrée par le président Barroso. Nous proposons ensuite d'intégrer au plan de relance européen un volet social qui comprendrait la réorientation de la stratégie de Lisbonne, notamment ses lignes directrices sur l'emploi, pour mettre l'accent sur la qualité des emplois créés et la formation ; l'assouplissement des règles d'utilisation du fonds d'ajustement à la mondialisation ; l'adoption d'un pacte européen du progrès social établissant des objectifs et des normes pour les politiques nationales de solidarité, de santé et d'éducation ; la relance du dialogue social européen pour mettre les partenaires sociaux au coeur des négociations. En d'autres termes, il s'agit, parallèlement aux investissements nécessaires au développement de nouvelles infrastructures, de relancer le pouvoir d'achat des ménages à l'échelle européenne.

Ces mesures sont tout à fait envisageables, à compétences constantes de l'Union. Encore faut-il la volonté politique pour le faire. C'est à la France de pousser dans ce sens.

Deuxième question cruciale à laquelle le prochain Conseil va s'atteler : la sécurité énergétique, priorité choisie par la présidence tchèque. Celle-ci souhaite l'élaboration d'une stratégie dans ce domaine, après que la rupture des approvisionnements en gaz russe a montré l'importance de cette question. Si l'objectif est louable, les orientations libérales des solutions proposées le sont moins. La logique du marché représente un frein à la stratégie de long terme en matière de sécurité énergétique, dont nous avons tant besoin. La sécurité de l'approvisionnement est un impératif et l'on ne peut se contenter, comme le propose la Commission, de vouloir diversifier l'approvisionnement. Elle nécessite la mise en place d'infrastructures adéquates, une capacité de stockage et des réserves obligatoires, et une stratégie garantissant la solidarité des États membres.

Le Conseil sera enfin l'occasion d'évoquer la contribution financière que l'Union sera prête à mettre sur la table de la conférence internationale de Copenhague sur le changement climatique. A cette heure, malgré les négociations au sein du conseil environnement et au sein de l'Écofin, on ne voit aucun accord poindre à l'horizon. L'Europe s'est montrée jusque-là ambitieuse sur la réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Il serait bon qu'elle ne le soit pas moins à propos de sa contribution financière en faveur des pays en voie de développement qui, eux aussi, devront fournir un effort. C'est aussi sa responsabilité que de les aider.

Il ne vous aura pas échappé qu'en dépit des apparences, la crise financière, la politique énergétique et le changement climatique sont des sujets intimement liés. La lutte contre le réchauffement climatique est à même de renouveler l'économie européenne, de créer les conditions d'une croissance écologique et innovante, source d'emplois et de richesses pour les Européens. C'est à ces conditions que le prochain sommet du G20 peut contribuer à sortir les pays d'Europe des graves difficultés dans lesquelles ils s'enlisent jour après jour. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; MM. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et Jean Bizet applaudissent également)

M. Denis Badré.  - Nous sommes à l'avant-veille d'un Conseil européen « critique » puisque nous sommes en temps de « crise » et que, comme le dit le grec, la krisis est le moment de la décision.

Pragmatisme et imagination, volonté politique et sens des responsabilités doivent se conjuguer. Et c'est alors que les fondamentaux reprennent leurs droits. L'Europe est la solution, et l'Europe, c'est nous, les Européens. Ses succès seront les nôtres, ses échecs seront les nôtres.

C'est pourquoi nous devons soutenir la présidence tchèque, sans défaillance ni arrière-pensée. Présider l'Union, c'est rendre un service à tous ; nous devons tous jouer le jeu. Il n'en est que plus désolant d'entendre le président tchèque se vanter d'user de tous les moyens dilatoires pour retarder la ratification du traité de Lisbonne qu'il a signé.

Nous vivons une crise financière, une crise économique, une crise sociale, une crise de la société. Dans ces conditions, si l'Union européenne n'existait pas, il faudrait d'urgence la créer. Jamais, dans le monde, les inégalités entre États n'ont été aussi profondes. Les inégalités s'accroissent, les tensions militaires se multiplient. Il faut donc absolument bâtir un partenariat durable avec la Russie et aller dans le sens d'une défense européenne.

Nous devons réaffirmer les valeurs de l'Union européenne, qui sont aussi celles que défend le Conseil de l'Europe devant qui je parlais ce matin : droits de l'homme, primauté du droit, démocratie.

Nous sommes à trois mois du renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne. Ce doit être l'occasion d'envoyer un message fort : si par malheur l'abstention l'emportait le 7 juin, nous le paierions ensuite au prix fort.

Dans un monde qui se cherche, l'Europe doit se renforcer sur la base de solidarités internes qui doivent sans cesse être réaffirmées. Ne nous formalisons pas de voir les pays d'Europe centrale et orientale se concerter, ils en ont bien le droit et c'est plutôt sain. L'exemple du couple franco-allemand est là pour le rappeler, un couple qu'il faut encore renforcer, c'est une priorité absolue si nous voulons que l'Europe retrouve son élan. Je sais que vous vous y attachez, monsieur le ministre. Ne marginalisons pas les pays d'Europe centrale et orientale, ne les renvoyons pas avec commisération à leurs difficultés. On a dit un peu vite qu'ils se tournaient vers le FMI parce qu'ils ne trouvaient pas de réponses au sein de l'Union ; celle-ci, dans les situations exceptionnelles, doit exercer sa solidarité puis, le cas échéant, jouer les intercesseurs avec le FMI. Nous ne devons pas nous réjouir d'être moins frappés que d'autres, que la Grande-Bretagne, en première ligne de la crise financière, ou que l'Allemagne, dont le solde commercial est moins sympathique aujourd'hui qu'hier ; nous sommes embarqués dans la même aventure, les difficultés et les échecs des uns sont aussi ceux des autres.

Alors que faire ? Vous soutenir lorsque vous souhaitez que l'Europe parle d'une seule voix ou que l'Union propose des voies pour l'avenir lors du G20 d'avril. Vous soutenir lorsque vous rappelez que le protectionnisme soulage à court terme mais est porteur de graves désillusions, qu'il faut des mécanismes de supervision et engager la lutte contre les paradis fiscaux. Vous soutenir encore lorsque vous dites que les mesures de relance ne doivent pas plomber les déficits ni faire exploser une dette déjà insupportable, M. Haenel en a parlé. Vous devrez veiller à ce que les collectifs qui nourrissent la relance ne contiennent que des mesures temporaires, veiller aussi à poursuivre les réformes afin qu'en sortie de crise, nous puissions reprendre l'assainissement définitif de nos finances publiques...

Que faire encore ? Écouter peut-être ceux qui prônent un grand emprunt européen. Ma religion n'est pas faite, mais on ne peut repousser l'idée d'un revers de main ; avez-vous eu un débat avec nos partenaires sur le sujet ? Ce serait d'ailleurs l'occasion de réexaminer la question du budget européen, un budget qui ne ressemble à rien, dont les recettes sont décidées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen et le Conseil. Ce n'est pas la démocratie, un tel système n'a pas d'avenir. Il est peut-être temps de cesser d'éluder la question.

Il est des domaines dans lesquels nous allons progresser naturellement, irréversiblement, comme la remise en cause du secret bancaire ou des paradis fiscaux. Nul ne pourra complètement se dérober. Au-delà, il est impératif que l'Union se dote d'une véritable politique industrielle commune. Il y faudra de la volonté politique, mais elle est attendue et tout à fait nécessaire. Nous avons su créer une politique de la concurrence, une monnaie unique, un marché unifié, peut-être était-ce plus facile parce que nous étions moins nombreux. Raison de plus pour nous donner la capacité de décider à Vingt-Sept, raison de plus pour que le traité de Lisbonne soit ratifié rapidement. Je crains que les Irlandais, qui subissent durement la crise, n'imputent leurs difficultés à l'Europe ; ce serait une catastrophe. Il faut tout faire pour qu'ils comprennent où est leur intérêt, comme celui des 500 millions d'Européens qu'ils retiennent en otages (murmures sur les bancs CRC), il faut que leurs gouvernants s'engagent, il faut que le commissaire irlandais accepte de « se mouiller », que tous expliquent aux Irlandais ce que deviendraient l'Irlande et l'Europe sans l'Union.

Sur d'autres points clé, il faut la volonté de décider. Le temps est venu de passer des discours aux actes sur la stratégie de Lisbonne, la méthode actuelle des coordinations est sympathique, mais inopérante. Nous avons besoin d'une politique commune de l'économie de la connaissance, de la recherche et de l'innovation : hors de ce choix, nous ne serons pas à la hauteur des défis du monde et ce choix est indispensable, si nous voulons que l'Europe sorte vite et haut de la crise et joue son rôle au niveau mondial. Le temps est décisif, nous devons être à la mesure des exigences du monde moderne. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Billout.  - Alors que le taux de chômage dans la zone euro a atteint 8,2 % en janvier, alors qu'on compterait 13 millions de chômeurs en Europe, l'emploi n'a pas trouvé sa place dans l'ordre du jour du prochain Conseil européen, les Vingt-Sept renvoyant ce sujet au sommet informel de Prague du 7 mai. Nous le déplorons. L'ordre du jour du Conseil sera ainsi dominé par des questions techniques, par la seule dimension financière de la crise et la préparation d'un G20, en avril, qui prétend vouloir « révolutionner » le capitalisme. Ainsi la crise est-elle devenue un alibi de choix pour demander une nouvelle fois des sacrifices aux salariés. Lors du conseil « emploi » du 9 mars, les États ont adopté le rapport conjoint sur l'emploi 2008-2009 de l'UE qui les engage à accroître la flexibilité sur le marché du travail. Le président de la BCE, M. Trichet, lui, appelle de ses voeux des baisses de salaires pour relancer l'économie. Les Vingt-Sept ont exclu toute possibilité de définition d'une politique commune industrielle, assimilée par eux à du protectionnisme. Si le plan automobile français a été validé par la commission, toute dimension européenne a été écartée et le recours à de tels plans strictement encadré. Telle est la politique économique de l'Union : une politique concurrentielle particulièrement intégriste, dont les effets sont ceux que l'actualité nous offre, la suppression par exemple de 1 200 emplois par le groupe allemand Continental dans l'Oise, ce que nous condamnons avec force.

Ce refus d'investir le champ industriel et social s'explique par la nature même de la construction européenne, fondée sur la concurrence libre et dévastatrice, mais aussi par la faiblesse du budget de l'Union, qui ne lui permet pas d'impulser de véritables politiques. Le plan de relance européen est une simple compilation de plans nationaux peu cohérents, les États accordant en désordre 1 800 milliards d'euros de garanties publiques et 280 pour recapitaliser les banques, sans aucun contrôle de l'usage des fonds. Comment penser l'Europe comme une force économique et politique de premier ordre si on la prive de ressources financières ? Il serait temps d'étudier la proposition du gouvernement autrichien de créer une taxe sur la circulation des actifs financiers pour financer le budget européen.

L'Europe ayant été construite sur les bases de la libre concurrence, toute intervention publique, et donc toute politique de développement industriel ou des services publics sont exclues. La Cour de justice des communautés reconnaît d'ailleurs la primauté du droit de la concurrence sur les droits fondamentaux... Obtenir aujourd'hui un consensus sur la nécessité d'élaborer une directive-cadre sur les services d'intérêt général, notamment sociaux, est bien difficile. Si le conseil « compétitivité » du 5 mars a reconnu qu'il était nécessaire d'accorder toute l'attention qu'elle mérite à la dimension sociale du marché intérieur et aux services d'intérêt général, les Vingt-Sept se sont bien gardés d'en demander une traduction législative.

C'est cette logique qui a conduit à la financiarisation accrue de l'économie et à la généralisation des pratiques de dumping social, écologique et environnemental. La crise a été à l'évidence nourrie par le modèle libéral ; mais les dirigeants européens font preuve d'un autisme déroutant. Lors du conseil « emploi », le vice-premier ministre tchèque, M. Petr Ne?as, a affirmé que les mesures prises « ne devraient pas mettre en danger la viabilité à long terme des finances publiques ni perturber les règles du marché intérieur ». Le 1er mars, le président du Conseil déclarait de son côté : « nous devons souligner le rôle vital joué par le marché unique pour la vitalité de l'économie européenne ». La commissaire Neelie Kroes affirmait dans le même temps que « le marché unique est notre bien le plus précieux et nous devons le protéger ». Aucune inflexion du modèle ultralibéral n'est donc à attendre ! La Commission veut au contraire aller toujours plus loin dans le démantèlement des services publics et la financiarisation de l'économie, option illustrée par la fameuse directive « services », dont le conseil « compétitivité » a rappelé l'importance le 5 mars et que nous devons transposer cette année. J'ajoute que Bruxelles, dans un récent projet de règlement, veut réintégrer le principe du pays d'origine. Ce procédé est honteux.

La libéralisation est un des critères d'adhésion à l'Union ; l'élargissement du marché commun concurrentiel combine l'intérêt des nouveaux entrants comme des anciens. Mais ce sont ces critères qui ont rendu les premiers plus vulnérables à la crise... Les neuf pays ayant adhéré en 2004 et 2007 se sont réunis pour demander à l'Union, au regard de leurs difficultés, de prendre des mesures exceptionnelles : les Vingt-Sept ont refusé.

L'ordre du jour du Conseil européen de printemps prévoit qu'un point sera fait sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, notamment au regard des propositions du rapport Larosière. Ce n'est pas très enthousiasmant, d'autant qu'il n'y a aucune marge de manoeuvre, puisque les mesures devront tenir compte des impératifs du Pacte de stabilité... Le Conseil doit aussi souligner « la détermination des États membres à respecter les principes fondamentaux du marché intérieur et la nécessité d'en approfondir encore le fonctionnement ». C'est dire qu'on va accélérer encore le rythme des réformes pour tenter de préserver un système économique défaillant. Le point relatif à l'énergie en est une bonne illustration.

En effet, le Conseil européen doit rappeler « l'importance d'un marché intérieur de l'énergie opérationnel et efficace ». Nous savons pourtant que le marché ne préserve pas les ressources naturelles. C'est pourquoi notre assemblée a presque unanimement adopté en juin 2007 le rapport Approvisionnement électrique, l'Europe sous tension, qui recommandait la maîtrise publique du secteur énergétique. Le Gouvernement doit maintenant transmettre le message au niveau communautaire, notamment au Conseil européen.

L'unité de façade sur le plan énergie-climat dissimule des différences d'approche fondamentales dont témoigne le refus opposé par les principaux États contributeurs aux projets d'infrastructure présentés par la Commission européenne. L'éternel principe du laisser-faire confie donc la vie commune aux intérêts financiers. Les actionnaires des firmes énergétiques percevront de confortables dividendes, malgré un service dégradé, alors même que les tarifs s'envolent. Le groupe Total en offre un bel exemple.

Nous demandons qu'un bilan des politiques de libéralisation soit dressé, nous voulons réorienter la construction européenne en direction d'une Europe sociale où des coopérations efficaces permettraient de partager le progrès.

Mais la situation financière ne doit pas dissimuler la profonde crise de légitimité démocratique de l'Europe. Aucune remise en question n'est envisagée, puisque l'adoption du traité de Lisbonne est considérée comme un fait acquis. A ce propos, je ne pense pas que les Irlandais aient pris en otage les Européens, ce sont les citoyens de l'Union qui ont été bâillonnés.

M. Denis Badré.  - Chacun son appréciation !

M. Michel Billout.  - Pour obtenir un nouveau référendum irlandais, la Commission européenne a fait des concessions sur la charte des droits fondamentaux. Or, toute exception prive cette charte de sa portée.

Le traité de Lisbonne porte en lui les germes de la crise, avec la libre circulation des capitaux, l'indépendance de la banque centrale et l'interdiction des aides d'État. Nous continuons à contester la forme de son adoption antidémocratique comme le fond des politiques inscrites.

Vous ne voulez pas entendre les peuples qui refusent de voir la construction européenne mettre en concurrence hommes, entreprises et territoires. Nous en appelons encore au Gouvernement pour qu'une impulsion soit enfin donnée à l'Europe politique des peuples, fondée sur le progrès partagé, sur l'harmonisation par le haut dans les domaines sociaux, écologiques et fiscaux.

Au plan institutionnel, le Conseil extraordinaire du 1er mars a permis aux chefs d'État de renouveler leur confiance envers la Commission dans le combat contre la crise. Nous contestons ce retour à une Commission omnipotente, alors que la présidence française avait renforcé le Conseil européen.

Fixer l'ordre du jour est parfois complexe, mais nous regrettons que la situation internationale ne soit pas traitée, hormis les partenariats orientaux et l'Union pour la Méditerranée. Cette situation a beaucoup évolué depuis la guerre sans précédent qui s'est déroulé en janvier à Gaza, faisant plus de 1 300 victimes, dont beaucoup de femmes et d'enfants. Cette agression insupportable et les crimes de guerres qui ont été commis appellent une réaction forte de la communauté internationale, notamment de l'Union européenne.

Cette fois, l'Europe doit obtenir d'Israël l'arrêt de la colonisation et des exactions envers le peuple palestinien, base de toute reprise du processus de paix. Le rehaussement de relations avec Israël doit être abandonné jusqu'à la création effective d'un État palestinien viable et souverain. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Jean Bizet.  - A l'occasion de ce débat, je rends hommage à la présidence française pour son travail remarquable qui a fait aboutir des dossiers clés pour l'avenir de nos économies, au premier rang le paquet Énergie-climat.

Attestant le rôle moteur de notre pays sur la scène européenne, cette présidence a montré que la France pouvait conduire ses partenaires vers des compromis, notamment sur les questions économiques et environnementales, alors que le contexte aurait pu inciter au repli national. En effet, il pourrait être tentant de céder au protectionnisme face à la crise ou de reléguer les questions environnementales au second plan, mais nos économies ont plus que jamais besoin de coordination et de solidarité pour aller vers des modèles durables.

Le Conseil européen des 19 et 20 mars s'inscrit dans une crise économique et financière sans précédent. Il doit donc nous inviter au volontarisme.

Dans cette perspective, il convient de faire le point sur les progrès accomplis dans la supervision et la transparence des marchés financiers, pour voir si des mesures complémentaires doivent être arrêtées.

L'Union européenne doit renforcer la régulation financière afin de restaurer la confiance dans nos économies. L'assainissement du secteur financier en constitue la principale priorité. D'autre part, l'activité ne reprendra pas sans rétablissement du crédit bancaire, notamment en faveur des petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois.

Le plan européen pour la relance économique doit aussi faire l'objet d'une évaluation, mais il me semble nécessaire de ne pas négliger les objectifs budgétaires inscrits dans le pacte de stabilité et de croissance.

J'ajoute que les mesures nationales de relance doivent être coordonnées, l'industrie animant en priorité les réflexions. Rappelons que la part de l'industrie dans la valeur ajoutée française est passée en dix ans de 20 % à 12 %. Voulons-nous qu'une industrie européenne existe encore dans une décennie ? Si oui, l'innovation et la recherche devront être renforcées. Nous devrons en particulier reconfigurer l'industrie automobile pour maintenir sa compétitivité.

D'autre part, la crise économique doit conduire à de nouveaux progrès dans l'application effective de la stratégie de Lisbonne, car une meilleure employabilité des salariés permettra d'amortir la détérioration subie par le marché du travail. Une attention particulière devrait donc être accordée en emploi des jeunes, des seniors et des salariés les moins qualifiés.

Si nous voulons doter l'Europe de l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde, il faut prendre les bonnes décisions dans le soutien à l'innovation. La stratégie de Lisbonne a bien des qualités, mais elle demeure purement déclaratoire. J'approuve la suggestion de considérer comme un objectif obligatoire -et non comme un simple indicateur- la part des dépenses publiques consacrées à l'innovation.

A ce propos, quelle position l'Union européenne a-t-elle adoptée au sujet des négociations de Doha, conduites dans le cadre de l'OMC ? De façon générale, tout accord international favorisant le commerce apporte deux à trois points de croissance supplémentaire, mais les conclusions de juillet sont inacceptables !

J'en viens à quelques sujets économiques majeurs qu'il faudrait traiter en priorité avant le renouvellement du Parlement européen. L'aboutissement du paquet télécom dépendra de la capacité de la présidence tchèque à trouver un compromis sur les questions cruciales comme la régulation européenne ou l'appel par téléphone mobile vers l'étranger. La Commission européenne s'est prononcée contre la création d'une autorité européenne, car elle préfère harmoniser les pratiques nationales. Elle a également rappelé qu'il fallait mieux protéger les droits des consommateurs de communications électroniques, notamment en matière tarifaire.

Le dossier de l'énergie et du changement climatique doit également faire l'objet d'un compromis pour conforter la sécurité énergétique de l'Union à moyen et long terme. Les voies et moyens à privilégier ont été parfaitement identifiés par les travaux sénatoriaux, notamment ceux de MM. Sido et Deneux. Il convient de développer les infrastructures énergétiques, d'augmenter les stocks de pétrole et de gaz, mais surtout de diversifier le bouquet énergétique au profit des sources renouvelables d'énergie.

Nul ne conteste la nécessité de rendre plus efficace le marché intérieur de l'énergie, mais sa libéralisation doit être envisagée avec prudence, en privilégiant une régulation qui préserve les opérateurs intégrés plutôt qu'une séparation patrimoniale qui affaiblirait de grands groupes dans un contexte économique dégradé.

En ce domaine, la crise économique offre une occasion d'accélérer la mutation économique vers un respect accru de l'environnement. La lutte contre le changement climatique est donc une priorité pour l'Union européenne et ses partenaires. Nous pouvons nous féliciter d'avoir désormais, à Washington, une administration engagée sur ce thème.

Ce Conseil européen permettra aux États membres d'arrêter les grands axes concernant le cycle de négociations de Copenhague sur le changement climatique.

Le conseil des ministres de l'environnement a déjà affiné le 2 mars la position que l'Union européenne devrait défendre. Il demande que les pays développés s'engagent sur des réductions à l'horizon 2020, en traduisant le plus vite possible les objectifs en mesures contraignantes, leurs intentions étant annoncées au plus tard à la mi-2009. Il ne faut pas sous-estimer l'importance du rendez-vous de décembre à Copenhague, car un accord international conduirait l'Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % au lieu de 20 %. Il est indispensable que les autres pays développés prennent des engagements similaires, afin d'éviter tout dumping environnemental. Les pays en développement doivent également contribuer à cet effort, en fonction de leurs facultés respectives. Cela suppose bien sûr des mécanismes de solidarité financière. Le conseil environnement préconise de retenir quatre critères fondés sur l'équité économique : la richesse, le potentiel de réduction des gaz à effet de serre, l'évaluation des actions réalisées, l'évolution démographique. Il propose également aux partenaires européens de parvenir à émettre en 2050 deux tonnes de gaz carbonique par an et par habitant, contre 6,2 tonnes en France actuellement et 20,4 aux États-Unis. Nous nous félicitons de ces propositions, mais comment seront-elles financées ? Il faudra éviter de pénaliser les entreprises et l'emploi.

En définitive, je souhaite réaffirmer solennellement que l'Union européenne doit défendre une croissance durable, compatible avec la protection de l'environnement et de la santé, et que seules des réponses européennes pourront venir à bout de la crise.

Ceux qui croient en l'efficacité des solutions nationales se trompent.

Souhaitons que ce Conseil européen soit l'occasion d'aborder ces différents problèmes et d'adresser un signal fort d'unité et de solidarité entre les peuples d'Europe. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les trois « E » de la présidence tchèque seront à l'ordre du jour du Conseil européen des 19 et 20 mars prochains : économie, énergie, relations extérieures. Je me concentrerai sur la politique de l'énergie dans la perspective du partenariat oriental.

Le 7 mai prochain, la présidence tchèque lancera le partenariat oriental regroupant six États stratégiques dans le domaine de l'énergie : l'Azerbaïdjan, l'Arménie, la Géorgie, l'Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie. La sécurité d'approvisionnement est enfin devenue une priorité de l'Union européenne depuis la présidence allemande. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de cohésion communautaire mais le rapport Mandil a fait évoluer les choses ; la sécurité d'approvisionnement est désormais étroitement liée à la solidarité énergétique entre les membres de l'Union. L'absence de politique européenne de l'énergie nous a privés en 2006 d'une formidable opportunité lorsque les pays producteurs d'Asie centrale -Kazakhstan, Ouzbékistan et Turkménistan- nous ont lancé un appel. Notre indigence politique et notre manque de réactivité ont renforcé le monopole de Gazprom. Aujourd'hui, cette société achète 80 % du gaz exportable de l'Asie centrale !

Notre politique énergétique extérieure se développe au sud et à l'est, par le biais de la politique de voisinage ; un espace de sécurité, de démocratie et de prospérité se forme ainsi aux portes de l'Union. Je ne vous apprendrai pas, monsieur le ministre, que la belle Europe, enlevée par les Grecs en représailles, était une princesse phénicienne venue des rivages du Liban. Le rapprochement entre l'Union et ses voisins orientaux et méridionaux n'est qu'un retour aux origines...

Dans le cadre de son partenariat avec les pays du sud, l'Union pour la Méditerranée doit mettre en place les jonctions nécessaires pour convoyer les hydrocarbures de la Caspienne et de l'Iran vers l'Union européenne. Selon le même principe, le partenariat oriental constitue une avancée de la politique européenne de voisinage. « L'intégration sans les institutions », chère à Romano Prodi, permet de rapprocher de l'Union des pays qui souhaitent coopérer avec elle au plan économique et politique. Ce dialogue régional est un facteur de stabilisation dans des zones conflictuelles comme la Géorgie et le Nagorny-Karabakh, où se situent des voies d'évacuation majeures des hydrocarbures russes et caspiens : Bakou-Supsa, Bakou-Tbilissi-Ceyhan et Bakou-Tbilissi-Erzurum. Il marque la volonté de l'Union de s'impliquer dans la résolution des conflits « gelés » à ses portes, en Abkhazie, en Ossétie du Sud, en Transnistrie ou dans le Nagorny-Karabakh.

Il faut veiller à articuler convenablement le partenariat oriental avec la « synergie de la mer Noire », qui est animée par le même projet : créer un espace de sécurité, de prospérité et de progrès démocratique. La synergie de la mer Noire a pour objet de donner une nouvelle dynamique aux pays de la région grâce à la coopération régionale sur des sujets d'intérêt commun, au premier rang desquels l'énergie. Mais la portée de certaines actions inclut les régions voisines. Les relations avec l'Asie centrale, la Caspienne et l'Europe du sud-est s'en trouveront renforcées. Monsieur le ministre, comment comptez-vous optimiser les relations entre ces différentes structures ?

Les rapports de l'Union européenne avec la Russie sont vitaux. Celle-ci est un fournisseur majeur de l'Union -50 % du gaz et 20 % du pétrole consommés en Europe sont russes- et elle a toujours tenu ses engagements. Par l'importance de ses réserves gazières et de ses exportations et l'orientation de ses pipelines, elle est naturellement liée à l'Union par un partenariat stratégique. Je soutiens depuis longtemps une coopération accrue avec la Russie. Soyons cohérents : ne lui demandons pas à la fois de devenir une économie de marché et de pratiquer des tarifs préférentiels envers les pays qui appartenaient naguère à sa sphère d'influence. Parlons, négocions et coopérons.

La présidence tchèque lancera le corridor sud sur l'axe Caspienne-mer Noire. Pouvez-vous apporter des précisions sur son tracé ? Les pays de l'Union doivent absolument se concerter sur la réalisation d'infrastructures énergétiques : il est contreproductif et absurde que des projets s'opposent, comme Southstream et Nabucco. L'Union européenne dans son ensemble doit comprendre que son intérêt est de diversifier et de sécuriser ses sources d'approvisionnement.

Les deux principaux projets de pipelines en direction de l'Union impliquent la Russie, qui coopère avec l'Allemagne pour le Northstream et avec l'Italie pour le Southstream. C'est un partenaire tellement incontournable que le seul projet qui l'évite, Nabucco, paraît très compromis. Le sous-secrétaire d'État adjoint américain en visite à Ankara s'est opposé à la participation de l'Iran au projet Nabucco. De quoi se mêle-t-il ? (M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, s'exclame) Pis, le Conseil vient d'exclure ce pipeline des projets prioritaires de l'Union. Pourtant l'Union ne doit renoncer à aucune opportunité pour diversifier ses sources d'approvisionnement ! Il est nécessaire de coopérer avec l'Iran, non seulement pour ramener ce pays dans le concert des nations mais aussi pour s'assurer une importante source d'approvisionnement. Les États-Unis n'ont pas les mêmes intérêts que nous et notre politique vis-à-vis de l'Iran doit donc être indépendante de la leur.

La Turquie est un voisin puissant : c'est un pays de transit où aboutissent plusieurs pipelines et qui peut influer sur l'issue de certains conflits régionaux. Elle est actuellement en phase de préadhésion et ne participe pas au partenariat oriental. Pourquoi ne pas envisager le monde turcophone comme un ensemble ?

Enfin, le marché du gaz qui était jusqu'à présent régional est en train de devenir mondial, grâce au développement du gaz naturel liquéfié. Les entreprises françaises, qui sont à la pointe de cette technologie, ont des parts de marché à conquérir sur tous les continents.

Si je me réjouis des progrès évidents dans la stratégie extérieure, la politique énergétique intérieure commune reste à développer. Le découplage me semble inapproprié car il fragilise les entreprises de l'Union. Pour affronter la concurrence, il faut être plus pragmatique qu'idéologue. Monsieur le ministre, pendant combien de temps l'énergie va-t-elle demeurer le talon d'Achille de l'Europe ? Vous qui êtes un homme de culture, réalisez les rêves d'Anaximandre, ce philosophe présocratique qui avait dessiné sur la première carte géographique les contours de l'Europe, du Moyen-Orient et de la proche Asie. Rendez-lui hommage en concrétisant les routes modernes de l'énergie dont il avait rêvé en son temps. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - Lors du prochain Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement devront dégager une position commune ambitieuse avant la réunion du G20 de Londres. Il nous faut tirer toutes les leçons de la crise, au niveau mondial et européen.

Pouvons-nous faire comme si rien ne s'était passé ? La crise a ébranlé les certitudes les mieux établies. Sur le plan institutionnel, elle a vu le grand retour des États, l'effacement de la Commission et la remise en cause du fonctionnement de l'Eurogroupe qui s'est réuni au niveau des chefs d'État et en incluant un pays qui n'est pas membre de la zone euro. Pendant la crise géorgienne déjà, la présidence française n'avait pu agir efficacement qu'en sortant des dispositifs communautaires.

Seuls les gouvernements nationaux peuvent assumer la gestion d'une crise de cette ampleur, parce qu'ils sont responsables devant leurs peuples. L'heure a sonné du retour du politique et du fait national, qui n'est pas un repli sur soi mais la compréhension du fait que la nation est l'espace de solidarité, d'expression démocratique et de responsabilité politique. Comme Jean-Louis Bourlanges l'a intelligemment dit, même s'il n'est pas Anaximandre, « l'Europe n'est pas parvenue à franchir la porte sacrée du politique ». Si la présidence française fut un succès, c'est parce que Nicolas Sarkozy est sorti du carcan bruxellois pour prendre appui directement sur les États.

En outre, il est indispensable de changer le logiciel économique pour construire une Europe qui protège, alors que l'Europe a trop souvent été le fourrier d'une mondialisation sauvage. Il faut moins de dogmatisme et plus de pragmatisme, moins d'angélisme et plus de réalisme. Que reste-t-il de la doctrine économique bruxelloise ? Les règles de la concurrence et celles relatives aux aides d'État ont dû être mises de côté ; la BCE a enfin consenti à assouplir la régulation monétaire et à rompre avec son obsession de la lutte contre l'inflation ; en ce qui concerne la régulation budgétaire, les tentatives pour rappeler les États à la discipline du pacte de stabilité sont restées sans suite ; dans le domaine douanier, le désarmement commercial unilatéral au nom de la concurrence libre et non faussée a laissé place à l'idée de préférence européenne.

Si nous voulons éviter à l'avenir de nouvelles crises, il faut tirer les leçons de cette catastrophe financière. Il serait paradoxal d'exiger au plan international l'abandon d'un libéralisme débridé sans balayer devant notre propre porte européenne.

L'autre grand chantier, c'est la refondation de la régulation financière mondiale autour de trois principes.

Elle doit être contracyclique, transparente et globale. Contracyclique parce que les règles, au lieu d'être des amortisseurs de chocs, ont été des multiplicateurs de crise. Cela vaut pour les règles prudentielles et comptables, la valeur de marché n'ayant jamais exprimé la valeur intrinsèque d'un actif. Il faut réformer les règles des agences de notation dont la vision court-termiste a joué un rôle procyclique, sans oublier qu'elles payent ceux qui émettent les produits financiers les plus toxiques. Les intermédiaires financiers collectent de l'épargne à court terme pour prêter à long terme : le risque de liquidité est inhérent à l'intermédiation. Sans l'interdire, on peut l'encadrer et supprimer les rémunérations amorales. De même pour la titrisation, qu'il serait imbécile d'interdire mais qui ne doit pas diluer les risques jusqu'à les rendre invisibles.

Une refondation transparente, ensuite. Sans revenir à une économie de troc, les marchés financiers doivent dissiper l'opacité qui a détruit la confiance. Tous les marchés, toutes les institutions financières doivent être régulés en cas de crise et c'est ce qui justifie l'intervention de l'État qui est le prêteur en dernier recours.

Une refondation globale, enfin, et non locale. Des zones offshore auraient en effet bientôt ruiné les efforts des plus méritants.

L'objectif est ambitieux. Faudra-t-il une ou plusieurs réunions pour y parvenir ? On ne le sait pas mais on est sûr, dès qu'on pense aux victimes innocentes et fragiles de la crise, de ne pas avoir le droit d'échouer. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Après des discours de si haute tenue et de telles références philosophiques et culturelles, je ne vous infligerai pas une leçon au Collège de France. (Sourires) Je m'efforcerai plutôt d'apporter des réponses pragmatiques à des interrogations légitimes.

Le président de Rohan a mis l'accent sur la question malheureusement négligée des pays en voie de développement et de la solidarité. Toutes les banques, tous les États ont du mal à trouver des financements, mais aucun n'en a autant que ces pays vers lesquels les flux financiers sont revenus de 500 milliards à 100 milliards. Il est essentiel de répondre à ce défi pour que la crise économique ne provoque pas, dans ces pays, une instabilité politique qui dégénère en crise internationale. Nous devons impérativement l'éviter et la solidarité est la meilleure des solutions : le montant des fonds du FMI va donc doubler.

Il importe également de refuser le protectionnisme, qui peut être rassurant mais se termine toujours par un appauvrissement définitif du PIB. Si nous fermions nos frontières, la souffrance des pays en voie de développement serait insupportable. Gardons cela à l'esprit contre la tentation protectionniste.

Il en va de même à l'intérieur de la zone européenne, où nous avons impérativement besoin de solidarité : aucun pays européen ne doit décrocher. J'ai rencontré le ministre des finances hongrois : ce pays a besoin d'assistance ; on peut lui offrir des perspectives d'adhésion. Il ne s'agit pas de revenir sur les critères de la zone euro, ce qui affaiblirait celle-ci, mais de proposer un calendrier, un chemin, une visibilité. Quand un pays voit sa monnaie perdre 30 % depuis le 1er janvier, que sa population s'appauvrit semaine après semaine, il faut des perspectives politiques et de la solidarité.

Il y a une règle politique, monsieur Haenel, plus on approche de la décision, plus elle devient difficile. En novembre et décembre, sous la présidence française, tout le monde était d'accord pour réguler, supprimer les paradis fiscaux, contrôler les fonds souverains, revoir le fonctionnement des agences de notations, dont a parlé M. Retailleau, et la refondation du capitalisme mondial suscitait l'unanimité. Les positions se durcissent, des divisions apparaissent entre la France et l'Allemagne d'une part, et la Grande-Bretagne d'autre part, qui n'a pas les mêmes intérêts et qui n'est pas prête à aller aussi loin. Le G20 de dimanche a néanmoins adopté une position commune. Nous souscrivons aux principes annoncés et voulons des décisions concrètes et précises.

Il ne faut pas minoriser la relance européenne. On peut observer sans polémique que quand le président américain décide que chaque chômeur recevra 500 euros, cette somme est comptée dans le plan de relance. Nous, nous avons un revenu minimum, des amortisseurs automatiques qu'il est légitime de comptabiliser et dès lors, nous atteignons le chiffre de 440 milliards que j'indiquais tout à l'heure, soit 3,3 % du PIB. Notre plan est massif. On peut débattre entre 3 et 5 % du PIB mais il faut d'abord se mettre d'accord sur ce qui se fait. Je n'admets donc pas qu'on ne tienne pas compte des stabilisateurs automatiques et je préfèrerais qu'on commence par mettre en oeuvre ce qui a été décidé.

La crise financière est issue d'un endettement privé massif, favorisé et amplifié dans des proportions insupportables par les dérèglements financiers. Cet endettement privé est né aux États-Unis d'un décalage entre la productivité des salariés et le niveau des salaires. Prenons garde à ce que la sortie de crise ne substitue pas un endettement public à cet endettement privé car la dette américaine n'étant pas financée comme la nôtre, nous y perdrions en compétitivité comme en redistribution de pouvoir d'achat. C'est pourquoi nous avons décidé de travailler conjointement avec l'Allemagne : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont écrit au Premier ministre tchèque pour lui faire part de leur volonté de réduire la dette et de limiter les déficits publics.

Enfin, l'idée de produire du vin rosé en mélangeant du blanc et du rouge témoigne d'un désamour pour le vin et est un produit regrettable de la comitologie européenne. M. Barnier a déjà souligné que ce n'était pas acceptable et que nous continuerions à le produire comme il faut.

L'Europe politique passe par des relations fortes, rigoureuses et équilibrées entre la France et l'Allemagne.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État.  - L'Europe manque actuellement d'imagination. La Commission, qui sera bientôt renouvelée, n'a plus autant de capacité d'initiative. Même si la Présidence tchèque fait tout son possible et le fait bien, la crise nous renvoie à la réalité des rapports de force : l'Europe ne progressera que si la France et l'Allemagne sont d'accord. Depuis trois mois, j'y consacre toute mon énergie lors de séjours hebdomadaires à Berlin car c'est pour moi la seule solution pour sortir de la crise et se diriger vers une Europe politique.

Monsieur Ries, s'il faut, certes, lier plan de relance économique et réorganisation du système financier, gardons-nous, sur le plan de la méthode, de mettre ces deux sujets à l'ordre du jour des conférences internationales. Car, fort de ma modeste expérience de diplomate, je sais que diluer l'agenda, c'est diluer les résultats concrets qu'attendent nos concitoyens ! Si nous parvenons, lors de la prochaine réunion, à obtenir des décisions concrètes sur les fonds spéculatifs -ils pouvaient avec un euro acheter des immeubles à un million de dollars à Miami ou à Singapour !-, les rémunérations des dirigeants d'institutions financières et les paradis fiscaux, nous pourrons être satisfaits ! La coordination des plans de relance, l'un des objectifs de ce gouvernement, progresse. A preuve, pour la première fois, les gouvernements français et allemand, dans leur déclaration conjointe à l'issue de leur dernière rencontre, ont précisé vouloir coordonner leur politique économique. Si un plan de relance collectif est pour l'heure impossible en l'absence d'un véritable budget communautaire, l'Europe a montré, avec les 7 milliards que la Banque européenne d'investissement a débloqués pour soutenir l'innovation et la recherche dans l'industrie automobile, qu'elle était capable de se mobiliser pour faire face à la crise.

La question de l'emploi, dont je mesure combien elle est cruciale pour nos concitoyens à chacun de mes retours en circonscription, gagnera effectivement à être traitée au niveau européen s'agissant de la formation, de l'indemnisation du chômage technique ou encore du temps partiel. Cela permettra également de faire prendre conscience à certains États membres que la question sociale est une question européenne.

Monsieur Badré, sans être fermé à l'idée d'un emprunt européen, cette solution, en l'absence de capacités fiscales européennes propres, alourdirait la charge financière des États. L'Allemagne y est opposée, nous devons en tenir compte pour obtenir son soutien sur d'autres sujets.

S'agissant de la Présidence tchèque, nous entretenons des contacts réguliers avec le ministre en charge de l'Europe et le Premier ministre et, s'agissant des propos du Président de la République tchèque, selon la formule consacrée,« tout ce qui est excessif est insignifiant ».

La réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan ne fait en rien obstacle au renforcement de la défense européenne, laquelle suppose un budget, la définition d'intérêts collectifs -nous nous y sommes employés sous Présidence française- et un état-major de commandement opérationnel européen.

La crise ne doit pas provoquer le retour de fractures, il nous faut maintenir à tout prix l'unité de l'Europe et notre effort de solidarité à l'égard des pays d'Europe centrale et orientale. Créer des oppositions entre anciens et nouveaux États membres, ce serait revenir sur la manière dont l'Europe s'est construite en effaçant les anciennes divisions. M. Haenel, au banc, me glissait que cela le faisait penser à ce vers de la fable « Les animaux malades de la peste » de La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » ...par la crise. Trouvons des réponses collectives !

Enfin, je me bats pour la mise au point d'une stratégie industrielle commune, que M. Billout a également évoquée. Au Parlement européen, je suis parfois d'accord avec les communistes. La concurrence ne doit pas être l'alpha et l'oméga de la construction européenne. Dans un entretien récent à La Tribune, j'ai souligné que les trente prochaines années devraient plutôt être consacrées à la mise au point d'une politique de coopération. Prenons l'industrie automobile, plutôt que d'attendre que la concurrence n'aboutisse à la disparition d'un constructeur, finançons un moteur électrique à prix raisonnable, ce qu'aucun groupe européen n'a aujourd'hui les moyens de faire, rapprochons les laboratoires et créons des synergies. C'est ainsi que nous parviendrons à sortir plus forts de la crise !

Monsieur Billout, le meilleur moyen de prévenir le dumping social est la stratégie de convergence. A preuve, depuis son adhésion à l'Union, la Hongrie a vu son salaire minimum progresser de 400 à 700 euros. Les pays d'Europe centrale et orientale connaîtront le même rattrapage économique observé au Portugal, en Espagne et en Grèce au début des années 1980.

Je ne partage pas votre analyse sur la crise de légitimité démocratique. Comment pouvez-vous réclamer davantage de légitimité tout en vous opposant au traité qui renforce les pouvoirs du Parlement européen -surpassant même nos mandats nationaux, je le répète durant la campagne- et crée une véritable démocratie européenne ?

Monsieur Bizet, l'industrie française et européenne est une priorité absolue, et les questions de l'innovation et de la dette sont les deux grands défis de la sortie de crise. A cet égard, j'estime que la stratégie de Lisbonne n'est plus suffisante en ce qu'elle ne fixe pas d'indicateurs mais seulement des obligations négatives. Seules des obligations positives en matière d'innovation, de recherche, de parcours universitaires permettront de faire progresser la construction européenne : cette dernière ne doit pas être ressentie comme un carcan mais comme une oeuvre positive.

Pour ce qui est des négociations de l'OMC et de Doha, nous voulons un accord global et équilibré. Dans le domaine agricole notamment, nous ne pouvons faire davantage de concessions : la balle est aujourd'hui dans le camp de nos partenaires.

M. de Montesquiou a abordé la question de l'approvisionnement énergétique. La diversification est indispensable et nous cherchons de nouvelles voies de circulation des hydrocarbures en Europe, en Asie centrale et en Russie. Nous sommes favorables aux trois projets en cours, complémentaires, mais qui présentent chacun des difficultés particulières. Southstream pose un problème de tracé et de financement, Nabucco ne sera rentable que si les relations avec l'Iran s'améliorent pour nous garantir un approvisionnement. Quant à Northstream, il se heurte à la réticence de la Pologne de voir l'Allemagne conclure un accord avec la Russie -je m'y rendrai bientôt pour en discuter. Il soulève également un problème environnemental car il traverserait des lieux protégés en mer Baltique : les solutions possibles multiplieraient les coûts de construction du pipeline par deux ou trois.

Vous avez cité Anaximandre. Heidegger a écrit un très beau texte sur un fragment de cet auteur : « Rien ne reste de ce qui a passé ; ne passe que ce qui ne reste pas.». J'espère que l'Europe jamais ne passera et que resteront ses réalisations ! (Applaudissements à droite et au centre)

Le débat est clos.

Acte est donné de cette déclaration du gouvernement qui sera distribuée et imprimée.

Prochaine séance, mercredi 18 mars 2009 à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 18 mars 2009

Séance publique

A QUATORZE HEURES TRENTE

- Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la première partie de la session ordinaire -2009- de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement ;

- de M. Bernard Saugey une proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux ;

- de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n°81, 2008-2009) ;

- de M. Jean Milhau un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n°159, 2008-2009) ;

- de M. Rachel Mazuir un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n°160, 2008-2009) ;

- de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°190, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n°81, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n°159, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n°160, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement (n°175, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n°190, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n°191, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OPCI-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français (n°193, 2008-2009) ;

- le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l'enseignement scolaire des deux États (n°498, 2007-2008).