Modernisation des institutions de la Ve République (Deuxième lecture - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 18 (Suite)
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Lambert.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le dernier alinéa du même article est complété par les mots : « et par la commission saisie au fond ».
M. Alain Lambert. - Le sujet est d'une complexité qui me fait frémir. Le principe du vote bloqué -l'article 44-3 de la Constitution- ne saurait être remis en cause : la procédure est utile pour accélérer un débat, surmonter une obstruction, revenir sur des petites erreurs, et elle permet au Gouvernement de conserver la maîtrise du déroulement de la discussion. En revanche, le contenu des amendements soumis au vote pourrait être agréé par la commission saisie au fond. L'expression de la représentation nationale serait ainsi mieux prise en compte et, en cas de désaccord sur un amendement, celui-ci ne sera pas soumis au vote bloqué. Toutefois, afin de préserver les droits du Gouvernement, une deuxième délibération, individuelle, serait alors possible.
M. le président. - Amendement n°66, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un amendement a été adopté par une assemblée, le Gouvernement ne peut demander une nouvelle délibération de l'article amendé au cours de la même lecture devant ladite assemblée. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°122, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Nous encadrons le pouvoir d'amendement du Gouvernement en proscrivant, dans des limites précises, les cavaliers législatifs. En effet, le Gouvernement peut déjà présenter quand il le souhaite, y compris au dernier moment, sans que la commission ait le loisir de l'examiner, tout amendement. Et cela est suffisamment gênant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La plupart de ces amendements ont déjà été rejetés en première lecture. Avis défavorable aux n°s62 et 121, comme au n°63 et au n°64. Défavorable également au n°65, car le recours à l'article 49-3 sera très encadré. Un cadre commun à l'exercice du droit d'amendement a déjà été instauré, restons-en à cette rédaction : défavorable au n°8. L'amendement n°24 revient à limiter la portée du vote bloqué, lequel fournit à l'action de l'exécutif une garantie d'efficacité : avis défavorable. Quant au n°66, la seconde délibération demandée par le Gouvernement donne une souplesse à la procédure législative : défavorable. Enfin, avis défavorable au n°122 comme au n°64.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Défavorable aux n°s62 et 121. Il n'y a pas ici d'atteinte au droit d'amendement ! Quant à la référence à la loi organique, elle a pour but d'assurer entre les deux assemblées une cohérence de traitement des amendements du Gouvernement. Le n°63 est en contradiction avec le deuxième alinéa de l'article 44. La clarté et la sincérité du débat exigent un examen des amendements organisé. Défavorable.
Les amendements n°s64 et 122 reprennent une proposition du comité Balladur que le Gouvernement n'a pas retenue. La jurisprudence nous prémunit parfaitement contre toute dérive du droit d'amendement du Gouvernement. Défavorable, donc. Même avis sur le n°65 car le vote bloqué doit être employé avec parcimonie mais il est utile. Le projet de loi renforce déjà considérablement les pouvoirs du Parlement.
Défavorable au n°8, le règlement des assemblées ne saurait contenir des limitations au droit d'amendement du Gouvernement. Régler les modalités d'examen des amendements, oui ; mais contraindre l'exercice de son droit par le Gouvernement, et de façon différente selon l'assemblée, n'est pas envisageable.
Je peux comprendre que M. Lambert souhaite un droit de regard de la commission sur les amendements de seconde délibération. Sa proposition est équilibrée, elle ne remet pas en cause la procédure de l'article 44-3. Mais le Gouvernement est attaché à un instrument qui lui permet de faire valoir son point de vue, notamment en cas de désaccord profond avec la commission. Retrait ou rejet. Enfin, avis bien évidemment défavorable au n°66.
M. Bernard Frimat. - Si nous demandons un scrutin public sur notre amendement n°121, c'est que l'article 18 est l'un des plus importants.
Vos paroles ne nous ont pas rassurés. Vous utilisez la conjonction « et » alors que le texte dit « ou » ! On n'est pas parti pour constitutionnaliser ce qu'écrit un journal du soir : lundi, ce n'est pas sur le texte d'une interview « mondiale » que l'on votera mais sur celui d'un projet de loi.
Le Président de la République se porte garant des droits de l'opposition ; notre démarche est plus consensuelle : ce sont aussi les droits de la majorité que nous voulons voir respectés. Or, s'agissant des amendements, la dégradation juridique des instruments de référence est patente. C'est pourtant le coeur de la démarche démocratique, et ce n'est pas un article du Monde qui peut garantir le droit d'amendement.
Nous désespérons de vous convaincre. La nuit portant conseil, vous finirez peut-être par accepter de constitutionnaliser les propos du Président de la République, qui passeraient ainsi du statut de coup médiatique à celui de progrès démocratique. Dans l'immédiat, pour marquer l'importance que nous attribuons à cet article, nous demandons un scrutin public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Toute votre communication depuis des mois consiste à répéter que ce projet de loi renforcerait les pouvoirs du Parlement. Nous avons eu le temps de constater qu'il n'en était rien : cette révision ne sert qu'à encadrer encore davantage les droits parlementaires, et d'abord celui d'amendement. Nous avons essayé de faire entendre que c'était là une présidentialisation du régime. Le Président de la République, qui a voulu cette réforme pour assurer son rôle de chef de l'exécutif, se dit garant du droit d'amendement mais vous refusez de modifier cet article 18 ou même de réfléchir à sa modification. Cela nous conforte dans l'idée que les droits du Parlement ne sont pas l'objet de cette réforme. Quant à ce qu'il en ira au-delà, nous ne pouvons le dire, faute de savoir lire dans le marc de café.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous vivons la juxtaposition des contraires, l'apothéose de l'oxymore ! (Murmures admiratifs) C'est très remarquable. Vous ne cessez de vous référer à la première page du Monde de ce midi ; vous devriez lire aussi la page 6, celle où figurent les propos du Président de la République. Vous y verriez qu'au moment même où il parle de renforcer les pouvoirs du Parlement il se comporte en hyper-président qui, à lui seul, statue sur la Constitution, la loi et même le règlement des assemblées parlementaires. On fait le contraire de ce qu'on dit et on dit le contraire de ce qu'on fait. On s'occupe du règlement des assemblées : on parle de mettre en oeuvre les propositions du président Accoyer, on fixe les effectifs des groupes politiques, on promet l'égalité du temps de parole.
Mme Isabelle Debré. - Elle n'est pas réalisée ce soir !
M. Jean-Pierre Sueur. - Rien ne vous empêche de demander la parole, chère collègue.
Pis encore, écoutez cette phrase : « lors du vote de la loi organique qui précisera les conditions et limites du droit d'amendement, je veillerai à ce que les droits de l'opposition soient garantis ». Faut-il vraiment qu'une loi organique précise les « limites » du droit d'amendement, alors que la Constitution le garantit pleinement ?
Tout cela est très inquiétant. L'hyper-président s'occupe de ce qui n'est pas de son ressort, il n'a pas les pouvoirs constitutionnels qu'il s'arroge dans cette interview. Ce qu'il dit explicitement renforce notre inquiétude, qui est partagée par tous les parlementaires attachés au droit d'amendement.
M. Christian Cointat. - J'aime beaucoup la dialectique mais il y a des limites à ne pas franchir !
M. Bernard Frimat. - Comme pour le droit d'amendement ?
M. Christian Cointat. - Depuis tout à l'heure, vous n'arrêtez pas de citer un certain journal ; c'est lui faire une publicité inadmissible. Et, comme par hasard, ce n'est pas un journal de droite ! (Rires à gauche)
Vous ne cessez de réclamer un geste du Président de la République et, quand il le fait, vous critiquez encore ! Quoi qu'on fasse, dise ou propose, vous n'en voulez pas, même si c'est dans l'intérêt général.
Il est bien clair que le Président de la République ne va pas décider pour le Parlement. Il est le garant de la Constitution, il est donc dans son rôle quand il dit comment il voit les choses. Je comprendrais que vous demandiez encore plus que ce qu'il vous donne mais pas que vous le ridiculisiez.
« Hyper »président, dites-vous. J'entends « super » et je comprends que vous l'adorez ! (Applaudissements sur quelques bancs UMP)
M. Pierre-Yves Collombat. - Le problème, c'est que le Président de la République est devenu aussi le chef de l'opposition parlementaire. (Rires étonnés) Il avait bien un intermédiaire mais celui-ci a mal au dos (On s'offusque à droite) Il n'y a plus de séparation des pouvoirs : le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale dont il conduisait les travaux par Premier ministre interposé et maintenant directement. Ce que vous ne voulez pas reconnaître, c'est le glissement de la majorité parlementaire à une majorité du président. Imaginez-vous le général de Gaulle devant l'UMP de l'époque ?
Il n'y a plus de séparation des pouvoirs, et là où il n'y a pas séparation des pouvoirs, il n'y a pas de Constitution.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - N'importe quoi !
M. Pierre-Yves Collombat. - Ce que vous mettez en place n'est pas un renforcement des droits du Parlement, mais un régime consulaire.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - On entend de beaux discours mais qui ne se traduisent par aucune proposition d'amendement permettant d'avancer. S'il y avait une véritable volonté politique du Gouvernement, il n'y aurait pas cette mascarade de vote conforme qui n'ose pas dire son nom.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Si ! On le dit !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Alors faites-le ce vote conforme, directement ! Que ce soit sur les résolutions ou sur le droit d'amendement, notre République dépend désormais du fait du prince.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°62, identique à l'amendement n°121, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 289 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 145 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 170 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°63 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s64, 65 et 8.
L'amendement n°24 est retiré.
L'amendement n°66 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°122.
L'article 18 est adopté.
Article 19
L'article 45 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déclaré l'urgence » sont remplacés par les mots : « décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées » ;
b) Après le mot : « ministre », le mot : « a » est remplacé par les mots : « ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont ».
M. le président. - Amendement n°68, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger ainsi cet article :
Les trois derniers alinéas de l'article 45 de la Constitution sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. »
M. Robert Bret. - L'article 19 n'est pas plus satisfaisant en seconde lecture qu'il ne l'était en première lecture. L'article 15 ayant été rétabli par les députés, ceux-ci ont également rétabli l'article 19, entérinant la règle qui permettra de limiter drastiquement la recevabilité des amendements. Quant aux dispositions relatives à la procédure d'urgence, qui pourra être engagée à moins que les Conférences des Présidents s'y soient conjointement opposées, et à la possibilité pour les présidents des deux assemblées de convoquer une CMP, l'Assemblée nationale n'y a apporté que des modifications rédactionnelles.
Or, l'article 19 fait partie de ceux qui restreignent les pouvoirs du Parlement par l'élargissement injustifié du régime des CMP aux propositions de loi. Ces commissions sont l'antithèse du débat démocratique, elles sont opaques puisque non publiques et ne représentent pas les sensibilités politiques de l'hémicycle. De plus, elles interviennent à l'issue d'un débat expédié sur un projet de loi pour lequel l'urgence a été déclarée. Nous proposons donc de mettre un terme à la procédure des CMP.
M. le président. - Amendement n°67, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Supprimer le 1° de cet article.
M. Robert Bret. - L'Assemblée nationale a rétabli le premier alinéa de ce texte que le Sénat avait supprimé. Cet alinéa indique que peut être déposé en première lecture tout amendement qui franchit les deux premiers obstacles des articles 40 et 41 de la Constitution et présente un lien, même indirect, avec le texte en discussion. Nous avons longuement débattu pour savoir si cela était plus favorable au droit des parlementaires que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le rapporteur de la commission des lois ne semble pas lui-même totalement convaincu par le rétablissement de la rédaction initiale puisqu'il écrit : « Il n 'est pas certain que cette formule soit plus favorable que la jurisprudence du Conseil constitutionnel exigeant que les amendements ne soient pas dépourvus de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ». Comme à l'accoutumée, vous écrivez ce que tout le monde pense tout bas, en affirmant que « le texte de l'Assemblée nationale aura le mérite de fixer dans la Constitution les conditions de recevabilité des amendements en première lecture ». C'est bien cela le point important : le droit d'amendement est, pour la première fois, encadré dans la Constitution même. Cet alinéa est à l'image de la démarche de l'UMP et du Président de la République : on affiche un objectif et on fait le contraire... En faisant mine d'accepter largement les amendements en première lecture, vous offrez en fait un cadre constitutionnel à la future réduction de ce droit d'amendement. Nous vous proposons de mettre un terme à cette duplicité en supprimant à nouveau cette disposition.
M. le président. - Amendement n°123, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :
« Tout amendement est recevable dès lorsqu'il présente un lien avec le texte déposé ou transmis. »
M. Thierry Repentin. - En première lecture, à l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a précisé que, sous réserve de l'application des articles 40 et 41, « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Le Sénat -trop timoré pour défendre les droits des parlementaires (protestations à droite)- a supprimé cette disposition et a préféré s'en tenir à la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, alors même que nous avions là une fenêtre de tir pour ne pas laisser les juges décider à notre place.
On ne saurait confondre la théorie prohibant les cavaliers législatifs et celle dite de « l'entonnoir » selon laquelle, à la suite de la première lecture du texte de loi, les amendements présentés ne peuvent plus porter que sur les dispositions restant en discussion, sans qu'il soit possible d'en instaurer de nouvelles. L'application stricte de la règle de l'entonnoir restreint à l'excès le droit d'amendement parlementaire.
En première lecture, le rapporteur a considéré que notre proposition était moins favorable que celle de l'Assemblée nationale -qu'il a pourtant préalablement dénoncée- et surtout moins avantageuse que celle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce qui est un contresens. Au prétexte d'une meilleure organisation de la discussion, la règle de l'entonnoir assèche le débat parlementaire. Le dépôt d'amendement doit s'exercer pleinement et ne saurait être limité par une règle supplémentaire d'irrecevabilité fixée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et contraire à la volonté du constituant. En revanche, afin de respecter les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, il faut préciser qu'un amendement ne doit pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition de loi. Ce droit doit donc pouvoir s'exercer dès lors que l'amendement a un lien avec le texte au cours de toutes les lectures ayant lieu avant CMP, et y compris s'il traite d'un point qui n'a pas été abordé lors des lectures précédentes. S'il s'agit de revaloriser le rôle du Parlement, notre proposition est bien la mieux-disante.
M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter le a du 2° de cet article par les mots :
par un avis conforme des trois cinquièmes des membres
M. Robert Bret. - Par cet amendement, nous nous opposons une nouvelle fois à l'aggravation du fait majoritaire. Ce 2° de l'article 19 prévoit les conditions de la déclaration d'urgence pour le Gouvernement, urgence hypocritement appelée dorénavant procédure accélérée. On a clamé haut et fort que l'urgence serait considérablement limitée et que l'accord du Parlement serait requis. En fait, si les Conférences des Présidents, c'est-à-dire la majorité de chaque assemblée, approuve l'urgence, le Gouvernement aura la voie libre. Qui peut imaginer, dans le contexte actuel, une majorité de l'Assemblée nationale ou du Sénat refuser la procédure accélérée au Gouvernement de M. Sarkozy ? La moindre des choses serait d'exiger l'accord des Conférences des Présidents à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ou que l'opposition soit réellement associée à l'avis du Parlement. A l'heure actuelle, il n'est même pas sûr que cette majorité qualifiée satisfasse cet objectif, tant la domination de l'UMP et de ses alliés est forte au sein des deux Conférences des Présidents. Notre amendement peut cependant limiter le fait majoritaire dans la décision d'utiliser la procédure d'urgence.
M. le président. - Amendement n°124, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Le texte élaboré par la commission mixte est soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous l'avions déjà défendu en première lecture. Il s'agit de la faculté, pour le Gouvernement, de déposer des amendements après une CMP.
En effet, un accord intervenu en CMP exprime la volonté parlementaire. Il est donc exorbitant que le Gouvernement puisse encore déposer des amendements. On nous présente cette possibilité comme une contrepartie au fait que le Gouvernement ne soit pas représenté à la CMP, mais, en pratique, l'adoption de ces amendements est quasiment automatique, puisque les parlementaires de la majorité doivent ou bien les accepter ou bien repousser tout le texte.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Non !
M. Jean-Pierre Sueur. - Bien que le Président de la République ne se soit pas encore prononcé sur la question, nous voulons, comme toujours, améliorer le texte, même si nous craignons que la volonté d'aboutir à un vote conforme n'empêche tout progrès.
M. le président. - Amendement n°125, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement ne peut engager la procédure accélérée plus de cinq fois par session ordinaire. »
M. Bernard Frimat. - Cet amendement aussi a été déposé en première lecture, pour limiter le recours à l'urgence rebaptisée « procédure accélérée ».
Vous me direz qu'il est mauvais d'inscrire des chiffres dans la Constitution, mais vous avez donné le mauvais exemple avec 577 et 348. Dans cette guerre, nous proposons le 5.
La rédaction de l'amendement est médiocre, mais la limitation apportée à la procédure accélérée n'est qu'un faux-semblant, puisqu'on ne voit guère comment une opposition conjointe pourrait apparaître lorsque la majorité des deux assemblées ne coïncide pas, et encore moins lorsque les deux majorités sont identiques. Par une sorte de tour de force, vous avez réussi à introduire un trompe-l'oeil supplémentaire dans ce texte.
Nous préférons une véritable limitation, bien que le maintien du trompe-l'oeil vous permette de respecter une certaine continuité.
Le feu d'artifice de fausses propositions auquel nous assistons forme un médiocre lendemain de 14 juillet.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est défavorable à tous les amendements.
Le n°68 ne favorise pas l'élaboration d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
La jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel exclut tout amendement présenté en première lecture alors qu'il serait dépourvu de tout lien avec le texte. Nous préférons la rédaction de l'Assemblée nationale, qui déclare recevable tout amendement « dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte ». J'ai apprécié l'image de l'entonnoir qui assèche le débat parlementaire, (sourires) mais ce n'est pas une raison pour le transformer en arrosoir... L'amendement est moins favorable à l'initiative parlementaire que la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Bernard Frimat. - Vous l'avez combattue !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Notre position a changé. Vous ne savez pas ce qu'est un dialogue ! (Rires sur les bancs socialistes)
A propos du droit d'amendement dont dispose le Gouvernement après le succès d'une CMP, j'observe que la première assemblée saisie n'est pas soumise à un vote bloqué. Au demeurant, les amendements de coordination et la correction d'erreurs matérielles sont indispensables.
M. Frimat a reconnu que son amendement n'était pas très satisfaisant.
M. Bernard Frimat. - Mais préférable à votre rédaction !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il comprendra donc l'avis négatif de la commission.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Quelle défiance envers le bicamérisme ! La CMP doit concilier les positions des deux assemblées. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°68.
A propos de l'amendement n°67, je ne partage pas les craintes suscitées par la rédaction de l'article, car il adresse au Conseil constitutionnel un message combattant toute jurisprudence trop restrictive quant à la recevabilité des amendements.
L'amendement n°123 tend à supprimer la jurisprudence dite de l'entonnoir, qui organise fort utilement le travail législatif. Avis défavorable.
L'amendement n°61 rectifié s'attaque à une avancée importante. Introduire un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes reviendrait à compromettre l'effectivité de la procédure accélérée.
Le Gouvernement n'étant pas représenté à la CMP, il doit donc pouvoir faire prévaloir son point de vue. Avis défavorable à l'amendement n°124.
Il en va de même pour l'amendement n°125. Pourquoi cinq fois ? L'option pour une procédure accélérée dépendra des circonstances. L'intervention des Conférences des Présidents suffit.
L'amendement n°68 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°67.
M. Thierry Repentin. - Je ne me laisserai pas abuser par l'argumentation de M. le ministre au sujet de l'entonnoir.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel limite le débat en deuxième lecture aux dispositions restant en discussion. Pourtant, en quatre ans, j'ai participé à des discussions constructives entre les parlementaires et le Gouvernement, aboutissant à l'introduction de nouveaux articles en deuxième lecture. A titre d'exemple, les dispositions foncières de la loi engagement national pour le logement ont été introduites en deuxième lecture.
Ceux qui conduisent cette réforme constitutionnelle paraissent bien éloignés des soucis quotidiens et des difficultés que nous éprouvons sur le terrain pour faire face aux questions qui nous sont soumises.
Le jeune parlementaire que je suis a pu mesurer ici le recul de nos droits législatifs.
L'amendement n°123 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s61,124 et 125.
L'article 19 est adopté.
Article 20
Le deuxième alinéa de l'article 46 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu'à l'expiration des délais fixés au troisième alinéa de l'article 42. Toutefois, si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45, le projet ou la proposition ne peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »
M. le président. - Amendement n°69, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'avant-dernier alinéa du même article est supprimé.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Comme lors de la première lecture, nous voulons saisir cette révision constitutionnelle pour supprimer le droit de veto attribué au Sénat sur les lois organiques le concernant, car cette disposition est de plus en plus incompréhensible vu le mode de désignation des sénateurs et le décalage flagrant qu'il induit entre la réalité politique des collectivités territoriales et la composition de notre assemblée.
Il est donc inacceptable que le Sénat ait un pouvoir comparable, voire supérieur, à celui de l'Assemblée nationale, d'autant plus qu'il s'applique également aux révisions constitutionnelles et au vote de certains textes législatifs. Et je passe sur l'interprétation des mots « lois organiques relatives au Sénat », qui étend cette notion aux lois qui s'appliquent aux deux chambres...
Le dernier mot doit revenir aux députés, élus par le peuple au suffrage universel direct.
M. le président. - Amendement identique n°126, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'avant-dernier alinéa du même article est supprimé.
M. Bernard Frimat. - Il a été excellemment défendu.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Même avis qu'en première lecture : défavorable aux deux amendements.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - L'obligation de voter dans les mêmes termes les lois organiques relatives au Sénat répond à la nécessité de respecter l'indépendance de chaque assemblée. Il est normal que l'Assemblée nationale n'ait pas le dernier mot pour voter des dispositions relatives au Sénat. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Monsieur le ministre, je citerai un exemple de veto lié à la conception très large de la loi organique touchant au Sénat. L'Assemblée nationale avait limité à deux le cumul des mandats nationaux. Le Sénat avait ajouté la possibilité d'exercer un troisième mandat s'il s'agissait de celui de conseiller municipal d'une ville de moins de 3 000 habitants. L'Assemblée nationale a dû se plier à cette disposition parce qu'elle touchait au Sénat, alors qu'elle n'affectait pas la constitution de la Haute assemblée.
Les amendements identiques nos69 et 126 ne sont pas adoptés.
L'article 20 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Lambert.
Avant l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au début de la discussion générale en première lecture devant chaque assemblée, le ministre chargé du budget et le chef de l'administration en charge de la préparation du projet de loi de finances prêtent serment du respect par le projet de loi de finances du principe de sincérité. »
M. Alain Lambert. - Un des cancers responsables de la dégradation des comptes publics depuis trente-cinq ans est le mensonge budgétaire. A chaque loi de finances, toutes les majorités utilisent des artifices tels que la sous-budgétisation ou la débudgétisation. Ces procédés révèlent un manque de sincérité évident, contre lequel on pourrait lutter par une certaine solennité s'inspirant des prestations de serment auxquelles donnent lieu les commissions d'enquête. Il est lu à toute personne auditionnée quelques articles du code civil l'informant des conséquences d'un témoignage mensonger, soit cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Ce serment pourrait être demandé au ministre en charge du budget et au chef de son administration.
J'ai été un peu blessé à la lecture de nos débats en première lecture : l'ironie pointait sur tous les bancs et pour certains collègues les commissions d'enquête n'évoquaient que le passé. Pourtant, je combats le mensonge. Il ne sert à rien de nous accuser mutuellement entre majorité et opposition : nous sommes mutuellement solidaires de la situation des comptes publics vis-à-vis des générations à venir.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Une prestation de serment ? On ne trouverait plus beaucoup de candidats au poste ! Franchement, ce n'est pas dans nos traditions, et la pratique des commissions d'enquête est particulière. Le principe de sincérité budgétaire est contrôlé par le Conseil constitutionnel et par le Parlement. La prestation de serment ne paraît pas cohérente avec nos principes constitutionnels et en outre, comment s'assurer de son respect ?
M. Alain Lambert. - Lors de la loi de règlement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Alors il faudrait prévoir des peines car je suis désolé de vous dire que celles que vous envisagez ne s'appliqueraient pas, à moins d'insérer des dispositions spécifiques dans le code pénal. Je comprends bien la préoccupation de l'ex-ministre chargé du budget...
M. Alain Lambert. - Il me reste des souvenirs !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne peux imaginer que votre administration vous mentait.
M. Alain Lambert. - Evitez ce registre des comptes sinon je vais vous répondre...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne suis pas expert en la matière budgétaire, c'est la Cour des comptes qui est chargée de les vérifier et de les certifier.
Mme Nicole Bricq. - On va en parler !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cet amendement n'est pas indispensable. J'en demande le retrait.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - L'État doit respecter sa parole afin qu'un rapport de confiance s'installe entre lui et le citoyen. Dans votre rapport de 2000 sur la Lolf, vous avez estimé, monsieur Lambert, que la sincérité budgétaire s'apprécie lors de la reddition des comptes plutôt que lors du dépôt du budget. Le Gouvernement a ensuite proposé au Sénat une disposition relative à la sincérité des comptes des administrations publiques, corollaire de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
Le serment donnerait tout son poids au principe de sincérité budgétaire, mais le Gouvernement est réservé au fond sur cette proposition. La responsabilité budgétaire incombe au Gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la Nation. Il serait contraire à la Constitution de la faire peser sur les seuls ministre ou directeur du budget. Retrait ou avis défavorable.
M. Alain Lambert. - Quelle que soit l'amitié bien ancienne qui m'unit au président de la commission des lois, sa réponse m'incite à maintenir mon amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - J'aurais pu donner un avis défavorable...
M. Alain Lambert. - Vous dites que l'on ne trouverait plus de ministre s'il devait assumer cette responsabilité ? Tout est dit : on part du postulat que tous les budgets sont insincères.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce sont les comptes qui peuvent être insincères. Les budgets ne sont que des prévisions.
M. Alain Lambert. - Vous me dites ensuite que ce serait contraire aux grands principes républicains. Chacun doit prendre ses responsabilités et assumer les conséquences de la situation des comptes publics au regard des générations futures.
La réponse du ministre était bien plus équilibrée, même finement ciselée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne suis pas aussi doué !
M. Alain Lambert. - Vous êtes irremplaçable pour la loi, vous pouvez encore progresser pour le budget -comme tout un chacun. A chacun sa place et évitons de nous froisser.
Monsieur le ministre, vous estimez qu'il serait inconstitutionnel de faire porter la responsabilité sur un seul homme. Si mon amendement est imparfait mais l'idée juste, vous pouvez le rectifier. Si ma démarche est inutile, alors la sincérité budgétaire demeure un simple principe que l'on n'a pas l'intention de respecter. A défaut d'une réponse, je ne peux retirer mon amendement.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
Article 21
I. - Non modifié .........
II. - Après l'article 47-1 de la Constitution, il est inséré un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.
« Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
M. le président. - Amendement n°127, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 47-2 de la Constitution, insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale.
II. Supprimer le second alinéa du même texte.
Mme Nicole Bricq. - L'Assemblée nationale a supprimé la disposition introduite par le Sénat aux termes de laquelle la Cour des comptes « exprime son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale » et a adopté un amendement du Gouvernement lui substituant le texte suivant : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
La nouvelle rédaction a été adoptée sans qu'aucune explication n'en soit donnée en séance publique. Nous rétablissons le texte que le Sénat avait adopté en première lecture, en donnant un fondement constitutionnel à la certification et à la sincérité des comptes. Ce sera une garantie pour l'information des citoyens et pour le bon fonctionnement de la Lolf. Les lois de règlement vont prendre plus d'importance et le Conseil constitutionnel a précisé que le principe de sincérité mentionné par la loi organique exigeait l'exactitude des comptes : mieux vaut que la sincérité et la certification, soient dans la Constitution !
Nous avons eu la sagesse de le faire en première lecture, jugeant inadmissible que le Parlement n'aie pas débattu de cet alinéa. Vous ne pensez aujourd'hui qu'au vote conforme, mais cette question mérite un débat. Si donc vous êtes sincères et honnêtes intellectuellement, mes chers collègues, vous reviendrez à votre choix de première lecture et vous aurez à coeur de ne pas vous déjuger !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le Garde des sceaux et le Premier ministre ont confirmé que le texte de l'Assemblée nationale ne mettait nullement en question la mission de certification des comptes confiée à la Cour des comptes. Cette rédaction s'inspire de l'article 27 de la Lolf, elle pose un principe de sincérité qui s'applique à toutes les administrations, au-delà de l'État, et qui est cohérent avec l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, selon lequel la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le Gouvernement souhaite l'inscription du principe de sincérité dans la Constitution. L'Assemblée nationale l'a fait à l'article 21, le principe de sincérité vaut pour toutes les administrations publiques, au-delà de la compétence de certification conférée à la Cour des comptes. Votre rédaction, du reste, n'est pas assez précise : la Cour des comptes constate ou établit des comptes, mais elle ne donne pas son opinion : avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. - J'en déduis que vous ne vous souciez guère de l'opinion de la Cour des comptes !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - C'est faux.
L'amendement n°127 n'est pas adopté.
L'article 21 est adopté.
Article 22
L'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 48. - Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé par chaque assemblée.
« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.
« En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.
« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.
« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celle des groupes minoritaires.
« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
M. le président. - Amendement n°70, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les règlements des assemblées garantissent une juste représentation de l'ensemble des groupes parlementaires au sein de la Conférence des Présidents, dont les travaux sont publics.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En première lecture, l'Assemblée nationale avait prévu que l'ordre du jour serait fixé dans chaque assemblée « par la Conférence des Présidents », puis elle s'est rangée à la rédaction du Sénat qui confiait la fixation de l'ordre du jour à « chaque assemblée ». Vous prétendez que c'est un progrès, nous ne sommes pas dupes. Car même si la référence à la Conférence des Présidents a disparu de cet article, elle jouera un rôle dans la fixation de l'ordre du jour. Ce texte constitutionnalise la Conférence des Présidents, à l'article 45. Ce n'est pas un progrès, car la composition de la Conférence des Présidents accentue le fait majoritaire : au Sénat, la majorité compte 60 % des sièges, mais les trois quarts de la Conférence des Présidents ! Pourquoi ne pas prévoir une représentation proportionnelle ? Son rôle est élargi, il faut la démocratiser !
Son fonctionnement doit changer lui aussi : il faut en organiser les débats, en assurer la transparence ; ses décisions vont être plus importantes, les débats doivent en être publics !
M. le président. - Amendement n°71, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En contrepartie d'une distribution de l'ordre du jour entre le Premier ministre et le Parlement, essentiellement la majorité, le Gouvernement s'assure une maîtrise presque totale du déroulement des travaux législatifs. En effet, il fixera l'ordre du jour au moins deux semaines par mois, lors de l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins. Une fois cette règle dans la Constitution, les règlements des assemblées n'auront qu'à bien se tenir. Ces contraintes n'ont pas à figurer dans la Constitution, nous supprimons les alinéas y afférents.
M. le président. - Amendement n°72, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé,
et remplacer le mot :
il
par les mots :
le Gouvernement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Actuellement, l'ordre du jour est exclusivement fixé par le Premier ministre : une seule séance est réservée à l'initiative parlementaire, nous avons pu en mesurer les limites depuis longtemps ! Notre groupe ne dispose que d'une fenêtre par an, et encore sur des sujets très limités...
En théorie, ce texte partage l'ordre du jour entre le Premier ministre et les présidents des groupes parlementaires. Le flou de la rédaction, cependant, entretient les incertitudes : combien de jours seront-ils consacrés au travail législatif en séance publique ? L'organisation de l'ordre du jour inclut aussi les « débats », dont on ne sait pas s'ils se rapportent à la séance publique, ou au travail en commission.
Vous limitez le travail législatif à trois semaines par mois, dont une facultative, à la disposition des assemblées. Ce texte va donner plus de pouvoirs au parti du Président de la République. Avec cette réforme, le Premier ministre disposera de quinze jours de séance, le groupe UMP de quatorze jours, pour un jour aux parlementaires de l'opposition !
Nous rendons la maîtrise de l'ordre du jour aux assemblées, sans ambiguïté !
M. le président. - Amendement n°73, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :
et aux débats
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cet alinéa réserve au Gouvernement deux semaines de séances sur quatre, pour examiner les textes et conduire les débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. Le temps de l'examen de la loi, et celui des débats plus généraux, sont donc confondus.
On risque de voir se multiplier les résolutions -sous réserve qu'elles ne dérangent pas le Gouvernement- et les débats non législatifs. Cette restriction du débat public relève de la provocation envers les parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous avons longuement débattu de ces questions. Avis défavorable aux quatre amendements.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°70 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s71, 72 et 73
L'amendement n°17 n'est pas soutenu.
M. le président. - Amendement n°128, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution :
« Une semaine de séance sur quatre est réservée à l'initiative des groupes parlementaires et répartie conformément à la règle de la proportionnalité.
M. Bernard Frimat. - La construction ingénieuse élaborée en première lecture par le président Hyest n'a pas survécu à la navette.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Hélas !
M. Bernard Frimat. - L'Assemblée nationale est revenue peu ou prou à sa position initiale. Là encore, le progrès est plus apparent que réel : il sera loisible au Gouvernement de déborder sur l'ordre du jour, déjà entamé par les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, qui reste entre les mains de la majorité. Les droits de l'opposition, censés magnifier cette révision constitutionnelle, sont passés par pertes et profits : les groupes minoritaires viennent s'imputer sur la malheureuse journée réservée à tous les groupes autres que le groupe majoritaire de la majorité. Bref, on nous accorde la portion congrue. C'est une fausse revalorisation des droits du Parlement.
Pour marquer notre différence et consacrer la diversité et le pluralisme chers au président Mercier, nous proposons une semaine, à la proportionnelle des groupes. Je suis persuadé que mon argumentation vous aura convaincus...
M. le président. - Amendement n°74, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, remplacer les mots :
Un jour de séance par mois est réservé
par les mots :
Trois jours de séance par mois sont réservés
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Après les dernières déclarations du Président de la République, qui propose l'égalité du temps de parole entre majorité et opposition, vous allez trouver mon amendement bien timoré car nous n'en demandions pas tant !
Le projet de loi initial prévoyait une séance par mois. L'Assemblée nationale l'a réservée, en première lecture, aux groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité -or au Sénat, aucun groupe n'a la majorité ! Le Sénat a introduit la notion de groupe de l'opposition et de groupe minoritaire à l'intérieur de la majorité. Tout cela est bien confus. In fine, on en revient à environ un jour par mois pour l'opposition, soit la situation actuelle ! Il n'y a aucun droit nouveau pour l'opposition. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur le conteste)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certains dans la majorité déplorent que seule l'opposition bénéficie d'une réelle garantie : une journée, sur lequel le Gouvernement ne peut pas empiéter !
M. Jean-Pierre Sueur. - A partager avec les centristes !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Sans oublier les travaux des commissions ! C'est d'ailleurs paradoxal. Nous aurions souhaité réserver plus de temps à l'initiative parlementaire, mais celle-ci pourra prospérer, dans le dialogue, sur l'ordre du jour réservé du Gouvernement. En tout état de cause, c'est un progrès considérable pour l'opposition !
M. Jean-Pierre Sueur. - Une journée pour trois groupes ! Vous vous moquez ! C'est une misère !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - On ne peut pas dire ça ! A l'heure actuelle, j'arrive devant la Conférence des Présidents avec la maîtrise totale et absolue de l'ordre du jour ! Nous verrons à l'usage comment fonctionnera ce nouveau partage. Je comprends que vous vouliez davantage ; pourquoi pas tout l'ordre du jour, tant qu'à faire ! (Protestations à gauche) C'est une avancée considérable. Avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous êtes contredit par le Président de la République !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Pas du tout !
L'amendement n°128 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°74
L'article 22 est adopté.
Article 23
Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;
2° Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;
3° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
M. le président. - Amendement n°75, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger ainsi cet article :
Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé.
M. Robert Bret. - L'article 23 illustre la contradiction du Gouvernement : d'un côté, on prétend revaloriser le Parlement, de l'autre, on maintient l'article 49-3, symbole de la soumission totale du Parlement au Gouvernement, qui force ainsi la main aux députés. D'ailleurs, le Gouvernement n'hésite pas à dégainer cette arme absolue dès que l'opposition dépose un nombre important d'amendements !
Avec ce projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement avait la possibilité de remettre en cause cette procédure, à l'origine exceptionnelle mais qui s'est progressivement banalisée.
Avec cet article 23, le Gouvernement donne l'impression de faire un pas en avant, mais propose en réalité le statu quo. Quels que soient les aménagements que vous y apportez, le 49-3 est une atteinte aux droits du Parlement. Nous souhaitons y mettre un terme définitif.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Supprimer le 3° de cet article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Sous prétexte de limiter le recours au 49-3, cet article constitutionnalise une pratique éprouvée. C'est un argument spécieux pour vendre votre réforme !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certainement pas spécieux !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Quelle hypocrisie ! Le Gouvernement se sentira obligé de recourir au 49-3 une fois par session. Soit le Gouvernement fait confiance à sa majorité, soit il ne lui fait pas confiance ! Cet article est un faux compromis. Nous proposons donc de limiter strictement le recours au 49-3 aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
M. le président. - Amendement identique n°129, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
M. Pierre-Yves Collombat. - A l'origine, les majorités étaient fluctuantes, et le 49-3 était censé donner une cohésion à l'action du Gouvernement. Mais ce n'est pas comme ça que les choses se sont passées. Le 49-3 est devenu un outil de confort pour les gouvernements alors qu'ils n'en avaient plus vraiment besoin. Qu'on le conserve pour les lois de finances et de financement, pourquoi pas ? Mais pour les autres textes, cela n'a vraiment aucun sens. En plus, la rédaction qui nous est proposée ne rime à rien : pourquoi une fois, et pas deux, ou trois ? Ou bien l'on maintien le 49-3 en l'état, ou on le réserve aux lois les plus importantes. Si vous voulez donner plus de pouvoirs au Parlement, supprimez donc le 49-3 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est quand même extraordinaire ! Aujourd'hui, le Gouvernement peut utiliser le 49-3 sur chaque texte. Il vous propose d'en limiter le recours, ce qui a d'ailleurs inquiété un certain nombre de nos collègues. Vous nous dites que ce n'est pas assez et qu'il faut supprimer une bonne fois pour toute le 49-3. Il serait sage d'en rester au texte du Gouvernement même si, en cas d'obstruction persistante, le Gouvernement peut avoir recours au vote bloqué : car il ne faut tout de même pas que l'opposition puisse entraver durablement l'exécutif lorsque celui-ci a été élu sur un programme et qu'il dispose d'une majorité.
M. Pierre-Yves Collombat. - Mais s'il y a une majorité, il n'y a pas de problème ! Les textes finissent par être adoptés !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nous ne révisons pas la Constitution pour les cinq ans à venir ! Nous avons connu deux périodes au cours de la Ve République où le 49-3 a dû être utilisé. Vous vous en souvenez, monsieur Mercier...
M. Michel Mercier. - Et vous, donc !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le 49-3 peut être utile : c'est pourquoi il faut conserver le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Nous avons déjà eu ce long débat en première lecture. Nous sommes parvenus à une solution de compromis : certains ne voulaient pas toucher au 49-3 en rappelant le précédent du gouvernement Rocard qui y a eu recours une vingtaine de fois en deux ans et demi. Mais aujourd'hui, avec le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, le fait majoritaire est plus assuré qu'il y a une quinzaine d'années. Le 49-3 peut néanmoins être d'une certaine utilité pour un gouvernement. Dans l'équilibre que nous cherchons à instituer entre l'exécutif et le législatif, cet article est un élément de progrès. Aller plus loin risquerait de déstabiliser l'exécutif. Avis défavorable.
L'amendement n°75 n'est pas adopté non plus que les amendements identiques n°s2 et 129.
L'article 23 est adopté.
Article 23 bis
Après l'article 50 de la Constitution, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :
« Art. 50-1. - Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité. »
M. le président. - Amendement n°130, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet article permet au Gouvernement de faire une déclaration thématique suivie d'un débat. Comme il dispose déjà de cette faculté, cet article superfétatoire doit être supprimé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La procédure de question orale avec débat est tombée en désuétude à l'Assemblée nationale. Cette disposition peut donc intéresser nos collègues députés. Avis défavorable.
L'amendement n°130, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 23 bis est adopté.
présidence de M. Christian Poncelet
Article 24
Après l'article 51 de la Constitution, il est inséré deux articles 51-1 et 51-2 ainsi rédigés :
« Art. 51-1. - Non modifié......
« Art. 51-2. - Pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation définies au premier alinéa de l'article 24, des commissions d'enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d'information.
« La loi détermine leurs règles d'organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée. »
M. le président. - Amendement n°131 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution :
« Art. 51-1. - Le règlement de chaque assemblée est adopté à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Il détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. »
M. Bernard Frimat. - Nous en arrivons à l'article de tous les bonheurs, du moins pour certains d'entre nous. Cet article renvoie au règlement des deux assemblées pour déterminer les droits des groupes. Après tout, pourquoi pas ? Mais nous demandons des garanties, à savoir que le règlement soit adopté à la majorité des trois cinquièmes, ce qui obligerait les groupes de la majorité et de l'opposition à parvenir à un accord. Certes, il faudrait prendre de nouvelles habitudes, mais il est encore possible d'intégrer cette mesure dans la Constitution pour donner du corps à votre réforme et éviter qu'elle se caractérise par un texte intangible agrémenté de quelques ornements venus des médias et qui ne dureront que ce que durent les feuilles d'un grand quotidien du soir ! (Exclamations à droite)
M. le président. - Amendement n°76, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article 51-1 de la Constitution, après le mot :
détermine
insérer les mots :
à la majorité des trois cinquièmes
M. Ivan Renar. - Cet article prévoit que le règlement de chacune des deux assemblées définira les droits des groupes politiques. Nous avons proposé une majorité des trois cinquièmes mais vous l'avez refusée, estimant que la réforme du règlement faisait l'objet d'un consensus. Soit. Mais on nous avait aussi annoncé un statut de l'opposition et nous en sommes bien loin !
Depuis le début de ce débat, on nous dit que les droits des groupes et la diversité politique seront respectés. Pourtant, cette révision ne renforce pas, loin s'en faut, les droits et les pouvoirs de l'opposition. Dans ces conditions, l'adoption du règlement à la majorité qualifiée serait une garantie car il serait illogique que la majorité décide seule des droits qu'elle entend conférer à l'opposition. En outre, si l'on veut que tous les groupes parlementaires bénéficient de droits identiques, il faut commencer par leur donner le droit de décider. Sur le contenu des droits des groupes parlementaires, un débat contradictoire serait nécessaire. Une simple décision de la majorité ne saurait balayer d'un revers de main toute proposition émanant de l'opposition.
Si l'on veut vraiment revaloriser les pouvoirs du Parlement, le travail de tous les groupes doit être valorisé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est pour cela que l'on a inscrit les groupes minoritaires.
M. Ivan Renar. - Le règlement de chacune des deux assemblées doit donc respecter les droits de ces groupes et le vote à la majorité des trois cinquièmes y contribuera.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Prévoir une majorité qualifiée risquerait d'aboutir à des blocages alors qu'il faut privilégier le consensus, comme cela a toujours été le cas dans notre assemblée. Avis défavorable.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - La suppression de la référence aux groupes minoritaires ne permettrait pas d'atteindre le but recherché. En 2006, l'Assemblée nationale avait introduit dans son règlement des dispositions visant à réserver des fonctions de présidents et de rapporteurs de commissions d'enquête à l'opposition mais le Conseil constitutionnel les a annulées, considérant qu'il s'agissait d'un traitement injustifié entre les groupes. C'est pourquoi le comité Balladur a voulu que les droits de l'opposition soient mentionnés dans la Constitution.
Quant à la majorité des trois cinquièmes, elle n'est pas justifiée, les réformes du règlement se faisant dans le consensus. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Je ne pense pas que nous ayons la même vision du consensus. Pour vous, il s'agit d'un processus interne à votre majorité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas du tout !
M. Henri de Raincourt. - Mauvaise foi !
M. Bernard Frimat. - J'essaye de me placer à votre hauteur...
Le comité Balladur constitutionnalisait ces droits à l'article premier. Vous les avez fait disparaître, les renvoyant aux règlements des assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Pas du tout !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Mauvaise foi...
L'amendement n°131 rectifié n'est pas adopté, non plus que le n°76.
M. le président. - Amendement n°132, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution.
M. Bernard Frimat. - Cet article 51-2 est apparu en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et nous n'avons pas pu en débattre. Je suis étonné de la définition qui est donnée des commissions d'enquête. Vous les constitutionnalisez, très bien. Jusqu'à présent, elles étaient régies par l'ordonnance du 17 novembre 1958 -et elles n'en fonctionnaient pas moins dans toute leur plénitude ! Les travaux menés par les commissions d'enquête créées au Sénat montrent bien qu'elles ne se bornent pas à « recueillir des éléments d'information ». La rédaction est donc maladroite et restrictive et le Conseil constitutionnel pourrait demain se fonder sur la lettre de la Constitution pour limiter le champ d'investigation de ces commissions. Il est vrai que nous avons reçu un renfort solitaire, mais de poids, qui annonce que, dans un monde meilleur, l'opposition aurait le droit non seulement de demander mais d'obtenir la création de commissions d'enquête... Le consensus si cher à certains ici pourrait se faire autour de l'amendement n°133. Pour y parvenir, le n°132 est un préalable.
M. le président. - Amendement n°133, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution :
« Art. 51-2 - A la demande de soixante députés ou soixante sénateurs, une commission d'enquête est constituée, dans la limite de deux par session. Elle est chargée de recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, y compris lorsque ces faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires. »
M. Pierre-Yves Collombat. - Il devrait effectivement faire consensus puisque le chef de la majorité parlementaire a souhaité que « chaque année, un certain nombre de commissions d'enquête puissent se créer à l'initiative de l'opposition ». Nous y voilà ! Il suffit de voter l'amendement. Si vous vous y refusez, je ne comprendrai plus. Ou je comprendrai trop... J'espère que les groupes qui appartiennent à la majorité mais ne votent pas avec elle nous rejoindront ! (M. Michel Mercier rit)
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être fait obstacle à la création d'une commission d'enquête lorsque celle-ci est demandée par soixante députés ou soixante sénateurs. Chaque député ou chaque sénateur ne peut être signataire d'une demande de commission d'enquête constituée en vertu du présent alinéa que deux fois par session ordinaire et une fois au cours d'une même session extraordinaire.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans un courrier adressé le 9 juillet aux députés, le président de l'Assemblée nationale s'est engagé à créer une charte de l'opposition. Il annonçait la formation d'un groupe de travail pluraliste pour réfléchir sur différents points, en particulier un droit de tirage attribué à l'opposition. Mais la rédaction de l'article traduit un consensus mou. Plus aucune mention de l'opposition...
En première lecture, lorsque nous avions évoqué les commissions d'enquête, le rapporteur nous avait rétorqué qu'elles ne relevaient pas de la Constitution ». Il en va différemment, semble-t-il, en deuxième lecture.
M. le président. - Amendement n°77, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 51-2 de la Constitution, après le mot :
création
insérer les mots :
à l'initiative d'au moins trente parlementaires ou d'un groupe parlementaire
M. Ivan Renar. - Notre amendement vise à donner un sens réel à une disposition d'affichage qui est surtout destinée à rallier des suffrages lors du vote au Congrès. Le présent article a été introduit par l'amendement n°260 de M. Giacobbi et du parti radical de gauche. Les conditions d'organisation et de fonctionnement des commissions d'enquête sont renvoyées à la loi ; et les modalités de création, au règlement de chaque assemblée. La création des commissions d'enquête pourra, le cas échéant, être une des prérogatives accordées aux différents groupes parlementaires, affirment les auteurs de l'amendement... Mais soit les groupes parlementaires sont habilités à créer des commissions d'enquête, et il faut le préciser dans la Constitution ; soit vous ne voulez pas l'inscrire dans la Constitution parce qu'il n'y a là que promesses de couloirs en échange de tel bénéfice hypothétique.
Cet article 51-2 ne comprend aucune avancée : ni petite, ni grande. Le contenu du règlement comme de la loi organique dépendra du bon vouloir de la majorité simple dans chaque assemblée, autrement dit de l'UMP. Cet amendement n°260 ne vise qu'à jeter un voile pudique sur des ententes qui ne peuvent pas être exposées sur la place publique tant elles heurteraient l'idéal démocratique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je souhaite que les groupes parlementaires aient un droit de tirage pour constituer des commissions d'enquête, dans des conditions à définir dans notre règlement. Si M. Giacobbi a jugé utile de constitutionnaliser les commissions d'enquête, c'est afin de les inscrire ensuite dans les règlements de nos assemblées et d'organiser un droit de tirage pour l'opposition.
Les amendements présentés sont contradictoires entre eux. Et je précise que le champ de compétences n'est en rien modifié par la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Cet article 51-2 est opportun, il comprend de nouveaux droits, notamment le droit de tirage pour les groupes minoritaires de l'opposition. Mais nous n'allons tout de même pas descendre à ce niveau de détail dans la Constitution ! Ces précisions relèvent de la loi, de l'ordonnance de 1958 et des règlements de chaque assemblée. La lettre de M. Accoyer évoquait les conséquences à tirer des nouvelles dispositions de l'article 24. Mais on ne peut pas tout mettre dans la Constitution. Défavorable.
M. Bernard Frimat. - Voilà un court moment de vérité. Vous constitutionnalisez les commissions d'enquête mais pas question de garantir dans le texte fondamental les droits de l'opposition ! On ne peut pas tout mettre, dites-vous. Mais vous y avez mis tellement de choses que vous ne pouvez plus employer cet argument !
Vous vous gargarisez de vos avancées démocratiques. Nous vous les laissons car elles n'en sont pas de véritables. Quel décalage entre votre discours enjôleur et une pratique qui n'a rien de démocratique...
M. Pierre-Yves Collombat. - Pourquoi constitutionnaliser cette disposition ? Pour la raison qu'a dite le ministre : parce que le Conseil constitutionnel a retoqué au nom de l'égalité la proposition qui tendait à donner des droits spécifiques à l'opposition. Il faut donc cette possibilité dans la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est écrit dans l'article 51 !
M. Pierre-Yves Collombat. - Si on ne la met pas dans la Constitution, le Conseil constitutionnel pourra toujours opposer cet argument. Mais vous ne voulez y mettre que ce qui vous arrange !
L'amendement n°132 n'est pas adopté.
M. Michel Mercier. - Je demande la parole pour la seule fois de la soirée.
M. Ivan Renar. - Peut-être aussi pour expliquer votre vote !
M. Michel Mercier. - Je préfère nettement l'amendement n°77 au n°133 qui nous offre vraiment le bipartisme absolu, au détriment des groupes minoritaires qui votent ou non avec la majorité. Je remercie M. Collombat pour sa condescendance...
M. Pierre-Yves Collombat. - Où est la condescendance dans mon propos ?
M. Michel Mercier. - Ça a été vécu ainsi.
M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai simplement fait le constat que vous apparteniez à la majorité.
M. Michel Mercier. - Ce n'est pas à vous de décider ce que nous devons faire ; occupez-vous de votre propre majorité !
M. Pierre-Yves Collombat. - J'aimerais bien...
M. Michel Mercier. - Moi aussi, j'ai lu le journal et je demande au Gouvernement de nous dire très clairement ce qu'il entend par « pluralisme ». J'ai déposé un amendement à l'article premier ; le Sénat a bien voulu le voter ; j'ai pensé qu'il voulait dire quelque chose. Il ne s'agit pas d'imposer un système électoral mais, dans l'expression des opinions, il y a le vote, qui doit être organisé de telle façon que le pluralisme de l'opinion soit bien pris en compte.
Or, dans le journal, le Président de la République dit explicitement que la représentation proportionnelle occupe déjà une place dans nos modes de scrutin. Il établit ainsi un lien entre pluralisme et proportionnelle ; c'est plus que ce que nous demandons, qui n'est certainement pas la proportionnelle intégrale. Je sais bien, d'autre part, que le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution mais j'attends du Gouvernement qu'il nous dise si les propos du Président de la République doivent être compris sur le mode de l'ouverture ou sur celui de la fermeture.
M. Bernard Frimat. - Je remercie vivement M. Mercier pour son intervention très pertinente. Pour rédiger cet amendement, nous nous sommes calés sur le texte de la Constitution concernant la saisine du Conseil constitutionnel. C'est pour cette seule raison que nous avons mentionné le chiffre de soixante députés ou sénateurs. Si l'amendement CRC devait recevoir un avis favorable, nous le voterions très volontiers : nous sommes favorables à la saisine du Conseil constitutionnel par un groupe.
En signe de bonne volonté, nous retirons notre amendement, avec l'espoir que la majorité se prononcera dans le sens de la fidélité à la pensée présidentielle !
L'amendement n°133 est retiré.
L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°77.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je n'ai pas qualité pour me faire l'exégète des propos présidentiels mais, quand on parle de pluralisme de l'opinion, je ne me demande pas longtemps si c'est un signe d'ouverture ou de fermeture. Inscrire le pluralisme dans la Constitution est clairement un signe d'ouverture ! Il n'est évidemment pas question d'inscrire les modes de scrutin dans la Constitution mais la proposition du chef de l'État comme l'accord qui a été donné à votre amendement, monsieur Mercier, sont bien le signe que le Gouvernement et sa majorité ne ferment pas les portes.
L'article 24 est adopté.
Article 24 bis
Supprimé........
M. le président. - Amendement n°78, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans l'article 54 de la Constitution, après les mots : « soixante sénateurs » sont insérés les mots : « ou par un groupe parlementaire ».
M. Robert Bret. - C'est avec amertume que nous avons constaté le rejet par l'Assemblée nationale d'un article additionnel que le Sénat avait adopté à la quasi-unanimité, à la seule exception, si mes souvenirs sont bons, de M. Fourcade.
M. Hyest, au nom de la commission des lois, avait alors précisé qu'au moment où l'exception d'inconstitutionnalité allait permettre à tout citoyen de s'opposer à une loi, il serait étonnant de continuer à refuser la saisine par un groupe parlementaire. M. Mercier avait souligné l'intérêt de cette nouvelle prérogative pour les groupes parlementaires. M. Portelli avait approuvé cet amendement qu'il jugeait excellent. Et voici que le Gouvernement et la commission des lois de l'Assemblée nationale refusent cette proposition par opportunité politique. Leur argumentation ne peut résister à la contradiction. Il y aurait une inégalité entre parlementaires, étant donné les différences dans les effectifs des groupes selon les périodes. Cet argument néglige le fait que la saisine par soixante parlementaires de chaque assemblée assure le respect du droit individuel de saisine de chacun. Il n'apparaît donc pas très sérieux, ni même très intelligible.
Les mêmes déclarent que le droit de saisine serait strictement individuel. De qui se moque-t-on ? Les recours émanent systématiquement des groupes politiques car ce sont eux qui constituent le Parlement, qui ne peut être considéré comme une simple addition d'individualités. Le droit de saisine du Président de la République est-il un droit individuel ou un droit résultant de la fonction ? La seconde hypothèse est la réponse évidente.
Nous demandons donc solennellement au Sénat de rétablir son vote de première lecture.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le groupe CRC voulait tout à l'heure que l'Assemblée nationale ait le dernier mot en matière constitutionnelle aussi !
J'ai regretté le refus de l'Assemblée nationale ; c'est un des points de désaccord qui subsistent entre nous. Maintenant, il faut bien aller à l'essentiel et le distinguer de l'accessoire. Nous voici devant ce cas. Il ne nous a pas paru possible de remettre en cause l'ensemble de ce projet de loi pour cela ; c'est la raison de notre avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le droit de saisir le Conseil constitutionnel est reconnu par la Constitution à soixante sénateurs ou députés. Avis défavorable à cet amendement n°78, compte tenu de l'accord intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. - Quel accord ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il n'y a pas eu de CMP !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vos arguments ne sont pas convaincants. Le droit de saisine est individuel, dites-vous, mais s'il faut soixante parlementaires, ce droit n'est plus individuel, ou alors c'est un droit individuel de se mettre dans un groupe de soixante !
Les citoyens vont pouvoir saisir le Conseil constitutionnel.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Par voie d'exception !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Donc chaque parlementaire doit pouvoir le faire. Nous voulons qu'on donne ce droit aux groupes, à tous les groupes, afin d'affirmer la réalité du pluralisme du Parlement. Monsieur Mercier, j'en suis désolée mais, en dépit de son inscription à l'article premier, ce pluralisme n'a aucune réalité compte tenu du refus des députés de reconnaître les groupes parlementaires. Après avoir introduit une lapalissade à l'article premier, les députés ont refusé de reconnaître des droits spécifiques aux groupes parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Imaginez que, dans un groupe, certains membres ne veuillent pas saisir le Conseil constitutionnel. Il pourrait y avoir des problèmes car il n'y pas de mandat impératif. La question n'est pas anodine. Il est vrai que dans certains groupes, elle ne se poserait pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Où ça ?
M. Robert Badinter. - Nous ouvrons la saisine du Conseil constitutionnel aux justiciables, qui ne sont pas nécessairement des citoyens, dans le cadre de l'exception d'inconstitutionnalité. Dès lors, pourquoi ne pas l'ouvrir à un groupe parlementaire ? L'absence d'unanimité poserait un problème : on pourrait donc songer à demander l'unanimité.
Mais franchement, monsieur Hyest, c'est une mauvaise méthode parlementaire que de nous dire qu'il y a eu un accord. Un accord entre qui et qui ? Entre vous et votre homologue de l'Assemblée nationale ! Cet accord ne nous est pas opposable !
S'il doit y avoir navette, qu'il y ait navette mais, alors même qu'on nous parle de renforcer les droits du Parlement, qu'on ne vienne pas évoquer devant nous un accord entre deux présidents de commission, qui plus est appartenant à la même majorité ! Il n'y a eu d'accord qu'entre deux personnes.
La reconnaissance de droits égaux à tous les groupes parlementaires est un impératif catégorique. Mais qu'on ne nous dise pas que la saisine est impossible parce que les présidents des deux commissions des lois en ont décidé ainsi ! Cet accord n'engage que vous.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Non ! Il engage la commission des lois !
M. Robert Bret. - Nous proposons de modifier notre amendement en écrivant in fine « à l'unanimité de ses membres ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - D'abord, j'exprime le point de vue de la commission des lois qui en a délibéré et je suis las d'entendre dire que j'ai passé un accord personnel avec le président de la commission des lois de l'Assemblée. Les députés ont pris en compte nombre des points de vue du Sénat. Mais c'est un dialogue et, dans un dialogue, on n'accepte pas tout de son interlocuteur. Je suis donc toujours contre l'amendement et je serai contre tous les autres, sans d'ailleurs m'en expliquer davantage ! (Applaudissements à droite)
L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté.
L'article 24 bis demeure supprimé.
Article 24 ter
Supprimé
M. le président. - Amendement n°134, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans la Constitution, les mots : « Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « Cour constitutionnelle ».
M. Robert Badinter. - Messieurs Lecerf et Gélard, je vous livre là un cas d'étude sur les procédures parlementaires !
Mon amendement porte sur une simple question de dénomination. Entre le Conseil constitutionnel d'origine et celui d'aujourd'hui, il y a une différence : l'ouverture de sa saisine aux parlementaires et désormais aux justiciables. Après avoir consulté les deux précédents présidents de ce Conseil, j'avais déposé un amendement visant à lui donner son appellation exacte, celle de Cour, puisque cette institution ne conseille pas mais qu'elle rend des décisions juridictionnelles. C'est le simple bon sens. Cela a été voté ! Un tel succès est rare : j'ai calculé qu'un de mes amendements est adopté en moyenne une fois par an.
Puis les députés en sont revenus à la dénomination « Conseil constitutionnel ». En bon juriste, je me suis reporté au compte rendu des travaux de l'Assemblée : le rapporteur et le Gouvernement ont donné un avis défavorable sans un mot pour justifier leur opposition. La seule justification, je l'ai trouvée dans le rapport de M. Hyest lorsqu'il cite son collègue de l'Assemblée.
En effet, selon M. Warsmann, la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnel n'est « ignorée par personne » et tout le monde connaît sa mission juridictionnelle. Je veux bien, mais c'est une vision bien optimiste de la réalité.
Il n'est pas bon qu'une grande institution juridictionnelle comme celle-ci s'appelle « conseil » et non « cour ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le changement de dénomination ne modifierait rien. Je l'ai déjà dit en première lecture. En outre, le Conseil constitutionnel n'est pas seulement une juridiction. Ce n'est pas plus une cour suprême. Il vaut donc mieux conserver la dénomination traditionnelle.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ces explications n'apportent rien par rapport à celles qui n'avaient pas convaincu le Sénat en première lecture.
L'amendement n°134 n'est pas adopté.
L'article 24 ter demeure supprimé.
Article 25
I. - Non modifié....
II. - Supprimé....
M. le président. - Amendement n°135, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du I de cet article :
Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis public de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée, statuant à la majorité des trois cinquièmes.
M. Robert Badinter. - Un consensus doit présider à la nomination des membres du Conseil constitutionnel. Le veto négatif à la majorité des trois cinquièmes profite exclusivement à la majorité, ce qui mettrait à mal l'ouverture que vous dites rechercher. Vous voulez en fait conserver la maîtrise des nominations.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Cet amendement transférerait le pouvoir de nomination du président aux commissions parlementaires, dont l'avis conforme serait requis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il serait même transféré à l'opposition !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Pendant longtemps, on ne s'est pas interrogé sur les qualités des membres du Conseil constitutionnel, qu'ils soient nommés par le Président de la République, par celui de l'Assemblée nationale au par celui du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. - A quoi sert ce que nous faisons ?
M. Henri de Raincourt. - A rien !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le rapporteur n'a pas argumenté son avis...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je dois seulement exprimer l'avis de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. - ... et Mme le Garde des sceaux prétend que nous voulons un avis conforme, alors que nous demandons seulement un avis publiquement exprimé à la majorité des trois cinquièmes. (M. Jean-Pierre Fourcade exprime son désaccord.) Que l'on ne nous fasse pas dire ce que nous n'avons ni dit, ni écrit !
M. Jean-René Lecerf. - Lorsque M. Badinter a présenté l'amendement précédent, il m'a convaincu.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Pas moi !
M. Jean-René Lecerf. - Je me suis donc abstenu sur le vote. Mais ici, quel juriste, quel homme politique restera membre du Conseil constitutionnel après un avis négatif, même formulé à la majorité simple ? (Applaudissements à droite)
L'amendement n°135 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°136, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Rétablir le II de cet article dans la rédaction suivante :
II - Le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution est supprimé.
M. Robert Badinter. - Il s'agit de l'appartenance à vie des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel. A l'origine, cette singularité française s'expliquait par la volonté du général de Gaulle d'assurer un traitement décent aux anciens Présidents de la République, MM. Auriol et Coty. Or, la République s'honore aujourd'hui en assurant aux anciens chefs de l'État un traitement et certains avantages. Dès lors, la présence de ces anciens chefs de l'État est devenue une singularité unique parmi toutes les juridictions constitutionnelles et sa portée va s'accroître avec le rajeunissement des Présidents de la République, lui-même amplifié par l'allongement de l'espérance de vie, si bien qui nous verrons croître le nombre d'anciens chefs de l'État membres à vie du Conseil constitutionnel.
Si un ancien Président de la République a la vocation d'être juge constitutionnel, rien ne s'oppose à sa nomination, car il sera soutenu par l'une au moins des trois personnalités habilitées à désigner les membres de cette institution. Aujourd'hui, le système, créé en pratique à l'intention du seul président Coty, aboutit à une situation où, sans offenser qui que soit, l'assiduité des anciens Présidents de la République n'est pas exemplaire. Et pour ce qui est de leur sagesse, vous pensez bien que les rapporteurs prennent le soin de consulter tous ceux qui peuvent éclairer le conseil, notamment les anciens chefs de l'État.
Il n'est pas bon, d'une façon générale, qu'existent dans la République des mandats à vie, car on perd le contact avec la réalité, outre l'éventuelle détérioration des aptitudes intellectuelles avec l'âge.
Il n'est pas bon qu'un nombre croissant de membres de cette institution apparaisse inévitablement comme des personnalités politiques.
C'est pourquoi la commission et le Sénat avait sagement supprimé cette disposition en première lecture. Je vous demande aujourd'hui de confirmer ce vote.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est défavorable, mais nous devrons sans doute revenir sur ce sujet.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Avis défavorable.
M. Josselin de Rohan. - Je ne suis pas d'accord avec M. Badinter.
Tout d'abord, sur le plan historique, il ne s'agissait nullement d'assurer une pension à M. Auriol ou à M. Coty, car tous deux étaient d'anciens parlementaires. Nul n'a considéré le Conseil constitutionnel comme une maison de retraite ! Le constituant voulait seulement bénéficier de leur sagesse et de leur expérience. D'ailleurs, les deux intéressés étaient des hommes de grand bon sens. M. Auriol n'a pas voulu siéger, pour les raisons que l'on sait. Quand M. Coty est venu, sa présence n'a pas semblé inutile.
Le successeur de M. Badinter, qui m'honore de son amitié, m'a dit combien il était heureux de compter aujourd'hui deux anciens Présidents de la République parmi les membres du Conseil constitutionnel. Il s'exprime en connaissance de cause, contrairement à M. Badinter, qui n'en avait aucun.
Selon lui, leur expérience, leur sagesse, leur connaissance du monde politique éclairent les débats, qui ne se limitent pas aux seuls aspects juridiques. Je ne peux vous laisser dire que leur présence constitue une anomalie ou n'apporte rien. Ce n'est que votre point de vue.
Certes, le poids des ans pousserait à faire autre chose -mais on pourrait dire la même chose du Sénat ! Et les progrès de la science feraient qu'un très grand nombre d'anciens présidents siégeraient au conseil. Mais croyez-vous qu'un président élu à 54 ans -il ne s'agit que d'un exemple- (sourires) puis réélu et âgé d'une soixantaine d'années à la fin de son mandat ne saurait s'occuper autrement ? Et s'il participe aux travaux du Conseil, il apportera son expérience comme les autres. (Applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je soutiens la nouvelle défense de cet amendement car il résulte de notre réflexion. Notre point de vue ne dépend pas d'un jugement subjectif sur l'action de tel ou tel ancien président. Le monde a changé. On imaginait difficilement autrefois la présence au Conseil de deux Présidents de la République ; désormais, il pourrait y en avoir trois ou quatre.
M. Robert del Picchia. - Pourquoi pas vingt-cinq ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Avec l'allongement de la durée de la vie, il y a un risque de disproportion entre le nombre de membres nommés et les anciens Présidents de la République membres à vie. Cette disposition date d'un autre temps et n'est plus adaptée au monde contemporain.
Il est regrettable que, pour des raisons qui nous dépassent, nous ne puissions effectuer cette modification.
M. Robert Badinter. - Monsieur de Rohan, notre assemblée a voté la suppression de cette disposition.
M. Jean-Pierre Fourcade. - A quelques voix près.
M. Robert Badinter. - Le Conseil constitutionnel a totalement changé en 1974. Auparavant, c'était la Belle au Bois dormant : il n'avait pris qu'une douzaine de décisions. On ne peut parler, à cet égard, du précédent du Président Coty.
Vous dites que Jean-Louis Debré souhaite que les Présidents de la République demeurent membres à vie, mais je l'ai entendu dire exactement le contraire ! Nous aurions dû le convoquer devant la commission des lois pour y voir plus clair.
Ce qui a été décidé dans le passé ne doit pas régler l'avenir. Et le mandat à vie dans une juridiction n'est souhaitable pour personne.
L'amendement n°136 n'est pas adopté.
L'article 25 est adopté.
Article 25 ter
Supprimé
M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution est complété par les mots : « ou par un groupe parlementaire ».
M. Robert Bret. - Nous proposons de rétablir la disposition votée par le Sénat en première lecture visant à élargir le droit de saisine du Conseil constitutionnel au groupe parlementaire. Par cohérence avec le débat précédent, nous rectifions cet amendement en ajoutant « à l'unanimité de ses membres ».
L'amendement n°79 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 25 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 26
M. le président. - Amendement n°15, présenté par MM. Haenel, Grignon, Mme Keller, MM. Leroy, Richert, Mmes Sittler et Troendle.
Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 74-1 de la Constitution, il est inséré un article 74-2 ainsi rédigé :
« Art. 74-2. - La République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. »
Mme Catherine Troendle. - L'article 26 crée un article 61-1 de la Constitution qui permet à tout justiciable, à l'occasion d'un procès, de soulever une exception d'inconstitutionnalité. Il appartiendra à la Cour de cassation ou au Conseil d'État de saisir le Conseil constitutionnel.
S'agissant du droit local alsacien-mosellan, qui concerne essentiellement la sécurité sociale, les associations, l'enseignement religieux et le statut des cultes, cette exception pourrait être invoquée pour une atteinte au principe d'égalité devant la loi, de laïcité ou d'unité de la République. Or la législation locale est conforme au principe de laïcité, qui n'interdit pas le financement public des activités religieuses, et l'État doit faire preuve de neutralité dans la nomination des ministres des cultes statutaires. Il n'est toutefois pas exclu qu'une disposition du droit local soit déclarée contraire à la Constitution car la jurisprudence constitutionnelle a développé une conception stricte de l'unité territoriale du régime des libertés publiques.
Les populations de ces départements sont très attachées au droit local, déclinaison spécifique des droits et libertés constitutionnels intégrée depuis quatre-vingt-dix ans dans le système juridique français. Trois possibilités permettent de prévenir toute difficulté. La première aurait consisté à ajouter la phrase suivante à la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article61-1 de la Constitution : « Sont exclues de cette procédure les dispositions législatives maintenues en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans lesdits départements ainsi que les dispositions ayant modifié ces lois. » La deuxième serait de rétablir le texte initial du projet limitant le domaine de l'exception d'inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958. La troisième a pour objet d'inscrire le droit local alsacien-mosellan dans la Constitution, à l'instar du droit des territoires d'outre-mer. C'est ce que propose cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nos collègues d'Alsace-Lorraine craignent que l'exception d'inconstitutionnalité ne mette en cause le droit local auquel ces départements sont très attachés et qui est fort bien régi par l'Institut du droit local. Nous devrions d'ailleurs nous inspirer de certaines dispositions de ce droit intelligent, notamment en matière de sécurité sociale...
Aucune loi locale ne porte atteinte aux droits et libertés constitutionnelles, et le constituant ne souhaite pas supprimer ces particularités, notamment pour préserver la sécurité juridique que connaissent ces régions. La loi organique concernant l'application de l'exception d'inconstitutionnalité précisera ce point et le Gouvernement vous donnera certainement des garanties en ce sens. Retrait.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Gouvernement comprend l'attachement légitime des populations d'Alsace et de Moselle au droit local en vigueur sur leur territoire. Le respect des spécificités locales a fait l'objet d'un engagement politique et moral des plus hautes instances de l'État en 1918, lorsque ces territoires ont réintégré la souveraineté française. En 1946, le constituant a choisi de restaurer le droit local alsacien-mosellan, qui a été progressivement incorporé dans notre tradition républicaine.
Le Conseil d'État, qui contrôle la conformité du droit local d'Alsace-Moselle à la Constitution, n'y a rien trouvé à redire, voyez l'arrêt Association « Les Cigognes » du 22 janvier 1988. Le Conseil constitutionnel non plus, dans son contrôle de la constitutionnalité des lois locales antérieures à 1958, très récemment encore à l'occasion du contrôle de la loi du 21 janvier 2008 qui modifiait le code du travail local. Il n'y a aucune raison que la jurisprudence change sur le droit local.
L'exception d'inconstitutionnalité ne menace guère plus le droit local, qui est toujours sorti plus fort de sa confrontation avec le bloc de constitutionnalité.
Enfin, dans sa décision du 6 avril 1988, le Conseil d'État a rappelé que le principe de laïcité s'appliquait en Alsace-Moselle.
Vous souhaitez qu'un article de la Constitution mentionne le régime particulier d'Alsace-Moselle. Ce n'est pas nécessaire, parce qu'un tel article jetterait un doute sur la compatibilité du droit local avec la Constitution : retrait, sinon rejet.
M. Hubert Haenel. - Trois millions de Français sont concernés par le droit local, j'en parlerai comme président de la commission d'harmonisation du droit local d'Alsace-Moselle. J'entends Mme le Garde des sceaux nous confirmer que le droit local est protégé constitutionnellement, puisque le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ne l'ont jamais remis en cause, alors qu'ils en ont la possibilité.
M. Gérard Longuet. - C'est exact !
M. Hubert Haenel. - Vous nous dites aussi que le droit local ne sera pas remis en cause en bloc par l'exception d'inconstitutionnalité. Cela ne veut pas dire, cependant, qu'on ne pourra pas, en harmonisant, soulever l'inconstitutionnalité de tel ou tel point du droit local, c'est important de le préciser.
Mme Catherine Troendle. - Merci pour votre réponse, madame le Garde des sceaux. Il serait intéressant d'examiner les contributions que le droit local pourrait apporter au droit national : M. Hyest a évoqué le droit de la sécurité sociale, je pense également au droit associatif et au livre foncier.
L'amendement n°15 est retiré.
Article 28
L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée intéressée.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de Premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le Premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.
« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
M. le président. - Amendement n°81, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit cet article :
L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État, ainsi que trois personnalités qualifiées désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée nationale, par le Sénat et par le Président de la République selon la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat du parquet élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que les trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État et les trois personnalités qualifiées mentionnées à l'alinéa précédent.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de Premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.
« Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d'appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la cour de cassation.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, et peut rendre des avis d'initiative sur les atteintes à l'indépendance de la magistrature. La formation plénière comprend l'ensemble des formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et du parquet. Elle est présidée par un magistrat élu en son sein.
« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le Conseil chaque fois qu'il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nomination.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. - La grande réforme annoncée du CSM n'a pas eu lieu. La tutelle du ministère n'a pas disparu, l'autonomie de fonctionnement n'est pas garantie, la composition et les modalités de désignation des personnalités extérieures sont perfectibles. Vous persistez à confier la présidence de la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège au Premier président de la Cour de cassation, ce qui posera des problèmes de compatibilité, de conflit d'intérêt et d'unité du corps. Nous vous proposons que la formation siège élise son président en son sein, parmi ses membres magistrats.
La composition n'est pas paritaire, les magistrats y deviennent minoritaires. Nous sommes pour l'ouverture du CSM, mais il faut garantir au moins la parité entre magistrats et non magistrats. Nous proposons un mode de désignation démocratique qui garantisse le pluralisme. De même, nous exigeons la plus grande indépendance en matière de nominations des membres du parquet et de sanctions disciplinaires. L'indépendance des magistrats du parquet exige qu'ils soient nommés sur avis conforme de la formation ad hoc du CSM. Il faut également que les sanctions disciplinaires soient identiques dans les deux formations du CSM. Enfin, la présence du Garde des sceaux aux séances des formations du CSM est plus que contestable. Pour clarifier les relations du CSM et du ministre, nous proposons une saisine pour consultation, pour demander son audition et pour solliciter une nouvelle délibération.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les députés nous ont suivis sur cet article, à une nuance rédactionnelle près. Notre proposition de parité est dans la Constitution, nous n'avons pas à y revenir : je ne souhaite pas revenir sur ce qui a été voté par les deux assemblées. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Le Président de la République ne présidera plus le CSM, il n'y aura donc plus de politisation possible. Vous reprochez au Garde des sceaux d'assister aux réunions du CSM, mais il y est tout à fait dans son rôle, puisqu'il alloue par exemple les moyens à la justice, et qu'il peut assister, autre exemple, aux propositions de nomination.
Seconde avancée, le CSM donnera son avis sur la nomination des procureurs généraux. Enfin, l'indépendance des magistrats est renforcée, parce que la présidence de chacune des deux formations du CSM, est confiée au plus haut magistrat du siège pour l'une, du parquet pour l'autre.
Vous vous inquiétez de l'indépendance du parquet, mais nous ne souhaitons pas que les procureurs soient indépendants.
M. Gérard Longuet. - Ils ne sont pas propriétaires de leur fonction !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Quand les Français élisent leur Président de la République, ils le font pour qu'une certaine politique soit appliquée. Si le Président de la République a annoncé un renforcement de la lutte contre la récidive, il est normal que les procureurs appliquent cette politique. L'indépendance de la magistrature concerne donc l'activité juridictionnelle des magistrats du siège, et nous y sommes très attachés.
Le CSM donnera son avis sur la nomination des procureurs généraux, il y a aujourd'hui très peu de « passer outre » aux avis sur la nomination des procureurs. Le Garde des sceaux passe outre quand il choisit de privilégier la compétence ou la spécialisation plutôt que l'ancienneté.
L'Assemblée nationale a suivi la rédaction du Sénat, à une précision formelle près. Avis défavorable.
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°137, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège, une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet et une formation plénière.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un professeur de droit et un avocat ainsi que trois personnalités qualifiées n'appartenant pas au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, désignés respectivement par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises à l'avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. Cette formation est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée de cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège et des six personnalités prévues à l'alinéa précédent. Elle est présidée par une personnalité élue en son sein pour deux ans.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle fait des propositions de nomination pour tous les magistrats du siège.
« La formation compétente à l'égard des magistrats parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Les magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est composé des membres des deux formations. Il est présidé par l'un de ses membres élus en son sein pour deux ans.
« Le Garde des sceaux, à sa demande ou à la demande du Conseil supérieur de la magistrature peut être entendu par la formation plénière.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par tout justiciable.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
M. Robert Badinter. - La commission et le Gouvernement ayant déjà opposé une fin de non recevoir, je me contenterai d'expliquer mon vote. Nous savons que sera voté ce qui a été convenu entre les groupes majoritaires des deux chambres...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Non, c'est ce que le Sénat a voté en première lecture !
M. Robert Badinter. - Voilà bien longtemps que j'appartiens au paysage judiciaire, voilà bien longtemps que je fréquente bien d'autres juridictions à travers le monde. J'estime que l'on ne rend pas assez souvent hommage à la magistrature française, qui assume de très hautes et difficiles fonctions ; on ne prend pas assez en compte, y compris chez les responsables politiques, ses missions et ses efforts. Je connais bien les justices européennes ; la justice française tient fort bien sa place.
Mme la Garde des sceaux a oublié de citer une avancée importante : l'accès direct des justiciables au Conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, ce texte est une grande occasion ratée. Les magistrats étaient en droit d'attendre la parité en matière de nomination, comme dans toutes les instances identiques.
J'ai toujours été partisan de l'indivisibilité et de la hiérarchisation du parquet. Mais cette question n'a rien à voir avec les garanties que tout magistrat est en droit d'attendre. Compte tenu des réformes intervenues ces douze dernières années, aujourd'hui plus que jamais, les magistrats du parquet ont un pouvoir de décision, concernant notamment les libertés individuelles, qui ne cesse de croître en amont de toute procédure juridictionnelle. Ils étaient en droit d'obtenir eux aussi un avis conforme. On ne leur donne pas ; c'est une occasion perdue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°137, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°80, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution, remplacer les mots :
donne son avis
par les mots :
rend un avis conforme
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Il est défendu.
L'amendement n°80, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 28 est adopté, ainsi que l'article 30 quater.
Article 30 quinquies
L'article 73 de la Constitution est ainsi modifié :
1° A la fin du deuxième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « par la loi » sont remplacés par les mots : «, selon le cas, par la loi ou par le règlement, » et, après les mots : « de la loi », sont ajoutés les mots : « ou du règlement ».
M. le président. - Amendement n°138 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Ma présentation vaudra également pour l'amendement n°139.
En fin de séance, le débat a tendance à s'accélérer. En première lecture, le dynamisme de M. Cointat avait fait adopter les articles 30 quinquies et 30 sexies, qui prévoient respectivement l'extension à l'outre-mer du pouvoir réglementaire et des ordonnances. Dans son rapport, M. Warsmann regrette que ces articles aient été introduits sans avoir fait l'objet d'une analyse approfondie et sans que la nécessité en ait été démontrée. Ces deux arguments nous paraissent pertinents. Vu l'estime dans laquelle vous tenez le rapporteur de l'Assemblée nationale, je ne doute pas que vous partagerez ces regrets.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ces deux articles ont été adoptés en toute conscience par le Sénat.
M. Christian Cointat. - Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ils répondent à un besoin des collectivités d'outre-mer, qui sont une préoccupation habituelle du Sénat. Il était indispensable de profiter de cette révision constitutionnelle. Ces amendements avaient d'ailleurs reçu l'avis favorable du Gouvernement, et l'Assemblée nationale les a conservés. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°138 rectifié n'est pas adopté.
L'article 30 quinquies est adopté.
Article 30 sexies
Le premier alinéa de l'article 74-1 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvell-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. »
M. le président. - Amendement n°139, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Bernard Frimat. - Il est défendu.
L'amendement n°139, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 30 sexies est adopté.
Article 30 septies
Après l'article 75 de la Constitution, il est inséré un article 75-1 ainsi rédigé :
« Art. 75-1. - Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'extinction des langues régionales nous préoccupe, au même titre que celle de nombreuses traditions locales. La mention, par l'Assemblée nationale, des langues régionales à l'article premier de la Constitution n'était pas satisfaisante : nous avions proposé, en vain, de la déplacer après la référence au français.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a pris en compte cette demande. La Charte des langues régionales du Conseil de l'Europe étant vouée à ne jamais être adoptée, il était impérieux de constitutionnaliser l'existence des langues régionales, afin de permettre la mise en place d'un cadre juridique assurant leur survie et leur développement. Je me félicite donc que le Sénat, contraint à un vote conforme, ne remette pas en cause cette mention.
M. le président. - Amendement n°91 rectifié, présenté par MM. Renar et Autain.
Supprimer cet article.
M. Ivan Renar. - Malgré mon attachement aux langues régionales, j'estime qu'elles n'ont pas leur place dans la loi fondamentale. Le sujet est suffisamment important pour faire l'objet d'une loi spécifique. Les langues régionales valent mieux que cette instrumentalisation ! Comme le dit Félix Leyzour, ancien député des Côtes-d'Armor, amoureux du breton, le problème des langues et cultures régionales doit être abordé avec l'objectif de servir la cause des langues régionales, et non pour s'en servir à des fins politiques.
L'inscription de la langue française dans la Constitution en 1992 n'a pas permis d'endiguer la régression de son usage, y compris dans les instances où elle est pourtant l'une des langues officielles.
Cela devrait faire méditer ceux qui veulent inscrire les langues régionales dans la Constitution. Ce n'est d'ailleurs pas non plus un passage obligé pour la ratification de la Charte des langues européennes. En revanche, la protection des langues ne doit pas faire de nos concitoyens des individus classés en fonction de leurs groupes ethniques au sein d'une Europe supranationale.
Alors que j'ai toujours été un partisan résolu du plurilinguisme et un ardent défenseur de la diversité culturelle, je m'inquiète de l'insuffisance des moyens pourtant indispensables à une réelle promotion de toutes les langues. Grâce aux langues régionales, de nombreux français apprennent à parler rapidement deux langues et l'éducation nationale a tout à gagner de ce bilinguisme qui est un atout car il favorise l'apprentissage d'autres langues. Avec la mondialisation, le monde est devenu un village et notre pays a grand besoin de personnes qui parlent le chinois ou l'arabe. Nous avons aussi la chance de pouvoir compter sur des immigrés dont c'est la langue maternelle.
L'introduction des langues régionales au sein titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales, loin d'être à mes yeux un compromis acceptable m'inquiète : c'est la porte ouverte à de nouveaux désengagements de l'État avec, à la clé, des transferts de charges sur des collectivités déjà asphyxiées. Ce serait alors un sérieux recul pour les langues régionales ! Une véritable décentralisation n'a de sens qu'accompagnée de moyens financiers et humains. C'est tout le sens de la proposition de loi que nous avons déposée car pour que les langues régionales vivent, elles n'ont pas besoin d'être inscrites dans la Constitution mais d'être parlées dans la rue, à l'école et dans les médias.
M. le président. - Il est temps de conclure !
M. Ivan Renar. - La diversité linguistique est un véritable patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l'ordre du vivant. La France doit valoriser sa propre diversité, d'autant qu'elle a ratifié la convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Néanmoins, on peut être pratiquant et partisan des langues régionales sans pour autant vouloir les inscrire dans la loi fondamentale. D'autant que, sur le fond, nous aurons à nous prononcer sur un projet de révision de la Constitution qui, en amoindrissant les pouvoirs du Parlement, affaiblit la démocratie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez bien du mal à trouver une majorité. Quel gain pour les langues régionales si la révision n'est pas adoptée à Versailles comme nous l'espérons ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Comme nous l'avons déjà dit, les langues régionales n'ont certainement pas leur place à l'article premier, ni à l'article 2 qui traite de la souveraineté. Le dialogue entre nos deux assemblées a permis de leur trouver une place plus adéquate, après les articles relatifs à la décentralisation. Nous reconnaissons ainsi les langues régionales sans pour autant leur donner un rang qu'elles ne peuvent avoir. L'avis est donc défavorable et je pensais que M. Renar allait retirer son amendement étant donné son vibrant plaidoyer en faveur des langues régionales.
Afin de rassurer M. Legendre, la francophonie figure à l'article suivant.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis défavorable.
M. Gaston Flosse. - J'aimerais entendre M. le rapporteur me confirmer que les multiples langues de l'outre-mer sont concernées par cet article. Même si la langue officielle reste le français, j'espère que dorénavant, nous pourrons nous exprimer dans nos langues natales au sein de nos assemblées, ce qui nous est aujourd'hui interdit.
Enfin, je voudrais dire à M. Renar qu'il manque un peu de cohérence : après avoir dit que les langues régionales étaient une richesse pour la Nation, il refuse de leur accorder la moindre reconnaissance dans la loi fondamentale. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec lui, car nos langues sont le support de nos cultures.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis d'accord avec cet article, mais ce qu'a dit M. Flosse m'inquiète. Est-ce que la reconnaissance des langues régionales implique la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires ? Vont-elles pouvoir être utilisées à titre officiel dans les assemblées de Polynésie ?
M. Gaston Flosse. - Je n'ai pas dit officiel !
M. Pierre-Yves Collombat. - Excusez-moi, mais lorsqu'on veut employer une langue régionale dans une assemblée, cela signifie bien quelque chose !
M. Gaston Flosse. - Le français resterait la langue officielle !
M. Pierre-Yves Collombat. - Je m'adresse à M. le rapporteur et j'attends une réponse de sa part.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La reconnaissance des langues régionales comprend bien entendu celles de l'outre-mer. D'ailleurs, si un rapport de 1999 rendu au ministre de l'éducation nationale fait état de 79 langues régionales, c'est bien parce que celles de l'outre-mer sont prises en compte. En revanche, cet article n'offre aucun nouveau droit et la jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelle que le français doit être obligatoirement utilisé dans la sphère publique, conformément à l'article 2 de la Constitution. Certes, l'enseignement peut être dispensé dans une langue régionale, mais à condition qu'il ne soit pas obligatoire.
M. Ivan Renar. - Il n'est pire sourd qui ne veut entendre ! Je ne suis pas opposé aux langues régionales, monsieur Flosse, mais je m'interroge sur l'opportunité de les mentionner dans la Constitution et je pense même que cela risque d'être dangereux si cette inscription flatte les courants identitaires. En revanche, une loi spécifique serait nécessaire pour en assurer la défense et pour les développer. Mais je me sens un peu seul à défendre ce point de vue et j'ai un peu le sentiment d'exposer les rêveries d'un promeneur solitaire... (Sourires)
L'amendement n°91 rectifié n'est pas adopté.
L'article 30 septies est adopté.
Article 31 bis
I. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 87 ainsi rédigé :
« Art. 87. - La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage. »
II. - Non modifié.........
L'amendement n°30 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°31.
L'article 31 bis est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°84, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est supprimé.
Amendement n°85, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution est abrogé.
M. Robert Bret. - Étant donné le « non » de l'Irlande, la caducité du traité de Lisbonne doit être prise en compte dans la Constitution. Un nouveau traité sera indispensable. Dans le cas contraire, ce serait une violation flagrante du droit international, comme ce fut le cas avec ce traité de Lisbonne en dépit du « non » français au référendum du 29 mai 2005. Nous vous proposons donc d'actualiser la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le sort définitif du traité de Lisbonne n'est pas encore connu : la Belgique l'a ratifié le 8 juillet et l'Espagne très récemment. D'ores et déjà, 23 pays sur 27 ont déjà donné leur accord. Attendons l'issue des consultations qui restent en cours. L'avis est donc défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°85.
Article 32
L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne.
« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-4 de la Constitution, remplacer les mots :
est instituée une commission chargée
par les mots :
est institué un comité chargé
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut en revenir à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture concernant la dénomination de l'actuelle Délégation pour l'Union européenne afin de lui donner une véritable existence transversale, indépendante des commissions permanentes.
Comme le disait notre rapporteur en première lecture : la dénomination de « comité chargé des affaires européennes », qui avait été proposée par nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, est préférable, quoi qu'en disent certains députés, à celle de « commission chargée des affaires européennes ».
Il faut en effet mieux identifier ces organismes qui occupent aujourd'hui une place essentielle dans chaque assemblée, en les distinguant des commissions permanentes et des commissions spéciales.
Notre rapporteur ajoutait que le président de la délégation pour l'Union européenne, M. Haenel, approuvait son amendement.
Tout le monde était d'accord. Mais le rapporteur change d'avis, pour satisfaire la volonté de l'Assemblée nationale... Suivons le sage raisonnement de M. Hyest en première lecture !
M. le président. - Amendement identique n°140, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.
M. Bernard Frimat. - Exposé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Effectivement, comité me semble meilleur. Mais au plan européen, il n'y a pas de différence : committee signifie à la fois commission et comité. Le président de la Délégation de l'Assemblée nationale est très attaché au terme de commission. Cela ne change rien aux fonctions respectives des commissions permanentes et des délégations. Fallait-il une troisième lecture pour régler ce point ? Dans le dialogue entre les deux assemblées, le Sénat a obtenu bien plus, sur des points essentiels, l'équilibre des juridictions par exemple.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Merci de nous éviter une troisième lecture pour cela... Il ne s'agit bien sûr pas de commissions au sens de l'article 43 de la Constitution. Défavorable.
Les amendements identiques n°s5 et 140 ne sont pas adoptés.
L'article 32 est adopté.
Article 33
L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.
« Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89. »
Mme Alima Boumediene-Thiery. - En première lecture, nous avons été très nombreux à nous opposer à l'amendement anti-Turquie. Nous l'avons supprimé, sans hélas convaincre l'Assemblée nationale de s'en tenir à l'article 89 de la Constitution. Dans le texte qui nous revient, le référendum est le principe, sauf si les trois cinquièmes des parlementaires s'y opposent. Quoi que nous fassions, l'article 88-5 de la Constitution sera marqué au sceau de la discrimination et de la méfiance -y compris celle du Président de la République- à l'égard de la Turquie. Ce texte n'est que le prolongement édulcoré de ce que nous avions supprimé et qui ressuscite sous une forme où toute mention à la population est absente, mais où l'ombre de la Turquie plane... Quelle hypocrisie ! L'article n'est que le résultat d'un tripatouillage visant en même temps à contenter les 85 députés farouchement opposés à l'adhésion de la Turquie et à rassurer ceux d'entre nous qui voyions dans la rédaction une insulte au peuple turc. On chercher à l'exclure sans en avoir l'air, par un bricolage juridique. Mais le mal est fait et si l'on ne revient pas à la procédure de l'article 89, l'insulte demeurera, quel que soit l'enrobage pour masquer le mépris.
M. Josselin de Rohan. - Je me félicite que le vote du Sénat ait été pris en compte par l'Assemblée nationale. Nous avions à une très large majorité repoussé une rédaction offensante pour un pays ami et allié -ce qui illustre l'intérêt d'une seconde chambre pour corriger les excès de la première. Je ne souscris pas aux propos excessifs de Mme Boumediene-Thiery. Le référendum a toujours été un moyen d'approbation des traités. Et l'actuel Président de la République, comme son prédécesseur, a toujours dit qu'il y recourrait, pour la Turquie, en raison des problèmes posés. Ce qui serait offensant serait de ne le faire que pour la Turquie.
M. Bruno Retailleau. - Absolument.
M. Josselin de Rohan. - L'Assemblée nationale prévoit qu'une majorité qualifiée pourra nous dispenser d'organiser un référendum. On ne va tout de même pas faire un référendum d'adhésion pour le Montenegro, le Kosovo, la Macédoine, la Serbie... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat soupire)
On connaît le coût d'un référendum, les taux d'abstention et la tendance à répondre à tout autre chose qu'à la question posée. Pour certains pays, qui ne présentent pas de pas problème, la ratification parlementaire est parfaitement légitime, elle a toujours existé dans notre Constitution. J'étais hostile à la rédaction votée par les députés en première lecture, mais le dispositif est à présent raisonnable et n'offense personne.
M. Bernard Frimat. - Je crois que 297 d'entre nous avaient voté contre la rédaction en première lecture et 7 pour. Nous voulions sans équivoque supprimer des dispositions discriminatoires. Nous avions rendu au Président de la République sa capacité de choix entre le référendum et la ratification parlementaire. Cette position était la bonne et nous n'en changerons pas. Pourquoi, en effet, renverser la charge de la preuve ?
M. de Rohan dit que le référendum vaudra pour tout le monde -enfin, pas tout à fait, car dans certains cas cela ne se justifie pas... Il serait plus simple de laisser le Président de la République arbitrer. Mais un compromis a été trouvé, interne à l'UMP. C'est un système qui, plus discrètement, moins pesamment, reste orienté précisément sur la Turquie. Nous ne nous associerons pas à votre réunion de famille.
M. Christian Cointat. - Je n'avais pas voté la réforme constitutionnelle qui a rendu obligatoire le référendum avant toute adhésion, car je ne pouvais accepter de retirer au Président de la République le choix de la méthode de ratification. J'ai, en première lecture, voté la rédaction du Sénat qui restaure le choix du chef de l'État. Je ne vois pas comment un président pourrait passer outre un référendum sur la Turquie ; mais ne pas rendre le référendum obligatoire est judicieux. Imaginez-vous un référendum sur l'adhésion de la Suisse ? Tenant compte de l'effort accompli, je voterai ce texte, encore qu'un peu contraint.
Mais j'ai lu dans la presse que pour M. de Villiers, cela ne suffit pas. Si le référendum n'est pas obligatoire, menace-t-il, son parti ne vote pas la révision.
Là, je dis non. Je vous lance un appel, monsieur Retailleau : faites un effort, vous aussi ! Pour éviter un référendum, il faudra que tout le monde y mette du sien. Nous faisons vraiment un gros effort.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Ils en sont à recruter chez Villiers !
M. Bernard Frimat. - C'est la pêche aux voix !
M. Robert Bret. - Ce projet de loi visait à revenir sur la disposition antiturque qui avait été introduite dans la Constitution en 2005, à l'initiative de Jacques Chirac. Nous avions dénoncé, à l'époque, cette disposition d'opportunité visant à rassurer une partie de la majorité hostile à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Ce traitement discriminatoire réservé à la Turquie étant trop visible, le projet de loi initial sur la réforme des institutions revenait sur cette disposition et prévoyait que toute loi autorisant la ratification d'un traité élargissant l'Union européenne puisse être adoptée après un vote en termes identiques des deux chambres, selon deux procédures alternatives : soit la voie référendaire, soit la voie du Parlement réuni en Congrès. L'Assemblée nationale a préféré conserver le principe du référendum obligatoire préalablement à l'entrée éventuelle de la Turquie dans l'Union européenne, tout en écartant cette obligation pour d'autres pays candidats. D'où une rédaction compliquée et confuse qui faisait appel à la démographie et rendait obligatoire le référendum pour les seuls États dont la population représente plus de 5 % de la population de l'Union.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a de nouveau modifié l'article 33 du projet de loi. Il est ainsi prévu que le référendum soit la voie ordinaire pour toutes les nouvelles adhésions mais qu'il soit possible de recourir à la voie du Congrès en cas de quasi-consensus parmi les parlementaires. Selon les mots de Mme la Garde des sceaux : « la consultation du peuple français pour les élargissements les plus importants sera donc assurée par cette voie. Inversement, il sera possible d'éviter d'organiser des référendums de façon trop rapprochée dans des hypothèses où il n'y a pas d'enjeu ». Que signifie l'expression « élargissement important » et quels sont les élargissements pour lesquels « il n'y a pas d'enjeu » ? Quels critères permettront de définir l'importance ou non d'un élargissement ? Cela semble bien flou. Et pour cause, il s'agit d'une disposition d'opportunité visant toujours la Turquie.
Il reviendra au Parlement de décider s'il y a ou non un problème ou pas pour l'adhésion de tel ou tel ? Non. C'est au peuple de le faire. Il s'agit du destin de nos peuples et seuls les peuples doivent avoir la possibilité de décider, et non pas ceux qui exercent le pouvoir en leur nom. La démocratie muselée qui nous est proposée ne débouche pas sur l'avenir mais sur une impasse.
C'est pourquoi le groupe CRC souhaite que cet article soit supprimé de ce projet de loi. Nous sommes pour que le peuple puisse se prononcer directement sur l'entrée dans l'Union de tout État.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche et Seillier.
Supprimer cet article.
M. Bruno Retailleau. - Nous voulons rétablir le verrou référendaire tel que le président Chirac l'avait proposé et tel qu'il avait été voté par cette majorité au Congrès de février 2005. Ni plus, ni moins.
M. Cointat nous dit en substance : il n'y aura pas de problème puisqu'il y aura un référendum de toute manière. En ce cas, autant revenir au texte de 2005. La rédaction qui nous est proposée aujourd'hui est très ambiguë puisqu'elle supprime l'automaticité du référendum. Le problème est de savoir si les Français pourront avoir le dernier mot en cas d'élargissement important.
On met en place un regrettable engrenage : en 1999, au sommet d'Helsinki, on reconnaît la Turquie comme candidate.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - 1963 !
M. Bruno Retailleau. - En 2004, on ouvre les négociations ; ensuite, sous présidence allemande, on progresse encore ; aujourd'hui, on fait sauter le verrou référendaire. J'y vois une logique qui va rendre le référendum très improbable, d'abord parce qu'on aura demandé aux Turcs d'énormes efforts.
En outre, on accrédite ainsi l'idée d'une Europe non démocratique. Le Président de la République a dit à juste titre qu'il y avait eu des erreurs à propos de l'Europe. La principale a été de maintenir les peuples à l'écart de sa construction. Depuis combien de décennies n'a-t-on pas consulté le peuple à propos d'un élargissement européen ? Et quand on le consulte et qu'il ne donne pas la réponse attendue, on contourne sa volonté explicite.
Ne vous y trompez pas, ce que les Français retiendront de cette réforme constitutionnelle, ce ne sera pas le 49-3 ou le partage de l'ordre du jour mais bien cette suppression de l'ultime garantie qu'ils seraient consultés sur les prochains élargissements. Il revient tout de même au peuple de dire si, oui ou non, il souhaite partager son destin avec tel autre peuple.
M. Christian Cointat. - Nous allons à votre rencontre et vous dites cela ! C'est incroyable. J'en viens à regretter le chemin que nous avons fait vers vous.
M. le président. - Amendement identique n°86, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
M. Robert Bret. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°141, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit cet article :
L'article 88-5 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 88-5. - Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure prévue aux deuxième et troisième alinéas de l'article 89. »
M. Bernard Frimat. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°87, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après les mots :
relatif à
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 88-5 de la Constitution :
l'Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure référendaire.
M. Robert Bret. - Les auteurs de cet amendement s'interrogent sur la présence dans un texte prétendant moderniser la Ve République d'une disposition refusant au peuple le pouvoir de se prononcer de plein droit sur tout ce qui a trait à l'Union européenne. C'est pourquoi ils proposent que cette consultation soit généralisée à tout nouveau traité européen.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Sur cet article 33, nous avions pris en première lecture une position très claire qui n'est pas remise en cause par la rédaction qu'a finalement retenue l'Assemblée nationale.
M. Henri de Raincourt. - C'est l'inverse.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Oui, dans la formulation, pour aboutir au même résultat. Le Sénat doit être cohérent avec lui-même et rejeter ces amendements.
Je rappelle à nos collègues CRC que, si la souveraineté appartient au peuple, celui-ci ne l'exerce par que par la voie du référendum mais par ses représentants. On pourrait évidemment supprimer le Parlement et faire des référendums sur tous les projets, ce serait intéressant...
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Défavorable à ces amendements. L'équilibre auquel a abouti l'Assemblée nationale est satisfaisant. Le référendum demeurera la règle mais l'élargissement pourra être adopté par le Congrès si les deux assemblées le demandent à la majorité des trois cinquièmes de chaque côté. Nous pourrons ainsi éviter des référendums à répétition.
M. Bernard Frimat. - Quelle surprise !
M. Pierre-Yves Collombat. - A titre personnel, je voterai les amendements de suppression afin de n'établir aucune discrimination entre les pays et de rendre la parole au peuple, trop ignoré dans la construction européenne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous savons bien que la souveraineté est aussi exercée par les représentants du peuple, merci de la leçon. Mais il nous paraît que, sur des questions importantes, il était souhaitable que le peuple soit directement consulté. Nous sommes évidemment hostiles au plébiscite mais l'expérience montre qu'une campagne référendaire donne l'occasion d'un large débat public au cours duquel le peuple s'approprie une question et ne vote pas forcément comme les parlementaires.
Il arrive que le peuple ne vote pas comme le voudrait son gouvernement : on l'a vu en France en 2005, en Irlande cette année. Sur l'Europe, les peuples constatent un déni de démocratie et ils veulent désormais être consultés. Alors, autant le faire pour tout élargissement. De plus je trouve choquant que les représentants du peuple lui dénient le droit de s'exprimer par lui-même.
L'amendement n°18 rectifié, identique à l'amendement 86, n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s141 et 87.
L'article 33 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°142, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 89 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 89. - L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement.
« Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République.
« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
« Lorsque le projet ou la proposition de révision n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut le soumettre au référendum.
« Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.
« La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. »
M. Bernard Frimat. - Nous proposons, en cas de désaccord entre les deux assemblées, de trancher par référendum.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis défavorable, comme en première lecture.
L'amendement n°142, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Article 33 bis
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 89 de la Constitution, après le mot : « être », sont insérés les mots : « examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et ».
M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le troisième alinéa du même article est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le projet ou la proposition de révision réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans chaque assemblée, la révision est définitive.
« Toutefois, lorsque le projet ou la proposition de loi n'a pas été voté en termes identiques après deux lectures par chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité absolue des suffrages exprimés par l'une ou l'autre des assemblées. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Même objet que le précédent. Le comité Balladur proposait une telle solution. Ce comité a fait d'intéressantes propositions, sur la proportionnelle par exemple : celles-là, on ne les a pas retenues...
L'amendement n°88 n'est pas adopté.
L'article33 bis est adopté.
Article 34
I. - Les articles 11, 13, le dernier alinéa de l'article 25, les articles 34-1, 39, 44, 56, 61-1, 65, 69, 71-1 et 73 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.
II. - Les articles 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49, 50-1, 51-1 et 51-2 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er mars 2009.
III. - Supprimé ......
IV. - Non modifié .......
M. le président. - Amendement n°143, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. Dans le I de cet article, supprimer les mots :
le dernier alinéa de l'article 25,
II. Le même I est complété par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution entrent en vigueur le 1er janvier 2009.
M. Bernard Frimat. - Cet amendement tire les conséquences de l'engagement de madame la ministre de la justice selon lequel la commission chargée de donner un avis sur le découpage des circonscriptions sera créée par une loi avant le 31 décembre 2008. Que l'amendement soit repoussé ne devrait pas l'empêcher de tenir cet engagement...
M. le président. - Amendement n°144, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après les mots :
présente loi constitutionnelle
rédiger comme suit la fin du IV de cet article :
s'appliquent aux députés et sénateurs amenés à accepter de telles fonctions postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article.
M. Bernard Frimat. - Cet amendement vise un petit confort que s'octroient les membres de l'actuel gouvernement qui prétendent retrouver leurs sièges de parlementaires s'ils quittent leurs fonctions ministérielles avant la fin du mandat de leurs remplaçants. Peut-être ceux-ci vont-ils se réveiller d'ici lundi, se rendant compte qu'ils s'apprêtent à voter leur propre disparition. Mais c'est leur affaire...
Une correction minimum exigerait de ne pas rendre cette loi rétroactive en l'appliquant aux ministres déjà en fonction au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique. Mais on comprend que ces anciens parlementaires devenus ministres aient envie de grappiller pour eux cette facilité : c'est humain... mais ça n'est pas convenable. Nous proposons donc un changement de date, un petit effort dans cette révision globalement si médiocre.
M. le président. - Amendement n°145, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions de l'article 56 relatives au statut de membre de droit à vie des anciens Présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle ne s'appliquent pas aux anciens Présidents de la République actuellement membres de droit du Conseil constitutionnel.
M. Bernard Frimat. - Il n'a plus guère d'objet.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.
Après les mots :
présente loi constitutionnelle,
rédiger comme suit la fin du IV de cet article :
s'appliquent à compter du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et des prochains renouvellements partiels du Sénat.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous avions, en première lecture, eu l'agréable surprise de voir cet amendement soutenu par le rapporteur et par la commission des lois. En séance publique, M. le rapporteur avait bien précisé que l'article 10 s'appliquerait aux ministres amenés à accepter leurs fonctions après l'entrée en vigueur de la loi organique. Sur la base de cette garantie, j'avais voté cet article 10.
Arrivés à l'examen des dispositions finales, nous nous sommes rendu compte que le banc de la commission s'était vidé, que notre collègue Lecerf, qui avait déposé un amendement similaire, n'était plus là pour le défendre et que, finalement, notre rapporteur se retrouvait seul de la majorité à soutenir notre proposition. Pour reprendre les mots de Mme Kosciusco-Morizet, nous avons assisté à un véritable « concours de lâcheté » (protestations à droite) de la part de parlementaires qui, pour la première fois sur ce texte, ne suivaient pas le rapporteur mais le Gouvernement, soudés par une surprenante solidarité de groupe qui contrastait avec leur position en commission des lois.
Le Gouvernement est vraisemblablement passé par là : ce n'est pas la première fois mais, en cette occasion, vous donnez l'image paroxystique d'une majorité corsetée, muselée, condamnée à exécuter la volonté du Gouvernement. (Vives protestations à droite)
M. Henri de Raincourt. - Occupez-vous de vos affaires, pas des nôtres !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Car cette disposition, au seul bénéfice du Gouvernement, crée un parachute doré pour ceux qui ont quitté un siège de parlementaire et qui souhaitent le retrouver. Vous prétendez qu'il ne s'agit pas de rétroactivité mais d'application immédiate. Soyons honnêtes : pour les suppléants, cela aura un effet rétroactif. Rien n'est prévu pour eux. Vous les méprisez et les transformez en pantins démocratiques que vous maniez selon les désirs du prince. (Mêmes mouvements) L'objet de cet amendement est de mettre fin à cette mascarade.
M. Henri de Raincourt. - Vulgaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tout ce qui est excessif est insignifiant. Il n'y a pas rétroactivité, il y a application immédiate. Avis défavorable aux amendements n°s4 et 144.
Retrait ou rejet du n°143 qui est inutile : si vous aviez lu mon rapport, monsieur Frimat, vous auriez été rassuré.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Avis défavorable à tous les amendements. (Applaudissements à droite)
M. Henri de Raincourt. - Argument en béton ! C'est convaincant au moins.
L'amendement n°143 n'est pas adopté.
M. Jean-René Lecerf. - Je ne porterai pas plainte contre Mme Boumediene-Thiéry bien qu'elle m'ait volé mon exposé des motifs. Je regrette sa diatribe sur la lâcheté. J'ai considéré que l'application immédiate était une maladresse. Mais le bilan de la réforme me paraît globalement positif et je la voterai. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - La confiance est en cause : les élections législatives et sénatoriales se sont déroulées avec certaines règles du jeu. Il serait choquant que les suppléants des ministres soient brutalement démis de leurs fonctions parlementaires.
Des arguments de fond, rappelés par M. Frimat, s'opposent à ce que le nouveau régime entre en vigueur pour les ministres nommés avant le vote - éventuel- du projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La question a été tranchée !
M. Jean-Pierre Sueur. - Il est pitoyable que notre débat ne serve à rien et que nos arguments ne soient pas écoutés...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Tout a été dit en première lecture !
M. Jean-Pierre Sueur. - ... alors que l'on prétend conforter les droits du Parlement.
L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s144 et 145.
L'article 34 est adopté.
Article 35
I. - A compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne » ;
2° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
3° Les deux derniers alinéas de l'article 88-6 sont ainsi rédigés :
« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
« A cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. A la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »
II et III. - Non modifiés ...
M. le président. - Amendement n°90, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Robert Bret. - Il n'y a pas lieu de coordonner la révision constitutionnelle avec le traité de Lisbonne, désormais caduc.
M. le président. - Amendement n°89, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du I de cet article, après les mots :
soixante sénateurs
insérer les mots :
ou d'un groupe parlementaire
M. Robert Bret. - Par cohérence, nous souhaitons qu'un groupe parlementaire puisse saisir la Cour de justice des Communautés européennes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°90.
Il en va de même pour l'amendement n°89, bien qu'il soit intéressant puisque le groupe CRC souhaite conserver ainsi un moyen d'action ouvert par le traité de Lisbonne, dont il demande par ailleurs la suppression.
L'amendement n°90 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°89.
L'article 35 est adopté.
Explications de vote
M. le président. - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Pierre Laffitte. - Aucune loi n'est parfaite. Celle-ci non plus, mais elle comporte des avancées considérables, notamment des droits nouveaux au profit des groupes n'appartenant ni à la majorité ni à l'opposition, outre un pouvoir accru de tous les parlementaires en matière d'initiative législative.
Une majorité de mon groupe votera donc le texte.
M. Patrice Gélard. - En premier lieu, je rends hommage à notre rapporteur, M. Hyest, (applaudissements à droite) pour son travail considérable et ses talents diplomatiques grâce auxquels de nombreux apports du Sénat ont abouti.
Cette révision constitutionnelle prolonge logiquement le quinquennat et l'inversion du calendrier. Elle est conforme aux promesses faites par le Président de la République et tient compte des travaux du comité Balladur. Elle dote d'un statut le chef de l'État et renforce considérablement le pouvoir du Parlement. S'ajoutent la francophonie, les langues minoritaires, le référendum d'initiative parlementaire, l'exception d'inconstitutionnalité, la révision du CSM et l'admission des nouveaux États dans l'Union européenne.
Nous allons donc adopter une révision d'une grande potentialité, mais il reste beaucoup de travail législatif à faire en peu de temps, notamment l'adoption de sept lois organiques.
Certains peuvent être déçus parce que leurs propositions n'ont pas été retenues, mais une révision constitutionnelle ne doit pas tout changer en une fois. Il vaut mieux adapter la Constitution un peu chaque année pour aller au fond des choses : ce n'est pas une tente fixée pour le sommeil.
A l'issue de nos travaux, nous avons une bonne base pour démocratiser nos institutions, si nous savons l'utiliser. Le groupe UMP votera cette révision. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Frimat. - Nous avons tenu à ce que cette deuxième lecture donne lieu à un vrai débat, car le vote conforme décidé par certains ne signifiait pas à notre avis que la messe était dite, mais je rends hommage à ceux qui ont silencieusement assisté à cette discussion...
Après ce non débat et le silence conforme de la majorité, aucun amendement n'a été adopté. C'était pourtant votre dernière chance ! Nous avions évoqué cette possibilité.
A Versailles, nous exposerons derechef les raisons très précises qui nous font repousser ce texte médiocre, cette révision insuffisante et cette démarche clanique privilégiant la victoire d'un camp sur un autre, en excluant tout dialogue. Si, vous avez dialogué au sein de l'UMP. Je salue cette novation démocratique !
Vous avez tenté, avec frénésie mais en vain, de débaucher des parlementaires socialistes. Loin d'approfondir les droits du Parlement, cette révision conforte le conservatisme du Sénat.
Sur les chaînes de télévision -sans doute peu au fait de certaines réalités- on nous demandait si les annonces nouvelles allaient modifier notre vote. Nous avons donc dû expliquer que nous n'allions pas voter lundi la constitutionnalisation d'un article du Monde, mais un texte où pas un mot n'avait changé. Vous avez voulu que cette révision soit la vôtre, gardez-la ! Mais n'oubliez pas que les groupes communiste, socialiste et Verts n'ont pas la minorité de blocage des deux cinquièmes. Nous le savons depuis le départ. Nous verrons bien ce qui se passera lundi, mais votre tentative de faire porter à la gauche la responsabilité d'un éventuel échec se heurte à son impossibilité mathématique. Si la révision échoue, ce sera parce que d'autres parlementaires auront constaté ses insuffisances.
Que mes propos ne vous enthousiasment pas, monsieur Karoutchi, je n'en suis ni étonné ni navré, mais même au milieu de la nuit il faut avoir des réactions civiles ! Aujourd'hui comme lundi prochain, le groupe socialiste votera à l'unanimité contre cette révision qui aura été une gigantesque occasion gâchée. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cette révision, annoncée après l'élection de Nicolas Sarkozy, mais non avant, aura connu une gestation de neuf mois. Tout d'abord, le comité Balladur a fait connaître 77 propositions qui mettaient en place un régime présidentiel affiché avec un peu de proportionnelle, un Sénat plus démocratique et quelques limitations des pouvoirs du Président. Le projet du Gouvernement, présenté en décembre, organisait un présidentialisme caché sous une prétendue revalorisation des pouvoirs du Parlement. On ne parlait plus de proportionnelle, de modification du scrutin sénatorial ou de limitation des pouvoirs du Président de la République. Cette révision devait faire, selon M. Fillon, l'objet d'un large consensus -qui ne concernait, en fait, que l'UMP. Quant au peuple, il n'en a jamais été question, ni sous la forme d'une consultation populaire, ni d'une amélioration de la représentativité du Parlement.
Aujourd'hui, s'il y a consensus, c'est tout au plus au sein de la majorité présidentielle. Les tentatives de l'opposition pour améliorer le projet et renforcer les droits du Parlement ont été rejetées. La modification de la représentativité des collectivités territoriales a tourné à la caricature à mesure que la propagande annonçant un renforcement des droits du Parlement se dégonflait. Nous avons vu ce qu'il est advenu, notamment, du droit d'amendement.
Nous nous trouvons désormais face à un régime particulier, d'inspiration présidentielle à l'américaine d'une part, avec un Président aux pouvoirs considérables non responsable devant le Parlement, mais pouvant dissoudre ce dernier, et proche d'un parlementarisme rationalisé à l'anglaise d'autre part, mais sans les droits de l'opposition. Bref, un système hybride, assez monarchique, où règne la confusion des pouvoirs, où le fait majoritaire est exacerbé et variable selon que la majorité est de droite ou de gauche.
Le groupe CRC votera résolument contre cette révision qui repousse encore les limites de la Constitution de 1958 vers un présidentialisme exacerbé, contre la façon dont le Président de la République souhaite peser dans le débat -sa prestation d'aujourd'hui dans la presse augure de son comportement futur, lorsqu'il pourra s'exprimer devant le Parlement. Et la grossière pêche aux voix engagée pour convaincre les derniers parlementaires hésitants nous conforte dans notre décision de rejeter cette réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous avons raté une occasion exceptionnelle de moderniser les institutions : les avancées obtenues ne sont satisfaisantes ni pour le Parlement ni pour les citoyens. J'ai plutôt observé une grande inertie et la transformation du Sénat en chambre d'enregistrement.
Nous n'avons pas réformé le Sénat, ni accordé le droit de vote aux étrangers, ce qui aurait permis de donner un nouvel élan à notre démocratie, ni limité le cumul des mandats. Nous n'avons pas introduit de proportionnelle, qui aurait rapproché les assemblées de la société en les féminisant, les rajeunissant, en introduisant de la diversité. La majorité a réduit la révision au minimum, à une réforme de convenance qui sert davantage les intérêts particuliers que l'intérêt général.
Comme nouveauté, nous avons une CMP « UMP », ce qui est regrettable car nous avons fait reculer la démocratie parlementaire. C'est très grave pour notre démocratie, pour notre société et pour l'avenir de notre pays.
M. Robert del Picchia. - Je serai bref. Je souhaite remercier le Président de la République à qui, lorsqu'il préparait sa campagne, nous avons suggéré de créer des députés des Français de l'étranger. Je remercie le Sénat d'avoir adopté cette nouvelle disposition. Les Français de l'étranger s'en réjouissent : leur assemblée a voté à l'unanimité, moins quelques absentions, en faveur de cette mesure. (Applaudissements à droite)
M. Michel Mercier. - Je remercie ceux et celles qui ont assuré la bonne tenue de ce débat, en première et plus encore en seconde lecture, où le rôle du Sénat est rendu plus difficile par l'exigence du vote conforme. Cela nécessitait une grande discipline, et le rapporteur a eu la patience de nous en faire comprendre l'enjeu.
L'ambition de cette réforme, comme du rapport Balladur, était de construire une république plus démocratique, aux pouvoirs plus équilibrés. La Ve République a connu, en plusieurs étapes, une présidentialisation accrue avec, en 1962, l'élection du Président de la République au suffrage universel, puis avec le quinquennat et l'inversion du calendrier. Il nous fallait desserrer certaines contraintes institutionnelles pour suivre l'évolution de la société française. Parmi les nombreux articles touchés par la révision, nous distinguons deux grandes catégories de mesures : celles qui augmentent les droits du Parlement et celles qui accordent de nouveaux droits aux citoyens.
La première chambre saisie se prononcera sur le texte de la commission. C'est une révolution ! Nous retrouvons ainsi notre tradition parlementaire, interrompue en 1958. Le Parlement pourra désormais jouer vraiment son rôle : l'ordre du jour sera partagé, et il disposera d'un pouvoir de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Les pouvoirs du Président de la République seront limités, notamment pour la nomination aux postes sensibles. Cela peut modifier profondément la nature de notre régime.
Des droits nouveaux sont en outre accordés aux citoyens.
L'exception d'inconstitutionnalité manquait à notre droit. Partout ailleurs le justiciable peut demander au juge de ne pas appliquer une loi qui est jugée inconstitutionnelle ; demain cette garantie des droits va entrer dans notre vie juridique, c'est un très grand progrès. Certes, ce sera par la voie de l'exception, et nous aurions pu aller plus loin dans la voie de l'action, de telle sorte en particulier que les groupes parlementaires puissent saisir le juge constitutionnel, mais ce sera pour plus tard. Nous enregistrons déjà un immense progrès.
Nous avons aussi insisté sur le pluralisme, une notion souvent galvaudée, mais que nous plaçons au sommet, parce qu'elle est la condition même de la liberté. Elle consiste à ce que toutes les tendances politiques puissent être reconnues et trouver leur place au Parlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Seule la proportionnelle le garantit !
M. Michel Mercier. - Le système électoral, effectivement, a toute son importance, mais il ne relève pas de la Constitution, nous en sommes convenus. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement de la plus haute importance. « La liberté ne peut être maintenue que par un agencement capable de traduire le pluralisme des forces sociales en compétition pour le pouvoir » : je fais mienne cette citation de Jean-Louis Seurin extraite des Mélanges Aubry.
Monsieur le ministre, merci d'avoir ouvert une porte, nous devrons cependant attendre lundi pour voir jusqu'où elle est ouverte. Nous sommes ouverts au dialogue, depuis le premier jour ; il en reste trois et nous souhaitons que la réforme porte tous ses fruits, plutôt qu'elle ne se joue, comme le titrait Le Monde du 21 mai, à qui perd gagne ! Madame le Garde des sceaux, monsieur le ministre, il ne dépend plus que de vous que la réforme devienne réalité : à lundi ! (Applaudissements au centre et sur quelques bancs de droite)
L'ensemble du projet de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 144 |
Pour l'adoption | 162 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Merci à tous, pour votre contribution ! (Applaudissements à droite)
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 17 juillet 2008 à 15 heures.
La séance est levée à 2 h 55.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 17 juillet 2008
Séance publique
A 15 HEURES ET LE SOIR
Discussion du projet de loi (n° 448, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Rapport (n° 470, 2007-2008) de M. Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires sociales
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DÉPÔT
La Présidence a reçu de MM. Jacques Valade, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Michel Thiollière, Alain Dufaut, Pierre Martin, Jean-François Humbert et Yves Dauge un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles à la suite d'une mission effectuée en Inde du 19 au 27 avril 2008.