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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
Coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale
Discussion de l'article unique
Questions d'actualité au Gouvernement
Politique économique et budgétaire de la France
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie
Politique économique du Gouvernement
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer
Programmes de l'école primaire
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi
Suppressions de postes dans l'Éducation nationale
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
SÉANCE
du jeudi 3 avril 2008
69e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Appel à candidature)
M. le président. - J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission du dividende numérique.
J'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
Coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale.
Discussion générale
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - J'ai plaisir à intervenir aujourd'hui, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, sur un texte qui se veut au service de l'Europe des citoyens, d'une Europe incarnée dans des réalisations concrètes.
En juillet 2004, la Commission européenne a souhaité inclure dans la réforme de la politique régionale un nouvel instrument de coopération, le groupement européen de coopération territoriale (GECT), appelé à devenir l'instrument de droit commun de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, et qui doit permettre d'engager des coopérations inédites dans des domaines comme les transports, la santé, l'éducation ou la gestion des espaces protégés.
Trois raisons ont présidé à sa création. Tout d'abord, les instruments juridiques existants, tels que le groupement européen d'intérêt économique (GEIE) s'étaient révélés inadaptés pour organiser une coopération efficace sur la période de programmation 2000-2006. Ensuite, compte tenu de l'augmentation du nombre de frontières terrestres et maritimes de l'Union européenne suite à son élargissement, il était nécessaire de faciliter le renforcement de la coopération transfrontalière. Enfin, la multiplicité des structures juridiques en la matière, reposant sur des accords internationaux bilatéraux, rendait la situation confuse et peu propice à l'aboutissement des projets.
Le GECT va donc permettre aux collectivités territoriales, mais aussi aux organismes de droit public des États membres de l'Union européenne, de passer directement convention avec des États étrangers en dehors du cadre de l'État d'origine. Ce texte lève donc l'interdiction qui leur en était jusqu'ici faite par l'article L 1115-5 du code général des collectivités territoriales.
L'entrée en vigueur du règlement GECT, effective depuis le 1er août 2007 sur le territoire de l'Union européenne, n'affecte pour autant ni la validité des accords existants, ni la possibilité pour les États membres qui le souhaitent de négocier des accords internationaux visant la coopération transfrontalière.
S'engager sur la voie de la coopération transfrontalière, c'est s'engager sur la voie de la cohésion des peuples et de la cohérence des projets. Le Gouvernement est favorable à une adoption rapide de ce texte, puisqu'aussi bien le règlement dont il permet la mise en oeuvre reste d'application directe et indirecte que nombre de nos collectivités se sont d'ores et déjà engagées dans des projets GECT. Je pense par exemple à I'Eurométrople Lille-Courtrai-Tournai, officiellement lancée le 28 janvier dernier, et qui devrait être suivie d'autres initiatives comme l'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, qui doit regrouper les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées et les communautés autonomes de Catalogne et des Baléares, ou le programme franco-luxembourgeois Alzette-Belval 2015, qui associera quatre communes luxembourgeoises à la communauté de communes du pays de I'Alzette.
Ce type de coopération en faveur d'un bassin de vie, d'emplois, ou d'infrastructures tire les conséquences de l'interdépendance des territoires en servant leur intérêt mutuel et c'est pourquoi le Gouvernement apporte son soutien à cette initiative : il approuve les conclusions de votre commission des lois tendant au vote conforme du présent texte. (Applaudissements à droite et sur les bancs socialistes)
Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois. - Une initiative, monsieur le ministre, dont il n'est pas inutile de rappeler qu'elle fut celle du Sénat, puisque cette proposition de loi reprend quasiment à l'identique la proposition de notre commission des lois adoptée sous forme d'amendement par cette assemblée dans le cadre du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens. Ce dernier texte n'ayant jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ni même retransmis à son bureau après les législatives de juin 2007, M. Daubresse et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de loi.
Ces dispositions, élaborées avec le concours précieux du ministère de l'intérieur, doivent nous permettre de renouer avec les instruments de la coopération décentralisée. Elles modifient le code général des collectivités territoriales afin de permettre au groupement européen de coopération territoriale de se voir confier aussi bien la gestion des programmes communautaires financés par les fonds structurels que la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée.
Son principal intérêt est d'être commun à tous les États membres de l'Union européenne : il n'est plus besoin de conclure des accords internationaux. L'Assemblée nationale a approuvé notre rédaction et étendu la possibilité d'adhérer à un GECT à l'ensemble des organismes de droit public au sens d'une directive marchés publics de 2004 et aux États frontaliers membres du Conseil de l'Europe. La référence dans une loi à une directive communautaire n'est pas inédite. Elle répond à une demande de la Commission européenne qui avait jugé trop restrictive notre rédaction. Toutefois, la définition des organismes de droit public, dans la directive, n'est pas claire ! Elle semble autoriser l'adhésion d'une association créée pour satisfaire des besoins d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial et placée sous le contrôle de collectivités publiques. Un GECT de droit français a déjà été créé au mois de janvier dernier, Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, sur le fondement d'un accord franco belge de 2002.
Deuxième modification apportée au droit de la coopération décentralisée, la formule du groupement d'intérêt public disparaît : elle n'a en effet guère été utilisée, sans doute à cause de sa lourdeur, tant à la création que dans le fonctionnement. Elle sera remplacée par le GECT.
La dernière modification que nous avions adoptée consiste à autoriser l'adhésion des collectivités françaises et de leurs groupements à des structures de droit étranger hors du seul cadre transfrontalier. Il s'agissait d'une mise en conformité avec le deuxième protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités, dite convention de Madrid. Le protocole est en vigueur sur notre territoire depuis août 2007.
Ces trois modifications compléteront utilement les nombreuses réformes opérées sous l'impulsion du Sénat en matière de coopération décentralisée : districts européens, créés à l'initiative de M. Pierre Mauroy par la loi du 13 août 2004 ; nouveaux instruments en matière d'eau et d'assainissement introduits par la loi du 9 février 2005, initiative de M. Michel Thiollière pour donner une base légale aux actions d'aide humanitaire de nos collectivités...
Aujourd'hui, près de 3 250 collectivités territoriales françaises ont noué des liens de coopération avec des collectivités de 115 pays.
Un mot de la gestion des fonds structurels européens pour la période 2007-2013. (M. Fourcade sourit) Plusieurs collectivités territoriales ont été désignées autorités de gestion de programmes opérationnels : la région Alsace, la collectivité territoriale de Corse, les régions Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Guyane, Guadeloupe et Réunion. Le gouvernement Villepin avait eu recours à la loi pour autoriser cette décentralisation, la compétence des préfets de région reposant sur une base légale. Mais depuis la loi du 13 août 2004, cette compétence n'est plus exclusive ; la décentralisation de la gestion des fonds structurels ne nécessite donc pas l'intervention du législateur. L'expérimentation en cours mérite d'être poursuivie, notamment en raison des craintes suscitées par la perspective d'une gestion totalement décentralisée des crédits de la politique de cohésion. L'octroi d'importantes subventions globales du Feder ou du FSE à de nombreuses collectivités territoriales doit aussi être salué. Les conseils régionaux sont délégataires d'environ 40 % des crédits des huit programmes financés par le Feder. Mais cela ne les dispense pas d'associer les autres collectivités publiques à la sélection et à la mise en oeuvre des projets à financer.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a adopté sans modification la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP, au centre et sur les bancs socialistes)
M. Claude Biwer. - Pour nous, voisins de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, la coopération transfrontalière est une réalité de tous les jours. Ce texte résout l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales, l'articulation entre des ordres juridiques différents. Je suis persuadé que le GECT suscitera de nouveaux projets de coopération -d'autant plus que son objet est élargi, comme son application géographique. En région Lorraine, l'activité transfrontalière reposait presque uniquement sur l'entente «Sm-Lor-Lux», c'est-à-dire un secteur allant de la Moselle au Luxembourg et à la Sarre et englobant une petite partie de la Rhénanie-Palatinat, autour de Trêves. Le nord de la Meurthe-et-Moselle et le nord de la Meuse en étaient malheureusement exclus. Le nouveau dispositif pourrait être engagé pour des activités économiques et touristiques, encore plus si le Gouvernement nous autorisait enfin à créer des zones franches rurales. J'ai déposé une proposition de loi en ce sens et j'ai bon espoir qu'elle sera bientôt inscrite à notre ordre du jour réservé. Je vous proposerai un amendement autorisant les GECT à faire appel aux contrats de partenariat public-privé. Le groupe UC-UDF votera d'autant plus volontiers cette proposition de loi que nous avions déjà adopté un dispositif identique le 24 janvier 2007 sous la forme d'un article additionnel au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, dont la discussion n'était pas arrivée à son terme. (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs socialistes)
M. Pierre Mauroy. - C'est avec un plaisir tout particulier que j'interviens dans le débat sur cette proposition de loi. Je salue l'attachement à la coopération décentralisée de son auteur, Marc-Philippe Daubresse, premier vice-président de la communauté urbaine de Lille, et je remercie Mme Troendle, pour la qualité de son rapport qui appuie notre souhait que le Sénat adopte ce texte à l'unanimité, comme l'a fait l'Assemblée nationale le 29 janvier.
Le Groupement européen de coopération territoriale qu'il crée va donner une impulsion nouvelle et puissante, ainsi qu'un champ d'action beaucoup plus large, aux démarches de coopération entre acteurs publics par-delà les frontières des États membres de l'Union européenne. Il contribuera ainsi à renforcer l'intégration européenne par des projets concrets touchant la vie quotidienne des habitants. Attaché depuis toujours au développement de la coopération décentralisée et à celui de la construction européenne, je ne peux qu'approuver ce texte, avec l'ensemble du groupe socialiste.
Le GECT, qui fait son entrée dans notre droit, a été créé par le règlement européen du 5 juillet 2006. Né du besoin de faciliter et promouvoir la coopération transfrontalière, interrégionale et transnationale entre les membres de l'Union européenne, il est l'un des instruments de la politique de cohésion économique et sociale conduite par l'Union pour la période 2007-2013. Différent des autres mécanismes de coopération existants, il ne se substitue ni aux diverses conventions de coopération en vigueur, ni aux accords internationaux comme l'accord de Karlsruhe. Au contraire, il les complète. C'est ainsi qu'il peut être utilisé non seulement pour des actions de coopération transfrontalière mais aussi pour des actions de coopération transnationale ou interrégionale. Il est ouvert à toute personne morale de droit public et peut donc inclure des États ou des organismes de droit public.
Certaines de ses dispositions étant incompatibles avec le droit français actuel, il fallait modifier notre législation. L'article unique de la proposition de loi dont nous sommes saisis lève l'interdiction faite aux collectivités françaises de passer des conventions avec des États. Je ne reprendrai pas l'analyse juridique qu'en a faite notre rapporteure, que je partage entièrement.
Je voudrais surtout vous dire que ce texte ne descend pas seulement du ciel européen. Je remercie les gouvernements successifs qui ont montré leur bonne volonté pour surmonter les obstacles, et ils étaient nombreux. Pour ma part, Il concrétise l'aboutissement de dix-sept années de travail sur le terrain au service de la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. L'opération était délicate, difficile déjà pour la métropole lilloise. Nous avons subi une telle crise, dans le Nord-Pas-de-Calais qu'il fallait rebondir. Notre région ne trouvait pas sa place, au bord de la grande boule de l'Ile de France qui ne cesse de grossir. Qu'allait-on faire des vilains petits canards nordistes ? On nous répondait, l'air un peu gêné, de regarder vers la coopération internationale. Mais avec quels outils ? Voilà pourquoi nous avons rêvé de voir émerger une grande eurométropole bilingue et tri-culturelle de deux millions d'habitants au coeur du triangle Londres-Paris-Bruxelles. Nous le souhaitions tellement que nous avons un peu anticipé le vote de ce texte puisque le premier groupement européen de coopération territoriale est né il y a un peu plus de deux mois, le 28 janvier. Il s'agit de l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Je dis Kortrijk au lieu de Courtrai, c'est là une concession à l'entité flamande... Notre Eurométropole regroupe 145 communes françaises et belges ; sa première assemblée m'a fait l'honneur de m'élire à sa présidence.
L'entreprise a été ardue et les obstacles nombreux. Mais la ténacité des quatorze membres fondateurs, au premier rang desquels les deux États français et belge, a permis de les surmonter. J'associe à cette réussite tous ceux qui, au fil des années, n'ont pas ménagé leur peine pour faire vivre une coopération entreprise de longue date entre la communauté urbaine de Lille-métropole et ses partenaires wallons et flamands et avancer petit à petit vers la réalisation d'aujourd'hui.
Tout a commencé avec la Conférence permanente intercommunale transfrontalière (Copit) créée en octobre 1991 qui portait déjà la volonté de voir émerger une agglomération franco-belge de deux millions d'habitants. Vint ensuite le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) créé en 2005 par l'accord de Bruxelles qui a permis de créer des outils juridiques de coopération. Ainsi le GLCT « Lille Eurométropole franco-belge », créé le 1er juin 2006, a permis de passer d'une association de droit français, la Copit, à une structure publique mutuellement reconnue. L'arrivée du GECT a fait sauter les derniers obstacles juridiques et permis la création dans des délais relativement rapides du premier GECT en Europe.
Si cette journée du 28 janvier 2008 a été historique pour les relations franco-belges, elle l'a aussi été pour l'Europe des citoyens. Je voudrais souligner le rôle important joué par la Commission et le Parlement européens pour inscrire dans le droit cette nouvelle structure de gouvernance transfrontalière.
Bien sur, pour l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, dont le siège social est fixé à Lille et les services opérationnels sans doute à Courtrai et à Tournai, tout reste à faire. L'assemblée générale a approuvé un budget de montée en charge un peu inférieur à 1 million d'euros, qui doit permettre la mise en place des équipes et de lancer le programme de travail 2008-2010. Nous allons devoir être créatifs et imaginatifs, aller au-delà des projets qui existent dans les cartons car, grâce au GECT, notre dimension a changé.
J'ai proposé plusieurs axes de réflexion et d'action : construire une eurométropole des citoyens, la doter de projets transfrontaliers structurants. Il n'est pas si éloigné le temps où les autoroutes s'arrêtaient à quelques kilomètres de la frontière ! Pendant longtemps aussi il fallait changer de bus lorsqu'on passait la frontière ...
Notre groupement européen de coopération territoriale va se doter de projets structurants, mutualiser les équipements, consolider les réalisations existantes dans le domaine social. Je pense à l'accueil des enfants handicapés ou à celui des personnes âgées, secteurs où l'État, en France, et pas seulement dans le Nord-Pas-de-Calais, est défaillant. Le groupement permettra de mettre fin aux bricolages juridiques actuels. Il entend aussi relever les grands défis de l'environnement et du développement économique et social.
Nous organiserons de grands événements fédérateurs, des rencontres culturelles et festives à l'image de ce que sont les défilés carnavalesques belges ou de ce qu'a été l'extraordinaire rassemblement de Lille 2004. Une commission parlementaire franco-belge a défini un programme qui nous occupera dans les années à venir.
Le groupement européen de coopération territoriale offre de larges opportunités pour faire vivre une grande ambition et améliorer la vie des gens, en conjuguant la volonté des citoyens et de leurs élus avec celle des instances nationales et européennes. Grâce à ce nouvel instrument émergera une cité inédite, la preuve que dans le grand nord-ouest de l'Europe des femmes et des hommes, que des barrières ancestrales divisaient artificiellement, peuvent partager des projets, construire un avenir commun, bref, vivre ensemble. Pour nos deux départements bloqués tout en haut de la France, qui ne trouvaient plus leur place face à l'expansion de la région parisienne, le développement de la coopération internationale est la solution. Nous allons construire une communauté urbaine de 2,5 millions d'habitants, et c'est bien.
Telle est l'expérience citoyenne unique que je souhaitais vous faire partager, une expérience qui allie Flamands et Wallons côté belge, pour le succès de laquelle nous n'avons pas ménagé nos efforts. Des groupements européens de coopération territoriale vont désormais pouvoir se constituer partout dans l'Union. M. Ries vous parlera dans un instant de son projet de coopération Strasbourg-Kehl ; je ne peux que l'encourager et confirmer le vote positif du groupe socialiste. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite)
M. Christian Cointat. - Cette proposition de loi rénove et simplifie les instruments juridiques de la coopération internationale, interrégionale et transfrontalière. Elle est la preuve que l'Europe peut avancer de manière pragmatique au plus près des attentes des citoyens et des besoins des territoires. Elle traduit dans notre droit les dispositions du Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 et crée le groupement européen de coopération territoriale. Avec ce dernier, les collectivités territoriales disposeront d'un outil adapté pour développer des projets de partenariat inédits dans des domaines très divers. La coopération décentralisée y gagnera en simplicité et en lisibilité.
Des adaptations du droit français étaient nécessaires. Sont ainsi définies les modalités de création et de fonctionnement des groupements européen de coopération territoriale ayant leur siège en France et les conditions d'adhésion des collectivités françaises à un groupement de droit étranger. Les établissements publics pourront être membre d'un groupement européen de coopération territoriale et, pour la première fois dans notre droit, les collectivités locales pourront conclure des conventions avec un État étranger. En outre, la possibilité de recourir à la formule du groupement d'intérêt public (GIP) est supprimée, ce qui semble justifié au regard de son faible succès.
Le groupe UMP se félicite du consensus de notre assemblée sur la question de la coopération décentralisée. Il salue le travail de Mme Troendle, en rappelant que la présente proposition de loi est la reprise d'un amendement qu'elle avait déposé sur le texte relatif au transfert de la gestion des fonds structurels européens, amendement adopté ici même en janvier 2007. Je regrette que le texte n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ne serait-il pas opportun, dans le cadre de la prochaine réforme institutionnelle, de prévoir qu'une proposition de loi adoptée par une des assemblées soit obligatoirement soumise à l'autre ? Sinon, à quoi bon accroître l'initiative parlementaire. (Marques d'approbation)
La présente proposition de loi est attendue avec impatience par toutes les régions transfrontalières. Elle sera particulièrement utile pour développer la coopération entre la France, et ces deux pays qui sont chers à mon coeur, la Belgique et le Luxembourg.
Le groupe UMP votera un texte qui fera avancer l'Europe des projets et des ambitions au service des citoyens, la solidarité de fait chère à Robert Schumann, l'Europe qu'attendent les peuples de l'Union. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Après la création du district européen par la loi d'août 2008, la coopération transfrontalière va disposer d'un outil inédit, le groupement européen de coopération territoriale, créé par le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006. L'objet principal de la proposition de loi, outre d'autoriser l'adhésion des collectivités territoriales françaises à des organisations de droit étranger et leur participation au capital de personnes morales de droit étranger, est de mettre notre code général des collectivités territoriales en conformité avec ce Règlement.
L'objectif du groupement européen de coopération territoriale est d'améliorer la cohésion économique et sociale de la communauté de ses membres.
A cette fin, il a pour vocation d'améliorer la réalisation des programmes et projets de coopération territoriale bénéficiant d'un cofinancement communautaire, notamment au titre des fonds structurels et des nouveaux programmes « Interreg » de la période 2007-2013.
En soi, la réunion de collectivités territoriales de différents États membres au sein de groupes de coopération n'est pas une nouveauté. Ce qui change en revanche, c'est la personnalité juridique du GECT, qui pourra donc disposer d'une organisation, d'un budget et de personnel. Il aura la capacité d'ester en justice. Le but communautaire est de surmonter les difficultés à gérer des actions de coopération dans le cadre de législations nationales disparates.
Cette conception semble étrangement opposée à l'approche traditionnelle de l'Europe libérale, fondée sur le dumping social, la concurrence fiscale entre États et la disparition des services publics. Le règlement de 2006 tranche donc avec les options libérales de Bruxelles.
Nos concitoyens sont attachés à l'échelon local ; la jeune génération vit à l'heure européenne. La meilleure façon de construire l'Europe au quotidien n'est donc pas d'attribuer tous les pouvoirs à une Commission dénuée de mandat populaire, mais de jouer sur le double attachement local et européen. Toujours plus d'associations et de syndicats coordonnent leurs actions au-delà des frontières. Les groupements européens doivent donc permettre de réaliser la cohésion économique, sociale et territoriale qui fait défaut à l'Europe d'aujourd'hui.
La coopération transfrontalière entre collectivités territoriales a bénéficié d'outils innovants, comme le district européen créé par la loi d'août 2004. En revanche, les coopérations interrégionales sont plus récentes. Espérons que la situation s'améliorera grâce au GECT, instrument commun à la coopération transfrontalière, interrégionale et transnationale. En effet, cette structure devrait surmonter l'un des principaux obstacles à l'action de concert dans le cadre d'ordres juridiques différents pour des enjeux qui dépassent souvent les frontières nationales. Mes collègues élus dans des départements transfrontaliers, notamment du Nord, sont habitués à ce type de coopération.
Cependant, les GECT ne peuvent être les seuls moteurs d'une Europe solidaire entre les peuples, quand Bruxelles persiste dans sa politique libérale de délocalisation et de soutien à la concurrence. Cette politique fait des ravages dans les bassins d'emploi et brise la vie de milliers de femmes et d'hommes !
Le groupe communiste républicain et citoyen votera cette proposition de loi, tout en espérant que l'Europe des peuples se réalise par ses collectivités et ses élus. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite)
M. Roland Ries. - L'importance du texte examiné aujourd'hui n'échappera pas à l'élu de l'Est que je suis, puisqu'il s'agit d'adapter à notre droit le règlement européen du 5 juillet 2006 relatif aux GECT et de rénover les instruments de la coopération transfrontalière. La levée des obstacles juridiques réjouit l'Européen convaincu que je suis, et encore plus l'élu alsacien, puisque la coopération transfrontalière est au coeur de la vitalité de l'Alsace en général et de Strasbourg en particulier.
L'accord de Karlsruhe permet, depuis 1996, de créer des groupements locaux de coopération transfrontalière (GLCT). La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a institué le district européen. Dans ce cadre, la région Alsace a créé l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et le district Mulhouse-Colmar-Fribourg-en-Brisgau.
Quel sera l'apport du GECT ? D'abord, il permettra de résoudre le problème de l'articulation d'ordres juridiques différents. Ensuite, la personnalité juridique lui donnera la capacité d'établir un budget, d'acheter et de vendre des biens et services, mais aussi d'employer du personnel. Pourtant, cet outil n'est pas la panacée. En effet, la création d'un GECT reste soumise à l'approbation des États membres, même s'ils ne participent pas au groupement ! Il en va de même pour la modification des statuts. De surcroît, la règle de l'unanimité s'applique, alors que les statuts des GLCT issus de l'accord de Karlsruhe sont adoptés et modifiés à la majorité qualifiée des deux tiers. Ainsi, même une question d'intérêt purement local suppose des accords interétatiques lourds à gérer.
Enfin, cette structure ne peut prendre en compte les spécificités de Strasbourg, que j'évoquerai en ma nouvelle qualité de maire de la ville.
Tout le monde sait que la présence des institutions européennes à Strasbourg est fragile, surtout celle du Parlement européen. Chaque année, le vote du calendrier parlementaire en séance plénière est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force des partisans de Bruxelles. Les opposants à Strasbourg ont trouvé de nouveaux arguments dans le litige qui a opposé le Parlement européen et la ville à propos de la vente des bâtiments.
Pour nous, la question du siège n'est pas financière ou technique, mais politique. Il est urgent que la France comprenne enfin l'importance pour l'un des pays fondateurs d'accueillir le Parlement européen sur son sol !
Pour faire à nouveau de Strasbourg la capitale parlementaire de l'Europe, il est indispensable qu'émerge un territoire transfrontalier à statut spécifique, attractif pour les institutions politiques et les sièges sociaux de grandes entreprises européennes. L'idée stratégique consiste à passer d'une logique de coopération à une logique de codécision en dépassant les barrières juridiques et mentales entre les communautés, pour créer les fondements d'une nouvelle gouvernance et d'une réelle démocratie transfrontalières. Seule cette ambition politique peut conserver à la métropole Strasbourg-Kehl-Ortenau son statut de capitale parlementaire européenne. A terme, l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau devrait constituer pour les Européens un symbole aussi fort que celui de Washington DC pour les Américains.
L'initiative politique doit provenir des acteurs locaux. C'est pourquoi j'engagerai de nouvelles discussions avec nos partenaires allemands afin de relancer l'Eurodistrict grâce à ce nouveau cadre juridique. Au cours des prochains mois, j'entends organiser la consultation des populations concernées. Fortes du résultat, dont je ne doute pas, les autorités politiques de l'Eurodistrict se rendront à Paris et à Berlin soumettre leur projet aux autorités.
D'ores et déjà, la présidence européenne de la France ouvre une fenêtre de tir pour appuyer concrètement l'enjeu national de « Strasbourg, capitale européenne ». Il est donc important que le Gouvernement français appuie sans tarder cette initiative ambitieuse. Je forme le voeu qu'à l'occasion de la présidence française, un traité entre la France et l'Allemagne attribue à l'Eurodistrict une pleine autonomie politique et opérationnelle, évidemment dans le respect de la souveraineté nationale. Ce traité pourrait notamment déterminer les compétences réglementaires de l'Eurodistrict et fixer le régime de la taxe professionnelle, des taxes aéroportuaires et d'éventuelles écotaxes locales.
Monsieur le ministre, j'espère pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et sur une partie des bancs de l'UMP)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Madame le rapporteur, je vous remercie pour votre travail approfondi, engagé dès 2007 à l'occasion d'un amendement parlementaire sur le projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.
À propos de ces fonds, la position de l'État est claire : il conserve leur gestion, mais les présidents de région sont associés par les préfets de région.
Je partage votre volonté de poursuivre l'expérimentation alsacienne.
M. Biwer a cité la région Lorraine et la reconversion des friches industrielles d'Esch-Belval. Cette importante opération favorisera la création d'une véritable agglomération transfrontalière et redynamisera un bassin d'emploi durement touché par les restructurations industrielles des années 1980.
A propos des zones franches rurales, je pense nécessaire d'évaluer les dispositifs créés par la loi du 23 février 2005 avant de les réformer.
Après l'évaluation des zones de revitalisation rurales (ZRR) engagée par le nouveau secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, Hubert Falco, que vous connaissez bien, des initiatives dans ces sens seront envisagées.
Par ailleurs, ce texte prévoit l'adhésion des EPCI français et étrangers aux GECT.
Monsieur le Premier ministre Pierre Mauroy, ce débat coïncide avec l'aboutissement du projet d'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, fondé sur un accord franco-belge du 16 septembre 2002, que vous avez porté et qui anticipe cette proposition de loi. Ce premier GECT français, qui rassemble deux millions d'habitants, constitue un événement majeur dans la construction d'une Europe concrète. « Bienvenue chez les ch'tis belges », pourrait-on dire... (Sourires) Je profite de cette occasion pour rendre hommage à votre action en faveur de la coopération transfrontalière. L'association MOT (Mission Opérationnelle Transfrontalière), que vous présidez, sert d'appui à la réalisation de projets dont l'efficacité est reconnue. Vous avez, je crois, été un pionnier dans ce domaine avec l'établissement, dans les années 1990, d'une ligne d'autobus interfrontalière entre Roubaix, Wattrelos et Mouscron.
Monsieur Cointat, vous avez souligné l'esprit consensuel qui marque ce texte très attendu des régions transfrontalières. Le Gouvernement y est attentif et je souhaite, comme vous, que le droit national soit modifié au plus vite. S'agissant de l'inscription d'une proposition de loi adoptée par une assemblée à l'ordre du jour de l'autre assemblée, la réforme constitutionnelle adoptée en Conseil des ministres et bientôt examinée par le Congrès améliorera la maîtrise de son ordre du jour par le Parlement.
Madame Mathon-Poinat, vous avez mis l'accent sur les projets concrets initiés grâce aux GECT en matière de services rendus à nos concitoyens. S'agissant de l'action de l'Union européenne, je vous rappelle l'importance du Fonds social européen pour la cohésion sociale et la construction européenne. Pour les régions périphériques, les fonds structurels européens distribuent chaque année une manne, considérable, de 10 milliards d'euros. Et le Gouvernement a beaucoup fait pour le développement des GECT.
Monsieur Ries, vous souhaitez faire de l'Eurodistrict Strasbourg-Kehl-Ortenau une véritable agglomération transfrontalière. Avec l'Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, nous disposons d'un laboratoire d'application du GECT, qui pourrait guider votre réflexion. Les services de l'Etat vous apporteront toute l'aide nécessaire. L'idée d'un statut juridique particulier pour l'Eurodistrict Strasbourg-Kehl-Ortenau et les perspectives ambitieuses d'autonomie politique et fiscale que vous évoquez méritent un examen approfondi, que je suis disposé à faire avec vous. La présence à Strasbourg du siège du Parlement européen, qui fait l'objet d'un protocole annexé au traité d'Amsterdam, constitue un enjeu majeur pour la France. Le Gouvernement souhaite qu'elle ne soit pas remise en cause. Nous en reparlerons.
Il a été rappelé ce matin que les GECT contribuent à construire, au quotidien, une Europe qui puise ses sources dans les réalisations concrètes et la proximité avec nos concitoyens. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - M. Marleix a évoqué l'avant-projet de révision constitutionnelle. Nous nous réjouissons du renforcement prévu de l'initiative parlementaire, mais, pour cela, il faut que chaque assemblée puisse examiner les propositions de loi adoptées par l'autre. L'histoire de cette proposition de loi est remarquable : un premier texte en ce sens a été voté par le Sénat mais non repris par l'Assemblée nationale, puis une proposition de loi similaire, améliorée, a été déposée par des députés. Le Gouvernement l'a inscrite à l'ordre du jour, et nous sommes toujours heureux de voter les propositions de loi adoptées par l'Assemblée. Nous avons ainsi adopté les textes sur la simplification du droit, les minimotos, les assurances des victimes pour les voitures brûlées... De notre côté, nous espérons que notre proposition de loi sur la prescription en matière civile, défendue par le garde des Sceaux, sera inscrite prochainement à l'Assemblée nationale, ainsi que la proposition de loi réformant la législation funéraire, que nous avons votée à l'unanimité ; nous espérons qu'elle ne sera pas enterrée définitivement à l'Assemblée nationale... En cas de blocage, le Gouvernement doit prendre l'initiative et inscrire les textes importants à l'ordre du jour prioritaire.
On parle beaucoup de cette réforme constitutionnelle, mais un travail parlementaire efficace nécessite d'abord une collaboration entre les deux assemblées. Chacune doit reconnaître les vertus de ce qui a été fait par l'autre. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Très bien !
M. le président. - Monsieur Hyest, ce sujet est au coeur des travaux de la Conférence des Présidents. Les propositions de loi sénatoriales semblent traitées de manière critiquable et, comme vous, nous estimons que l'initiative parlementaire doit être respectée.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je me ferai l'interprète de vos légitimes préoccupations auprès du Premier ministre et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Le projet de réforme constitutionnelle adopté en Conseil des ministres il y a une quinzaine de jours devrait répondre à vos attentes, en ce qui concerne la détermination de l'ordre du jour du Parlement.
Discussion de l'article unique
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les articles L. 1115-2 et L. 1115-3 sont abrogés ;
2° L'article L. 1115-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre du Conseil de l'Europe. » ;
b) La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette adhésion ou cette participation est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région. Elle fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des membres adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« La convention prévue à l'alinéa précédent entre en vigueur dès sa transmission au représentant de l'État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 sont applicables à cette convention. » ;
3° L'article L. 1114-4-1 devient l'article L. 1115-4-1 et, dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, le mot : « juridique » est remplacé par le mot : « morale » ;
4° Il est inséré un article L. 1115-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-4-2. - Dans le cadre de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les organismes de droit public au sens de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, créer avec les collectivités territoriales, les groupements de collectivités territoriales et les organismes de droit public des États membres de l'Union européenne, ainsi qu'avec les États membres de l'Union européenne ou les États frontaliers membres du Conseil de l'Europe, un groupement européen de coopération territoriale de droit français, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« Cette création est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région où le groupement européen de coopération territoriale a son siège. La personnalité morale de droit public lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie qui ne sont pas contraires aux règlements communautaires en vigueur lui sont applicables.
« Un groupement européen de coopération territoriale de droit français peut être dissous par décret motivé pris en Conseil des ministres et publié au Journal officiel.
« Les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les organismes de droit public au sens de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, précitée peuvent, dans les limites de leurs compétences, dans le respect des engagements internationaux de la France et sous réserve de l'autorisation préalable du représentant de l'État dans la région, adhérer à un groupement européen de coopération territoriale de droit étranger. » ;
5° L'article L. 1115-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-5. - Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et un État étranger, sauf si elle a vocation à permettre la création d'un groupement européen de coopération territoriale. Dans ce cas, la signature de la convention doit être préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région. »
II. - Les groupements d'intérêt public créés en application des articles L. 1115-2 et L. 1115-3 du code général des collectivités territoriales restent régis, pour la durée de leur existence, par ces articles dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par la présente loi.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Biwer et les membres du groupe UC-UDF.
Après le troisième alinéa du texte proposé par le 4° du I de cet article pour l'article L. 1115-4-2 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le groupement européen de coopération territoriale peut, pour la réalisation de ses investissements, recourir à un contrat de partenariat conclu sur le fondement des dispositions de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariats modifiée par la loi n° du ... relative aux contrats de partenariats.
M. Claude Biwer. - Ce débat fait l'unanimité, tant sur la question soulevée par le président de la commission des lois que sur l'objet de ce texte. On pourrait pourtant regretter que l'unanimité provienne de ce que les intervenants sont tous directement concernés par les projets transfrontaliers...
Cet amendement a pour objet de permettre aux GECT de conclure des contrats de partenariat public-privé.
Ce texte, je l'espère, élargira la coopération transfrontalière. Les difficultés que vous évoquez pour la ville sont plus criantes encore en zone rurale : pour aller de la gare ferroviaire en France à celle de l'autre côté de la frontière, on ne peut compter que sur l'autostop ! Dans mon département, la véritable métropole c'est Luxembourg, le port, Anvers ou Amsterdam. Et si nos campagnes gagnent un peu de population, nous le devons aux entreprises implantées de l'autre côté de la frontière, en particulier dans des zones franches qu'il est pour l'instant impossible de créer en France.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Les contrats de partenariat sont très utiles, mais votre amendement aurait été plus à sa place dans le texte que nous avons adopté hier soir sur le partenariat public privé. Son article 13, en particulier, ouvre l'usage de ces contrats à l'ensemble des pouvoirs adjudicataires au sens de l'ordonnance du 6 juin 2005. Les groupements européens de coopération territoriale en font clairement partie, et ils seront soumis au statut de syndicat mixte ouvert. Vous avez donc satisfaction : je vous suggère de retirer votre amendement.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Effectivement, l'article voté hier soir vous donne satisfaction : Retrait ?
M. Claude Biwer. - Je suis heureux que cet article ouvre une voie... qui n'est pas encore totalement dégagée : le chemin est long jusqu'à l'adoption définitive ! De plus, j'aurais préféré un lien plus fort avec la coopération territoriale. Mais l'essentiel, c'est de progresser le plus vite possible.
L'amendement n°1 est retiré.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Les groupements européens de coopération territoriale pourront recourir au contrat de partenariat, tout comme les communautés urbaines, du reste. L'objectif, maintenant, c'est de mettre rapidement sur pied ces groupements ; nous le ferons plus vite avec un vote conforme. Merci, monsieur Biwer, de permettre une promulgation rapide de la loi !
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
La séance est suspendue à 11 h10.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Politique économique et budgétaire de la France
M. Guy Fischer . - Ma question s'adressait au Premier ministre. M. Fillon a en effet annoncé lundi que le Gouvernement fera des économies « partout » ...
Mme Nicole Bricq. - Des économies d'énergie !
M. Guy Fischer. - ... que « tout le monde doit faire des efforts » pour limiter les dépenses publiques. Est-ce aux retraités, aux chômeurs, aux jeunes sans boulot, aux précaires, aux salariés qui ne joignent plus les deux bouts que vous vous adressez ? Vous annoncez bien une politique de rigueur avec le refrain habituel : aux plus modestes à se serrer la ceinture !
Confirmez-vous un plan d'économies supplémentaires de 5 à 10 milliards par an, avec 35 000 suppressions de postes dans la fonction publique ? Les conditions de vie des Français se dégradent. On réduit les dépenses publiques au détriment de ceux qui en ont le plus besoin. Avec 11 000 postes supprimés dans l'Éducation nationale, le dogmatisme libéral fait du service public une variable d'ajustement des crises financières dues à la Bourse !
N'est-ce pas au tour des plus riches de mettre la main à la poche ? (Exclamations à droite) Comment comptez-vous associer les bénéfices des sociétés du CAC 40 avec leurs 41 milliards de dividendes à l'effort national ? Quand allez-vous remettre en cause la pratique scandaleusement inégalitaire des stocks options ? Allez-vous définitivement proscrire les parachutes dorés -M. Zacharias, ex-PDG de Vinci, réclame 81 millions d'euros, M. Forgeard, l'initié, est parti avec 8 millions d'euros de stock-options... Allez-vous enfin réellement assujettir les vraies fortunes à l'ISF ? Enfin, allez-vous abandonner votre scandaleux bouclier fiscal ? Ce sont les plus démunis qui doivent être protégés, non les plus riches ! (Applaudissements à gauche, protestations à droite)
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique . - Vous entonnez la ritournelle habituelle sur ce plan de rigueur imaginaire... (Exclamations à gauche) Pour la gauche, la rigueur, c'est laisser filer les dépenses et augmenter les impôts ! ((Applaudissements à droite, protestations à gauche) Nous faisons le contraire : nous voulons maîtriser la dépense publique...
M. Paul Raoult. - Et l'endettement de la France ?
M. Eric Woerth, ministre. - ... sans augmenter les impôts des Français, impôts qui sont trop élevés.
M. Paul Raoult. - Ça fait sept ans !
M. Eric Woerth, ministre. - C'est par la croissance, par la production de richesses que nous créerons des emplois et qu'ainsi nous lutterons contre la pauvreté et que nous augmenterons le pouvoir d'achat.
Nous mettons en oeuvre le programme économique du Président de la République tel qu'il a été annoncé : regarder les déficits avec lucidité, maîtriser la dépense publique pour atteindre l'équilibre des finances publiques en 2012.
M. Paul Raoult. - Vous disiez la même chose en 2002 !
M. Eric Woerth, ministre. - Les déficits publics, la dette à rembourser, la compétitivité dégradée, tout cela concourt à l'affaiblissement des plus faibles ! Revenir à l'équilibre des finances publiques, c'est redonner de la marge de manoeuvre aux entreprises, rendre du pouvoir d'achat à chaque Français, maîtriser la dépense publique.
M. Jean-Marc Pastor. - Toujours des leçons !
M. Eric Woerth, ministre. - Certes, nous pourrions augmenter les impôts. Mais nous avons choisi une voie plus difficile, plus exigeante : la révision générale des politiques publiques. Le Président de la République annoncera un certain nombre de mesures demain au Conseil de modernisation ; d'autres seront présentées d'ici l'été. Il faut rétablir l'équilibre budgétaire, avant tout pour les plus démunis. Le pouvoir d'achat, la croissance, la richesse de notre pays passent par là. (Applaudissements et « bravo ! » à droite et au centre)
Fin de vie
M. Gilbert Barbier . - L'émotion suscitée par le cas douloureux de Chantal Sébire, qui s'est donné la mort après le rejet par la justice de sa demande d'euthanasie, relance le débat sur l'accompagnement en fin de vie.
La loi Leonetti du 22 avril 2005, fruit d'une longue réflexion, autorise le « laisser-mourir » dans des conditions décentes : interdiction de l'obstination déraisonnable dans la dispense des soins, droit du patient d'interrompre ou de refuser un traitement, accès aux soins palliatifs. Faut-il aujourd'hui aller plus loin, en légalisant « l'aide à mourir » ou le suicide assisté ?
On ne doit pas agir sous le coup de l'émotion et souscrire à un tel projet. D'abord, parce que la demande d'euthanasie est, en réalité, souvent liée à la peur de la souffrance et de la déchéance, au souci de ne pas peser sur ses proches, parfois au manque de dialogue. Ensuite, parce que donner la mort ne saurait en aucun cas constituer un projet médical : ce serait contraire au serment d'Hippocrate et source de dérives.
Alors, que faire pour répondre aux situations les plus douloureuses ?
Appliquons déjà la loi actuelle et menons une véritable politique de prise en charge de la douleur ! La psychologue Marie de Hennezel, auteur d'un rapport sur l'état des soins palliatifs en France qui vous a été remis fin 2007, madame la ministre, dresse un constat sévère dans ce domaine : inégalités profondes dans l'accès aux soins palliatifs, hétérogénéité des pratiques, insuffisance de moyens, sous-effectifs, et surtout déficit d'information. Selon elle, les possibilités ouvertes par la loi Leonetti sont mal connues et incomprises.
Finalement, la tentation de répondre au voeu de mort par un geste létal est révélatrice du défaut de formation et de la solitude des soignants. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour remédier à cette situation, au-delà de la mission que vous avez confiée à Jean Leonetti ?
Il restera toujours des cas de détresse, lorsque l'espérance de vie n'est pas menacée, face auxquels la réponse est complexe. Mais, ce n'est pas une loi sur l'euthanasie qui apaisera les consciences. On peut craindre à l'inverse qu'elle freine les efforts des soignants pour améliorer leurs pratiques, pour inventer une manière d'être, humble et humaine, auprès de ceux qu'on ne peut plus soigner. (Applaudissements à droite)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative . - La question est extrêmement délicate et le souvenir poignant de Chantal Sébire nous invite à la responsabilité et appelle une réponse de la tête, certes, mais aussi du coeur.
Dans notre pays ces questions sont régies par la loi Leonetti qui, je le rappelle, fut votée à l'unanimité .... (Protestations à gauche)
M. Guy Fischer et M. François Autain. - Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ... à l'Assemblée nationale et à la quasi-unanimité ici.
M. Guy Fischer et M. François Autain. - C'est faux !
M. le président. - Sur un sujet aussi douloureux, nous devrions pouvoir nous écouter les uns les autres.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Celui qui souffre a droit à notre solidarité et ce sont des gestes de vie que doit leur prodiguer la communauté soignante. La loi Leonetti repose sur quelques principes moraux clairs. Tout d'abord, la volonté du malade doit être respectée et l'acharnement thérapeutique est à proscrire. Ensuite, chaque malade a droit à la sédation de sa douleur. Enfin, les soins palliatifs doivent être développés.
Marie de Hennezel a en effet constaté que beaucoup de médecins méconnaissaient la demande palliative et que celle-ci était très inégalement satisfaite dans notre pays. Aussi le Premier ministre a-t-il demandé à Jean Leonetti d'évaluer l'application de sa loi car l'offre de soins palliatifs a souvent pour effet de supprimer la demande d'euthanasie.
Je propose donc de développer la culture palliative dans ce pays avec des unités et des réseaux de soins palliatifs, et des lits, car le fait de donner la mort ne peut en aucun cas être une démarche de soin.
M. François Autain. - Il faut pour cela des moyens !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La mort peut, certes, résulter d'une sédation extrême, mais ce n'est pas une démarche de soins. Voilà la pratique éthique que je vous propose. (Applaudissements à droite et au centre)
Relations franco-gabonaises
M. Jean-Pierre Cantegrit . - Ma question porte sur les relations entre la France et l'Afrique, et notamment avec le Gabon dont je préside le Groupe d'études au Sénat. Depuis l'indépendance, réussie par le Général de Gaulle, des pays d'Afrique noire, la France a maintenu avec ces derniers des liens étroits et harmonieux. La présence française est encore forte dans ces pays. Actuellement près de dix mille Français résident au Gabon, pays avec lequel nous avons des échanges économiques considérables et où nos investissements sont importants. Le Président Omar Bongo Ondimba est un grand ami de la France. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes) Qui pourrait le nier ? Et à chaque fois que nous avons eu besoin du Gabon, par exemple lorsque la vie de Français était en péril -comme récemment au Tchad- le Gabon a accueilli nos compatriotes sans discussion et sans visa.
Alors comment expliquer, monsieur le ministre, que la télévision publique française France 2, relayée par d'autres chaînes publiques, s'en prenne aux résidences immobilières du Président Bongo, comme si elle était chargée d'une commission d'enquête sur un sujet qui n'est ni d'actualité ni une nouveauté ? (On ironise à gauche) Comment se fait-il que l'on expulse des étudiants gabonais qui font des études en France alors que M. Brice Hortefeux a conclu un accord sur la gestion concertée des flux migratoires ? Comment se fait-il que votre prédécesseur, M. Jean-Marie Bockel... (Rires et exclamations à gauche)
Voix sur les bancs socialistes. - Viré !
M. Jean-Pierre Cantegrit. - ... qui est un homme sympathique s'en prenne aux accords qui nous lient avec les pays africains amis de la France, reprenant à son compte ce qu'avait fait M. Jean-Pierre Cot, ministre de la coopération de François Mitterrand, et subisse le même sort que ce dernier ?
Les résultats ne se sont pas fait attendre : les relations se sont tendues, les deux Chambres du Parlement gabonais se sont réunies en session extraordinaire stigmatisant les actions qui violent la souveraineté des États et déstabilisent les pouvoirs établis ; des manifestations ont eu lieu devant l'ambassade de France, couverte de graffitis. Le représentant des Français du Gabon, M. Michel Auguste, les entrepreneurs français, m'expriment leurs inquiétudes sur les conséquences du sentiment anti-français et le durcissement dans l'octroi des visas.
Alors il est grand temps de reprendre sereinement les relations anciennes et amicales que nous avions avec le Gabon et avec son Président Omar Bongo.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie . - (Vifs applaudissements à droite) Les relations entre la France et le Gabon sont vivaces et confiantes.
Voix sur les bancs socialistes. - Langue de bois !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. - Elles ont été marquées par la visite officielle du Président de la République le 27 juillet dernier à Libreville. De nombreuses visites ministérielles réciproques continuent à ponctuer nos échanges dans tous les domaines : économie, santé, lutte contre la corruption, environnement, justice ...
M. Robert Hue. - ...pétrole...
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. - J'envisage moi-même de me déplacer au Gabon à la fin du mois, ainsi que dans d'autres pays africains comme le Sénégal, le Togo.
Les autorités gabonaises sont très impliquées dans le suivi de notre coopération qui se définit en fonction du Document cadre de partenariat signé en 2005 pour quatre ans. Notre coopération est active au Gabon dans plusieurs secteurs : forêt et environnement, infrastructures, éducation. La qualité des projets et l'intérêt manifesté par les autorités gabonaises sont un gage de la durabilité de notre coopération.
Vous faites allusion à différents malentendus qui ont été levés à ce jour. L'accord relatif à la gestion des flux migratoires doit être prochainement ratifié par le Parlement. Cet accord aménage la circulation des Gabonais vers la France et facilite en outre l'accès à l'emploi des étudiants gabonais diplômés en France.
Nous ouvrons également les flux à différentes catégories de salariés. En 2007, la France a délivré 11 105 visas pour 12 697 demandes, soit un taux d'acceptation de 87 %.
Quant à l'enquête préliminaire à laquelle vous faites référence, elle a été classée le 15 novembre dernier.
M. Jean-Marc Todeschini. - On respire !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. - Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter une décision prise par les autorités judiciaires.
Nos relations avec le Gabon sont donc sereines, ainsi que l'illustre le nombre de nos échanges. Le discours qu'a prononcé le Président de la République, en février, au Cap, a tracé la direction que doivent prendre ces échanges. Il ne reste plus au Gouvernement qu'à s'y engager résolument. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Politique économique du Gouvernement
M. François Marc. - La politique économique du Gouvernement inquiète les Français, ils vous l'ont clairement signifié, monsieur le ministre, lors des dernières élections. Ils trouvent votre politique injuste...
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ils sont clairvoyants !
M. François Marc. - ... et sans effet sur leur pouvoir d'achat. Le moral des ménages s'est encore dégradé en mars. Cet indicateur est même au plus bas et réalise son score le pire depuis sa création par l'Insee, il y a vingt ans. Vos discours rassurants sur la santé de l'économie française ne convainquent plus personne. Les derniers chiffres sont de fait accablants : un déficit porté à 2,7 %, une dette publique en augmentation de 5,2 %, à 1 220 milliards, soit 64 % du PIB, une croissance en berne -les performances de la gauche ne sont plus qu'un lointain souvenir. (Rires sur les bancs UMP) Alors qu'entre 1998 et 2002, nous faisions mieux que l'Allemagne et la plupart des pays européens, la situation n'a cessé de se dégrader...
Plusieurs voix à droite. - Vous oubliez les 35 heures !
M. François Marc. - ... vous obligeant sans cesse à réviser vos prévisions à la baisse. Partis de 2,25 % pour 2008, vous vous raccrochez encore au chiffre de 2 % alors même que la croissance ne devrait pas dépasser 1,5 %, ainsi que nous l'ont confirmé les experts que nous avons entendus, pas plus tard qu'hier, en commission.
La France va bientôt présider aux destinées de l'Union européenne avec une carte de visite bien peu reluisante : lourd déficit, dette largement au-delà du seuil de Maastricht... Nous sommes en train de devenir, après l'Italie, la lanterne rouge de la croissance économique en Europe.
M. Paul Raoult. - C'est triste !
M. François Marc. - Quand une politique ne marche pas, il faut en changer. Quand donc vous déciderez-vous à remettre en cause le paquet fiscal de juillet 2007 (exclamations à droite), ces 15 milliards accordés aux plus aisés des Français et qui, sans avoir aucun effet sur la croissance, ont accentué le déficit budgétaire au point de vous obliger à mettre au point un plan d'austérité portant sur plusieurs milliards ? (Nouvelles exclamations à droite) Au lieu de demander des sacrifices à tous les Français, ne conviendrait-il pas, avant tout, de corriger profondément votre politique injuste et inefficace ?
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Vous avez la mémoire courte ! Les « bonnes performances de la gauche » ? Mais ce sont ces « performances » qui ont gâché la croissance ! Avec la loi sur les 35 heures, vous avez fait voter le texte le plus nuisible qui soit à la compétitivité de nos entreprises. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite) Vos arguments ne tiennent pas la route. Mais nous saurons vous aider à retrouver la mémoire ! (Exclamations à gauche) La politique économique du Gouvernement repose...
M. Guy Fischer. - Sur la rigueur !
M. Eric Woerth, ministre. - Et revoilà la ritournelle ! La politique du Gouvernement repose sur l'impérieuse nécessité de revenir à l'équilibre de nos finances publiques. J'assume le « dépenser moins » et le « dépenser mieux » ! (« Très bien » à droite) La revue générale des politiques publiques doit nous permettre de voir comment mieux adapter la dépense pour satisfaire aux besoins des Français. (Exclamations à gauche) Quant au paquet fiscal, vous n'avez de cesse de demander sa suppression ! J'étais présent au débat sur la politique économique et sociale qui s'est tenu à l'Assemblée nationale ; je n'ai entendu que cela : « supprimez le paquet fiscal » ! Cela ne tient pas debout. Le paquet fiscal a pourtant permis de relancer l'emploi (exclamations à gauche), de lancer un mouvement sans précédent sur les heures supplémentaires (nouvelles exclamations) ; il permet aux ménages modestes d'accéder à la propriété. (Nouvelles exclamations) Nous entendons poursuivre le mouvement d'assainissement de nos finances publiques, qui doit permettre de relancer la croissance en assurant plus de justice, plus d'équité, plus de pouvoir d'achat. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
M. Jacques Mahéas. - Ritournelle !
Mayotte
M. Adrien Giraud . - Nous vous avons accueilli avec joie, monsieur le ministre, lors de votre récente visite officielle à Mayotte. Nous sommes certains que vous avez pris une mesure plus exacte tant des contraintes qui pèsent sur nos efforts de développement économique et social que des préoccupations qui résultent pour nous d'un environnement international complexe.
Nous comprenons mal, en particulier, que nos entreprises soient exclues du système des zones franches globales d'activité que vous proposez pour l'outre-mer alors qu'avec, au besoin, les adaptations requises par nos spécificités, celles-ci auraient tant à nous apporter. Qu'en est-il, pour Mayotte, monsieur le ministre, des zones franches d'activité ?
Autre préoccupation, et non des moindres, la conjoncture politique et diplomatique, liée aux difficultés de l'île comorienne d'Anjouan a eu, à Mayotte, de graves conséquences, en raison des violences exercées sur les personnes par des clandestins comoriens. Ces événements sont d'autant plus fâcheux que les autorités de l'Union des Comores paraissent décidées à s'opposer au retour de leurs ressortissants reconduits à la frontière. J'ai ici un document où elles indiquent qu'il serait « inopportun d'accepter des reconduites à la frontière ». Une note de service du secrétaire général comorien interdit à toute agence de voyage de transporter des clandestins depuis Mayotte.
Les Mahorais ne peuvent admettre que Mayotte, qui n'aspire qu'à la tranquillité au sein de la République française, devienne le théâtre habituel de violences générées par les affrontements entre les îles voisines.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles mesures d'urgence seraient susceptibles de mieux assurer la sécurité de la population de Mayotte ? (Applaudissements à droite, au centre et au banc des commissions)
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer . - J'ai effectué mon premier déplacement à Mayotte, où je représentais le Gouvernement, au moment délicat où le colonel Bacar est arrivé -événement qui n'a pas été souhaité mais subi par la France : il s'agit d'une entrée irrégulière. Une procédure est engagée, dans le respect des droits de l'homme mais avec la sévérité et la fermeté nécessaires. Nous sommes conscients des risques pour la sécurité des Mahorais. Les violences ont fait des blessés graves, mais la réaction de la force publique a été efficace.
J'étais sur place pour discuter du dossier de l'immigration irrégulière. Le Gouvernement renforce le dispositif de contrôle, un troisième radar sera prochainement installé dans le secteur sud de l'île et les moyens maritimes seront accrus. Mais le contrôle aux frontières n'a de sens que si nous savons nouer un partenariat avec l'Union des Comores, afin d'organiser les reconduites vers l'archipel. Le dialogue s'impose surtout pour éviter les départs massifs depuis les plages d'Anjouan.
Cette question retient toute l'attention du Gouvernement et, depuis mon retour, plusieurs réunions interministérielles se sont tenues. Quant au développement économique, l'assemblée départementale a l'intention de décider le 18 avril prochain le démarrage du processus de départementalisation, conformément à l'article 73 de la Constitution. Lorsque les Mahorais se seront librement prononcés, toutes les dispositions de la loi de programmation sur l'outre mer seront applicables à leur île. Le plan que j'ai annoncé, de plus de 350 millions d'euros, est dès à présent une première réponse. (Applaudissements à droite)
Programmes de l'école primaire
M. Yannick Texier . - M. Sarkozy a dit durant la campagne présidentielle que l'école est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
Mme Nicole Bricq. - Il a dit tellement de choses...
M. Yannick Texier. - Or c'est à l'école primaire que se transmet ce patrimoine. Des pays comme la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni ont recentré leurs programmes sur les savoirs fondamentaux. Pendant ce temps, la place de la France recule. Une étude de novembre 2007 sur l'apprentissage de la lecture à 10 ans révèle que nous nous situons au dix-septième rang...
M. Jean-Luc Mélenchon. - Arrêtez de vous en réjouir !
M. Yannick Texier. - Et nous sommes désormais au dessous de la moyenne des pays de l'ODCE. On veut développer l'apprentissage des langues étrangères dans le primaire, alors que tant d'élèves ne maîtrisent pas leur langue maternelle à l'entrée au collège ! Et ce sont bien sûr les plus fragiles qui sont le plus touchés.
M. Paul Raoult. - Encore du copié-collé !
M. Yannick Texier. - Cette situation n'est pas acceptable, compte tenu des moyens consacrés à l'école par la nation. Foin des théories et des querelles d'experts ! Monsieur le ministre, vous avez annoncé de nouveaux programmes scolaires : sera-ce suffisant pour inverser la tendance ? Quelles mesures prendrez-vous pour valoriser l'enseignement primaire ? Quelles méthodes retiendrez-vous ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale . - Ce constat, tout le monde le partage. La bonne volonté des enseignants n'est pas en cause, mais l'efficacité globale du système. D'autant que depuis vingt ans, le nombre des élèves en primaire a diminué de 200 000, quand celui des enseignants a augmenté de 12 000. Nos enfants sont à l'école cent heures de plus en moyenne que les autres écoliers européens. Or le niveau régresse, pour la lecture et l'écriture en particulier.
Nous voulons donner plus à ceux qui ont moins. Cela passe par des programmes lisibles, en 34 pages et non en 106... Nous voulons être ambitieux et exigeants. Il n'y a qu'en France que peut enfler une polémique sur le point de savoir si les enfants de 7 ans doivent être capables de faire une division par deux. Ailleurs, cela semble une évidence. Nous voulons organiser différemment le temps scolaire, afin que les 15 % d'élèves en grande difficulté soient accompagnés.
M. Jacques Mahéas. - Votre prédécesseur M. Ferry n'est pas d'accord !
M. Xavier Darcos, ministre. - Les enseignants consacreront deux heures à ces élèves. Nous voulons aussi donner à tous les enfants ce que seuls ceux des familles aisées reçoivent hors de l'école. Un accompagnement éducatif sera assuré en fin de journée. Des stages, pour les CM1 et CM2, seront proposés : déjà 40 000 inscrits dans la zone B pour les vacances de Pâques qui commencent à la fin de la semaine ; et 8 000 professeurs volontaires. Ce n'est pas de l'idéologie, il est normal que ces stages soient gratuits et je regrette qu'une ville comme Toulouse refuse de les organiser pour ne pas soutenir l'action du ministre ! C'est une question de justice sociale, c'est l'intérêt des enfants ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Quant aux tests de connaissances, il est important de vérifier ce que savent les élèves. Cessons de décrire le vélo, montons dessus. Ainsi nous tiendrons les promesses du Président de la République, de réduire de moitié l'échec scolaire et d'un tiers les redoublements. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini . - Monsieur le Premier ministre qui n'êtes pas là aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, hier, vous avez laissé votre secrétaire d'État improviser une réponse sur la suppression de six cents emplois, le double avec les sous-traitants. Le 6 juin 2006, M. Lakshmi Mittal avait assuré les parlementaires qu'il n'y aurait aucun licenciement. Début 2008, lorsque les six cents licenciements boursiers ont été annoncés, le Président de la République lors d'un déplacement éclair a promis aux salariés que, soit il parviendrait à convaincre Mittal de faire marche arrière, soit il trouverait un repreneur.
M. Jacques Mahéas. - C'était avant les élections !
M. Jean-Marc Todeschini. - Comme sur tant d'autres sujets, effectivement, avant les échéances électorales, il avait fortement politisé le dossier.
Avec l'annonce, hier à Luxembourg, par Arcelor Mittal du maintien du plan de suppressions d'emplois, annonce qui fait la une de la presse aujourd'hui, allez-vous, monsieur le Premier ministre, laisser un autre secrétaire d'État me répondre, comme M. Chatel l'a fait hier à l'Assemblée nationale, que tout va bien, que les promesses présidentielles sont tenues, que les 600 sidérurgistes seront reclassés à proximité, qu'il nous faut tirer des conclusions pour l'avenir, qu'il nous faut rendre notre industrie plus performante, garantir la formation des salariés de demain afin d'améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande ? Quelle offre, monsieur le Premier ministre, si demain la France n'a plus d'industries, avec un gouvernement qui n'a aucune politique industrielle d'envergure ? Alors que le marché de l'acier dans le monde n'a jamais été aussi florissant, faut-il vous rappeler que l'acier qui ne sera plus produit à Gandrange le sera simplement en Allemagne, pays qui, comme le Luxembourg et la Belgique, a une véritable stratégie industrielle ?
Oui, monsieur le Premier ministre, la Lorraine et toute la France ont les yeux rivés sur ce dossier avec le déplacement du Président de la République et avec vos récentes déclarations sur le plein emploi. La Lorraine exige que vous teniez vos promesses de maintien intégral de l'emploi sur le site de Gandrange et, plus généralement, d'un renforcement des capacités industrielles de la France. Si le Gouvernement a une véritable politique industrielle, il doit faire preuve de fermeté à l'égard d'un groupe qui souhaite fermer une usine rentable uniquement pour accroître la rémunération de ses actionnaires, alors qu'il dégage des bénéfices colossaux avec 7,5 milliards en 2007.
M. le Président. - La question !
M. Jean-Marc Todeschini. - Ce qui est en jeu à travers Gandrange, partie visible de l'iceberg, c'est l'emploi industriel, c'est la politique industrielle de la France.
Qu'avez-vous à répondre sérieusement, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements à gauche)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - Le Gouvernement n'improvise pas, il apporte des réponses sérieuses à des questions sérieuses !
La France doit rester un grand pays industriel. C'est grâce à l'action du Président de la République qu'Arcelor-Mittal a accepté de laisser deux mois de réflexion pour expertiser les solutions alternatives. (On ironise à gauche)
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ce n'est pas sérieux !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - La réponse sera donnée au comité d'entreprise du 4 avril.
M. Jean-Marc Todeschini. - Elle a été donnée hier à Luxembourg ! Elle fait le titre du journal ! (L'orateur brandit un exemplaire du Républicain lorrain)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - La politique industrielle du Gouvernement vise à anticiper le plus possible les mutations industrielles, à favoriser la recherche, le développement de pôles de compétence. La formation professionnelle est essentielle pour que nos compatriotes soient en bonne position de retrouver rapidement un emploi en cas de restructuration. Tel est le chantier qui a été confié à Mme Lagarde pour 2008. (Applaudissements à droite)
Emploi des seniors
M. Gérard Dériot . - Il n'y a jamais eu aussi peu de demandeurs d'emplois en France depuis 1984, et pourtant l'emploi des seniors demeure un point faible de la France.
C'est pourquoi le Président de la République a demandé à Mme Lagarde, de travailler à « des mesures extrêmement précises » dans ce domaine. Alors qu'une large concertation s'est engagée avec les organisations syndicales pour la préparation de la future grande loi sur les retraites, l'emploi des seniors se retrouve au centre des débats. Comment, en effet, faire accepter l'allongement à quarante-et-un ans de la durée de cotisation si les deux tiers des salariés ne sont plus au travail au moment de faire valoir leurs droits ? Avec un taux d'emploi de 38 % pour les 55-64 ans en 2006, et malgré une amélioration de 6,5 points entre 2000 et 2005, la France se situe en effet, selon Eurostat, plus de 5 points en-dessous de la moyenne de l'Union européenne, qui est de 43,5 %, et loin de l'objectif de 50 % en 2010 fixé au niveau communautaire. Pour parvenir à cet objectif, il faudrait que le nombre de seniors employés augmente de un million de personnes en France d'ici 2010.
C'est pourquoi nous tenons à ce que le projet de loi sur les retraites soit axé sur l'emploi des seniors.
Je souhaite également appeler l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude qui pèse dans certains territoires, en particulier ruraux, quant au devenir de nombre d'entreprises artisanales, commerciales ou agricoles, lorsque le chef d'entreprise qui prend sa retraite ne trouve pas repreneur. Le départ en retraite des baby boomers et les tensions sur le marché du travail nous font craindre dans des départements comme l'Allier, la disparition de nombreuses petites entreprises, faute de repreneur, et donc une perte d'emplois et de vitalité économique.
Que compte faire le Gouvernement ? Qu'en est-il du concept de bonus-malus pour les entreprises ? Quel est ce système de label que vous avez évoqué il y a moins d'une semaine ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi . - La situation de l'emploi est excellente (exclamations à gauche) avec un taux de chômeurs ramené à 7,5 %, c'est historique depuis vingt-cinq ans ! Cependant, l'emploi des seniors est une des hontes de l'emploi en France. Nous y avons tous une part de responsabilité, politiques, entreprises, partenaires sociaux. Un choix tacite - erroné- a été fait, dans l'idée qu'il était bon de remplacer un senior par un junior.
Le Président de la République et le Premier ministre ont fait de cette question un chantier essentiel. Dans le prolongement de l'action entreprise par Gérard Larcher (applaudissements sur certains bancs UMP), nous voulons agir sur trois leviers : accorder des incitations financières pour prolonger l'activité, encourager les entreprises à conserver leurs seniors avec un label bonus ou malus ; faciliter la recherche d'emploi, qui pose plus de problèmes à 50 ans qu'à 40.
Mme Lagarde a mis en place à l'ANPE un programme d'accompagnement vigoureux, dont un bilan régulier sera fait. C'est un gigantesque chantier, une véritable révolution culturelle qui nous attendent. A 55 ans, on a encore une vie professionnelle devant soi. (Applaudissements à droite)
Suppressions de postes dans l'Éducation nationale
M. Jean-Luc Mélenchon . - Dans le cadre d'une politique idéologique de restriction des services publics....
M. Josselin de Rohan. - Ça commence bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. - ...l'Éducation nationale est touchée plus qu'elle ne l'a jamais été (marques d'approbation à gauche) : 11 800 postes seront supprimés cette année. Alors que deux élèves de moins dans le secondaire suffisent à supprimer un poste, il en faut 53 dans le primaire pour en créer un.
Ce n'est pas dépenser mieux que de supprimer des filières professionnelles, au moment où nous manquons de main-d'oeuvre qualifiée, au moment où 20 000 élèves supplémentaires sont attendus dans le service public de l'éducation. Ce n'est pas dépenser mieux pour la jeunesse de France que de rogner sur les horaires légaux d'enseignement. Ce n'est pas dépenser mieux que de sacrifier l'avenir, de renoncer à anticiper en réduisant de moitié le nombre de postes ouverts aux concours, alors que la population dans le secondaire va augmenter. Ce n'est pas dépenser mieux que de généraliser le passage du bac pro en trois ans, qui n'était qu'une expérimentation, alors que 20 % des élèves le passent en cinq ans.
M. Josselin de Rohan. - Pourquoi pas dix ?
M. Jean-Luc Mélenchon. - Cette politique suscite la réprobation générale, celle des élus départementaux, régionaux, communaux ; celle de 80 % des conseils d'administration, une proportion jamais vue, qui refusent les dotations horaires globales qu'on leur a attribuées ; celle de tous les syndicats, celle des lycéens qui manifestent aujourd'hui.
Que répondez-vous à tous ceux qui vous disent : c'est trop ? 35 000 postes vont être supprimés l'an prochain dans la fonction publique.
M. Josselin de Rohan. - Quelle horreur !
M. Jean-Luc Mélenchon. - S'il en va comme cette année, 17 000 postes le seront dans l'Éducation nationale. C'est l'écroulement de notre système éducatif qui se prépare. Cela en réjouira certains, mais désespérera le peuple français, dont c'est le principal instrument de développement et de promotion. (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale . - L'idéologie, parlons-en ! Un lycéen français fait 30 % d'heures de plus, reçoit 22 % de crédits de plus que dans tous les pays comparables au nôtre. Non, l'Éducation nationale n'est pas maltraitée ! (Applaudissements à droite) Regardons objectivement les chiffres : 11 800 postes vont être supprimés, en effet, mais 5 000 seront transformés en heures supplémentaires. Il est erroné, idéologique, de prétendre que des heures seront supprimées dans les matières obligatoires, ou que des sections seront fermées. Nous continuons à doter les zones prioritaires. Votre département de l'Essonne, monsieur Mélenchon, va perdre 1 200 élèves dans le second degré : les moyens y sont maintenus ; dix postes sont créés dans le premier degré, en dépit de la perte de 500 élèves.
Quant au bac pro en trois ans, votre propos était encore idéologique : nous avons seulement voulu généraliser ce que vous aviez initié...
M. Jean-Luc Mélenchon. - Ce n'était qu'expérimental, et sur une base individuelle ! Ca suffit ! Cessez de faire porter aux autres votre responsabilité ! (Protestations à droite)
M. Xavier Darcos, ministre. - Le bilan de l'expérimentation est bon, voilà tout ! Je crois vraiment que l'Éducation nationale doit se réformer. Il est faux de dire qu'elle va s'écrouler parce qu'il manquera un poste ici, ou qu'une classe passera là de 30 à 32 élèves ! Oui, il faut réformer l'école ! S'il suffisait d'y mettre toujours plus de moyens, ce que nous faisons depuis trente ans, nous serions les premiers du monde ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
Hooliganisme
Mme Béatrice Descamps . - Samedi dernier, le monde du football a été privé d'une belle fête. Les valeurs du sport ont une fois de plus été bafouées par la bêtise et la violence de certains supporteurs. L'intolérance, l'infamie ont marqué la finale de la Coupe de la Ligue entre le PSG et Lens. Après le déploiement de la banderole, des supporteurs ont été blessés ou insultés, des bus caillassés. La région Nord-Pas-de-Calais, le sport lui-même ont été souillés par la violence de mots qui ne sont pas plus tolérables que le racisme ou l'appel à la haine.
L'émotion ne suffit pas. Il faut trouver des solutions au hooliganisme. Si des sanctions exemplaires doivent être prises, il faut mettre en place une véritable stratégie, responsabiliser les dirigeants de clubs mais aussi les supporteurs. Les premiers ne devraient-ils pas être les garants de la moralité de leurs supporteurs ? Le comportement des seconds, Boulogne Boys ou Bad Gones, ne devrait-il pas être toujours digne et respectueux des valeurs du sport ?
Le Royaume-Uni a réussi à éradiquer le hooliganisme en étant intraitable avec les supporteurs. Pourquoi ne pas prévoir des interdictions de stade de longue durée, l'identification systématique des fauteurs de trouble, la généralisation des places assises et numérotées ? Les sanctions existantes sont-elles suffisamment efficaces sur le long terme ? Il est essentiel de renforcer leur caractère pédagogique et financier envers les dirigeants, les supporteurs, les stadiers, afin que le football et le sport demeurent un spectacle pour les familles et retrouvent leurs lettres de noblesse. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative . - Samedi soir, nous avons atteint au stade de France les sommets de la bêtise humaine. Supporteur du Paris-Saint-Germain, j'avais honte. Après l'affaire Ouaddou et l'affaire Kebé, vient l'affaire stade de France !
Au nom du Gouvernement, je tiens à exprimer notre soutien et notre sympathie à tous les habitants du Nord-Pas-de-Calais et au Racing club de Lens, notamment à son président, M. Martel, qui est un ami. (Applaudissements à droite et au centre)
Le Président de la République a reçu lundi le député-maire de Lens et les dirigeants du RCLens.
Avec Mme Bachelot, nous avons arrêté des mesures plus fermes et plus dures que celles en vigueur. Avant de les décrire, je veux dire que ce fléau concerne les pouvoirs publics, la fédération française de football, la ligue de football et surtout les supporteurs.
M. Ladislas Poniatowski. - Bien sûr !
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - Dimanche soir, j'irai voir le match Marseille-Lyon. Lundi, je réunirai à Marseille les dirigeants des clubs de supporteurs pour leur dire qu'en continuant ainsi, ils vont tuer leur passion.
Nous allons augmenter les interdictions de stade et les porter à un an, car trois mois c'est trop court. De surcroît, il faut sanctionner financièrement les individus racistes et violents. Enfin -c'est un hommage à M. Falco- nous voulons généraliser les TIG auxquels recourt la ligue de football amateur du Var, car la formule donne toute satisfaction.
Ce que je vois dans les enceintes sportives m'agace profondément ! (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 16 heures 5.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance reprend à 16 h 15.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Valade pour siéger au sein du Conseil d'administration de l'Établissement public du musée du quai Branly, les candidatures de MM. Legendre et Richert pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de la Commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Médicament (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.
Discussion générale
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. - Pour garantir des médicaments sûrs et soutenir la recherche thérapeutique, l'Union européenne met en place le marché unique du médicament et la France s'est d'emblée associée à cette politique ambitieuse. Je vous propose aujourd'hui de ratifier l'ordonnance du 26 avril 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament. Ce texte intègre au droit français cinq directives. L'ordonnance concerne des produits très divers, allant des aliments diététiques, aux produits d'origine humaine, en passant par les produits cosmétiques, et les médicaments à usage humain et vétérinaire. Pour être technique, elle n'en est pas moins très importante, comme en témoigne les débats en première lecture. La Haute assemblée est depuis longtemps en pointe sur les questions biomédicales : nous fêtons les vingt ans de la loi Huriet, je tenais à saluer votre rôle précurseur !
Sur les onze articles de ce texte, vous avez déjà approuvé les quatre premiers, l'Assemblée nationale vous a suivis. Considérons plutôt ceux que vous n'avez pas encore examinés.
L'article premier ter sollicite une nouvelle habilitation de dix mois pour légiférer par ordonnance. Le Gouvernement pourra conduire à son terme le projet d'ordonnance qui vise à étendre aux territoires d'outre-mer la loi du 26 février 2007 et l'ordonnance du 26 avril 2007.
L'article 5 fait de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'unique autorité compétente en matière de recherche biomédicale, à compter du 1er juin, au lieu du 1er avril comme prévu initialement, pour tenir compte du retard dans le calendrier parlementaire.
L'article 6, introduit sur proposition de votre assemblée, repousse de quelques mois l'interdiction de l'utilisation, à des fins humanitaires, des médicaments non utilisés. Le dispositif Cyclamed ne s'est pas montré à la hauteur de ses promesses, malgré le dévouement des bénévoles et des associations. Les médicaments non utilisés ne présentent pas les garanties suffisantes de qualité et de conservation, ils sont souvent mal adaptés aux pathologies de ceux qu'ils prétendent soigner et ils ont pu alimenter des circuits parallèles de revente. L'OMS s'est prononcée pour l'interdiction, tout comme Médecins du Monde et l'Ordre de Malte. Nous devons toutefois accorder un délai aux associations humanitaires pour s'organiser et trouver d'autres sources d'approvisionnement, c'est le sens de l'article 6.
L'article 7 donne aux officines la possibilité de sous-traiter certaines préparations à des établissements pharmaceutiques fabricants, sous le contrôle de l'Afssaps et dans le respect des bonnes pratiques mentionnées par le code de santé publique. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) exige des entreprises pharmaceutiques qu'elles mènent des études pharmaco-épidémiologiques après toute autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'article 8 prévoit de sanctionner les fabricants qui ne conduiraient pas systématiquement ces études, ou qui tarderaient à le faire.
L'article 9 remplace la déclaration obligatoire auprès de l'Afssaps de la vente de tout produit remboursé, par la déclaration obligatoire de son code dans la liste des produits et prestations.
Vous aviez adopté ces deux derniers articles avec le PLFSS pour 2008, le Conseil constitutionnel les a écartés, considérant que les économies attendues ne justifiaient pas leur rattachement à une loi de financement de la sécurité sociale. Leur intérêt demeure, nous les adjoignons à ce texte.
La France ne saurait prendre plus de retard dans la transposition de ces directives européennes, je ne doute pas de votre soutien ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La nouvelle législation européenne en matière de médicament renforce la sécurité sanitaire pour les patients et la transparence des agences chargées d'autoriser la commercialisation des produits de santé. Elle a pris en compte l'apparition de nouvelles catégories de produits de santé, au-delà des seuls médicaments à usage humain.
Plusieurs directives sont intervenues dans des domaines aussi divers que les normes de qualité et de sécurité pour le sang humain, les produits cosmétiques, les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains, les médicaments traditionnels à base de plantes ou les médicaments vétérinaires.
Pour cette seconde lecture, deux points me semblent devoir attirer particulièrement notre attention.
D'abord la distribution et la destruction des médicaments non utilisés. Nous en avons débattu en février et en octobre 2007. En première lecture, nous avons prolongé le délai avant l'interdiction d'usage, le temps que les ONG trouvent de nouvelles sources d'approvisionnement en médicament. La situation a évolué, le groupe de travail ad hoc doit rendre son rapport sous peu et la date butoir du 31 décembre 2008 est une solution équilibrée.
Ensuite, les études post-AMM. Le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, a censuré la sanction que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoyait contre le défaut d'études post-AMM, le Gouvernement y revient utilement.
Ces études post-AMM sont commandées par le CEPS.
M. François Autain. - Pas seulement !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Dans quels délais ces sanctions seront-elles appliquées ? Dès la publication de la loi ou faudra-t-il attendre le renouvellement de l'accord-cadre entre le CEPS et les entreprises pharmaceutiques ? Des sanctions sont-elles envisagées si les études prévues dans le cadre des plans de gestion des risques, ne sont pas réalisées ? Comment le montant de ces sanctions sera-t-il déterminé ?
L'Assemblée nationale a également précisé les conditions dans lesquelles les pharmaciens d'officine peuvent réaliser des préparations magistrales et les modalités de régulation des dispositifs médicaux.
Les articles en navette vont au-delà de la simple ratification d'ordonnance, mais l'ensemble forme un tout homogène, centré sur la transposition des directives européennes : la commission des affaires sociales vous propose d'adopter ce texte ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Michel. - Ce texte nous revient aminci et augmenté. (Sourires) L'article 6 ne nous pose guère de problème, il vient d'un amendement du groupe socialiste. En revanche, plusieurs questions se posent sur les études post-AMM. Lors de l'examen du PLFSS, vous avez annoncé, madame la ministre, des crédits pour soutenir ces études : qu'en est-il ?
En première lecture, nous nous étions abstenus à la suite de l'introduction de l'article 1er bis, qui autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance pour transposer la directive relative aux tissus et cellules humains, qui traite notamment du don de gamètes et de la procréation médicalement assistée. Ces sujets relèvent de la loi bioéthique, qui doit être révisée en 2009. La France autorise le don d'organes et de gamètes ; qu'en restera-t-il, dans un environnement concurrentiel ? Si la maternité pour autrui devait être autorisée en France, donnerait-elle lieu à rémunération, comme c'est le cas dans certains pays ? Compte tenu de ces enjeux éthiques : nous nous abstiendrons à nouveau.
M. François Autain. - Ce texte ne suscite pas de critiques majeures. (Sourires)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Nous attendons la fin !
M. François Autain. - Je centrerai donc mon propos sur les études post-AMM, qui se multiplient depuis l'instauration, en 2005, de plans de gestion des risques, jusqu'à devenir systématiques pour les nouvelles molécules innovantes et coûteuses. Les crises sanitaires comme celles de la Cerivastatine et du Vioxx ne sont pas étrangères à ce renforcement. Ces études ne sauraient toutefois pallier les insuffisances d'une évaluation en amont. Or il semble que les AMM sont octroyées de plus en plus facilement et précocement (Mme le ministre le conteste), comme si les agences avaient de plus en plus de mal à résister aux pressions de l'industrie pharmaceutique....
En outre, les délais de réalisation de ces études post-AMM sont considérables : de 1997 à mai 2007, sur 131 demandes, 12 % seulement ont été menées à leur terme, la moitié n'ayant pas reçu un commencement d'exécution ! Le principe de précaution aurait dû conduire les agences à différer la mise sur le marché des molécules concernées. On prescrit des médicaments pour lesquels les mesures de sécurité n'ont pas été mises en oeuvre !
La mission d'information de notre commission avait dénoncé le manque de cohérence et de coordination entre les nombreuses structures qui prescrivent des études post-AMM, malgré la création d'un groupe d'intérêt scientifique et plus récemment d'un comité de liaison informel. La Haute autorité de santé (HAS) devrait être tenue de publier régulièrement des informations sur le devenir des études que les firmes se sont engagées à réaliser. A l'heure actuelle, l'anarchie règne, doublée d'une véritable opacité !
Les conventions entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les firmes n'étant pas publiques, on ne sait pas quelles études ont été demandées, ni dans quels délais. L'étude portant sur le Vioxx a été publiée trois ans après sa réalisation, et trois mois après le retrait du médicament incriminé -ce qui n'a pas empêché le maintien sur le marché d'un médicament de la même famille, le Celebrex, tout aussi toxique.
Nous manquons d'équipes de recherche spécialisées dans l'évaluation des risques médicamenteux. Autre difficulté, l'insuffisance des bases de données publiques et privées relatives à la prescription des médicaments. A cet égard, la suppression de l'Observatoire national des prescriptions témoigne du désintérêt manifeste du Gouvernement...
Enfin, les pouvoirs publics s'impliquent insuffisamment dans le financement de ces études : de 1999 à 2004, l'AFSSAPS n'en a financé que six, et les dix-neuf études réalisées depuis 2005 n'ont pas été rendues publiques. L'essentiel de l'effort financier repose sur l'industrie pharmaceutique, guère portée à investir dans des études coûteuses qui peuvent aboutir à une remise en cause de l'AMM.
Je doute que l'article 8 suffise pour contraindre les firmes à respecter leurs engagements. Quand entrera-t-il en vigueur ? Faudra-t-il attendre un nouvel avenant à l'accord-cadre CEPS-Leem, ou bien s'impose-t-elle à toute nouvelle convention, à dater de la promulgation de la loi, malgré l'accord CEPS-Leem ?
Aux termes de l'accord cadre CEPS-Leem, certaines études demandées par la commission de transparence ou le CEPS ne pourraient pas donner lieu à des sanctions au motif qu'elles seraient redondantes avec celles demandées par la commission d'AMM. Il me semble que toutes les études, quel qu'en soit le prescripteur, doivent être traitées de la même façon. Leur non-réalisation doit être sanctionnée. C'est un impératif de santé publique. Enfin, aucun délai limite n'est fixé pour la réalisation de ces études : comment dès lors sanctionner un retard ? Quant aux conventions CEPS-firmes, elles ne sont pas rendues publiques.
Je vous proposerai des amendements pour tenter de combler ces lacunes. L'article 8 procède d'une bonne intention, mais je reste réservé sur son efficacité. Nous subordonnerons notre vote à l'accueil qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About, président de la commission. - Les amendements déposés présentent certes un intérêt mais vont au-delà de ce qui est possible et souhaitable. Sans compter que la transposition de la directive a déjà pris du retard...
Toutefois, quand une entreprise n'a pas réalisé une étude dans les délais, il serait normal que le renouvellement de l'AMM ne donne pas lieu à une autorisation définitive. Le Gouvernement peut-il donner des assurances à la représentation nationale sur ce point ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci, monsieur le rapporteur pour votre analyse et votre soutien sur un projet de loi plus important qu'il n'y paraît.
Sur l'article 8, je partage l'avis du président About : il ne faudrait pas que l'adoption d'amendements empêche un vote conforme et retarde l'application de mesures indispensables.
M. François Autain. - Ce n'est pas un bon argument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cet article, qui prévoit des sanctions en cas de non réalisation des études post-AMM, vise à permettre l'évaluation, correcte et dans les délais prévus, d'un médicament dans la pratique médicale réelle. Seuls 7 % des études demandées ont été menées à terme, 43 % n'ont pas reçu un début d'exécution et, dans 30 % des cas, les laboratoires n'ont rien communiqué du tout à la Haute autorité de santé. Le pharmacien que je suis rejoint donc le médecin que vous êtes, monsieur Autain. Votez cet article pour nous permettre de mettre sur pied des sanctions en cas de non réalisation des études. Comme on ne peut remettre en cause l'AMM, la seule carte à jouer est celle des sanctions financières.
Monsieur Autain, je suis stupéfaite de vous entendre dire que les AMM sont accordées plus facilement. Au contraire, le principe de précaution est appliqué, les études sont fouillées, de plus en plus minutieuses et ces autorisations sont toutes associées à un plan de gestion des risques. De plus, on ne peut comparer comme vous le faites le Vioxx avec le Celebrex : les dosages ne sont pas du tout les mêmes et vous savez bien qu'en pharmacie, cet aspect est décisif.
Dans quel délai, demandez-vous, cette disposition sera-t-elle mise en oeuvre ? L'application sera immédiate car un décret n'est pas nécessaire. Mes services me parlent d'un délai de deux mois après le vote. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Les articles premier ter, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 5121-9 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les études pharmaco-épidémiologiques mises en oeuvre postérieurement à l'octroi de cette autorisation ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, celle-ci ne peut être renouvelée. »
M. François Autain. - Vous me trouvez sévère lorsque je dis que les AMM sont facilement accordées. Un seul exemple : le Rimonabant a reçu cette autorisation, subordonnée à un plan de gestion, alors qu'aux États-Unis, la Food and drug administration l'a interdit ! Ici, on devrait pousser plus loin l'évaluation, quitte à retarder l'AMM. La même remarque vaut pour le Champix...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tous les médicaments ont des effets indésirables !
M. François Autain. - Vous ne m'avez pas répondu sur les études post-AMM prescrites par l'Afssaps. Les amendements que j'ai déposés règleraient tous ces problèmes. Celui-ci interdit le renouvellement de cette autorisation pour un médicament pour lequel des études post-AMM prescrites n'auraient pas été réalisées. C'est d'autant plus nécessaire que ce renouvellement est définitif. Accepter, cinq ans après, de renouveler l'autorisation, c'est prendre un risque pour la sécurité sanitaire. Il faut la différer jusqu'à ce que les études soient réalisées.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - La commission comprend le souci de M. Autain, mais faut-il pour cela ...
M. François Autain. - Oui ! (M. Fischer le confirme)
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - .... aller jusqu'à interdire le renouvellement ? C'est une mesure sévère et surtout préjudiciable au patient lorsque le médicament est efficace.
M. François Autain. - Il y a toujours des équivalents !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Avis défavorable : on ne peut remettre en cause ce renouvellement, d'autant que cela relève de la législation européenne.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce projet de loi fait partie du processus de transposition de cinq directives : la France ne peut plus prendre de retard.
M. François Autain. - Sauf pour l'article 8 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cet article 8 a déjà été amendé quand vous avez débattu du PLFSS et toute AMM peut à tout moment être suspendue au vu des études de l'Afssaps ou de l'Agence européenne. Nous voulons sanctionner les laboratoires, non les patients. La sanction économique est donc la plus appropriée. Avis défavorable.
M. François Autain. - Vous n'avez toujours pas répondu à ma question : les études prescrites par l'Afssaps sont-elles, oui ou non, concernées par l'article 8 ? Moi, je pense que non. Mais je voudrais une réponse claire.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Article 8
Le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , ainsi que les sanctions encourues en cas de non-réalisation ou de retard dans la réalisation de ces études qui pourront aboutir, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, à une baisse de prix du médicament concerné, fixée exclusivement sur la base des conséquences entraînées pour l'assurance maladie par la non-réalisation des études ».
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque ces études pharmaco-épidémiologiques ne sont pas réalisées dans un délai de cinq ans, l'inscription du médicament concerné sur la liste prévue à l'article L. 5126-4 du code de la santé publique ne peut être renouvelée.
M. François Autain. - Je n'ai toujours pas obtenu de réponse...
Cet amendement vise à éviter qu'un médicament qui a été insuffisamment évalué en dépit des recommandations de la HAS ou de l'Afssaps continue à être pris en charge par l'assurance maladie cinq ans après sa mise sur le marché.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Défavorable. Ne pas rembourser certains médicaments au seul motif de l'absence d'étude a posteriori serait infondé et pourrait priver le patient de médicaments utiles.
L'amendement n°2, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC.
Dans le 4° bis de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : « études pharmaco-épidémiologiques » sont insérés les mots : « prescrites par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la Haute autorité de santé ou le Comité économique des produits de santé ».
M. François Autain. - Cet amendement répond à la question à laquelle, madame la ministre, vous n'avez pas répondu. Il tente à prendre en considération le fait que les études post-AMM peuvent être prescrites par l'Afssaps, la Haute autorité de santé et le CEPS. A l'article 6, il est bien dit que seules les études demandées par la Commission de transparence et le CEPS peuvent donner lieu à des conventions, donc à des sanctions éventuelles. Si vous m'aviez dit, madame la ministre, que les études prescrites par l'Afssaps seraient retenues, j'aurais pu retirer cet amendement. Vous ne l'avez hélas pas fait. Il en va pourtant de la sécurité de nos concitoyens.
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - Dans le cadre de notre mission « médicament » de 2006, que j'avais eu l'honneur de présider, nous avions souhaité que des financements publics soient débloqués pour ces études. Mais je ne pense pas qu'il soit besoin de légiférer ; mon avis est donc défavorable. C'est une question de volonté gouvernementale. Quelles sont vos intentions, madame la ministre, en matière de financement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Pour éclairer parfaitement le débat, je précise que les études pharmaco-épidémiologiques de suivi, réalisées par le CEPS reprennent en général les études demandées par l'Afssaps. Si je n'ai pas répondu à votre question, c'est que le texte de simple transposition que nous examinons ne me semble pas être le lieu pour l'évoquer. Il est vrai cependant, qu'elle mérite d'être soulevée. Je m'engage à l'examiner s'il existe des difficultés. En tout état de cause, elles ne tiennent pas, monsieur le rapporteur, au financement, puisque le coût des études est pris en compte lors de la fixation du prix. L'assurance maladie le prend donc indirectement en charge. L'industrie pharmaceutique sait au reste très bien, monsieur Autain, rappeler cette exigence dans le dossier économique.
M. François Autain. - Sans doute peut-il y avoir quelquefois redondance, mais bien des études de l'Afssaps sont originales et ne sont reprises ni par le CEPS, ni par la Commission de transparence. Je regrette, pour la sécurité des patients, que vous ne teniez pas compte de mes arguments.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous cherchez un alibi !
M. Gilbert Barbier, rapporteur. - C'est le lobby de Prescrire !
M. François Autain. - Je n'ai pas parlé du lobby des laboratoires ! A chacun le sien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ne nous égarons pas...
M. François Autain. - Que la sécurité des patients soit en cause, c'est une réalité ! Pas moins de 140 000 hospitalisations par an sont imputables à une iatrogénie médicamenteuse. Le professeur Lucien Abenhaim cite le chiffre de 18 000 décès par an.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et combien sont sauvés par les médicaments ? Vous voulez priver les malades de traitements intéressants !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Cet amendement, dont je comprends les motifs, me semble présenter deux inconvénients. Aux États-Unis, un seul organisme est compétent pour lancer de telles études. Nous sommes un des rares pays où prolifèrent les organismes pouvant demander des études. Cette prolifération explique notre faible compétitivité dans un certain nombre de secteurs. En adoptant votre amendement, nous fragiliserions l'AMM. Alors que toute la pratique française va à l'inverse, nous laisserions penser qu'on la délivre sans avoir pris toutes les précautions. (Applaudissements à droite)
M. François Autain. - C'est malheureusement le cas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Excellente mise au point.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
M. le président. - Les autres dispositions ne faisaient pas l'objet de cette deuxième lecture.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Procaccia. - Ce texte constitue une étape nouvelle dans le renforcement de la sécurité sanitaire et nous permet de nous mettre en conformité avec la législation européenne, qui tend, sur ce sujet, à l'harmonisation entre les États membres.
La commission des affaires sociales, sous l'égide de notre excellent rapporteur et de son président l'a examiné de près à plusieurs reprises ; son examen a donc pu être rapide. Le groupe UMP, qui en approuve les objectifs, votera en faveur de son adoption.
Je profite de l'occasion pour vous rappeler, madame la ministre, les préoccupations que nous avions exprimées, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur le reconditionnement des médicaments. (Applaudissements à droite)
M. François Autain. - J'ai eu aujourd'hui le sentiment d'un débat verrouillé. Nos amendements n'avaient pourtant pour seul objectif que de sécuriser le dispositif en rendant l'article 8 applicable. Nous nous abstiendrons donc.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Fourcade, pour déplorer la prolifération des structures, mais je n'adhère pas à la deuxième partie de votre argumentation. Si l'on délivre aujourd'hui de plus en plus facilement l'AMM...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est faux !
M. François Autain. - ... c'est parce que l'on s'en remet à des études postérieures, qui la plupart du temps ne sont même pas réalisées !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Faux !
M. François Autain. - D'où la nécessité, nous semblait-il, de fixer une date butoir et des sanctions, en prenant en compte les trois commanditaires possibles. Je regrette donc que les études commandées par l'Afssaps ne figurent pas à l'article 8.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je m'inscris en faux contre l'idée que les études demandées après l'AMM seraient un complément de celles demandées avant. En amont, les études -mathématiques, animales, ou sur échantillons humains- durent au moins une dizaine d'années. Après, il s'agit seulement de suivi : l'industriel rend compte notamment de l'utilisation, ou d'éventuels effets secondaires, à l'autorité de contrôle sanitaire. M. Fourcade a eu raison de dire que si nous rentrions dans votre logique, le système serait fragilisé.
M. François Autain. - Il l'est déjà !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous étiez d'accord pour voter le texte et, à présent que nous apportons une garantie supplémentaire, vous vous abstenez : faites preuve d'un peu plus de cohérence !
M. André Lardeux. - Je ne reviens pas sur mes réserves à l'égard de l'article 6. Mais Mme Hermange et moi-même tenons à répéter, même si elles ne sont plus en discussion, que les dispositions relatives aux produits d'origine humaine heurtent nos convictions. Nous n'avons pas voté le projet en première lecture pour cette raison. Et je me demande si la rédaction n'est pas en contradiction avec la loi bioéthique.
M. Jean-Pierre Michel. - En première lecture, le groupe socialiste s'était abstenu pour les raisons indiquées par M. Lardeux. On ne saurait procéder par ordonnance dans des domaines qui touchent le don d'organes et la matière humaine. Nous nous réjouissons que l'article 8 ait été réintroduit dans le projet. Hélas, les amendements de M. Autain n'ont pas été adoptés, le Gouvernement cherchant un vote conforme, alors qu'ils reprenaient les recommandations de la mission sur le médicament que présidait M. Barbier.
M. François Autain. - Il a perdu la mémoire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le projet de loi ne porte pas atteinte aux décisions des États membres en ce qui concerne les cellules embryonnaires ! Le texte européen se limite à établir des normes de qualité et de sécurité pour les tissus et les cellules humains destinés à des applications humaines. Les cellules embryonnaires ne sont pas exclues du champ de la directive, mais les décisions particulières des États membres sont respectées.
Dans notre droit, les cellules embryonnaires ne sont pas soumises à toutes les dispositions de la loi bioéthiques concernant les tissus et cellules, uniquement à celles qui régissent leur préparation, leur conservation et leur utilisation. Reportez-vous au chapitre III du code de la santé. Quant à la recherche sur les cellules embryonnaires, elle est abordée dans un chapitre distinct du code.
J'y insiste, l'ordonnance du 26 avril 2007 ne remet nullement en cause la position du législateur français sur les cellules embryonnaires. Elle garantit en revanche un niveau élevé de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains. Les développements concernant l'importation et l'exportation ne visent pas les cellules embryonnaires.
Le législateur français en débattra, lui, lors de la révision de la loi bioéthique, dans quelques mois. En revanche, il y a urgence à ratifier, trop de retard ayant été pris dans la transposition de la directive.
Le projet de loi est adopté.
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - La commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. La Présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure, je proclame M. Jacques Valade membre du Conseil d'administration de l'établissement public du musée du quai Branly, M. Jacques Legendre membre titulaire et M. Philippe Richert membre suppléant de la Commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.
Prochaine séance mardi 8 avril 2008 à 10 heures.
La séance est levée à 17 h 25.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 8 avril 2008
Séance publique
À 10 HEURES ET À 16 HEURES,
Discussion de la proposition de loi (n° 195, 2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque emploi associatif.
Rapport (n° 254, 2007-2008) de Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Discussion de la question avec débat n° 17 de M. Jean-Pierre Godefroy à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'aide aux malades en fin de vie.
M. Jean-Pierre Godefroy demande à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative de bien vouloir lui indiquer les initiatives que le Gouvernement compte prendre sur la question des malades en fin de vie. Plusieurs cas récents mettent aujourd'hui en lumière les lacunes de la loi n° 2005-370 votée le 22 avril 2005. Certes, en s'inscrivant dans le prolongement de la loi n° 1999-477 du 9 juin 1999 garantissant à tous l'accès aux soins palliatifs et de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, elle a confirmé la prohibition de l'acharnement thérapeutique et légalisé le double effet. Mais en instaurant un droit « au laisser mourir » qui peut répondre aux situations de malades en fin de vie, elle a volontairement exclu la question « de l'aide active à mourir ». Comme l'avait déjà proposé le groupe socialiste du Sénat en 2005, il semble aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin vers la reconnaissance d'une exception d'euthanasie qui permettrait de gérer les cas exceptionnels pour lesquels les soins palliatifs ne peuvent apporter la solution.
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DÉPÔT
La Présidence a reçu de M. André Lardeux un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité (n° 245, 2007-2008).