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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Cessation du mandat et remplacement d'un sénateur
Organisme extraparlementaire (Candidature)
Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)
Organisme extraparlementaire (Nomination)
Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)
Solidarité, insertion et égalité des chances
SÉANCE
du vendredi 30 novembre 2007
32e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance est ouverte à 10 h 45.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Hugues Portelli. - A l'occasion du scrutin public n°43 relatif au projet de loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, M. Gaston Flosse a été porté votant pour, alors qu'il voulait évidemment voter contre. (Sourires)
M. le président. - Je vous en donne acte.
Cessation du mandat et remplacement d'un sénateur
M. le président. - Par lettre en date du 30 novembre 2007, Mme la ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le Président du Sénat qu'en application des articles L.O. 137 et L.O. 320 du code électoral, Mme Catherine Dumas est appelée à remplacer, en qualité de sénateur de Paris, M. Philippe Goujon dont le mandat a cessé hier à minuit à la suite de la décision du Conseil constitutionnel confirmant son élection à l'Assemblée nationale. Le mandat de Mme Catherine Dumas a commencé ce matin à 0 heure. Notre assemblée compte désormais soixante sénatrices.
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à Mme Catherine Dumas. Puisse-t-elle trouver ici un lieu où elle pourra donner la mesure de son engagement !
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. le président. - Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale des compétences et des talents.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. François-Noël Buffet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Justice
M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Justice ».
Orateurs inscrits
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances. - Dans un contexte budgétaire tendu, la progression des crédits de cette mission de 4,5 % par rapport à 2007 témoigne de l'importance que le Gouvernement attache à la justice.
Les crédits du programme « justice judiciaire » augmentent de manière significative de 5,1 %. Les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice n'ont pas tous été atteints. En termes de créations d'emplois, le taux de réalisation est de 76 % pour les magistrats et seulement de 32,6 % pour les fonctionnaires. Ce budget prévoit une création nette de 400 emplois, qui doit être saluée. L'effort doit maintenant porter sur les greffiers, lesquels apportent une aide logistique indispensable aux magistrats. Leurs conditions de travail devraient être améliorées grâce au recours accru aux nouvelles technologies.
En 2008, la dotation prévue pour couvrir les frais de justice progresse seulement de 1,7 %, grâce aux efforts des magistrats et à la chancellerie qui a mené une politique volontariste de maîtrise des dépenses sans porter atteinte au principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, soulignons-le.
Concernant la révision de la carte judiciaire, rappelons qu'aucune réforme n'avait été entreprise depuis 1958. L'objectif de rationaliser les moyens de la justice ne peut qu'être soutenu s'il est tenu compte de la réalité humaine des territoires. Cette réforme, source d'économies à terme, nécessitera d'abord une mise de fond initiale pour couvrir, entre autres, les frais immobiliers occasionnés par les regroupements. Madame la ministre, lors de votre audition, vous avez d'ailleurs évoqué un programme de 800 millions en six ans, hors Palais de justice de Paris.
Les conditions de détention en France sont inacceptables en raison de la vétusté des établissements et de la surpopulation -le taux d'occupation était de 121 % au 1er août 2007. Pour 2008, les crédits du programme « administration pénitentiaire » augmentent de 6,4 % et de 772 emplois équivalents temps plein. Toutefois, en l'état actuel, nous devrions toujours manquer de places de détention. Douze indicateurs de performances de ce programme sur dix-huit sont nouveaux, ce dont on peut se féliciter, à condition qu'ils soient tous renseignés dans le projet annuel de performances.
Le programme « protection judiciaire de la jeunesse » enregistre une augmentation de 1,6 % en crédits de paiements et bénéficie d'un renforcement significatif de ses effectifs. Cela permettra à la protection judiciaire de la jeunesse - PJJ- d'assurer le fonctionnement de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, dont quatre ouverts en 2007 et trois en 2008, en sus de son action éducative envers les 80 000 mineurs dont elle a la charge. Le financement des charges du secteur associatif habilité a été nettement amélioré : désormais, la charge de la trésorerie de l'Etat ne pèse plus sur ce secteur. En matière de performance, le coût d'une journée en centre éducatif fermé tend à diminuer depuis 2005 et nous espérons passer de 627,86 euros en 2007 à 616,40 euros en 2008. De même, les taux d'occupation des centres éducatifs fermés publics est passé de 67,8 % à 75 % de 2005 à 2007, avec l'objectif qu'il atteigne 78 % en 2008. Enfin, fait notable, 64,1 % des jeunes pris en charge n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année.
Les moyens du programme « accès au droit et à la justice » diminuent de 2 %. La baisse de 2,7 % des crédits de l'action « aide juridictionnelle » pourrait susciter l'inquiétude, compte tenu de la dynamique de la dépense et des demandes répétées de revalorisation de l'aide formulées par les avocats. Toutefois le nombre prévu de bénéficiaires de l'aide devrait rester stable, soit 905 000 admissions, et un rétablissement de crédits de 8,9 millions est attendu, selon les prévisions d'un audit de modernisation publié en février 2007, grâce à un meilleur recouvrement des dépenses d'aide juridictionnelle. La prise en compte du taux de recouvrement apparaît, à cet égard, très pertinente. Enfin, l'année 2008, comme je l'avais écrit dans mon récent rapport d'information, doit être celle de la réforme de l'aide juridictionnelle. Nous vous aiderons à dissiper tout malentendu à ce sujet !
Les crédits du programme « conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », en hausse de 3 %, recouvrent pour une large part les projets informatiques de la chancellerie. On en mesure mal la performance, en l'absence notamment d'un indicateur mesurant le respect des délais.
En conclusion, après le passage à la Lolf, la justice de notre pays doit maintenant réussir deux réformes majeures, celle de la carte judiciaire et celle nécessaire de l'aide juridictionnelle.
L'exercice budgétaire 2008 doit être l'occasion d'avancer de manière concertée dans ces deux chantiers, avec pour objectif une justice toujours plus efficace, toujours plus rapide, toujours plus sereine.
Sous réserve de ces remarques, la commission des finances recommande l'adoption des crédits de la mission « Justice ». (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Avec une augmentation de ses crédits de 4,5 % et la création de 1 615 emplois, dont 400 dans les juridictions, le budget de la justice est privilégié. L'impact de la Lolf sur le fonctionnement de l'institution judiciaire est positif ; j'ai pu mesurer sur le terrain que la démarche de performance et de responsabilisation était bien intégrée -la baisse des frais de justice en est une belle illustration. Le renforcement des moyens administratifs régionaux conforte cette nouvelle donne. Ne serait-il pas opportun, dès lors, de donner aux juridictions une plus grande marge de manoeuvre dans l'utilisation des crédits délégués et des emplois ?
Notre système d'aide juridictionnelle, est « à bout de souffle », pour reprendre l'expression de M. du Luart dans son rapport sur le sujet. L'absence de revalorisation en 2008 impose au Gouvernement de proposer des solutions acceptables et pérennes. Je ne suis pas favorable, à titre personnel, à ce qu'un ticket modérateur soit laissé à la charge des bénéficiaires ; on ne saurait taxer les personnes aux moyens limités qui sont contraintes de recourir -ce n'est jamais par plaisir- à l'institution judiciaire. Quelles sont vos intentions, madame la garde des sceaux ?
Si la commission des lois se félicite que soient créés en 2008 autant de postes de greffiers et de fonctionnaires de justice que de magistrats, le déséquilibre entre ces corps reste important ; les créations de postes de fonctionnaires des greffes devront être amplifiées l'an prochain, car les réformes récentes ont alourdi leur charge de travail. Je pense notamment à la loi du 5 mars 2007 sur la protection juridique des majeurs, qui impose la révision de l'ensemble des mesures de protection. N'est-il pas temps d'accompagner chaque projet de loi d'une étude d'impact, afin de s'assurer que les moyens mis en place pour l'appliquer sont suffisants ?
L'accélération de la numérisation, la modernisation des systèmes d'information vont faciliter le travail des magistrats et des auxiliaires de justice. Mais tout ne sera pas réglé pour autant. La réforme de la carte judiciaire ne dispense pas le Gouvernement de rechercher un meilleur équilibre entre magistrats, greffiers et fonctionnaires. Quel peut être l'impact de la décision d'un juge s'il n'y a pas de greffier pour la notifier dans des délais raisonnables ?
La commission des lois juge la réforme de la carte judiciaire nécessaire, elle le dit depuis 1996. Je déplore cependant, à titre personnel, le manque de pédagogie qui l'a accompagnée. Elle ne peut certes se faire à la satisfaction de tous, mais un dialogue plus soutenu aurait permis de l'engager dans de meilleures conditions, d'autant que son impact sur l'aménagement du territoire est loin d'être négligeable. L'approche a été plus statistique que territoriale.
On ne peut que souscrire à l'objectif d'une justice plus efficace, plus lisible et plus rapide. Mais il n'est pas sûr que le regroupement des moyens et le développement des techniques d'information compensent l'éloignement des juridictions. Aura-t-on réussi à rapprocher les citoyens de la justice si certains ont plus de difficulté qu'avant à accéder, par exemple, aux tribunaux d'instance ? La mise en oeuvre de la réforme aura en tout cas peu de conséquences budgétaires en 2008.
L'amélioration de ses moyens permet au budget de la justice d'atteindre 2,4 % du budget de l'État, à comparer au 1,6 % de 2002. La commission des lois a émis un avis favorable aux programmes dont elle m'a confié l'examen. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Nombre d'indicateurs sont aujourd'hui au vert pour l'administration pénitentiaire. Ses crédits, qui progressent de 6,4 %, représentent 36,6 % de la mission justice et 2,383 milliards d'euros. Cette augmentation très sensible est justifiée par l'ouverture de sept nouveaux établissements en 2008 et la poursuite du plan de réalisation de places nouvelles ; 3 800 seront construites en 2008, soit, compte tenu de la fermeture de places vétustes, dont celles de Saint-Joseph et Saint-Paul à Lyon, la création nette de 3 000 places.
L'augmentation des crédits permet aussi la création de 842 équivalents temps plein travaillé (ETPT), dont 150 postes de conseiller d'insertion et de probation ; les objectifs de la loi d'orientation et de programmation seront atteints à 82 %, ce qui n'est pas si mal. La poursuite des efforts est indispensable au regard de l'état de nos prisons et des retards accumulés, situation que M. Hyest, dans son rapport sur les conditions de détention, qualifiait « d'humiliation pour la République ».
Si beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire. L'augmentation des crédits d'entretien, qui passent de 75 millions d'euros à 83,5 millions, demeure insuffisante -les besoins sont estimés à 150 millions. Une partie des infrastructures continuera à se dégrader. Or on sait que le défaut d'entretien coûte cher ; la rénovation de Fleury-Mérogis sera plus onéreuse qu'une nouvelle construction, et même qu'un entretien régulier. Le Gouvernement poursuivra-t-il ses efforts ?
Il ya trop de malades mentaux dans nos prisons, et trop peu de psychiatres publics. Aux Pays-Bas et en Belgique, l'État passe des conventions avec des psychiatres libéraux, qui conservent leur clientèle privée. Cette solution n'est-elle pas transposable en France ? L?incarcération est plus développée au Royaume-uni que chez nous ; pourtant nous refusons de nous engager dans une course infernale entre la construction de nouvelles places et l'augmentation de la population carcérale. L'encellulement individuel devrait devenir réalité à la fin du programme de construction en cours. Nous devons développer les alternatives à la détention et les aménagements de peine -au risque, sans doute, de revenir sur des lois récentes. La loi du 10 août 2007 conditionne la libération conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à une expertise relative à une possible injonction de soins. Or les délais sont tels qu'ils interdisent de facto toute libération conditionnelle aux personnes condamnées à de courtes peines. La loi pénitentiaire peut être l'occasion de gommer cet effet pervers.
Je souhaite enfin que le ministère se dote de capacités d'évaluation du taux de récidive selon les grandes catégories d'établissement.
L'administration est au milieu du gué ; son budget prendra toute sa signification en fonction de la grande loi pénitentiaire à venir. La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de ses crédits. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois. - En 2006, près de 335 000 jeunes ont été pris en charge au titre de la protection judiciaire, contre 275 000 fin 2004 : 80 000 mineurs délinquants, 240 000 mineurs en danger, 7 700 jeunes majeurs protégés et 5 800 jeunes suivis à la fois au civil et au pénal. Plus des trois quarts ont ainsi été suivis au civil ; la moitié par l'État, l'autre moitié par les départements.
Si l'on peut se féliciter de la réduction des délais de prise en charge des mesures judiciaires, les progrès réalisés restent en-deçà des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, notamment pour le milieu ouvert.
Quels moyens comptez-vous prendre pour améliorer l'application des mesures ordonnées par les magistrats ?
Une modernisation de la PJJ a été entreprise ces dernières années, notamment pour diversifier les modes de prise en charge et renforcer les contrôles.
Avec l'augmentation des taux d'occupation dans les structures de placement du secteur public, l'écart entre les prix de journée dans le public et dans le secteur associatif habilité diminue. Il faut poursuivre l'adaptation aux besoins.
En 2007, les quatre premiers établissements pénitentiaires pour mineurs ont été ouverts... et les quartiers pour mineurs de certaines maisons d'arrêt fermés, notamment ceux de Lyon -de sinistre mémoire. Au 1er janvier 2007, sept cent vingt neuf mineurs étaient incarcérés. D'autres quartiers pour mineurs pourraient sans doute être fermés.
Il est indispensable de renforcer la coopération entre la PJJ -services et associations habilitées- et les autres services de l'Etat, forces de sécurité, éducation nationale, et corps médical pour prendre en charge les mineurs sur le plan psychiatrique. Les centres éducatifs fermés s'orienteront-ils vers la prise en charge des jeunes délinquants souffrant de troubles psychiques en provenance de toute la France ? Ou le renforcement des moyens vise-t-il simplement à améliorer le suivi des mineurs placés par les juridictions dans le ressort desquelles se trouvent les centres ?
La modernisation engagée, les crédits alloués, permettent-ils à la PJJ de mieux remplir ses missions ? Les autorisations d'engagement progressent, les crédits de paiement beaucoup moins. Cent emplois supplémentaires ont été créés, pour trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs et dix centres éducatifs fermés.
La dette de l'Etat à l'égard du secteur associatif habilité est en voie de résorption, grâce à des dotations supplémentaires. Les dépenses d'hébergement des jeunes majeurs sont également freinées. J'insiste cependant sur l'exigence de ne pas négliger les mesures en milieu ouvert et le soutien aux jeunes majeurs.
Lorsque l'on prend de la hauteur, les aspérités s'évanouissent. Disons que sur la période d'application, la loi de programmation aura été largement respectée. Reste qu'il faut resserrer les liens entre la PJJ, qui a gagné ses lettres de noblesse, et tous les autres intervenants -départements, associations. Je rends hommage à l'abnégation et au dévouement du personnel des services de la PJJ.
La commission des lois a approuvé le projet de budget de ce programme. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est peu dire que votre politique ne suscite ni enthousiasme, ni assentiment chez les magistrats, les avocats, les fonctionnaires... Tous désapprouvent votre action, tous sont inquiets. « Une vague profonde de révolte » titrait l'AFP hier. Et M. Badinter avouait : « Je ne me souviens pas avoir vu autant d'inquiétude, d'amertume, d'anxiété ». Je ne puis passer sous silence cet évènement majeur, cette incompréhension, cette colère qui s'est exprimée hier. Entendez ces personnes qui relèvent de votre ministère, ouvrez le dialogue avec elles, cessez de leur donner l'impression qu'elles ne sont pas entendues.
Sur la carte judiciaire, il est incroyable que le Parlement n'ait pas été saisi ; une commission d'enquête serait opportune dès lors que vous avez choisi de ne pas nous associer. Dans nos régions, ce que vous appelez réforme est considéré comme un plan de fermeture des tribunaux. Nous ne sommes pas pour le statu quo ; mais il eût fallu commencer par recenser les besoins, définir des orientations, dialoguer avec les intéressés et les élus, dans la perspective de bâtir ensemble. Au lieu de quoi vous êtes allée annoncer fermeture sur fermeture. Comment une telle méthode pourrait-elle être comprise ?
Et quelle contradiction : vous n'aviez aux lèvres, les années passées, que justice de proximité, et voilà que vous portez un coup à la proximité de la justice ! Pour M. du Luart lui-même, la réforme doit « se concilier avec le souci de ne pas éloigner la justice du justiciable » : il faudrait publier ce rapport !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Il a été largement diffusé.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je vous fais une publicité supplémentaire !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Je ne touche pas de droits d'auteur !
M. Jean-Pierre Sueur. - Dans le Loiret, aux tribunaux fermés se substitueront des maisons de la justice et du droit. Il en existe une près d'Orléans, elle fonctionne remarquablement. Mais toutes n'auront pas de greffier !
Quel sera le coût de la réforme ? Il y a comme un flottement... Vous avez cité sur RMC un montant total de 500 millions d'euros. Mais la direction des services judiciaires -une direction de votre ministère- a publié des estimations de 247 millions pour les tribunaux d'instance et 657 millions pour le reste. La chancellerie a, par un communiqué, contesté ces chiffres. Improvisation !
Nous sommes totalement opposés aux franchises sur l'aide juridictionnelle, qui comme les franchises médicales pénalisent les victimes et tournent le dos à la solidarité.
S'agissant des agents, leur nombre décroît : on tombe en deçà de 30 000, alors que le total était de 30 301 en 2007.
Cette baisse apparente cacherait une progression réelle de 389 équivalents temps pleins, car 1 341 postes n'ont pas été « consommés » cette année, selon la bizarre terminologie en vigueur. Pouvez-vous garantir que tous les postes ouverts en 2008 seront pourvus ?
D'autre part, je déplore que le nombre moyen de fonctionnaires des services judiciaires par magistrats soit passé de 2,85 en 1997 à 2,53 en 2007.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - 2,57 !
M. Jean-Pierre Sueur. - L'écart de 0,04 ne me semble guère significatif. Or, madame le garde des Sceaux, vous avez rappelé lors de votre audition devant la commission des lois de l'Assemblée nationale que : « sans greffier, aucun magistrat ne peut prendre de décision ». Quelles sont donc vos intentions à propos du nombre de greffiers ?
Je m'étonne enfin de la régression des alternatives à l'incarcération, puisque le nombre de placements sous surveillance électronique a diminué de 13 % en trois mois, alors que les placements à l'extérieur sans hébergement pénitentiaire ont régressé de 17 % en cinq mois. Dans son rapport sur la libération conditionnelle, notre collègue Jean-René Lecerf a cité Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS, dont les travaux récents montrent que les condamnés ayant bénéficié d'une libération conditionnelle récidivent moins souvent que ceux libérés à la fin de leur peine. C'est pourquoi le recul des libérations conditionnelles nous inquiète.
Enfin, M. Roland du Luart écrit dans son rapport spécial : « Ainsi, à supposer que le nombre de détenus reste à ce niveau et que les prévisions en matière de création de places de détention soient respectées, le nombre de places n'égalera pas le nombre de personnes détenues. »
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne peut voter votre budget. (Applaudissements à gauche.)
M. Hugues Portelli. - Une fois n'est pas coutume, nous pouvons saluer un budget de la justice en très forte progression, 4,5 %, soit la plus forte progression après le secteur emblématique de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bravo d'avoir tenu la promesse faite par Nicolas Sarkozy ! Cette évolution traduit surtout la priorité accordée par le Gouvernement à la Justice. Longtemps parent pauvre, ce ministère est enfin traité en fonction de la place centrale des politiques judiciaires et pénitentiaires dans un État de droit moderne, où la chose juridique n'est pas monopolisée par les professionnels, mais forme le cadre dans lequel tout citoyen défend ses droits et respecte ses devoirs.
Les effectifs des magistrats et greffiers augmentent, alors que le nombre de fonctionnaires de l'État diminue. Dans ces conditions, pourvoir 187 postes de magistrats et autant pour les greffiers démontre une nouvelle fois qu'on sort de la logique bureaucratique pour renforcer l'État dans ses missions régaliennes.
Par ailleurs, l'augmentation envisagée des crédits des frais de justice doit améliorer les services rendus aux justiciables.
J'en viens à la sécurité des tribunaux. Le dispositif de surveillance est renforcé, comme vous vous y étiez engagée à Metz après l'agression commise contre un magistrat. En effet, le budget 2008 consacre à cette action 39 millions d'euros contre 15 en 2007.
Les crédits de l'administration pénitentiaire connaissent une très forte augmentation de 6,4 %, qui porte le programme « administration pénitentiaire » à 2 383 millions d'euros, pour atteindre 36,6 % de la mission « Justice ». Cette progression considérable permettra tout d'abord de créer 842 équivalents temps pleins travaillés pour ouvrir sept nouveaux établissements pénitentiaires, dont trois pour mineurs, soit 13 200 places. Avec ce budget on continue de créer des postes dans le service pénitentiaires d'insertion et de probation, ce dont nous nous félicitons, car il joue un rôle primordial en assurant le contrôle et le suivi des peines exécutées. Il favorise également la réinsertion sociale des détenus. La situation des prisons étant indigne de notre démocratie, nous ne pouvons qu'encourager la rénovation des grands établissements pénitentiaires.
La mission essentielle assurée par la protection judiciaire de la jeunesse est la prise en charge et l'accompagnement éducatif de mineurs ou de jeunes majeurs, sur décision judiciaire. Ses crédits de paiement augmentent comme l'ensemble des dépenses de l'État. Le Gouvernement a choisi de donner des moyens supplémentaires à l'ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs et des centres éducatifs fermés, avec la création de cent postes. Je regrette toutefois que les moyens financiers de ce programme ne soient pas en adéquation avec l'augmentation des réponses pénales à la délinquance juvénile.
Mes dernières observations concernent l'accessibilité de la justice. La refonte de la carte judiciaire marque en 2008 une étape décisive. L'installation de pôles de l'instruction et le regroupement des conseils prud'homaux en 2008, puis la nouvelle répartition des tribunaux d'instance et de commerce en 2009, enfin la nouvelle carte des tribunaux de grande instance en 2010 adapteront enfin l'implantation des tribunaux aux réalités d'une société urbaine tout en rationalisant le travail judiciaire. Dans cet esprit, je souhaite un quatrième volet qui étende sur l'ensemble du territoire les maisons de la justice et du droit -actuellement au nombre de 123- en se fondant sur les intercommunalité. En effet, ces structures -créées en 1990 dans le Val-d'Oise à l'initiative de M. Moinard, alors procureur de la République- rapproche efficacement la justice et les citoyens. C'est pourquoi j'ai contribué à installer une de ces maisons sur le territoire dont j'ai la responsabilité.
Le groupe UMP est fier de vous soutenir et de voter ce budget ambitieux ! (Applaudissements à droite et au centre.)
M. Pierre Fauchon. - Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat, qui a bien voulu me céder sa place à ce moment de la discussion.
Je salue la poursuite de l'effort en faveur de ce budget, commencé avec vos prédécesseurs. Petit à petit, la justice sort de ses problèmes de moyens, mais c'est pour aborder d'autres questions plus profondes : sa rénovation et sa réorganisation. Vaste tâche, à laquelle je remercie Mme le garde des Sceaux de s'attaquer, avec une résolution à laquelle tout le monde rend hommage.
Or, il y a un préalable absolu à cette action : la réforme de la carte judiciaire. Dans un rapport que j'avais présenté il y a dix ans avec Charles Jolibois nous en avions déjà montré la nécessité.
En effet, héritée des baillages de l'Ancien Régime, elle ne correspond plus du tout aux réalités géographiques des contentieux. Je demande régulièrement que l'on publie la carte des juridictions en indiquant le volume des contentieux et les localités dépourvues de TGI malgré un important contentieux. Avec M. Nogrix, nous avons cité l'exemple d'Avranches doté d'un TGI pour sept mille habitants, alors que la ville de Fougères, qui en compte trois fois plus, n'a qu'un tribunal d'instance. Voilà la réalité des inégalités ! On parle de ceux qui perdent une juridiction, mais jamais de ceux qui n'en ont jamais eu. Ne pas pleurer leur perte n'est qu'une maigre consolation ! Ce qui est choquant, ce n'est pas la différence des situations, car elle peut être utile. Le mal tient à l'insuffisant volume des affaires traitées par certaines juridictions alors que d'autres sont surchargées. Le mal le plus grave est que la charge de travail varie parfois dans une proportion de un à cinq, avec des incidences sur la disparité des délais de traitement. A Meaux on doit traiter moitié plus d'affaires qu'à Nancy, avec moitié moins de chambres.
Depuis le constat dressé il y a dix ans, s'est renforcée la nécessité de créer des équipes spécialisées, car le droit est de plus en plus sophistiqué. Ce n'est pas sans regret que je vois disparaître le monde d'autrefois, mais il faut s'adapter à la civilisation urbaine, au contentieux de masse, à la nouvelle culture des magistrats.
Il faut donc restructurer en profondeur l'appareil judiciaire pour introduire de nouveaux modèles de fonctionnement.
Dans cette démarche, on se heurte à un certain nombre de problèmes. Les villes moyennes qui vont perdre leur tribunal protestent. Pourtant certaines d'entre elles, ainsi que des agglomérations plus importantes, n'ont jamais eu de tribunal !
Autrefois, le tribunal avait un rôle d'animation sociale et économique, mais aujourd'hui la moitié des magistrats ne résident pas dans la ville où ils rendent la justice, et ceux qui y vivent ne sont que très peu liés à la vie locale. La décentralisation a apporté dans ces agglomérations moyennes de l'activité et des responsabilités, et elles y ont gagné.
La proximité est revendiquée à tout-va. Pourtant, on ne va pas au tribunal comme au bureau de poste, à l'école ou au marché ! Moins on fréquente les tribunaux, mieux on se porte. Et avec les moyens de communication modernes, on n'a plus besoin de monter sur son cheval pour se rendre de bon matin à la juridiction. (Sourires.) Lorsque j'exerçais la justice de proximité au Maroc, pays auquel vous n'êtes pas indifférente, madame la ministre, il n'était pas nécessaire de multiplier les juridictions. Celles-ci se déplaçaient et nous faisions à dos de mulet et de cheval ce que l'on fait aujourd'hui en voiture. A cet égard, j'attache de l'importance à la préservation des audiences foraines, car la présence d'une équipe de juges pendant une ou une demi-journée produit un grand effet psychologique, sans créer de gêne ou de coût supplémentaire pour le fonctionnement de la justice.
Une critique facile, invoquée pour chaque projet, est qu'il est intéressant mais manque de concertation. Or la concertation ne sert à rien pour analyser les chiffres et constater qu'un tribunal traite quatre fois plus d'affaires qu'un autre. En revanche, elle trouve toute sa raison d'être dans la démarche de restructuration pour l'avenir. Pour celle-ci, il faut se garder du mythe des très grandes juridictions et préserver le niveau moyen, celui où les magistrats connaissent leur monde et peuvent ainsi assumer leurs responsabilités. En dessous, on n'obtient pas l'efficacité et le degré de spécialisation nécessaires. Au-dessus, on crée de vastes machines sous prétexte d'économies d'échelles. Le niveau pertinent, c'est celui qui s'adapte aux conditions techniques actuelles sans tomber dans le gigantisme. Le point central de nos préoccupations doit être de restaurer, dans nos juridictions, et particulièrement pour les chefs de cour, le sens de la responsabilité. (Applaudissements à droite et au centre.)
Mme Nathalie Goulet. - La justice constitue un élément fondateur de la République. Au sujet de la carte judiciaire, nous avons eu en Basse-Normandie, sous l'égide du premier président de la cour d'appel de Caen, une concertation efficace avec les élus concernés, notamment les maires de Flers et d'Argentan. On ne peut pas dire à cet égard, à moins qu'il ne s'agisse d'un cas isolé, que les députés et sénateurs qui ont fait le déplacement à la Chancellerie, puis dans les préfectures, n'ont pas été informés ou écoutés. Pour ce qui me concerne, j'ai été entendue puisque dans l'Orne nous avons conservé deux tribunaux de grande instance, à Argentan et Alençon, ce dont nous pouvons nous réjouir du fait de la faible population du département de l'Orne. La réalité des territoires a sans doute justifié ce maintien.
Je voudrais revenir sur la réforme des compétences entre tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance. Dans le contexte actuel, nous n'avons que deux options : conserver ou fermer le palais de justice. Pourquoi ne pas envisager un tribunal d'instance aux compétences élargies afin de mieux répondre aux besoins des justiciables -les litiges familiaux et de tutelle représentent 60 à 80 % du volume des contentieux. Je vous rappelle à cet égard les compétences du tribunal d'instance de Nouméa qui a, en matière civile, la plénitude des compétences relevant, en France métropolitaine, du tribunal de grande instance, notamment divorces, adoptions, placements des enfants, baux, saisies arrêt.... Une modification des règles de compétence nous permettrait de mener une réforme plus souple que celle que vous nous proposez aujourd'hui, madame la ministre. En Basse-Normandie, c'est ce type de proposition qui résultait des concertations. Que pensez-vous de cette suggestion, sachant que nous pourrions mener au Sénat un travail fructueux, comme celui que vous avez salué lors de la réforme des prescriptions.
Pour les conseils des prud'hommes, la concertation est en cours et je tiens à plaider une fois encore pour le maintien du conseil des prud'hommes à Flers pour lequel, heureusement, aucune décision n'est encore prise. Flers connaît la seule création de tribunal d'instance en Basse-Normandie, et cela correspond à une activité économique majeure. On ne fera donc pas la moindre économie en transférant le conseil des prud'hommes à Argentan. Celui d'Alençon n'est pas menacé, même si certains élus, pour des raisons électorales, font courir des bruits alarmistes. Il serait contreproductif de supprimer le conseil des prud'hommes de Flers.
Madame la ministre, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous saisir d'un problème de société, celui des rapports entre presse et justice. Nous devons engager une réflexion pour mettre un terme aux dérives d'un journalisme sans scrupule, sans déontologie, en quête de sensationnel plutôt que d'information, sachant que les poursuites en diffamation devant la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris n'exposent qu'à des sanctions inférieures à 10 000 euros, non dissuasives. Sans parler des supports Internet auxquels notre droit de la presse, qui date de 1881, n'est pas adapté. Un dépoussiérage s'impose.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La réforme de la carte judiciaire a suscité un fort mouvement, tel celui d'hier, qui a été précédé et sera suivi d'autres manifestations dans les départements. Nous ne pouvons y être insensibles, même si Pierre Fauchon a daubé sur le mécontentement des personnels et de la population.
Cette réforme concerne un grand nombre de juridictions : 319 au total, dont 23 tribunaux de grande instance, 178 tribunaux d'instance, 55 tribunaux de commerces et 63 conseils de prud'hommes. Les critères de suppression sont comptables, mais flous et fluctuent au gré des circonstances. Ainsi, en dernière minute, le tribunal de Moulins a été supprimé en lieu et place de celui de Montluçon, et le tribunal de commerce d'Arles a été supprimé plutôt que celui de Tarascon ! Comprenne qui pourra...
Madame la ministre, vous n'avez cessé de parler de concertation, mais les arbitrages sont obscurs et arbitraires. La réforme devait être le fruit d'une réflexion menée par les chefs des trente-cinq cours d'appel, dont le rapport a été remis le 30 septembre. Or la liste des vingt-cinq villes concernées était déjà établie le 25 septembre ! Des ajustements ont ensuite été effectués à la marge, pour des raisons d'opportunité. Personne ne trouve cette réforme satisfaisante, rarement un tel front de mécontentement s'est manifesté parmi les professionnels, la population et les élus des villes concernés. On invoque les corporatismes, mais l'accusation ne saurait valoir pour les parlementaires de la majorité lorsqu'ils sont en tête des manifestations pour la défense de leurs tribunaux, comme de leurs bureaux de poste ou de leurs hôpitaux ? (Protestations à droite.) Pourtant, au Parlement, ils votent leur suppression.
Mme Isabelle Debré. - Cela fait des années que nous essayons de mener cette réforme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Reste que les élus de droite défilent !
Mme Isabelle Debré. - Pas tous !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Pas partout.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Beaucoup plaidaient pour une réorganisation des juridictions en fonction des contentieux. J'ai moi-même défendu ce point de vue durant la campagne présidentielle, lorsque des représentants de la majorité affirmaient que jamais ils n'accepteraient une modification de la carte judiciaire.
Durant la campagne présidentielle, nombre d'élus de votre majorité juraient que jamais ils n'accepteraient une modification de la carte judiciaire. On voir ce qu'il en est !
Votre réforme consiste à supprimer les tribunaux de proximité, c'est-à-dire les juridictions qui fonctionnent le mieux. Il paraît simple et rationnel de dire qu'on va regrouper les juridictions qui ont une faible activité ; la réalité est moins simple. Utiliser les moyens offerts par les techniques modernes ? Mais comment traiter un dossier de surendettement en vidéoconférence ?
J'ajoute que cette réforme est conçue sans la moindre réflexion sur l'aménagement du territoire. Après les trésoreries, les bureaux de poste, les gendarmeries, on supprime les tribunaux. Pourquoi pas les sous-préfectures ? À ce compte, on va vers la mort des services publics locaux. Telle n'est pas notre conception du service public et de l'intérêt de la société.
Étalée sur trois ans, la réforme aura un coût élevé, un coût immobilier, social. Aujourd'hui, nombre de tribunaux sont logés gratuitement par les collectivités territoriales, qu'en ira-t-il demain ? On parle d'un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Cela aussi aura un coût. Et je ne parle pas de celui que supporteront les justiciables, qui devront se déplacer plus loin, sachant que les tribunaux de proximité traitent les affaires qui concernent les plus modestes d'entre nos concitoyens. Les salariés seront touchés aussi par la suppression de 63 conseils de prudhommes. Et les dépenses pour la sécurité, dans les tribunaux supprimés, auront été inutiles. Nous continuons, du reste, à ne pas admettre qu'il faille dépenser 20 millions pour faire assurer la sécurité des tribunaux par des sociétés privées. Il n'est pas trop tard pour engager une vraie concertation ! Quand on touche une aussi grande réorganisation de la justice, la moindre des choses serait que le Parlement soit saisi.
J'en viens maintenant aux crédits de votre ministère, je ne conteste pas leur augmentation -encore que le total reste trop faible- mais les choix qui sont faits pour leur affectation. L'administration pénitentiaire reçoit l'essentiel de cette augmentation, pour quoi faire ? On préfère augmenter le nombre de prisons qu'améliorer les conditions de vie des détenus. J'avais saisi votre prédécesseur de la télévision et du cantinage. La Chancellerie avait envisagé la gratuité des postes de télévision. Où en est-on ?
La justice judiciaire n'est toujours pas à même de faire face à la crise. Aux retards actuels pour le personnel s'ajoutent les départs en retraite non remplacés. Et le taux de réalisation de la loi de finances 2007 en matière de création d'emplois est très insuffisant.
En fait de protection judiciaire de la jeunesse, on ne se préoccupe que d'enfermement. Ce n'est pas nouveau ni surprenant après la loi sur les peines plancher et celles qui nous viendront encore sans doute.
L'accès à la justice va voir ses crédits réduits. Les crédits de l'aide juridictionnelle diminuent de 2,7 %. Et on annonce des franchises. Tant pis pour les plus modestes, les plus riches bénéficient de toujours plus d'exonérations !
Avec mon groupe, je voterai contre votre budget.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je tiens tout d'abord à saluer les rapporteurs, spéciaux et pour avis.
Ce budget témoigne de l'engagement du Gouvernement à l'égard des Français -qui attendent que la Justice s'améliore et se modernise-, à l'égard des magistrats et des fonctionnaires -à qui le Gouvernement a voulu donner les moyens de leur mission.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur du Luart, ce budget bénéficie d'une forte augmentation à la fois de ses crédits et de ses emplois. Ses crédits augmentent de 4,5 %, et 1 615 emplois sont créés, qui viendront s'ajouter au remplacement de tous les départs en retraite.
Monsieur Sueur, vous avez du mal à comprendre la présentation budgétaire. Le ministère du budget a procédé à des corrections techniques des plafonds d'emplois de tous les ministères au printemps 2007. Dans de nombreux ministères, il y avait des emplois vacants, parfois depuis des années, souvent gelés. Et il n'y avait pas de crédits en face de ces postes. C'est dire qu'en réalité, ces emplois n'existaient plus. Les plafonds d'emplois des ministères ont donc été mis à jour et c'est sur cette base nouvelle que s'apprécient les créations d'emplois pour tous les ministères. Mes 1 615 créations sont donc certaines : il y aura bien 1 615 recrutements supplémentaires.
Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j'ai engagé une importante réforme de l'institution judiciaire. Des chantiers de modernisation ont été lancés. Le Parlement y a pris toute sa part. Le budget de la Justice pour 2008 permettra de poursuivre la réforme entreprise.
Tout d'abord, nous voulons rendre la justice plus humaine. La justice est humaine quand elle accorde de l'attention aux victimes. Celles-ci ont souvent le sentiment que l'institution judiciaire les délaisse. J'ai reçu la semaine dernière les représentations d'associations de femmes victimes de violences. Elles m'ont fait part des difficultés rencontrées lors de parcours judiciaire. Il ne faut pas ajouter de souffrance à la souffrance.
Nous devons mieux accompagner les victimes tout au long de la procédure et leur garantir que les peines prononcées seront bien exécutées. II faut améliorer et simplifier les conditions de leur indemnisation. Le fonctionnement de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'est pas satisfaisant : les trois quarts des victimes n'y sont pas éligibles et il n'y a pas de véritable suivi de leur indemnisation. Nous allons créer un service d'assistance au recouvrement des indemnisations pour aider les victimes non éligibles à la commission d'indemnisation : elles n'auront aucun frais à avancer pour obtenir les dommages et intérêts auxquels elles ont droit ; elles n'auront plus de contact avec leur agresseur. La commission d'indemnisation des victimes d'infractions sera plus accessible. Le décret sur le juge des victimes est paru au Journal officiel le 15 novembre ; il entrera en vigueur le 2 janvier 2008. L'action des associations d'aide aux victimes sera davantage soutenue : leurs crédits augmenteront de près de 15 %.
L'accès au droit est une nécessité pour tous. L'an passé, 905 000 justiciables ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. La dépense devrait atteindre 320 millions, en 2007. En 2008, 327 millions d'euros seront disponibles. M. Détraigne a évoqué la refonte du système de l'aide juridictionnelle, sur laquelle M. du Luart, a présenté un rapport le 9 octobre. Vous proposez de faire évoluer ce dispositif. C'est une réflexion que nous pourrons mener ensemble en 2008. Monsieur le rapporteur spécial, je tenais à vous rassurer au sujet du recouvrement des 8,9 millions. 8,7 millions ont déjà été recouvrés au titre de 2007. Nous ferons encore mieux en 2008.
La justice est aussi plus humaine quand elle garantit la dignité des personnes détenues. Cette volonté, vous l'avez exprimée en instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, et en lui accordant 2,5 millions. Le projet de loi pénitentiaire redéfinira le rôle des prisons et améliorera les conditions de prise en charge des détenus. Le 19 novembre, le comité d'orientation restreint m'a remis son rapport définitif, avec 120 propositions. Certaines concernent le régime de l'incarcération ainsi que les droits et devoirs des détenus. Les autres tendent à améliorer les conditions de travail du personnel de l'administration pénitentiaire. Ces propositions sont actuellement étudiées par mes services. Je souhaite que vous puissiez examiner ce projet de loi au premier semestre 2008. C'est dans ce contexte que nous examinerons les conditions de la prise en charge psychiatrique dans les prisons, monsieur Lecerf.
Pour répondre à votre question, monsieur Détraigne, cette réforme s'appuiera sur une étude d'impact. La mise en oeuvre des lois doit se faire dans de meilleures conditions.
Le budget 2008 prévoit la création de 1 100 postes dans l'administration pénitentiaire, créations qui concernent aussi les services d'insertion et de probation. Il s'agit d'un effort significatif qui s'accompagne d'un renforcement de la sécurité des personnels. J'ai signé le 12 septembre une convention avec les représentants des exploitants d'hélicoptères afin de réduire le nombre de tentatives d'évasion par voie aérienne. Parallèlement, des travaux de sécurisation continueront à être réalisés dans les établissements.
II n'est pas prévu de transférer à la justice les missions d'escorte et de garde des détenus dans les hôpitaux, comme l'a indiqué le Président de la République hier, devant les forces de police et de gendarmerie. Ces missions font peser des charges importantes sur ces services et il faut tout faire pour les alléger. Le développement de la visioconférence n'est qu'une des pistes actuellement examinées.
En 2008, sept nouveaux établissements ouvriront leurs portes dont trois pour les mineurs. A juste titre, M. Lecerf veut préserver les crédits d'entretien pour l'administration pénitentiaire, ce fut souvent l'un des premiers postes budgétaires sacrifiés, mais les choses changent. Entre 2003 et 2006, la moyenne des crédits d'entretien a été deux fois et demie supérieure à la période 1999-2002. L'effort sera poursuivi.
M. Alfonsi m'a interrogée sur l'opportunité de fermer davantage de quartiers pour mineurs. Il est nécessaire d'en conserver afin d'assurer un maillage territorial car la proximité des familles est un gage de réinsertion. Et créer des places en détention ne réglera pas tout. Il convient de mettre en oeuvre une politique ambitieuse d'aménagement des peines car elle facilite la réinsertion et limite la récidive. A l'heure actuelle, seules 10 % des personnes condamnées bénéficient d'un aménagement de peine. Ce n'est pas suffisant. Le décret que j'ai pris le 16 novembre 2007 facilite les aménagements de peine et assouplit le régime des permissions de sorties. Aujourd'hui, 2 307 personnes sont placées sous bracelet électronique, 1 724 personnes sont en semi-liberté et 800 en placements extérieurs. L'effort pour développer les aménagements de peine se poursuivra en 2008. Le ministère consacrera 5,4 millions au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles afin que 3 000 bracelets soient disponibles.
Comme M. Lecerf, je souhaite développer les libérations conditionnelles. Au cours du premier semestre 2007, leur nombre a augmenté de 6 %, ce qui est sans précédent. Enfin, 1 million sera destiné au financement des associations qui accueillent des détenus et augmentent considérablement leurs chances de réinsertion.
La mission centrale de la justice reste bien évidemment d'assurer la sécurité des Français. Elle doit faire preuve d'autorité et de réactivité quand la situation l'impose. Mardi, après les événements survenus dans le Val-d'Oise, j'ai demandé aux procureurs de la République de faire preuve de fermeté. Quarante-deux personnes impliquées dans des faits de violences et de dégradations ont déjà été déférées, vingt-et-une ont été jugées en comparution immédiate et treize peines d'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt ont été prononcées. J'ai également demandé aux parquets d'assurer la bonne information des victimes. Ces violences ne sont pas acceptables et la justice doit y répondre fermement.
Cette fermeté, nous l'avons aussi dans la lutte contre la récidive. Vous avez voté la loi du 10 août 2007. Sur son fondement, 2 231 décisions ont déjà été rendues. Cette loi respecte le pouvoir d'appréciation des juges et le principe d'individualisation des peines : il n'y a pas d'automaticité de la sanction pénale mais la volonté de sanctionner plus sévèrement et plus systématiquement ceux qui multiplient les actes de délinquance. J'ai posé un principe clair : une infraction, une réponse pénale. II ne faut pas que la délinquance des mineurs s'installe avec le sentiment d'être à l'abri de la justice. Entre juillet et octobre, les jugements de mineurs sur présentation immédiate ont augmenté de 30 %. Le projet de budget améliore la prise en charge de ces mineurs délinquants, qui sera plus rapide et plus efficace. Les centres éducatifs fermés sont un outil de réponse adaptée. Il est vrai, monsieur du Luart, que ces centres ont un coût mais il faut aussi regarder leurs résultats : 61 % des adolescents qui en sortent ne récidivent pas. Ils permettent aux mineurs de réfléchir, de suivre un programme scolaire ou d'effectuer une formation. Ils leur offrent donc une nouvelle chance. Dix nouveaux centres éducatifs fermés ouvriront l'année prochaine, pour atteindre 43 fin 2008. Cinq centres à dimension pédopsychiatrique seront également opérationnels qui ont vocation, monsieur Alfonsi, à accueillir des jeunes pour une prise en charge adaptée. La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de cent emplois supplémentaires destinés à l'encadrement des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs. Ils contribueront également à diversifier les prises en charges.
Pour les personnels comme pour les justiciables, nous renforçons la sécurité des palais de justice. Les drames de Metz et de Laon, en juin, ne doivent pas se reproduire. Cet été, j'ai débloqué 20 millions qui avaient été gelés. Grâce à ce plan de sécurisation, 209 juridictions ont maintenant un portique de sécurité et 92 % des équipes de surveillance sont en place. Nous y consacrerons encore 39 millions l'année prochaine. Les chefs de cour et de juridiction ont joué un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de ce plan. M. Détraigne a souhaité leur donner davantage d'autonomie dans la gestion de leurs crédits. C'est le cas pour la sécurisation des juridictions. Les chefs de cour et de juridiction disposent donc d'une marge de manoeuvre, même si certains l'estiment insuffisante.
Pour protéger les Français, il est également essentiel de prévoir des mesures de sûreté contre les pédophiles et les délinquants dangereux en fin de peine. C'est l'objet du projet de loi que j'ai présenté mercredi en conseil des ministres et qui concerne les personnes condamnées à au moins quinze ans de réclusion pour des crimes commis sur mineurs et qui sont toujours dangereux en fin de peine. Elles pourront être placées dans des centres fermés où elles bénéficieront d'une prise en charge médicale. Le bien-fondé du placement sera réexaminé chaque année. Quant aux irresponsables pénaux pour troubles mentaux, la procédure judiciaire ne s'achèvera plus par un non-lieu, terme mal vécu par les familles de victimes. Désormais, une audience publique pourra être tenue si les victimes le souhaitent. Les juges pourront ordonner des mesures de sûreté. Le projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 18 décembre.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur du Luart, la justice est en pleine mutation. Ses principes fondamentaux évoluent pour mieux s'adapter aux attentes de notre société. La justice doit gagner en fermeté, en humanité, mais aussi en efficacité. Pour cela, nous devons moderniser l'organisation territoriale de la justice. Le Parlement a voté la loi du 5 mars 2007 qui instaure la collégialité de l'instruction, en réponse au drame d'Outreau car cette affaire a montré que la solitude du juge pouvait être dangereuse. L'article 6 de cette loi prévoit que, « dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction ». Le Parlement a confié au Gouvernement le soin de fixer par décret la liste des tribunaux concernés. Selon la loi, il ne peut pas y avoir de pôles de l'instruction dans tous les départements. Ces pôles seront installés dans les tribunaux de grande instance ayant une activité suffisante pour trois juges d'instruction, ce qui suppose une réflexion territoriale. Nous avons recherché un équilibre dans chaque région.
Notre carte judiciaire datait de 1958. Chacun connaît les difficultés de fonctionnement qu'elle engendre et chacun comprend que l'on ne peut pas continuer à disperser nos moyens au sein de 1 200 juridictions sur 800 sites. Cette réforme est donc nécessaire, comme l'a rappelé M. Fauchon dont j'apprécie le soutien. La nouvelle carte judiciaire dessine une justice renforcée dans l'intérêt des justiciables. J'ai entendu les interrogations de M. Détraigne, je peux l'assurer que la future implantation des tribunaux correspondra aux réalités démographiques, sociales et économiques de notre territoire. Elle améliorera la qualité et l'efficacité de la justice. La réforme de la carte judiciaire n'a été ni mécanique, ni partisane, ni comptable.
Pour les tribunaux de grande instance, nous avons recherché les meilleurs équilibres locaux : un tiers des départements en métropole continuera à compter au moins deux TGI. Pour les tribunaux d'instance, 176 sur 462 seront regroupés. Nous n'avons pas créé de « désert judiciaire ». La proximité en 2007 n'est pas la proximité de 1958.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - C'est sûr !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Aujourd'hui, ce n'est plus la proximité physique du tribunal qui importe mais la satisfaction rapide du besoin de justice. Les affaires familiales ? Elles n'ont jamais été du ressort des tribunaux d'instance mais des TGI ! Il faut donc dire la vérité aux Français. Les tribunaux d'instance ne traitent pas forcément de justice de proximité. Celle-ci sera désormais assurée par les maisons de justice, par les tribunaux d'instance renforcés ou les tribunaux d'instance regroupés. Ce qui est important pour les justiciables, c'est que les affaires familiales et civiles soient maintenues à proximité, et ce sera le cas.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Ce sera même renforcé !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - M. Fauchon a raison de dire qu'aller au tribunal, ce n'est pas aller au bureau de poste. Il faut faire la différence entre l'accès au droit et l'accès au juge.
M. Jean-Pierre Sueur. - S'il faut faire cent kilomètres pour aller au tribunal, il faut les faire !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Si c'est au pénal, on vient vous chercher.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas les victimes !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Mais si, elles sont prises en charge par la justice.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour permettre de développer la politique de l'accès au droit en tenant compte des contraintes géographiques. Il faut dire la vérité aux Français. J'entends les mouvements de protestation mais ce que souhaitent les Français, c'est une justice de qualité, rapide et lisible. Ils veulent comprendre les décisions des tribunaux. Quand, dans un tribunal d'instance, il n'y a pas de magistrat ou pas de greffier, l'accès a la justice n'est pas le même qu'ailleurs. Avec cette réforme, nous restaurons l'égalité sur tout le territoire. Dans un tribunal d'instance à un seul juge, si celui-ci part en vacances, se forme ou est malade, le tribunal ne fonctionne plus ! Le regroupement améliore la continuité du service rendu !
M. Jean-Pierre Sueur. - Tout le monde est content !
M. Philippe Nogrix. - Surtout à la Chancellerie !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Sur cent quatre vingt cinq tribunaux de commerce, nous en regroupons cinquante-cinq et nous créons cinquante-six nouvelles juridictions commerciales pour exercer les compétences commerciales des tribunaux d'instance.
Pour les conseils de prud'hommes, le code du travail prévoit une consultation spécifique. Un avis du ministère du travail est paru au Journal officiel du 22 novembre : les collectivités, les organismes syndicaux et professionnels ont un délai de trois mois pour faire connaître leurs observations aux préfets. Je note que le conseil des prud'hommes de Flers n'a eu à traiter cette année qu'une centaine d'affaires, pour trente-deux conseillers...
M. Christian Cambon. - Bravo !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le regroupement ne diminue pas le nombre de conseillers, mais il réduit les délais, au bénéfice des justiciables !
Monsieur Sueur, vous relevez les inquiétudes que cette réforme suscite : je les comprends, elles sont bien normales dans une organisation qui n'a pas changé depuis plus de cinquante ans, voire -selon M. Fauchon- depuis l'Ancien régime...
Ces inquiétudes s'estompent cependant : hier, le nombre des grévistes était inférieur à 20 %, -sans précédent selon M. Badinter- à comparer aux 44 % constatés lors de la réforme sur la présomption d'innocence présentée par Mme Guigou, en 2000, alors que ce n'était qu'une réforme de procédure...
M. Christian Cambon. - Petit rappel historique bien salutaire !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En 1998, la loi sur le suivi judiciaire n'a été accompagnée d'aucun moyen nouveau, même chose pour l'institution du juge des libertés et de la détention ! Les magistrats en ont beaucoup souffert et c'est parce que nous ne voulons plus d'une telle situation, que nous réformons avec un bon budget.
M. Sueur nous reproche encore de ne pas avoir associé les parlementaires : j'ai rencontré directement deux cent trente cinq élus...
M. Jean-Pierre Sueur. - Ils sont inquiets !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... j'ai entendu les élus locaux lors de mes déplacements en régions : j'y ai d'ailleurs constaté que de nombreux élus -notamment de l'opposition- ne se sont pas déplacés, parce qu'ils ne pensaient pas que la réforme serait réalisée.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'y suis allé !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Nous avons tenu compte de la plupart des propositions formulées par le comité consultatif. Je me suis rendue dans chacune des régions, chaque fois pour examiner en détail le rapport du chef de cour. Je rends du reste hommage aux chefs de cour, fortement impliqués dans la rédaction de ces rapports, que j'ai tous mis en ligne, dans un souci de transparence.
Vous demandez une commission parlementaire, mais il y a eu la commission Outreau... (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Sueur. - Cela n'a rien à voir ! C'était une commission d'enquête parlementaire !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - On y a longuement parlé de la carte judiciaire ! Cette réforme n'est ni de droite ni de gauche, je me suis largement inspirée des travaux de Mme Lebranchu, de Mme Guigou, de M. Nallet...
M. Jean-Pierre Sueur. - Mme Lebranchu n'est pas contente pour Morlaix !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - C'est toujours le cas lorsqu'on n'a pas réussi soi-même à réformer ! M. Nallet a salué le courage du Gouvernement, reconnaissant que la réforme de la carte judiciaire était nécessaire depuis longtemps ! Nous sommes plus protecteurs que les projets de nos prédécesseurs socialistes : M. Nallet envisageait la départementalisation de la justice, cela signifiait la fin des tribunaux d'instance ! Mme Guigou ne voulait prendre en compte qu'un seuil d'activité : dessus ou dessous. Nous tenons compte des réalités du territoire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Permettez-moi de vous interrompre... Au Sénat, nous avons consacré bien des rapports à la réforme de la justice, tous ont insisté sur l'urgence de réformer la carte judiciaire. La réforme est nécessaire...
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous en sommes d'accord !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - ... nous nous réjouissons que le Gouvernement en ait le courage ! Certains propos me rappellent les critiques contre la réforme des cartes des commissariats de police et des gendarmeries, nous savons tous combien elle a été utile ! Nous vous félicitons. (Applaudissements à droite)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Nous voulons agir, plutôt qu'installer une commission supplémentaire pour enterrer tout changement. La réforme sera progressive, de 2008 à 2010, nous mettons en place un accompagnement social : 1,8 million y sera consacré dès ce budget. Nous examinons la possibilité de compenser financièrement les avocats touchés par la réforme : j'ai déjà rencontré les bâtonniers, nous nous reverrons en début d'année. Une fois que cette nouvelle organisation territoriale sera stabilisée, il nous faudra réfléchir à une nouvelle répartition du contentieux au profit des justiciables.
Pour renforcer son efficacité, la justice doit aussi utiliser les outils de son temps. Les nouvelles technologies facilitent l'accès à la justice, la rendent plus rapide et plus efficace. Un décret du 15 novembre 2007 prévoit la dématérialisation des procédures pénales. Elle sera effective en 2008. La dématérialisation des procédures civiles interviendra en 2009. Plus de 67 millions seront consacrés l'an prochain aux programmes informatiques de la justice.
Nous voulons que la justice reflète la diversité de notre société. L'Ecole nationale de la magistrature sera modernisée, c'est la mission de son nouveau directeur : elle doit former des magistrats efficaces, responsables, ouverts sur le monde ; elle doit développer chez les auditeurs de justice les qualités humaines indispensables à l'exercice de leurs futures fonctions. La formation des magistrats et des personnels judiciaires sera l'un des chantiers de la présidence française de l'Union européenne. La justice prend toute sa part dans la politique d'égalité des chances : une classe préparatoire intégrée à l'ENM ouvrira dès janvier, pour accueillir quinze étudiants d'origine modeste qui veulent préparer le concours de la magistrature ; nous avons déjà reçu cent soixante seize dossiers de candidats de toute la France. D'autres classes préparatoires ouvriront : à l'École des greffes, à l'École de l'administration pénitentiaire et au Centre national de la protection judiciaire de la jeunesse.
Je souhaite également que les femmes soient mieux représentées au plus haut niveau de responsabilités du corps judiciaire. Je me suis engagée à assurer compétence et parité dans les nominations : sur les dix nouveaux procureurs généraux nommés le 14 novembre, il y avait cinq femmes. Nous accompagnons cette politique d'ouverture par une véritable politique des ressources humaines. La gestion des carrières des magistrats et des greffiers doit être modernisée avec, notamment, les détachements. En 2008, quatre cents emplois supplémentaires seront créés au profit des juridictions. Des emplois de magistrats sont destinés aux pôles anti-discrimination, au secrétariat général de tribunaux de grande instance, aux futurs pôles de l'instruction ; d'autres seront utilisés pour des remplacements. Une bonne gestion des ressources humaines, c'est mettre les bonnes personnes aux bonnes fonctions, plutôt qu'attendre des décennies de service méritant pour l'accès à des postes de responsabilité !
Il y aura autant d'emplois nouveaux de greffiers que d'emplois nouveaux de magistrats : cent quatre vingt sept magistrats et cent quatre vingt sept greffiers. La qualité du travail judiciaire, c'est aussi l'assistance qu'apporte le greffier au magistrat. Ces créations de postes et le recours aux nouvelles technologies réduiront le délai d'exécution des décisions de justice. J'ai créé à la Chancellerie une véritable direction des ressources humaines pour améliorer les conditions de carrière des magistrats et des greffiers.
La justice est en pleine modernisation, il y faudra de grands efforts et l'engagement de toutes les forces, de toutes les volontés de notre pays, et donc de la vôtre ! (Applaudissements à droite et au centre)
Examen des crédits
M. le président. - Amendement n°II-51, présenté par M. du Luart.
Modifier comme suite les crédits des programmes :
Administration pénitentiaire : AP : + 150 000 ; CP : +150 000
Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés : AP : - 150 000 ; CP : -150 000
M. Roland du Luart. - J'ai reçu l'onction du président de la commission des finances pour cet amendement... (Sourires)
Les aumôniers jouent un rôle éminent au sein de l'univers carcéral. Ils y accomplissent une mission d'accompagnement importante, tant du point de vue moral que spirituel : le code de procédure pénale reconnaît l'assistance spirituelle parmi les actions de préparation à la réinsertion des détenus.
Garants de la modération du message religieux, les aumôniers favorisent en outre une meilleure harmonie entre les personnes dans les lieux de détention. Ils sont un facteur d'apaisement dans des établissements qui souffrent malheureusement pour beaucoup d'entre eux de surpopulation et sont, parfois, le théâtre de poussées d'agressivité et de violence.
L'administration pénitentiaire dénombre aujourd'hui mille quinze personnels cultuels. Parmi eux, trois cent vingt cinq sont rémunérés et correspondent à cent soixante emplois équivalents temps plein travaillé. Leur répartition selon les confessions est la suivante : 536 catholiques, 254 protestants, 94 musulmans, 74 israélites, 16 orthodoxes et 39 représentent divers autres cultes
La dotation, 1,7 million, reste inchangée depuis l'an dernier alors que sept nouveaux établissements pour mineurs fonctionneront à pleine capacité en 2008. Nous proposons donc de majorer cette dotation de 150 000 euros afin de créer de nouveaux postes d'aumôniers. Les dotations de l'action IV sont réduites d'autant.
En attendant la future loi pénitentiaire qui consacrera les droits fondamentaux des personnes détenues, améliorer les conditions d'exercice de tous les cultes en prison est essentiel. Si l'église catholique peut s'appuyer sur une longue tradition et une charte de l'aumônerie de prison promulguée en 2007, il n'en va pas de même des autres cultes. A cet égard, je salue les efforts d'organisation de l'aumônerie musulmane sous l'impulsion du Conseil français du culte musulman : l'institution d'un aumônier national, chargé de centraliser toutes les désignations d'aumôniers, ne laisse pas place aux courants intégristes dans nos prisons.
Enfin, la dotation majorée sera répartie entre l'ensemble des cultes.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Je souscris à toutes vos observations, avis favorable. Le culte en prison est un facteur d'apaisement.
L'amendement n°II-51 est adopté, le groupe CRC s'abstenant..
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur. - La réforme de la carte judiciaire nous est présentée sous forme de syllogisme : la réforme était nécessaire, elle n'avait pas été faite auparavant, donc il n'y avait qu'une seule méthode. Mais était-ce vraiment le cas ? Cela suffira-t-il d'affirmer à ceux qui font part aujourd'hui de leur sentiment d'abandon que « tout va bien » et qu'il ne sert à rien de contester, par principe, toute nouvelle réforme ? Au vrai, on aurait pu procéder autrement : il aurait fallu organiser un débat préalable au Parlement, fixer les orientations de la réforme puis définir une nouvelle organisation territoriale de la justice. Ainsi, la réforme n'aurait pas été vécue comme ayant pour seul but de supprimer des tribunaux et l'on aurait compris ses avantages. On me répondra qu'il est toujours plus simple de parler au conditionnel...
M. Jean-Jacques Hyest. - En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour autant, vous n'avez pas choisi la bonne méthode ! Nous voterons contre.
M. Christian Cambon. - Vous n'aviez qu'à la faire, la réforme de la carte judiciaire !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous avons eu tort...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les réponses apportées n'étant pas satisfaisantes, le groupe CRC votera contre. Que les élus de la majorité aillent donc expliquer et défendre la réforme judiciaire sur le terrain !
M. Philippe Nogrix. - Dans cette assemblée, nous aimons être cohérents. Or il me semble que le Gouvernement ne l'est pas avec la réforme de la carte judiciaire. On ne cesse de confier davantage de responsabilités aux collectivités et de se battre pour faire vivre nos territoires. Et on effectue maintenant une réforme qui les dévitalise !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Juste !
M. Philippe Nogrix. - Bref, il est difficile d'approuver la réforme dans son entier, quoi qu'elle soit nécessaire. Pour cette raison, certains membres du groupe UC-UDF voteront contre, d'autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.
Organisme extraparlementaire (Nomination)
M. le président. - La Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. François-Noël Buffet membre de la Commission nationale des compétences et des talents.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance reprend à 15 h 5.
Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)
Travail et emploi
M. le président. - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Orateurs inscrits
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances. - Les crédits de cette mission « Travail et emploi » s'établissent à 12,32 milliards. Le nombre de programmes passe de cinq à quatre.
Le programme 102, doté de 6,28 milliards, a pour objet de lutter contre le chômage et l'exclusion durable du marché de l'emploi : 1,245 milliard d'euros sont consacrés aux emplois non marchands, 400 millions aux emplois marchands, 1,3 milliard à l'ANPE, 1,6 milliard aux allocations de solidarité -qui ne créent aucun emploi.
Le programme 103, doté de 17 milliards, vise à prévenir l'impact des restructurations et à faciliter les reconversions. Il est prévu 947 millions d'euros au titre des exonérations de cotisations sociales liées aux contrats d'apprentissage, qui sont, à mon sens, la meilleure porte d'entrée dans le monde professionnel. En revanche, il faudra rationaliser le système de la formation professionnelle, éclaté en de multiples organismes et dont le financement est trop complexe et trop lourd. L'action relative au développement de l'emploi aboutit à des emplois marchands, ce qui en fait le programme le plus utile pour l'emploi, malgré son coût budgétaire important.
Le programme 111, doté de 130 millions, a pour objet l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. La hausse de 62 % des crédits est due aux frais d'organisation des élections prud'homales et de formation syndicale.
Le programme support 155, doté de 730 millions, ne regroupe que partiellement les moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes. Ainsi, les 35 millions de crédits de fonctionnement de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle ne figurent plus dans la mission.
Le nombre des emplois des principaux opérateurs excède 41 000 ETPT, dont 28 000 pour l'ANPE et 11 000 pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), soit, en tout, plus de 50 000 emplois pour gérer ce budget. Sont-ils tous indispensables ?
Les dépenses globales de l'État au titre de la politique de l'emploi atteignent en réalité 50 milliards. Il faut ainsi prendre en compte les 9,6 milliards de dépenses fiscales, dont 4,2 milliards pour la prime pour l'emploi, qui ne crée pourtant aucun emploi : pour inciter les chômeurs à travailler, il suffirait de réduire leurs allocations.
Plus importants sont les 27 milliards d'allégements généraux de cotisations patronales, dont 22 milliards pour les bas salaires et 5 milliards pour les heures supplémentaires. Ces 27 milliards relèvent désormais du budget de la sécurité sociale, ce qui nous enlève tout contrôle. Notons que cette somme représente la moitié de notre déficit budgétaire, pour un impact sur l'emploi très relatif...
Il existe pourtant des moyens de réduire le chômage plus efficaces et moins coûteux. D'abord par la « flexsécurité », évoquée hier soir par le Président de la République, car la rigidité de l'emploi, loin de protéger les salariés, décourage l'embauche.
Nos coûts de production sont trop élevés, à cause des 35 heures...
M. Guy Fischer. - Vous allez les tuer !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - ...mais aussi des charges qui doublent pratiquement les salaires nets. Les charges qui ne sont pas du ressort des entreprises mais de la sécurité sociale -assurance maladie, allocations familiales- devraient être supprimées du salaire. Pour les financer, je propose d'instaurer un « coefficient d'activité », assis sur le chiffre d'affaires de l'entreprise moins la masse salariale.
La diminution des allégements de charges sociales sur le Smic pourrait être compensée par l'attribution de crédits d'investissement afin de favoriser la rechercher et l'innovation et, partant, la croissance et l'emploi.
Enfin, le collège unique et l'absence totale de sélection à l'université sont les principaux responsables du nombre de jeunes chômeurs mal préparés au monde professionnel.
La mondialisation et l'élargissement de l'Europe font un tort considérable à nos PME, la sous-traitance étant réalisée de plus en plus dans les pays à faibles coûts.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Tout à fait.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Cela conduit à des délocalisations qui aggravent le chômage.
Pourquoi continue-t-on à dépenser tant pour si peu d'effet ? On a cru qu'en réduisant le coût de l'emploi, les entreprises embaucheraient plus facilement. Ce n'est pas faux, mais il aurait fallu le faire sans que l'État paie la différence !
On peut mener une politique de l'emploi plus efficace et moins coûteuse. Qu'attend-t-on pour réduire ces aides à l'emploi inefficaces, qui alourdissent notre dette ? Qu'attend-t-on pour revenir rapidement à l'équilibre budgétaire, en supprimant purement et simplement toutes ces aides ? En supprimant de suite la prime pour l'emploi et le financement des emplois non marchands, en ramenant le financement des charges sur le Smic de 1,6 à 1,4 dès 2008, on réduirait notre déficit de plus de 10 milliards ! Ce serait salutaire pour notre économie et notre croissance.
Alors pourquoi continue-t-on ? Pour ne pas mécontenter le Medef ? Si on cherche à ne mécontenter personne, on ne fera jamais rien.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Là, nous sommes d'accord !
M. Serge Dassault. - Il est dangereux de bâtir un budget avec des hypothèses de recettes trop optimistes : mieux vaut avoir de bonnes surprises que de mauvaises.
N'attendons pas un hypothétique point de croissance supplémentaire pour revenir à l'équilibre budgétaire, mais commençons de suite à réduire nos emprunts en diminuant le budget de l'emploi: Je vous propose des solutions pratiques avec des choix budgétaires simples. Il est urgent de prendre une décision.
Au nom de la commission des finances, je vous invite à voter le budget de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements à droite)
M, Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - La commission des affaires sociales a trouvé dans ce projet de budget de réels motifs de satisfaction.
Malgré une croissance économique modérée, les créations d'emplois restent dynamiques, ce qui a permis de ramener le taux de chômage aux alentours de 8 % de la population active. Preuve que les réformes visant à diminuer le coût du travail peu qualifié et à améliorer la formation professionnelle commencent à porter leurs fruits.
La politique de revalorisation de la valeur travail trouvera, l'an prochain, une réelle traduction budgétaire, que l'analyse des seuls crédits de la mission ne permet pas d'apprécier à sa juste mesure : une part importante de l'effort de l'État va en effet prendre la forme de transferts de recettes fiscales à la sécurité sociale.
Lors du débat sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en juillet dernier, le Gouvernement avait annoncé que la sécurité sociale bénéficierait d'une compensation intégrale de la perte de recettes résultant de la détaxation des heures supplémentaire : engagement tenu, puisque 5,1 milliards de recettes fiscales iront à la sécurité sociale.
Le panier fiscal, qui compense, depuis 2006, l'allégement général de cotisations, va être abondé de 500 millions car son produit s'est révélé, à l'usage, légèrement insuffisant.
Notre commission se félicite de la poursuite des efforts destinés à améliorer le taux d'emploi des seniors. Les crédits consacrés au financement des dispositifs de préretraite sont en diminution sensible et il est proposé de supprimer l'allocation équivalent retraite, qui s'accompagne, dans presque tous les cas, d'une dispense de recherche d'emplois.
La commission est également attentive au développement des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels que sont la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP). Les premiers résultats du CTP paraissent encourageants mais le coût de sa généralisation pourrait n'être pas négligeable. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
D'autres aspects de ce projet de budget soulèvent en revanche quelques interrogations. Sur les neuf articles rattachés, sept correspondent à des suppressions d'exonérations de cotisations sociales ou d'aides publiques instaurées sous la précédente législature.
Notre commission, d'accord pour réaliser, dans un contexte financier très contraint, des économies budgétaires, s'inquiète des conséquences d'une remise en cause trop rapide de certaines mesures récentes de soutien à la création d'emplois ou à la formation professionnelle.
Les contrats de professionnalisation sont, avec les contrats d'apprentissage, le support privilégié des formations en alternance. Alors que le plan de cohésion sociale a cherché à développer ce type de formations, il nous paraît discutable de remettre en cause, dès à présent, les incitations dont les entreprises bénéficient à ce titre, depuis 2005.
Le secteur des services à la personne, ensuite, constitue un important gisement d'emplois que le plan de développement, mis en oeuvre courant 2005, a permis de mieux organiser. Là encore, nous ne sommes pas certains qu'il soit justifié de revenir sur les exonérations votées il y a seulement deux ans et demi pour favoriser le développement de ces entreprises. L'Assemblée nationale est aussi réservée sur ce point mais ses amendements rendent le système trop complexe.
La commission s'inquiète aussi du devenir des maisons de l'emploi, dont le conventionnement va être interrompu en 2008, en raison de la fusion programmée de l'ANPE et de l'Unedic, Qu'adviendra-t-il des projets en voie d'achèvement qui ont parfois donné lieu, avec les encouragements de l'État, à d'importants investissements de la part des collectivités locales ? Comment les structures existantes vont-elles s'insérer dans le réseau du futur service public de l'emploi ?
Autre sujet d'interrogation : l'avenir des contrats aidés. Le Grenelle de l'insertion, programmé pour le début de l'année prochaine, pourrait déboucher sur la proposition d'un contrat unique d'insertion. Or les contrats aujourd'hui en vigueur, créés au début de l'année 2005, ont déjà été modifiés plusieurs fois depuis. Il faudra s'assurer que les bénéfices de la simplification l'emportent réellement sur les inconvénients qui découleraient de tout nouveau bouleversement des règles applicables.
Ces interrogations ne modifient pas l'appréciation globalement positive portée par notre commission sur ce projet de budget qui permet de mettre en oeuvre, dans de bonnes conditions, les engagements pris pendant la campagne présidentielle en matière d'emploi et sur lequel elle émet un avis favorable. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Catherine Procaccia. - (Applaudissements sur plusieurs bancs de l'UMP) Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour votre engagement constant en faveur de l'emploi. Les chiffres du chômage, dont les derniers ont été publiés ce matin, montrent que la politique du Gouvernement commence à porter ses fruits. Au deuxième trimestre de 2007, ils avaient déjà été ramenés à 8,1 %, soit 0,7 point de moins que la moyenne depuis 2004.
M. Guy Fischer. - Les chiffres sont faux.
Mme Catherine Procaccia. - Ils sont fiables... (Exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - Nous en reparlerons...
Mme Catherine Procaccia. - ...car l'Insee vient de revoir sa technique de construction statistique. La volonté du Gouvernement d'obtenir des chiffres correspondant à la réalité, qu'elle soit favorable ou non, me paraît de bon augure. (On ironise à gauche)
Le recul du nombre de demandeurs d'emploi en septembre -28 000 personnes de moins qu'au mois d'août, selon l'ANPE- profite aux plus exclus : - 1,5% chez les jeunes, - 3 % chez les chômeurs de longue durée. Ces résultats traduisent la volonté du Gouvernement de s'attaquer au noyau dur du chômage, soit les personnes inscrites à l'ANPE depuis plus d'un an, notamment grâce aux contrats aidés.
Vous avez annoncé, madame la ministre, que ces bons résultats justifiaient une accélération des réformes. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux : atteindre le plein emploi, c'est à dire un taux de chômage de 5 %, et un taux d'activité de 70 %, en cinq ans, grâce à une politique de revalorisation du travail.
Le budget de mission « Travail et emploi » traduit cette détermination malgré un contexte financier contraint. Il s'élève à 12 milliards en crédits de paiement, tandis que l'État consacre près de 49 milliards au total au travail et à l'emploi.
Ce budget de transition préfigure les réformes annoncées : simplification des contrats aidés ; levée des obstacles à l'emploi des seniors ; unification du service public de l'emploi ; remise à plat des règles d'indemnisation du chômage ; réforme du contrat de travail...
Une politique d'accompagnement des chômeurs et d'adéquation entre l'offre et la demande joue un rôle essentiel pour parvenir à l'objectif de plein emploi. Un rapprochement, voire une fusion de l'ANPE et de l'Unedic ont souvent été évoqués par le passé, mais cette réforme n'a jamais été réalisée.
Alors que plus de 400 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites, on compte près de deux millions de demandeurs d'emploi. La fusion envisagée permettra d'aller vers plus d'efficacité, ne serait-ce qu'en permettant aux demandeurs d'emploi de se renseigner sur tous les dispositifs d'aide en un seul et même lieu.
Certains objectent que les deux structures n'ont pas le même statut, l'ANPE obéissant à un mode de gestion public tandis que l'Unedic est entièrement paritaire, et que leur fusion créerait une usine à gaz. Mais ils perdent de vue le vrai sujet : la France fait moins bien que ses voisins qui, depuis plus de 20 ans, ont unifié les fonctions de suivi, de placement et souvent de formation des chômeurs. Leurs services d'aide à la recherche d'emploi sont plus performants, plus réactifs et plus personnalisés que le nôtre.
La fusion permettra en outre d'avoir une vision globale du service public de l'emploi, ce qui est aujourd'hui impossible, les dispositifs d'accompagnement étant proposés par une multiplicité d'organismes concurrents.
Elle devrait également aboutir à une régionalisation accrue des organismes, car un bon accompagnement passe par une bonne connaissance du marché local du travail.
Une réserve, cependant : je regrette que les maisons d'emploi, dont le projet n'était pas assez avancé, ne puissent, du fait de la fusion, voir le jour. Il conviendra de veiller que les acteurs, dans les Maisons déjà créées, puissent coopérer avec le nouveau service public de l'emploi. Pourriez-vous, madame le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point, nous faire part du calendrier de la réforme et nous indiquer son mode de financement ?
Le panorama des contrats aidés établi par la Cour des comptes, à la demande de notre commission des finances, fait apparaître l'éclatement et la complexité des dispositifs, et surtout les disparités dans leur mise en oeuvre, en dépit du début de simplification apporté par le plan de cohésion sociale.
Cependant, leur bilan est positif : ils jouent leur rôle d'insertion, voire de prévention de l'exclusion, pour les personnes les plus vulnérables et les plus éloignées de l'emploi.
Concernant le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, je partage le souci de rationalisation du Gouvernement. Pour éviter les effets d'aubaine, il convient de le fusionner avec le contrat-initiative-emploi, qui concerne le même public. Le Président de la République a demandé au Gouvernement de conduire une réflexion sur l'ensemble des contrats aidés. Quelles perspectives peut ouvrir ce Grenelle de l'insertion ?
Le premier bilan du plan de développement des services à la personne est très positif : 116 000 nouveaux emplois, correspondant à 33 000 emplois en équivalent temps plein, ont été créés en 2006, soit une multiplication par trois du rythme de création antérieur. Le nombre de structures agréées a doublé entre 2005 et 2006.
L'article 55 rattaché prévoit de réformer les exonérations dont bénéficient les prestataires de services intervenant auprès de publics non fragiles. Mais revenir au droit commun dans un secteur en plein essor, même si les publics fragiles ne sont pas concernés, n'est-il pas risqué ? Et la distinction ne complexifie-t-elle pas le système ? Je m'associe au souhait de notre commission de maintenir l'ensemble du dispositif.
Un mot sur la suppression, à l'article 57, de l'allocation équivalent retraite, qui s'inscrit dans la politique générale d'encouragement à l'emploi des seniors.
Il s'agit de supprimer les multiples dispositifs de cessation précoce d'activité. Comme nous l'ont expliqué nos rapporteurs, il semble inutile de différer, dans un but d'évaluation, la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Pour le taux d'emploi des seniors, nous sommes dans l'Union européenne très en retard dans la lutte contre l'éviction des salariés âgés de l'activité. Je félicite le Gouvernement de s'être attaqué au problème. Le plan national pour l'emploi des seniors a pour objectif de parvenir à un taux d'emploi de 50 % des 55-64 ans à l'horizon 2010, au lieu de 37 % actuellement. Notre pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences.
Le projet de loi de finances renforce les dispositifs d'alternance en augmentant les crédits de la formation, sujet que je connais bien parce que j'ai débuté ma carrière dans la formation en entreprise... Une mission du Sénat, présidée par Jean-Claude Carle et ayant pour rapporteur Bernard Seillier, a dressé un tableau assez noir de ce système. Le rapport a dénoncé les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Pour les entreprises, particulièrement les PME et les TPE, comme pour les salariés, la formation est un véritable parcours du combattant.
Les moyens accordés à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, déjà conséquents, sont en constante progression. Mais la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin : elle bénéficie surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d'emploi les plus qualifiés. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de dix salariés : 24 % des titulaires de CAP ou de BEP ont accès à la formation professionnelle continue, contre 44 % de diplômés de l'enseignement supérieur.
Si nous voulons relancer le système, il faut passer, comme le préconise le rapport sénatorial, d'une logique de dépenses à une logique d'investissement et de résultat, et sortir du « former ou payer » : dès lors que l'entreprise est soumise à une obligation de nature essentiellement financière, l'incitation à former l'ensemble des salariés est faible et la formation va aux mieux formés. Il faut une triple réponse simultanée et adaptée : à la demande des personnes, aux besoins économiques des entreprises et à l'aménagement du territoire.
Ce budget est la manifestation d'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Bien évidemment, notre groupe lui apportera son soutien. (Applaudissements à droite et au centre).
Mme Annie David. - C'est dans un contexte de suspicion sur le chiffre du chômage que s'ouvre ce débat sur la mission « Travail Emploi ». Ces incertitudes accroissent les inquiétudes de nos concitoyens. Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l'autonomie des universités en est une expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc dans la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir celles-ci intervenir directement dans les choix pédagogiques. Ce qu'ils redoutent, c'est une formation spécifique, répondant aux seuls besoins des entreprises, dans un bassin d'emploi bien défini. En cas de délocalisation, nos étudiants craignent l'inadaptation de leurs diplômes. Et ce n'est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue Jean-François Voguet, hier aux questions d'actualité, qui va les rassurer. Ce n'est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois où des étudiants ont été blessés, qui va apaiser la situation.
Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l'emploi, comme de celle du pouvoir d'achat, une priorité. Nous l'avons entendu hier au soir : rien de bien nouveau à l'horizon ! On sait ce qu'il en est du pouvoir d'achat et on voit ce qu'il en sera de l'emploi. Une priorité affichée, mais en recul de 2,7 %. J'en veux pour exemple le programme 102, concernant l'accès et le retour à l'emploi des personnes les plus fragiles. Pourtant, c'est en direction de ces populations que l'État doit concentrer ses efforts.
La même coupe claire est appliquée au programme 103 appelé « accompagnement des mutations économiques » mais qui aurait pu s'appeler : « comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d'entreprises ». Ce que nous dénonçons ici, ce n'est pas la solidarité nationale, c'est le fait qu'elle réponde à des choix économiques contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, mais peu soucieux de l'emploi. Ce que nous dénonçons, c'est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, la suppression de la loi de contrôle des fonds publics, présentée par Robert Hue.
Pour en revenir au programme 102, vous proposez, mesure phare, de rapprocher les services de l'ANPE et de l'Unedic, tout en annonçant la suppression de cent quatre vingt trois postes ; comment alors promettre que les agents de la future agence fusionnée s'occuperont chacun de trente demandeurs au plus, alors qu'aujourd'hui, ce chiffre dépasse la centaine ? Le suivi personnel ne pourra être fait, à moins que vous n'ayez dans votre besace une solution bien cachée : le recours au privé. Le guichet unique supprime la séparation entre le prescripteur et le payeur. Il faut chercher à qui profite cette contre-réforme, comme toutes les autres. Au patronat ! Ce projet est dans la continuité du Pare car la main qui versera l'allocation sera aussi celle qui mettra en relation l'employeur et le chômeur. Il suffit d'être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire : refuser la mise en relation -salaire trop bas, emploi inadapté, horaires impossibles- c'est remettre en cause le versement de ses allocations, tout comme son inscription parmi les chômeurs. Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu d'en douter et les salariés des deux agences mettent en garde contre ce qui va être l'une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un même agent va devoir accueillir le demandeur, lui rechercher un emploi, organiser sa formation et gérer ses indemnisations. Quelles formations sont prévues pour permettre aux salariés des Assedic d'accomplir des tâches jusqu'alors dévolues à l'ANPE et vice et versa ? Aucune ! Par ailleurs, l'Afpa, pilier du service public de l'emploi, deviendra un prestataire au même titre que n'importe quel autre, soumise à concurrence pour avoir les marchés des régions ! Ce n'est pas de cette fusion dont les salariés ont besoin, mais d'un service public de l'emploi, orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun ! Ce que veut le Gouvernement, c'est servir sur un plateau d'argent cet important marché aux sociétés privées, comme c'est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par sa majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, comme Ingeus, pour réintroduire les demandeurs d'emploi sur le marché du travail, certains, pas tous : les jeunes diplômés et les cadres, l'ANPE continue de s'occuper des autres. Comme dans le domaine de la santé, ce qui est complexe et coûteux reste dans le giron des services publics, ce qui rapporte passe au privé.
J'en viens au programme 111 « santé et sécurité au travail ». Là encore, c'est la déception : vous amputez le budget de près de 3 millions. La santé des salariés serait-elle tellement satisfaisante ? Mais vous suivez votre logique. Lors de l'examen du PLFSS, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail et vous l'avez privatisée partiellement en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l'employeur à donner à la Cnam un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d'exonérer les salariés victimes d'AT-MP de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes. Pourtant, selon un rapport de l'Igas d'octobre 2007, la médecine du travail est dans une situation alarmante : « les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ». Ce même rapport considère que « la médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif », et qu'elle « manque d'outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d'indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour. Vous minorez les risques !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - Pas du tout !
Mme Annie David. - Et vous diminuez les crédits. Décidément la santé des travailleurs vous importe beaucoup moins que celle du portefeuille des actionnaires. Vous qui n'avez de cesse de créer des droits opposables, vous allez supprimer soixante-trois conseils de prud'hommes, dont neuf en Rhône-Alpes, et deux sur cinq, en Isère, soit près de 50 % ! Votre redécoupage risque d'allonger les délais...
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est le contraire !
Mme Annie David. - ... et d'éloigner plus encore les salariés de la juridiction qui, malheureusement, en raison des comportements inacceptables de certains employeurs, les concerne le plus. Cela ne se justifie pas au regard des bénéfices colossaux des entreprises. Sans aller jusqu'à envisager une taxation supplémentaire, peut être pourriez-vous supprimer les multiples exonérations sociales qui ne profitent pas à l'emploi. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Dassault, une fois n'est pas coutume.... Vous aviez l'occasion de renforcer la protection des travailleurs, vous avez préféré recodifier a minima le code du travail. Les désastres causés par votre politique de l'emploi vont s'aggraver avec ce que vous appelez pudiquement « modernisation du marché du travail ». Après avoir morcelé les contrats de travail et affaibli les droits des salariés, vous voulez instaurer un contrat de travail unique qui prendra, de la multitude de contrats précaires antérieurs, le plus mauvais et le moins protecteur pour en faire la norme.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est tout le contraire !
Mme Annie David. - Les salariés demandent une autre politique de l'emploi, ils exigent une sécurisation des parcours professionnels...
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est ce que nous voulons faire !
Mme Annie David. - ... qui, de la faculté jusqu'à la retraite, permettrait de bénéficier d'un droit permanent à la formation, pour que les périodes de chômage ne soient pas des périodes d'inactivité, mais des moments de formation rémunérés et qui permettent au salarié de se réinsérer au plus vite dans l'emploi. Au lieu de cela, non seulement vous répondez flex-sécurité -et là, je ne suis plus d'accord avec M. Dassault-, une pâle imitation de la sécurisation des parcours professionnels qui fait des salariés la valeur d'ajustement des politiques libérales des entreprises. De plus vous pénalisez les personnels de la formation professionnelle -Afpa, Greta ou missions locales.
Vous allez même jusqu'à supprimer, à l'article 54, les aides accordées aux petites entreprises pour faciliter le remplacement des salariés partis en formation.
Ce budget n'est pas à la hauteur des attentes populaires que vous avez su faire naître pendant la campagne électorale. Le groupe CRC votera contre. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Seillier. - La mission sénatoriale sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle a mis en évidence leur cloisonnement, leur complexité et leur corporatisme. La conséquence est simple : la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. Le taux de départ en formation est de 12 % dans les très petites entreprises, de 22 % dans les PME de dix à cinquante salariés, de plus de 40 % pour l'ensemble des entreprises.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » permettent-ils d'investir avec suffisamment d'efficacité dans la formation professionnelle et l'apprentissage ? La réforme du service public de l'emploi implique celle de la formation professionnelle. Les dispositifs d'alternance sont renforcés : 285 000 contrats d'apprentissage sont prévus en 2008, soit 10 000 de plus qu'en 2007, et 140 000 contrats de qualification, soit 5 000 de plus. Les personnes les moins qualifiées devraient pouvoir accéder plus facilement à la formation professionnelle. Les crédits destinés aux demandeurs d'emploi en fin de droits progressent de 80 %, à 200 millions d'euros.
L'institution qui naîtra de la fusion entre l'ANPE et l'Unedic, que la mission sénatoriale appelait de ses voeux, jouera un rôle majeur dans les régions les plus touchées par les restructurations et dans celles où les offres d'emploi ne sont pas satisfaites. L'expérimentation du contrat de transition professionnelle est très opportune, ce dispositif alliant prise en charge matérielle, mise en situation d'emploi et actions de formation. La mission sénatoriale a souhaité que la mise en place de guichets uniques soit activement poursuivie.
Le besoin de formation professionnelle concerne également les adultes. Si une réflexion sur l'avenir de l'Afpa est lancée, il est indispensable de rapprocher ses services d'orientation de ceux qui résulteront de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic.
Le plan régional de développement des formations professionnelles doit jouer un rôle de coordinateur, afin de rendre la formation professionnelle accessible à l'ensemble des publics et adaptée aux besoins sur l'ensemble du territoire régional.
La baisse de 12 % des crédits relatifs à l'accès à la qualification s'explique par la suppression à l'article 53 des exonérations spécifiques liées aux contrats de professionnalisation, dont l'économie est estimée à 140 millions d'euros. Je me félicite que l'Assemblée nationale ait maintenu, sur proposition du Gouvernement, le régime spécifique aux groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), qui devraient connaître un développement important car ils associent harmonieusement la stimulation dans l'effort de formation et l'accompagnement dans l'adaptation à l'emploi.
La suppression de l'aide au remplacement des salariés en formation accordée aux entreprises de moins de cinquante salariés fait débat. Je n'ignore pas que seulement 776 conventions ont été conclues en 2005, 828 en 2006 et 711 en septembre 2007 ; les employeurs ont peu recouru à ce dispositif. Sa suppression est-elle pour autant justifiée ? Notre effort de formation ne bénéficie pas assez aux petites entreprises ; dans celles-ci, le départ en formation d'une seule personne peut créer un vide insupportable. Que compte faire le Gouvernement pour y favoriser l'accès à la formation professionnelle ? Un service de remplacement n'est-il pas nécessaire ?
Il est en outre indispensable de développer la fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement pour la formation professionnelle.
Je m'interroge d'autre part sur la baisse de 18 millions des crédits de la formation professionnelle consacrés à la validation des acquis de l'expérience. Celle-ci connaît un rythme de développement soutenu mais, comme l'a relevé un récent rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale, seulement 0,5 % de la population active a participé à une réunion d'information sur le sujet en 2004 ; il faut impérativement donner un nouvel élan à cette voie de certification. La mission sénatoriale a mis en évidence les limites du dispositif : sa longueur et sa complexité -en 2005, plus de 30 % des candidats ont abandonné la procédure en cours de route ; ou encore la nécessaire présentation d'un dossier écrit, qui peut décourager ceux qui ont connu l'échec à l'école. Il faut avoir une approche plus pragmatique et moins académique. (M. Paul Blanc approuve)
La formation professionnelle mobilise plus de 24 milliards d'euros ; ses moyens sont en augmentation, mais les entrées en formation sont de moins en moins nombreuses. La mission sénatoriale a proposé de créer une autorité indépendante chargée de l'évaluation et de la régulation de la formation professionnelle ; il serait bon d'y réfléchir.
La réforme de nos dispositifs de formation professionnelle est un immense chantier, qui conditionne le plein emploi. Les crédits de la mission « Travail et emploi » expriment clairement la volonté du Gouvernement de donner la priorité à la formation professionnelle. C'est pourquoi je les voterai avec la majorité du groupe RDSE. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je concentrerai mon intervention sur le programme 111 de la mission, relatif à l'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail. Derrière cet intitulé plutôt flou se cachent des questions importantes qui, lors du débat à l'Assemblée nationale comme de nos travaux en commission, ont été abordées trop rapidement.
Certes, les crédits de ce programme représentent moins de 10 % du total ; mais la santé et la sécurité au travail, le respect de la législation du travail ou la justice prud'homale méritent qu'on s'y attarde, d'autant que le contexte est pour le moins inquiétant.
L'attention de l'opinion publique a été attirée récemment par la succession de suicides survenus dans l'industrie en quelques mois -cinq à l'usine PSA de Mulhouse, quatre chez Renault, quatre à la centrale EDF de Chinon- qui sont liés à une aggravation des conditions de travail. Ce phénomène n'est pas nouveau : en 2003, la sécurité sociale en a reconnu dix-neuf comme accidents du travail ou maladies professionnelles, treize en 2004 et vingt-six en 2005. Le nombre de dépressions liées à diverses formes de pression, de maltraitance ou de harcèlement par l'employeur est en augmentation.
Comme l'indique la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dans son rapport de juillet 2007, les contraintes et pénibilités physiques traditionnelles ne diminuent pas et de nouvelles formes apparaissent, qualifiées de risques psychosociaux, résultant « d'une forte demande psychologique et d'une faible latitude décisionnelle », en clair d'une forte pression et de contraintes pesantes, le tout accompagné d'un délitement des solidarités. Se développe aussi la pénibilité due à la répétition de mouvements douloureux entraînant des troubles musculo-squelettiques (TMS). Contrairement à ce qu'on imagine, de plus en plus d'ouvriers travaillent à la chaîne, notamment des femmes. Un salarié sur trois est soumis à de fortes contraintes de rythme de travail. Les horaires atypiques se sont développés de même que le travail dominical. Cette aggravation de la pénibilité se traduit par une mutation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP).
Si les accidents du travail sont en diminution sur la durée, depuis l'an 2000, leur taux de gravité ne cesse d'augmenter ; les mauvaises conditions de travail y contribuent de manière décisive. Quant aux maladies professionnelles, ai-je besoin de rappeler la gravité des faits et leurs conséquences humaines et financières ?
Je souhaite revenir sur deux points du projet de loi de financement de la sécurité sociale : l'application des nouvelles franchises aux victimes d'AT/MP et les nouvelles modalités du contrôle médical applicable aux indemnités journalières.
Nous refusons le principe même de ces franchises ; leur application aux accidentés du travail et aux personnes atteintes de maladie professionnelle est réellement incompréhensible : il ne s'agit pas de malades qu'il faudrait responsabiliser, mais de victimes subissant les conséquences physiques et financières d'une faute de leur employeur.
Les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles vont financer une partie de leurs soins ! Elles seront les seules victimes en France à ne pouvoir s'adresser aux juridictions de droit commun pour obtenir remboursement de ces franchises. De cette atteinte au droit à réparation nous avons saisi le Conseil constitutionnel.
Quant aux indemnités journalières, comment peut-on accorder à l'employeur le droit de faire contrôler les salariés concernés par un médecin rémunéré par lui ? (M. Fischer et Mme Le Texier approuvent) C'est un moyen de pression entre les mains d'employeurs indélicats.
M. Xavier Bertrand, ministre. - N'exagérez-vous pas un peu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Depuis l'accord du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, peu de progrès réel. Les travaux préparatoires à la conférence nationale, en septembre dernier, ont montré tout le chemin qu'il reste à parcourir pour faire émerger des propositions concrètes.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce n'est pas ce que disent les syndicats !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous réagissez : cela démontre que je mets le doigt là où cela fait mal.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Non, cela montre que vous êtes isolé ! (Protestations et marques d'ironie à gauche)
M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est ce qu'on nous opposait à propos du CPE et du CNE... Les employeurs font de la résistance : ils contestent jusqu'au cadrage statistique fourni par votre ministère et s'en prennent aux résultats de l'enquête de la Dares sur les conditions de travail comme de l'enquête Sumer -surveillance médicale des risques. Je suis donc isolé, comme vos services.
Le Medef est dans sa logique de déni ; le Gouvernement, pour sa part, est encore loin d'avoir fait sa révolution sur le sujet : les crédits de l'action « santé et sécurité au travail », déjà bien faibles, sont en diminution !
M. Guy Fischer. - C'est la vérité...
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les atteintes à la santé physique et morale des individus appellent une refondation de notre système de santé au travail. Pourtant, l'inertie l'emporte ; l'État, sensible aux priorités des entreprises, manque ici de volontarisme. Le cadre des négociations que vous avez fixé ne répond que très partiellement aux questions, même s'il a le mérite d'exister.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Quel mépris pour les partenaires sociaux qui l'ont approuvé !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous avons des contacts réguliers avec eux et nous savons ce qu'ils en pensent. (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous avez beaucoup de mémoire...
M. Jean-Pierre Godefroy. - Précisément !
La situation de la médecine du travail est un des aspects les plus préoccupants. La pénurie de médecins du travail va apparaître dans les prochaines années...
M. Paul Blanc. - De tous les médecins !
M. Jean-Pierre Godefroy. - La moyenne d'âge des médecins en activité est de 50 ans. Dans les cinq années à venir, 1.800 vont partir. Plusieurs rapports récents ont formulé des propositions, celui de M. Frimat et Mme Conso par exemple. Quelle suite comptez-vous y donner ? Interrogé à l'Assemblée nationale par M. Muzeau, vous avez annoncé une large concertation, la réforme devant intervenir « au plus tard au second trimestre 2008 ». Mais avec quels moyens ? Rien n'est prévu dans ce projet de budget...
Je vous donne acte en revanche de l'effort fait en faveur de l'inspection du travail...
M. Xavier Bertrand, ministre. - Ah ! Tout de même ! Cela ne vous est-il pas trop douloureux ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Il faudra continuer les prochaines années...
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est pourquoi nous avons un plan pluriannuel.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je m'élève avec force cependant contre un décret qui détourne véritablement la mission des inspecteurs et contrôleurs du travail. Il modifie les attributions du ministre de l'immigration et de l'identité nationale...
M. Guy Fischer. - Et voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. - ...celui-ci compte sur les inspecteurs du travail, qui ont la faculté d'entrer à tout moment dans les entreprises. Qui contesterait le bien-fondé d'un contrôle du travail illégal ? Mais le contrôle des papiers d'identité relève d'un autre métier. Les agents concernés sont indignés, ils refusent de « servir d'ouvre-boîte aux forces de police, juste pour améliorer le score des reconduites à la frontière ». Leur tâche est suffisamment vaste : ne les transformez pas en supplétifs de la police.
M. Guy Fischer. - Démentez donc, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce budget est loin d'être satisfaisant, il contient aussi peu d'engagements que de moyens. Seules progressent les exonérations de cotisations patronales. Vous imposez un double effort aux salariés : contribuables, ils doivent soutenir les chefs d'entreprise, travailleurs, rétablir la compétitivité. J'y verrais volontiers une forme d'hommage aux salariés ; hélas, il s'agit bien plutôt d'un retour à des conditions insupportables. Nous voterons donc contre. (Applaudissements à gauche)
M. Adrien Gouteyron. - Mon seul souci dans cette intervention, madame la ministre de l'économie, est que la loi travail, emploi et pouvoir d'achat prenne son plein essor.
M. Paul Blanc. - Très bien.
M. Adrien Gouteyron. - Aujourd'hui, sur 17 millions de salariés du privé, 6 ou 7 effectuent des heures supplémentaires, et pourraient donc bénéficier des dispositions de la loi Tepa. Ma commune est concernée car elle compte plusieurs entreprises et une maison de retraite.
M. Guy Fischer. - Rosières !
M. Adrien Gouteyron. - Le contingent normalement autorisé est de 220 heures annuelles, mais certains accords collectifs antérieurs ont fixé un contingent plus bas, par exemple dans les assurances, la fabrication de meubles, l'automobile, le bâtiment, la blanchisserie, la pharmacie, la plasturgie. Dans cette dernière branche, le contingent est de 130 heures, sur 40 semaines, soit 3,25 heures hebdomadaires. On ne peut donc dépasser 38,25 heures par semaine : comment sortir de cette contrainte ? Les salariés comme les patrons le souhaitent !
Dans les maisons de retraite médicosociales, où les tâches se concentrent le matin, le temps partiel est plus commode, plus souple. Souvent les femmes le demandent, pour faire face à leurs contraintes familiales. Elles aimeraient aussi faire des heures supplémentaires. Auparavant, des heures complémentaires étaient autorisées, jusqu'à 10% du temps travaillé -et jusqu'à un tiers par dérogation. Pourquoi ne peut-on pas en profiter dans le cadre de la loi Tepa ?
Ce dispositif ne peut pas s'appliquer, et cela se comprend du point de vue du droit du travail. Il y a là un gisement de pouvoir d'achat, de confort social pour les salariés, à exploiter.
Je ne sous-estime pas les difficultés mais j'ai voulu, madame la ministre, monsieur le ministre, évoquer les pistes à explorer. Je ne suis pas de ceux qui méconnaissent les bienfaits de la loi Tepa, et je souhaite même qu'elle soit généralisée autant que possible. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Georges Othily. - Alors qu'il convient de critiquer un néolibéralisme censé être effréné, l'examen de la mission « Travail et emploi » nous rappelle qu'historiquement, les attentes citoyennes à l'égard d'un État régulateur n'ont jamais été aussi fortes. Sans surestimer le pouvoir réel des autorités publiques -car, selon une expression bien connue, « la croissance et l'emploi ne se décrètent pas »-, songeons que l'action publique peut affecter les conditions économiques et sociales dans l'accompagnement des mutations internationales et dans l'impulsion des restructurations. En ce sens, les processus de rationalisation engagés dans ce budget de transition autour de la refondation des contrats aidés et d'une meilleure coordination de la prise en charge des demandeurs d'emploi vont dans le bon sens.
Cette problématique renvoie à deux enjeux étroitement corrélés, relatifs à une prospective des métiers et aux carences structurelles que connaît la France dans l'inadéquation entre son offre et son marché de l'emploi. Ainsi, les travaux menés par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et le Centre d'analyse stratégique (CAS) sur l'état des métiers d'ici 2015 indiquent qu'un retour au plein emploi se profile, du fait notamment du départ à la retraite de la génération du baby-boom, même dans l'hypothèse d'un taux de croissance relativement réduit d'environ 2 %. Selon les scénarios proposés, cela ne sera possible qu'à la condition expresse que les pouvoirs publics favorisent le retour à l'emploi des personnes éloignées du marché du travail. Parallèlement, de profondes disparités entre les types d'activité se manifesteront, avec un secteur tertiaire dominant et des tensions dans certains domaines de recrutement, telle la santé.
Le groupe RDSE entend insister sur la nécessaire adaptation structurelle de notre marché du travail, alors qu'un rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris de juin 2006 évoque le chiffre de 100 000 emplois non pourvus en Ile-de-France. Le secrétaire général de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) l'évalue même à 300 000. Cela pèserait, dans près de 50 % des cas, sur le chiffre d'affaires des entreprises. La politique de sanction pour les chômeurs refusant deux emplois successifs doit certainement être poursuivie, accompagnée d'un effort considérable en faveur de la formation professionnelle. Les centres de formation d'apprentis sont débordés, et l'on attend toujours la promotion réelle de l'école manuelle d'excellence, seule à même de contrecarrer la désaffection pour certains métiers jugés pénibles, tel le bâtiment.
Le Gouvernement a choisi d'agir en priorité sur le levier de la consommation. Nous examinerons prochainement le projet de loi sur le développement de la concurrence, adopté par l'Assemblée nationale, et un autre texte d'ampleur est attendu en début d'année prochaine.
Les premières mesures préconisées dans le prérapport de la commission Attali concernent une libéralisation, raisonnée, des marchés. La réforme des professions fermées est légitime et susceptible d'impulser une véritable dynamique d'emplois. Les impératifs d'aménagement, de vitalité du territoire et d'urbanisation, chers à notre haute assemblée, appellent cependant des réserves à l'égard d'un assouplissement des conditions d'implantation de la grande distribution. N'oublions pas que les oppositions entre « archaïques » et « modernes » lors de l'examen de la loi Royer en 1973 ont été dépassées quatre ans plus tard lorsque la crise a obligé Raymond Barre à réorienter sa politique d'emploi vers la promotion des PME et TPE. Le différentiel de création d'emplois entre la grande distribution et les secteurs productifs et artisanaux invite de surcroît à la prudence.
Observons nos voisins : l'Allemagne profite d'un certain dynamisme fondé sur l'excédent de sa balance commerciale. La politique de l'emploi est par essence transsectorielle et les interventions de la mission « Travail et emploi » sont indissociables des mesures relatives à notre commerce extérieur et au développement économique.
L'impact des politiques sectorielles et macro-économiques sur le marché de l'emploi ne se vérifiera que s'il s'accompagne d'un aggiornamento des pratiques sociales. La régulation économique ne peut s'effectuer que dans un cadre social apaisé. Le modèle dirigiste français devra disparaître et une voie devra être trouvée entre deux modèles, le modèle rhénan, contractualiste, qui permet de garantir la paix sociale par des accords entre patronat et représentants des salariés, et le modèle anglais, fondé sur des accords d'entreprise décentralisés et une liberté d'action collective contrainte par la loi.
La signature en 2001 d'un accord sur le dialogue social dans l'artisanat entre les confédérations salariales et l'union interprofessionnelle du secteur démontre que les partenaires sociaux sont prêts à cette mutation : sa validation par l'extension des accords de déclinaison prônés par le rapport Hadas-Lebel et la remise à plat des conditions générales d'organisation du dialogue social devront intervenir rapidement.
L'examen de la mission « Travail et emploi » est l'occasion pour le groupe RDSE d'énoncer son soutien et son engagement sur les mutations à venir, et de voter en conséquence les dispositifs budgétaires pour 2008. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - A l'évidence, le présent budget pèche par manque de lisibilité et de souffle.
Les questions du développement économique harmonieux et de l'insertion des salariés devraient nous préoccuper tous et nous fournir des objectifs communs, clairs, relevant d'une stratégie à long terme et s'inscrivant dans une économie mondialisée. Au lieu de quoi, ce projet de loi de finances s'emploie essentiellement à financiariser des mesures à court terme, peu compréhensibles et non évaluées.
En attendant les réformes prévues en 2008, et qui n'apparaissent pas dans ce budget -notamment la fusion Unedic-ANPE-, ce texte laisse présager, comme pour la sécurité sociale, un budget de transition. Les singulières modifications de la présentation budgétaire empêchent toute comparaison avec les budgets antérieurs. Ainsi, le programme « développement de l'emploi » disparaît et se trouve intégré au programme « accès et retour à l'emploi », pour le secteur de l'insertion par l'économique et le programme « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » intègre une nouvelle action « développement de l'emploi » pour les emplois de services, les baisses du coût du travail et les aides au secteur hôtels, café, restaurants. Cette mission s'inscrit dorénavant dans une double compétence ministérielle, et ses moyens sont disséminés et opacifiés. Mais on ne nous fera pas prendre des vessies pour des lampions ! Les crédits de la mission sont en baisse de 2,7 % par rapport à 2007, alors qu'aucune évaluation des actions du plan Borloo n'a été faite.
Rappelons-nous cet épisode incroyable du printemps dernier : la non-publication par l'Insee des chiffres du chômage 2006, dont la fiabilité était mise en doute à la veille d'une campagne électorale. Une analyse plus complète a permis à l'Insee de constater que, depuis 2005, le taux de chômage avait baissé d'un point seulement au lieu de deux, ce qui le ramenait au niveau des statistiques de la fin 2002 ! N'oublions pas que le gouvernement de M. Raffarin a supprimé les emplois jeunes et les contrats aidés, et que sa politique économique a conduit à une remontée vertigineuse et brutale des chiffres du chômage, heureusement enrayée par le virage à 180° mené par Jean-Louis Borloo sur les contrats aidés. On voit à quoi mène une mécanique libérale qui laisse de côté les jeunes et les publics les plus fragiles en vertu du principe que seule la loi du marché peut créer de l'emploi. Malheureusement, vous persévérez dans la même logique sans mesurer que, derrière vos politiques, il y a des hommes et des femmes qui vont de petit boulot en petit boulot, à temps partiel pour la plupart, ou à durée déterminée pour la majorité -plus de 50 % des contrats signés le sont en CDD.
M. Guy Fischer. - C'est la vérité !
M. Paul Blanc. - C'est votre vérité !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le développement de ces emplois atypiques et précaires correspond davantage aux besoins du système productif qu'au souhait des salariés. Mais il faut bien vivre, dans l'incertitude du lendemain. Pour une part croissante de salariés, le quotidien consiste à avoir un pied dans l'emploi, l'autre dans le chômage. Ces situations permettent aux employeurs d'ajuster leurs effectifs à la situation du marché, tout en conservant « précieusement » leurs salariés qualifiés, indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.
Les supplétifs de l'emploi jouent donc un rôle de variable d'ajustement, dans un système économique où la demande est de plus en plus volatile. Les premières victimes sont les femmes, qui en paient le plus lourd tribut. Aujourd'hui, un CDI à temps plein ne garantit pas forcément des revenus permettant de vivre décemment. (On le confirme à gauche)
Un salarié sur deux travaillant à temps plein gagne moins de 1 500 euros par mois et ce salaire médian a baissé de 0,4 % compte tenu de l'inflation. Le Smic n'est même plus le salaire minimum : dans cinquante-cinq branches professionnelles sur quatre-vingt-quatre, les minima salariaux y sont inférieurs. A côté de ces chiffres consternant, les plus grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, affichent depuis trois ans des profits records, distribuent des dividendes faramineux et elles ont quasiment gelé les salaires !
Alors que la France est de plus en plus riche, jamais elle n'a été aussi inégalitaire : 7,1 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dont 2 millions qui exercent une activité professionnelle. Votre politique accroît et pérennise la précarité. Selon le rapport d'août de l'Observatoire des inégalités, une frange considérable de la population manque de ressources. Il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, de dénuement total, comparable à celui des pays les plus pauvres. Il n'empêche que des millions d'enfants, d'hommes et de femmes vivent en marge de la société. Ils n'aspirent pas seulement à manger mais aussi à avoir un logement décent, à étudier, à travailler et à se soigner comme les autres.
Pour une plus grande équité, il conviendrait de sécuriser les parcours professionnels en améliorant les droits sociaux des salariés, en reconnaissant leurs acquis professionnels, en développant la formation et en ajustant les revenus. Mais vos priorités sont toutes autres : la loi pour le travail, l'emploi, et le pouvoir d'achat (Tepa) a multiplié les cadeaux fiscaux en faveur des plus aisés, sans avoir d'effets sur la croissance de l'activité, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
A contrario des déclarations de Nicolas Sarkozy : « il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire et remettre à plat tous les grands prélèvements : cotisations sociales, taxe professionnelle, taxe sur les salaires, TVA, impôt sur le revenu, CSG », la loi fiscale de juillet a multiplié les niches fiscales, notamment en matière d'ISF : c'est la rente, et non le travail, qui est récompensée.
Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a obtenu les premiers éléments d'appréciation des effets du bouclier fiscal : au premier semestre 2007, deux mille quatre cents contribuables étaient concernés et ils ont reçu chacun un chèque moyen de 50 000 euros.
Mme Gisèle Printz. - Impensable !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Quant à l'exonération des heures supplémentaires et ses effets sur l'activité, tous les économistes estiment que cette mesure ne créera pas d'emplois et qu'elle pourrait même en détruire, en dépit de son coût exorbitant pour les finances publiques.
Vous vous félicitez de l'amélioration des chiffres de l'emploi, alors qu'ils ne révèlent ni la réalité de la création d'emplois, ni la précarisation croissante des emplois puisqu'une offre d'emploi de sept heures est comptabilisée comme une création d'emploi.
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - C'est scandaleux !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Sous prétexte d'un hypothétique retour de la croissance et d'une série de réformes qui n'ont toujours pas abouti, vous proposez de supprimer les dispositifs au service des plus fragiles.
Vous remettez en cause les contrats aidés, les soutiens à l'emploi des jeunes en entreprise, vous diminuez de 33 % la dotation aux contrats initiative emploi, vous supprimez les exonérations sur les contrats de professionnalisation dans le secteur non marchand. De plus, les contrats d'accompagnement vers l'emploi et les contrats d'avenir diminuent respectivement de 18 et de 27 %. Je note encore la baisse du Civis, l'arrêt des créations des maisons de l'emploi, le maintien du financement des missions locales. Ces coupes claires déstabilisent les processus d'insertion par l'économique, tant pour les personnes que pour les organismes qui s'investissent dans ce domaine.
Alors même, que le budget propose de pérenniser les aides au secteur des hôtels, cafés, restaurants dont les effets positifs sur l'emploi n'ont pas été démontrés, il supprime des dispositifs comme l'allocation équivalent retraite ou l'aide au remplacement des salariés en congé maternité, pour réaliser des économies sans commune mesure avec les montants alloués au secteur HCR.
Les dispositifs d'insertion des publics en difficulté ne sont pas non plus ménagés : baisse de la dotation à l'insertion par l'activité de 4 % mais maintien des aides aux structures de l'IAE.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Eh oui !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le fonds d'insertion professionnelle des jeunes accuse également une baisse significative de 30 %, alors qu'il permettait une sécurisation des parcours des jeunes mineurs et l'aide au financement de logements.
L'empilement de tous ces dispositifs ne favorise pas la lisibilité des politiques de l'emploi. Le Grenelle de l'insertion préparerait des expérimentations sur le contrat unique. Mais, seront-elles financées par Bercy ?
En ce qui concerne les personnes handicapées, les crédits d'aide aux postes pour les entreprises adaptées sont maintenus. En revanche, la subvention d'accompagnement est réduite de 11 %. Quel dommage, car il garantissait la réussite de l'insertion durable de ces publics.
En revanche, il est heureux que l'AGEFIPH propose de plus en plus de nouvelles aides pour l'emploi et la formation en partenariat avec les assedic, les Opca et les Opacif.
J'en viens au programme « anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi » pour lesquelles l'État crée toute une batterie de mesures en diminution pourtant de 0,4 %. Bien qu'il faille anticiper les mutations économiques, les moyens consacrés à l'analyse et à la prospective restent insuffisants. Les rapports du centre d'analyse stratégique et de la Dares démontrent que nous devons prendre, dès maintenant, des mesures pour préparer l'avenir. Or, ce programme n'est malheureusement pas à la hauteur des enjeux.
Quand vous voterez ce budget, souvenez-vous que le slogan : « travailler plus pour gagner plus » est une imposture qui peut galvaniser une campagne mais qui ne sert pas les travailleurs. Cette formule met l'accent sur le quantitatif au détriment du qualitatif. Dans mon département, et notamment sur la côte basque, l'activité économique est liée à périodes estivales. Les principales offres d'emploi concernent le travail saisonnier notamment en hôtellerie-restauration et le temps partiel dans la grande distribution. Jusqu'en 2007, les périodes de morte saison étaient indemnisées avec un coefficient de minoration. En 2008, elles ne le seront plus. Veut-on précariser un peu plus une population pourtant nécessaire au bon fonctionnement de l'économie locale ?
Si l'on prenait en compte le temps passé et l'effort réalisé, le qualitatif prendrait le pas. Les efforts des travailleurs seraient alors encouragés. Ils seraient récompensés et auraient envie de consommer parce qu'ils en auraient les moyens. Mais « le travailler plus pour gagner plus » ne crée pas d'emplois. L'investissement productif, la formation des salariés, la préparation à l'emploi, la recherche s'inscrivent dans le long terme. Les marchés financiers, eux, privilégient le court terme. La paix sociale passe par l'ajustement des deux.
MM. de Foucault et Piveteau estiment que « la crise de l'emploi ne peut être dissociée de deux autres crises : celle du lien social et celle du sens ». Effectivement, perdre son emploi a des conséquences bien au-delà de la sphère professionnelle. Le retour à l'emploi, pour celui qui l'a perdu depuis longtemps, passe souvent par la reconstruction d'une identité et d'un lien relationnel. Aucun projet politique ne peut se borner à des mesures purement techniques. La réhabilitation du travail passe par là. (Applaudissements à gauche)
Mme Raymonde Le Texier. - (Applaudissements à gauche) Avoir pour objectif un taux de chômage à 5 % et un taux d'activité à 70 % ne manque pas d'ambition. L'afficher alors que le taux de chômage est aujourd'hui de 8,1 %, que la croissance est poussive, que le solde net d'emplois créés reste faible et que la précarité n'a jamais été aussi forte, c'est ne pas manquer d'aplomb.
Faire croire que ce résultat sera atteint avec un budget en baisse de 2,5 %, que la solution réside dans la fusion administrative entre l'ANPE et l'Unedic, dans la suppression des contrats aidés, dans les coupes claires opérées dans le budget de la formation professionnelle, dans la promotion d'un plan senior mis en avant sans qu'aucune ligne budgétaire ne soit prévue, relève de la mystification !
Vous vous réjouissez de la baisse du chômage constatée par l'Insee. Pourtant, nos concitoyens, notamment les jeunes et les séniors, ont toujours autant de mal à trouver un emploi ou à le conserver. Les départements croulent sous la charge du RMI et quand l'emploi est enfin là, il est souvent précaire, partiel, mal payé. Chacun sait que les travailleurs pauvres sont aujourd'hui légion.
Votre budget fait l'impasse sur la contestation aussi récente qu'argumentée des chiffres du chômage par des experts de l'Insee. Vous vous gardez bien également de dire que plus de la moitié des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à l'ANPE, « afin de ne pas alourdir les statistiques, ce qui équivaut à les priver de tout accompagnement professionnel » dixit un membre du Gouvernement auditionné à l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, un emploi créé sur six est un intérim. Les nouveaux emplois sont cantonnés aux services aux entreprises et aux particuliers tandis que les effectifs dans l'industrie ne cessent de se réduire. Ces emplois sont fragiles par essence et rarement à temps complet. Pourtant, passer de la stabilité à la précarité est loin d'être neutre pour une société et modifie sa façon de se projeter dans l'avenir.
Le fait que les créations d'emploi ne soient que des emplois précaires est de mauvais augure. Tandis que le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français, la moitié des salariés à temps partiel touche un salaire mensuel inférieur à 750 euros. Ils sont l'archétype de ces travailleurs pauvres pour qui le travail n'est plus gage d'insertion et qui peinent à assurer leur existence. Aujourd'hui, le travail n'est plus un facteur d'émancipation et d'ascension sociale. A tel point que, pour vous, la question de la revalorisation du travail ne passe plus par la fiche de paye, les accords salariaux et la garantie des droits des salariés mais se réduit aux acquêts des heures supplémentaires.
Alors qu'il est plus que jamais nécessaire de mettre en place une politique de l'emploi cohérente, lisible et stable, ce budget est loin du compte. Votre politique en matière d'emploi est finalement plutôt basique et, bien qu'ayant fait la preuve de ses maigres résultats, elle est sans cesse reconduite avec toujours plus de moyens : elle s'appuie sur les allègements de cotisations sociales et sur l'accroissement des dépenses fiscales. Ainsi, l'essentiel des crédits que le Gouvernement consacre à l'emploi ne se trouve pas dans la mission : près de 27 milliards pour les allégements de cotisations sociales et près de 10 milliards de dépenses fiscales. Ces choix ne sont pas sans conséquences. Cette politique de l'emploi consistant en allègement de charges patronales permet de faire assumer le financement de la protection sociale par les ménages, tout en réduisant le champ d'intervention des partenaires sociaux, puisque l'État mobilise ses capacités de financement dans un domaine où il a tout pouvoir.
Cette politique dépend maintenant du bon vouloir de Bercy qui impose des objectifs comptables et des logiques strictement budgétaires. La dimension sociale de ces politiques se réduit comme peau de chagrin quand elle n'est pas tout simplement oubliée.
Enfin, la fusion ANPE-Unedic se fera sous la tutelle de Bercy : le suivi des chômeurs ne sera sans doute pas amélioré (Mme Lagarde s'exclame). Le principe de sanction semble préféré à l'obligation de moyen. La notion « d'emploi convenable » souffre d'un manque de précision inquiétant.
Dans le même temps, des crédits dont l'utilité semblait incontestée sont gelés ou supprimés. C'est le cas des Maisons de l'emploi. Nombreux sont les élus, de droite comme de gauche, qui s'inquiètent de ce signal négatif alors que ces maisons commençaient à donner des résultats.
Un tel désengagement de l'État ne manquera pas de transférer des charges aux collectivités locales : que vont faire les villes de banlieues où le chômage touche 42 % des jeunes de moins de 25 ans ? Où le taux de chômage des actifs est de 22 % quand il est à 8,1 % en moyenne ?
Le nombre de contrats aidés baisse continuellement, mais certainement pas du fait du recul des chiffres du chômage. Ces contrats sont destinés aux publics les plus fragiles, les plus éloignés de l'emploi, ils servent au maintien de la cohésion sociale dans les bassins les plus touchés par la crise économique et industrielle et surtout, ils s'adressent à un public qui n'a pas les moyens d'attendre les résultats du Grenelle de l'insertion.
Vous n'avez pas besoin d'évaluation ni d'un Grenelle des privilèges pour accorder des milliards de cadeaux fiscaux aux plus favorisés, mais vous supprimez les aides aux plus fragiles pour faire quelques économies !
Vous supprimez l'allocation équivalent retraite (AER), parce qu'elle entrerait en contradiction avec le plan national d'action pour l'emploi des seniors. Pourtant, seulement une vingtaine de CDD seniors ont été signés, quand plus de 62 000 AER sont versées ! Sachant que l'ASS varie avec les ressources et ne peut dépasser 435 euros, tandis que l'AER atteint 953 euros par mois, on mesure mieux la perte de pouvoir d'achat pour les seniors !
M. Guy Fischer. - Eh oui, encore des économies sur les plus pauvres !
Mme Raymonde Le Texier. - La majorité sait parfaitement capitaliser les souffrances et les peurs de nos concitoyens quand il s'agit de se faire élire. Mais ensuite, elle ne leur renvoie que mépris et cynisme, c'est ce que j'ai ressenti hier soir en écoutant la prestation du Président de la République, et c'est ce que démontre ce budget ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Procaccia. - Nous n'avons pas eu la même impression !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - (Applaudissements à droite et au centre) La partie travail ne représente que 7 % de ce programme, mais j'y consacrerai, comme vous, une part plus importante de mon intervention...
Monsieur Dassault, nous voulons tous moderniser le marché du travail et je m'engage à ce que la « flexsécurité » soit équilibrée, sécurisant les parcours d'emploi autant que l'entreprise, je défendrai partout cette position, y compris dans les négociations européennes !
M. Adrien Gouteyron. - Très bien !
M. Guy Fischer. - Nous vérifierons !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les partenaires sociaux partagent cette position, mais le Président de la République a bien dit, hier soir, que nous devons conforter la sécurité des parcours dans l'emploi.
Grâce à la concertation, nous avons regroupé 63 conseils de prud'hommes contre 90, chiffre envisagé au départ. Mais comme on maintient tous les postes de conseillers, on obtiendra une justice plus efficace et plus rapide ! Là où les conseillers se réunissaient une fois par semaine, ils pourront désormais tenir deux sessions, donc traiter plus de dossiers ! (Exclamations à gauche) Partant, les délais d'instruction seront plus courts !
Mme Annie David. - Et la proximité ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les médecins du travail doivent être plus souvent dans l'entreprise et faire davantage de prévention. C'est pourquoi, dans mes fonctions antérieures, j'ai relevé le numerus clausus de 4 700 à 7 100, tant il est nécessaire d'anticiper le temps partiel !
M. Paul Blanc. - Tout à fait !
M. Guy Fischer. - Et la féminisation ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je tirerai toutes les conséquences des travaux de la conférence sur les conditions de travail : quand un rapport paraît, je n'ai pas pour habitude de le ranger dans un tiroir.
Mme Annie David. - Les subventions baissent pour certaines agences !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Elles augmentent pour l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT), pourquoi le passez-vous sous silence ? La médecine du travail est intégralement financée par cotisation, sans crédits publics, mais vous dites que le Gouvernement diminue les moyens : c'est un peu fort de café ! (Applaudissements à droite) Jamais un gouvernement n'a autant fait pour la médecine du travail, mais la réussite passe par la mobilisation de tous, en particulier par l'implication des entreprises.
Monsieur Godefroy, je n'ai jamais nié la réalité des suicides au travail : je m'en suis inquiété auprès des partenaires sociaux dès mon arrivée, nous évoquons ce douloureux phénomène au sein de la conférence sur les conditions de travail. Le suicide relève de nombreux facteurs, et il faut compter aujourd'hui avec la forte médiatisation.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je ne vous accusais pas personnellement !
M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai souhaité disposer de la meilleure information possible et trouver des réponses nouvelles : c'est le sens de la mission confiée à Philippe Nasse et Patrick Légeron sur « les risques psychosociaux dans l'entreprise ». Vous pouvez leur demander à être auditionné, pour autant que vous ayez des propositions ! Le sujet ne mérite pas la polémique : reconnaissez que les pouvoirs publics prennent enfin ce problème douloureux à bras-le-corps ! (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est vous qui polémiquez !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Votre agressivité, monsieur Godefroy, ne masquera pas votre incurie ! Ceux qui n'ont rien fait, ce sont les gouvernements que vous avez soutenus ! Vous avez délaissé la valeur travail et abandonné les travailleurs : voilà pourquoi les Français ne vous soutiennent plus depuis quelques années ! (Protestations à gauche)
M. Guy Fischer. - On en reparlera !
M. Xavier Bertrand, ministre. - L'inspection du travail restera sous l'autorité de la direction centrale du travail, sans que son indépendance ne soit aucunement remise en cause -le Conseil d'État ne s'y est pas trompé. Elle participe activement à la lutte contre le travail illégal, elle dresse 20 % des procès verbaux en la matière.
Le Président de la République a souligné la nécessité de sortir du carcan des 35 heures, pour que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire. Le dépassement du contingent d'heures supplémentaires par l'entreprise ne fera pas perdre l'exonération de la loi Tepa.
Sur le temps partiel, le Gouvernement fait sa priorité d'aider à transformer les contrats à temps partiel subi et éclaté, en contrats à temps plein. Nous négocions avec deux enseignes de la grande distribution, une table ronde est prévue avec les partenaires sociaux. Ces emplois à temps partiel subi et éclaté concernent essentiellement des femmes, en particulier dans les grands magasins, les entreprises de propreté, le secteur médicosocial.
La réforme du dialogue social et de la représentativité est une priorité du Président de la République. Nous pouvons avoir une démocratie sociale rénovée, renforcée, mais aussi apaisée, car c'est par la négociation plus que par la confrontation que l'on trouve des réponses. Aujourd'hui, chacun est autour de la table des négociations et y met du sien. Il faut poser la question de la représentativité, du financement, des accords -nous allons nous y atteler avec les partenaires sociaux et la représentation nationale. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Ma lettre de mission fixe deux objectifs à notre politique de l'emploi : parvenir au plein emploi, avec un taux de chômage au seuil structurel de 5 %, et porter le taux d'emploi à 70 %.
Certains contestent les chiffres. Gardons la tête froide ! Le chômage est retombé à environ 8 % à la fin du deuxième trimestre 2007. La décrue se poursuit, mais notre taux d'emploi global atteint à peine 63 %, contre 66 % en moyenne dans l'OCDE. Il faut nous fixer des objectifs ambitieux, notamment pour les jeunes et les seniors. Chez les 15-24 ans, le taux d'emploi n'est que de 26 %, contre 43 % dans l'OCDE, ce qui incite à explorer la liaison entre organismes de formation et entreprises.
L'Insee, que certains ont mis en cause, a décidé en toute indépendance de suspendre la notification des chiffres lors de la campagne présidentielle. Les chiffres correspondent à la réalité du nombre de demandeurs d'emploi ; leur publication au mois le mois permet de constater une baisse constante.
En 2008, nous consacrons 49 milliards aux différentes politiques de l'emploi : 9,6 milliards de dépenses fiscales, 27 milliards d'exonérations de charges compensées à la sécurité sociale, 12,3 milliards de dépenses budgétaires.
Notre premier objectif, rappelé par le Président de la République, est de valoriser le travail. Le dispositif sur les heures supplémentaires -en vigueur depuis le 1er octobre seulement- permet à un salarié au Smic qui travaillera quatre heures de plus par semaine de toucher 2 000 euros de plus à la fin de l'année. Selon un sondage, 60 % des personnes interrogées se disent intéressées. Nous avons envoyé des prospectus, notamment aux PME, ouvert un numéro d'information unique, et j'ai chargé un missus dominicus, M. Alain Tapie, de faire un tour de France pour expliquer le mécanisme.
Valoriser le travail, c'est aussi augmenter la rémunération de ceux qui permettent aux entreprises de faire des profits. Je veux remettre à l'honneur la logique de la participation imaginée par le Général de Gaulle. Je propose ainsi que l'attribution de stock-options soit subordonnée à l'engagement des entreprises d'associer tous les salariés à la distribution des profits. Par défaut, reste la distribution d'actions gratuites. (M. Gouteyron approuve).
Nous voulons revaloriser l'ensemble des salaires. J'ai ainsi participé à une table ronde sur l'emploi et le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux. Les allègements de charges seront conditionnés au respect par les entreprises de l'obligation de négociation salariale annuelle. Lorsque les accords de branche prévoient des rémunérations inférieures au Smic, l'ordre public prévaut. Ce mécanisme de conditionnalité, évoqué hier par le Président de la République, relève d'un nouveau contrat social entre l'État, les entreprises et les salariés.
Valoriser le travail, c'est aussi favoriser l'émergence de nouveaux métiers. Nous faisons le pari de l'innovation. Aider les entreprises, c'est aider l'emploi. Les pôles de compétitivité voient leurs crédits augmenter de 8 %, nous développons le crédit impôt-recherche. Les nouveaux métiers, comme les services à la personne ne sont pas délocalisables : nous portons notre effort de 3 à 3,4 milliards. Nous pérennisons les aides à l'hôtellerie-restauration mais en les plafonnant à trente salariés, en application du droit communautaire.
Notre deuxième objectif est de rénover le service public de l'emploi. Le monde change, les métiers aussi. Les papy-boomers seront remplacés par des jeunes formés différemment, avec des ambitions différentes. Cette tectonique des plaques est une chance historique de sortir de trois décennies de chômage.
La fusion entre l'ANPE et l'Unedic, en collaboration avec les partenaires sociaux, n'est pas un trait de plume administratif. Il s'agit de créer une entité capable de résister à la concurrence du secteur privé et d'offrir des services complets. Pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que les job centers britanniques ? Cinq grands principes président à cette réforme fondamentale. Le respect du paritarisme, tout d'abord : le transfert aux Urssaf des opérations de recouvrement n'entame pas l'autonomie financière de l'Unedic qui reste propriétaire des informations. La bonne gouvernance ensuite : les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil, mais l'État nommera le directeur général, afin que cet organisme reste un outil de la politique de l'emploi.
Je citerai encore la déclinaison territoriale des politiques de l'emploi. Vous avez évoqué les maisons de l'emploi : elles préfigurent, à mon sens, la fusion à venir. J'ai confié à votre collègue député, M. Anciaux, une mission dont j'attends des recommandations, notamment quant à leur futur cahier des charges. Les maisons existantes subsistent, et le dossier de celles dont l'examen est engagé continuera d'être instruit.
Madame Procaccia, comptez sur moi pour faire toute sa place à l'évaluation. Nous avons besoin, plus que de nouveaux mécanismes d'accompagnement, de concentrer notre effort sur ceux qui marchent. Ce sera le rôle du nouveau Comité de suivi de la convention tripartite État-Unedic-Anpe, doté en son sein d'un comité d'audit, que de nous y aider.
Enfin, nous agirons avec pragmatisme dans la mise en oeuvre. L'instance provisoire permettra une transition sans heurt. Je ne sous-estime pas l'ampleur du changement pour les agents. Il faudra travailler au rapprochement des cultures mais seule la volonté de concentrer l'effort sur la qualité du service rendu rendra au service public de l'emploi son efficacité.
La nouvelle entité ne sera donc pas un monstre administratif à deux têtes, mais un attelage léger fédérant les énergies. Les réseaux spéciaux comme l'Apec, les missions locales ou les maisons de l'emploi auront leur rôle à jouer. S'agissant de ces dernières, en l'attente de la stabilisation du nouveau paysage, je souhaite suspendre la création de nouvelles entités. Celles qui existent ne seront pas remises en cause, et l'État en conventionnera encore trente d'ici à la fin de l'année, si bien que leur nombre passera à plus de cent quatre vingts.
Le service public de l'emploi réformé aura pour première charge de mettre en oeuvre une politique intense de retour à l'emploi des seniors, dont le taux d'emploi stagne depuis 2000, alors que plusieurs de nos voisins ont, ces dernières années, réussi à le faire progresser de plus de dix points. Nous devons reprendre l'initiative. Un groupe de travail élargi aux parlementaires évaluera l'opportunité d'une extension des contrats de transition professionnelle, actuellement ciblés sur sept zones expérimentales. La requalification sera mieux soutenue, grâce à l'Afpa. Les contrats initiative emploi seront ciblés non seulement sur les jeunes mais sur les seniors : les directeurs régionaux pour l'emploi auront la charge de répartir équitablement les soixante quinze mille contrats du secteur marchand. L'Anpe, dont le taux d'encadrement sera amélioré grâce à la fusion, aura mission d'intensifier son offre de services en direction des seniors. Le premier comité de suivi est prévu pour le 14 décembre.
Troisième priorité, le lien entre placement et formation, M. Sellier l'a rappelé, est déterminant. Ce sera l'un de nos principaux chantiers en 2008. Si nous voulons le plein emploi, il nous faut, alors qu'ils sont aujourd'hui au nombre de 1 919 000, 900 000 chômeurs de moins. La Dares estime à 500 000 le nombre des offres d'emploi retirées faute d'être pourvues. Il faut nous atteler à cet écart.
Pour améliorer la formation des jeunes, nous renforçons l'alternance : 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus, 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus. Cet effort supplémentaire permet de maintenir le nombre de contrats aidés du secteur marchand, tout en privilégiant les parcours qualifiants.
L'exonération de charges pour les contrats de formation est plus généreuse que le droit commun. Nous la maintenons pour les entreprises de moins de vingt salariés. Pour les autres, le surcoût moyen sera de 20 euros par mois. Nous en aménageons cependant les conséquences sur les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, dont le travail mérite d'être encouragé, et maintenons une exception spécifique pour les plus de 45 ans.
Le besoin de formation concerne aussi, de fait, les adultes. Nous avons engagé, après la décentralisation de 2004, un travail de réflexion sur l'avenir de l'Afpa. L'État continuera de financer, pour partie, la commande publique décentralisée.
La formation, le Président de la République l'a dit encore hier, doit être plus accessible aux moins qualifiés. Nous devons inverser cette logique qui veut que ce soient les plus qualifiés qui bénéficient le plus de la formation. Les moyens consacrés aux demandeurs d'emploi en fin de droits augmenteront à cette fin dans d'importantes proportions, puisqu'ils passeront, en 2008, de 115 à 200 millions.
Mais ne nous voilons pas la face. Certains demandeurs souffrent d'une grande précarité.
M. Guy Fischer. - Quand même !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Ils cumulent manque de formation, difficultés de logement, de transport... Ils méritent une action de solidarité mieux ciblée.
Elle doit aller, en premier lieu, à ceux dont le travail est menacé ; je pense aux licenciements économiques liés aux restructurations. Nous maintenons notre effort en faveur des conventions de reclassement personnalisé et maintenons jusqu'en mars les contrats de transition professionnelle existant sur sept bassins d'emploi. Mais développer l'emploi veut dire aussi anticiper les mutations industrielles. Nous rejoignons par là le souhait des partenaires sociaux : mieux vaut prévenir que traiter a posteriori. Nous mettons à cette fin 400 millions de crédits déconcentrés au service de la gestion prévisionnelle de l'emploi.
Mais la solidarité doit aussi aller à ceux qui ne peuvent trouver ou retrouver un emploi. Se pose donc la question des emplois aidés, que vous avez été nombreux à évoquer. Le nombre de contrats prévus en 2008 est certes en diminution, mais il faut y regarder de plus près. Leur diminution, de 260 000 à 230 000 dans le secteur non marchand, soit une baisse de 12 %, et non de 18 % comme je l'ai entendu dire, est en ligne avec la diminution du nombre des chômeurs au cours de douze derniers mois.
En octobre, pas plus qu'en septembre, la baisse du nombre des contrats aidés n'a pas empêché la diminution du nombre des chômeurs : 28 000 en septembre, 23 000 en octobre. La baisse est de 9,8 % de puis le début de l'année, comme viennent de le confirmer ce matin l'Anpe et la Dares. Nous pouvons tous nous réjouir de ce résultat dont le mérite revient avant tout aux entreprises. La baisse sensible du chômage de longue durée et du chômage des jeunes montre que la vigueur du secteur marchand a pris le relai des contrats aidés.
Reste que tous ne profitent pas de cette embellie. Les plus éloignés de l'emploi, les plus fragiles doivent être accompagnés. Nous recentrons donc l'accès à ces contrats aux publics les plus en difficulté : jeunes, seniors, handicapés. Nous avons rencontré les principaux employeurs pour préparer nos instructions. J'entends, avec M. Hirsch, proposer ces priorités au Conseil national de l'insertion. Ces acteurs de l'insertion réalisent un travail considérable. L'État sera à leur côté.
Les personnes handicapées ne seront pas concernées par la diminution du nombre de ces contrats ; au contraire, les crédits qui leur sont affectés augmentent.
L'ensemble de tous ces contrats fera l'objet d'une évaluation en 2008, dans la perspective du contrat unique d'insertion que nous nous proposons de créer et, pour cette évaluation, nous attendons beaucoup des expérimentations du Revenu de solidarité active (RSA).
Voilà les grandes lignes de notre politique économique en faveur de l'emploi, fondée sur la revalorisation du travail et sur l'effort solidaire en faveur des personnes les plus éloignées de l'activité. Nous voulons plus d'emploi car le travail entraîne le travail. La nouveauté, c'est que nous ne menons pas une politique de l'emploi, nous menons une politique économique en faveur de l'emploi comme en témoigne le redécoupage ministériel qui a lié l'économie et l'emploi, au sein d'un même ministère. Un homme politique a dit « Contre le chômage, on a tout essayé ! ». Nous tentons de lui donner tort. Nous croyons en la valeur du travail et nous n'avons pas de leçons à recevoir de la part de ceux qui l'ont dévalorisé en en diminuant la durée ! (Protestations à gauche)
En votant ce budget, vous partagerez notre ambition de créer de la valeur économique pour créer de l'emploi. (Applaudissements à droite et au centre)
Examen des articles
Article 33
M. le président. - Amendement n°II-98, présenté par le Gouvernement.
Soustraire 57 241 620 euros, en AE et CP, du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi
Mme Christine Lagarde, ministre. - L'évaluation de nos politiques de l'emploi n'est pas encore assez développée. Je propose d'augmenter de 200 000 euros la subvention versée par l'État au Centre d'études de l'emploi et de diminuer d'autant les crédits des contrats initiative emploi.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Avis favorable.
L'amendement n°II-98 est adopté.
Mme Annie David. - J'ai bien noté ce que vous avez dit sur la fusion de l'ANPE et de l'Unedic : je persiste à craindre la privatisation et je n'ai pas bien compris quelle place sera réservée à la formation des agents de l'agence unifiée. Sur la flexsécurité, nous serons vigilants lors des prochaines négociations. Dans le domaine de la santé au travail, il est urgent de prendre des mesures, c'est un secteur qui mérite mieux qu'une diminution de budget. Quant aux chiffres du chômage, ils demeurent ambigus et nous aurions préféré entendre le nombre des emplois nouveaux.
Nous voterons contre ce budget.
M. Guy Fischer. - Très bien !
Les crédits de la mission sont adoptés.
Articles rattachés
L'article 52 est adopté.
Article 53
I. - L'article L. 981-6 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs mentionnés à l'article L. 950-1 du présent code aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 127-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;
3° Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l'exonération prévue au premier alinéa ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;
4° Dans les troisième, quatrième et cinquième alinéas, après le mot : « exonération », sont insérés, par trois fois, les mots : « applicable au titre du premier ou du deuxième alinéa ».
II. - L'article L. 981-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, continue à s'appliquer aux contrats de professionnalisation conclus avant le 1er janvier 2008 et ce jusqu'à leur terme.
III. - Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :
1° L'article L. 6325-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-16. - Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;
2° L'article L. 6325-17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-17. - Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 1253-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 6325-21 est ainsi rédigé :
« Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-16 ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 du présent code est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;
4° Dans les articles L. 6325-18, L. 6325-19, L. 6325-20 et L. 6325-22, après le mot : « exonération », sont insérés, par quatre fois, les mots : « applicable au titre des articles L. 6325-16 ou L. 6325-17 ».
M. le président. - Amendement n°II-57, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Supprimer cet article.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Cet article propose de supprimer l'exonération de cotisations attachée au contrat de professionnalisation. Il va à l'encontre de l'objectif de promotion des formations en alternance dans les grandes entreprises, qui était pourtant un des axes majeurs du plan de cohésion sociale. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale ont par ailleurs réduit à néant la simplification qu'il était censé apporter puisqu'il distingue différents contrats. La commission des affaires sociales met en garde contre les risques liés à une excessive instabilité des règles fiscales et sociales.
M. le président. - Amendement identique n°II-79, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous souhaitons également que l'on maintienne le régime actuel d'exonérations de cotisations sociales sur les contrats de professionnalisation. En effet, cette suppression n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux alors qu'elle affecte des exonérations ciblées, au départ sur les jeunes de moins de 26 ans et les demandeurs d'emploi de plus de 45 ans. De plus, il s'agit d'une mesure d'exonération que vous avez adoptée en 2003 et que vous supprimez en 2007, pour réaliser au départ une économie évaluée à 140 millions, qui devient une économie de 6 millions et demi après passage à l'Assemblée nationale. Le dispositif que celle-ci a adopté présente certes l'avantage de ne plus supprimer l'exonération sur les contrats conclus avec des personnes de plus de 45 ans. II y a en effet beaucoup à faire dans ce domaine car le taux d'activité des salariés seniors dans notre pays a encore diminué en 2006, passant à 37,6 %, chiffre qui remet à sa juste place le plan pour l'activité des seniors. II permet aussi de relativiser l'intérêt de la modification du régime d'imposition des mises à la retraite d'office et de l'alignement des préretraites et des CATS sur le régime de droit commun de la CSG. L'effort va peser sur les salariés, notamment les plus modestes, sans que les employeurs, qui veulent se débarrasser d'eux, soient vraiment incités à prendre des mesures pour les maintenir dans l'emploi. Que ce soit l'aménagement des postes de travail, la formation, le tutorat ou d'autres possibilités. Au contraire, dans ce même budget, vous prévoyez une nouvelle ponction sur le fonds unique de péréquation des OPCA en vue de financer l'allocation de fin de formation qui est à la charge de l'État
Ces opérations comptables ne font pas une politique cohérente. Nous demandons que l'on maintienne les exonérations sur l'ensemble des contrats de professionnalisation.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - La commission des finances est d'accord avec cet article 53. Retrait.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable car cet article 53 est une mesure de simplification administrative, quasiment neutre pour les employeurs. La complexité administrative a un coût.
D'autres outils concourent plus efficacement à la promotion du contrat de qualification, comme l'aide forfaitaire des Assedic ou la participation financière des organismes de gestion de la formation professionnelle. J'ajoute que le dispositif a été encore simplifié par l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Peut-on vraiment parler de simplification ? Je ne vois pas comment on peut soutenir un dispositif qu'on aura le plus grand mal à appliquer. C'est un monstre ! Je veux bien retirer mon amendement, mais de grâce simplifions !
L'amendement n°II-57 est retiré.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Je confirme que la suppression de l'article a été votée par la commission des affaires sociales unanime. Nous maintenons l'amendement.
Mme Annie David. - Nous le voterons. Les économies attendues ne sont que de 6,5 millions d'euros. Décidément, quand on rend les choses complexes, c'est toujours au détriment des salariés !
L'amendement n°II-79 n'est pas adopté.
L'article 53 est adopté.
L'article 53 bis est adopté.
Article 54
I. - Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés à compter du 1er janvier 2008.
L'article L. 5121-6 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 322-9 susmentionné est abrogé à sa date d'entrée en vigueur.
II. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.
Mme Annie David. - L'article 54 supprime deux aides aux entreprises de moins de cinquante salariés, l'une au remplacement des personnels en formation, l'autre au remplacement de salariés en congé de maternité ou d'adoption. Les associations régies par la loi de 1901 peuvent actuellement en bénéficier.
Contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, les difficultés rencontrées par les petites structures pour envoyer leurs salariés en formation sont autant financières qu'organisationnelles. Le budget de formation étant proportionnel à la masse salariale, il n'est pas toujours possible d'y imputer le coût d'une rémunération supplémentaire, sans parler d'éventuels frais de déplacement. Sans aide, les employeurs devront soit voir leurs charges de formation doublées, soit renoncer.
J'ai participé à la mission sénatoriale sur la formation professionnelle ; comme celle-ci l'a rappelé, en contestant l'article 54, les 24 milliards de la formation professionnelle ne vont pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin. Ce sont les salariés les plus qualifiés qui se forment le plus, ceux qui sont âgés de moins de 50 ans et travaillent dans les plus grandes entreprises. Le taux de départ en formation dans les TPE est de 12 %, de 22 % dans les PME et de 40 % pour l'ensemble des entreprises. L'effort moyen de formation par salarié est de 791 euros dans les entreprises de plus de dix salariés, de 74 euros seulement dans les autres.
L'objectif de la réforme de 2004 était de réduire les inégalités d'accès à la formation. L'aide au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption, qui date de 2006, doit faciliter l'embauche des jeunes femmes dans les petites entreprises ; son décret d'application a été publié en mars 2007. A-t-on réellement le recul suffisant pour parler d'effets d'aubaine ?
Les économies attendues de la suppression du dispositif sont faibles, 4,2 millions d'euros. Il est regrettable qu'à chaque fois que le Gouvernement propose des économies, ce soit sur le dos des salariés. Au moment où s'ouvre la négociation sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, cet article 54 est particulièrement mal venu. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°II-74 rectifié, présenté par M. Seillier, Mme Goulet et M. Fortassin.
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 122-25-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-25-2-1. - A compter du 1er janvier 2008, dans les entreprises de moins vingt salariés, l'Etat accorde aux employeurs une aide forfaitaire pour chaque personne recrutée ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé de maternité ou d'adoption. ».
II. - L'article L. 322-9 du même code est ainsi rédigé :« Art. L. 322-9. - A compter du 1er janvier 2008, afin d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés et du conjoint collaborateur ou du conjoint associé mentionné à l'article L. 121-4 du code de commerce en formation, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'Etat accorde aux employeurs une aide calculée sur la base du salaire minimum de croissance pour chaque personne recrutée dans ce but ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ».
III. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 dans des entreprises de vingt salariés et plus continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.
M. Bernard Seillier. - Il s'agit d'exclure du champ d'application de l'article les entreprises de moins de vingt salariés.
M. le président. - Amendement n°II-85, présenté par Mme G. Gautier.
I - Au début du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés
par les mots :
L'article L. 322-9 du code du travail est abrogé
II - Dans le II de cet article, supprimer les mots :
, en congé maternité ou en congé d'adoption
et remplacer les mots :
aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9
par les mots :
à l'aide mentionnée à l'article L. 322-9
Mme Gisèle Gautier. - Nous entendons maintenir le dispositif d'aide au remplacement des salariés en congé de maternité ou d'adoption dans les entreprises de moins de cinquante salariés. La loi qui l'a institué date du 27 mars 2006 ; le décret d'application a été publié le 23 mars 2007 et l'arrêté, le 6 avril 2007. On ne dispose pas du recul suffisant pour faire un bilan. Laissons au dispositif le temps de faire ses preuves. On nous dit que les crédits n'ont pas été consommés ; c'est, à mes yeux, parce que les bénéficiaires potentiels ont été mal informés. (Mme David approuve) Une campagne de sensibilisation s'impose.
Je relève que les économies dégagées iront abonder un dispositif d'aide à la garde d'enfant. Mais c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul, le second n'étant qu'un lointain cousin du premier...
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Retrait du II-74 rectifié : la commission n'est pas favorable au maintien d'aides dont les effets sont très limités. Sagesse sur le II-85 : opposé au principe de l'aide, je conviens que le dispositif est trop récent pour qu'on puisse tirer un bilan de son application.
Mme Christine Lagarde, ministre. - La tâche est compliquée pour une femme ministre sensible à la difficulté de concilier rôle de mère et vie professionnelle. Mais je suis défavorable à ces amendements, car nous voulons, non pas réduire l'effort -les moyens passent de 4,2 à 11 millions d'euros- mais le centrer sur la personne plutôt que sur l'entreprise. Je profite de l'occasion pour rendre hommage à l'énergie déployée par Xavier Bertrand lors de la conférence sur l'égalité salariale et professionnelle.
L'aide au remplacement des salariés en congé de formation est peu utilisée par les entreprises : 711 conventions signées en 2007, 828 en 2006...Elle n'est pas très utile. Quant à l'aide au remplacement pendant un congé de maternité, instituée par la loi de mars 2006, l'objectif était bon mais le moyen inadapté : 400 euros ne sont pas un facteur déclenchant... Mieux vaut doper l'aide à la reprise d'activité, budgétairement plafonnée à 18 000 emplois et 5,7 millions d'euros. Au premier semestre 2007, 8 500 aides, pour 2,9 millions d'euros, ont été distribuées. Nous élargissons le dispositif à 36 000 bénéficiaires et 11 millions d'euros, dont 5 à la charge de l'Etat -le fonds social européen contribue au financement.
Néanmoins, je souhaite que Mme Zimmermann et Mme Gisèle Gautier réfléchissent avec moi sur d'autres moyens susceptibles de lever les réticences à l'embauche des femmes. Je vous demande de ne pas voter ces amendements.
M. Bernard Seillier. - Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, ces exonérations ne rencontrent pas un franc succès... Il n'en demeure pas moins qu'un artisan, par exemple, ne peut laisser partir un collaborateur en formation s'il n'est pas remplacé. La question demeure d'actualité !
L'amendement n°II-74 rectifié est retiré.
Mme Gisèle Gautier. - Je ne reconnais pas dans les propos de Mme la ministre la logique implacable à laquelle elle nous a habitués. Comment dire qu'un dispositif est inadapté parce que les crédits ne sont pas consommés ? Après seulement six mois et sans avoir vraiment informé les entreprises, peut-on condamner ce dispositif ? Certes, l'aide à la reprise d'activité fonctionne mais elle est bénéficie de moyens importants.
Je maintiens l'amendement. Il sera toujours temps de supprimer la mesure si les entreprises, la connaissant mieux, ne l'utilisent toujours pas.
Mme Gisèle Printz. - Je voterai l'amendement de Mme Gisèle Gautier : pour une fois que l'on fait quelque chose pour les femmes, on le supprime après seulement six mois !
L'amendement n°II-85 est adopté.
L'article 54, modifié, est adopté.
Article 55
M. le président. - Amendement n°II-58, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Supprimer cet article.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - L'article remet en cause le régime des exonérations sur les services d'aide à la personne, voté à l'été 2005 et qui a suscité de nombreuses créations d'emplois. Nous n'avons pas été convaincus par les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale, qui fait une différence selon le public, fragile ou non. Distinction redoutable !
M. le président. - Amendement identique n°II-80, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés
Mme Gisèle Printz. - Effectivement, le dispositif deviendrait ingérable ! Les salariés assistent plusieurs personnes, certaines fragiles, d'autres non. Que le Gouvernement fasse preuve de cohérence : il y a deux ans, il voyait dans ce secteur un gisement d'emplois formidable et entendait en soutenir l'essor. A présent, alors que des emplois se créent, on supprime le soutien ! Cette logique comptable est dangereuse. Stabilisons plutôt la branche, veillons à la pérennisation des emplois et à la qualification des salariés. Il est trop tôt pour revenir au régime de droit commun !
M. le président. - Amendement identique n°II-90 rectifié, présenté par Mme Payet et les membres du groupe UC-UDF.
M. Jean Boyer. - Il est défendu !
L'amendement n°II-90 rectifié, identique aux précédents, n'est pas soutenu.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - A titre personnel, je suis favorable à ces amendements.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable. Le gain était modeste pour l'employeur ; et la réforme ne remet nullement en cause le soutien de l'Etat au secteur. L'effort budgétaire augmente pour atteindre 400 millions d'euros en 2008.
M. Charles Josselin. - J'ai bien écouté votre intervention à la tribune, madame la ministre. Je ne peux en approuver la philosophie générale, et notamment le procès en sorcellerie fait aux socialistes, coupables d'avoir sacrifié la valeur travail -sur l'autel de la paresse, peut-être ? En revanche, j'ai été très intéressé lorsque vous avez dit qu'il vaut mieux, plutôt que se lancer dans de nouvelles réformes, évaluer les dispositifs existants. Je me référerai au compte rendu analytique pour m'assurer d'avoir bien compris vos propos. Vous rompez ainsi avec le dogme du Président de la République qui veut tout réformer, tout de suite...
Le groupe socialiste votera cet amendement. M. Arthuis nous a indiqué que le dispositif avait fait la preuve de son efficacité avec des milliers de créations d'emplois et une aide considérable pour de nombreuses familles. Il n'y a pas de raison de supprimer ce dispositif, sauf à pratiquer une politique de Gribouille qui consisterait à le faire cesser justement parce qu'il fonctionne.
L'amendement n°II-58, identique aux amendements nosII-80 et II-90 rectifiés, est adopté et l'article 55 est supprimé.
Article 56
L'article 10 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa du I, après le mot : « effectuées », sont insérés les mots : « par l'ensemble de leurs salariés », et sont ajoutés les mots : « et pour les périodes d'emplois effectuées par leurs salariés, à compter du 1er janvier 2008, dans la limite de trente équivalents temps plein salariés et dans le respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis » ;
2° Dans les cinquième et sixième alinéas du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « À compter du 1er janvier 2007 » ;
3° Dans le septième alinéa du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, » sont supprimés ;
4° Dans le II, les mots : « du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « postérieure au 1er juillet 2004 ».
M. le président. - Amendement n°II-81, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les hôtels, cafés et restaurants sont une branche particulièrement importante et méritante de notre économie, tant pour notre quotidien que pour le développement du tourisme. Sans doute est-ce pour cela que l'ancien Président de la République avait imprudemment et électoralement promis à cette branche une baisse de la TVA à 5,5 %. Il n'a pas été en mesure de tenir cette promesse qui n'engageait pas que lui. Notre rapporteur spécial, Serge Dassault, indique dans son rapport « qu'il peine à trouver une justification du bien-fondé de cette aide dans son principe ». Il n'est pas le seul. Et depuis quatre ans, nous voyons revenir chaque année la dotation pour l'aide à cette branche : 549 millions d'euros en 2005, 534 millions en 2006 et 648 millions prévus pour 2007, soit, avec les 151 millions de l'exonération de l'avantage en nature sur les repas, un total de 799 millions.
Pour quel résultat ? Les représentants de la branche promettaient à l'époque 45 000 créations d'emplois, des hausses de salaires et des baisses de prix pour les clients. En tant que clients, nous n'avons pas remarqué de diminution des prix. Sur les salaires, la laborieuse négociation sur le Smic hôtelier a abouti à une augmentation de 5 % bruts, soit 68 euros brut par mois avec les deux repas par jour exonérés de cotisations patronales. Et il ne s'agit que des emplois à temps plein, dans une profession qui occupe beaucoup de salariés à temps partiel. Quant aux créations d'emploi, elles se sont élevées à 1 897depuis 2006, pour un coût de 470 830 euros par poste créé. C'est un record.
Le Gouvernement nous propose cette année de pérenniser cette aide, en la plafonnant aux entreprises de 30 salariés. Rien n'empêche un employeur de créer deux entreprises au lieu d'une ! Et notre rapporteur pour les finances nous indique que la prorogation « bien que critiquable, s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi d'un taux de TVA réduit ». Cet argument, pour intéressant qu'il soit, n'est pas recevable. Personne n'a obligé l'ancien président Chirac à faire cette promesse et les contribuables français n'ont pas à être pris en otage pour des résultats à peu près inexistants. L'actuel Président de la République a déclaré en décembre 2006 au congrès de la profession que, s'il n'avait pas lui-même pris ces engagements, c'était lui qui allait les tenir !
La Commission européenne aurait inscrit dans son programme de travail un projet de TVA à taux réduit pour les secteurs à fort besoin de main-d'oeuvre. Nous verrons. Pour le moment, l'absence de résultats probants et le coût de cette mesure nous conduisent à en demander la suppression. Si la décision était prise au niveau européen, comment financerions-nous les 2,5 milliards correspondants ? Dans un contexte de restrictions budgétaires et face à un engagement public aussi fort, attendons que la profession tienne ses engagements ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - La prorogation de l'aide, bien que critiquable, correspond à un engagement du Gouvernement. Le plafonnement à 30 salariés répond à un impératif de sécurité juridique au regard de la législation européenne et constitue un premier signal de réduction de l'aide. Et elle s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi d'un taux réduit de TVA. Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable.
Ce sujet se trouve à la jonction de plusieurs questions de droit européen. S'agissant de l'éventuelle application d'un taux réduit de TVA pour les professions à forte densité de main-d'oeuvre, dont font partie les hôtels, cafés et restaurants, nous avons obtenu de la Communauté européenne que la question soit évoquée en 2008 au lieu de 2010. Ensuite, pour pérenniser cette aide, nous devons respecter le principe de minimis et la plafonner au seuil de 30 salariés. Ce plafonnement ne concernera que 1,5 % des entreprises du secteur ; les autres, soit 98,5 %, continueront donc à bénéficier de cette aide.
Les 215 000 hôtels, cafés et restaurants français contribuent à l'attractivité du pays et sont un atout de notre tourisme. Ils génèrent directement un million d'emplois non délocalisables, nous souhaitons soutenir ce secteur d'activité.
Mme Annie David. - Nous voterons cet amendement. Un article sur le droit des femmes devait permettre d'économiser 4 millions d'euros, un autre article 6,5 millions. Là, c'est une économie de 700 millions qui est proposée. Quand il s'agit d'imposer des normes, on est plus strict avec les salariés qu'avec les employeurs !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Si certaines branches ont besoin d'aide, il faut que les engagements soient tenus des deux côtés. Nous sommes dans la logique des propos du Président de la République, qui annonce qu'en échange des allégements de cotisations, il doit y avoir une discussion salariale. Surtout quand l'engagement de l'État est si important : 750 millions d'euros, c'est autant que les franchises pour la sécurité sociale ! Quand il n'y a pas de résultat, il faut mettre le holà.
M. Paul Blanc. - Alors, des emplois seront supprimés !
L'amendement n°II-81 n'est pas adopté.
L'article 56 est adopté.
Article 57
Mme Annie David. - Avec cet article, vous complétez la série de mesures injustes que votre gouvernement accumule depuis l'été. Vous entendez supprimer pour 2009 l'Allocation équivalent retraite (AER), qui correspond pour 2007 à 953 euros par mois et s'adresse aux demandeurs d'emplois et Rmistes ayant validé, avant l'âge de 60 ans, 160 trimestres d'activité. Cette allocation leur permet, sous conditions de ressources, de bénéficier d'une allocation en attendant leur retraite à 60 ans.
Il y a quelques semaines, le Gouvernement à lancé plusieurs pistes : taxation des préretraites, suppression des clauses couperet, du dispositif carrière longue et de l'AER. En fait, il s'agissait de tester les réactions : en cas de forte opposition, le projet est retiré, comme pour le dispositif carrière longue. Sinon, vous forcez le passage, comme vous le faites aujourd'hui avec l'AER, qui n'est pourtant pas très éloignée du dispositif carrière longue. Le public est le même : des salariés, souvent des ouvriers, qui ont accumulé 160 trimestres avant d'avoir atteint l'âge légal de départ à la retraite.
L'AER répond donc à une réalité sociale : il faut permettre à un salarié usé par sa vie professionnelle de bénéficier d'une allocation en attendant ses 60 ans. Alors que vous parlez d'équité et que vous voulez ouvrir un grand débat sur la pénibilité, vous seriez bien inspiré de retirer cette mesure. Les publics concernés ont, par définition, commencé à travailler très jeune alors que les conditions de travail étaient rudes. Ils ont été exposés à des poussières de charbon ou à de l'amiante, ils ont fait des travaux de force ou, plus simplement, ils ont travaillé dès 16 ans.
Votre gouvernement, loin de reconnaître leurs droits à un repos bien mérité, souhaite les voir travailler encore et encore. Ils ont suffisamment de trimestres, mais ils n'ont pas atteint 60 ans ? Qu'ils travaillent encore ! Supprimer cette allocation, c'est une nouvelle fois précariser les seniors aux revenus les plus modestes. Vous ne favoriserez pour autant pas leur retour à l'emploi. Vous les condamnerez, au contraire, pour les quelques années qui les séparent de la retraite, au chômage, ce qui diminuera considérablement leur pension.
Cet article est à l'image de la société dont vous rêvez : des actifs qui prennent en charge leurs enfants et leurs parents. Avec cette mesure, vous espérez 60 millions d'économies au détriment de salariés ayant contribué au rayonnement de la France !
M. le président. - Amendement n°II-82, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Comme vient de le dire Mme David, cet article prévoit la suppression de l'AER. Vouloir inciter ces personnes qui ont travaillé très jeune à retrouver un emploi au nom de maintien dans l'emploi des séniors, c'est décidément mettre la charrue avant les boeufs, d'autant que le plan séniors du Gouvernement ne donne aucun résultat. Leur taux d'activité a encore baissé depuis deux ans.
L'an dernier, le Sénat avait, à l'unanimité, supprimé les mises à la retraite d'office mais le Gouvernement l'avait rétabli par amendement après la réunion de la commission mixte paritaire. C'est dire que nous ne sommes pas contre le travail des seniors !
Mais avec cet article, vous proposez une mesure coercitive pour les salariés de préférence les plus modestes : les chômeurs âgés qui ont eu une vie professionnelle longue -puisqu'ils ont cotisé cent soixante trimestre- et souvent dure vont voir leur allocation supprimée : les 953 euros mensuels qu'ils touchaient jusqu'à présent vont se muer en 435 euros, puisqu'on leur versera l'ASS, allocation pour les chômeurs en fin de droit ! Est-ce que l'un d'entre vous imagine vivre avec cette somme ? Vous voulez, dites-vous, encourager le retour à l'emploi des seniors. Mais quel employeur va embaucher un salarié d'au moins 56 ans ?
M. Guy Fischer. - C'est le bon sens !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Comment osez-vous proposer cette mesure, alors que vous avez décidé de supprimer l'impôt de bourse, ce qui va coûter 260 millions à l'État ?
M. Guy Fischer. - Il y a deux poids et deux mesures !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Bref, une fois de plus, le revenu des plus modestes va diminuer. Vous avez parlé tout à l'heure de la valeur travail. Quand on a commencé sa vie professionnelle très jeune, et je sais de quoi je parle, la reconnaissance de la valeur travail serait de ne pas supprimer l'AES ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°II-42, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.
I - Rédiger comme suit le I de cet article :
I. - L'article L. 351-10-1 du code du travail est abrogé à compter du 1er janvier 2008.
Les articles L. 5423-18 à L. 5423-23 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont abrogés à leur date d'entrée en vigueur.
II - Au II de cet article, remplacer la date :
1er janvier 2009
par la date :
1er janvier 2008
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'Assemblée nationale a reporté au 1er janvier 2009 l'entrée en vigueur de la suppression de l'AER. Ce faisant, l'article 57 serait dépourvu de tout effet pendant l'année prochaine.
Nous vous proposons donc de rétablir la rédaction initiale de l'article 57 fixant au 1er janvier 2008 la date d'entrée en vigueur de la suppression de cette allocation.
M. le président. - Amendement identique n°II-50, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Même avis.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Cet article a été modifié par l'Assemblée nationale afin que la mise en application de cette mesure n'intervienne qu'au 1er janvier 2009. Je suis donc défavorable à l'amendement de M. Godefroy mais aussi à ceux des commissions car il faut mettre à profit la période qui s'ouvre pour apprécier le dispositif.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Puisque cette mesure n'interviendra qu'en 2009, pourquoi la voter maintenant ? Faites-nous des propositions l'an prochain et nous verrons bien, mais il n'est pas utile de voter cet article.
M. Guy Fischer. - Nous voterons la suppression de cet article car cette mesure est profondément inégalitaire, voire méprisante. Franchement, compte tenu de la population concernée, il y a vraiment deux poids deux mesures ! Cette mesure n'est pas à la hauteur de votre gouvernement car elle va frapper des gens qui ont donné toute leur vie au travail et qui sont totalement usés. Nos parents, et plus particulièrement nos pères, car nos mères ne travaillent pas à l'époque, sont morts avant même d'avoir pu jouir de leur retraite.
M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai entendu vos propos, messieurs Fischer et Godefroy : sur la pénibilité, on peut faire mieux qu'en parler et c'est pourquoi nous prévoyons le rendez-vous retraites. Aujourd'hui, le Gouvernement prévoit que la mesure qui devait s'appliquer dès l'année prochaine soit retardée d'un an. Pourquoi ? Parce que M. le Premier ministre, Mme Lagarde et moi-même avons entendu les partenaires sociaux et notamment la CFDT et FO. C'est pourquoi nous avons accepté l'amendement de l'Assemblée nationale afin d'examiner sereinement cette question l'année prochaine lors du débat sur les seniors. Nous ne voulions pas que certains de nos concitoyens soient perdants et il ne fallait surtout pas que leur pouvoir d'achat diminue en passant de l'AER à l'ASS.
Ce que nous voulons, c'est maintenir dans l'emploi les seniors et la position du Gouvernement est sans doute équilibrée puisqu'il est défavorable à la fois à l'amendement de suppression et aux amendements de rétablissement de la mesure dès 2008. Bref, il faut un débat serein et apaisé sur les mesures qu'il convient de prendre en faveur des salariés éloignées de l'emploi.
M. Guy Fischer. - Il fallait attendre !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Il fallait entendre ! (Sourires)
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°II-82 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - La commission n'a pas pu se réunir, mais les arguments de M. le ministre m'ont convaincu. (Applaudissements à droite)
L'amendement n°II-50 est retiré.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Idem.
L'amendement n°II-42 est retiré.
L'article 57 est adopté.
Article 58
I. - Le I de l'article L. 322-13 du code du travail et le I de l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 9 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont ainsi modifiés :
1° Les mots : « dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 % » sont remplacés par les mots : « conformément à un barème dégressif déterminé par décret et tel que l'exonération soit totale pour une rémunération horaire inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 50 % et devienne nulle pour une rémunération horaire égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 140 % » ;
2° La référence : « 1031 » est remplacée par la référence : « L. 741-10 ».
II. - Les dispositions des articles L. 322-13 du code du travail et L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du 1° du I sont applicables aux contrats de travail dont la date d'effet est postérieure au 1er janvier 2008. Les exonérations applicables aux contrats de travail ayant pris effet avant cette date restent régies par les dispositions de ces articles dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
M. le président. - Amendement n°II-83, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Gisèle Printz. - Cet article instaure un barème dégressif plafonné dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU), pour les rémunérations excédant un Smic et demi. Le gain attendu de cette opération est de 16 millions. Le Gouvernement explique qu'il veut cibler les exonérations sur les emplois les moins qualifiés. Or, il faut favoriser tous les emplois dans ces zones prioritaires : avec le seuil d'un Smic et demi, les salaires seront nivelés par le bas, tandis que les salariés les plus qualifiés éviteront ces territoires. Le Gouvernement et la majorité considèrent-ils que les populations de ces zones ne sont pas ou ne doivent pas être payées plus qu'un Smic et demi ?
Cette trappe à bas salaires est injuste, nous la supprimons.
M. le président. - Amendement n°II-60 rectifié bis, présenté par M. Jacques Blanc, Mme Procaccia et M. Lecerf.
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
... - L'article L. 322-14 du code du travail résultant du 2° du II de l'article 19 de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :
« Art. L. 322-14.- L'exonération définie à l'article L. 322-13 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.
« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 322-13, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »
... - L'article L. 131-4-3 du code la sécurité sociale résultant du 2° du III de l'article 19 de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-4-3.- L'exonération définie à l'article L. 131-4-2 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.
« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 131-4-2, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »
... - 1. La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension du dispositif d'exonération spécifique en faveur des organismes d'intérêt général est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2. La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Catherine Procaccia. - L'article 12 du projet de loi de financement prévoyait de supprimer l'exonération des charges sociales prévue par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. A la suite de négociations difficiles, un équilibre a été trouvé à l'Assemblée nationale : l'exonération a été maintenue pour les ZRR jusqu'au bilan de 2009 pour les salariés embauchés jusqu'au 1er novembre 2007.
Pour préserver cet équilibre, nous précisons que la dégressivité des exonérations au-delà d'1,5 Smic ne s'applique pas pour des organismes d'intérêt général situés en ZRR. Nous proposons également de ne pas appliquer cette dégressivité lorsque les embauches portent sur des effectifs de plus de cinquante salariés.
Cette exonération n'a pas deux ans, laissons lui un peu de temps, ce sera utile aux territoires ruraux !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Avis défavorable à l'amendement n°II-83.
Que pense le Gouvernement de l'amendement n°II-60 rectifié bis ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Cet article plafonne l'exonération ciblée et instaure une dégressivité à partir d'1,5 Smic, il va dans le sens du pouvoir d'achat et contre les effets de trappe. Les analyses montrent en effet que les exonérations ciblées encouragent surtout l'emploi peu qualifié. Avis défavorable à l'amendement n°II-83.
La différenciation des ZRR serait complexe et introduirait une différence de traitement : avis défavorable à l'amendement n°II-60 rectifié bis.
M. Paul Blanc. - Élu du monde rural, je connais les grandes difficultés d'installation et de survie des entreprises, malgré les efforts entrepris pour les aider. L'exonération est une bonne chose, elle est prévue jusqu'à l'évaluation de 2009, pourquoi la supprimer ? Je voterai l'amendement n°II-83.
Mme Annie David. - Nous avons voté l'article 12 du projet de loi de financement il y a quelques jours à peine, il y a été décidé que les mesures seraient évaluées, mais aujourd'hui le Gouvernement supprime l'exonération ! C'est à se demander si la rupture ne passe pas à l'intérieur même du Gouvernement !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Rassurez-vous, il y a une parfaite solidarité au sein du Gouvernement ! Il ne s'agit pas de supprimer ces exonérations mais de les plafonner en introduisant une dégressivité au-delà du plafond, pour une meilleure efficacité.
Mme Annie David. - On revient sur ce qui a été voté il y a quelques jours !
L'amendement n°II-83 est adopté ; l'article 58 est supprimé.
L'amendement n°60 rectifié bis devient sans objet.
Article 59
I. - 1. L'article L. 351-10-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »
2. L'article L. 5423-7 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 351-10-2 précité est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'allocation de fin de formation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »
II. - L'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est ainsi modifié :
1° Après le 5°, sont insérés un 6° et un 7° ainsi rédigés :
« 6° De l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 351-10-2 du code du travail et par l'article L. 5423-7 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) ;
« 7° Des cotisations sociales afférentes aux allocations ci-dessus mentionnées. » ;
2° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Il reçoit la contribution exceptionnelle de solidarité créée par la présente loi. Le produit de cette contribution ne peut recevoir d'autre emploi. Le fonds reçoit également, le cas échéant, une subvention de l'État et de manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. »
III. - Il est institué en 2008, au bénéfice du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, un prélèvement de 200 millions d'euros sur le fonds national mentionné à l'article L. 961-13 du code du travail et à l'article L. 6332-18 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative). Le prélèvement est opéré en deux versements, le premier avant le 1er juin 2008 et le second avant le 1er décembre 2008. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
IV. - Les I et II s'appliquent à compter du 1er janvier 2008.
M. le président. - Amendement n°II-84, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Godefroy. - M. Souvet s'étonne dans son rapport que cette nouvelle charge confiée au fonds de solidarité ne soit pas accompagnée d'une recette pérenne. Une fois de plus, le Gouvernement va chercher les fonds manquants là où il les trouve... Le fonds unique de péréquation (FUP) des Opca a déjà été ponctionné l'an dernier de 175 millions pour financer I'Afpa. De tels expédients ne témoignent pas d'une bonne gestion budgétaire. On ne peut à la fois prétendre promouvoir la formation professionnelle pour favoriser la compétitivité de nos entreprises et ponctionner les fonds qui lui sont destinés ! C'est obérer l'avenir.
M. le président. - Amendement n°II-103, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi le IV de cet article :
IV. - Le I et le 1° du II s'appliquent à l'ensemble des sommes exigibles à compter du 1er janvier 2008 au titre de l'allocation de fin de formation.
Mme Christine Lagarde, ministre. - L'article 59 prélève sur le FUP les soldes non utilisés pour la formation professionnelle pour les consacrer aux chômeurs qui retrouvent un emploi dans des métiers à forte tension. Ce mécanisme de prélèvement, qui a fait la preuve de son efficacité l'an dernier, permet d'assurer une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail, qui est une finalité du FUP. Avis défavorable à l'amendement n°II-84.
L'article 59 met l'allocation de fin de formation (AFF), jusqu'à présent prise en charge par l'État, à la charge du Fonds de solidarité, en contrepartie du prélèvement sur le FUP. L'amendement n°II-103 précise les modalités de ce transfert.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Défavorable à l'amendement de suppression, favorable à l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°II-84 n'est pas adopté.
L'amendement n°II-103 est adopté.
L'article 59, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°II-43, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.
Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 129-8 du code du travail, les mots : « dès lors que ce titre peut bénéficier également à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les même règles d'attribution » sont remplacés par les mots : « dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution ».
II. - Le premier alinéa de l'article L. 1271-12 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 est ainsi rédigé :
« Le chèque emploi-service universel, lorsqu'il a la nature d'un titre spécial de paiement, peut être préfinancé en tout ou partie par une personne physique ou morale au bénéfice de ses salariés, agents, ayants droit, retraités, administrés, sociétaires, adhérents ou assurés, ainsi que du chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, de son président, de son directeur général, de son ou ses directeurs généraux délégués, de ses gérants ou des membres de son directoire, dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution. »
III. - Le I du présent article est applicable au chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, à son président, son directeur général, son ou ses directeurs généraux délégués, ses gérants ou les membres de son directoire au bénéfice des chèques emploi service délivrés depuis le 1er janvier 2007.
IV. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension aux chefs d'entreprises du chèque emploi service universel est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575-A du code général des impôts.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 146 de la loi de finances pour 2007, qui a complété la liste des bénéficiaires du chèque emploi service (Cesu) prévue par l'article L. 129-8 du code du travail en y incluant les « assurés », les « clients » et les chefs d'entreprises, fait l'objet d'une divergence d'interprétation. Selon le ministère de l'emploi, l'entrepreneur individuel, quel que soit son statut juridique, doit pouvoir bénéficier du chèque emploi service. De fait, les organismes habilités ont délivré les Cesu préfinancés aux chefs d'entreprise, y compris en l'absence de salariés. En revanche, l'administration fiscale, dans l'instruction du 17 octobre 2007, subordonne cette extension à la condition que l'aide financière bénéficie à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les mêmes règles d'attribution. C'est une interprétation restrictive de la loi.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je demanderai à mes services fiscaux de corriger l'interprétation donnée par l'instruction du 17 octobre, qui n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Retrait ?
L'amendement n°II-43 est retiré.
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Orateurs inscrits
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances. - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est encore plus interministérielle que l'ancienne mission « Solidarité et intégration » : désormais cinq ministres sont compétents. Les crédits, qui s'élèvent à plus de 12 milliards, répartis en sept programmes, ne donnent toutefois pas une vision exhaustive de la mission, les dépenses fiscales atteignant 14,6 milliards.
De manière générale, les marges de manoeuvre sont faibles : les dépenses les plus importantes, comme l'allocation adulte handicapé (AAH) ou l'allocation de parent isolé (API), sont difficilement maîtrisables, dans la mesure où elles répondent à une logique de guichet.
Ce projet de budget, inscrit dans un cadre assaini, traduit de réels efforts. L'État a remboursé, en octobre, les dettes qu'il avait contractées, au 31 décembre 2006, à l'égard du régime général de la sécurité sociale. Sur ces 5,1 milliards, 1,6 milliard est rattaché au champ « santé et solidarité », dont 920 millions pour de l'aide médicale de l'État et 409 millions pour l'allocation de parent isolé (API). Ces chiffres soulignent cependant la sous-budgétisation récurrente dont a souffert la mission dans le passé. Le texte en tient compte et réévalue les crédits, notamment ceux de l'aide médicale de l'État, qui passent de 233,5 millions en 2007 à 413 millions en 2008. Mais, en dépit de ces efforts, la situation reste tendue sur plusieurs programmes.
Si le texte traduit une forte mobilisation en faveur des personnes les plus vulnérables, 81,8 millions supplémentaires allant à trois postes de dépenses -les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, l'hébergement d'urgence et les maisons-relais-, augmentation qui fait suite aux engagements pris dans le cadre du plan d'action renforcé pour les sans-abris (Parsa) et de la loi instituant le droit au logement opposable, les crédits restent insuffisants, notamment pour l'hébergement d'urgence, traditionnellement sous-doté en loi de finances initiale. Les crédits destinés à l'aide alimentaire diminuent, alors que l'exécution 2006 témoigne de besoins bien plus importants. Je vous proposerai donc de les majorer. Enfin, le ministère doit faire face à une dette évaluée, fin 2006, à plus de 20 millions au titre de certaines dépenses d'action sociale. Je souhaite, madame la ministre, qu'après nous avoir précisé l'évolution de la situation en 2007, vous nous indiquiez comment le Gouvernement entend y remédier.
Les hypothèses de dépenses retenues pour l'API, qui mobilise plus d'un milliard en 2008, et l'allocation adulte handicapé (AAH), qui, avec 5,4 milliards représente à elle seule plus de 47 % des crédits de la mission me paraissent bien volontaristes : les économies attendues devront être au rendez-vous, faute de quoi les crédits inscrits ne permettront pas de faire face aux besoins. Je souhaite des précisions complémentaires sur l'évolution des dépenses sur ces deux postes.
Les crédits destinés au financement des tutelles et curatelles d'État ont été fortement réévalués, ce dont on ne peut que se féliciter. En 2006 et 2007, ils s'étaient révélés insuffisants pour faire face aux besoins. Les dettes de l'État atteindraient ainsi 34,5 millions fin 2007. Le ministère m'a d'ailleurs indiqué que, si aucune mesure n'est prise, la fin de cet exercice pourrait être difficile. Comment entendez-vous faire face, madame la ministre, à cette situation ?
Deux observations sur le programme « protection maladie ». D'une part, il convient de saluer la réévaluation de la dotation prévue pour financer le dispositif de l'aide médicale de l'État. Toutefois, le projet annuel de performances retient le chiffre de 102 millions d'économies pour tenir la dépense, ce qui semble un minimum compte tenu des évolutions constatées. Quelles options avez-vous retenu pour y parvenir, madame la ministre, et selon quel calendrier ?
D'autre part, l'inscription d'une subvention de 50 millions au profit du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), répondant aux remarques formulées par la mission commune d'information du Sénat, porte reconnaissance de la responsabilité de l'État dans cette tragédie. Toutefois, le fonds de roulement du Fiva pouvant être estimé à 97 millions fin 2008, la commission des finances estime qu'une partie de la subvention prévue pourrait être redéployée en cours d'année en cas de besoins trop importants sur l'aide médicale de l'État.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle présente, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission et les articles rattachés.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Nous sommes bien face à un budget d'intervention et d'impulsion. Avec 12 milliards consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » auxquels s'ajoutent 14 milliards d'aides fiscales, la politique du handicap et de la dépendance mobilise près de 50 milliards, si l'on tient compte de la contribution des départements, de la sécurité sociale et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), sans compter les 6 milliards consacrés au financement du RMI, compensés aux départements par une fraction de la TIPP et le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI).
Les crédits de la mission permettent de financer deux grandes priorités : les politiques relatives au handicap et à la dépendance, qui en mobilisent plus des deux tiers, et les politiques de solidarité, s'exerçant principalement dans trois domaines : l'accueil des personnes dépourvues de logement, l'amélioration des conditions d'accès aux soins pour les plus démunis et l'incitation au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.
Notre commission salue l'effort de sincérité budgétaire et d'assainissement des comptes publics qui a conduit l'État à rembourser à la sécurité sociale la dette accumulée, au titre de l'AAH, de l'API, du minimum invalidité et de l'AME et à revaloriser -de façon parfois spectaculaire- les crédits alloués à ces quatre prestations, constamment sous-dotées par le passé. Néanmoins, madame la ministre, quelles sont les mesures correctrices envisagées pour 2007, notamment pour l'AME, l'API et l'AAH ? La commission note également les résultats encourageants des politiques de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et de l'API, dont on observe en effet, pour la première fois, la diminution du nombre des bénéficiaires.
Mais qui aime bien châtie bien : j'en viens à des observations plus critiques. Tout d'abord, les crédits consacrés en 2008 à la veille sociale et à l'hébergement d'urgence seront, à mon sens, insuffisants pour financer les objectifs ambitieux du plan d'action renforcé pour les personnes sans-abri. C'est pourquoi, je proposerai un amendement pour transférer, au profit de ces actions, des crédits supplémentaires.
Je regrette de même qu'aucun crédit ne soit prévu pour assainir la situation financière des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), ainsi que l'avait préconisé l'audit de 2003 : je présenterai donc un amendement pour réparer cet oubli.
Sur la politique en faveur du handicap, qui me tient particulièrement à coeur, je signale une nouvelle fois les dysfonctionnements qui résultent de l'interprétation trop restrictive du décret du 25 mars 2004 relatif aux conseils de la vie sociale institués dans les établissements médicosociaux par la loi du 2 janvier 2002. Il en découle parfois que des personnes handicapées mentales président ces structures, ce qui peut paraître singulier. Ce texte sera-t-il bientôt modifié ? Se pose également la question du financement, dans ces établissements, des heures supplémentaires, rendu particulièrement problématique par la loi sur les 35 heures. Il faudra mettre en application la déclaration du Président de la République.
De lourdes interrogations pèsent en outre sur la compensation du handicap : la prestation de compensation suscite encore des réticences de la part des personnes handicapées. Le maintien transitoire des anciens dispositifs, tels que la prise en charge des forfaits d'auxiliaires de vie, et la mise en place effective des fonds départementaux de compensation me paraissent donc indispensables. Or les crédits qui y étaient consacrés sont supprimés et ceux qu'apportent les fonds de concours n'offrent, me semble-t-il, aucune garantie pour l'avenir. Quelles sont, en cette matière, les intentions du Gouvernement ?
Cela me conduit à poser la question des excédents accumulés au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH) par les départements : si cette situation n'est que temporaire, notre commission suggère néanmoins, par souci de bonne gestion, d'utiliser ces fonds pour financer des opérations de mise en accessibilité des bâtiments publics.
J'en viens à la création d'une cinquième « branche » -je préfère à cinquième « risque »- de la protection sociale, relative à la perte d'autonomie, qui suscite bien des interrogations. A-t-on déjà des précisions quant à sa définition et ses modalités de financement ?
Je m'étonne également de la disparition des crédits alloués au Fonds interministériel pour l'accessibilité des personnes handicapées (Fiah), alors que vous avez avancé au 31 décembre 2008 -ce dont je me réjouis- l'échéance pour l'établissement des diagnostics d'accessibilité. Le financement de ce fonds via un fonds de concours rend en effet son avenir précaire. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?
Enfin, la mise en place laborieuse du fonds « fonction publique » pour l'emploi des handicapés a fait naître des doutes sur la volonté réelle de l'État de mobiliser les moyens nécessaires à l'intégration de ces personnes dans les trois fonctions publiques. La nomination récente d'un nouveau président et d'un nouveau directeur permettent d'être plus optimistes. Nous souhaitons que le FIPHFP se rapproche de l'Association de gestion des fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEPHIP) et s'inspire des actions exemplaires que celle-ci a menées en ce domaine. Nous avions d'ailleurs plaidé pour la fusion de ces structures ainsi que pour l'extension de leur mission à l'accessibilité des locaux professionnels.
Les crédits consacrés à la solidarité et aux personnes handicapées et dépendantes permettent la mise en oeuvre des priorités fixées. Sous réserve de l'adoption de ses amendements, notre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et des articles rattachés.
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - La promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes bénéficie des crédits d'un programme spécifique au sein de la mission interministérielle « solidarité, insertion et égalité des chances ». Les crédits de paiement prévus pour ce programme restent stables. En dehors des sommes affectées aux moyens de fonctionnement humains et matériels au service des droits des femmes et de l'égalité, qui progressent faiblement, ces crédits sont consacrés à des dépenses d'intervention, dont le montant n'augmente pas cette année, alors que les besoins se font de plus en plus pressants, notamment dans le domaine des violences intrafamiliales ou dans celui de « l'imparité » salariale. Ces dépenses d'intervention sont, pour l'essentiel, destinées à deux actions tendant à favoriser respectivement l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l'égalité en droit et en dignité.
Je me réjouis que le Gouvernement ait retenu l'égalité professionnelle comme une priorité d'action pour son action, conformément aux engagements pris par le Président de la République, et je remercie M. Xavier Bertrand de m'avoir invitée à la Conférence sociale du 26 novembre. En dépit des nombreuses lois déjà adoptées, les inégalités salariales perdurent, avec un écart moyen de 20 %. J'approuve donc les mesures annoncées par le ministre en vue de parvenir à une égalité effective, et en particulier la présentation l'année prochaine d'un nouveau projet de loi tendant à instituer des sanctions financières, applicables dès 2010, aux entreprises qui ne se conformeraient pas à l'obligation de négocier, prévue par la loi du 23 mars 2006 sur l'égalité salariale. En effet, si l'incitation ne suffit pas, il faut bien en venir à la sanction, les pénalités financières me semblant plus appropriées que les sanctions pénales. Je me félicite également que cette conférence ait reconnu l'amélioration de l'orientation comme importante pour lutter contre la ségrégation professionnelle des femmes, aujourd'hui cantonnées dans un nombre très limité de filières, pour réduire ainsi les facteurs structurels d'inégalité professionnelle et de chômage. Notre délégation aux droits des femmes a choisi de retenir comme thème d'étude « l'orientation et l'insertion professionnelles », sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers, et a engagé un nouveau cycle d'auditions sur ce thème. Nous pourrons ainsi travailler en symbiose avec le Gouvernement sur ce sujet.
Les crédits affectés à l'action « égalité en droit et en dignité » contribueront au financement des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles, ainsi que de la Fédération nationale solidarité femmes, chargée de gérer le numéro d'appel national « 39.19 » à l'intention des femmes victimes de violences conjugales, qui doit faire face à un nombre grandissant d'appels et dont il faudra très vite envisager la régionalisation. Les crédits de cette action financeront également d'autres associations offrant différents lieux d'accueil, d'écoute et d'orientation aux femmes victimes de violences. Ces crédits sont donc indispensables au plan de lutte contre les violences faites aux femmes que vous venez de présenter, madame la ministre, dans la continuité du plan précédemment mis en place par Mmes Ameline et Vautrin et pour continuer de financer des associations.
A l'occasion d'un déplacement à La Réunion, Mme Payet m'a permis d'apprécier l'intérêt de certaines expérimentations menées par le milieu associatif : par exemple, l'hébergement d'urgence de femmes victimes de violences dans des familles d'accueil qui ont reçu une formation spécifique, ou la mise en place de groupes de parole à l'intention des hommes violents afin que ceux-ci analysent leur comportement pour éviter la récidive. D'où ma surprise devant les amendements présentés par les commissions des finances et des affaires sociales, qui tendent à amputer ces crédits, déjà peu élevés, d'1 million d'euros pour créer 85 places en centres d'hébergement d'urgence, notamment à l'intention de femmes victimes de violences. Je ne peux qu'être favorable à la création de ces nouvelles places mais faut-il pour autant réduire des crédits destinés à d'autres actions de lutte contre les violences à l'égard des femmes ? Ces crédits n'ont pas été entièrement consommés les années précédentes, en raison de mesures de «gel» mais cette année, contrairement aux années précédentes, ils ne bénéficient d'aucune augmentation dans le projet de loi de finances.
Les crédits de l'État en faveur des droits des femmes ne se limitent pas aux crédits du seul programme consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Récapitulé au sein d'un « jaune » budgétaire, malheureusement encore lacunaire, l'effort financier de l'État pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes bénéficie des concours d'une dizaine de ministères.
Au-delà d'une approche strictement budgétaire, l'efficacité de l'action publique en faveur des droits des femmes est aussi une affaire de volonté politique, elle passe par un meilleur suivi des dépenses et des actions engagées. De par son rôle de veille, la délégation que j'ai l'honneur de présider contribue à ce suivi et je me réjouis à cet égard, madame la ministre, de l'étroite coopération engagée depuis que vous avez pris en charge ces dossiers au Gouvernement, comme l'ont fait d'ailleurs avec beaucoup de pugnacité vos prédécesseurs auxquels je rends hommage. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Annie David. - Dans ce premier budget d'un gouvernement destiné à mener à bien un programme que le Président de la République a qualifié de «rupture», je ne vois que continuité et aggravation des politiques menées depuis 2002. Le mot qui me vient à l'esprit pour définir la part allouée à cette mission est insuffisante, voire même indigente. Le candidat Sarkozy a beaucoup promis : le droit au logement opposable, qui n'a d'effet que sur le papier ; l'accroissement de 25 % du montant de l'Allocation d'adulte handicapé ; l'extension de la CMU complémentaire ; une priorité pour la lutte en faveur de l'égalité homme/femme. Après le temps de la campagne, voici venu celui des actes ; il y a un gouffre entre la première et les seconds.
La présente mission n'échappe pas à ce constat, et son bel intitulé risque fort de ne pas devenir réalité. Pire, ce projet de loi de finances aggravera la situation des plus pauvres et des plus précaires. On le voit à l'article 49 sur l'aide médicale d'État. Les économies attendues de cet article sont à mettre en regard des 15 milliards de cadeaux fiscaux accordés en catimini cet été par la loi Tepa -somme d'ailleurs supérieure aux 12,04 milliards de la mission tout entière. Le symbole est clair : le Gouvernement a fait le choix de restaurer les privilèges des riches ; pour l'immense majorité des Français, la galère et les fins de mois difficiles continueront. Mais si le Gouvernement a trouvé les moyens de satisfaire les plus riches, il peine à doper la croissance, preuve que la loi Tepa est inefficace et ne parvient pas à augmenter le pouvoir d'achat. On m'opposera les heures supplémentaires ; mais la grande majorité des salariés à temps partiel, pour qui cette situation est plus une contrainte qu'un choix, préférerait un emploi à temps plein, en particulier les femmes.
Le programme 137 « égalité entre les hommes et les femmes » regroupe 28,5 millions d'euros, soit à peine plus qu'en 2007. Tous les crédits n'ont pas été consommés ? Il est tellement facile de ne pas dépenser, surtout lorsqu'il s'agit de faire avancer le droit des femmes ! Les actions « accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision » et « égalité en droit et en dignité » sont même en baisse. J'y reviendrai lors de l'examen de l'amendement du rapporteur spécial qui déshabille Pierre pour habiller Paul. C'est le total de la mission qu'il faut abonder !
Pourtant, de trop nombreuses femmes de notre pays subissent encore insultes et comportements sexistes, violences conjugales, patriarcat, exploitation sexuelle, discriminations de toutes sortes. L'étude réalisée par l'Insee en 2005, mise à jour en juillet 2007, confirme qu'à travail égal, les femmes sont moins payées que les hommes. Là où un ouvrier gagne 17 290 euros annuels en moyenne, une ouvrière en gagne 14 357 ; là où un employé gagne 16 772 euros, une employée en gagne 15 755 ; l'écart est encore plus grand chez les cadres, où les femmes perçoivent en moyenne 37 253 euros annuels, contre 48 121 pour leurs collègues masculins. Et parmi les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, quel que soit l'âge, il y a plus de femmes que d'hommes. Les réponses apportées par la conférence sociale sur l'égalité professionnelle et salariale du 26 novembre sont bien faibles au regard de l'enjeu. Certaines me satisfont, notamment les pénalités financières, mais je regrette le temps perdu : j'avais en effet, lors de l'examen du projet de loi « égalité salariale entre les hommes et les femmes » défendu cette idée. Mme Ameline m'avait alors renvoyée dans les cordes ! Je me réjouis que le Gouvernement nous rejoigne et j'espère qu'il le fera encore sur la question des temps partiels. Seulement 24 contrats d'égalité professionnelle sont prévus ; c'est dérisoire. On ne peut pas dire que le Gouvernement redouble d'effort lorsqu'il s'agit de promouvoir l'égalité professionnelle !
Le programme 157 « handicap et dépendance » est lui aussi insuffisamment doté. L'Allocation adultes handicapés (AAH), avec un montant de 621,37 euros, reste en deçà du seuil de pauvreté. Le candidat Sarkozy avait promis qu'elle augmenterait de 25 %, elle ne progressera que de 2,1 %. Nous avions souhaité, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, exonérer les bénéficiaires de l'AAH des franchises médicales. Vous avez refusé. Nous avions aussi suggéré d'augmenter le plafond de ressources de la CMU afin de leur permettre d'en bénéficier. Votre réponse, d'une grande violence, nous a choqués, comme elle a choqué les associations. Vous aviez justifié votre refus par le fait que le gouvernement Jospin ne l'avait pas fait. Ce n'était guère convaincant.
Le programme 177 est, lui, en diminution. La loi Dalo du 5 mars 2007 a fait naître de grands espoirs chez les mal logés et les sans-logements. Vous avez fait croire que le Gouvernement construirait davantage de logements sociaux, qu'il répondrait à l'urgence comme aux besoins de longue durée. Le droit au logement, nous le disions, sera au final opposable non à l'État mais aux maires ; il ne répondra pas à la crise du logement. Les crédits sont indigents ; affichés à 855 millions, ils baissent de 3 %, bien plus en réalité si l'on prend en compte les 94 millions destinés au plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri (Parsa) inscrits en 2007. Il y a ainsi l'affichage, puis la réalité ; mais les mal logés, les sans-logis ne le savent que trop. Une mesure concrète aurait pu être prise : la réquisition des logements vacants. Au lieu de cela, le Gouvernement envoie les CRS déloger brutalement les familles de la rue de la Banque... La situation est pourtant loin de s'améliorer : sur les 27 000 places d'hébergements prévues en 2007, seules 14 000 seront construites. Je regrette que vous ne preniez pas la mesure de l'urgence.
Je ne reviens pas sur la polémique autour de la proposition de l'UMP d'exclure les étrangers des centres d'hébergements ; sous la pression des associations, elle a heureusement fait long feu. Mais elle illustre une atmosphère provoquée par la création du ministère de l'identité nationale et des tests ADN.
Récemment encore, une chaîne de télévision du service public interrogeait M. Martinon, candidat à la mairie de Neuilly, qui se satisfaisait du pourcentage de logements sociaux dans sa ville, allant même jusqu'à préciser : « il n'y a pas à Neuilly que des gens très riches, il y a aussi des gens moyennement riches ». En tout cas, il n'y a pas de pauvres : avec 2,45 % de logements sociaux, soit moins de 400 logements, en majorité des PLS, comment en irait-il autrement ? Vous pourriez demander aux préfets de se substituer aux maires qui violent la loi SRU, ce qui ne coûterait rien à l'État et serait très efficace.
Le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Delfau. - Les crédits de cette mission sont importants, plus de 12 milliards d'euros ; mais ils restent en deçà des dépenses, qui atteignent 14,6 milliards. La mission couvre un large champ d'intervention.
Le programme « handicap et dépendance » n'est pas suffisamment doté. Le handicap était pourtant une des priorités du candidat Sarkozy qui déclarait, en avril : « je considère que l'AAH de permet pas de vivre décemment ; elle n'atteint même pas le seuil de pauvreté. Au nom de la solidarité la plus élémentaire, je propose de la revaloriser de 25 % ». On en est loin : elle ne progressera que de 2,1 % et de 13,05 euros par mois ; elle restera inférieure de 200 euros au seuil de pauvreté. Il est urgent de l'augmenter significativement pour que les handicapés puissent vivre dans la dignité. Allez-vous respecter l'engagement présidentiel ? Près de 800 000 personnes attendent votre réponse avec impatience.
La question de l'insertion professionnelle est tout aussi préoccupante. Le nombre de travailleurs handicapés à la recherche d'un emploi a certes diminué de 10 %, mais les objectifs de la loi de 1987 ne sont toujours pas atteints. Dans la fonction publique, le taux moyen d'emploi est de 4,5 %, et près d'une entreprise sur deux ne respecte pas le quota de 6 %, malgré les incitations financières et les campagnes de sensibilisation. Le taux de chômage des handicapés est deux fois supérieur à celui des autres salariés ; leur période de chômage est plus longue, il leur est plus difficile de s'insérer ou de rester dans l'emploi.
Il faut une nouvelle mobilisation des élus et décideurs économiques, région par région. Le Gouvernement affiche sa volonté de mieux intégrer les handicapés dans les trois fonctions publiques. Pour l'heure, il y a un malaise au sein des établissements médicosociaux, notamment ceux placés sous la tutelle de l'État. Trop peu de places, en centre d'aide par le travail par exemple. Des budgets trop faibles, qui tirent vers le bas la qualité de l'accueil et des soins. Bref, beaucoup reste à faire. Tous les présidents d'association, les directeurs d'établissements ont eu à répondre à des familles dans l'angoisse qu'il n'y avait pas de place...
Le climat conflictuel entre l'administration et les associations gestionnaires n'arrange rien : les règles ne sont pas claires, les crédits sont insuffisants... et tout cela favorise un contentieux administratif important. En outre, l'État refuse parfois d'appliquer la sentence du juge ! Prenons garde à éviter une crise de la puissance publique. Les associations se sentent menacées dans leur statut. Rapprochons les points de vue. Le Sénat vous y aidera, en particulier notre rapporteur spécial, son énergie est inépuisable sur ce sujet.
Quelques progrès ont été accomplis pour l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire. Les relations entre l'Éducation nationale et l'ANPE demeurent difficiles. L'absence de formation est un vrai problème.
La stabilité des moyens n'est pas négligeable en ces temps de disette budgétaire. Mais nous sommes bien loin des attentes ; c'est pourquoi je ne pourrai voter ces crédits.
Mme Claire-Lise Campion. - Apprendre avec les autres est un droit des enfants handicapés. Or, en dépit des progrès réalisés, l'état des lieux est consternant. Certains enfants restent chez eux, d'autres sont accueillis en établissement spécialisé, mais sans scolarité. La loi de 2005 pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a suscité beaucoup d'attentes. Mais les réponses concrètes tardent... Dans votre projet de budget, même tonalité : une volonté affichée, mais sans garantie pour l'avenir. Certes, 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration sont créées, 2 700 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés à la rentrée 2007 ; les contrats aidés pour l'accompagnement des handicapés seront reconduits en 2008.
Cependant, les difficultés persistent. Aucun moyen nouveau pour la formation des enseignants n'est prévu, celle-ci demeure facultative dans les IUFM. Le nombre des enseignants référents reste insuffisant. Chacun d'entre eux suit en moyenne 200 à 300 enfants ! On sait pourtant que l'intégration réussit quand elle a été préparée correctement. Même problème pour les postes d'auxiliaire de vie scolaire, en nombre insuffisant, au statut peu attractif. Et les emplois vie scolaire traduisent surtout la volonté de lutter contre le chômage des demandeurs d'emplois de longue durée. Des CDD renouvelables dans la limite de 24 mois ne répondent pas aux besoins des établissements. L'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire est un vrai métier. Il doit être reconnu, valorisé et pérennisé.
Je veux évoquer également la compensation du handicap. La participation de l'État est marginale mais, en outre, elle diminue de 75 % pour les autorisations d'engagement, de 81 % pour les crédits de paiement. Ainsi, les crédits finançant les forfaits d'auxiliaires de vie n'ont pas été reconduits. La prestation de compensation du handicap a vocation à couvrir le coût des services, il faudrait donc s'assurer de l'absence de reste à charge...
On a parlé de « cagnotte » des départements concernant cette prestation handicap.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - C'est vrai !
Mme Claire-Lise Campion. - Je m'élève contre ce terme. Certes, la montée en charge de la PCH est lente. Cela tient à la complexité des modalités d'attribution, mais aussi au fait que cette prestation n'a pas remplacé l'allocation compensatrice pour tierce personne. Et les bénéficiaires craignent, en optant pour le nouveau dispositif, de recevoir moins. Les départements ne constituent pas de « cagnotte » au détriment des handicapés : les crédits sont affectés ! En fait de cagnotte, c'est un effet APA que l'on peut craindre à l'horizon de trois ou quatre ans. Enfin, nombre de départements vont plus loin que leurs obligations et financent des aménagements d'accès, des transports, etc.
S'agissant des fonds départementaux de compensation du handicap, les dotations de l'État transiteront par un fonds de concours. Sera-t-il pérenne ? S'agira-t-il d'un nouveau prélèvement sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ? Une telle option ne nous satisferait pas.
L'évolution de l'AAH nous inquiète tout autant. Alors que le Président de la République avait annoncé une évolution de 25 % sur le quinquennat, l'AAH sera valorisée de 1,1 % en janvier 2008 et de 1,1 % en septembre. Nous sommes loin du compte. Je comprends et partage votre souci de mettre en avant le retour à l'emploi. Mais dans le cadre d'un contrat d'avenir, pas de prime de retour à l'emploi. Pire, à l'issue du contrat, le travailleur handicapé dont l'incapacité est comprise entre 50 et 79 % n'est plus éligible à l'AAH -il se heurte à la condition de ne pas avoir travaillé depuis un an. Les personnes handicapées ne peuvent toujours pas vivre dignement et sortent difficilement de la position « d'assistés de fait » que nous leur réservons. (Applaudissements à gauche)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - Je n'ai pour ma part jamais utilisé le terme de « cagnotte ». Mais les départements ont perçu de la caisse nationale de solidarité plus qu'ils n'ont dépensé, ce qui n'empêchera pas certains de dire que « cela (leur) coûte cher » !
Certes, il y a une montée en puissance, mais pour l'instant les départements perçoivent plus qu'ils ne distribuent.
M. le président. - Surtout dans le Bas-Rhin qui verse 10 millions de plus qu'il ne perçoit ! (Sourires)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - C'est parce que ce département est particulièrement en avance !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - Le programme « handicap et dépendance » est doté de 8 milliards, soit 67 % des crédits de la mission. Si la ligne des ressources de l'existence augmente de manière mécanique, celle de la compensation diminue. M'étant souvent exprimée sur ce sujet, je ne l'aborderai pas, d'autant que la dernière lettre de M. Delevoye contient un excellent dossier.
Les défis concernant l'insertion des travailleurs handicapés sont connus : contrainte de mobilité, sous-qualification, réussite des politiques publiques. Les établissements et services d'aide par le travail sont des activités qui remplissent parfaitement ces missions. Les besoins en places sont toujours aussi importants, le taux de chômage des personnes handicapées étant quatre fois supérieur à celui de population.
Pourtant, aucune création de postes n'est prévue. Les crédits sont maintenus au même niveau. En tenant compte de la revalorisation du Smic, les subventions spécifiques baissent de 5 millions, ce qui ne correspond plus qu'à 17 811 places contre 20 099 cette année. Les conséquences risquent d'être dramatiques et la pérennité de ces entreprises menacée. Faut-il considérer l'indicateur prévu pour 2009 comme un dispositif subordonné à la diminution des accompagnements financiers de l'État ? Les adultes handicapés sont éligibles à tous les contrats aidés tels que les CAE (Contrats d'Accompagnement vers l'Emploi), les CIE (Contrats Initiatives Emploi) ou encore les Contrats d'Avenir mais pas les nouveaux RSA contrairement à ce qu'avait prétendu M. Vasselle lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous aimerions savoir pourquoi.
L'article 49 restreint de nouveau l'accès à la CMU-C alors même que les propos de l'inspecteur général de L'Igas et directeur du fonds CMU ne laissent place à aucune ambiguïté : « Ni en valeur absolue, ni en augmentation, la CMU complémentaire ne peut faire l'objet de reproche. Le rapport coût-efficacité de cette prestation qui en est à sa septième année d'existence mérite sans risque de contradiction, le qualificatif d'excellent ». Cette mesure pourrait sembler purement technique sauf que l'alignement se fait sur la fourchette la plus élevée du forfait : l'économie est donc estimée à 14 millions, soit l'exclusion de plus de 40 000 bénéficiaires potentiels, ce qui est en totale contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement en 2005 d'admettre 300 000 enfants supplémentaires. Le non-recours à une complémentaire est peut-être dû au manque d'information, mais tient surtout à ce que les demandeurs ne savent plus comment faire valoir leurs droits, tellement l'inscription est compliquée. Cette « harmonisation » en écartera encore davantage. La CMU-C qui fournit une couverture supplémentaire gratuite a remplacé au fil du temps l'aide médicale d'État (AME) dont l'objectif est double : humanitaire et sanitaire. Depuis 2002, l'AME a systématiquement été sous-budgétisée alors que les conditions d'accès ont sans cesse été plus difficiles : ce budget ne fait pas exception. Cette énième réforme repose bien évidemment sur l'hypothèse d'une nouvelle économie avec la mise en place d'un ticket modérateur, l'extension des contrôles médicaux et les génériques.
Les crédits sont en outre principalement consacrés aux remboursements des dépenses de soins prises en charge par les caisses primaire d'assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale des départements d'outre-mer. Notre collègue Paul Blanc nous présentera tout à l'heure un amendement visant à assainir la situation financière des Centre d'hébergement et de réinsertion sociale.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - Vous allez finir par me convaincre de le retirer !
Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - Non ! Savez-vous que ceux-ci accueillent les migrants non-expulsables du département du Pas-de-Calais ? La dépense afférente à ces déplacements avoisine les 600 000 euros et le budget alloué à la police atteint 2 millions. Tout ceci pour un piètre résultat : le nombre de clandestins en errance est en train de revenir au niveau de l'époque de Sangatte mais la part des mineurs étrangers non accompagnés a augmenté. Ceux de moins de 16 ans peuvent bénéficier des mesures générales de protection de l'enfance et de l'AME. Le coût de leur prise en charge équivaut à 1 % des recettes fiscales du Pas-de-Calais. Quand ils arrivent dans les services de l'ASE, nous estimons que la situation de ces jeunes migrants est en cours d'examen. Et, puisque l'AME est un dispositif d'État, il appartient à ce dernier de prendre en charge l'accueil de ces jeunes étrangers. Hélas, le programme « Accueil des étrangers et Intégration » a été transféré vers la mission « Immigration, Asile et Intégration ». Cette modification n'est pas sans conséquence : le mot accueil a disparu. Le dispositif d'accueil et le partenariat entre l'État et les départements, à l'instar de ce qui a été fait en région parisienne, ne sont pas prêts d'être généralisés !
Le chef de l'État a déclaré son intention de « mettre le paquet pour bousculer le modèle social » affirmant « se refuser à une politique d'assistanat généralisé ». De manière plus feutrée, Jean-Louis Borloo avait lui aussi prévu dans la loi de programmation de cohésion sociale de suivre cette stratégie : ainsi sont nés les contrats d'accompagnement dans l'emploi et les contrats d'avenir. Leur arrêt a stoppé net le parcours de milliers de personnes, parfois en pleine formation : 12 % de contrats non renouvelés au niveau national et 48 % pour mon département ! Cette question de fond reste pourtant posée, monsieur le Haut commissaire, pour le revenu de solidarité active qui « ne sera pas uniforme mais modulable en fonction de l'employeur et du salarié ». Faut-il comprendre : au gré des besoins et des finances publiques ?
M. le ministre du travail a dit tout à l'heure que la gauche avait abandonné la valeur travail. C'est faux. Nous savons, et vous semblez l'oublier, que la répercussion d'un véritable revenu d'existence sur le coût du travail dépend d'abord du financement qui a été retenu. Nous n'avons décidément pas la même lecture de ce budget. Je présume que nous ne devons pas vivre dans le même le monde (On le confirme à gauche) Bien évidement, nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
Mme Gisèle Printz. - Mon intervention portera sur le programme « handicap ». Doté de 8,1 milliards, il n'est pas à la hauteur des attentes.
La loi du 11 février 2005 a défini un seuil de 6 % d'emploi de personnes handicapées parmi le personnel des entreprises. Pourtant, le taux de chômage des handicapés est quatre fois supérieur à la moyenne nationale. De trop rares entreprises se sont adaptées, les autres préférant payer l'amende. Il est indispensable d'amplifier la politique d'insertion sociale des handicapés, de proposer des offres de formation adaptées, de faire respecter les obligations légales d'embauche. Mais pour cela, il faut être plus volontariste.
Il en est de même dans la fonction publique où le seuil de 6 % de travailleurs handicapés n'est pas encore atteint, alors que l'État devrait être exemplaire pour les PME.
Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre, en matière de contrôle ? Quelles mesures, comptez-vous prendre pour que la loi soit respectée et appliquée ?
Les jeunes gens handicapés attendent beaucoup : ils veulent des formations, travailler, être considérés comme des citoyens à part entière. Quelles réponses leur apportez-vous ?
Concernant les ressources, les personnes qui ne peuvent pas travailler ne savent pas si elles pourront percevoir un revenu d'existence décent. Aujourd'hui, l'AAH maintient bon nombre de personnes handicapées sous le seuil de pauvreté. C'est inacceptable : le Président de la République lui-même l'a reconnu. Or, vous nous proposez une revalorisation de l'AAH de seulement 1,1 % au 1er janvier 2008, et de 1,1 % au 1er septembre. Le montant maximum de l'AAH étant de 621 euros par mois, avec ces deux hausses, l'allocation s'élèvera à 635 euros fin 2008, soit 14 euros supplémentaires ! Nous sommes encore très en deçà du seuil de pauvreté situé à 817 euros selon l'institut Eurostat.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s'est prononcé contre notre amendement de bon sens visant à exonérer des franchises médicales les personnes handicapées percevant l'AAH. Du fait de la baisse du pouvoir d'achat, dont ils sont aussi victimes, l'augmentation que vous proposez ne couvre même pas celle du coût de la vie des personnes handicapées : elles seront même plus pauvres à la fin de l'année prochaine.
Le Président de la République avait annoncé une revalorisation de 25 % de l'AAH durant son quinquennat. Avec une augmentation de seulement 2,2 % la première année, comment y parviendra-t-on ? Il faudrait une parité entre l'AAH et le Smic pour que les personnes handicapées puissent avoir des projets de vie, comme des citoyens ordinaires.
Les établissements spéciaux d'aide par le travail bénéficient de 71 millions de crédits supplémentaires, de nombreuses associations représentatives nous disent que c'est insuffisant, la hausse étant moindre que l'inflation. Le nombre de postes aidés diminue, de 20 012 à 19 625.
Alors que la loi du 11 février 2005 a donné beaucoup d'espoir, son bilan est en demi-teinte : il faut de toute urgence rouvrir le chantier du handicap.
Les sociétés de transport public n'ont pas pris la mesure des efforts à faire pour l'accès des personnes handicapées aux véhicules dans les gares et les stations de métro.
Les maisons départementales des personnes handicapées, qui devaient apporter des réponses personnalisées, concrètes et rapides, ne remplissent que très imparfaitement leur mission.
La politique de compensation doit être réaménagée. La prestation de compensation du handicap (PCH) n'est pas versée de manière identique sur tout le territoire. De nombreux bénéficiaires de l'allocation compensatrice hésitent à changer pour la PCH, de peur de perdre en pouvoir d'achat.
La scolarisation des enfants handicapés laisse encore à désirer. Il faut évaluer l'action des 2 700 AVS, un effort reste à faire pour les enseignants généralistes : l'intégration d'un enfant handicapé réussit lorsqu'elle a été bien préparée !
Ce budget de seulement 8,1 milliards n'est pas suffisant, nous ne le voterons pas ! (Applaudissements à gauche)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. - Le programme « protection maladie » regroupe les interventions de l'État relative à la CMU complémentaire pour les personnes disposant de faibles ressources, à l'aide médicale de l'État (AME) pour les personnes étrangères en situation irrégulière et à la contribution de l'État au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva)
Le fonds CMU tire ses ressources du produit de la contribution due par les organismes de protection complémentaire sur leur chiffre d'affaires « santé » -693 millions cette année- de la contribution sur les alcools de plus de 25 degrés -404 millions en 2006- et d'une part de 4,34 % de droits de consommation sur les tabacs, dont le rendement est estimé à environ 400 millions d'euros en 2007 et en 2008. Une dotation budgétaire équilibre les comptes du fonds : elle s'élève à 50 millions pour 2008.
La dotation au titre de l'AME s'élève à 413 millions en 2008 : cette hausse de 180 millions participe d'une plus grande sincérité des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le Gouvernement a procédé à l'apurement de l'intégralité de la dette vis-à-vis de l'assurance maladie à fin 2006 qui s'élevait à 920 millions au titre de l'AME.
Ce rattrapage s'accompagnera de mesures de rationalisation de la prestation pour en maîtriser le coût, avec l'objectif d'aligner les droits et devoirs des bénéficiaires de l'AME sur ceux des assurés sociaux, et de mieux contrôler l'ouverture des droits au dispositif. Sont notamment prévus la non prise en charge des médicaments en cas de refus du bénéficiaire de l'AME d'accepter un produit générique, mesure déjà proposée par le PLFSS.
La prévision de dépenses à législation constante est issue du rapport d'audit Igas-IGF relatif à la gestion de l'AME publié au début de cette année. Elle correspond à la dépense totale moyenne constatée sur les années 2003 à 2006, légèrement réévaluée compte tenu de l'évolution observée fin 2006. Les 102 millions d'économies attendues résultent de la participation des bénéficiaires à leurs dépenses de soins, de la non prise en charge des médicaments en cas de refus du générique et de l'extension des contrôles. Des attestations non photocopiables sont prévues.
La dotation forfaitaire versée par l'État à la CNAMTS, au titre des dépenses de soins urgents des étrangers résidant en France en situation irrégulière mais ne justifiant pas d'une résidence ininterrompue depuis plus de trois mois, double l'an prochain, à 40 millions.
Enfin, 20 millions sont délégués aux préfets pour les hospitalisations de patients évacués par l'hôpital de Mayotte vers des établissements de santé de la Réunion et 5 millions pour le remboursement direct et ponctuel de prises en charge exceptionnelles de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas en France.
Les remboursements par la procédure papier, que ce soit pour l'AME ou les assurés sociaux, se sont grandement améliorés : dans neuf cas sur dix, le délai moyen de traitement des feuilles de soins AME ne dépasse pas sept jours.
Le ministère de la santé a réalisé un dépliant d'information sur la CMU-C, destiné à éviter les refus de soins. Le titre d'admission standardisé et sur papier non photocopiable authentifiera, pour le praticien, la garantie d'une prise en charge par l'organisme d'assurance maladie mentionné.
Le Fiva dispose d'un fonds de roulement très excédentaire, qui avoisinait les 700 millions fin 2003. Les dotations de l'État et de l'assurance maladie sont fixées en tenant compte d'une consommation progressive de ce fonds de roulement. Pour 2007, le montant des charges est évalué à 454 millions et celui des produits à 399 millions, soit un déficit de 56 millions, le fonds demeurant excédentaire de 205 millions.
Pour 2008, la dotation du budget État atteint 50 millions, l'excédent devrait s'établir à de 97 millions fin 2008.
La dotation de l'État au Fiva, monsieur Cazalet, témoigne de la reconnaissance de sa responsabilité par l'État.
Ce budget témoigne d'un réel effort de sincérité des comptes de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie. Soyez assurés que nous poursuivrons dans cette voie vertueuse ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. - Les crédits progressent de 81 millions pour les CHRS, l'hébergement d'urgence et les maisons-relais. Le Parsa représente un effort considérable pour l'ouverture de places en hébergement d'urgence, les CHRS et les maisons relais.
Madame Gautier, j'ai donné des instructions pour que les CHRS aménagent des places spécifiques pour les femmes.
Les crédits d'hébergement d'urgence prennent en compte le fait que, outre l'application du Dalo, le Parsa devrait libérer des places, l'objectif étant de privilégier les structures orientées vers l'insertion et la réinsertion.
La dotation aux CHRS progresse de 11 %, après une hausse de 4,1 % l'an passé. Leur situation s'assainit : 6 millions sont allés au rebasage l'an passé. Nous poursuivons en améliorant la qualité des contrats d'objectifs et de moyens.
Nous augmentons la qualité de l'offre de services. La révision générale des politiques publiques sera l'occasion d'affiner le diagnostic et de valider la démarche.
Monsieur Cazalet, les dépenses d'aide sociale ont été amputées en 2004 de 13,8 millions pour financer une intervention en urgence en faveur des personnes âgées victimes de la canicule. Cette somme n'a pas été intégrée dans budget de 2005 et, depuis, les crédits ont été strictement reconduits, d'où un déficit de financement. Nous trouverons les sommes manquantes en faisant jouer la fongibilité au sein du programme.
Je suis de très près la question de l'aide alimentaire, et je serai avec les Restos du Coeur pour le lancement de leur programme d'hiver.
L'Europe maintient son effort pour le Programme européen d'aide aux plus démunis, qui sera complété en loi de finances rectificative à hauteur de 10 millions pour 2007 -ce qui explique le décalage pour l'exercice 2006.
Mme David a été un peu caricaturale. Le calendrier de mise en oeuvre du droit opposable au logement est respecté : ce matin, j'ai installé la commission départementale de médiation pour Paris, en avance sur la date prévue ! Progressivement, ces commissions seront installées dans tous les départements. (Applaudissements à droite)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Je souhaite tout d'abord excuser l'absence de Xavier Bertrand, retenu par d'autres obligations. Je remercie les rapporteurs d'avoir salué la progression de 110 millions des crédits de l'API. La dotation prévue est sincère et réaliste. Une revalorisation de 1 % de l'allocation et une progression de 1,9 % du nombre de bénéficiaires sont anticipées. A l'inverse, ont été retranchées les économies attendues d'une pleine application du principe de subsidiarité et d'une meilleure efficacité de la lutte contre les fraudes.
Monsieur Cazalet, il n'est pas question de laisser se creuser la dette de l'État vis-à-vis des associations tutélaires, souvent fragiles sur le plan financier. C'est pourquoi nous octroyons à cette ligne budgétaire un supplément de plus de 20 millions, par réallocation depuis les autres actions du programme. Cet effort exceptionnel permettra de passer la fin d'année sans rupture de financement.
Vos rapporteurs se sont interrogés sur la dotation de l'AAH pour 2008. Nous prévoyons une progression de 0,5 % du nombre de bénéficiaires. Le montant de l'allocation sera revalorisé, d'abord de 1,1 % en janvier, puis de 1 % au 1er septembre. Cet effort est en partie compensé par les économies attendues d'un contrôle strict de la subsidiarité pour les allocataires de plus de 60 ans et d'une amélioration de la lutte contre les fraudes
Il est indispensable d'avoir une approche globale de la question du pouvoir d'achat des personnes handicapées. Un groupe de travail spécifique chargé de cette question a été mis en place, dans le cadre du comité de suivi de la réforme de la politique du handicap que j'ai installé le 23 octobre. Les personnes handicapées seront associées à ces travaux, ainsi que les représentants du Parlement.
L'AGEFIPH et le FIPHFP doivent pouvoir intervenir dans de nouveaux domaines, en particulier l'accessibilité des locaux professionnels. L'éventualité d'un rapprochement de ces deux organismes est examinée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Il faudra faire bénéficier le FIPHFP des outils et des bonnes pratiques développées depuis vingt ans par l'AGEFIPH.
Nous avons prévu les crédits nécessaires pour assurer la transition entre les forfaits d'auxiliaires de vie et la prestation de compensation du handicap : 15 millions seront financés sur fonds de concours. L'État s'est engagé à transférer aux fonds de compensation du handicap les sommes qu'il consacrait auparavant aux sites pour la vie autonome, soit 14 millions.
La question du reste à charge se pose tout autant pour le handicap que pour la dépendance des personnes âgées. Nous y répondrons dans le cadre de la réflexion sur le cinquième risque, chantier qui sera ouvert à la demande du Président de la République.
Le Fond Interministériel pour l'accessibilité des publics aux personnes handicapées disposera en 2008 d'une enveloppe de 11 millions.
Un effort considérable a été fait pour la scolarisation des enfants handicapés : 160 000 enfants ont été accueillis en milieu scolaire ordinaire à la dernière rentrée et 2 700 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés. Le ministère de l'éducation nationale est pleinement mobilisé. Nous consacrons 410 millions à créer 2 200 places supplémentaires pour les enfants et 4 325 pour les adultes.
Je salue le travail de la Délégation aux droits des femmes. Le Gouvernement mesure l'importance de la question de l'égalité salariale et professionnelle. La conférence du 26 novembre a permis de dégager des pistes d'action innovantes. Toutes les entreprises de plus de cinquante salariés devront avoir mis en place un plan de résorption des écarts salariaux d'ici le 31 décembre 2009, au risque de sanctions financières. Nous devons aussi lutter contre les facteurs structurels en faisant évoluer les mentalités.
Nous consacrerons en 2008 plus de 3 millions à la lutte contre les violences envers les femmes. En 2006, une femme est décédée tous les trois jours sous les coups de son compagnon... Le deuxième plan que j'ai présenté le 21 novembre, propose douze mesures pour les femmes victimes de violences, dont le développement du numéro 39-19, qui a déjà reçu plus de 59 000 appels depuis mars 2007. Nous en reparlerons lors de la discussion de l'amendement de la commission des finances.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - Le programme 304 se résume facilement : petites sommes, grandes ambitions, nouvelles méthodes, partenariat renforcé. Le programme 304 prévoit 25 millions pour financer 50 % de ce que les départements consacrent à l'expérimentation du RSA.
Les premières conventions ont été passées. Nous avons proposé à l'Assemblée nationale d'élargir le dispositif pour tenir compte de l'ensemble des départements. Alors que l'on mène, pour une fois, une action sur la base du volontariat, on constate que le nombre des candidats est plus important, ce qui prouve que la loi que vous avez votée allait dans le bon sens.
Je rassure ceux d'entre vous qui souhaitaient que l'on n'aille pas trop vite vers la généralisation : nous ne le ferons pas avant d'être revenu devant vous avec un rapport. Les crédits que nous prévoyons permettront d'honorer la parole de l'État envers les départements, qui nous ont fait confiance.
Nous voulons engager d'autres expérimentations dans le domaine de l'insertion. Lors du lancement du Grenelle, auquel les parlementaires ont été associés, nous avons lancé un appel à projets, invitant les collectivités locales, les associations, les équipes de recherche à se joindre à l'effort que nous menons pour expérimenter une méthode nouvelle. Nous y consacrerons 15 millions.
L'appel lancé pour 2008 a suscité huit cent cinquante projets. Nombre d'entre eux sont de qualité, mais nous n'en retiendrons qu'une minorité. Je puis vous assurer que les crédits que nous entendons y consacrer seront pleinement utilisés pour des actions rigoureusement évaluées. Ceux qui se sont investis à nos côtés nourrissent beaucoup d'espoir. (Applaudissements à droite et au centre.)
Examen des articles
Article 33
M. le président. - Amendement n°II-48, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables |
4 780 000 |
|
4 780 000 |
|
Lutte contre la pauvreté : expérimentations |
|
|
|
|
Actions en faveur des familles vulnérables |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
|
|
|
Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2 |
|
4 780 000 |
|
4 780 000 |
TOTAL |
4 780 000 |
4 780 000 |
4 780 000 |
4 780 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - Cet amendement transfère 4 780 000 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action « État-major de l'administration sanitaire et sociale » du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », en hausse de plus de 11 %, qui recouvrent à la fois des dépenses de communication interne et externe et des crédits consacrés à la coopération internationale, vers l'action « Actions en faveur des plus vulnérables » du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».
Cet abondement vise, d'une part, à financer les crédits complémentaires nécessaires au rebasage des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) préconisé par la mission d'inspection conjointe conduite en 2005 par l'Igas et l'IGF -sur les 12 millions requis par cet audit, seuls 8 millions ont été financés à ce jour. Restent donc 4 millions à financer ; d'autre part, il permettra une revalorisation de 1,8 % des charges et salaires des personnels plus conforme à l'évolution de la masse salariale.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Favorable.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Sans remettre en cause les justifications avancées pour abonder la dotation des CHRS, j'indique que cet amendement amputerait de plus de 4,7 millions le programme de fonctionnement d'un ministère qui en soutient administrativement quatre autres. Or, ses crédits ont été en diminution constante depuis plusieurs années, l'année 2008 elle-même marquant un recul de 3 %. J'ajoute que la hausse du taux de réserve entraîne une diminution supplémentaire des crédits disponibles. La situation est telle qu'aucun investissement immobilier n'a pu être provisionné.
Quant à la hausse des crédits de communication, elle constitue une mise à niveau indispensable pour financer l'action contre les violences faites aux femmes et l'écoute téléphonique à l'usage des personnes âgées ou handicapées.
L'essentiel des dépenses est de surcroît engagé pour plusieurs années dans le cadre de marchés publics.
À titre indicatif, ce montant de 4,78 millions représente la moitié des crédits consacrés à la validation des acquis professionnels, les deux tiers de ceux que consomme l'action sociale du ministère ou la moitié de la subvention versée à l'École des hautes études de santé publique. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
M,. Paul Blanc, rapporteur pour avis - Je suis sensible à vos arguments et notamment à la question de la validation des acquis.
L'amendement n°II-48 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-5, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables |
2.000.000 |
|
2.000.000 |
|
Lutte contre la pauvreté : expérimentations |
|
2.000.000 |
|
2.000.000 |
Actions en faveur des familles vulnérables |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
|
|
|
Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
2.000.000 |
2.000.000 |
2.000.000 |
2.000.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Cet amendement transfère 2 millions de crédits en autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action n°2 « Autres expériences en matière d'action sociale et d'économie sociale » du programme « Lutte contre la pauvreté : expérimentations » vers l'action n°2 « Actions en faveur des plus vulnérables » du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».
Il s'agit de limiter l'augmentation de la subvention de 13 millions prévue au profit du fonds d'innovation et d'expérimentation sociale, le projet annuel de performances se montrant lacunaire sur la finalité et l'efficacité de ces crédits. La cible retenue pour 2008 -33 %- dans le cadre de l'indicateur de performances « Part des expérimentations d'actions publiques innovantes luttant contre la pauvreté évaluées positivement au regard des objectifs fixés » apparaît médiocre et ne semble pas justifier l'augmentation constatée des crédits.
Compte tenu des besoins existant en matière d'aide alimentaire, dont les crédits pour 2008 diminuent alors que l'exécution 2006 fait apparaître une consommation très supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale.
Je rappelle que 17,5 millions ont été consommés en 2006 et que les crédits avaient du être abondés de 5,5 millions dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007. Il serait illusoire de penser que 5,1 millions suffiront à satisfaire les besoins en 2008.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je partage votre souci de ne pas tomber dans la médiocrité s'agissant de programmes dont on déplorait naguère le manque de moyens. Mais 100 % des actions sont évaluées par un comité composé de présidents de Conseils généraux, d'élus et de scientifiques.
Nous n'entendons pas généraliser ce dispositif, qui reste expérimental. Nous ne retenons, pour aller plus loin, que les démarches qui ont fait leurs preuves. Il serait regrettable de décourager les porteurs de projets.
J'ajoute que sur l'aide alimentaire, Mme Boutin a répondu à votre inquiétude. Ne pénalisons pas un programme fait pour sortir les gens de la pauvreté, et donc du besoin de recourir à l'aide alimentaire.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - La commission des affaires sociales n'a pas été saisie sur le fond de cet amendement. Je comprends ses motivations mais le Président de la République a voulu mettre en place, sous l'autorité de M. Hirsch, une nouvelle politique sur un sujet extrêmement sérieux, où d'autres voies n'avaient pas donné, tant s'en faut, d'excellents résultats. Donnons toutes ces chances à cette expérimentation en retirant cet amendement.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - J'ai compris vos préoccupations, mais je regrette que l'argent manque.
L'amendement n°II-5 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-3, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances.
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables |
1.000.000 |
|
1.000.000 |
|
Lutte contre la pauvreté : expérimentations |
|
|
|
|
Actions en faveur des familles vulnérables |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
|
|
|
Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2 |
|
1.000.000 0 |
|
1.000.000 0 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1.000.000 |
1.000.000 |
1.000.000 |
1.000.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Cet amendement transfère 1 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » -60.000 euros au titre de l'action n°1, 300 000 euros au titre de l'action n° 2, 600 000 euros au titre de l'action n° 3 et 40 000 euros au titre de l'action n° 4-, vers l'action n° 2 « Actions en faveur des plus vulnérables » du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».
Je me suis rendu récemment dans un centre accueillant des femmes victimes de violences et ai pu juger de leur efficacité. Cet amendement fait suite au plan global de lutte contre les violences faites aux femmes, qui recommande de poursuivre l'effort.
M. le président. - Amendement identique n°II-49 rectifié, présenté par M. Paul Blanc au nom de la commission des affaires sociales.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. - Amendement déjà défendu mais je ne voudrais pas laisser penser que le médecin que je suis n'est pas sensible au problème des femmes battues. J'ai trop vu arriver dans mon cabinet des femmes dans un triste état. Mais j'ai aussi toujours eu des difficultés à leur trouver des places d'accueil. C'est pourquoi nous proposons de transférer 1 million d'euros pour leur créer 85 places. Mais Mme Boutin a dit la part qu'elle réservait à la construction de tels centres. Elle m'a convaincu. A titre personnel -mais la commission serait sans doute d'accord -, je retire l'amendement.
L'amendement n°II-49 est retiré.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Si nous retirons 1 million sur la ligne qui finance la plate-forme d'appels nationale, appels dont le nombre explose -59 000 appels depuis mars-, on enlève à ces femmes la possibilité d'appeler et, donc, d'être dirigées vers ces centres d'accueil. S'il faut des crédits pour ces structures, il faut les prendre ailleurs. Retrait.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - La ministre plaide tellement bien qu'elle m'a convaincu.
L'amendement n°II-3 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-4, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Nous réduisons de 500 000 euros les crédits de l'action n°6 « soutien de l'administration sanitaire et sociale » du programme « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ». En effet, l'objectif de dépassement moyen du délai de transposition des directives communautaires, serait maintenu à 19 mois et le délai moyen d'application des lois et des ordonnances s'allongerait. Alors que la France va prendre la présidence du Conseil de l'Union, elle doit être exemplaire dans l'application du droit communautaire.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - L'indicateur de retard moyen de transposition date de la fin de 2006. Or, depuis, un effort considérable a été fait dans la perspective de la présidence française, si bien qu'il n'y a plus aucun retard dans les domaines de la solidarité, de l'insertion et de l'égalité. Quant au second indicateur, il a été établi en avril 2007. La prévision tient compte du fait qu'un nouveau gouvernement ralentit toujours le rythme d'application parce qu'il fait adopter des textes qu'il juge prioritaires. Cela ira mieux l'année prochaine. Retrait.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Vous m'avez convaincu.
L'amendement n°II-4 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-78, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous proposons de prélever 5 millions sur le programme « conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » afin d'abonder de la même somme le programme « protection maladie », action n°3 « fond d'indemnisation des victimes de l'amiante ». C'est un amendement que j'ai vainement tenté de faire adopter en de loi de financement, et j'essaie à nouveau.
Il a pour objet d'abonder le Fiva de 5 millions pour augmenter la contribution que l'État devait apporter à l'indemnisation des victimes de l'amiante, en tant qu'employeur et aussi au titre de ses obligations régaliennes. Depuis 2001, il a fallu augmenter la contribution de la branche AT-MP, tandis que la dotation de l'État évoluait de façon aléatoire. Actuellement, sa part n'est que de 13,7 %. L'amendement la ferait monter à 15 %. On est loin des 30 % prévus à l'origine ! Un amendement de notre collègue Dériot l'avait portée à 17 % mais le Conseil constitutionnel l'avait rejeté au motif qu'il portait sur une période triennale. Pour atteindre ce pourcentage, il aurait fallu 15 millions ; ce n'était pas très raisonnable... A l'origine, le Fiva avait été créé pour éviter les recours devant les tribunaux : faute de moyens, il ne joue plus ce rôle.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. - Ce transfert n'est pas nécessaire. Retrait.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Amendement inutile puisque, fin 2008, le Fiva dégagera un solde positif de 100 millions. En bonne gestion budgétaire, on aurait même pu diminuer sa dotation ; je n'ai pas voulu. En revanche, nous devons disposer des statistiques et informations que vous êtes les premiers à demander. Avis défavorable.
A la demande du groupe UMP, l'amendement n°II-78 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Annie David. - Il est bien tard, et l'hémicycle est bien vide ... Nous avons fait l'effort de débattre depuis 15 heures, parce que pour nous l'examen du projet de loi de finances est un moment important de la vie parlementaire. Je regrette que Mme Bachelot-Narquin ait répondu à la vitesse du TGV, et encore de façon partielle. Mme Boutin, de son côté, a estimé que nous caricaturions la politique du Gouvernement ; ces propos ne sont pas à la hauteur de nos discussions.
Nous ne pourrons voter les crédits de la mission, qui ne sont pas dignes de son bel intitulé. (Applaudissements à gauche)
Les crédits sont adoptés.
Article 49
La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les aides personnelles au logement sont prises en compte à concurrence d'un forfait, identique pour les premières demandes et les demandes de renouvellement. Ce forfait, fixé par décret en Conseil d'État, est déterminé en pourcentage du montant du revenu minimum d'insertion à concurrence d'un taux qui ne peut être inférieur à celui applicable en vertu de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles. »
Mme Annie David. - Avec cette mesure, le nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (Cmuc) va diminuer. Nous le comprenons d'autant moins que le Président de la République, le 18 octobre dernier, jugeait que la Cmuc devait être plus généreuse et plus étendue. On me dira qu'il s'agit d'harmonisation ; mais elle se fait par le bas ; 60 000 personnes avaient déjà été exclues en 2006, 40 000 le seront avec cet article. En économisant 14 millions d'euros, vous les précipitez dans une plus grande précarité. Pour le Gouvernement, il n'y a d'équité qu'en nivelant par le bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. le président. - Amendement n°II-59, présenté par Mme San Vicente-Baudrin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Claire-Lise Campion. - Mme David a dit l'essentiel.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je me suis conformée, madame David, à l'organisation des débats telle que l'a définie votre Conférence des Présidents. Je suis respectueuse de la représentation nationale.
Depuis l'entrée en vigueur de l'article 55 de la loi de finances initiale pour 2006, le forfait logement de la Cmuc est calculé suivant des règles différentes selon qu'il s'agit d'un primo-demandeur ou d'une personne demandant le renouvellement. Pour les demandes initiales, ce forfait reprend intégralement les règles appliquées pour la détermination du droit au RMI. Pour les demandes de renouvellement, elles sont plus favorables.
Mme Annie David. - Il fallait choisir ces dernières !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cette situation n'est pas satisfaisante ; elle est aussi source de complexité pour les caisses d'assurance maladie. L'article 49 vise donc à unifier les règles...
Mme Annie David. - Par le bas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...en appliquant les pourcentages prévus dans la réglementation du RMI à tous les demandeurs et en retenant une définition du foyer unique. Il s'agit d'une mesure de bonne administration et de simplification. Cet alignement permet en outre de dissiper le sentiment d'injustice qui peut être ressenti par des personnes qui se voient refuser le bénéfice de la Cmuc du fait qu'elles sont primo-demandeurs alors qu'à ressources identiques, les demandeurs d'un renouvellement y ont accès.
J'ajoute que les personnes, en nombre limité, qui ne peuvent plus prétendre à la Cmuc parce qu'elles dépassent le plafond de ressources resteront éligibles à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), dont le montant a été revalorisé en 2006. Cette aide se traduit, pour les organismes complémentaires, par un crédit d'impôt et, pour les bénéficiaires, par une diminution de la prime. Elle est valable pour tous les contrats dits responsables.
L'aide est attribuée sous condition de ressources et de résidence. Le dispositif a été considérablement amélioré depuis sa création, le plafond de ressources relevé en 2007 -il se situe à présent 20 % au-dessus du plafond de la Cmuc.
M. Guy Fischer. - Merci madame la ministre de ces précisions.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'information sera diffusée par les caisses de sécurité sociale, les organismes de protection complémentaires, par des affichages et des brochures ; les caisses d'allocations familiales orienteront vers les caisses d'assurance maladie les personnes susceptibles de pouvoir bénéficier d'une complémentaire santé.
Le formulaire a été simplifié, il est désormais en ligne et peut être complété à l'écran. Un chèque sera joint à l'attestation des droits afin que chacun visualise le montant de l'aide accordée. Des courriers ciblés ont été adressés aux bénéficiaires potentiels en octobre 2007 ; l'effort se poursuivra début 2008 grâce aux informations fournies par les Cpam. Ce droit est trop ignoré. En 2006, on comptait 117 000 bénéficiaires, 310 000 en 2007 ; bientôt, ils seront 2 millions, parce que nous développons l'information. Il n'y a donc pas lieu de supprimer l'article 49.
L'amendement n°II-59 n'est pas adopté.
L'article 49 est adopté.
Article 50
L'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l'acceptation par les personnes mentionnées à l'article L. 251-1 d'un médicament générique, sauf :
« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Lorsqu'il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;
« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. »
Mme Annie David. - Nous sommes dans la continuité de la loi de financement de la sécurité sociale : même esprit de suspicion, même acharnement à combattre une partie seulement des fraudeurs, même stigmatisation des plus précaires, surtout lorsqu'ils ont le mauvais goût d'être étrangers. Nous voterons contre cet article : il prévoit qu'un bénéficiaire de l'AME ne pourra bénéficier de la prise en charge intégrale des médicaments que s'il accepte la délivrance d'un générique. C'est une condition que l'on n'impose pas aux autres assurés sociaux. Est-ce un prélude à la situation future de tous les patients ? Ou, pire, un traitement spécifique pour les étrangers ? On avait compris, durant la campagne électorale, que le parti du président voulait capter les voix de l'extrême droite, on comprend maintenant qu'il a aussi capté ses idées. Ainsi le rapporteur spécial à l'Assemblée nationale se demandait-il : « comment admettre que les bénéficiaires de l'aide médicale d'état puissent exiger un médicament princeps, alors qu'il existe un générique ? ». Je vous retourne la question : comment admettre que l'on applique à certains une règle plus contraignante qu'aux autres ? En filigrane, peut-être faut-il comprendre que pour vous, les étrangers pillent la sécurité sociale ? L'« équité » que vous invoquez est une équité tirée par le bas, par le très bas. Elle ne vous a pas incités à taxer les stock-options à la hauteur de la taxe créée sur les préretraites.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Une rationalisation est recherchée dans tous les secteurs. La politique des génériques est excellente. J'assume ces mesures contraignantes : oui, nous préconisons de refuser la prise en charge en cas de dépense injustifiée imposée à la collectivité. Où est l'injustice ? J'ai toujours défendu les dispositifs d'aide tels que celui-ci ; je fais aussi en sorte que l'État rembourse ses dettes. Mais cela ne nous dispense pas d'une rationalisation de la dépense, dans le cadre d'une solidarité bien comprise.
M. Gérard Delfau. - J'avoue ma gêne : cette mesure a un air de discrimination. Je suis pourtant très favorable à la généralisation des génériques. Mais je ne comprends pas cette condition, je ne reconnais pas votre action dans cette mesure, je ne comprends pas vos motivations. Elle est un symbole où pourrait être considérée comme tel.
L'article 50 est adopté, ainsi que les articles 51 et 51 bis.
Prochaine séance, samedi 1er décembre 2007 à 9 h 30.
La séance est levée à 22 heures.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du samedi 1er décembre 2007
Séance publique
À 9 HEURES 30,
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007-2008).
Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
Examen des missions :
Action extérieure de l'État
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 1) ;
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome I) ;
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome I) ;
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome II).
À 15 HEURES ET LE SOIR
Sécurité sanitaire
Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 30) ;
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome V) ;
M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome VIII).
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ article 41 quater)
M. Charles Guené, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 5) ;
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome I).
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Compte spécial : avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 14) ;
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome II).
Remboursements et dégrèvements
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 26).
Provisions
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 22).
Régimes sociaux et de retraite
Compte spécial : pensions
MM. Bertrand Auban et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 91, annexe n° 24) ;
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome III) ;
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome VII).
Engagements financiers de l'État
Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l'État
Compte spécial : participations financières de l'État
M. Paul Girod, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 12) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome XI).