ARTICLE 3 BIS J (NOUVEAU) : SUPPRESSION DU BOUCLIER FISCAL DÈS LA FIN DE L'ANNÉE 2011
I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 18 NOVEMBRE 2011)
Article additionnel après l'article 3
Mme la présidente. L'amendement n° I-114, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 30 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi modifié :
1° Au I, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2009 » ;
2° Aux premier et troisième alinéas du II, l'année : « 2012 » est remplacée par l'année : « 2011 ».
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Nous proposons tout simplement de supprimer dès maintenant le bouclier fiscal.
Pour alléger le poids de l'ISF sur les plus gros contribuables, un plafonnement de celui-ci a été instauré en 1989, un « bouclier fiscal » mis en place en 2005 puis renforcé en 2007.
Sous la pression de l'opposition, de l'opinion publique et dans la perspective des prochaines échéances électorales, le Gouvernement en est venu à proposer une modification a minima des règles de l'ISF et l'abrogation du bouclier fiscal.
Cette année, les socialistes n'ont cessé de dénoncer un dispositif prévoyant la suppression d'une tranche de l'ISF, avec un allégement des taux - ce qui constitue un nouveau cadeau pour les plus aisés -, un relèvement du seuil d'assujettissement à l'ISF de 800 000 euros à 1,3 million d'euros qui intervient dès 2011, et une suppression du bouclier fiscal - plafonnement total des impôts directs à 50 % du revenu déclaré - différée d'un an, c'est-à-dire après l'élection présidentielle de 2012.
Résultat : en 2012, la nécessité, pour l'État, de continuer à restituer les sommes induites par le bouclier fiscal va provoquer un besoin de recettes supplémentaires de l'ordre de 300 millions à 500 millions d'euros !
Après 2011, les 1 900 ménages possédant plus de 17 millions d'euros de patrimoine auront une meilleure situation fiscale du fait de la réforme : ils vont perdre 800 millions d'euros avec la suppression du bouclier fiscal, mais gagner plus du double, soit 1,8 milliard d'euros, grâce à la réforme de I'ISF.
Les 1 700 plus gros contribuables français verront leur impôt diminuer en moyenne de 30 000 euros.
Ce dispositif de plafonnement des impositions, rendu encore plus injuste par son extension dans le cadre du « paquet fiscal » voté à l'été 2007, continue donc, malgré les apparences, de parachever l'oeuvre de remise en cause de la progressivité du système fiscal et de démantèlement de l'impôt de solidarité sur la fortune entamée en 2002 et poursuivie par les gouvernements successifs depuis cette date.
Ce dispositif ne vise en réalité que les ménages les plus aisés soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est ce que démontrent toutes les estimations effectuées sur l'application de cet impôt.
Il est donc urgent de supprimer cette machine à « inégaliser », ce drôle de « bouclier » qui protège les forts contre les faibles !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons déjà examiné cet amendement sous la plume du sénateur Masson.
Une telle disposition me paraît nécessairement rétroactive, madame la rapporteure générale. Or la non-rétroactivité est un principe cher à la commission des finances, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qui le rappelle à de nombreuses reprises au ministre du budget pour protéger le contribuable.
La rétroactivité étant en réalité un engagement non tenu de l'État, je ne m'engagerai pas dans cette voie. J'émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je me suis exprimée un peu brièvement afin de ne pas lasser l'assemblée, mais je vais revenir sur votre argumentation, madame la ministre, que j'avais anticipée.
Il est vrai que les revenus de 2010 ont été encaissés. Les « stratégies fiscales » pour 2011 ont été élaborées en prenant en compte l'existence du bouclier fiscal. Toutefois, le code général des impôts, que vous connaissez sans doute aussi bien que moi, prévoit que « le droit à restitution [...] est acquis par le contribuable au 1 er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus ». Si je fais les comptes, le droit de 2012 n'est pas acquis.
L'amendement n'a donc pas de portée rétroactive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons combattu le bouclier fiscal dès sa création et nous avons systématiquement demandé sa suppression à l'occasion de chaque débat budgétaire. Aujourd'hui, nous ne pouvons qu'approuver cet amendement visant à consacrer la disparition de cet objet fiscal pour le moins déroutant et parfaitement inutile.
Comme nous avons eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, le bouclier fiscal n'a jamais permis d'atteindre les objectifs que s'était fixés le Gouvernement. La démonstration est faite que nous avions raison lorsque nous dénoncions sa création. Le bouclier fiscal n'a été inventé que pour alléger l'ISF, tout simplement parce que c'était le seul impôt, sauf pour quelques redevables de la taxe foncière ne disposant que de ressources exonérées, qui pouvait conduire à dépasser le fameux seuil de 50 %.
En outre, les remboursements concernaient, d'abord et avant tout, la dizaine de milliers de redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune ayant tenté l'aventure du bouclier fiscal.
À cet égard, je rappelle qu'Éric Woerth, alors ministre du budget, avait été obligé de mobiliser les personnels des services des impôts afin de relancer les redevables de l'ISF et que ces contribuables daignent solliciter le bouclier fiscal. Avouez que c'est tout de même un peu particulier !
Sur ce sujet, on ne peut que suivre la proposition du groupe socialiste-EELV, laquelle est totalement conforme à notre démarche permanente.
J'ajoute, sur le fondement des documents budgétaires - je suis rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements » - que l'ISF n'est pas complètement clos en termes de versement. Il y a en effet un décalage entre le moment où le bouclier fiscal intervient et le paiement de l'impôt.
Même les services fiscaux n'ont pas été en mesure de nous dire jusqu'à quand nous devions inscrire dans la mission « Remboursements et dégrèvements » les éléments fiscaux nécessaires à la couverture financière du bouclier fiscal. Il n'y a donc pas de rétroactivité. Nous pouvons tout à fait prendre les dispositions pour la fin des années.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-114.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
http://www.senat.fr/seances/s201111/s20111118/s20111118005.html#par_735