VIII. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2011

Mme la présidente. Le Sénat a supprimé l'article 14 bis.

L'amendement n° 163 est présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances.

Et L'amendement n° 10 est présenté par M. Michel Bouvard.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« L'article L. 521-23 du code de l'énergie est ainsi modifié :

« 1° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « 40 % de la redevance sont affectés aux départements ... (le reste sans changement) . » ;

« 2° Le dernier alinéa est supprimé. ».

L'amendement n° 163 fait l'objet d'un sous-amendement n° 309.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 163.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse à M. Bouvard le soin de présenter ces deux amendements, puisqu'ils visent à revenir au texte adopté par l'Assemblée en première lecture, qui résulte de l'adoption d'un de ses amendements.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 309 présenté par M. Michel Bouvard, est ainsi libellé :

Substituer à l'alinéa 4 les deux alinéas suivants :

« 2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Toutefois, pour les ouvrages hydroélectriques d'une puissance installée inférieure à 4 500 kilowatts, un tiers de la redevance est affecté aux départements sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés, et un sixième aux communes concernées au même chef ou à leurs groupements sous réserve de l'accord explicite de chacune d'entre elles. L'éventuelle répartition entre plusieurs départements ou plusieurs communes est proportionnelle à la puissance moyenne hydraulique devenue indisponible dans les limites de chacune des collectivités du fait de l'exploitation de l'ouvrage hydroélectrique. ». »

La parole est donc à M. Michel Bouvard, pour soutenir les amendements n° 163 et 10, ainsi que le sous-amendement n° 309.

M. Michel Bouvard. L'amendement n° 163, qui est identique à mon amendement n° 10, vise en effet à rétablir l'article 14 bis, dont l'objet était de rétablir la répartition initiale entre l'État et les départements de la future redevance sur les installations hydrauliques, qui sera instituée au moment du renouvellement des concessions de ces ouvrages et qui se substitue à l'énergie réservée. Je tiens à m'expliquer sur ce point, car cette disposition a été critiquée au Sénat.

Il m'a en effet été reproché de supprimer une ressource essentielle pour les communes concernées. Or, tel ne peut pas être le cas, puisque la redevance dont il s'agit, celle de l'article 9-1 de la loi de 1919, n'est encore appliquée nulle part. On n'enlève donc rien aux communes, puisqu'elles n'avaient rien. Il y a en effet confusion entre, d'une part, la redevance hydraulique classique - prévue à l'article 9 -, dont bénéficient les communes, et, d'autre part, la redevance future sur les renouvellements de concession - prévue à l'article 9-1 -, conçue pour se substituer à l'énergie réservée.

De quoi s'agit-il ? Traditionnellement, les collectivités bénéficiaient, lorsqu'un ouvrage hydraulique était implanté sur leur territoire, de deux retours : l'un, financier - la redevance hydraulique, partagée de manière égale entre l'État et les collectivités, départements et communes - et l'autre, l'énergie réservée, prévue à l'article 10, qui était un volume de production d'électricité donné pour partie à l'État et pour la plus grande partie aux départements, qui l'utilisaient pour l'éclairage public ou parfois pour accompagner des entreprises en leur fournissant de l'énergie. Ce dispositif a dû être modifié en raison des règles de la concurrence, qui ont interdit d'utiliser cette énergie réservée à des fins industrielles.

J'ai donc été amené, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2006, à proposer un amendement visant à monétiser l'énergie réservée et prévoyant que, à l'échéance des concessions, les départements recevraient, à la place de l'énergie réservée monétisée, une part de la redevance domaniale partagée avec l'État ; c'est donc bien d'une ressource des départements qu'il s'agit. Toutefois, dans le cadre du projet de loi sur l'énergie, le Sénat a attribué une partie de cette ressource future aux communes aux dépens des départements, qui en ont actuellement la monétisation. Il est donc proposé, par ces amendements, de rétablir la situation initialement prévue.

Néanmoins - et c'est l'objet du sous-amendement n° 309 -, je suis conscient que des communes plutôt défavorisées, notamment dans le massif des Pyrénées et le Massif Central, sur le territoire desquelles sont implantés de petits ouvrages hydroélectriques peuvent légitimement souhaiter percevoir une partie de la redevance. C'est la raison pour laquelle je propose que l'on puisse conserver la rédaction du Sénat pour les installations d'une puissance installée de moins de 4 500 kilowatts, qui est le critère retenu pour les installations soumises à concession.

En revanche, il convient que nous rétablissions le texte adopté par l'Assemblée en première lecture pour les communes sur le territoire desquelles sont implantés de gros ouvrages. Celles-ci perçoivent en effet déjà le foncier ainsi que l'IFER hydraulique, qu'elles partagent avec le département - elles ont donc récupéré au passage une partie des ressources des régions. En outre, il s'agit généralement - François Brottes peut en témoigner - de communes plutôt aisées, en tout cas dans le massif alpin. Or, les ressources qui retournent au département servent en partie à faire de la péréquation.

En résumé, je propose que, pour les petites concessions hydrauliques, une part de la redevance revienne aux communes afin d'aider les plus petites d'entre elles, mais que, pour les grands ouvrages, qui représentent dans certains cas une tranche d'électricité nucléaire et des ressources conséquentes pour les communes, la redevance domaniale soit répartie uniquement entre l'État et le département, comme nous l'avions prévu dans le texte qui avait été adopté à l'unanimité à l'Assemblée.

Je précise, pour finir, que j'ai mené, pour le compte des départements, quelle que soit leur majorité, la négociation avec EDF, qui nous a tout de même roulés pendant trente ans. J'ai rediscuté de ce point avec Jean-Louis Bianco cet après-midi. Il est légitime que le département fédère cette ressource domaniale, quitte à ce qu'il organise ensuite une péréquation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 309 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre . J'étais favorable à l'amendement en première lecture à l'Assemblée ; au Sénat, un peu perturbée, je m'en suis remise à la sagesse de la Haute Assemblée. Donc, sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L'explication que vient de donner Michel Bouvard est fidèle à la manière dont les choses se sont déroulées. Je connais sa passion, historique, pour l'énergie réservée et je sais le combat qu'il a mené dans ce domaine. La Savoie est, du reste, l'un des départements qui s'en sont toujours le mieux tirés dans les négociations avec EDF sur ce point, car il a toujours discuté à la goutte d'eau près. (Sourires.) Comme il l'a dit, il y a eu une incompréhension de la part d'un certain nombre de nos collègues.

Pour autant, j'apprécie l'ouverture que présente son sous-amendement, qui va dans le sens du vote des sénateurs, car cette ressource compte en effet beaucoup plus qu'on ne le pense pour les petites communes qui ne sont pas riches. Par ailleurs, s'agissant des microcentrales, les arbitrages sont toujours très complexes. En effet, les usages de l'eau sont convoités aujourd'hui ; je pense à la biodiversité ou à la question des réserves collinaires. En outre, les crues torrentielles peuvent éprouver durement de petites communes, qui ont besoin de ressources pour y faire face. Il ne me semblait donc pas tout à fait responsable que les communes de proximité dont les barrages ne sont pas énormes ne soient pas intéressées. L'ouverture proposée par le sous-amendement n° 309 nous apparaît donc comme une avancée. Quant à l'extension de cette disposition à des communes accueillant des barrages importants, je ne fais pas partie de ceux qui considéreraient cette mesure comme vertueuse, que ce soit en termes de péréquation ou de mutualisation des efforts. Le groupe SRC approuvera donc le sous-amendement n° 309.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Nous approuverons cet amendement, mais, afin que l'Assemblée soit parfaitement éclairée sur les débats du Sénat, je tiens à rappeler que la suppression de la répartition proposée dans votre amendement, monsieur Bouvard, a été soutenue, au Sénat, par l'Union centriste, par le président de la commission des finances, qui n'est pas socialiste, ainsi que par le groupe RDSE et le groupe socialiste.

M. Michel Bouvard. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche !

Mme Sandrine Mazetier. Précisément, monsieur Bouvard. Au-delà des compétences que nous vous reconnaissons, il n'est pas anodin que la chambre qui représente par excellence les collectivités territoriales et qui est particulièrement soucieuse des modalités de la péréquation se soit prononcée contre votre proposition. Du reste, le Gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat. Néanmoins, puisque cette assemblée recèle des compétences et qu'elle fait preuve de beaucoup de bonne volonté, nous allons considérer ce sous-amendement avec bienveillance.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, qui me semble éprouver le besoin de rappeler la position de son groupe. (Sourires.)

M. François Brottes. Pas du tout, madame la présidente. Mme Mazetier n'a pas exprimé autre chose que la position de notre groupe.

Je n'ai pas insisté sur ce point tout à l'heure, mais, lorsque j'ai indiqué que M. Bouvard avait relaté avec exactitude la manière dont les choses se sont déroulées, je faisais allusion à la confusion qui a pu être faite entre, d'une part, l'ensemble des taxes liées au barrage que peut percevoir une commune et, d'autre part, la redevance qui vient se substituer à ce que l'on appelait autrefois l'énergie réservée et qui revenait aux départements. De ce fait, le périmètre du débat a été beaucoup plus étendu que l'objet de la disposition. Dès lors qu'il a bien été précisé que le débat porte sur un dispositif de substitution à l'ancienne énergie réservée, dispositif qui va désormais bénéficier aux communes, alors que ce n'était pas le cas jusqu'à présent, je considère qu'en adoptant ces amendements et ce sous-amendement, on ne trahit personne. Chacun est entendu, et les petites communes, qui étaient très inquiètes de ne pouvoir émarger, si je puis dire, peuvent être rassurées.

(Le sous-amendement n° 309 est adopté.)

(Les amendements identiques n° 163 et 10, ainsi sous-amendés, sont adoptés.)

Mme la présidente. L'article 14 bis est donc rétabli dans la rédaction qui résulte de ces votes.