IV. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 22 NOVEMBRE 2011)
Article 14 bis (nouveau)
L'article L. 521-23 du code de l'énergie est ainsi modifié :
1° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « 40 % de la redevance sont affectés aux départements ... (le reste sans changement). » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-82 rectifié est présenté par MM. Lasserre, Jarlier, Zocchetto, J. L. Dupont, Dubois, Guerriau et Capo-Canellas, Mme Gourault, MM. Roche, Vanlerenberghe, Bockel et Deneux, Mmes Morin-Desailly et Goy-Chavent, M. Merceron, Mme Létard et MM. Namy, de Montesquiou, Détraigne et Tandonnet.
L'amendement n° I-95 est présenté par M. Marini.
L'amendement n° I-145 est présenté par M. Repentin, Mmes Bourzai et Nicoux, M. Miquel et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° I-185 est présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, C. Bourquin et Bertrand, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour présenter l'amendement n° I-82 rectifié.
M. Jean-Jacques Lasserre. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l'article L. 521-23 du code de l'énergie, qui répartissait le produit de la redevance pour les installations hydroélectriques de la façon suivante : la moitié pour l'État, un tiers pour les départements et un sixième pour les communes concernées.
En effet, alors que le produit de cette redevance est en principe partagé entre les différents niveaux de collectivités et l'État, l'article 14 bis , dans sa rédaction actuelle, en supprime la part communale. Les motifs avancés pour justifier une telle suppression sont peu convaincants : d'une part, les communes gagnerait au remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation foncière des entreprises, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et l'indemnité forfaitaire sur les entreprises de réseaux ; d'autre part, les départements, alors avantagés, pourraient redistribuer cette ressource supplémentaire aux communes.
Or la suppression de la taxe professionnelle a, au contraire, causé un lourd préjudice aux communes, puisque l'État compense à l'euro près la perte communale par des dotations dont l'avenir est incertain au regard de l'état de ses finances.
En outre, si le produit de la redevance est dynamique à l'heure du développement des installations hydroélectriques, tel n'est pas le cas du montant d'une dotation de l'État.
Enfin, rien ne garantit que le produit de cette redevance modifiée revienne réellement aux communes, qui se trouveront une fois de plus affaiblies, d'autant qu'il s'agit en majorité de communes de montagne, supportant déjà d'importantes contraintes.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour présenter l'amendement n° I-95.
M. Philippe Marini. Cet amendement vise à maintenir la quote-part de la redevance sur les nouvelles concessions hydroélectriques affectée aux communes. Je n'ai pas compris quels pouvaient être les motifs de sa suppression.
Dans le régime existant, les communes et les départements bénéficient respectivement de 10 % et de 40 % de la ressource, sauf erreur de ma part.
Les concessions hydroélectriques sont en cours de renouvellement. Certains élus des départements concernés ont trouvé surprenante une telle modification de la répartition de la ressource entre les niveaux de collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour présenter l'amendement n° I-145.
M. Yannick Botrel. Il s'agit de revenir à la rédaction initiale de l'article L. 521-23 du code de l'énergie, qui répartissait la redevance des installations hydroélectriques entre l'État, les départements et les communes.
En effet, alors que le produit de cette redevance est en principe partagé par différents niveaux de collectivités et l'État, l'article 14 bis , issu de l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement de M. Bouvard et de la commission des finances, tend à supprimer la part communale de cette redevance, laquelle serait dorénavant redistribuée uniquement entre l'État et les départements.
Les motifs de cette suppression sont peu convaincants : d'une part, les communes gagneraient au remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation foncière des entreprises, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ; d'autre part, les départements, alors avantagés, pourraient redistribuer cette ressource supplémentaire aux communes.
Or, nous le savons tous, il est impossible de dire aujourd'hui à un maire que la suppression de la taxe professionnelle présente un avantage certain pour sa commune : aucun élu ne le croirait ! La compensation à l'euro près n'est pas au rendez-vous. Le produit des nouveaux impôts et l'avenir des dotations de compensation restent incertains. Les collectivités pâtissent, aujourd'hui, d'une grande imprévisibilité en matière de ressources.
En outre, la perception d'une redevance dont le produit est dynamique à l'heure du développement des installations hydroélectriques reste une source de financement non négligeable pour les communes concernées.
Enfin, rien ne garantit que le produit de la redevance que touchera le département suite à la modification de la répartition sera réellement redistribué aux communes : aucun critère n'est fixé à cet égard. Certaines communes risquent de perdre une part considérable de leurs revenus, s'élevant parfois jusqu'à 80 % de leurs recettes fiscales. Je pense, notamment, à la commune de Laruns, dans les Pyrénées-Atlantiques.
La suppression de la part communale de la redevance affaiblirait encore les communes concernées, d'autant qu'il s'agit en majorité de communes de montagne qui souffrent déjà de handicaps importants.
Mais l'aspect le plus choquant de cet argumentaire, c'est qu'il cache une partie de la vérité : le dispositif n'a pas pour objet de permettre aux départements de redistribuer un supplément de redevance dont ils bénéficieront - ils percevront dorénavant 40 % du produit, contre un tiers précédemment -, il vise en réalité à augmenter la part de l'État sur le dos des collectivités ! En effet, l'État percevra 60 % du produit de la redevance, au lieu de 50 % auparavant.
Nous ne pouvons accepter cette nouvelle ponction des budgets communaux au profit de l'État. L'amendement que nous présentons vise donc à supprimer l'article 14 bis , afin que les ressources des collectivités ne se trouvent pas injustement diminuées. En l'adoptant, nous reviendrons à la répartition de la redevance sur les installations hydroélectriques que notre assemblée avait inscrite dans la loi de finances pour 2010.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° I-185.
M. François Fortassin. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été excellemment défendus par mes collègues.
Outre les considérations financières évoquées, le maintien de la répartition actuelle me paraît justifié par le fait que la plupart des installations hydroélectriques visées sont implantées dans des communes de montagne dont les habitants subissent des nuisances visuelles et éprouvent la crainte de voir se déverser des millions de mètres cubes d'eau, à la suite par exemple d'un tremblement de terre. Les populations veulent bien accepter ces risques, à condition qu'elles puissent mettre un peu de beurre dans leurs épinards. Les communes de montagne en ont bien besoin !
M. Jean-Michel Baylet. Voilà un élu qui défend bien son département !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La commission des finances a émis un avis balancé d'une grande sagesse, et s'en remet à celle du Sénat... Il revient à celui-ci d'exprimer ce qu'il veut ; si j'ai bien compris, il souhaite que l'on en revienne à la répartition actuellement en vigueur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement s'en remet également à la sagesse du Sénat.
Les députés ont jugé que, à la suite de la réforme de la fiscalité directe locale, il convenait de mieux répartir les ressources entre les communes et les départements.
C'est un sujet qui appartient aux collectivités locales. Il vous revient d'indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous souhaitez ou non le maintien d'une part communale.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.
M. Jean Boyer. François Fortassin a bien expliqué les choses. Chaque territoire a ses vocations. On ne peut pas créer de microcentrales dans la Brie ou en Beauce, mais pourquoi ne pas conserver leurs richesses à nos communes de montagne, où la topographie le permet ? je souligne que l'application des nouvelles règles, l'an prochain, remettra en cause l'existence de certaines microcentrales, car le coût de leur mise aux normes sera dissuasif.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. J'approuve ces amendements.
Dans les Pyrénées, les communes concernées sont souvent en grande difficulté. Il importe d'y maintenir les populations et l'activité agricole : c'est la condition sine qua non de l'entretien de ces territoires.
Supprimer la part communale de la redevance au profit du département serait porter un mauvais coup à ces petites communes. Je pense, notamment, à celle de Larrau, en Haute-Soule, à laquelle je suis très attaché pour des raisons familiales.
Étant passionné de pêche et de chasse, j'ajoute qu'il faudrait demander aux maîtres d'oeuvre des installations hydroélectriques de bien veiller à ce que les passes à salmonidés soient parfaitement édifiées et entretenues. La discussion de ces amendements m'offre l'occasion de faire ce rappel important.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vive le saumon des Pyrénées-Atlantiques !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os I-82 rectifié, I-95, I-145 et I-185.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 bis est supprimé.