VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 22 NOVEMBRE 2010
Article 10
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-109 rectifié est présenté par MM. P. Dominati, Cambon, Revet, Bernard-Reymond et Chatillon et Mme Procaccia.
L'amendement n° I-209 rectifié est présenté par MM. Gilles, Leclerc et Milon, Mmes Desmarescaux, Panis et Sittler et Mlle Joissains.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 35
Rédiger ainsi cet alinéa :
X. - Les I à IX s'appliquent à compter du 31 octobre 2010, à l'exclusion des véhicules commandés avant cette date dont il est possible de justifier d'un acompte et immatriculés au plus tard le 31 mars 2011.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° I-109 rectifié.
M. Philippe Dominati. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit l'intégration des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises et homologués comme voitures particulières dans le champ d'application de la fiscalité relative à ces dernières, dont ils étaient jusqu'à présent exclus.
Les acteurs du secteur ne sont pas opposés à cette modification, mais ils souhaitent moduler sa mise en oeuvre dans le temps, afin de ne pas pénaliser les clients ayant déjà fait le choix de ce type de véhicules, ni les constructeurs et leurs réseaux au regard de leurs commandes en cours.
Au travers de cet amendement, nous proposons d'appliquer cette mesure sans effet rétroactif pour les véhicules commandés jusqu'à la fin du mois d'octobre 2010 et immatriculés au plus tard le 31 mars 2011.
En réalité, il s'agit de prévoir un délai de quatre mois après les dernières commandes, ce qui donne la date du 31 mars 2011 si l'on part de la fin octobre 2010.
M. le président. L'amendement n° I-209 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-401, présenté par M. Braye, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Après le mot :
appliquent
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
aux véhicules immatriculés à compter du 1 er janvier 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-109 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a été dans un premier temps examiné par la commission dans un esprit assez positif, ce qui nous conduit à solliciter l'avis du Gouvernement.
Toutefois, monsieur le ministre, cette catégorie de véhicules dite « N1 » ne comprend-elle pas de grosses voitures surélevées à quatre roues motrices, à l'habitacle confortable, performantes, silencieuses, agréables à conduire,...
Mme Nicole Bricq. Très prisées à Neuilly !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... qui se pilotent presque d'une seule main et sont à ce titre fort appréciées, d'autant qu'elles permettent de circuler en ville en regardant de haut tous les autres véhicules ? (Sourires.)
En un mot, ces voitures, qui ont naturellement toute leur place sur le marché, sont-elles vraiment des véhicules utilitaires ? Ne s'agirait-il pas de faire prendre une mauvaise habitude à nos entreprises ?
M. le président. Vous connaissez bien ces véhicules, monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je circule dans la rue comme vous. Mais je n'en ai jamais conduit !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Monsieur le rapporteur général, je crois que nous avons compris où vous vouliez en venir : vous vous demandez si ce ne sont pas les 4x4 qui ont créé un effet d'aubaine pour les entreprises. Vous avez raison : tel a bien été le cas, de façon assez spectaculaire d'ailleurs.
L'objectif de la mesure proposée par le Gouvernement est d'en finir avec cet effet d'aubaine. L'article 10 permet de rétablir le champ d'application du droit fiscal en vigueur avant les modifications de la réglementation technique. Il s'inscrit dans une perspective de justice fiscale.
En effet, les 4x4 de luxe et les monospaces, fortement émetteurs de CO2, se sont retrouvés, par une curieuse inversion des valeurs, dans une espèce de niche fiscale ; celle-ci a fait d'eux des produits d'appel et constitue un péché contre l'esprit.
Mme Nathalie Goulet et M. Jacques Gautier. Un péché contre l'esprit est aussi un péché contre le corps ! (Sourires.)
M. François Baroin, ministre. Nous revenons tout simplement à une logique d'équité. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. Philippe Dominati. Je retire l'amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° I-109 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-149, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les frais de déplacement de moins de dix kilomètres effectués en zone urbaine disposant de transports collectifs entre le domicile et le lieu de travail ne sont plus admis, au titre des frais professionnels réels. Les frais de déplacement de plus de dix kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est toutefois supérieure à 10 kilomètres, la déduction admise porte sur les vingt premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Pour le Gouvernement, faire des économies revient à supprimer des postes dans l'éducation, à trancher dans le budget de la culture, à supprimer les réductions d'impôt qui profitent au plus grand nombre et permettent de créer des emplois ou encore à faire des chèques de plusieurs millions d'euros pour les plus riches, ceux qui « payent trop d'impôts ».
Pour les écologistes, afin d'être véritablement économes, il nous faut utiliser au mieux les ressources et conditionner les dépenses de l'État à un objectif social ou environnemental. Tel est l'objet de cet amendement.
D'un point de vue environnemental, la déductibilité des frais liés aux déplacements de moins de dix kilomètres entre le domicile et le lieu de travail ne se justifie pas dans des zones urbaines disposant de transports collectifs, car elle n'incite pas véritablement à utiliser ces derniers.
Pourtant, certaines villes disposent d'un réseau de transports très efficace et les économies réalisées sur les déductions octroyées auparavant pourraient, par exemple, financer des agences de mobilité, chargées de favoriser l'usage du vélo, des transports en commun et de l'autopartage.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, au travers de cet amendement, un dispositif qui vise à encourager la prise des transports en commun, au moyen d'une réduction de la déductibilité des frais kilométriques pour les déplacements inférieurs à dix kilomètres, distance correspondant au trajet moyen entre un domicile et une gare.
J'ajoute que cet amendement est complémentaire de l'amendement n° I-148 visant à indemniser les déplacements à vélo pour les foyers ne disposant pas de véhicules individuels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission juge cette démarche intéressante, mais estime qu'elle pourrait être avantageusement encore un peu travaillée.
Par exemple, si cet amendement était adopté, un médecin se déplaçant pour ses visites devrait prendre les transports en commun dès lors qu'il parcourt en zone urbaine, selon les cas, plus de dix ou de vingt kilomètres. Et s'il ne les prend pas, ses frais ne seraient plus déductibles. Il en irait de même pour tout autre professionnel.
M. Philippe Dominati. Comme le représentant de commerce !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait, monsieur Dominati : un représentant de commerce devrait également prendre les transports en commun avec tout son bataclan.
Ce n'est certainement pas ce que vous souhaitez, monsieur Desessard. Je crois plutôt que vous cherchez à limiter la déductibilité afin d'inciter à des transports plus respectueux de l'environnement. Tel est votre objectif, et il est tout à fait louable. Toutefois, je n'ai pas le sentiment que le dispositif que vous proposez permette de l'atteindre, ni qu'il soit tout à fait opérationnel.
En outre, le kilométrage est-il toujours l'aune à laquelle il faut apprécier ces déplacements ? On ne parcourt pas la même distance selon que l'on réalise un itinéraire rectiligne ou que l'on est tenu de desservir un quartier dense et qu'il faut aller et venir en fonction des sens de circulation, par exemple.
En un mot, sans doute faudrait-il que ce dispositif soit approfondi ; dans l'immédiat, nous sollicitons le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Les mesures qui sont proposées ici pénaliseraient de très nombreux salariés qui optent pour les frais réels indépendamment du mode de transport qu'ils utilisent.
Je rappelle que la prise en charge partielle par l'employeur des frais d'abonnement aux transports en commun ou à un service public de location de vélos a été rendue obligatoire dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Je partage la position exprimée par M. le rapporteur général : il faut creuser la question.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° I-149 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de vos explications : j'y suis sensible et je retire donc mon amendement.
En revanche, monsieur le ministre, vous avez émis un avis défavorable sur mon amendement au motif qu'il tendrait à pénaliser de nombreux salariés. Voilà qui est intéressant : je ne manquerai pas de reprendre cet argument en temps utile et de vous l'opposer à mon tour sur certaines dispositions que vous pourrez nous proposer ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° I-149 est retiré.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)