V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article a pour objet de réviser le champ de la taxe sur les véhicules de sociétés et d'autres taxes sur les véhicules, afin de réintégrer les véhicules de tourisme qui, en application de la directive 2007/46/CE, peuvent être exonérés par assimilation à des véhicules utilitaires.

I. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DE LA TAXE SUR LES VÉHICULES DE SOCIÉTÉS

A. LES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE TAXATION DES VÉHICULES

1. La taxe sur les véhicules de société

L'article 1010 du code général des impôts prévoit que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle, appelée « taxe sur les véhicules de société » (TVS), à raison des véhicules qu'elles utilisent (par location ou mise à disposition) en France quel que soit l'Etat d'immatriculation, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France, lorsque ces véhicules relèvent de la catégorie des voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970 2 ( * ) . La TVS n'est cependant pas applicable aux véhicules destinés exclusivement à la vente, à la location de courte durée ou à l'exécution d'un service de transport public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société.

La TVS n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. Les tarifs sont depuis 2006 fixés en fonction du taux d'émission de dioxyde de carbone et non plus de la puissance administrative, selon le barème ci-après :

Barème de la TVS selon la date d'acquisition ou d'utilisation du véhicule

Véhicules ayant fait l'objet d'une réception communautaire, dont la première mise en circulation est intervenue à compter du 1 er juin 2004 et qui n'étaient pas possédés ou utilisés par la société avant le 1 er janvier 2006

Taux d'émission
en gr. CO 2 / km

Tarif en euros
par gr. CO 2

< ou = 100

2

> 100 et < ou = 120

4

> 120 et < ou = 140

5

> 140 et < ou = 160

10

> 160 et < ou = 200

15

> 200 et < ou = 250

17

> 250

19

Autres véhicules

Puissance fiscale en chevaux-vapeur

Tarif en euros

< ou = 4

750

De 5 à 7

1 400

De 8 à 11

3 000

De 12 à 16

3 600

> 16

4 500

2. La taxation des voitures polluantes

Les véhicules immatriculés en tant que voitures particulières sont également soumis, depuis le 1 er janvier 2009, à une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation 3 ( * ) , communément appelée « malus automobile » ou « écopastille », prévue par l'article 1011 bis du code général des impôts. Le barème est progressif - de 200 à 2 600 euros - en fonction du taux d'émission de CO 2 . A compter du 1 er janvier 2011, le barème sera plus sévère avec un abaissement des seuils et tarifs de 5 gr. CO 2 / km. Le malus sera donc applicable dès le seuil de 151 gr. CO 2 / km au lieu de 156 gr. CO 2 / km en 2010.

Avant 2009 , seules les voitures particulières les plus polluantes et dont la première mise en circulation était intervenue à compter du 1 er juin 2004, émettant plus de 200 gr. CO 2 / km ou dont la puissance fiscale était supérieure à 10 chevaux-vapeur, étaient soumises à une taxe additionnelle prévue à l'article 1010 bis du même code.

Enfin l'article 1011 ter soumet à une taxe annuelle de 160 euros les voitures particulières dont le taux d'émission de dioxyde de carbone dépasse 245gr. / km (240 gr. / km à compter de 2012), à l'exception, notamment, des véhicules détenus ou utilisés par des sociétés et soumis à la TVS .

Ces trois taxes, comme la TVS, font référence à la définition des « voitures particulières » issue du 1 du C de l'annexe II de la directive 70/156/CEE précitée.

3. Le plafonnement de la déductibilité des amortissements

Il existe en outre pour ces véhicules des dispositions particulières en matière d'amortissement, tendant à plafonner leur déductibilité en tant que charges.

Ainsi le 4 de l'article 39 du code général des impôts exclut des charges déductibles , pour les entreprises imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'amortissement et les loyers de location et de crédit-bail des véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, pour la fraction de leur prix d'acquisition qui dépasse 9 900 euros pour les véhicules les plus polluants (soit un taux d'émission supérieur à 200 gr. CO 2 / km), et de 18 300 euros pour les autres. L'article 93 du même code prévoit les mêmes dispositions pour le calcul des bénéfices non commerciaux.

B. LA FACULTÉ D'OPTIMISATION NÉE DE LA DIRECTIVE DE 2007

La directive-cadre 2007/46/CE du 5 septembre 2007 4 ( * ) s'est substituée à la directive précitée du 6 février 1970 en modifiant la réglementation technique afférente à la réception des véhicules à moteur. Ces dispositions ont été transposées en droit français par un arrêté du 4 mai 2009.

Cette directive permet d'homologuer dans certaines conditions des « véhicules à usages multiples », aménagés comme des voitures particulières et qui relevaient auparavant de la catégorie M1, dans la nouvelle catégorie dite « N1 », prévue par son annexe II et qui concerne essentiellement les véhicules utilitaires légers . La catégorie N1 regroupe ainsi les « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal ne dépassant pas 3,5 tonnes », qui ne comportent pas plus de sept places assises (dont celle du conducteur) et qui peuvent transporter, une fois la totalité des sièges occupés, autant de bagages ou de marchandises que le poids des passagers embarqués. Ces caractéristiques sont donc suffisamment larges pour permettre d'assimiler certaines voitures de tourisme à des véhicules utilitaires.

Le champ d'imposition s'en trouve en pratique réduit puisque ces véhicules administrativement considérés comme utilitaires bénéficient d'une exonération de la TVS et des autres taxes exposées supra , soit la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation, le « malus » et la taxe sur les véhicules les plus polluants. De même, ces véhicules N1 bénéficient d'une absence de limitation de la déduction des amortissements ou des loyers de location et de crédit bail, telles que prévues aux articles 39 et 93 du code général des impôts. Ils sont donc fiscalement amortissables pour leur prix réel d'acquisition.

Ce dispositif est paradoxal puisqu'il contribue in fine à favoriser fiscalement des véhicules de grandes dimensions, tels que la Renault Laguna break ou la Citroën C5 break, ou de grosse cylindrée avec émissions de dioxyde de carbone élevées, tels que l'Audi Q7, le Volkswagen Touareg et le Porsche Cayenne, qui étaient supposés figurer parmi les plus imposés. Certains constructeurs ont d'ailleurs rapidement intégré cette incohérence en proposant dès l'été 2009 des gammes dédiées de véhicules correspondant à cette catégorie.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article entend mettre fin à l'incohérence fiscale née de la transposition de la directive 2007/46/CE pour éviter, à champ constant, qu'une modification de la règlementation technique permette de contourner l'esprit de la législation fiscale.

Il propose donc d'intégrer dans le champ d'imposition aux différentes taxes, en particulier à la TVS, et dans celui du plafonnement des amortissements déductibles, les véhicules classés dans la catégorie N1 mais dont l'usage et la destination sont ceux d'un véhicule de tourisme . Ainsi seuls continueraient d'être exonérés les véhicules utilitaires « classiques », c'est-à-dire affectés à la livraison de marchandises, ne disposant de places assises qu'à l'avant du véhicule.

Pour éviter tout effet d'aubaine en fin d'exercice, le X du présent article prévoit l'application de ces dispositions à compter du 1 er octobre 2010 , soit le lendemain du dépôt du présent projet de loi de finances.

A. L'ADAPTATION DES CHAMPS DE LA TVS ET DU PLAFONNEMENT DES AMORTISSEMENTS DÉDUCTIBLES

Le VI du présent article réécrit le premier alinéa de l'article 1010 du code général des impôts, relatif au champ de la TVS, pour préciser que les véhicules imposés relèvent de la catégorie des « véhicules de tourisme ». Les conditions d'utilisation ou de possession demeurent inchangées. Ces véhicules de tourisme sont définis comme :

- les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II de la directive 2007/46/CE précitée ;

- les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés dans la catégorie N1, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens. Cette définition par destination permet d'inclure tous les véhicules de tourisme, nonobstant leur classification technique.

Le I modifie le 4 de l'article 39 du code général des impôts, relatif à la non-déductibilité de certaines charges, pour tenir compte de cette nouvelle définition :

- aux a et b, relatifs au plafonnement de la déductibilité de l'amortissement de certains véhicules acquis, loués ou faisant l'objet d'une opération de crédit-bail, les « véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 » se substituent ainsi, respectivement, aux véhicules « immatriculés dans la catégorie des voitures particulières » et aux « voitures particulières » ;

- au sixième alinéa, relatif à la prise en compte de ces amortissements non-déductibles pour la détermination de la plus ou moins-values de cession des véhicules, la mention des « véhicules de tourisme » est précisée par référence à l'article 1010.

Le III procède à une modification analogue dans le 3° du 1 de l'article 93, relatif au périmètre des charges déductibles pour la détermination du résultat imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, qui fait actuellement référence aux « voitures particulières ».

B. LES DISPOSITIONS DE COORDINATION ET DE COHÉRENCE AFFÉRENTES AUX OBLIGATIONS DÉCLARATIVES ET AUX AUTRES TAXES

Par coordination et cohérence , les autres alinéas du présent article modifient des dispositions du code général des impôts, en particulier celles relatives aux obligations déclaratives des contribuables et aux autres taxes sur les véhicules, mentionnées supra , pour intégrer la nouvelle définition des véhicules de tourisme ou la référence à la directive précitée du 5 septembre 2007. Les termes « automobiles », « voitures particulières », « voitures de tourisme » ou « véhicules de tourisme » sont ainsi remplacés ou complétés, selon le cas, par une référence aux « véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 » dans les articles suivants du code général des impôts :

- l'article 54 bis , relatif à la déclaration (jointe à celle des résultats de l'exercice) de l'affectation des véhicules figurant à l'actif de l'entreprise ( II du présent article) ;

- l'article 170 bis , relatif aux obligations déclaratives de toute personne qui possède certains biens 5 ( * ) ( IV ) ;

- l'article 199 undecies B, relatif à des réductions d'impôt accordées au titre de certains investissements réalisés en outre-mer ( V ) ;

- l'article 1010 bis précité, relatif à la taxe additionnelle à la taxe sur les certifications d'immatriculation ( VII ) ;

- l'article 1011 bis précité, relatif au « malus » automobile ( VIII ) ;

- l'article 1011 ter précité, relatif à la taxe annuelle applicable aux véhicules les plus polluants ( IX ). Le 3° du IX répare également une double erreur dans le dernier alinéa du I de cet article, qui faisait référence à la « taxe sur les véhicules de société », qui n'est pas désignée comme telle dans l'article 1010 (mais dans le chapitre que l'annonce), et à l'exonération des sociétés, alors qu'en l'espèce ce sont les véhicules qui sont exonérés.

* *

*

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général ne peut qu'être favorable à ces dispositions qui restaurent la logique et l'esprit de la TVS et du « malus » écologique en comblant une lacune qui permettait à certains véhicules très polluants d'être exonérés.

En effet, d'après les informations transmises à votre rapporteur général, le nombre de véhicules immatriculés par effet d'aubaine dans la catégorie N1 est estimé à 8 000. En se fondant sur une moyenne de 5 000 euros d'avantage fiscal par an et par véhicule, le gain associé à cette mesure concernant la catégorie des véhicules N1 est évalué à 40 millions d'euros .

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 Directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques.

* 3 Cette taxe perçue par les régions est prévue par l'article 1599 quindecies du code général des impôts.

* 4 Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules.

* 5 Voiture de tourisme destinée exclusivement au transport des personnes, yacht, bateau de plaisance ou un ou plusieurs chevaux de course.