La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Jean-Michel LEMETAYER Président de la FNSEA

La question qui est posée dans la table ronde « la ruralité est-elle encore agricole ? » a déjà suscité beaucoup de réponses : des réponses diverses et des appels aussi. J'ai entendu dans la dernière intervention une forme d'appel pour un type d'agriculture pour demain. La question telle qu'elle est posée devrait plutôt susciter des constats.

Si le monde rural comme l'a rappelé le ministre tout à l'heure a gagné 500 000 habitants, la population agricole, les retraités en général ont beaucoup perdu. Mais cette perte peut être relativisée. Le dernier recensement de l'agriculture a montré que si nous perdions des exploitants chefs d'entreprises, nous gagnions des actifs salariés. L'agriculture engage donc plus d'un million d'actifs (exploitants et actifs familiaux) auxquels il faut ajouter plus de 200 000 salariés permanents et près d'un million de salariés saisonniers.

Les questions qui se posent à cet égard ne concernent pas seulement les dégâts subis par les paysans. Elles portent aussi sur les conséquences en termes d'emploi et d'activité économique en une année dans cette zone. Il n'y aura pas d'emplois saisonniers qui permettent parfois à des familles et aux commerces locaux de vivre. C'est en ces termes-là qu'il faut encore prendre toute la dimension de notre agriculture et ce qu'elle représente. Il faut rappeler que dans beaucoup de communes rurales, l'agriculture est la première activité économique.

Malheureusement, M. Miquel l'a dit tout à l'heure à juste titre, lorsque disparaît une ferme, ça n'émeut personne. Nous n'avons pas la capacité à faire valoir ce que cela représente, au regard de l'émotion que peut créer la fermeture d'une usine de mille salariés. Or la situation vécue en termes de diminution des exploitations est pire que cela. Si la France doit être autant attachée à son milieu rural, on devrait s'émouvoir tout autant de la disparition des fermes que de la fermeture de Metaleurop ou de Daewoo.

Les élus que vous êtes se sont souvent battus pour faire venir certaines de ces entreprises à coup de subventions. Sans la volonté de fixer les emplois des activités économiques, il n'y aura pas de monde rural. C'est la raison pour laquelle il faut d'abord se battre pour garder l'activité économique historique, l'agriculture, dans le monde rural.

Il faut aller au-delà des chiffres. On a souvent parlé de l'agroalimentaire. Je crois qu'on ne parle pas suffisamment de tous les emplois qui sont en amont. Je préside un salon professionnel de l'élevage qui rassemble depuis septembre 1 300 entreprises essentiellement composées de PME des secteurs de l'agrofourniture, de l'agroéquipement et des services. Ces PME ne sont pas basées en milieu urbain. Elles sont toutes fixées en milieu rural. Aujourd'hui, nous vivons des crises dans le porc, la volaille, les fruits et légumes voire le secteur des céréales. Les conséquences de cette crise généralisée sont immédiates, en termes d'investissement des agriculteurs. Certaines PME s'interrogent sur le devenir de leurs activités.

Il faut donc avoir bien conscience qu'au-delà de notre propre activité d'agriculteurs, il y a tout ce que l'agriculture génère. Même si les chiffres en pourcentage sont en diminution, ils demeurent très réels. Il faut donc se battre pour défendre cette activité économique qu'est l'agriculture avec tout son environnement. Pour ce faire, il faudra mettre l'accent sur la politique de désenclavement.

Si on veut qu'il y ait activité économique, y compris agricole, il ne faut pas que cette loi sur les affaires rurales laisse de côté la politique de désenclavement de l'ensemble de nos territoires. C'est peut-être une question qui relève d'un autre ministère, mais le désenclavement est essentiel pour donner la chance à tous nos territoires.

Si nous nous battons pour une autre politique agricole commune que celle que veut nous vendre monsieur Fischer, c'est pour sauvegarder les revenus des paysans. Si on ne réhabilite pas les prix agricoles pour assurer les revenus des paysans, on va démanteler le monde rural à court terme. Un de mes illustres prédécesseurs, Raymond Lacombe, disait à juste titre qu'il n'y aura « pas de pays sans paysans ». J'ajoute, et les chiffres sont malheureusement là pour en témoigner, qu'il n'y aura « pas de paysan sans revenu ». On ne gardera pas les paysans pour entretenir et façonner les paysages s'ils n'ont pas des revenus conséquents.

Pour répondre aux espaces naturels et consommés évoqués tout à l'heure, il faut que l'agriculteur vive d'abord de son métier qui consiste à produire. Ce qui n'empêche pas, comme le rappelle notre rapport d'orientation de Rodez, de développer la multifonctionnalité, la diversification et sous certaines conditions, la pluriactivité. Mais la condition première est d'avoir une politique agricole qui donne des perspectives aux agriculteurs. À cet égard, une meilleure gestion de marché que celle proposée est cruciale, puisqu'on nous propose même le démantèlement de la politique des marchés. Les paysans n'assumeront leur avenir, que s'ils ont des revenus conséquents pour vivre de leurs métiers.

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