La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

3ème Table Ronde : La fracture rurale

Quelles sont les solutions aux problèmes économiques du monde rural ? Comment préserver les services publics et stopper la disparition des services de proximité notamment ceux liés à la Santé ? Pourquoi l'insécurité augmente-t-elle en milieu rural ? Quelles mesures novatrices pour conserver une économie rurale (commerces, artisanat, PME-PMI ...) ? Comment préserver l'originalité du tissu associatif rural ?

Président de Table Ronde Ladislas PONIATOWSKI

Je voudrais commencer par remercier Thierry Coste. Un certain nombre d'entre vous le connaissent, personnage un peu spécial qui a touché à beaucoup de métiers. Il a été agriculteur, responsable syndical, écologiste, et il est également connu pour avoir eu quelques activités politiques. C'est un grand lobbyiste devant l'Éternel, et on sait qu'il est le conseil du monde agricole et du monde de la chasse. En tout cas je voudrais le remercier pour sa passion, pour l'humour dont il fait preuve, et puis pour sa rigueur - il est parfois sévère, il a raison, et je lui demande de le rester jusqu'au bout.

Je voudrais ensuite m'excuser pour l'absence de débat ce matin, et je ne suis pas sûr qu'il y aura cet après-midi beaucoup de temps disponible à cause de l'impératif de Jean-Pierre Raffarin. Il vient, il tient à venir. Ce colloque a eu lieu parce qu'il a tenu à être des nôtres. S'il n'avait pu l'être, ce colloque aurait été repoussé en septembre. Il tenait à adresser à l'ensemble des acteurs du monde rural un message sur la ruralité. Il sera là avec des impératifs, et nous respecterons donc ces impératifs. Je m'excuse par avance si le débat risque d'être limité.

Je voudrais enfin passer un message. Il y a de nombreux élus dans cette salle, de nombreux élus qui ont répondu présent. Il y aussi beaucoup d'élus qui se sont excuser de ne pouvoir venir mais qui aimeraient avoir les actes du colloque. Je tiens à les rassurer, nous publierons un livre avec l'ensemble des interventions.

Sans préjuger de ce que Monsieur Jean-Pierre Raffarin va nous dire ou nous révéler du texte de loi « Affaires Rurales » présenté en Conseil des ministres fin août et débattu en octobre à l'Assemblée Nationale et en novembre au Sénat, je souhaite qu'il y ait un volet consacré aux collectivités territoriales et à l'intercommunalité en milieu rural.

François ROUSSELY Président Directeur Général d'EDF

Il me semble que l'histoire entre EDF et le monde rural est une histoire qui est consubstantielle pour les communes rurales comme pour EDF. EDF a été créée, en quelque sorte, dans la ruralité et est l'illustration même de ce qu'est le coeur du service public, c'est-à-dire l'égal accès, la continuité, la qualité et l'adaptation. Dans un territoire qui est le plus étendu d'Europe, dans un territoire qui a une densité de population deux fois moindre que celle de l'ensemble de l'Europe, il est bien évident que la problématique du développement, du maintien et de l'organisation du service public de l'électricité en milieu rural est au coeur de toutes les interrogations, à l'heure où ce monde vit, non pas uniquement le problème de la ruralité, mais celui de son élargissement à l'échelle européenne et celui de la libéralisation.

Je distingue bien l'ouverture des marchés du lancinant problème de l'ouverture du capital de l'entreprise qui est un tout autre sujet. L'ouverture des marchés ne concerne en rien les réseaux de distribution de l'électricité, qu'ils soient les réseaux de transport à haute tension ou les réseaux de distribution, dont une partie vous appartient d'ailleurs et pour laquelle nous ne sommes que vos concessionnaires, qui ont une vocation à rester unique, avec une tarification unique, et même une tarification « timbre-poste » qui signifie que la tarification du transport est indépendante de la distance. Ce qui veut dire que la tarification est identique sur l'ensemble du territoire.

Que faut-il attendre du réseau de distribution ? Tout d'abord une qualité de fourniture. Le monde rural, pour nous, entreprise qui dessert 26 pays dans le monde et qui a 46 millions de clients, représente plus 12 millions de foyers qui sont les 28 000 communes rurales - je ne vais pas vous asséner les 300 000 kilomètres de lignes à moyenne tension et les 400 000 kilomètres de lignes basse tension, ou encore les 500 000 postes de transformation qui sont dans vos communes et qui sont le coeur de notre activité. Dès l'origine de l'entreprise, en 1946, le principe de l'égalité de tous devant le service public de l'électricité s'est imposé. Ce qui veut dire qu'à la fois en termes de tarifs ou de qualité de service nous ne faisons aucune différence quant à l'objectif entre les communes rurales et les communes urbaines. Le fait, par exemple, d'avoir le même objectif de qualité de service, c'est-à-dire le même temps de coupure moyen dans les communes rurales et dans les communes urbaines, est pour nous le même impératif que celui de vous facturer le prix du kilowatt/heure le même prix dans n'importe laquelle de vos communes, au pied d'une centrale nucléaire ou dans le huitième arrondissement à Paris. Et si l'on veut bien regarder les éléments authentifiés par un critère simple, à savoir le temps de coupure, je suis heureux de constater que dans le courant de l'année 2002, nous avons diminué de cinq minutes - ce qui est, d'une certaine façon, un progrès considérable - le temps de coupure moyen sur l'ensemble du territoire. Nous sommes maintenant à 51 minutes, ce qui est pratiquement le record d'Europe, surtout si l'on tient compte de notre densité de population et compte tenu de la nature de la distribution. Pour obtenir ce résultat-là en milieu rural, et c'est à la charge de l'entreprise, il faut des moyens beaucoup plus importants.

Le deuxième enjeu ce sont les interventions techniques et la qualité de la réponse fournie, avec des centres d'appel ouverts 24 heures sur 24 et des qualités d'intervention tout au long de la journée et tout au long de l'année.

Le lien qui unit EDF aux territoires ruraux, à savoir le cahier des charges, et les concessions, traduit bien la diversité de vos attentes et la diversité des moyens que l'on met à votre disposition pour atteindre ces objectifs. Nous sommes solidaires du développement rural et de votre diversité, et je souhaite que l'on continue à être les partenaires les plus actifs dans ce domaine.

Le parlement, le Gouvernement et les autorités européennes ont décidé de certains changements. Les grands clients industriels depuis 1999 dans les faits, et depuis 2000 au niveau législatif, ont la liberté de choix. Au 1 er juillet 2004, c'est-à-dire demain, 2 500 000 clients, soit 70 % de notre chiffre d'affaires - c'est-à-dire tous les professionnels, toutes vos communes, toutes les entreprises, toutes les exploitations agricoles, tout ce qui est hors résidentiel - auront la liberté de choisir un autre fournisseur d'électricité qu'EDF.

Il y a plusieurs conséquences à cela, et notamment des éléments de dissociation. Auparavant, en poussant la porte de l'entreprise EDF, vous accédiez à la fois au producteur, au transporteur, au distributeur, c'est-à-dire la ligne finale, et au commercialisateur. Avec un interlocuteur unique vous accédiez à la diversité des responsabilités et des compétences de l'entreprise intégrée qu'était EDF. Demain, vous aurez plusieurs types d'interlocuteurs. Vous aurez donc, à cet égard, le sentiment d'une plus grande complexité.

Il y a une deuxième conséquence, notamment pour le monde rural. EDF a comme caractéristiques, sans doute avec La Poste, d'être le dernier grand service public présent à un niveau infra arrondissement. Cela s'appelle aujourd'hui des agences d'exploitation qui comprennent à la fois la fonction clientèle et la fonction réseau. Demain nous allons séparer ces deux fonctions puisque nous devons identifier la fonction réseau pour l'ouvrir à tous nos concurrents et la fonction clientèle qui fera que nous serons un fournisseur d'électricité parmi d'autres. La séparation de ces fonctions va poser le problème de la rentabilité et de l'organisation de nos services au plus près de vos besoins.

Nous avons pris deux décisions qui me semblent aller dans le sens des préoccupations rurales. La première décision est de se dire que ce qui est le plus plébiscité par nos clients, comme par les élus, est la proximité, c'est-à-dire les petites voitures bleues. Nous avons décidé, malgré cette directive, d'organiser nos services communs de la même façon que celle qui a toujours prévalu depuis 1946. Autrement dit, nous voulons justifier, au regard de Bruxelles, que la séparation entre Gaz de France et EDF et que la séparation entre les activités de réseau et les activités de clientèles ne devaient pas affecter, dans le fond, nos 65 000 collaborateurs, car ils sont la garantie de la présence, de la continuité, de la qualité du service, mais également d'une connaissance humaine et interpersonnelle.

La deuxième décision concerne le rapport qu'une entreprise internationale comme EDF se doit d'avoir avec le territoire local. Nous avons besoin d'être européen parce que nos clients sont européens, mais nous n'avons pas de raisons d'exister à moins d'être complètement enraciné dans le territoire et le terroir. EDF doit avoir un rapport avec le territoire, et pas seulement avec ses clients. Nous desservons de la même façon un client unique au bout d'une ligne de 50 kilomètres et une agglomération de 500 000 habitants. Je crois qu'aujourd'hui nous devons mieux étudier comment l'évolution de l'entreprise est compatible avec le maillage sur le territoire. J'ai donc demandé qu'une étude soit menée avec la DATAR, avec le Plan, avec tous ceux qui ont à étudier les problèmes de territoire, pour voir ce que veut dire le maintien d'un maillage territorial de grande densité dans la France de demain, pour qu'EDF puisse rendre, dans un univers libéralisé qui a beaucoup de contraintes pour nous, les mêmes services qu'elle a rendu pendant 50 ans.

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